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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 035 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 22 novembre 2016

[Enregistrement électronique]

  (0955)  

[Français]

    La séance est maintenant publique.
    Conformément au paragraphe 108(3) du Règlement, nous procédons à l'étude de la traduction de la jurisprudence du Québec.
    C'est pour nous un plaisir ce matin de recevoir M. Antoine Aylwin, vice-président du Barreau du Québec, et M. Casper Bloom, directeur de l'Association des juristes d'expression anglaise du Québec.
    Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Je dois vous dire que je suis particulièrement heureux de vous recevoir, ayant moi-même été bâtonnier du Québec à une autre époque de ma vie.
    Nous allons d'abord entendre M. Aylwin pendant cinq ou six minutes. Il sera suivi de M. Bloom, qui prendra la parole pendant cinq ou six minutes aussi. Par la suite, il y aura un tour de table pendant lequel les membres du Comité pourront intervenir.
    Monsieur Aylwin, nous vous écoutons.
    Merci, monsieur le président, monsieur le bâtonnier.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité et du personnel, bonjour.
    Je tiens à remercier le Comité de nous accueillir aujourd'hui pour participer à ses travaux.

[Traduction]

    Au départ, j'avais pensé faire ma déclaration préliminaire dans les deux langues, en passant d'une langue à l'autre, mais je me suis dit que cela rendrait les interprètes fous. Je vais donc m'exprimer en français pour parler de la traduction en anglais.

[Français]

