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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 120 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 octobre 2018

[Enregistrement électronique]

  (0850)  

[Traduction]

     Bonjour à tous. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 18 septembre 2018, le Comité reprend son étude sur soutenir les familles après la perte d'un enfant.
    Aujourd'hui, le Comité entendra deux groupes de témoins. Notre premier groupe de témoins est composé de M. Dyregrov, professeur au Centre de psychologie de crise de l'Université de Bergen.
    Vous témoignez par vidéoconférence depuis la Norvège. M'entendez-vous bien, monsieur?
    Excellent. Quelle heure est-il là-bas?
    Il est 13 h 50.
    Je vous remercie d'être parmi nous, non pas le matin — ce serait trop demander —, mais l'après-midi.
    Ici, à Ottawa, nous accueillons Michelle LaFontaine, gestionnaire de programme du Pregnancy and Infant Loss Network. Bienvenue à vous.
    Nous allons ouvrir la séance aujourd'hui par des exposés de sept minutes.
    Nous allons commencer par M. Dyregrov.
    Les sept prochaines minutes sont à vous, monsieur.
    D'accord, je ne prendrai pas sept minutes, mais je vais vous donner un aperçu de mon travail.
    Mon travail a commencé comme étudiant à la fin des années 1970 auprès de parents qui avaient perdu des enfants à cause du cancer et d'autres maladies graves. À partir de 1980, j'ai travaillé pendant quatre ans à l'unité de soins intensifs néonatals à Bergen, où ma principale tâche consistait à faire le suivi auprès des parents qui avaient perdu des enfants dans cette unité, et aussi de tous les cas de syndrome de mort subite du nourrisson. Lorsque mon travail a commencé à être mieux connu, on m'a aussi demandé d'agir comme conseiller auprès de l'unité des soins intensifs et du service des urgences. Je suis ensuite retourné à l'université et j'ai passé quatre ans comme chercheur principal. J'y ai aussi fait mon doctorat, qui portait sur les parents qui perdent un enfant. C'était le sujet de ma thèse.
    En 1988, j'ai créé le Centre de psychologie de crise, qui relève de l'université depuis 2017, mais j'ai travaillé sur le plan clinique auprès de parents qui perdent des enfants et d'enfants qui perdent des parents pendant toute ma vie professionnelle.
     J'ai aussi participé à des recherches sur différents types de décès. J'ai été très impliqué après l'attentat terroriste qui a été commis en Norvège, en 2011. Nous avons fait une étude sur les effets sur les parents de la perte d'un enfant. Il s'agit d'un thème important dans mon domaine de travail. J'ai l'expérience clinique de rencontres et de travaux avec des professionnels et des groupes de soutien en Norvège, mais j'ai aussi une expérience de la recherche.
    Il y a quelques années, j'ai mené une étude auprès de plus de 300 parents. Nous avons utilisé des questionnaires et mené des interviews qualitatives sur les problèmes relationnels et sur leur influence. J'ai écrit sur plusieurs aspects de ma pratique professionnelle et aussi de mes recherches, et j'estime bien connaître mon domaine. J'ai rédigé environ 20 livres et 300 articles, pas tous sur la question du deuil parental, mais beaucoup dans ce domaine.
    Je suis fondamentalement un clinicien et je mène des travaux de recherche, mais c'est toujours le travail sur le plan clinique qui a été le plus important pour moi et celui pour lequel je peux aussi utiliser la recherche, afin d'améliorer la situation des parents qui perdent des enfants.
    Je pense que cela résume bien mon parcours.
    Merci beaucoup, monsieur.
    Nous accueillons maintenant Michelle LaFontaine, gestionnaire de programme du Pregnancy and Infant Loss Network.
     Vous avez sept minutes.
    Bonjour, et merci de m'avoir invitée à m'adresser à vous aujourd'hui.
    J'ai l'honneur d'être la gestionnaire de programme du Pregnancy and Infant Loss Network en Ontario, souvent appelé le réseau PAIL.
    J'ai eu le privilège de travailler avec le député provincial Mike Colle, aux côtés de nombreux autres parents endeuillés et engagés, afin de défendre le projet de loi 141, la Loi sur la sensibilisation au deuil périnatal, la recherche sur ce genre de deuil et l'aide aux personnes vivant un tel deuil, en 2015. Ce projet de loi a transformé la vie des familles endeuillées en Ontario, et nous en serons éternellement reconnaissants au député. Nous sommes également redevables au député Blake Richards pour le travail qu'il a accompli, afin de porter ce sujet à l'attention du gouvernement fédéral, ainsi qu'à d'autres députés et aux personnes qui ont fait part de leur expérience personnelle à ce comité.
     Trop souvent, des familles comme la mienne sont réduites au silence après leur perte. Je participe à ce travail non seulement en tant que gestionnaire du programme, mais aussi en tant que mère endeuillée. Mon mari et moi avons perdu des jumeaux, Elora et Joseph, en août 2005. Nous avons quitté l'hôpital les bras vides et le coeur brisé. Nous n'avions aucune idée de ce qu'il fallait faire par la suite, ni où obtenir de l'aide.
    Je me suis adressée à mon obstétricien et à mon médecin de famille, qui se sont limités à me donner une ordonnance de sédatifs afin que je puisse dormir. Mon mari travaillait à contrat et n'avait droit à aucun congé de maladie ou autre. Il était donc au travail devant son ordinateur le lendemain de notre retour de l'hôpital. Mon employeur m'a accordé cinq jours de congé de deuil et j'ai épuisé tous mes congés de maladie. J'étais de retour au travail à temps plein moins de trois semaines après le décès de mes bébés. Je m'occupais de 45 familles, qui m'avaient toutes vue enceinte de cinq mois de jumeaux et qui m'ont toutes demandé ce qui s'était passé.
    J'ai appris à répondre à la question le plus brièvement possible et à changer de sujet. J'ai appris à me contenir jusqu'à 16 h 30, au moment où je prenais ma voiture pour rentrer à la maison. J'empruntais des routes secondaires afin de courir moins de risques d'avoir un accident en conduisant les yeux pleins d'eau. Ce n'est que lorsqu'un ami d'un ami qui connaissait quelqu'un qui avait vécu un deuil m'a donné des renseignements au sujet du réseau PAIL que j'ai commencé à voir comment je pouvais apprendre à intégrer la mort de mes bébés dans ma vie.
    Le réseau PAIL est maintenant un programme financé par la province en Ontario, dont le mandat est d'accroître le soutien aux familles qui ont perdu un bébé pendant la grossesse ou jusqu'à l'âge de 12 mois. Cela comprend, sans s'y limiter, les fausses couches, les mortinaissances, les interruptions médicales de grossesse, le deuil périnatal, la perte d'un nourrisson, de même que les familles dont le bébé meurt subitement et de façon inattendue, comme dans les cas du syndrome de mort subite du nourrisson.
    Nous offrons également de la formation aux professionnels de la santé qui s'occupent des familles au moment où elles vivent leur deuil, afin de leur fournir des renseignements fondés sur des données probantes pour leur permettre d'offrir l'aide la plus appropriée et compatissante. La première chose que nous avons faite a été de recueillir de l'information auprès des familles et des professionnels de la santé dans le cadre d'une évaluation provinciale des besoins et de mener un sondage en ligne.
     Notre évaluation des besoins dans la province nous a appris que les familles et les professionnels de la santé considèrent la formation comme une priorité claire, car trop souvent, les familles sont encore plus blessées par leur expérience des soins en santé au moment de leur perte. C'est ce qui est ressorti également de notre sondage. Cette recherche a été menée par Jo Watson, notre directrice, et les résultats ont été renversants.
    En résumé, la recherche a révélé que 53 % des familles n'avaient pas l'impression d'avoir été traitées avec gentillesse et respect au moment de leur perte; 72 % n'ont pas reçu l'information dont elles avaient besoin à ce moment-là, et 45 % n'ont pas été informées des mesures de soutien disponibles.
    La formation permet d'équilibrer les choses, tant pour les professionnels de la santé que pour les fonctionnaires qui administrent des programmes conçus pour aider les familles. Je sais que vous avez entendu parler de familles qui ont été traitées avec un grand manque de tact lorsqu'elles ont demandé de l'information et de l'aide financière au gouvernement, tout comme le réseau PAIL a entendu des familles dire qu'elles n'avaient pas reçu le soutien et l'aide nécessaires au moment de leur perte. La formation peut changer cela, la formation sur les besoins uniques des familles qui ont subi des pertes incommensurables et qui se retrouvent dans le noir à la recherche de la voie à suivre. Il est bien reconnu dans le domaine de la périnatalité et de la perte d'un enfant que la mort d'un bébé est une perte traumatisante qui mérite d'être traitée comme telle, peu importe si un diagnostic clinique de trouble de stress post-traumatique a été fait.
    Les parents endeuillés méritent que soient protégés leurs droits, qui sont énoncés dans un document du Women's College Hospital de Toronto et cités dans des programmes partout en Amérique du Nord. L'un de ces droits prévoit que les parents reçoivent de l'information sur les ressources susceptibles de les soutenir dans le processus de guérison.
     Selon moi, ces ressources de soutien devraient comprendre des programmes gouvernementaux permettant aux familles d'avoir accès à des congés. Une prestation universelle de deuil par suite de la perte d'un enfant offerte par du personnel formé du gouvernement pourrait faire une réelle différence pour les familles qui ont besoin de temps pour entreprendre le travail pénible de deuil de leur bébé.

  (0855)  

    À cette fin, j'aimerais souligner l'incidence qu'une stratégie nationale d'aide aux personnes endeuillées pourrait avoir sur les familles partout au Canada. Des programmes comme le réseau PAIL, peut-être sous la forme de sections locales dans chaque province, sont susceptibles de remédier à l'iniquité des services de soutien aux parents endeuillés dans notre pays. Cette approche permettrait d'assurer l'uniformité des services tout en répondant aux besoins individuels des provinces.
    La prise en charge conjointe du financement par la province et le gouvernement fédéral assurerait la durabilité de la démarche et entraînerait sans nul doute l'amélioration de la santé mentale des parents, ainsi que de l'accès au soutien et à l'information, tout en réduisant la stigmatisation associée à la grossesse suivie par la perte d'un nourrisson. Les programmes financiers mis en place pour appuyer le congé de deuil doivent être expliqués à la famille, et l'accès à ces programmes devrait prévoir que les familles disposent de professionnels de confiance pour les guider tout au long du processus.
    Des programmes comme le réseau PAIL pourraient jouer un rôle important pour combler l'écart très grand qui existe entre une famille en deuil et les services nécessaires pour l'aider à s'engager sur la voie de l'espoir et de la guérison.
    En terminant, je vous exhorte à envisager des recommandations qui comprennent du soutien, de la formation et des lignes directrices claires pour les familles qui ont besoin d'un congé de deuil.
    De tout mon coeur, merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons commencer la première série de questions.
    Monsieur Diotte, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, et merci à vous deux de votre participation.
    Monsieur Dyregrov, il est très intéressant que vous ayez participé aux efforts qui ont suivi la terrible attaque terroriste en Norvège. Qu'avez-vous appris au sujet du deuil des parents et de leur sentiment de perte? Par ailleurs, comment intégreriez-vous cela dans une mesure législative quelconque pour aider les parents qui vivent un deuil?

  (0900)  

