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HUMA Rapport du Comité

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CHAPITRE 3 : VOLETS DU PROGRAMME DES TRAVAILLEURS ÉTRANGERS TEMPORAIRES

Outre les préoccupations d’ordre général concernant le processus de traitement des demandes d’EIMT, des témoins ont traité d’autres aspects du PTET qui, bien qu’ils soient souvent liés aux EIMT, portent plus particulièrement sur les volets du programme. La raison en est que chaque volet comporte ses propres exigences, comme il est expliqué précédemment. Voici les principales préoccupations soulevées par les témoins en ce qui concerne des aspects précis des volets du programme.

A. Volet des postes à haut salaire

1. Plan de transition

Les employeurs désireux d’embaucher des ressortissants étrangers temporaires dans le cadre du volet des postes à haut salaire sont tenus de présenter un plan de transition avec leur demande d’EIMT depuis juin 2014. À propos de cette exigence, des témoins se sont dit préoccupés par le fait que le plan de transition « ne convient pas » ou « n’est pas réaliste » pour les entreprises en quête de personnes hautement spécialisées, comme les meilleurs innovateurs ou spécialistes de la santé au monde qu’on ne trouve souvent pas au pays. Ces personnes, font-ils remarquer, répondent non seulement à des besoins de main-d’œuvre temporaire, mais elles contribuent aussi à former les Canadiens pour que ceux-ci dépendent moins de la main-d’œuvre étrangère temporaire à long terme. Pour l’industrie de la haute technologie, qui fonctionne selon des contrats de travail d’une durée déterminée et qui a souvent besoin de trouver des employés à court préavis, les exigences comme le plan de transition et l’EIMT sont décrits comme étant particulièrement coûteuses[38].

La pénurie de travailleurs hautement qualifiés est bien documentée. Dans son mémoire, l’Association du Barreau canadien fait observer que « [b]ien que l’éducation et la formation augmenteront à moyen et à long terme le nombre de travailleurs qualifiés, les entreprises canadiennes continueront d’avoir besoin de travailleurs étrangers hautement qualifiés[39] ». Selon elle, cette pénurie de travailleurs découle du faible taux de natalité, de la faible croissance de la population ainsi que de l’importante vague de baby-boomers partant à la retraite[40].

Des représentants d’organisations qui embauchent des travailleurs au titre de ce volet, comme l’Association canadienne du logiciel de divertissement, Technicolor, Montréal International et l’Association canadienne de la technologie de l’information, reconnaissent que, malgré les importantes initiatives de formation en place, il faudra un certain temps avant que ces personnes puissent contribuer à combler le manque de main-d’œuvre. Ces initiatives comprennent la formation de Canadiens dès leur tout jeune âge et des activités novatrices de recrutement des femmes dans l’industrie de la haute technologie[41].

Des témoins ont suggéré un certain nombre d’options pour mieux répondre aux besoins des employeurs et des travailleurs du volet des postes à haut salaire, y compris l’abolition de l’exigence relative au plan de transition ou, dans le cas de l’industrie de la haute technologie, le rétablissement du programme fédéral des travailleurs des TI qui exemptait les postes désignés liés aux technologies de l’exigence relative à l’EIMT. Si l’exigence relative au plan de transition demeure en place, toutefois, des témoins ont demandé qu’on les autorise à présenter un plan de transition annuel pour l’ensemble de l’entreprise ou pour l’ensemble de l’industrie. Des témoins ont fait remarquer que cette dernière mesure réduirait le fardeau administratif de l’entreprise demanderesse ainsi que des fonctionnaires de Service Canada. Selon la Vancouver Economic Commission, une autre solution possible pourrait être l’établissement d’un volet pour les travailleurs hautement spécialisés ou les professionnels engendrant des retombées économiques élevées des industries employant des travailleurs étrangers temporaires hautement spécialisés, comme l’industrie de la haute technologie[42].