    Je suis vice-président du Barreau du Québec. Pour ceux qui ne le savent pas, le Barreau du Québec représente 25 500 avocats. Cet ordre professionnel est investi par la loi d'une mission de protection du public. Cela veut dire la surveillance des membres par l'inspection professionnelle et la discipline, de même que la poursuite pour exercice illégal de la profession par un non-membre.
    Toutefois, dans une définition plus large, la mission de protection du public du Barreau comprend aussi un volet social qui s'étend à l'ensemble des justiciables. Il protège le public en défendant la primauté du droit et en intervenant publiquement sur différents sujets juridiques, notamment en ce qui concerne les droits des personnes vulnérables et des groupes minoritaires, incluant les groupes linguistiques.
    C'est dans ce contexte que nous souhaitons participer à vos travaux pour aborder un aspect très spécifique de votre mandat, soit le respect des droits linguistiques en matière de justice.
    Dans la Feuille de route pour les langues officielles du Canada 2013-2018, le ministère de la Justice du Canada s'est engagé à continuer à aider les gouvernements provinciaux et territoriaux à combler les lacunes dans la prestation de services juridiques bilingues. Nous croyons qu'il existe actuellement au Québec une lacune particulière en lien avec cet engagement, et nous désirons vous en faire part afin d'attirer votre attention sur le sujet de la traduction des jugements rendus par les tribunaux québécois.
    Le Barreau est particulièrement touché par cette question. En vertu de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, un juge du Québec peut rédiger son jugement en français ou en anglais. L'article 7 de la Charte de la langue française prévoit le droit à toute partie de faire traduire gratuitement en anglais ou en français, le cas échéant, les jugements rendus.
    Vous soupçonnez peut-être que la grande majorité des jugements québécois sont rendus en français. Bien que certaines décisions soient traduites en vertu de la Charte de la langue française, la grande majorité des décisions ne le sont pas. Celles qui sont traduites ne sont pas nécessairement des jugements d'intérêt pour l'ensemble du milieu juridique.
    Dans des domaines communs à l'ensemble du Canada, comme le droit criminel, le droit familial, le droit constitutionnel et le droit commercial, la majorité des jugements du Québec ne sont pas traduits. Cette richesse judiciaire n'est ainsi accessible qu'aux personnes comprenant le français. Une réelle accessibilité à la justice requiert, selon nous, que la documentation légale et judiciaire soit disponible dans les deux langues officielles du Canada.
    Je suis conscient que certains pourraient être en désaccord avec moi, mais je suis d'avis que le Barreau du Québec compte dans ses membres les meilleurs avocats au Canada et que, par conséquent, la magistrature québécoise a les meilleurs juges au Canada. En raison de leur bilinguisme et de leur bijuridisme, nos avocats québécois rayonnent dans le monde, sauf au Canada anglais. Les jugements qui émanent du Québec sont d'une grande qualité et d'une grande richesse pour l'évolution de la jurisprudence. Elle est enrichie, de plus, par la jurisprudence qui est rendue dans les provinces anglophones — ce sont des jugements en anglais —, parce qu'on les utilise, on les plaide et on les cite dans les jugements au Québec. Or l'inverse n'est pas vrai.
    Afin de rectifier la situation en partie, la Société québécoise d'information juridique, la SOQUIJ, le ministère de la Justice du Québec et les différents tribunaux ont fait une entente en 2003 pour procéder à la traduction de la jurisprudence. La SOQUIJ finance la traduction de 1 350 pages de jurisprudence par année depuis 2003, ce qui veut dire à peu près 450 pages par tribunal. Les jugements sont sélectionnés selon leur intérêt pancanadien. Cette solution est imparfaite, mais, à défaut de ressources supplémentaires, cela constitue un début.
    Pour 2015, cela représente 25 jugements de la Cour d'appel, 25 jugements de la Cour supérieure et 21 jugements de la Cour du Québec.
    Je dois souligner que, entre 2010 et 2012, une subvention de 200 000 $ par année a été accordée par le ministère de la Justice du Canada. On est passé, pour la Cour d'appel, de 25 ou 30 jugements à 92 jugements traduits en 2010 et à 131 en 2011. C'est bien au-dessus de la moyenne d'à peu près 26 par année, quand il n'y avait pas de subvention. Toutefois, cette subvention n'a pas été renouvelée, ce qui nous a ramenés à une moyenne de 26 jugements.
    La réponse officielle est que le Fonds d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles exclut la traduction de textes juridiques. Nous soumettons que cela doit changer, ainsi que les règles de subvention ou de financement.
    Cela a des répercussions sur le rayonnement et la visibilité des décisions rendues par les tribunaux québécois, dont je vous ai parlé, et aussi sur les juristes québécois. Les mêmes débats ont lieu au Québec et dans les autres provinces. Par conséquent, les débats se font en double, c'est-à-dire qu'on ignore qu'une question a déjà été tranchée par les tribunaux du Québec, ou, pire encore, des jugements sont contradictoires, ce qui accentue le phénomène des deux solitudes entre les francophones et les anglophones au Canada.
    Cela en vient aussi à priver les anglophones du Québec en situation minoritaire d'accès direct à des ressources juridiques dans leur langue.
    Je pourrais citer l'actuelle juge en chef de la Cour d'appel du Québec, Mme Nicole Duval Hesler, ou son prédécesseur le juge Michel Robert, qui ont soulevé ces problèmes et qui ont présenté plusieurs discours à ce sujet.
    Je vous donne l'exemple de la Cour d'appel du Québec, qui compte un nombre de juges similaire à celui de la Cour d'appel de l'Ontario. Or, ceux du Québec rendent de 2 à 2,5 fois plus de jugements que ceux de l'Ontario. En 2015, la Cour d'appel de l'Ontario a rendu quelque 900 jugements, comparativement aux 2 178 rendus par la Cour d'appel du Québec. Pourtant, de ces 2 178 jugements, vous vous souviendrez, à peu près 1 % sont traduits au Québec, ce qui correspond à peu près à 25 jugements en 2015.
    Durant l'année 2015, les décisions de la Cour d'appel de l'Ontario ont été citées à plus de 1 500 reprises dans l'ensemble de la jurisprudence canadienne. La Cour d'appel du Québec, elle, n'a été citée qu'à environ 300 reprises, donc cinq fois moins, alors même qu'elle rend deux fois plus de jugements par année.
    Ce n'est pas une réalité unique à la Cour d'appel du Québec. Il y a environ 22 000 décisions qui sont publiées au Québec, tous tribunaux confondus. Le Québec, grâce aux engagements qui ont été pris par son gouvernement et par la SOQUIJ, diffuse beaucoup plus de jugements que les autres provinces. Par exemple, en Ontario, environ 6 000 jugements sont publiés, tous tribunaux confondus.
    Il y a un intérêt pour la traduction. Depuis 2010, le nombre annuel de visites sur le site Web de la SOQUIJ, qui héberge les jugements traduits, est passé de 5 000 à 18 000, et ce n'est là qu'une façon d'accéder à ces jugements traduits. Un nombre considérable de ces visites proviennent du Canada anglais, des États-Unis et même du Royaume-Uni, dans le but d'accéder à la jurisprudence rendue par nos tribunaux au Québec.
    Des fonds supplémentaires permettraient de participer au rayonnement des tribunaux québécois et d'améliorer non seulement l'accès des minorités anglophones aux jugements de la Cour d'appel, mais également l'accès à ceux du reste du Canada, au corpus jurisprudentiel qui enrichit le droit dans l'ensemble du pays.
    Or, il ne s'agit pas du seul objectif de notre démarche. Nous souhaitons aussi attirer l'attention et faire porter votre réflexion sur le fait que la Charte canadienne des droits et libertés, le Code criminel, la Loi sur le divorce et la Loi sur la faillite et l'insolvabilité sont toutes des matières de compétence fédérale pour lesquelles on a intérêt à ce que la jurisprudence soit cohérente et complète.
    Nous vous demandons donc de considérer un investissement de ressources, mais également de collaborer avec les différents acteurs québécois afin d'élaborer une stratégie qui permettra de favoriser la traduction.
    Il faut, de plus, que la qualité de la traduction soit au rendez-vous. Ce n'est pas tout de traduire; la traduction juridique est une compétence en soi.
    Je vous donne l'exemple du Code civil du Québec, adopté en 1994 et qui contient plus de 3 000 articles. Il y a eu 5 000 amendements à la version anglaise, parce que la traduction avait été mal faite. Cela a pris 20 ans pour corriger le Code civil. Me Bloom pourra vous en parler, il a été très engagé dans ce processus.
    Ne s'improvise donc pas traducteur juridique qui veut. Autrement, avoir à réviser de façon exhaustive les traductions ajoute au fardeau du travail des juges, qui est déjà très élevé. Cela ajoute également aux délais de traduction, ce qui est, encore une fois, une manière de diminuer l'accès à la justice.
    Nous vous remercions, monsieur le président, de nous avoir accueillis aujourd'hui. Nous sommes disponibles pour répondre à toutes les questions que vous avez sur le sujet.

  (1000)  

    Merci beaucoup, maître Aylwin.
    Nous allons maintenant entendre Me Casper Bloom avant de passer aux questions des députés.

[Traduction]

    Je représente les juristes d'expression anglaise.
    Je ne vais pas répéter ce qu'Antoine a déjà dit au sujet des statistiques. Le problème est assez clair.
    Il devrait être clair qu'il est tout à fait illogique que la jurisprudence québécoise ne circule pas dans les provinces, aux États-Unis, en Angleterre, en Australie et dans tous les autres territoires d'expression anglaise partout dans le monde qui lisent notre jurisprudence. Malheureusement, la majorité des décisions rendues au Québec ne sont pas lues, elles ne sont pas comprises et elles ne sont pas citées dans les jugements prononcés dans les autres provinces du Canada.