    Tout d'abord, nous avons fait un suivi à trois moments suivant la perte, soit après un an et demi et après deux et trois ans. Nous avons trouvé un nombre extrêmement élevé de parents aux prises avec des réactions de deuil complexes, environ 80 % d'entre eux, et plus de 60 % ayant des réactions de stress post-traumatique à un niveau susceptible de justifier un diagnostic.
    Nous pensions que c'était dû au nombre extrêmement élevé de rappels traumatisants auxquels ils ont dû faire face au cours des années qui ont suivi, en raison du procès et du fait que le meurtrier était constamment dans les médias. Nous pensons également que la façon dont les 69 jeunes ont été chassés et tués sur l'île a joué un rôle dans l'effet si important ressenti par les parents.
    Pour que les choses soient bien claires, vous parlez du deuil suivant toutes sortes de pertes d'enfants, et non pas seulement aux premières étapes de la vie.
    C'est exact.
     Nous devons songer à mettre en place des systèmes correspondant aux différents types de décès. Ce à quoi nous assistons lorsque se produisent des catastrophes et des situations de terreur — souvent en même temps — justifie une intervention gouvernementale. Nous avons un bien meilleur système dans ces cas que pour ce que vivent les gens au quotidien, mais nos systèmes doivent inclure à la fois ce qui se passe individuellement et collectivement. Par exemple, la Norvège est un très grand pays, comme le vôtre, et il est extrêmement long de voyager du nord au sud. Il faut disposer de ressources localement. Des structures doivent être en place dans les hôpitaux et les collectivités au niveau local.
    Nous avons fait des recherches sur les structures nécessaires pour obtenir un bon soutien au fil du temps. Un responsable doit être désigné. Il doit y avoir un bon lien entre l'aide primaire et l'aide secondaire, au moment où une aide plus spécialisée est nécessaire, et compte tenu du nombre de cas qui se présentent — des complications liées au deuil, qui font maintenant partie de la Classification internationale des maladies... Je ne sais pas si vous connaissez la classification de l'OMS. En juin, on y a inclus le trouble du deuil persistant. En Europe, nous suivons la CIM, et non pas le DSM comme États-Unis. Je ne sais pas ce que vous utilisez au Canada. On peut ainsi reconnaître qu'il y a des gens qui vivent un deuil, puis qui continuent à éprouver des problèmes. Lors de la perte d'un enfant, les risques d'avoir ce genre de problèmes sont très élevés.
    Dans notre première étude, nous avons déterminé qu'environ 50 % des personnes éprouvent ce genre de problèmes après un suicide, une expérience de syndrome de mort subite du nourrisson et un accident. Les cas étaient un peu moins nombreux pour le syndrome de mort subite du nourrisson que pour les deux autres. Il faut beaucoup de choses pour mettre en place un système permettant d'obtenir une recommandation précoce ou un transfert à des services spécialisés. Tous les membres des familles qui perdent un enfant sont affectés.
    L'une des choses que nous constatons maintenant, c'est que même si nous avons une équipe de crise dans chaque collectivité en Norvège, qui assure un suivi en cas de décès soudain, il y a un manque de continuité lorsqu'il faut plus qu'un suivi immédiat. Il faut un protocole pour la suite des choses, afin de veiller à ce que les familles reçoivent l'aide dont elles ont besoin au fil du temps. Si vous examinez les études qui ont été faites dans le monde entier, vous constaterez que plusieurs pays ont mis en place des systèmes de suivi à court terme, mais pas à long terme. C'est là que le besoin est le plus criant.
    Ces structures sont nécessaires. Il faut un système qui fournit de bons renseignements. L'information est souvent ce que les parents trouvent le plus utile, mais celle-ci doit leur être fournie avec des précautions. Cela veut dire qu'il faut fournir cette information prudemment. Il ne s'agit pas seulement d'obtenir l'information. Il s'agit d'obtenir l'information dans un environnement bienveillant. La combinaison des deux est la plus appropriée pour les interventions en situation de crise.
    Par ailleurs, un accès à des groupes de soutien parental est nécessaire. Je ne me souviens plus du nom. C'est un nom français que vous avez mentionné, avec l'autre personne qui comparaît ici. Il y a beaucoup à faire pour mettre en place des structures pour le suivi et répondre aux besoins à long terme également.

  (0905)  

    J'ai une très brève question.
    Selon vous, de combien de temps les parents devraient-ils disposer avant de retourner au travail s'ils ont un emploi et qu'ils ont perdu un enfant en bas âge?
    Dans ma thèse de doctorat, j'ai examiné à la fois ceux qui sont retournés au travail et ceux qui sont restés à la maison, soit surtout des mères dans les années 1980. Ce sont principalement les pères qui sont retournés au travail ou qui travaillaient.
    Les personnes qui retournaient au travail fonctionnaient mieux plus rapidement que celles qui restaient à la maison, mais cela dépendait du milieu de travail. Il faut avoir un milieu de travail où il est possible de prendre des pauses et où l'on fait bien attention à vous. Sinon, c'est pire de retourner au travail. C'est très personnel.
    Mon conseil est de retourner au travail le plus tôt possible, mais de faire des ajustements. Cela dépend du genre de profession que vous exercez. Il y a beaucoup de choses qui entrent en ligne de compte.
    C'est exact.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Long, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins de ce matin.
    Madame LaFontaine, tout d'abord, je suis vraiment désolé de la perte que vous avez subie. Je suis désolé de l'expérience que vous avez vécue en composant avec la situation après cette perte. J'ai eu un ami dans une situation semblable il y a de nombreuses années.
    Pouvez-vous nous parler de l'expérience que vous avez vécue avec Service Canada lorsque, malheureusement, vous avez dû commencer à essayer d'obtenir du soutien?
     Bien sûr. Ma réponse sera brève, parce que je ne savais pas que j'étais admissible à quelque congé que ce soit par l'entremise de Service Canada. J'ai perdu mes enfants à 20 semaines et 5 jours de grossesse, ce qui était tout juste en deçà de certaines des limites à l'époque, alors je n'étais admissible à aucun congé du gouvernement à ma connaissance...
    Permettez-moi d'intervenir. Je pense que cela montre que la plupart des nouveaux parents sont de jeunes adultes, ce qui va de soi évidemment. La plupart des nouveaux parents sont dans la vingtaine. Les choses changent, et aujourd'hui la plupart des nouveaux parents sont dans la trentaine, mais ce sont encore de jeunes adultes. Ils apprennent. Ils sont en train de bâtir leurs réseaux, et il se peut qu'ils viennent de se marier ou d'acheter une maison, par exemple. Sur le plan financier, c'est une chose, mais sur le plan émotionnel aussi, ils sont jeunes et ils ne savent pas vers qui se tourner. Ils ne savent pas où aller, surtout dans des situations comme celles-là.
    Dans un témoignage, la dernière fois, une chose est ressortie, à savoir que le réseau PAIL et différents organismes de soutien existent un peu partout au pays, mais sans qu'il y ait d'uniformité. Dans votre exposé, vous avez mentionné que le réseau PAIL pourrait être étendu partout au pays, afin d'assurer une plus grande uniformité dans le soutien fourni. Je suis d'accord avec cela.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la façon dont vous envisagez cela? De toute évidence, la motion M-110 vise à trouver un moyen de changer la façon de faire par rapport au passé et de faire quelque chose de bien en tant que gouvernement. Que pouvons-nous faire?
    Comment envisagez-vous le soutien du gouvernement à cet égard? Pensez-vous qu'il est plus important pour le gouvernement de soutenir des organismes comme celui-là partout au pays, dans chaque province, ou de soutenir davantage les parents financièrement? Quelle importance accordez-vous à chacun? De toute évidence, les deux sont importants. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    S'il faut choisir, le choix est difficile. Vous avez aussi parlé des parents qui manquent d'information. De notre côté, nous ne savions même pas comment demander de l'aide. Il n'y avait personne pour nous diriger vers ce qui était disponible pour nous.
    C'est pourquoi je me demande si nous pourrions au moins fournir aux parents des renseignements sur la façon d'accéder au soutien pour le cas où nous aurions davantage de réseaux de soutien comme le PAIL à l'échelle du Canada.
    Vous voulez dire non pas un organisme gouvernemental, mais simplement le soutien d'organismes individuels avec plus de cohérence entre eux.
    C'est exact. J'ai l'impression que le réseau PAIL a fait des progrès incroyables en Ontario en ce qui concerne le soutien par les pairs pour les familles et la formation pour les fournisseurs de soins de santé. De nouveaux liens sur notre site Web mèneront à de l'information sur les absences du travail et d'autres renseignements à ce sujet.
    Je crois que s'il y a de l'information pour les familles, elles disposeront de ce qu'il leur faut pour aller de l'avant et avoir accès aux congés et aux renseignements dont elles ont besoin.
    Je vous remercie.
    La famille Cormier était présente à notre première réunion. Elle proposait 12 semaines de prestations pour les parents qui ont perdu un enfant.
    Croyez-vous que cette période soit appropriée? Pendant combien de temps aimeriez-vous que les prestations soient versées?
    Je crois que 12 semaines seraient appropriées pour une prestation universelle de deuil versée automatiquement. J'aimerais aussi que ce congé soit jumelé à d'autres congés que les employeurs pourraient offrir. Lorsque des congés de maladie ou pour cause de stress sont disponibles, de même que des congés de deuil, cela pourrait prolonger la durée. Je pense que 12 semaines seraient le strict minimum que nous recommanderions pour les familles.

  (0910)  

    Monsieur Dyregrov, merci de nous parler de Bergen. J'ai passé beaucoup de temps à Bergen dans mon ancienne vie dans l'agriculture avec Stolt Sea Farm. Nous avions des exploitations aquacoles à Bergen.
     Nous sommes ici, parce que nous voulons obtenir l'avis de nos témoins sur la façon dont le gouvernement peut aller de l'avant et aider les parents qui subissent la perte d'un enfant.
    D'après votre expérience, quelle est la meilleure façon pour le gouvernement fédéral d'aider?
     Votre système au Canada est différent de celui que nous avons en Norvège. Je pense qu'il est important que ceux qui rencontrent les familles dans les hôpitaux et dans les services de santé aient la responsabilité d'assurer un suivi au fil du temps. Il y a aussi les organismes bénévoles qui s'ajoutent à cela. Je pense que quelqu'un devrait avoir la responsabilité de faire un suivi.
    J'aimerais aussi parler rapidement des 12 semaines. J'espère que ce sera volontaire, parce que je pense que certaines personnes — nous avons cela en Norvège — certains médecins, mettent simplement les parents en congé de maladie et ne leur rendent pas service de cette façon, parce que le travail peut aussi être une façon de ne plus penser à la perte subie, de prendre du recul par rapport à cette perte. Il est important de vivre la perte, mais il est aussi important de s'en éloigner et, par conséquent, une absence de 12 semaines du travail ne sera pas une bonne chose pour tout le monde.
     Vous dites que le congé est une chose, et que le soutien financier en est une autre, mais qu'il devrait y avoir davantage de soutien global pour les familles.
     Il devrait aussi y avoir de la flexibilité quant à savoir s'il faut s'absenter du travail ou non. Certaines personnes réagissent très bien lorsqu'elles ont un autre centre d'intérêt, qu'elles ne sont plus seulement un parent endeuillé, mais qu'elles ont aussi une vie professionnelle. Il faut simplement ajuster la vie professionnelle.
    Merci beaucoup.
    Madame Sansoucy, vous avez six minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je veux d'abord remercier nos deux témoins. Ma première question s'adresse à M. Dyregrov.
     Vous nous avez parlé de l'importance d'offrir une aide locale et des services courants à long terme, en plus des ressources spécialisées qu'on peut retrouver dans les hôpitaux. J'aimerais savoir ce qui existe concrètement en Norvège pour soutenir les familles. Y a-t-il un réseau d'organismes à l'échelle du pays? Ces organismes sont-ils soutenus par l'État? J'aimerais que vous nous parliez des meilleures pratiques qui ont cours en Norvège pour soutenir les familles, mais à l'extérieur du système de santé institutionnalisé.

[Traduction]

    La plupart des familles dépendent des services institutionnels. Cela signifie que l'équipe de crise de la collectivité rencontre chaque famille. Si c'est à l'hôpital, la responsabilité revient à l'hôpital.
    Les services spécialisés sont des services de deuxième ligne. Si une personne souffre vraiment beaucoup, on la réfère aux services de deuxième ligne et elle rencontre habituellement un spécialiste en psychologie. Ce n'est pas automatique, et nous faisons un meilleur suivi des traumatismes que des pertes. Maintenant, compte tenu de la nouvelle situation en ce qui a trait au diagnostic, le deuil est davantage reconnu dans le système public. Les équipes de crise que nous avons, dans toutes les communautés en Norvège, s'occupent principalement des pertes soudaines, c'est-à-dire souvent le décès d'un enfant. Environ 90 à 95 % de leur travail est consacré au deuil. C'est ainsi que notre système fonctionne.
     Ensuite, il y a les organisations nationales. Il n'y en a pas beaucoup, seulement trois ou quatre. L'une d'elles s'occupe du deuil par suite d'un suicide. Une autre est chargée des enfants, avant l'âge de 4 ans. Il y en a une troisième également. Ces organisations offrent des services de soutien. L'ancienne association qui s'occupait des morts subites du nourrisson et qui porte maintenant un autre nom, a organisé une fin de semaine consacrée à cette question. Je vais à Tromso demain, à Trondheim le lendemain, puis à Oslo, où quelque chose est organisé en lien avec les façons de réagir advenant un deuil. Il y a beaucoup de gens qui participent à ces événements, qui sont donc très utiles.
    Ce qui manque, c'est que ces organisations ne sont pas appelées à intervenir toutes en même temps. Ce n'est pas prévu automatiquement dans le système hospitalier. J'aurais aimé cela. C'est là qu'intervient la science, mais elles ne sont pas autorisées à simplement jouer un rôle d'information. Il y a des lois qui l'interdisent. Il serait beaucoup mieux de les voir collaborer directement avec le gouvernement ou que les choses soient payées par le gouvernement.

  (0915)  

[Français]

    Je vous remercie.
    Madame LaFontaine, vous avez dit dans votre présentation qu'il y avait un manque de soutien et de compassion à l'égard des parents et que l'appui reposait sur des ressources bénévoles qui manquaient de financement. Dans le cadre de cette étude, nous devons faire des recommandations. Or les témoignages que nous avons entendus jusqu'à maintenant m'amènent à croire que notre réflexion devrait vraiment porter sur le financement des organismes qui font un travail extraordinaire sur le terrain. Comme vous l'avez souligné, ils fonctionnent avec peu de ressources, somme toute.
     J'ai été surprise d'apprendre — et cela rejoint ce que M. Dyregrov vient de nous dire — que Service Canada ne disposait pas d'outils pour aider les parents, même pas pour les orienter vers des ressources ou les aider à naviguer dans les services existants.
    Au sein du gouvernement fédéral, pourrait-on mettre en oeuvre des initiatives pour mieux appuyer les organismes comme le vôtre et pour qu'il y en ait un peu partout? Dans la circonscription que je représente, il y a un organisme qui s'appelle Les amis du crépuscule. Celui-ci vient en aide aux gens endeuillés, mais il manque de ressources. Il passe donc une partie de l'année à faire des activités de financement pour survivre. Il s'agirait donc d'aider ces organismes, mais aussi d'en faire la promotion.
     Pourrait-on faire en sorte qu'ils soient mieux connus? Service Canada pourrait-il être une porte d'entrée ou une référence vers les organisations qui travaillent sur le terrain?