Autre solution, au lieu d’exiger un plan de transition décrivant les initiatives d’une entreprise pour faire la transition vers une main-d’œuvre canadienne, des témoins ont laissé entendre que le PTET pourrait servir à accroître les possibilités de formation. Par exemple, ils ont parlé de recourir au programme afin de créer des possibilités de formation en apprentissage obligatoire pour les Canadiens, qui permettraient le transfert de connaissances au pays et réduiraient la dépendance à la main-d’œuvre étrangère au fil du temps. Christopher Smillie, conseiller principal auprès des Syndicats des métiers de la construction du Canada, a laissé entendre que cette approche pourrait être très utile aux travailleurs spécialisés canadiens puisque, à l’heure actuelle, seulement 19 % des entreprises canadiennes embauchent et forment les apprentis[43].

B. Volet des postes à bas salaire

1. Limite de la proportion de main-d’œuvre composée de travailleurs étrangers à bas salaire

Des témoins ayant comparu devant le Comité se sont aussi dit préoccupés par le fait que les employeurs comptant 10 employés ou plus et demandant une nouvelle EIMT sont désormais visés par une limite de 10 % quant au pourcentage de travailleurs étrangers temporaires à bas salaire qui peuvent faire partie de leur main-d’œuvre. Pour les employeurs qui étaient à l'origine au-dessus du seuil, la limite a été appliquée progressivement sur une période de trois ans à compter de juillet 2014, et est actuellement à 20 %.

Des témoins de divers secteurs de l’économie canadienne, comme l’industrie des produits de la mer, de l’hébergement et de la transformation de la viande, ont fait état de leurs difficultés à trouver suffisamment de Canadiens pour combler les postes vacants et ont traité des répercussions que la limite a sur leurs niveaux de production.

Des représentants de la Maritime Seafood Coalition ont expliqué qu’avant l’introduction de la limite, l’industrie des produits de la mer des Maritimes souffrait déjà d’une pénurie de main-d’œuvre à cause du vieillissement de l’effectif et de la migration vers d’autres régions. Des secteurs comme l’industrie du homard, par exemple, devaient compter sur les travailleurs étrangers temporaires pour combler de 20 à 25 % de leurs postes. Ce chiffre atteignait 50 % dans les usines situées dans les collectivités rurales. Selon l’analyse de la Coalition, cette pénurie de main-d’œuvre persiste malgré les initiatives de recrutement de l’industrie visant à embaucher d’abord des Canadiens et à les retenir, comme des salaires plus élevés, des avantages sociaux plus généreux, des horaires de travail plus souples et, dans le cas de l’Île‑du‑Prince-Édouard, une bourse pour attirer des étudiants universitaires et collégiaux. On s’attend à une perte de 123 millions de dollars d’ici la fin de l’année 2016 en raison de la limite de 10 %. Cette limite devrait aussi nuire à la capacité de l’industrie de tirer profit de débouchés commerciaux récents, puisque la baisse de la production pourrait ne pas suffire à répondre à la demande croissante[44].

Des représentants de HyLife Foods ont exprimé des préoccupations semblables en ce qui concerne l’industrie de la transformation de la viande, faisant état de la grave pénurie de personnel de la coupe de viande dans les régions rurales du Manitoba, malgré les diverses initiatives de recrutement et de formation. Ces efforts comprennent l’embauche de personnel d’un peu partout au Canada, comme les producteurs de champignons de l’Ontario et les travailleurs de la construction de l’Alberta, ainsi que la publicité. Plus récemment, l’entreprise a envisagé de créer une école de coupe de viande dans la communauté de la Première Nation de Sandy Bay. Les représentants de HyLife Foods ont aussi constaté que la limite n’est pas calculée de manière cohérente, une opinion partagée par l’Association du Barreau canadien dans son mémoire au Comité[45]. À cet égard, les représentants de HyLife Foods ont formulé l’observation suivante :