  (1005)  

[Français]

    C'était d'ailleurs l'objet de la plainte formulée par Michel Robert lorsqu'il était juge en chef du Québec.
    Reculons un peu dans le temps.

[Traduction]

    Je suis coprésident d'un comité du Barreau de Montréal appelé « accès à la justice en langue anglaise », et j'insiste sur la présence d'un coprésident francophone. Le premier était Gérald Tremblay; actuellement, le poste est occupé par Pierre Fournier. Ce sont deux excellents coprésidents qui comprennent parfaitement le problème.
    Le comité est composé d'avocats et de juges. Le juge en chef du Québec insiste d'en être membre... Je vais remonter à l'époque où Michel Robert était le juge en chef du Québec. À presque chacune de nos réunions, il soulevait la question de la jurisprudence, qui est rédigée en français au Québec et qui ne va nulle part.

[Français]

    Il a dit ceci: « Sans une traduction, les jugements québécois ne sont pas cités, ils ne sont pas lus, ils ne sont pas compris. » Ce sont là les mots mêmes de Michel Robert.

[Traduction]

    Cela est tout à fait illogique, car ce que j'appelle la « jurisprudence nationale » n'existe pas, sauf dans le sens qu'il s'agit de la jurisprudence invoquée et citée dans toutes les provinces du Canada. Toutes les autres provinces échangent leur jurisprudence. Vous constaterez que dans la plupart de leurs jugements, elles citent d'autres compétences qui sont en fait les autres provinces du Canada et les autres tribunaux des autres provinces du Canada. Or, qu'en est-il du Québec?
    Le Québec représente un quart du pays; pourtant, il est laissé de côté. On ne le cite pas. On ne l'invoque pas. Cela n'a aucun sens. Antoine a mentionné que la SOQUIJ traduisait certaines décisions, mais les plaintes que j'ai reçues venaient de Michel Robert, et la nouvelle juge en chef du Québec, Nicole Duval Hesler, les a répétées. Elle a annoncé qu'il prenait sa retraite. Elle siège à mon comité et elle a abordé le problème. C'est une préoccupation pour tous les membres du comité.

[Français]

    Ces questions sont très importantes au Canada, voire à l'extérieur du pays.

[Traduction]

    Les décisions et les jugements canadiens sont cités et consultés aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Australie et dans d'autres territoires d'expression anglaise. Le problème n'est pas dû uniquement au fait que le Québec suit la tradition du droit civil, comme certains s'en plaindraient. Ce n'est pas du tout le cas; Michel Robert et Nicole Duval Hesler seraient les premiers à vous le dire.
    Comme Antoine l'a mentionné, le problème touche l'ensemble de la compétence pénale et toutes les autres compétences qui relèvent du fédéral. Qu'il soit question de droit des sociétés, de droit de la famille ou d'autres domaines ne relevant pas de la compétence fédérale, la compétence civile est importante. Ce qui relève des tribunaux québécois est important; il faut pouvoir citer et consulter les décisions au besoin.
    Lorsque j'ai parlé à Nicole Duval Hesler et à Michel Robert, les deux m'ont imploré de dire qu'il faut trouver un moyen d'offrir un service de traduction au Québec pour les décisions et les jugements, certainement ceux de la Cour d'appel et de la Cour supérieure, ainsi que, dans une moindre mesure, ceux de la Cour du Québec, car nombre de ces jugements sont d'un grand intérêt. Il est tout à fait illogique de ne pas inclure les affaires du Québec — qui représente un quart du pays — lorsqu'on cite la jurisprudence canadienne. C'est difficile de dire qu'on représente la jurisprudence canadienne quand un quart du pays est exclu.
    J'ai soulevé la question auprès des gens du ministère de la Justice. Ils comprennent. Ils m'ont dit que la raison pour laquelle ils ont mis fin à la subvention accordée pendant quelques années, c'est qu'ils ne subventionnent pas la traduction. Je leur ai dit qu'il ne s'agissait pas de traduction. Cela va bien au-delà de la traduction; il est question ici de quelque chose de bien plus fondamental que la simple traduction. N'importe qui peut faire de la traduction n'importe où. Il s'agit ici de ce que j'ai appelé plus tôt la « jurisprudence nationale », la jurisprudence de l'ensemble du Canada. Ce n'est pas simplement une question de traduction et de fonds disponibles.

  (1010)  

[Français]