[Traduction]

     Pour ce qui est de la question concernant les ressources à la disposition des différents organismes qui en ont besoin, avant l'adoption du projet de loi 141, le réseau PAIL était également un organisme dirigé par des bénévoles. Nous demandions des subventions pour continuer de fonctionner. Nous avions très peu de moyens de promotion pour faire savoir aux familles que nous existions.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que nous avons certainement besoin de plus de ressources financières pour ces organismes qui tentent d'offrir du soutien aux familles, de les informer et de faire savoir aux fournisseurs de soins de santé où ils peuvent les aiguiller, où ils peuvent envoyer les familles qui ont besoin de soutien après leur perte. Je suis d'accord pour dire qu'il incombe à un professionnel de la santé de veiller à ce que les familles quittent l'hôpital ou leur milieu de soins de santé avec des renseignements pour un suivi dans leur collectivité.
    Pour ce qui est de savoir si nous pourrions avoir un portail par l'entremise de Service Canada qui pourrait aider à guider les familles, je crois qu'il y en a un en place pour d'autres programmes de ce genre. Ce serait extrêmement utile, surtout si le personnel responsable du programme avait reçu une formation sur la façon d'utiliser le langage le plus compatissant, de comprendre le schéma normal de deuil d'une famille et de trouver le meilleur moyen d'aider les familles et de les diriger vers les autres programmes disponibles.

[Français]

     Si je comprends bien, il faut vraiment qu'un système de soutien soit mis sur pied pour les parents. À ce moment de leur vie, on ne peut pas leur demander de faire eux-mêmes des recherches. Des parents qui ont témoigné devant ce comité nous ont dit qu'ils avaient dû faire la file pour demander des prestations dès les premiers jours, alors qu'ils étaient en plein deuil. Il faut donc s'assurer que les parents reçoivent l'encadrement et le soutien nécessaires pour qu'ils aient facilement accès à ces informations.
     Est-ce que j'ai bien compris?

  (0920)  

[Traduction]

    Je suis d'accord. Ce que nous mettons à l'essai actuellement avec le réseau PAIL, c'est un système de consentement automatique pour que, lorsqu'un décès survient, les familles donnent leur consentement à leur fournisseur de soins de santé pour partager leurs renseignements directement avec le réseau PAIL, afin qu'elles n'aient pas à rentrer chez elles, à reconnaître qu'elles ont besoin de soutien et à trouver elles-mêmes le soutien dont elles ont besoin.
    Ce projet pilote va extrêmement bien, et je crois que plus nous pourrons automatiser des choses pour les familles, plus nous pourrons leur enlever ce fardeau lorsque survient une perte, pour qu'elles n'aient plus à trouver des ressources et à y accéder, mieux ce sera.
    Il est certain que s'il y avait un processus qui s'enclenchait de façon automatique au moment du deuil, c'est-à-dire que des documents ou des renseignements seraient envoyés quelque part avec le consentement de la famille, afin que les prestations puissent commencer à être versées automatiquement, ce serait extrêmement utile.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Hogg, pour six minutes.
    Monsieur Dyregrov, vous avez fait allusion à un certain nombre de questions lorsque vous avez parlé de la façon dont nous, en tant que pays, pouvons essayer d'avoir comme principe que nous sommes une société compatissante et bienveillante et que nous sommes en mesure d'offrir du soutien et des services aux personnes qui en ont le plus besoin.
    Pensez-vous qu'il existe des normes ou des pratiques exemplaires dans le monde auxquelles nous pourrions nous reporter? Selon vous, quelles devraient être les pratiques à l'avant-plan et quels en seraient les principes?
    Comme je viens de le mentionner, nous devons avoir comme principes qu'il y a une sensibilisation, que le système tend la main, ou que les ressources sont là, et que les personnes concernées n'ont pas à se déplacer pour demander de l'aide. Il faut que ce soit immédiat; cela doit se faire très rapidement. Il faut s'appuyer sur de l'information juste et un environnement bienveillant pour l'obtenir.
     Par ailleurs, lorsque nous comparons ce que nous avons constaté à la fin des années 1990 au sujet de leur degré de satisfaction à l'égard de l'aide, nous constatons que les personnes endeuillées étaient peu satisfaites de cette aide. Après l'attaque terroriste que nous avons subie, nous avons fait une nouvelle étude. Nous avons demandé aux parents leur avis et ils ont dit être très satisfaits de l'aide qu'ils avaient reçue. Toutefois, ce qui les a mécontentés, c'est l'aide spécifique. Selon eux, le secteur de la santé les accueille et les reconnaît, mais lorsqu'ils font face à des problèmes particuliers, il n'y a pas d'aide ciblée. Ils disent qu'il faut offrir une meilleure aide à ceux qui vivent des problèmes complexes liés au deuil. C'est un point important.
    Je comprends ces principes, mais comment envisagez-vous de les appliquer au sein d'une bureaucratie et d'une structure de gouvernement, les valeurs que vous préconisez et les principes qui en découlent, c'est-à-dire de les mettre en oeuvre de manière à ce qu'ils aient du sens d'un point de vue fonctionnel? C'est le volet qui consiste à mettre les compétences à l'épreuve.
     Il y a de bons articles qui résument tout cela, de certaines grandes sociétés, comme l'American Academy of Pediatrics, je crois. Ils vous seront utiles, car ils constatent que c'est ce que les gens veulent. Ils sont également fondés sur la rétroaction des utilisateurs, si nous pouvons utiliser ce terme dans ce contexte, c'est-à-dire ceux qui ont été endeuillés.
    Vous avez mentionné qu'il y a toute une gamme de réponses. Vous avez parlé de certaines personnes qui retournaient au travail plus tôt et qui recevaient beaucoup de soutien de leur milieu de travail, ce qui les aidait à passer plus rapidement à travers leur deuil.
    Selon vous, quels sont les paramètres de la flexibilité à cet égard? Ma femme a fait une fausse couche à la fin de sa grossesse. Ce fut toute une épreuve. Dans quelle mesure pourrait-on déterminer où et quand les gens pourraient avoir accès aux mesures de soutien offertes par l'État, dans un contexte de souplesse et de diversité? J'ai travaillé avec des familles dont les grands-parents étaient grandement touchés, et des préoccupations se posent à ce sujet, ainsi qu'au sujet des membres de la famille élargie.
    Il y a une vaste gamme d'effets liés au trouble de stress post-traumatique, et vous êtes certainement au courant — en Amérique du Nord, nous utilisons le DSM-5, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, mais, monsieur, ce trouble et la réponse qu'il suscite sont très subjectifs. Chacun d'entre nous fait face à un ensemble différent d'interprétations et de défis.
    Comment envisagez-vous la portée de ces mesures? Comment vous y êtes-vous pris pour régler les problèmes dont vous avez parlé, dans le contexte des terribles fusillades qui ont eu lieu? Comment avez-vous traité avec la famille élargie, les parents, les voisins et les amis? Est-ce que cela fait partie des dispositions que vous envisagez, ou est-ce beaucoup plus ciblé?

  (0925)  

    L'une des leçons que nous avons tirées de cet acte terroriste... nous avons demandé à un de nos étudiants au doctorat de faire sa thèse sur le deuil vécu par les amis. Nous avons pu démontrer que les amis proches de ceux qui ont été tués vivaient leur deuil avec la même intensité que les frères et soeurs. Mais leur peine s'est atténuée un peu plus tôt que pour les frères et soeurs. Nous avons déterminé cela. Les grands-parents ont eux aussi été ciblés dans plusieurs études.
    Bien sûr, il faut commencer quelque part, et je pense qu'il faut commencer par les parents et les frères et soeurs, puis élargir à partir de là. Il faut être très souple pour les raisons que vous avez mentionnées.
    Avant d'assister à la réunion, j'ai rencontré un couple qui a perdu deux enfants et qui fonctionne bien. Les deux sont de retour au travail. Si la question est de savoir si c'est possible, nous dirions que oui, c'est possible pour certains, mais la plupart des gens sont complètement écrasés sous ce poids. Les systèmes flexibles comportant des structures et des possibilités intégrées sont vus d'un bon oeil, mais pour ce qui est de la durée, je pense qu'il faut se fonder sur les ressources qui sont disponibles.
    Je peux vous dire que selon des recherches suédoises, après le décès soudain d'un enfant, les parents prendront en général 10 fois plus de congés de maladie, plus de trois semaines, que ceux qui n'ont jamais vécu cette situation. Dans le cas d'un décès attendu, les personnes prendront cinq fois plus de congés. Ces études sont importantes et il s'agit d'un problème de société dont nous ne nous occupons pas suffisamment bien.
    Madame LaFontaine, nous parlons de soutien psychologique et émotionnel, ainsi que de soutien financier. De toute évidence, il est difficile de séparer les deux. Pour ce qui est du soutien émotionnel et psychologique, croyez-vous que cela relève principalement de notre régime de soins médicaux — où se fait le premier contact, et que cela passe ensuite davantage au soutien offert par le milieu de travail et par l'État? Le troisième élément serait le soutien communautaire qui en découle.
    Comment voyez-vous le lien entre ces trois éléments? Il y en a peut-être plus, pour ce qui est de développer cette notion de société compatissante et bienveillante, la subjectivité étant tellement grande quant aux types de besoins. Comment pouvons-nous nous faire une idée?
    Veuillez répondre brièvement.
    Lui demandez-vous de répondre brièvement à une question complexe?
    Vous avez dépassé votre temps de 42 secondes, Gordie.
    Soyez très brève, s'il vous plaît.
     Je crois que les familles devront avoir accès à un soutien professionnel, ainsi qu'au type de soutien que nous offrons, c'est-à-dire le soutien par les pairs. Apprendre que vous n'êtes pas seul dans votre deuil peut être une notion très réconfortante pour les familles qui veulent s'en sortir. Pour ce qui est de l'accès à d'autres types de soutien financier, encore une fois, cela pourrait certainement s'ajouter. Je ne pense pas que ces choses doivent se produire de façon consécutive.
    La parole est maintenant à M. Sangha.
     Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins de leur excellente contribution.
    Je sympathise avec vous pour votre deuil. Je suis conscient que vous avez personnellement fait face à ce problème. Quand on se retrouve dans ce genre de situation, on veut que quelqu'un soit proche de nous. On veut que quelqu'un soit près de nous au travail. On veut que quelqu'un nous parle et nous écoute. Il peut arriver qu'on raconte son histoire à d'autres, qu'on ait envie d'exprimer ce que l'on ressent profondément. Certaines personnes ont la bonne attitude. Elles s'approchent de vous, vous écoutent et vous consolent, mais d'autres n'ont peut-être pas le temps de le faire. D'autres personnes encore diront: « Pourquoi ne parle-t-elle que de cela? Pourquoi ne parle-t-elle pas d'autre chose? » Dans quelle mesure ce type d'intervention de l'entourage aide-t-il à consoler?
    L’aide sociale que nous pourrions offrir aux familles contribuerait certainement beaucoup à déstigmatiser la mort prénatale et la mort du nourrisson. Je pense que les familles parleraient davantage de leur perte et seraient mieux acceptées par leurs pairs et par la société si ce n’était pas un sujet tabou.
    Si nous avions des services de soutien social, des services de soutien affectif, bien connus, comme ceux offerts par la Société canadienne du cancer aux personnes qui reçoivent un diagnostic de cancer... Les familles et les gens en général devraient être en mesure de savoir, lorsque survient une fausse couche ou un décès de nourrisson, à qui il faudrait proposer aux familles de s’adresser.
    Vous avez raison de dire qu’il y a certainement beaucoup de gens qui peuvent vous entendre parler de votre histoire personnelle, mais qui, pour toutes sortes de raisons, ne pourrons l’accepter. Encore une fois, nous estimons que l’éducation est la solution de ce problème.