Le calcul du plafond tel qu’il est actuellement énoncé à l’Annexe E peut ne pas mener à un effectif réel de 10 % (ou du pourcentage fixé) à tout moment. L’interprétation de ce calcul risque de manquer de cohérence, et ce, pour les motifs suivants : le calendrier des immigrants sélectionnés par les provinces (qui n’est pas disponible dans toutes les provinces), qui élimine les travailleurs à faible revenu du calcul du plafond, et celui de la transition des employés à salaire inférieur (travailleurs à faible actuels, entrants, demandés dans l’EIMT et qui quittent leur poste) au cours du traitement de la demande d’EIMT et l’obtention des permis de travail découlant de l’EIMT.[46].

Même si une exemption à la limite de 10 % a été annoncée pour les demande d’EIMT de 2016 relatives aux postes saisonniers à bas salaire ne dépassant pas 180 jours civils, des représentants de la Maritime Seafood Coalition et de l’Association des hôtels du Canada ont indiqué qu’une solution permanente à long terme est nécessaire pour qu’ils puissent répondre à leurs besoins en matière de main-d’œuvre[47]. Parlant de l’industrie de la transformation de la viande, exclue de cette exemption temporaire, les représentants de l’Association nationale des engraisseurs de bovins ont demandé qu’on envisage de leur accorder une exemption semblable[48].

Les travailleurs étrangers temporaires de l’industrie de la transformation du poisson de l’Île‑du‑Prince‑Édouard se sont aussi dits préoccupés par l’introduction d‘une limite quant au pourcentage des effectifs qui se compose de travailleurs étrangers temporaires à bas salaire, faisant observer qu’elle contraint les travailleurs migrants à quitter leur collectivité même s’ils ne le souhaitent pas[49].

2. Certains postes à bas salaire dans les secteurs de l’hébergement, des services de restauration et du commerce de détail

Des témoins ont aussi fait état de problèmes relatifs au fait que depuis juin 2014, EDSC/Service Canada ne traite plus les demandes d’EIMT pour certains postes à bas salaire dans les secteurs de l’hébergement, des services de restauration et du commerce de détail dans les régions économiques où le taux de chômage s’élève à 6 % ou plus. Des représentants de l’industrie du logement considèrent que l’incapacité de combler certains postes à bas salaire dans les régions où le taux de chômage est élevé, conjuguée avec l’introduction d’une limite sur la proportion de main-d’œuvre composée de travailleurs étrangers à bas salaire, contribue à la fermeture de certains hôtels et à la réduction des heures et des jours d’activité.

Selon Anthony Pollard, président de l’Association des hôtels du Canada, puisque la plupart des collectivités affichent un taux de chômage supérieur à 6 %, les hôtels ne sont pas admissibles à une EIMT lorsqu’ils souhaitent embaucher de la main-d’œuvre étrangère temporaire dans des postes à bas salaire dans les secteurs de l’hébergement, des services de restauration et du commerce de détail. Selon lui, cette situation est préoccupante pour l’industrie de l’hébergement, qui connaît une pénurie de main-d’œuvre malgré les multiples initiatives visant à recruter d’abord des Canadiens, y compris des Autochtones[50].

Des témoins ont aussi parlé des inexactitudes dans la façon dont le taux de chômage pour une région donnée est déterminé, faisant observer que les données disponibles sur le marché du travail brossent un portrait général de la situation et ne permettent pas de déterminer les conditions du marché du travail dans les plus petites collectivités[51]. Comme M. Litwin l’a expliqué, le taux de chômage de 6 % estimé pour le bassin versant du sud-est de la région de Vancouver ne représente pas dans les faits les conditions du marché du travail de Whistler où le taux de chômage s’élève à 1,8 % et où, en raison du caractère saisonnier de l’industrie de l’hébergement, une pénurie de main-d’œuvre est signalée depuis 2012. Cette pénurie de main-d’œuvre existe malgré les initiatives en place pour attirer et retenir les Canadiens à Whistler, comme des logements subventionnés, des programmes de formation spécialisés en service à la clientèle pour les jeunes des Premières Nations, des partenariats en éducation, ainsi que des augmentations de salaires. Il a expliqué que dans le cadre de leurs initiatives de recrutement, les entreprises participent aussi à des salons de l’emploi et font de la publicité numérique sur des sites de recherche d’emploi et des médias sociaux[52].