    Maître Bloom, si vous me le permettez, je vous invite à continuer plus tard. J'ai devant moi une liste de noms de personnes qui veulent intervenir et vous poser des questions.
    Excusez-moi.
    Il n'y a pas de problème.
    Je vais tout de suite céder la parole à Mmes Boucher et Vecchio, qui veulent partager le temps de parole imparti.
    Vous avez trois minutes chacune.
    Merci beaucoup aux témoins d'être parmi nous. C'est très instructif.
    J'ai quatre grandes questions que je vous poserai tout de suite, et vous me répondrez quand vous le pourrez.
    Nous savons tous que le Code criminel est de compétence fédérale, mais que l'administration des cours relève du provincial. Cela dit, il y a des lacunes au Québec.
    Pourquoi les causes ne sont-elles pas traduites en anglais?
    Vous dites que les petites causes sont parfois traduites, mais pas les grandes. Comment expliquez-vous le refus de traduire les grandes causes en anglais?
    Dans le reste du Canada, les causes sont-elles traduites en français?
    La loi 101 a-t-elle une incidence au Québec à cet égard?
    Je vais commencer.
    Pour ce qui est de la traduction des jugements, ce n'est pas qu'on refuse de traduire les jugements selon leur importance. Il s'agit plutôt ici d'un droit qui est conféré au citoyen de demander la traduction d'un jugement. Par exemple, dans une cause impliquant un anglophone et un francophone, si le jugement est rendu en anglais, le citoyen francophone peut demander qu'on le traduise dans sa langue, et vice-versa. La personne ne demande pas la traduction de son jugement en se fondant sur le mérite ou l'intérêt de la cause, mais il le fait parce que c'est son dossier.
    C'est pour cette raison que je dis qu'au bout du compte, quand on observe les jugements traduits, on comprend qu'il n'y a pas nécessairement de sélection en fonction de l'intérêt de la cause.
    Par ailleurs, selon ce qu'on nous dit, la qualité des traductions n'est pas la même, car il existe deux services différents.
    L'administration de la justice étant de compétence provinciale, c'est le Centre de services partagés du Québec qui soutient la traduction judiciaire à la demande des citoyens. Ses équipes de traducteurs font la traduction pour répondre à l'ensemble des besoins du gouvernement du Québec. Elles ne sont pas nécessairement composées de traducteurs juridiques. Cela peut expliquer que la qualité ne soit peut-être pas la même.
    Quant à la SOQUIJ, elle traduit un nombre limité de décisions, à la suite d'une sélection faite par les tribunaux en fonction de l'intérêt des décisions.
    Par exemple, dans le cas des 25 jugements de la Cour d'appel du Québec qui ont été traduits et dont je vous ai parlé, c'est la Cour d'appel qui a déterminé que ces jugements étaient importants.
    Ensuite, vous demandiez ce qui en était de la traduction dans le reste du Canada. À ma connaissance, il ne se fait pas de traduction en français dans le reste du Canada, sauf dans certaines juridictions, comme au Nouveau-Brunswick. J'ai lu des traductions de décisions de la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick. Je ne sais pas si c'est fait de façon systématique, cependant. Peut-être le savez-vous mieux que moi. Je sais que cela se fait au Nouveau-Brunswick en raison du caractère linguistique particulier de cette province par rapport aux autres provinces. On le sait, le Nouveau-Brunswick est une province bilingue.
    Votre dernière question portait sur la loi 101. Plus tôt, je vous ai mentionné que la traduction se faisait à la demande des citoyens. C'est en vertu d'une disposition de la Charte de la langue française. L'article 7 prévoit expressément que les gens peuvent demander la traduction des jugements.
    Pour ce qui est de la langue des procès, que vous avez évoquée au début, il y a de nombreux facteurs à considérer. Des procès ont lieu tous les jours à Montréal en français ou en anglais. Il y en a même qui se tiennent dans les deux langues en même temps.

  (1015)  

    Merci.
    Madame Vecchio, la parole est à vous.

[Traduction]

    Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui.
    Vous avez dit que les textes n'étaient pas traduits et que dans le Code criminel, nous perdrions certains renseignements. Je vais donc vous poser la question suivante.

[Français]

    Y a-t-il une solution?
    Quelles seront les prochaines étapes?
    Y a-t-il actuellement une province qui fait ce travail correctement?

[Traduction]

    Vous avez mentionné le Nouveau-Brunswick. Avons-nous d'autres renseignements sur ce dont vous parlez? Est-ce que c'est de la traduction littérale? Est-ce que les traducteurs sont suffisamment au fait de la situation? Est-ce que certaines provinces font le travail correctement? Comment pouvons-nous trouver une solution?

[Français]

    Si vous me le permettrez, je ne vous dirai pas quelles provinces canadiennes font le travail correctement et lesquelles ne le font pas. Je constate que cela fonctionne selon la demande, essentiellement. En Ontario, beaucoup de jugements sont rendus en français. Il est beaucoup plus facile en Ontario que dans d'autres provinces, notamment dans l'Ouest du Canada, d'obtenir qu'un juge francophone entende un procès, et ce, simplement pour une question de nombre. On compte 50 000 avocats en Ontario. Il y a également plus de juges, plus de francophones et plus de communautés francophones.
    On constate que, pour le moment au Québec, on réussit à s'ajuster pour intégrer la jurisprudence anglophone. On la lit et on la plaide. Ce n'est pas l'idéal, mais on arrive à s'ajuster parce que la grande majorité des juristes sont bilingues.
    Or, l'inverse n'est pas vrai. Vos travaux vous ont probablement permis de voir que le bilinguisme était beaucoup plus répandu au Québec que dans le reste du pays. C'est pourquoi nous constatons que c'est surtout là que se situe le problème.
    Merci.
    Monsieur Arseneault, la parole est à vous.
    Merci, messieurs Aylwin et Bloom. C'est vraiment intéressant. Il est fascinant de voir comme la réalité du Canada peut être diamétralement opposée selon qu'on est une minorité anglophone au Québec ou une minorité francophone à l'extérieur du Québec.
    Vous êtes un peu jeune pour avoir connu cela, monsieur Aylwin, mais pendant ma troisième année de droit, Quicklaw a fait son apparition. Nous utilisions de vieux ordinateurs qui démarraient à coups de manivelle et d'étrangleur.
    Des voix: Ah, ah!
    Une voix: Êtes-vous si vieux que cela?
     Pour ma part, je m'employais à chercher de la jurisprudence québécoise pour des causes qui relevaient non pas du Code civil, mais du Code criminel, des cours fédérales et ainsi de suite. Je voulais en effet mettre la main sur des jugements en français.
    Sauf erreur, je crois qu'au Nouveau-Brunswick, les décisions sont traduites systématiquement.
    L'entreprise qui gérait le service Quicklaw, une entreprise privée comme une autre, avait choisi de n'afficher que des décisions en anglais. Il a fallu se battre avec les gens de cette entreprise pour qu'ils affichent des décisions dans les deux langues officielles.
    Pardonnez mon ignorance, mais j'aimerais savoir comment on finance la traduction. Au Nouveau-Brunswick, la traduction relève-t-elle seulement de la province? L'Ontario également doit sûrement faire traduire ses décisions, du moins quelques-unes d'entre elles. Est-ce que ce sont les provinces ou le fédéral qui financent cela?
    Je suis désolé, mais je ne connais pas la réponse à cette question.