  (0930)  

    Au sein des familles, nous n’avons aucun problème parce que les gens se soutiennent les uns les autres dans la famille élargie. C’est quand une personne est seule, lorsqu’une personne endeuillée est seule à la maison, que le mari retourne au travail et que la femme reste seule à la maison, que de gros problèmes peuvent surgir. Pensez-vous que le financement soit le seul élément de la solution, ou y a-t-il d’autres façons de régler ce problème?
    Je suis d’accord avec vous. Lorsqu’on est seul, l’isolement peut certainement être accru, et le fait d’être en contact avec des programmes sociaux, des réseaux de soutien par les pairs, un service de soutien en ligne peut certainement aider à l’atténuer. Malheureusement, ce n’est pas toujours la famille qui offre le plus de soutien. Souvent, nous entendons des gens parler de membres de leur famille qui n’ont pas été capables de les soutenir au moment de leur perte. C’est trop difficile pour tout le monde d’en parler; c’est alors qu’il faut se tourner vers l’extérieur.
    Les gens doivent trouver à qui parler dans leur collectivité. Je suis d’accord avec vous pour dire que ce n’est pas en injectant des fonds que nous réglerons le problème. Il est certain que l’argent pour les programmes de soutien social que nous pourrions mettre en place aidera les familles à ne pas vivre cet isolement, qu’il s’agisse du conjoint qui retourne au travail ou de la mère du bébé qui retourne au travail. Si nous pouvions avoir dans notre société une discussion permettant aux familles d’exprimer leur deuil, de savoir que tous leurs interlocuteurs peuvent être une source de réconfort, ce serait un grand pas en avant.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Richards.
    Je vous remercie, monsieur le président, et grand merci également à nos deux témoins.
    Michelle, je vais commencer par vous. Tout d’abord, je vous remercie du courage que vous avez montré. Vous avez parlé de votre histoire personnelle et de la difficulté que vous avez eue à passer au travers de votre journée de travail. Vous avez aussi parlé de votre décision de rentrer à la maison par de petits chemins peu fréquentés parce que vous saviez combien vous étiez épuisée après votre journée de travail. Il faut beaucoup de courage pour essayer, à partir de votre expérience, de faire quelque chose pour éviter à d’autres personnes d’avoir à vivre ce que vous avez vécu. Je vous en remercie.
    J’aimerais poser quelques questions. Tout d’abord, nous avons entendu toutes sortes de récits de gens qui ont dû répéter leur histoire et leur expérience bien des fois à des bureaucrates, à des agents de Service Canada, aux employés de la banque et à d’autres encore, pour tenter de régler des problèmes de prestations ou d’autres questions qui s’y rattachent, souvent sans beaucoup d’information, comme vous l’avez mentionné.
    Avant d’en arriver là, j’aimerais vous demander à quel point il est important pour vous que les gens soient en contact avec quelqu’un qui comprend vraiment leur situation. Par exemple, dans le cas de Service Canada, dans quelle mesure est-il important que les fonctionnaires chargés de leur dossier soient des agents dévoués avec lesquels ils peuvent traiter et qui comprennent vraiment ce qu’ils vivent et quelle est la situation, afin de pouvoir y répondre de façon appropriée? Diriez-vous que c’est très important?
    Oui, je pense que c’est extrêmement important.
    Sans le genre d’éducation qu’il faut pour pouvoir donner l’information de façon compatissante, ces expériences risquent simplement de traumatiser davantage la famille. Nous avons entendu beaucoup de familles qui, lorsqu’elles sont allées chercher de l’aide ou de l’information, se sont fait dire des choses tout simplement inadmissibles. Je ne pense pas que ce soit parce que les gens s’en fichent. Je ne pense pas que ce soit parce qu’ils essaient d’envenimer la situation. Je pense que c’est parce qu’ils n’ont pas l’éducation nécessaire pour pouvoir offrir ce service avec compétence et compassion.
    Dans le même ordre d’idées, à l’une des activités du 15 octobre à laquelle j’ai assisté cette année, j’ai rencontré un jeune homme du nom de Timothy. Il venait de subir une perte un mois auparavant, je crois. On pouvait encore lire la douleur sur son visage. Il était encore profondément traumatisé par toute cette situation, et son histoire, qu’il m’a racontée, correspond tout à fait à ce que vous venez de décrire.
    Tout d’abord, on les a fait attendre dans une salle à la maternité pendant que mourait leur bébé, si bien qu’ils pouvaient voir la joie de tous les nouveaux parents autour d’eux. Ce n’était pas délibéré, mais c’était néanmoins très pénible. Puis, on leur a dit à la fin: « Eh bien, c’est une chose vraiment courante. Ne vous en faites pas. Ça va aller. » Cela l’a évidemment beaucoup troublé. Après ils ont tout simplement été renvoyés chez eux sans aucune information. Ils ne savaient pas vers qui se tourner ni quoi faire ensuite.
    J’aimerais que vous nous parliez de l’importance de mettre l’information à la disposition des gens pour qu’ils sachent à qui s’adresser, mais aussi de leur faire savoir qu’une certaine aide est disponible. Vous avez mentionné une prestation automatique, universelle... J’aimerais que vous nous parliez un peu de l’importance de cela parce que la dernière chose que nous voulons faire, à mon avis, c’est d’infliger aux gens des expériences qui risquent de les traumatiser davantage lorsqu’ils sont en deuil.
    Pouvez-vous nous parler de l’importance de ce caractère automatique et universel de quelque chose qui serait offert aux parents?

  (0935)  

    Je pense que la nature automatique et universelle d’un soutien de cette nature devrait d’abord confirmer qu’il s’agit d’une perte qui mérite ce genre d’attention et que les personnes touchées méritent d’être soutenues par le gouvernement.
    Lorsque nous offrons aux familles, au moment de leur perte, de l’information sur le soutien qui leur est offert, cela ne signifie pas nécessairement que toutes les familles y auront immédiatement recours. C’est, bien sûr, à eux d’y voir. Cependant, le simple fait de les informer de la disponibilité de soutien leur fait savoir que beaucoup de familles ont besoin de soutien, tout comme eux pourraient en avoir besoin. Il est important de normaliser l’expérience du deuil et de confirmer le fait que nous savons que les parents endeuillés ne sont pas en mesure de retourner au travail dans l’immédiat et que nous nous en sommes occupés. Les familles comptent sur leur gouvernement pour ce genre de leadership et de soutien. Une prestation universelle de deuil répondrait certainement à cette attente.
    Merci.
    J’aimerais vous poser une autre question. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné le réseau PAIL et le fait que vous vous occupez de la perte périnatale, du SMSN et d’autres décès d’enfants de moins de 12 mois. Pouvez-vous nous parler, quant à la nature du deuil vécu, de la différence entre ces pertes et d’autres situations, et nous dire pourquoi le réseau PAIL a été créé pour s’occuper expressément de la perte périnatale, du décès pendant la première année de vie, du SMSN et de ce genre de cas?
    Nous estimons que les besoins particuliers des familles éprouvées par un décès prénatal ou la mort d’un bébé nécessitent une approche différente. Je répète, pour que cela soit clair, que notre soutien n’est pas un soutien professionnel, mais un soutien par les pairs. Toutes nos activités de soutien se font par téléphone ou dans des cercles de soutien dans plus de 23 collectivités en Ontario, où les gens peuvent s’asseoir avec d’autres familles qui ont subi une perte.
    Nous constatons que, lorsque les familles sont en plein deuil, elles préfèrent établir des liens avec d’autres familles qui ont subi une perte très semblable à la leur. Par exemple, si ma perte était à huit semaines, j’aimerais parler à une famille qui a aussi subi une perte à huit semaines. Si j’ai perdu mon bébé à l’âge de trois mois à cause du SMSN, j’aimerais parler à une famille qui a vécu la même situation. Le parcours des soins de santé est différent. L’expérience du deuil pour ce que le bébé allait devenir, où on avait des espoirs et des rêves, sera très différente de l’expérience de deuil que vivra une famille qui a perdu un enfant plus âgé, où se penche sur les souvenirs de ce qu’il était déjà devenu.
    Les familles éprouvées par un décès prénatal ou la mort d’un bébé n’ont pas encore de tels souvenirs. Cependant, elles se sont certainement créé une identité d’elles-mêmes en tant que famille. Nous savons que l’attachement commence bien avant la naissance. Pour la famille qui souhaite ardemment la grossesse et l’arrivée du bébé, la perte signifie aussi l’anéantissement de toute la vie future qu’elle avait imaginée avec lui.
    Je pense que c’est essentiellement pour cela que nous avons décidé de limiter notre champ d’activité. Nous référons souvent à d’autres intervenants les familles qui ne répondent pas à ce critère, celles qui ont perdu un enfant de plus de 12 mois, principalement parce que nous avons l’impression qu’elles se sentiraient quelque peu à l’écart dans les groupes que nous avons constitués et que le soutien que nous offrons ne correspondrait pas à leurs besoins.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Ruimy.
    Merci beaucoup à vous deux pour ces exposés. La matinée est jeune chez vous, professeur.
    Écoutez, c’est un sujet difficile. Nous ressentons tous de l’empathie pour les gens qui ont subi de telles pertes. De fait, tous les jours il y a des gens qui éprouvent une perte. J’ai perdu mon père l’an dernier. Nous avons dû prendre l’avion pour Montréal. Il a été dans le coma pendant une semaine et nous avons dû attendre qu’il meure. Nous ne savions pas non plus ce qui se passait. Une heure après sa mort, des gens de la communauté juive sont arrivés poussant un gros chariot avec du café et tout le reste. C’était une façon pour eux de montrer leur soutien.
    Vous avez parlé du soutien par les pairs. Il y a deux choses qui se passent ici. Il y a Service Canada, dont je parlerai dans un instant, mais il y a aussi les services hospitaliers. C’est une question que j’essaie de comprendre moi-même. Vous avez les ONG. Puis il y a la province, le gouvernement fédéral et les pairs. Qu’est-ce qui déclenche tout cette mécanique? Que se passe-t-il et comment ces choses...
    Tout d’abord, êtes-vous la fondatrice de cet organisme?

  (0940)  

    Non. Il existe depuis environ 25 ans.
    Pouvez-vous me dire si ce programme est financé par le gouvernement?
    Il l’est maintenant. Depuis l’adoption du projet de loi 141, nous sommes entièrement financés par le ministère de la Santé de l’Ontario.
    C’est bien, parce que ce sont là certaines des choses que le gouvernement peut faire pour adopter une approche plus directe.
    Lorsque nous parlons de Service Canada, ce que nous entendons me déconcerte davantage. Si vous touchez des prestations d’assurance-emploi, ces prestations cessent la semaine où votre enfant décède. Nous avons entendu toutes sortes d’histoires, à savoir qu’on vous informe que vous n’avez pas présenté de demande, que vous n’avez pas envoyé de documents, que vous avez trop touché du régime et que vous devez maintenant rembourser. En général, cela arrive assez rapidement.
    Pouvez-vous nous parler de l’une ou l’autre de ces expériences, que ce soit la vôtre ou celle des personnes que vous avez rencontrées? Est-ce quelque chose dont vous entendez parler?
    Certainement. Ce n’est pas une priorité pour les familles de dire à Service Canada que leur bébé vient de mourir. Souvent, il n’y a personne autour d’elles pour leur dire de le faire. Ce serait un élément de l’éducation qu’il faudrait donner aux salons funéraires, aux fournisseurs de soins de santé et à quiconque est en position pour apporter un soutien à la famille au moment de sa perte. Il serait utile de leur faire savoir que c’est un processus à déclencher en informant Service Canada.
    À mon avis, il serait très simple de convertir la prestation d’assurance-emploi en prestation de deuil pour les familles qui viennent de perdre un enfant et d’éviter ainsi qu’elles aient à faire un remboursement. Nous entendons constamment parler de familles qui ont éprouvé d’importantes difficultés financières à la suite de la perte de leur bébé. Le simple fait de ne pas savoir où aller et quoi faire en est la cause.
    J’essaie encore de comprendre comment tout ce processus est déclenché parce que la plupart des familles ne veulent pas parler à Service Canada. Pourtant, il faut que quelqu’un informe Service Canada.
    Les hôpitaux ont-ils suffisamment d’information pour prendre ce genre de décision, ou s’agit-il de renseignements personnels?
    Après le décès de mon père, nous sommes allés au salon funéraire, qui s’est chargé de beaucoup de ces formalités. Les gens du salon nous ont dit: « D’accord, donnez-nous l’information et nous nous occuperons de tout pour vous. » C’est un peu difficile pour Service Canada parce que ce n’est pas tout le monde qui sait, par exemple, qui touche des prestations d’assurance-emploi.
    C’est exact.
    Auriez-vous des recommandations à faire pour que le processus se déroule sans heurts?
    Si vous voulez demander aux familles de consentir à la communication de leurs renseignements à Service Canada, cela pourrait se faire au niveau des fournisseurs de soins de santé. Certaines familles peuvent choisir de ne pas passer par un salon funéraire, à cause de leurs croyances ou du moment de leur perte. Les fournisseurs de soins de santé utilisent souvent une liste de contrôle lorsqu’ils rencontrent les familles en deuil afin de s’assurer que tout leur est offert. Ainsi, il s’agirait d’ajouter une ligne à la liste de vérification pour que le fournisseur de soins de santé voie à ce que les documents soient envoyés à Service Canada au nom de la famille. La famille n’aurait alors qu’à donner son consentement, ce qui réglerait la question de la protection de la vie privée, je crois.
    Il appartiendrait donc plutôt au fournisseur de soins de santé et aux hôpitaux de déclencher le processus.
    J’essaie de comprendre, puisque nous sommes au niveau fédéral, ce que Service Canada peut faire, en tant qu’autorité gouvernementale, pour faciliter cela. Pouvons-nous faire quelque chose pour faciliter cette période de transition? Nous savons qu’un décès est suivi d’une prestation de deuil. Nous le savons. Dans certains cas, cela ne se produit pas. Il y a donc une faille. Nous essayons de déterminer si c’est quelque chose que Service Canada devrait mettre en branle. Dans le cas du père et des funérailles, nous devons envoyer un certificat de décès, par exemple. Ce n’est pas une tâche agréable, mais il faut l’accomplir pour obtenir la prestation de décès.
    J’essaie de voir s’il y a quelque chose que nous pouvons faire pour faciliter le processus.

  (0945)  

    Je ne suis pas sûre de pouvoir vous répondre.
    Si un certificat de décès est délivré et qu’il y a du travail en arrière-plan qui peut être fait, c’est toujours utile. J’ai également l’impression que lorsque les familles connaissent quel est le processus, l’information qu’elles reçoivent peut les réconforter et les met à l’abri de surprises. Ce n’est peut-être pas facile, mais si nous savons que les familles ont telles étapes à franchir, elles peuvent obtenir du soutien pour les franchir, quelles qu’elles soient.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Merci à vous deux d’avoir témoigné devant le Comité aujourd’hui et d’avoir ainsi contribué à notre étude.
    La séance est suspendue pour quelques instants, le temps de permettre au prochain groupe de témoins de s’installer.