Réfléchissant aux solutions possibles pour répondre à certaines des préoccupations les plus importantes associées à l’introduction d’une limite sur la proportion de main-d’œuvre composée de travailleurs étrangers à bas salaire et au refus de traiter certaines demandes d’EIMT dans les régions où le taux de chômage est élevé, des témoins ont recommandé que des données plus localisées sur le marché du travail soient recueillies et que la limite soit fixée à des niveaux prenant en compte les besoins en main-d’œuvre des EIMT. Ils ont aussi suggéré que le secteur des produits de la mer soit visé par le volet de l’agriculture primaire, puisqu’il fait actuellement partie du Plan d’action canadien sur la main-d’œuvre du secteur agricole et agroalimentaire. En outre, ils ont recommandé la création d’un programme des travailleurs saisonniers de l’hébergement afin de reconnaître le caractère saisonnier de l’industrie de l’hébergement et le déplacement de certains emplois du secteur du tourisme, comme les guides touristiques de langue étrangère, de la catégorie des emplois peu spécialisés vers celle des emplois spécialisés.

Dans un mémoire présenté au Comité, Mobilize Jobs a offert une perspective différente sur l’emploi des travailleurs étrangers temporaires à bas salaire, faisant observer que les employeurs doivent s’efforcer davantage de recruter des jeunes canadiens. À cet égard, l’organisme a écrit :

Nous croyons fermement que la majorité des postes peu qualifiés et faiblement rémunérés peuvent être comblés par de jeunes Canadiens, quel que soit l’endroit où les postes pourraient être situés. Nous avons déjà établi que les Canadiens de la génération du millénaire se déplaceront d’un océan à l’autre pour trouver du travail en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario et au Yukon. À titre de référence, certains de nos postes les plus populaires se situent dans des collectivités rurales et des destinations touristiques. Si les employeurs continuent à ne pas avoir accès au bassin des travailleurs étrangers, ils devront de plus en plus faire preuve d’innovation pour intéresser à nouveau les Canadiens à leurs postes. Nous avons prouvé que c’est possible […] Nous demandons simplement que vous protégiez ces premiers emplois essentiels dont les Canadiens ont besoin pour entamer leur carrière[53].

3. Permis de travail propres à un employeur

Certes, les groupes d’employeurs de tous les secteurs ont soulevé des préoccupations liées à la production en ce qui concerne les permis de travail écourtés, mais les travailleurs étrangers temporaires occupant des postes à bas salaire et leurs défenseurs ont aussi identifié des problèmes. Selon ce deuxième groupe de témoins, c’est la nature du permis de travail qui suscite les plus grandes préoccupations. À leur avis, les permis de travail propres à un employeur liant les travailleurs migrants à un employeur en particulier mènent souvent à un déséquilibre de pouvoir propice aux  abus. À cet égard, la professeure Ethel Tungohan a formulé l’observation suivante :

[…] laisser les permis de travail entre les mains des employeurs augmente les risques d'abus des travailleurs. La raison est que ces ententes creusent l'écart de pouvoir entre les travailleurs et les employeurs. Dans bien des cas, les employeurs forcent les travailleurs à se conformer en menaçant de mettre fin à leur contrat; ces derniers risquent ainsi non seulement de perdre leur emploi, mais aussi d'être renvoyés du Canada[54].