[Traduction]

    Je crois que ce sont les deux.
    Pour ajouter à ce qu'Antoine a dit tout à l'heure, l'Ontario s'est efforcé de fournir des jugements en français. Bien entendu, l'Ontario est doté d'un commissaire chargé des affaires francophones, François Boileau; il accomplit le même travail que Graham Fraser à l'échelle fédérale. Le Nouveau-Brunswick aussi a une commissaire qui s'occupe des affaires francophones.
    Ce poste n'existe pas au Québec. Personne ne fait ce travail.
    C'est important d'avoir un commissaire, d'avoir une personne qui défend les intérêts des francophones en Ontario et au Nouveau-Brunswick, et, bien sûr, depuis la décision de la Cour suprême dans le renvoi lié au Manitoba... Je ne crois pas que cela touche les jugements, mais la loi exige que les lois du Manitoba soient traduites vers le français, ce qui est une bonne chose.

[Français]

     Je fais partie des juristes d'expression française, mais dans votre cas, c'est le contraire.
    L'Association des juristes d'expression anglaise du Québec fait-elle pression sur le gouvernement du Québec pour qu'il respecte l'obligation juridique de traduire à tout le moins les décisions des tribunaux supérieurs?

  (1020)  

    Oui, et cela va plus loin encore.
    Le gouvernement du Québec ne s'intéresse vraiment pas aux minorités du Québec. C'est pourquoi nous avons été obligés de faire appel au fédéral pour obtenir de l'aide, entre autres pour les lois. M. Aylwin a mentionné plus tôt ce qui était arrivé dans le cas du Code civil. Le Code civil...
    Monsieur Bloom, excusez-moi de vous interrompre, mais je dispose de seulement six minutes et j'ai beaucoup de questions.
    Vous dites que l'Association des juristes d'expression anglaise du Québec exerce des pressions sur le gouvernement provincial, mais elle se heurte à des portes closes, à une réticence.
    Les pressions que nous avons exercées n'ont pas vraiment donné de résultats.
    D'accord.
    Je vais passer du coq à l'âne et revenir sur ce que disait Mme Boucher.
    Il y a quelque chose que je n'ai pas compris tout à l'heure. Si une décision de la Cour d'appel est écrite uniquement en anglais, le citoyen peut demander à faire traduire cette décision. Est-ce bien le cas?
    Oui, c'est exact.
    Cependant, le centre de traduction n'est pas spécialisé en la matière, n'est-ce pas?
    Il y a cela, mais il y a aussi la question des délais. Si le jugement de première instance n'est pas dans sa langue, il est possible que la personne concernée reçoive la traduction après le délai d'appel.
    Il faudrait alors changer les règlements québécois, et cela relève de la compétence provinciale.
    Le processus actuel au Centre de services partagés du Québec, ou CSPQ, pose problème quant à la qualité, au délai pour la révision par le juge et à la livraison du jugement.
    Dans les délais dont vous disposez pour présenter les motifs d'appel, on ne prend pas en considération le fait qu'on peut demander une traduction. Est-ce bien cela?
    Oui.
    Récemment, le protecteur du citoyen du Québec a fait un rapport là-dessus. Le gouvernement du Québec a alors accepté d'indemniser une personne qui avait subi un préjudice à cause des délais de traduction.
    Par contre, cette personne n'a pas eu accès à son appel. On l'a indemnisée.
    En fait, elle a dû payer des frais supplémentaires pour déposer son appel, car elle a dû le faire avant de recevoir la traduction de son jugement.
    Il me reste une minute et je vais poser une dernière question rapidement.
    D'ici à ce que vos problèmes de traduction soient réglés par des experts, je vous dis au passage qu'il y a le Centre de traduction et de terminologie juridiques au Nouveau-Brunswick. Il y a d'éminents juristes au Québec, mais il y a d'éminents traducteurs au Nouveau-Brunswick.
    Des voix: Ah, ah!
    M. René Arseneault: Pour reprendre ce que disait ma collègue Mme Vecchio, je dois dire qu'au Nouveau-Brunswick, on fait presque tout correctement.
    Cela dit, j'aimerais savoir ce que le fédéral peut faire pour vous. Comment peut-on cibler l'aide afin qu'elle aille au bon endroit, tout en respectant les besoins de toutes les provinces pour les mêmes raisons?
    Je peux commencer par vous donner les chiffres sur le financement qui a été accordé, car je pense avoir oublié de le faire.
    En 2010-2011, le gouvernement a donné 200 000 $; en 2011-2012, 200 000 $. Ensuite, il y a eu un abandon progressif du financement: 70 000 $ en 2012-2013 et 50 000 $ en 2013-2014. Je vous ai dit plus tôt qu'on avait traduit plus de jugements, et c'est grâce à cette aide financière qu'on a pu le faire.
    La SOQUIJ a un centre d'expertise en traduction juridique. Ce centre travaille bien et rapidement avec les tribunaux. Cinq jugements de la Cour d'appel ont pu sortir immédiatement dans les deux langues grâce à un partenariat entre les deux. Le travail de la SOQUIJ est donc reconnu. Par contre, elle ne dispose pas de suffisamment de ressources pour traduire plus de 1 % des jugements de la Cour d'appel.
    Pour répondre à votre question, je pense que c'est la SOQUIJ qui devrait recevoir du financement, car la traduction doit être de qualité. Il y a des délais à cet égard présentement. C'est reconnu par les juges. Cela permettrait d'avoir un résultat satisfaisant pour tout le monde.
    Merci beaucoup, monsieur Aylwin.
    Monsieur Choquette, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être ici aujourd'hui pour nous parler d'accès à la justice.
    Je sais que votre priorité est la traduction, surtout en matière de jurisprudence, mais j'aimerais vous parler de deux autres sujets. Je reviendrai après au sujet principal.
    La première chose dont je voudrais vous parler concerne l'accès à la justice à la Cour suprême.
    Depuis longtemps, on demande que les juges de la Cour suprême soient bilingues. Le Barreau du Québec est aussi favorable à cela. Maintenant, il y a une politique qui l'exige, mais il y a encore beaucoup d'organismes, pour ne pas dire la grande majorité, qui demandent qu'on adopte une loi pour assurer la pérennité de cette politique de bilinguisme à la Cour suprême.
    Qu'en pensez-vous?
    Je vous dirais que le résultat est beaucoup plus important que le chemin.
    Dernièrement, nous avons salué le fait que le gouvernement ait finalement entendu les demandes visant à ce que le bilinguisme fasse partie des critères de nomination à la Cour suprême. Il y a eu un certain débat sur ce qu'on entendait par « bilinguisme ». Pour nous, c'est clair: le juge doit pouvoir converser en français. Pouvoir écouter en français ne suffit pas. Il doit également pouvoir parler et rédiger en français. Pour nous, c'est cela, le bilinguisme.
    Effectivement, adopter une loi serait une façon d'assurer la pérennité de cette obligation, jusqu'à ce que la Chambre des communes change d'idée. Comme vous le savez, une telle loi pourrait être modifiée par le même corps législatif.