  (0945)  


  (0950)  

    Bonjour à tous.
    Nous voilà de retour pour accueillir notre deuxième groupe de témoins ce matin. Je suis heureux de vous informer que Francine de Montigny, directrice, et Chantal Verdon, chercheuse, Centre d’études et de recherche en intervention familiale, Université du Québec en Outaouais, sont présentes dans la salle à Ottawa, tandis que Gillian Hatto, fondatrice de la société Hazel’s Heroes, se joint à nous par vidéoconférence depuis Calgary.
    Nous allons commencer par Francine et Chantal.
    Vous avez la parole pour sept minutes.
    Je voudrais tout d’abord vous remercier de nous avoir invitées. Je vais m’exprimer en français parce que je peux ainsi probablement ajouter l’équivalent d’une minute à mon exposé. Je pourrais sans doute vous parler de deuil prénatal pendant 45 heures, mais je vais me forcer à être concise.

  (0955)  

    Prenez votre temps. Nous ne sommes pas pressés. Ce sont les interprètes qui vont s’amuser.
    Attendez que je parle en français.
    Je suis titulaire d’une chaire de recherche canadienne sur la santé psychosociale de la famille.

[Français]

Je suis chercheuse-boursière principale du Fonds de recherche du Québec en santé.

[Traduction]

    Je suis également directrice du Centre d’études et de recherche en intervention familiale. Chantal est co-chercheuse principale.
    Nous avons réalisé environ sept travaux de recherche, principalement au cours des 15 dernières années, mais je fais de la recherche depuis 20 ans sur le deuil prénatal. Nous sommes toutes deux cliniciennes. Nous animons des groupes de soutien prénatal depuis 20 ans à l’Université du Québec en Outaouais. Nous rencontrons les familles tous les mois et nous organisons aussi des groupes de soutien pour la prochaine grossesse. Tout ce travail est du bénévolat.

[Français]

     Je vais vous présenter un bref survol du phénomène du décès périnatal et vous parler très brièvement des séquelles qu'il peut avoir sur la santé mentale des parents, sur la relation de couple et sur le développement de l'enfant, des effets du manque de reconnaissance de deuil dans la société et au travail, des conséquences économiques de l'absentéisme et du présentéisme et de ce dont les familles canadiennes ont besoin.
    On estime qu'une grossesse sur cinq se termine par un décès périnatal et précoce — j'aimerais d'ailleurs qu'on me pose une question sur la raison pour laquelle je dis « on estime ». Cela représente environ 100 000 décès par année au Canada.
    Les services de santé et les services sociaux offerts aux familles en deuil sont inégaux d'une province à l'autre, d'une région à l'autre dans une même province et même à l'intérieur d'une même région. Un parent peut donc avoir accès à un service donné s'il demeure, par exemple, à Laval, mais pas s'il demeure à Montréal. Il doit alors aller dans une autre région pour avoir accès à ce service.
    L'accès à un congé parental payé est aussi inégal entre les pères et les mères. Pour les mères, il varie selon la province de résidence et la durée de la grossesse. Je pourrai également répondre à des questions là-dessus.
    Ces éléments contribuent à la non-reconnaissance du deuil périnatal et, selon nous, réduisent le rôle du père à un rôle de géniteur et de pourvoyeur financier. Cela perpétue le stéréotype selon lequel l'engagement du père dans le projet familial se situe sur le plan de la conception et non sur le plan de l'engagement affectif.
    Pourtant, les séquelles d'un décès périnatal sont réelles, à court et à long terme. Des familles sont venues vous parler. Les deux parents vivent une lourde perte et un chagrin intense. Le décès périnatal et le deuil subséquent ont des effets délétères sur la santé mentale des femmes et des hommes jusqu'à cinq ans après le décès. On parle ici de dépression, d'anxiété et de deuil persistants. En matière de recherche, on commence à parler de stress post-traumatique et de somatisation.
    Dans le cadre de nos études, nous avons rencontré des milliers de parents au cours des 15 dernières années. Les femmes ont parlé de pensées suicidaires. En effet, 16 % d'entre elles ont pensé au suicide. Présentement, nous faisons des accompagnements dans le cadre d'une autre étude longitudinale en cours, et certains pères pensent au suicide après la naissance de l'enfant suivant. Les symptômes persistent donc durant la grossesse et perdurent après la naissance d'un enfant en bonne santé.
    Quant à la relation de couple, il y a un risque accru de tensions conjugales, de séparations et de divorces. Même si certains couples peuvent se raffermir et se consolider après une telle tragédie, cela dépendra beaucoup du soutien qu'ils recevront et de la façon dont ils réussiront à traverser ensemble cet événement. Quand monsieur retourne travailler le lundi matin après la fausse couche ou après le décès et que madame est seule à la maison à pleurer, on peut imaginer que cela crée des tensions.
    Il y a des risques accrus de troubles de santé mentale tels que l'anxiété, entre autres, lors de grossesses suivantes. Il y a un risque accru de décès périnataux. Lors d'une première grossesse, une femme de 25 ans a une chance sur cinq de vivre une fausse couche ou un décès périnatal, et une chance sur quatre une fois qu'elle a vécu un premier événement. Le risque de vivre plusieurs décès périnataux au cours d'une vie est donc accru.
    Il existe des études internationales et canadiennes en ce qui concerne les effets postnataux. À Calgary, les bébés nés de mères qui sont dépressives au départ, et pas nécessairement à la suite d'un décès, courent davantage de risques de faire eux-mêmes une dépression plus tard. On commence donc à parler d'un trouble immunitaire qui serait génétiquement transmis de la mère à l'enfant durant la grossesse. Si elle porte une fille, la mère va transmettre ceci à sa fille, qui va le transmettre aussi à la prochaine génération. Il y a donc une transmission intergénérationnelle de troubles de santé mentale et des coûts y sont associés.

  (1000)  

     Certains effets postnataux sont aussi nommés. Certains de nos collègues américains ont fait des études sur une période de 25 ans sur des cohortes de parents qui ont vécu des traumatismes, dont des décès. On voit que les bébés qui ont un parent dépressif ont un risque accru de dépression et de troubles intériorisés et extériorisés pendant l'enfance et à l'âge adulte. Cela varie selon le genre du parent. Je pourrai vous en reparler.
    Les effets du manque de reconnaissance du deuil dans la société au travail se vit dans les espaces médicaux, familiaux et sociaux, mais l'espace du travail est celui où le deuil est le moins reconnu. Je pourrai y revenir tantôt.
    Le silence qui entoure la souffrance et la détresse des hommes endeuillés qui, comme les mères, doivent apprendre à vivre avec le décès d'un enfant, les force à retourner au travail, alors qu'ils sont physiquement et psychologiquement ébranlés. Il en résulte un haut taux de présentéisme et d'absentéisme.
     Je vais passer tout de suite au coût du présentéisme et de l'absentéisme. Les évaluations canadiennes indiquent: que les coûts de productivité liés aux troubles de santé mentale sont de 17,7 milliards de dollars annuellement; que les coûts de présentéisme sont habituellement de 5 à 10 fois plus élevés que ceux de l'absentéisme; et que les symptômes de dépression de deuil et d'anxiété sont liés à une baisse de productivité, de concentration, d'habileté de résolution de problèmes, de prises de décision et à davantage d'accidents au travail.
    Il y a aussi des conséquences économiques directes et indirectes en matière d'utilisation accrue des systèmes de santé. Si on n'a pas l'aide dont on a besoin au moment de l'événement, on va consulter à répétition pour le même événement. Les conséquences sur les enfants déjà présents et les enfants qui naissent par la suite sont encore très méconnues, de même que celles sur la famille étendue — monsieur en parlait tantôt —, soit les grands-parents qui sont en deuil, et sur les familles d'origines culturelles diverses. On en sait encore très peu sur ce qu'elles vivent.
    Ce dont ont besoin les familles — tant les mères que les pères —, c'est la reconnaissance de leur deuil par des programmes de sensibilisation sociétale, par des programmes en milieu de travail et par des congés de deuil pour les deux parents. Ils ont besoin d'être accompagnés par du personnel sensible et compétent qui reconnaît leur spécificité culturelle et leur trajectoire de deuil, qui peut varier, et ce, tout au long d'un continuum de soins. Il faut non seulement mettre en oeuvre des programmes, mais également les évaluer. En effet, on élabore et on met en place des programmes, mais on ne sait pas s'ils apportent quelque chose à la vie des parents. Il nous faut plus de statistiques précises qui nous permettent de savoir combien il y a de décès tardifs et précoces. Il nous faut plus également des recherches longitudinales, pour que ce ne soit pas toujours alimenté par des résultats recueillis dans d'autres pays. Nous avons une spécificité culturelle, au Canada, et nous ne connaissons pas les trajectoires de deuil des familles et leurs répercussions à long terme, parce que nous n'avons pas d'études là-dessus.
    Nous n'avons pas non plus d'études sur les effets du deuil au travail. Un article qualitatif va être soumis prochainement, mais nous n'avons pas d'étude quantitative. Nous avons peu d'études. Nous avons réalisé une petite étude sur la spécificité culturelle lors de l'accompagnement des familles, mais nous avons besoin d'une évaluation des programmes. Les groupes de deuil, entre autres, ont peu souvent été évalués. Nous ne savons pas s'il est mieux qu'ils soient formés de deux parents bénévoles ou d'un professionnel accompagné d'un parent.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci.
    Nous passons maintenant à Gillian Hatto, fondatrice de la société Hazel’s Heroes.
    Vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci.
    Le 29 mai 2014, j’ai donné naissance à mon premier enfant, ma fille Hazel Rose. Elle est née en bonne santé, heureuse et parfaite à tous points de vue. Nous avons passé trois mois extraordinaires avec elle dans nos bras, les trois mois les plus heureux de notre vie. Il n’y avait aucun signe, aucun avertissement, aucune pensée qu’elle aurait pu nous quitter aussi brusquement qu’elle l’a fait, mais le 31 août, elle s’est endormie et ne s’est jamais réveillée.
    Cette journée restera gravée à jamais dans ma mémoire. Quand j’y pense, même quatre ans plus tard, la tête commence à me tourner et mon ventre à se nouer. Ce que nous avons vécu ce jour-là et dans les semaines et les mois qui ont suivi, personne ne devrait avoir à le vivre. C’est une expérience que personne ne peut imaginer, à moins d’avoir soi-même perdu un enfant.
    Nous devions répondre à des questions qui ne nous étaient jamais venues à l’esprit et nous ne savions pas si les décisions que nous prenions étaient bonnes. Serait-elle inhumée ou incinérée? Quels vêtements voulions-nous qu’elle porte? Où resterait-elle, au cimetière ou chez nous?
    Ensuite, nous avons dû planifier les funérailles. Mon mari Gareth et moi avons créé un diaporama de nos photos les plus précieuses. Nous avons dû choisir le lieu de la cérémonie, prévoir de la nourriture et des breuvages chauds à servir, puis composer des discours pour montrer, tant bien que mal, à tous combien nous avions aimé notre petite fille et combien elle nous manquait. Je pouvais à peine me brosser les cheveux, encore moins être présente auprès de la centaine d’amis et membres de notre famille, mais je n’avais pas le choix. Car même si le coeur de Hazel avait cessé de battre, le mien, lui, continuait de battre, que je le veuille ou non.
    Le monde, pourtant, continuait de tourner autour de moi, mais je restais submergée de chagrin et de tristesse. Je ne voulais m’occuper l’esprit de rien d’autre que les souvenirs de ma magnifique fille. Assez tôt, j’ai commencé à voir un conseiller de personnes en deuil que m’avaient proposé les Services de santé de l’Alberta. J’avais besoin d’un exutoire et de quelqu’un qui pouvait m’aider à comprendre les nouvelles émotions qui m’habitaient. Je ne m’étais jamais imaginée que le chagrin pouvait entraîner un tel flot de sentiments affreux.
    Je ne reconnaissais pas la personne que j’étais devenue, mais je ne me souvenais pas non plus de la personne que j’avais été. Disparue la femme extravertie, heureuse, bavarde et confiante que j’avais été. J’avais peur de me trouver en public. J’étais remplie d’anxiété sociale intense, et je craignais tout ce qui pouvait me rappeler ce que j’avais perdu et qui j’avais perdu, mais les rappels étaient partout: femmes enceintes, familles rieuses, bébés au sein. Le terrain était semé de mines.
    Il y avait tant de choses auxquelles je ne voulais pas penser dans les jours qui ont suivi le drame, comme l’argent, le travail, l’exercice, la cuisine, l’alimentation, pour n’en nommer que quelques-unes. Le retour au travail était la dernière chose à laquelle je voulais penser, mais le sujet revenait dans la conversation beaucoup plus souvent que je ne l’aurais voulu.
    Ceux autour de moi qui ne comprenaient tout simplement pas ma détresse supposaient, bien à tort, que le travail était un bon dérivatif. J’ai pour profession d’enseigner à des élèves ayant des besoins spéciaux. Je n’ai pas de bureau où je peux m’enfermer, pour pleurer s’il le faut. Je suis plutôt entourée toute la journée de dizaines de personnes et j’ai à prendre des décisions importantes concernant les besoins des élèves que je soutiens et des adjoints que je supervise. La dernière chose que je voulais, c’était un dérivatif.
    Je me suis sentie tellement isolée, si seule dans ma douleur, que j’avais besoin de la comprendre et de passer au travers pour me sentir humaine à nouveau et trouver quelque espoir. Personnellement, je ne crois pas qu’on comprenne bien la détresse du deuil, surtout dans le cas de la mort d’un enfant, et les gens savent rarement comment soutenir les parents en deuil. Souvent, on dit ou on fait des choses avec de bonnes intentions, mais avec des résultats lamentables, causant dans bien des cas plus de tort que de bien. Revenir au travail quelques semaines ou même quelques mois après la perte d’un enfant, c’est devoir répondre à des questions au sujet de sa famille de la part de personnes qui ne savent pas que vous êtes toujours en deuil, c’est devoir écouter les autres parler de leur famille et de leurs enfants et se faire servir des platitudes sur la façon de s’en sortir. Pour moi, ce n’était tout simplement pas un milieu sain.
    Mon mari et moi avons fait des recherches en ligne pour nous renseigner sur ce qu’il fallait faire quant à l’assurance-emploi, à mon travail et à notre situation financière, puisque personne au salon funéraire ou à l’hôpital ne nous a dit ou ne savait ce que nous étions censés faire. Nos recherches nous ont appris qu’il existait une prestation d’assurance-emploi pour les parents d’enfants assassinés ou enlevés, qui, je le sais, a été récemment remplacée par une prestation pour les parents de jeunes victimes d’actes criminels. J’ai lu cela à maintes reprises et j’ai poursuivi mes recherches, persuadée qu’il devait y avoir quelque chose pour les parents ayant perdu un enfant disparu autrement, mais je n’ai rien trouvé. J’en étais incrédule et je me suis dit que le gouvernement devait penser que, dans le cas d’un enfant enlevé ou assassiné, les conséquences étaient peut-être plus graves que dans le cas d’un enfant mort de maladie ou de cause indéterminée et que les parent de celui-là méritaient d’être soutenus, mais pas les parents de celui-ci. Malheureusement, le résultat est identique: un parent fera le deuil de son enfant jusqu’à son dernier jour, quelle que soit la cause de sa mort.
    Quelques jours plus tard, j’ai appris que je devais me présenter à Service Canada pour annuler mes prestations d’assurance-emploi et me renseigner sur mes options. On m’a dit qu’il y avait de bonnes chances que je sois admissible aux prestations de maladie. J’étais un peu confuse, car je savais que c’était différent du soutien accordé aux parents d’un enfant assassiné, mais les prestations de maladie ne me semblaient pas devoir s’appliquer non plus, car je n’étais ni malade ni blessée. J’étais brisée et en deuil, mais je sentais bien que je n’entrais dans aucune des cases définies.
    Cependant, je me sentais soulagée d’être admissible à la prestation, même si je savais que 15 semaines ne seraient pas assez. Je sais maintenant que je n’avais droit aux prestations de maladie que parce que je n’y avais pas eu recours pendant ma grossesse avec Hazel. Au bout du compte, je n’ai pas pu bénéficier de l’assurance-emploi, mais plutôt d’un congé d’invalidité de courte durée dans le cadre de mon emploi, puis d’un congé de longue durée. J’ai fini par m’absenter du travail pendant exactement deux ans. En tant qu’enseignante, je suis reconnaissante d’avoir eu accès à ces prestations et de ne pas avoir été obligée de retourner au travail alors que je n’étais pas physiquement ou mentalement capable d’y être.