Bien que la plupart des travailleurs étrangers temporaires du PTET reçoivent un permis de travail propre à un employeur donné, des représentants du Congrès du travail du Canada ont constaté que les travailleurs les plus vulnérables aux abus sont ceux qui occupent un poste peu spécialisé, qui sont confrontés à des barrières linguistiques et qui travaillent seuls, en particulier ceux qui sont endettés envers les recruteurs[55]. Des témoins ont expliqué que parmi les travailleurs migrants, les femmes sont plus susceptibles d’être victimes d’abus à cause de la nature des permis de travail propres à un employeur[56].

Au cours de l’étude, le Comité a entendu divers travailleurs étrangers temporaires, en particulier ceux occupant des postes d’aides familiaux, qui ont indiqué que les travailleurs migrants peuvent subir un éventail d’abus, notamment de nature verbale, physique et sexuelle. Des exemples précis ont été fournis à cet égard, notamment le travail non rémunéré, l’accomplissement de tâches dépassant la portée du contrat d’emploi, le non-versement de la rémunération des vacances, ainsi que l’obligation de travailler plus d’heures ou de jours que prévu dans l’EIMT[57]. Une ancienne travailleuse étrangère temporaire, Gina Bahiwal, a aussi parlé de travailleuses migrantes qui cachent leur grossesse par crainte de perdre leur emploi et leur statut au Canada[58].

Afin de diminuer le risque d’abus découlant des permis de travail propres à un employeur, des témoins ont demandé la délivrance de permis de travail ouverts ou de permis de travail propres à un secteur, ce qui éliminerait le lien direct à un employeur en particulier. Des témoins ont aussi recommandé que les critères d’admissibilité aux services d’établissement, qui ne sont actuellement offerts qu’aux nouveaux résidents permanents, soient étendus à tous les travailleurs migrants. Enfin, ils ont suggéré que tous les travailleurs étrangers temporaires disposent d’une voie d’accès à la résidence permanente.[59]

Selon le Congrès du travail du Canada, les pratiques de travail abusives, comme celles décrites dans la présente section, peuvent aussi avoir des répercussions indirectes sur la main-d’œuvre canadienne, puisque rien n’incite les employeurs à, par exemple, hausser le salaire minimum pour tous les travailleurs[60]. Tout en demandant que les droits des travailleurs migrants soient protégés, l’organisme a insisté sur l’importance pour les employeurs d’améliorer le recrutement et de former des Canadiens et des résidents permanents, plutôt que de faciliter l’accès aux travailleurs migrants[61].

C. Volet de l’agriculture primaire

1. Programme des travailleurs agricoles saisonniers

Au cours de l’étude, le Comité a reçu des commentaires positifs sur le PTAS de la part d’organisations agricoles et de la Jamaïque, un pays avec lequel le Canada a conclu un accord bilatéral à cet égard. Selon eux, le PTAS apporte de nombreux avantages culturels et financiers et n’a pas besoin d’être réformé. Pour les organisations agricoles canadiennes, notamment le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, des programmes comme le PTAS contribuent à combler le manque de main-d’œuvre dans l’industrie agricole et agroalimentaire malgré les importants efforts de cette dernière pour la recruter et la retenir. Ce manque de main d’œuvre est dû à l’emplacement rural où l’industrie opère ainsi qu’à la nature saisonnière, physique et difficile du travail exigé. Plutôt que de réformer le PTAS, les employeurs témoins ont recommandé qu’on réponde aux besoins généraux de l’industrie en éliminant l’industrie agricole et agroalimentaire du PTET actuel et en établissant un programme des travailleurs agricoles et agroalimentaires au Canada. Outre les volets visant les secteurs agricoles et agroalimentaires, ce nouveau programme comprendrait aussi le PTAS[62]. Des témoins ont également demandé que la liste nationale de secteurs agricoles soit mise à jour. Actuellement, la liste ne comprend pas les céréales, les oléagineux ou les légumineuses, ce qui par conséquent disqualifie de nombreux producteurs d’accéder au PTAS ou au volet agricole.[63]