  (1025)  

    Vous avez parlé des ressources. Vous avez expliqué que le fédéral allouait des ressources à la SOQUIJ. Or, ces ressources ont connu une baisse au cours des quatre ou cinq dernières années, n'est-ce pas?
    Cette subvention a été qualifiée de ponctuelle. Il y a eu un financement annuel de 200 000 $ pendant deux ans. Par la suite, il y a eu une suppression progressive pendant deux ans pour ramener le tout à zéro.
    Toutefois, la SOQUIJ avait commencé avant cela à traduire les jugements. Elle avait commencé ce travail en 2003. Or, quand l'aide fédérale est arrivée, beaucoup plus de travail a pu se faire grâce à ces ressources.
    Présentement, il n'y a plus de subvention fédérale octroyée à la SOQUIJ. C'est ce que je comprends.
    C'est exact.
    Depuis combien de temps n'a-t-elle plus de subvention?
    C'est depuis l'exercice financier de 2013-2014.
    Depuis 2013-2014, il n'y a plus de subvention du fédéral.
    Pourquoi n'y a-t-il plus de subvention? Je ne le sais pas. Depuis ce temps, il n'y en a plus; voilà ce que je comprends. Par conséquent, c'est un fardeau supplémentaire pour assurer le respect des délais et la qualité de la traduction.
    En fait, il y a moins de services. On est revenu aux services de base qui étaient offerts avant que l'on ne reçoive l'aide fédérale.
    Pourquoi cette aide a-t-elle été accordée, au départ? Il devait bien y avoir une raison. De plus, pourquoi a-t-elle été arrêtée? Connaissez-vous l'historique de tout cela?
    C'est une excellente question. Je ne sais pas si Me Bloom connaît l'historique. Je n'ai pas les détails.
    J'ai justement demandé pourquoi on avait arrêté cette subvention et pourquoi on ne l'avait pas reprise. On m'a répondu que, dans le cadre du nouveau plan d'action qui allait commencer en 2018 et se poursuivre jusqu'en 2023, il nous faudrait faire entendre notre voix en faveur de la reprise de ce financement.
    Il faut comprendre que le plan d'action couvre une période de cinq ans et que le plan d'action actuel prend fin en 2018. Actuellement, on n'a pas assez d'argent.
    Par ailleurs, on m'a dit que la traduction n'était pas une priorité. Or, comme je l'ai expliqué plus tôt, cela dépasse la simple question de la traduction.
    Qui vous a dit que la traduction n'était pas une priorité? Il ne faudrait pas nommer cette personne.
    C'est quelqu'un au ministère de la Justice.
    J'aimerais ajouter une chose. Ce dossier implique le ministère de la Justice, comme Me Bloom l'a dit, mais aussi le ministère du Patrimoine canadien. Nous interagissons le plus souvent avec le ministère de la Justice, étant donné que la nomination des juges dépend de celui-ci. Cela dit, l'enjeu demeure que les deux ministères doivent travailler ensemble pour trouver une solution à notre problème.
    La fameuse subvention ponctuelle pour la traduction provenait-elle du ministère du Patrimoine canadien ou du ministère de la Justice?
    Je ne pourrais pas vous le dire avec certitude.
    Ce n'est pas grave. Vous pourrez nous envoyer l'information plus tard, ou nous pourrons la trouver.
    C'est parfait.
    Merci.
    J'ai terminé mon intervention. Je vais permettre aux autres personnes d'intervenir, monsieur le président.
    Madame Lapointe, vous avez la parole.