  (1005)  

    Quelques semaines après la mort de Hazel, j’ai reçu par la poste un avis de Service Canada m’informant que j’avais reçu de l’argent en trop au titre de la prestation fiscale pour enfants et que je devais rembourser la somme excédentaire au gouvernement sans tarder. La somme à rembourser était environ 550 $. Je ne me doutais aucunement que j’avais trop reçu et que je devais rembourser une somme de cette importance.
    Je n’ai pas eu la possibilité de payer en ligne. J’ai même téléphoné pour voir si c’était possible, car j’évitais à tout prix de me trouver en public. Partout où j’allais, il y avait des rappels déclencheurs, et je n’étais pas émotionnellement prête à me livrer à des bavardages légers, ni à prendre le volant en toute sécurité. Malheureusement, je n’avais pas d’autre choix que de me présenter à la banque en personne. C’est ce que je redoutais, car ce n’était que quelques semaines plus tôt que j’y avais ouvert un compte REEE pour Hazel. La banque étant à distance de marche de ma maison, je me suis forcée d’y aller. Je n’avais pas tellement le choix.
    La caissière m’a immédiatement reconnue et m’a demandé où était mon beau bébé. Je l’ai regardée en silence, puis j’ai réussi à lui dire qu’elle était décédée. La caissière a froncé les sourcils et m’a répondu que sa nièce avait fait une fausse couche récemment et qu’elle comprenait ce que je vivais. Je suis restée là, hébétée, puis je suis sortie aussi vite que j’ai pu. J’ai été physiquement incommodée, alors même que les clients circulaient autour de moi. Il va sans dire que je ne suis pas retournée à cette banque depuis. J’espère que les choses ont changé depuis la mort de Hazel il y a quatre ans et que les parents peuvent désormais faire ces remboursements en ligne ou, mieux encore, pas avoir à les faire.
    Après deux ans de deuil, j’ai créé, en souvenir de Hazel, une fondation appelée Hazel’s Heroes. Elle offre, sans frais pour la famille, des retraites de guérison aux mères qui ont perdu un enfant de moins de 12 ans. Grâce à la société Hazel’s Heroes et aux divers groupes de soutien dont je fais partie, j’ai rencontré des dizaines, voire des centaines, de parents endeuillés. Beaucoup d’entre eux m’ont fait part de leurs inquiétudes au sujet de leur retour au travail et de leurs difficultés à gagner suffisamment d’argent, faute de toucher un chèque de paie ou des prestations sociales. C’est tout simplement déchirant. Le deuil ne vous touche pas seulement sur le plan émotionnel; il vous atteint dans chaque fibre de votre être. Ce qui m’a le plus aidée dans mon deuil, ce n’est pas de retourner au travail et de trouver des distractions, mais plutôt de consacrer du temps à des activités se rattachant à mon deuil, comme le counselling, la participation à des groupes de soutien, la tenue d’un journal et ma présence auprès de personnes qui comprenaient ce que je vivais.
    Il est tellement important de reconnaître, en tant que société, la nécessité de donner aux parents endeuillés la possibilité de vivre paisiblement leur épreuve, de trouver de nouvelles façons de prendre soin de l’enfant qui n’est plus dans leurs bras et de trouver une nouvelle normalité. Le gouvernement peut aider à faire en sorte que cela se produise, et j’espère que le Comité pourra trouver une solution pour mieux soutenir les parents après la perte tragique d’un enfant.
    Merci de votre attention.

  (1010)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons commencer la série de questions avec M. Diotte, pour six minutes.
    Merci à vous deux d’être venues, et surtout à Mme Hatto. Du fond de mon cœur, je compatis avec vous. Je suis heureux que vous puissiez nous faire un exposé, car il est très utile d’entendre des témoignages aussi poignants.
    À ce sujet, que pouvons-nous faire pour qu’aucun parent n’ait à subir ce que vous avez vécu? Qu’aimeriez-vous voir en matière de programmes et de soutien de la part du gouvernement fédéral?
    Comme je l’ai mentionné dans mon témoignage, la première chose, qui m’a semblé la plus facile, c’est de ne pas s’attendre à ce que les parents se lancent dans le public et de ne pas les obliger à se rendre en personne à la banque pour rembourser la prestation fiscale pour enfants. Cela devrait pouvoir se faire en ligne. J’aimerais que le gouvernement mette fin immédiatement à cette situation, afin que les parents ne soient plus surpris d’apprendre, en plein deuil de leur enfant, qu’ils ont à rembourser telle somme d’argent. Certains parents que je connais ne l’ont appris que des semaines ou des mois plus tard, si bien que le montant à rembourser était tel que leur compte en banque ne suffisait pas. Je pense que c’est une situation cruelle.
    J’aimerais qu’il y ait des prestations comme celle qui est proposée dans la motion M-110, de sorte que les parents n’aient pas à retourner au travail immédiatement. Je sais qu’il y a la prestation de maladie, mais comme nous l’avons vu dans des témoignages précédents, elle n’est pas disponible pour les parents qui ont pris un congé pour cause médicale pendant la grossesse.
    Personnellement, d’avoir découvert que quelque chose était prévu dans le cas des enfants disparus dans d’autres circonstances... Je pense que les parents devraient savoir qu’il existe une prestation spéciale pour les parents en deuil, afin qu’ils se sentent soutenus par le gouvernement et que soit ainsi reconnue la nature distincte de leur perte. Je pense que les parents qui n’ont pas touché la prestation de maladie devraient la recevoir en plus de la prestation de deuil parce que le délai de retour au travail n’est jamais assez long. Tant mieux pour les parents qui veulent retourner au travail. Mais pour quelqu’un comme moi, et comme beaucoup d’autres parents que je connais, le retour au travail ne s’est fait que bien au-delà de 15 semaines. En fin de compte, j’ai pris deux ans.
    Il y a tellement d’autres choses que le gouvernement pourrait faire pour aider, comme soutenir les ONG et offrir aux parents des retraites, comme celles de la société Hazel’s Heroes, pour qu’ils puissent se réunir et rencontrer d’autres familles endeuillées. Il y a tellement de parents qui sont venus à nos retraites qui n’avaient jamais rencontré un autre parent endeuillé au cours des cinq ou six années de leur deuil. C’est déchirant. Les parents se sentent isolés dans leur deuil et leur perte. Rencontrer d’autres parents qui ont vécu une situation semblable à la leur les aide à se sentir soutenus, moins esseulés, et capables de persister dans la vie, de trouver une raison pour continuer à respirer.
    Merci.
    Depuis que vous avez fondé la société Hazel’s Heroes, quelles histoires avez-vous entendues de la part d’autres parents concernant leur incapacité d’agir ou les lacunes qu’ils ont constatées du côté fédéral?

  (1015)  

    Je pense que, parmi les situations difficiles, l’une des plus graves est celle de parents qui apprennent beaucoup trop tard après le décès de leur enfant qu’ils doivent rembourser tant d’argent au gouvernement.
    Il y a tellement de personnes qui ont participé à nos retraites. À l’heure actuelle, les retraites sont axées sur les mères qui ont perdu un enfant, et beaucoup d’entre elles sont célibataires. Elles ne sont pas dans un ménage à deux revenus. Elles n’ont pas d’employeur qui leur donne accès à des congés plus longs. Elles ont dû, en bout de ligne, quitter leur emploi parce qu’elles y étaient retournées trop vite, encore aux prises avec des blocages émotionnels et mentaux.
    Je pense que ce qui m’a le plus frappée, c’est de penser qu’elles sont de retour au travail, qu’elles peinent à reprendre le travail, qu’elles entendent leurs collègues parler de leurs enfants et de leur famille et qu’elles doivent se résigner à endurer cette situation ou décider, à la fin, de démissionner et d’abandonner leur gagne-pain, parce que c’est bien pour cela qu’elles avaient dû retourner au travail: gagner un revenu, quitte à souffrir de conditions qui leur étaient pénibles.
    Oui, j’ai entendu beaucoup d’histoires épouvantables où des familles ont dû vivoter avec des revenus de misère sans pouvoir s’en sortir, du fait que, leurs congés de maladie étant déjà épuisés, il fallait retourner au travail. Ce sont ces histoires qui m’ont le plus touchée.
    Cela doit être terrible d’apprendre tout à coup qu’il faut rembourser des prestations auxquelles vous pensiez avoir droit.
    Surtout quand on vous a accordé un congé de maternité pour l’année qui suit la naissance de l’enfant et que vous vous attendez à être en congé pendant ces 52 semaines. Quand on vous apprend que vous devez sans délai retourner au travail ou que vous devez rembourser immédiatement la prestation fiscale pour enfants... Pour les parents, c’est presque comme s’il y avait de la malveillance à leur endroit, eux qui doivent faire des démarches auprès des services gouvernementaux, de l’administration de l’assurance-emploi, pour savoir quelles sont leurs options. Vous avez l’impression d’être jugé ou de demander quelque chose que vous ne méritez pas. C’est le sentiment qu’il faut à tout prix éviter de susciter chez les parents endeuillés. Ils ne devraient pas se sentir obligés de retourner au travail du fait qu’ils n’ont plus d’enfant. Parce qu’ils ont justement à s’occuper d’un enfant. Ils continuent d’avoir la charge de leur enfant. L’enfant ne disparaît pas.
    Hazel restera dans mon cœur pour toujours, et je continue de l’élever à travers beaucoup d’autres situations maintenant, grâce à la fondation Hazel’s Heroes. Je suis vice-présidente de la société du SMSN de Calgary. Je connais beaucoup d’autres parents qui continuent de laisser un legs durable à leurs enfants et qui les élèvent d’autres façons. Nous occupons toujours un emploi à plein temps. Nous avons encore nos autres enfants. Néanmoins, le fait de se faire accorder un peu de temps, un peu de soutien émotionnel, un peu d’aide financière de la part du gouvernement pourrait faire une très grande différence dans la vie d’un parent endeuillé.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Ruimy, vous avez six minutes.