Les travailleurs migrants, ainsi que des représentants de groupes de défense et d’organisations syndicales, ont offert une perspective différente du PTAS. Selon eux, certaines caractéristiques du programme placent les travailleurs étrangers temporaires dans une situation de vulnérabilité. Dans son mémoire au Comité,  le Migrant Worker Solidarity Network du Manitoba a expliqué que, au titre du PTAS, les employeurs disposent du pouvoir discrétionnaire de rapatrier les travailleurs lorsque ceux-ci ne se conforment pas à certains aspects du travail ou pour « toute autre raison valable », et de donner le nom des employés qu’ils souhaitent réembaucher la saison suivante. Ce groupe de défense soutient aussi que les travailleurs participant au PTAS qui se blessent au travail ou tombent malades se font souvent rapatrier et refuser tout traitement médical, puisque leur assurance-maladie provinciale dépend souvent de la validité de leur permis de travail. En outre, ce groupe de défense a expliqué que les travailleurs migrants sont visés par les permis de travail propres à un employeur, ce qui limite leur mobilité et les rend encore plus vulnérables[64].

À cet égard, on a raconté au Comité l’histoire de Sheldon McKenzie, un travailleur migrant de la Jamaïque décédé des suites de blessures liées au travail. Selon Marcia Barrett, la représentante du Caregivers’ Action Centre, la famille de M. McKenzie a éprouvé de nombreuses difficultés lorsqu’elle a tenté de le faire soigner au Canada, car au titre du PTAS, l’employeur peut à sa discrétion déporter les travailleurs étrangers temporaires dans certaines circonstances[65]. En outre, Gabriel Allahdua, un travailleur étranger temporaire, a parlé de la façon dont le permis de travail propre à un employeur et l’incertitude quant à savoir si l’employeur les rappellera la saison suivante créent une ambiance de peur et conduisent souvent les travailleurs migrants à accepter certaines violations de leur droits[66].

Des témoins ont aussi exprimé des préoccupations quant aux répercussions de la courte durée du programme sur la capacité des travailleurs migrants de recevoir certaines prestations. Selon M. Allahdua, même si les travailleurs étrangers temporaires contribuent à l’assurance-emploi au titre du programme, lorsqu’ils travaillent au Canada, ils ne peuvent pas recevoir de prestations d’AE[67]. Comme le Migrant Worker Solidarity Network du Manitoba et la British Columbia Federation of Labour l’ont indiqué, afin qu’une personne puisse recevoir des prestations d’AE, elle doit vivre au Canada et elle doit être disponible pour travailler conformément à l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi. Lorsque les travailleurs migrants sont mis à pied au titre du PTAS à la fin de la saison, ils retournent immédiatement dans leur pays et ne sont donc pas admissibles aux prestations d’AE. En outre, des témoins ont indiqué que tandis que l’AE offre des prestations de maladie à ceux qui ne sont pas en mesure de travailler pendant de longues périodes pour des raisons médicales, on encourage souvent les travailleurs du PTAS, comme il est expliqué ci-dessus, à retourner dans leur pays d’origine pour obtenir des soins médicaux[68].

Les travailleurs migrants et les représentants de groupes de défense ayant parlé du PTAS ont déterminé que la formation, les permis de travail ouverts, l’accès aux prestations d’AE, et les voies d’accès à la résidence permanente étaient des solutions possibles. Dans son mémoire, le Migrant Worker Solidarity Network du Manitoba a aussi suggéré que l’assurance-maladie provinciale soit offerte aux travailleurs du PTAS dès leur arrivée au Canada, comme c’est actuellement le cas au Manitoba[69].


[38]           Document de référence présenté par l’Association canadienne du logiciel de divertissement, mai 2016. Voir aussi le mémoire présenté par Technicolor, mai 2016; et le mémoire présenté par l’honorable Jeremy Harrison, ministre responsable de l’Immigration, de l’Emploi, des Compétences et de la Formation, gouvernement de la Saskatchewan, 31 mai 2016.