[Traduction]

    Bienvenue. Nous sommes heureux que vous soyez ici aujourd'hui.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je vais partager mon temps de parole, mais j'ai quand même des questions très pointues.
    Comme vous le savez, c'est le fédéral qui effectue la nomination des juges à la Cour supérieure. Comment évalue-t-on le nombre de juges dans les différents districts du Québec? Est-ce réévalué en fonction de la croissance démographique?
    Je ne sais pas jusqu'à quel point vous connaissez le processus. À la première étape, la province établit des besoins. Après cela, le gouvernement fédéral doit répondre à cela et confirmer les besoins. Par exemple, Québec va dire qu'il a besoin de six juges de plus, et ensuite le fédéral va décider d'attribuer des juges supplémentaires. Il y a souvent un écart entre les deux.

  (1030)  

    Qu'en est-il des Laurentides, selon vous?
    Les régions des Laurentides et de Lanaudière constituent le bassin où il y a eu la plus grande augmentation de population au Québec, mais le nombre de juges n'a pas augmenté en conséquence.
    Merci.
    J'ai une autre question par rapport aux Laurentides. Si je viens des Basses-Laurentides et que je suis anglophone,

[Traduction]

    est-ce que je peux facilement être représentée en anglais à Saint-Jérôme?

[Français]

    Voulez-vous dire pour avoir un avocat ou pour avoir un juge?
     Je parle de la représentation au complet. Si on a un litige et qu'on veut se faire représenter dans sa langue, est-ce facile?
    Je ne pourrais pas répondre à votre question, car je n'ai jamais fait cette expérience.

[Traduction]

    Faut-il se rendre à Montréal?

[Français]

    Je l'ignore.

[Traduction]

    Il faudrait faire venir un juge de Montréal. Il y a quelques avocats bilingues dans la région de Saint-Jérôme, mais pas beaucoup, et il y a encore moins de juges.
    Qui décide combien de juges seront affectés à un territoire donné? C'est le juge en chef de la province qui décide combien de juges sont requis et où ils seront affectés.

[Français]

    Je peux vous dire que la dernière fois que je suis allé à Saint-Jérôme, en conférence de règlement à l'amiable, j'étais devant un juge anglophone.
    Cela dit, ma réponse est très anecdotique.
    Ma question porte sur la subvention pour la traduction dont vous parliez tout à l'heure. Vous ne parliez pas de la traduction de l'anglais au français, mais plutôt de la traduction en anglais de la jurisprudence écrite en français.
    Cela était-il propre au Québec? Au Québec, la traduction se faisait du français à l'anglais. Est-ce qu'ailleurs, dans d'autres provinces, on faisait la traduction de l'anglais au français? Savez-vous si cela existait ailleurs?
    Comme on l'a dit plus tôt, je sais que cela se fait au Nouveau-Brunswick.
    Je parle des subventions du fédéral.
    Je ne sais pas s'il y a eu des subventions ailleurs au Canada pour la traduction de l'anglais au français.
    Je vous remercie.
    J'avais d'autres questions à poser, mais je vais laisser la parole à mon collègue avec qui je partage le temps de parole.
    Si vous le voulez, vous pouvez continuer, madame Lapointe.
    D'accord, merci.
    Quelque chose m'a intéressée. Vous avez dit qu'en Ontario et au Nouveau-Brunswick, il y avait un commissaire aux langues officielles, mais que le gouvernement du Québec n'était pas du tout intéressé à la minorité anglophone.
    Avez-vous vraiment dit cela?
    C'est exactement ce que j'ai dit.
    Depuis des années, le gouvernement du Québec démontre très peu d'intérêt pour la minorité anglophone, et ce, peu importe le parti au pouvoir. Il manifeste très peu d'intérêt pour les minorités en général et surtout pour la minorité anglophone.
    Qu'arriverait-il si, par exemple, on disait en Ontario qu'on n'était pas intéressé à la minorité linguistique?
    Je vous signale que je n'ai rien dit à ce sujet.

[Traduction]

    Vous avez le droit de dire cela. D'accord.

[Français]

    Cependant, cela m'a surprise.
    En Ontario, la minorité francophone a commencé il y a longtemps à faire pression pour avoir des services en français. Cela a été bien fait. C'est un succès de longue date.
    Il y a l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Il existe des associations de ce type dans chacune des provinces, mais cela a commencé en Ontario, où l'on a été très efficace.
    Merci beaucoup.
    Je vais laisser mon collègue continuer.
    Je vais continuer dans la même veine.
    Justement, l'Ontario célèbre cette année les 30 ans de la Loi sur les services en français. C'est très important pour moi, en tant que Franco-Ontarien et avocat oeuvrant en Ontario.
    C'est de valeur qu'on n'ait pas de données comparatives. Cela aurait été intéressant de comparer les données pour voir qui finance les traductions en Ontario et au Nouveau-Brunswick. On sait qu'il existe une inégalité évidente. Si on a arrêté de financer la traduction au Québec, mais qu'on continue de le faire dans les autres provinces, ce serait bon de le savoir.
    Je veux brièvement aborder la question de l'accès à la justice en anglais au Québec. Si un justiciable veut se présenter à la cour dans le cadre d'une affaire, d'un délit ou de quoi que ce soit d'autre, y a-t-il des délais? Je sais qu'en Ontario, on fait face à de grands défis lorsqu'on veut avoir une cause en français à la cour supérieure ou à la cour provinciale. Est-ce la même chose au Québec lorsqu'on veut avoir accès à la justice en anglais dans les cours inférieures?
    Probablement que la réponse n'est pas la même dans toutes les juridictions. Mme Lapointe a souligné qu'il y avait probablement moins de services à l'extérieur des grands centres. Je sais que ce n'est pas un problème à Montréal, mais je suis allé à la rentrée des tribunaux à Toronto, cette année, et j'ai entendu parler de problèmes de délais. Ce n'est pas seulement en Ontario qu'il y a des délais. C'est aussi le cas en Colombie-Britannique et ailleurs dans l'Ouest du Canada.
    Je peux vous dire qu'à Montréal, le droit d'être jugé dans la langue de son choix, en français ou en anglais, n'est pas un problème. Les ressources sont disponibles pour cela. Par contre, la façon de rendre les jugements peut parfois être problématique. Parfois, le personnel n'est pas en mesure de rendre un jugement en anglais. Toutefois, les procès sont entendus dans la langue choisie par le justiciable.