[Français]

     Je vous remercie d'être ici aujourd'hui.

[Traduction]

    Je vais commencer par Mme Hatto.
    Il n’y a pas de moyen facile de mener cette discussion. Pour beaucoup des questions qui sont portées à notre attention, les compétences sont dispersées, que ce soit aux niveaux provincial, municipal ou fédéral. Ensuite, il y a les formalités administratives, qu’il s’agisse de celles de Service Canada ou d’autres organismes gouvernementaux, qui ne comprennent peut-être pas ce qui se passe. Qu’est-ce que le Comité peut faire pour réduire ces tracasseries administratives?
    Comme je l’ai fait remarquer au groupe de témoins précédent, on nous dit que les prestations cessent la semaine du décès. Une solution facile serait d’établir un délai de grâce. Nous avons entendu cette proposition. Le gouvernement fédéral pourrait peut-être se pencher là-dessus. La santé mentale, c’est autre chose. Je pense que nous sommes tous d’accord sur la valeur des ONG, des organismes sans but lucratif comme le vôtre et sur les modalités de leur financement. Comment pouvons-nous aider? La société Hazel’s Heroes reçoit-elle un financement provincial ou fédéral?
    Non, il n’y a pas de financement. Tous nos revenus nous proviennent sous forme de dons.

  (1020)  

    D’accord. C’est intéressant, car c’est difficile. Vous avez dit que vous êtes allée à la banque et que la première réaction des gens a été de dire: « Oh, c’est embarrassant », ou de dire: « Mon frère est passé par là », ou « Ma nièce est passée par là ». Je ne pense pas que ce soit quelque chose qu’on puisse légiférer. Cela vient avec la sensibilisation. Cela vient avec l’éducation. Les gens sont maladroits parce qu’ils ne savent pas quoi dire en public.
    Pour moi, il y a deux choses. Comment le gouvernement fédéral peut-il fournir une aide financière et réduire les formalités administratives? C’est extrêmement important. Vous avez souligné qu'on vous a dit que vous deviez 550 $. Il est ridicule que ce soit une réponse automatique qui dit qu’il faut payer dans les délais prévus. Dans le cadre du travail que nous faisons dans nos circonscriptions, c'est facile pour nous de téléphoner à un agent de Service Canada et de lui dire: « Voici ce qui s’est passé », et il va... Il y a donc une lacune. Il y a quelque chose qui ne va pas, et nous devons trouver une façon de régler ce problème.
    Vous avez dit que vous n'êtes pas retournée au travail avant deux ans. Dans le groupe de témoins précédent, le professeur a dit que certaines personnes reviennent beaucoup plus rapidement. Parfois, il n’est pas bon que les gens restent à l'écart trop longtemps, parce qu’ils n’interagissent pas, et ainsi de suite.
    Comment pourrions-nous régler ce problème? Il y a des disparités lorsqu’on essaie de mettre sur pied un système: pour une personne, il faut peut-être deux ans, mais si elle n'a pas d'avantages sociaux, elle ne les obtient pas. Pouvez-vous nous en parler un peu?
    Eh bien, je pense que c’est différent pour chaque personne, tout comme je sais que le deuil est différent pour chaque personne. Dans le cas de mon mari, il est retourné travailler trois semaines après la perte de Hazel. J’aime l’idée de la motion M-110 qui prévoit au moins un délai de grâce. C'est un peu de temps que le gouvernement nous donne en nous disant: « Écoutez, nous savons que le retour au travail en ce moment n’est pas la meilleure chose pour vous. » Cependant, les gens ont aussi le choix de retourner au travail et de ne pas profiter de cet avantage. Ils auraient le choix.
    Dans mon cas, j’ai pris ces deux années supplémentaires. Je pense que cela dépend vraiment, pour les familles, du travail qu'elles ont choisi de faire. Pour ma part, j’ai eu un autre enfant pendant ces deux années et je n’aurais pas pu retourner travailler avec un nouveau-né. Je pense que chaque situation est différente, mais je pense qu’accorder un délai de grâce...
    Je ne pense pas que le fait de dire 12 ou 15 semaines, ou un nombre quelconque de semaines, veut dire que vous allez avoir oublié ou que votre deuil sera terminé, mais je pense que c’est une façon d'apporter une certaine aide à ces familles pour qu’elles aient accès à certaines des mesures de soutien qui, je l’espère, sont disponibles.
    J’ai beaucoup de chance d’être à Calgary. Je constate, en faisant partie de Hazel's Heroes et en entendant les témoignages des familles de partout au Canada, et même des États-Unis, que j’entends parler des différentes aides offertes dans leurs villes et leurs provinces. J'ai été très chanceuse, à Calgary, de recevoir gratuitement des services d'aide aux personnes endeuillées par l’entremise du Rotary Flames House. Je sais que ce n’est même pas une option dans certaines grandes villes du Canada. Je pense que c’est une chose que nous devons... Je ne sais pas si le gouvernement pourrait examiner l'appui qu'il apporte du côté de la santé mentale.
    Comme je l’ai dit, ce peut être une chose bien simple. De toute évidence, la caissière ne savait pas quoi dire, et c’est très normal. Les gens ne savent pas quoi dire lorsqu’il s’agit de deuil et de la perte d’un enfant. Je pense que le fait d'obliger un parent à sortir en public au cours des premières semaines de deuil est un châtiment cruel et inusité. J’avais envie de brandir une pancarte disant « Mon enfant vient de mourir », simplement pour que les gens comprennent de ne même pas me demander: « Comment allez-vous aujourd’hui? » Quelqu’un au supermarché était en train d’emballer mon épicerie et m'a dit: « Comment allez-vous? » Je ne pouvais même pas répondre « Bien. » Mon regard était fixe et j'avais envie de vomir. L’anxiété sociale extrême que vous ressentez, je ne peux même pas l'expliquer. Je n’avais aucune idée que c'était quelque chose qui arriverait.
    Dire aux gens qu’ils ne peuvent pas payer en ligne, qu’ils doivent aller dans une banque où ils viennent juste d'ouvrir un REEE pour leur enfant, c’est ajouter beaucoup de cruauté. Je pense que cela pourrait être facilement réglé par une option en ligne. C’est une chose simple qui, à mon avis, devrait être changée rapidement.

  (1025)  

    Merci.
    La parole est maintenant à la députée Sansoucy.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie l'ensemble des témoins.
    Mesdames de Montigny et Verdon, dans le cadre de cette étude, nous devrons faire des recommandations. J'aimerais que nous réfléchissions au financement des organismes sur le terrain, qui font un travail extraordinaire avec peu de ressources.
    Dans l'une de vos recherches intitulée « Les services offerts aux familles lors d'un décès périnatal », un constat ressort de façon évidente: les ressources existantes sont méconnues des intervenants et des parents.
    Cette recherche met aussi en lumière un élément qui a été soulevé par de nombreux témoins, et on vient encore de l'entendre: à la suite du décès d'un enfant, les intervenants n'ont pas toujours toutes les réponses et ne savent pas toujours où diriger les parents.
    Lors de notre dernière rencontre, j'ai été surprise d'apprendre que Service Canada n'avait aucun outil pour aider les parents ni même pour les diriger vers les services appropriés.
    À la lumière de vos recherches et de votre expertise, comment le gouvernement fédéral pourrait-il mieux appuyer les organismes pour qu'ils puissent aider les parents, d'une part, et faire la promotion de leurs services, d'autre part? Ces services existent, mais ils sont méconnus. Est-ce seulement le manque de financement qui fait que ces services sont méconnus? Un organisme comme Service Canada pourrait-il servir de porte d'entrée pour orienter ces gens vers les différents services?
    Vous pouvez toutes les deux me parler de financement, d'orientation vers les services et d'accès à l'information.
    L'étude dont vous parlez date de 2010, mais la situation est la même aujourd'hui. Si on refaisait la même étude, on constaterait encore que les services sont méconnus et mal distribués dans la province de Québec et ailleurs au Canada.
    En ce qui concerne le décès périnatal, les provinces les plus actives sont le Québec, l'Ontario et la Colombie-Britannique. Il y a aussi présentement un peu de services offerts au Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

    Il n’y a pas qu’une solution, il y en a plusieurs. Oui, Service Canada peut répondre aux questions, mais il faut de la formation. Il faut former les gens qui répondent au téléphone.
    Nous sommes dans une société qui nie la mort. Dans notre société, il n’y a pas de place pour la mort, alors il est très facile de... Quand une personne ayant perdu un proche retourne au travail, pendant un jour ou deux, les gens lui demandent: « Comment vas-tu? » La semaine suivante, ils s’attendent à ce qu'elle redevienne aussi productive qu'elle l'était, comme si rien ne s'était passé dans sa vie.
    La mort est troublante. C’est troublant quand c’est un enfant. C’est troublant lorsqu’il s’agit d’un parent, d’un frère ou d’une soeur. Nous avons besoin d’espace pour vivre ces émotions, pour les intégrer dans nos vies afin que nous puissions éventuellement être plus productifs.
    Si vous retournez au travail trop tôt lorsque vous n’avez pas envie d'y retourner, cela fera en sorte que vous serez là, présent, mais que vous ne ferez pas grand-chose, vous serez un simple automate. Certains pères ont raconté qu’ils avaient perdu leur emploi après la perte de leur bébé parce qu’ils étaient retournés au travail trop rapidement et qu’ils n’étaient pas aussi passionnés par leur travail ou aussi productifs qu’avant.
    Nous avons besoin de ce temps, et c’est différent pour tout le monde.
     Je ne suis pas du même avis que M. Dyregrov, à savoir qu’ils devraient tous retourner au travail rapidement. Certains d’entre eux ont besoin de retourner au travail rapidement, mais nous constatons aussi que, parmi les parents que nous aidons, lorsque les hommes retournent rapidement... Les femmes ont souvent un congé parce qu’elles ont accouché et qu’elles ont des symptômes postpartum. Même si la grossesse n’a duré que 16 semaines et qu’elles n’ont pas droit aux prestations, il y a des changements dans leur corps après l’accouchement. Elles peuvent produire du lait et subissent différents types de changements hormonaux, de sorte qu’elles obtiennent plus facilement un congé de maladie de leur médecin que les hommes. Lorsque l'homme retourne au travail, cela affecte la relation, ils s’éloignent l'un de l'autre.

[Français]

    Je vous interromps ici, car mon temps est limité.
    Excusez-moi. Vous vouliez parler des programmes.
    Madame Verdon, j'ai parlé tantôt d'un organisme de ma circonscription qui doit mener quatre activités de financement pour survivre, et on sait que d'autres organismes pour personnes endeuillées ont dû fermer.
    Que pourrait-on faire pour mieux soutenir ces organismes?
     Je veux préciser que Service Canada est une porte d'entrée extrêmement importante. Les familles, surtout les familles immigrantes qui arrivent ici, s'adressent à des institutions. Or je pense que Service Canada a bonne presse. Si on écrit sur un site que c'est un deuil reconnu et important et qu'il faut s'y attarder, je crois qu'on envoie déjà un message. Si le message n'est pas passé au sein des centres hospitaliers ou des services offerts dans les diverses provinces et régions, je crois que vous devez être cette porte d'entrée, qui demeure extrêmement importante pour ce qui est de lancer un message convaincant.
    Oui, il y a une portée financière mesurable. Les organismes ne sont pas viables s'ils ne reçoivent pas de subventions et s'ils sont méconnus. Une porte d'entrée comme Service Canada pourrait assez facilement mettre sur le Web des ressources accessibles à monsieur et madame Tout-le-monde dans toutes les provinces du Canada. Je pense que, de cette façon, on enverrait déjà un message clair. Il faudrait mettre le site à jour et envoyer un message clair aux provinces sur l'importance de s'attarder à cela, à tous les niveaux, notamment dans les régions et les municipalités.
    Cela permettrait de former des groupes de soutien dans tous les organismes de santé ou communautaires. Le message aurait alors une portée pour les parents, parce qu'ils peuvent eux-mêmes banaliser leur situation à force d'entendre un certain message. Il s'agit parfois simplement de démarches auprès du gouvernement pour annuler une carte d'assurance-maladie qu'ils ont reçue alors que le bébé est décédé. Tout peut être compliqué pour ces familles. Par exemple, certains médecins ne signent pas automatiquement le document permettant à la mère de prendre un congé parce qu'ils veulent d'abord lui demander ce qu'elle en pense. Nous sommes tous d'accord sur le fait que, si un médecin pose cette question, il fait naître un doute dans l'esprit de la mère. Ici, c'est clairement indiqué.
    Malheureusement, les professionnels de la santé eux-mêmes ne connaissent pas bien ce phénomène. Il faut donc se pencher sur les croyances et les connaissances des professionnels qui travaillent sur le terrain. Il faut savoir que, dans la formation qui est offerte, le deuil fait partie des cours optionnels. Tout à l'heure, il a été question du deuil d'un père ou d'une mère, mais je peux vous dire que le deuil périnatal passe en dernier. Il est donc extrêmement important d'envoyer un message clair, et vous en êtes la porte d'entrée. Qu'il s'agisse des professionnels, des familles ou des municipalités, je pense qu'il est temps que le deuil soit reconnu au Canada. C'est un gage de santé pour la population. Les deuils reportés et banalisés sont souffrants. Les gens accumulent alors toutes sortes de problèmes de santé à long terme. Il faut donc envoyer un message clair.