[40]           Ibid.

[41]           Mémoire présenté par Technicolor, mai 2016; document de référence présenté par l’Association canadienne du logiciel de divertissement, mai 2016; et mémoire présenté par Montréal International, « Consultation sur le programme des travailleurs étrangers temporaires », 2 juin 2016. Voir aussi HUMA, Témoignages, 1re session, 42législature, 1er juin 2016 (Robert Watson, président-directeur général, Association canadienne de la technologie de l’information).

[43]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 mai 2016 (Christopher Smillie, conseiller principal, Relations gouvernementales et affaires publiques, Syndicat des métiers de la construction du Canada).

[44]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2016 (Chris LeClair, conseiller principal, Maritime Seafood Coalition, et Jerry Amirault, président, Lobster Processors Association of Nova Scotia and New Brunswick) et mémoire présenté par la Maritime Seafood Coalition, 16 mai 2016. Voir aussi le mémoire présenté par le Bay of Fundy Business Council, « Volet du cheminement vers la citoyenneté du Programme des travailleurs étrangers temporaires », 30 mai 2016.

[45]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er juin 2016 (Jeremy Janzen, directeur principal, Ressources humaines, HyLife Foods, et Baerbel Langner, conseiller juridique interne, Immigration, HyLife Foods). Voir aussi le mémoire présenté par l’Association du Barreau canadien, 26 mai 2016.

[46]           Mémoire présenté par HyLife Foods, 1er juin 2016.

[47]           Mémoire présenté par la Maritime Seafood Coalition, 16 mai 2016. Voir HUMA, Témoignages, 1re session, 42législature, 30 mai 2016 (Anthony Pollard).

[48]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 30 mai 2016 (Casey Vander Ploeg, gestionnaire, Politique et recherche, Association nationale des engraisseurs de bovins).

[50]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 30 mai 2016 (Anthony Pollard).

[51]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2016 (Elizabeth Kwan, recherchiste en chef, Congrès du travail du Canada).

[52]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2016 (Val Litwin). Voir aussi le mémoire présenté par la Whistler Chamber of Commerce, « Les Canadiens en 1er – Soutenir la croissance économique dans des marchés du travail restreints et assurer la priorité aux travailleurs canadiens », mai 2016.

[53]           Mémoire présenté par Mobilize Jobs, 26 mai 2016.

[54]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2016, 1745 (Ethel Tungohan, professeure adjointe, Département de sciences politiques, Université York).

[55]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2016 (Barbara Byers, secrétaire-trésorière, Congrès du travail du Canada).

[56]           Mémoire présenté par Jamie Liew, « Rendre visible ce qui ne l’est pas », 30 mai 2016.

[57]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 30 mai 2016 (Pinky Paglingayen, à titre personnel). Voir aussi le mémoire présenté par la British Columbia Federation of Labour, juin 2016.  

[58]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2016 (Gina Bahiwal, Coalition pour les droits des travailleurs et travailleuses migrant(e)s du Canada).

[60]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2016 (Barbara Byers).

[62]           Mémoire présenté par le gouvernement de la Jamaïque, mai 2016. Voir aussi HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er juin 2016 (Portia MacDonald-Dewhirst, directrice générale, Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, et Mark Wales, Équipe spéciale sur la main-d’œuvre du secteur agricole et agroalimentaire)

[65]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er juin 2016 (Marcia Barrett, représentante, Caregivers’ Action Centre).

[66]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2016 (Gabriel Allahdua, membre de la Coalition pour les droits des travailleurs et travailleuses migrant(e)s du Canada).

[67]           Ibid.

[69]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er juin 2016 (Marcia Barrett); et HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2016 (Gabriel Allahdua). Voir aussi le mémoire présenté par le Migrant Worker Solidarity Network du Manitoba, 20 mai 2016.