  (1030)  

[Traduction]

     Merci beaucoup.

[Français]

     Cela représente des coûts importants pour le Canada.

[Traduction]

    La parole est maintenant à M. Long.
    Merci, monsieur le président.
    Encore une fois, merci à nos témoins de ce matin.
    J’aimerais commencer par vous, madame de Montigny et madame Verdon.
     Votre présentation était remarquable. Il y a tellement d’information, de faits, d’études, etc. Je suis d’accord avec tout cela, soit dit en passant.
    À un moment donné — et je l’ai noté rapidement —, vous avez dit que le travail est un domaine où le deuil est moins reconnu. Cela m'a interpellé, parce qu’il y a de nombreuses années, un ami a vécu le même genre de choses. Vous avez parlé de quelqu’un qui a perdu un être cher en janvier et, qu'en mars, on l'avait mis à pied en lui disant que c'était parce qu’il manquait de passion. Cela me touche parce que j’ai un ami qui a vécu exactement la même chose.
    Que peut faire le gouvernement fédéral pour améliorer la situation des gens qui doivent retourner sur le marché du travail et qui souffrent vraiment en silence? C’est une question très vaste.
    Nous, politiciens fédéraux, entendons sans cesse dire qu’il y a des limites à ce que nous pouvons faire, parce que c’est peut-être davantage de compétence provinciale. Est-ce plus d’argent pour les provinces? Y a-t-il un soutien direct que nous pouvons donner aux organisations, peut-être un mécanisme de financement fédéral afin que les organisations puissent profiter directement des fonds du gouvernement fédéral?
    C’est un problème évident. Encore une fois, votre présentation était excellente. Il y a tellement de choses. Selon vous, comment pouvons-nous aider dans cette situation?
     Comme je l’ai dit, c’est une réponse multisystémique. Il n’y a pas qu’une seule réponse.
    Il y a un problème, et cela pourrait être une contrainte que les provinces se chargent de prendre certaines décisions et que le gouvernement fédéral s'occupe des autres.

  (1035)  

    Permettez-moi d'intervenir un instant. Je conviens que c’est multidimensionnel, mais que recommanderiez-vous?
    Je me pose une question. Pourquoi ne parlez-vous pas de Santé Canada?
    Santé Canada pourrait aussi avoir un mandat d’éducation. Il formerait les professionnels de la santé, les gens qui travaillent quotidiennement dans le système de santé, une formation systématique qui serait offerte partout au Canada. C'est, je pense, un mandat de Santé Canada.
    Je recommande des messages sociétaux. Lorsque vous avez des messages sur la santé mentale partout au Canada, des campagnes sur différents sujets, cela fait son chemin. Cela exerce des pressions sur les gouvernements pour qu’ils fassent quelque chose.
    Toutefois, pour faire suite à votre témoignage, comment pouvons-nous faire en sorte que cela se fasse en milieu de travail? C’est bien beau de dire que Santé Canada devrait participer davantage ou qu’il faut éduquer le personnel de Service Canada pour qu’il fasse preuve de plus de compassion, mais comment pouvons-nous intervenir sur le marché du travail pour offrir ce soutien?
    La formation du personnel de Service Canada est déjà quelque chose... Si ces personnes répondent correctement au téléphone, deviennent un modèle de comment un service devrait être plus sensible aux parents endeuillés, aux personnes endeuillées, Service Canada peut devenir un modèle.
     Il faut commencer quelque part. Il faut d’abord sensibiliser les gens à ce que signifie le deuil, les sensibiliser au fait que ce sont de vrais bébés. Avec les photos que j’ai présentées, les parents ont accepté que nous amenions leurs bébés dans cette pièce pour que nous puissions voir que ce sont de vrais bébés.

[Français]

     Je ne sais pas comment vous répondre exactement. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il faut vraiment pouvoir former les gens qui travaillent dans les organismes des différents paliers de gouvernement.
    Il faut qu'il y ait de la formation. En tenant cette réunion, le gouvernement canadien fait passer un message. Il est en train de dire que le deuil des parents est important. Il faut en parler dans les médias, il faut le dire. Le travail de votre comité est un premier pas en ce sens.

[Traduction]

    Je comprends ce que vous dites et je suis tout à fait d’accord avec vous.
    Mais je cherche toujours quelque chose de concret, des solutions précises.
    Je pense que c’est le congé parental, comme ma collègue l’a dit. Je dirais qu’il faut au moins 20 semaines de congé parental et j’appellerais cela un « congé de deuil ». Les parents pourraient le prendre ou non.
    Cela force le milieu de travail à reconnaître qu’il ne s’agit pas de vacances. Certains parents se sont fait demander ce qu’ils avaient fait pendant leurs vacances.
    Bien.
    Ils ont perdu un bébé. Ce ne sont pas des vacances.
    Madame Hatto, je crois que vous avez mentionné dans votre présentation que votre mari est retourné au travail après trois semaines.
    Est-ce exact?
     Oui.
    Vous avez dit être restée à la maison pendant deux ans. Votre mari est retourné au travail après trois semaines. C'est manifestement ce qui se produit dans beaucoup de cas. Je ne le dis pas de façon négative, mais le mari retourne au travail en premier.
    Que recommanderiez-vous que le gouvernement fédéral fasse pour offrir une certaine souplesse aux gens qui retournent au travail? Plus de flexibilité quant à l'assurance-emploi? Un congé plus long? Qu'est-ce que le gouvernement fédéral peut faire pour aider dans ce genre de situation, où votre mari retourne au travail après trois semaines et doit probablement travailler de neuf à cinq et souffrir?
    Je suis d’accord avec les autres témoins.
    Comme je l’ai dit, lorsque je regardais les types de prestations auxquelles je pouvais avoir accès au niveau provincial, je n'ai vu que les prestations de maladie. Je crois que le fait d’accorder un congé de deuil aux parents qui ont perdu un enfant enverrait un message clair, à savoir que le gouvernement reconnaît que les parents doivent avoir la possibilité de faire leur deuil.
    Je ne veux pas lui faire dire ce qu’il n’a pas dit parce qu’il n’est pas ici, mais lorsque mon mari est retourné au travail, il le souhaitait d'une certaine façon, peut-être pour retrouver une certaine routine...
     Bien sûr. C'est le cas pour certaines personnes.
    ... il n’était pas en congé lorsque nous avons eu Hazel. J’étais à la maison avec elle, et il ne l’était pas. Sa routine était d’aller au travail tous les jours. Mais il avait aussi un bureau et pouvait fermer la porte. Il m’a dit qu’à de nombreuses reprises, il avait dû fermer sa porte et qu’il avait eu besoin d'être seul. À cette période, côté productivité, il n’était probablement pas le meilleur employé.

  (1040)  

    Bien sûr. Oui.
    Je ne sais pas... Comme je l’ai dit, une chose qui m’a vraiment aidée, c’était de faire ce travail de deuil, d'aller voir ma thérapeute pour le deuil, d'avoir cela à ma disposition. Ce pourrait être, pour les personnes qui retournent au travail... Est-ce que le gouvernement pourrait aider les parents à rencontrer un thérapeute, un psychologue ou un psychiatre pendant les heures de travail? Je sais que c’est vraiment difficile.
    Bien sûr.
    Les parents ne veulent pas quitter le travail, ou demander de partir pendant la journée ou partir plus tôt, parce que cela donne l'impression qu'ils ne sont pas de bons employés. Mais ils ne peuvent pas le faire après le travail, parce qu’ils ont d’autres enfants ou d’autres choses à faire.
    Je pense que la thérapie est tellement importante et faire une partie de ce travail de deuil est important. Si nous retournons au travail, nous n’avons pas le temps de le faire. Deux ans, ça peut sembler très long. Je pense que lorsque les gens entendent dire que Gillian a été absente pendant deux ans... Ces deux années ont passé à la vitesse de l'éclair. Comme je l’ai dit, j’étais occupée à faire une grande partie de mon travail de deuil. Je n’ai jamais eu l’impression d’être en vacances.
    Bien sûr. Merci.
    Merci.
    Monsieur Hogg, vous avez environ quatre minutes.
    Merci.
    Les témoignages que nous avons entendus au cours de ce processus nous ont indéniablement amenés à beaucoup d’endroits différents en termes d'émotions quant à la façon de faire face à cette situation.
    M. Dyregrov nous a parlé tout à l’heure de sa thèse et des études qu'il a menées, soit le suivi de personnes qui retournaient au travail, et il lui semblait que certaines d’entre elles répondaient beaucoup plus efficacement au défi émotionnel auquel elles étaient confrontées.
    Nous avons vu beaucoup de réponses différentes. On reconnaît certainement que nous réagissons tous différemment à ce genre d’initiatives.
    Madame de Montigny, vous avez parlé de la nécessité de faire de la recherche quantitative. Tout ce que nous avons eu jusqu’à maintenant semble être des recherches qualitatives, et c’est très émotif. Des recherches quantitatives sont-elles menées actuellement? Y a-t-il des données dont nous disposons qui nous permettraient d’examiner certains des principes de base qui pourraient émerger en recueillant les émotions subjectives et les enjeux et de les relier? Existe-t-il quelque chose? Y a-t-il des recherches effectuées...
    Il y en a très peu à l’échelle internationale. Nous avons soumis un projet à cinq reprises à l’institut de recherche en santé. Le but était de faire un suivi quantitatif des parents sur une période de trois à cinq ans. On nous a dit, étant donné que les statistiques n’étaient pas vraiment bonnes, qu’il n’y avait qu’une centaine de personnes par année qui étaient endeuillées d’un enfant, alors nous n’aurions pas les parents que nous voulions suivre. Nous avons dû démontrer que les fausses couches sont aussi un facteur important, et nous avons publié des articles sur l’impact des fausses couches sur la santé mentale des mères — jusqu’à deux ans après la fausse couche —, qu’elles sont toujours aux prises avec ce problème.
    Je pense que nous devons vraiment nous pencher sur les parents: à partir de leur parcours de deuil, de leur parcours de services, les répercussions sur leur vie, et le déroulement de la grossesse suivante et la croissance et le développement de ces enfants par la suite, pour voir comment nous pouvons le mieux aider ces parents. Nous mettons en place toutes sortes de mesures de soutien, mais elles ne sont pas toujours évaluées.
    Chantal et moi avons organisé des ateliers de quatre heures avec des infirmières dans les salles d’urgence. Nous avons pu améliorer les soins de ces infirmières de 100 %, non seulement auprès des parents endeuillés d’un enfant, mais aussi auprès de tous les patients qui arrivaient avec un problème de santé mentale. Après cet atelier, ces patients étaient accueillis différemment.
    Ce n’est pas vraiment un gros investissement — quatre heures —: toucher 100 infirmières qui vont toucher 4 000 familles par année, seulement avec le deuil, et toutes les autres. Parfois, mettre l’argent au bon endroit, former correctement les gens, évaluer les résultats de cette formation, les projets que nous avons réalisés avec Movember que vous pouvez voir, avec les DVD et les choses qui sont disponibles en ligne... Ce sont toutes des choses qui aident les parents et qui sont disponibles.
    Une chose que je voulais dire, c’est que les 20 semaines dont j’ai parlé tout à l’heure — idéalement, ce serait un an, mais nous devons être réalistes — doivent être flexibles. Certains pères peuvent dire qu’ils sont capables de retourner au travail au bout de quelques semaines, mais peut-être qu’ils seront rattrapés six mois plus tard et constateront qu’ils ont moins d’énergie et de productivité. À mesure que leur conjointe s’améliore, les pères empirent, et ils en sont surpris.
    Avoir accès à un soutien en cas de deuil dans le milieu de travail est aussi une façon — pas seulement un soutien psychologique, mais aussi un soutien aux personnes endeuillées, n'ayons pas peur des mots, un chat est un chat. Un soutien en cas de deuil, pour les pères, pour les hommes. Il pourrait être plus acceptable pour eux d’aller chercher ce genre d’aide que d’aller chercher un soutien psychologique.

  (1045)  

     Merci beaucoup. Je dois intervenir. Nous n’avons plus de temps, mais je tiens à vous remercier tous d’être ici, par vidéoconférence et, bien sûr, ici à Ottawa.
    À l’intention de mes collègues, il y a quelques questions concernant les travaux futurs que je dois aborder avant que tout le monde parte.
    Le 1er novembre, nous allons encore une fois parler de la motion M-110 et nous entendrons des témoins. Cela ne se fera pas ici, mais dans la salle 268 de l'édifice de La Bravoure.
    Le 6 novembre, mardi prochain, nous aurons une journée consacrée aux travaux du Comité, également à la salle 268 de l'édifice de La Bravoure.
    Nous allons commencer l’étude article par article du projet de loi C-81 la semaine prochaine. Nous n’avons vraiment qu’une journée pour cela dans l’horaire, alors je recommande que nous ajoutions, comme nous l’avons fait la semaine dernière, une étude article par article de 18 heures à 21 heures, dans cette salle, la salle 415. Ce serait le 7 novembre, mercredi de la semaine prochaine. Cela nous donnera deux bons jours pour l’étude article par article. Je pense que c’est nécessaire étant donné le nombre d’amendements que nous nous attendons à recevoir au sujet du projet de loi C-81. Si quelqu’un n’est pas d’accord, nous pouvons en parler hors ligne.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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