  (1035)  

    Vous avez mentionné des lois qui sont de compétence fédérale, par exemple la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et la Loi sur le Tribunal de la concurrence. La question de la traduction n'est pas un problème dans ce cas. Même si les justiciables sont entendus au Québec, tous les jugements des cours fédérales sont traduits.
    Ah, vous parlez des cours fédérales?
    Oui. Vous avez mentionné cela tout à l'heure et je ne comprenais pas vraiment.
    C'est que ce ne sont pas seulement les cours fédérales qui rendent des décisions en ces matières. Dans le cas de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, par exemple, ce sont les cours supérieures ou les cours d'appel. C'est la même chose en ce qui concerne la Loi sur le divorce, les lois constitutionnelles et ainsi de suite.
    C'est aussi le cas du Code criminel, évidemment. À mon avis, c'est là que le bât blesse un peu, lorsque ce sont des lois fédérales qui s'appliquent, mais qu'on ne peut pas les faire traduire.
    J'irais même plus loin. Je comprends que nous n'en sommes pas là, mais il est faux de croire que le droit civil et la common law ne s'influencent pas.
    C'est clair.
    Vous êtes avocat. Ceux qui ne le sont pas croient peut-être qu'il y a une cloison entre les deux et qu'on ignore ce qui se passe de l'autre côté, mais ce n'est pas vrai. Les juges vont vraiment en tenir compte, ne serait-ce que dans l'évaluation des dommages. Il y a des concepts élaborés en common law qui sont intégrés au Québec, de même qu'il y a des concepts de droit civil qu'on va considérer dans les juridictions qui appliquent la common law. Au bout du compte, les juges veulent rendre un jugement qui répond au bon sens, un jugement qui a du sens, et si d'autres tribunaux ont jugé avant eux que des concepts avaient du sens, cela peut les rassurer et leur permettre de faire évoluer la jurisprudence dans une certaine direction.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Généreux, la parole est à vous.
    Merci aux témoins.
    Monsieur Aylwin, pouvez-vous indiquer au Comité ce que l'acronyme SOQUIJ veut dire exactement?
    C'est la Société québécoise d'information juridique.
    Merci.
    Monsieur Bloom, considérez-vous qu'il serait important que le Québec se dote d'un commissaire aux langues officielles?
    Un commissariat?
    Un commissaire aux langues officielles, comme il y en a un en Ontario et au Nouveau-Brunswick.
    Oui. D'ailleurs, une telle demande a déjà été faite auprès du gouvernement, mais celui-ci n'était pas intéressé. Il a indiqué que ses ministres assumaient la responsabilité de tous les citoyens au sein de leurs ministères et qu'ils devaient s'occuper des problèmes en général, peu importe que ce soit ceux de la majorité ou ceux des minorités. En théorie, le gouvernement a raison. Cependant, dans les faits et en pratique, cela ne fonctionne pas ainsi. On aimerait bien, au Québec, avoir un commissariat ou un secrétariat qui s'occuperait des affaires des anglophones.
    D'accord, merci.
    Monsieur Aylwin, nous avons parlé plus tôt des 200 000 $ qui ont été accordés à la SOQUIJ. Pour une organisation qui doit traduire des centaines et des centaines de jugements, ce sont des pinottes.
    Combien en coûterait-il par année pour traduire tout ce qui se fait au Québec en matière juridique?
    Je ne le sais pas.
    À un moment donné, il va falloir faire un choix et déterminer ce qu'on traduit et ce qu'on ne traduit pas. Ce choix ne doit pas s'appuyer seulement sur la qualité des jugements.
    Qui va décider de ce qui sera traduit, où et quand se fera cette traduction, et qui va payer?
    Je ne veux pas faire une malheureuse règle de trois, mais nous traduisons environ 75 jugements par année. Les 200 000 $ nous ont permis de financer la traduction de 80 jugements additionnels. Si on considère que 22 000 décisions sont rendues par année au Québec...
    On s'entend.
    Plus tôt, M. Bloom disait espérer que, dans le futur plan d'action du gouvernement de 2018-2023, les portes seront grandes ouvertes et qu'il y aura beaucoup d'argent pour pouvoir traduire encore plus de jugements.
    Quel montant souhaiteriez-vous recevoir?
    Ce n'est pas à nous de juger du montant d'argent nécessaire. Les juges en chef de chaque cour connaissent les besoins. Actuellement, ils décident dans chaque cas s'il y a lieu de faire traduire des décisions ou des jugements importants qui pourraient avoir une influence dans le reste du Canada ou ailleurs dans le monde.

  (1040)  

    Excusez-moi, mais cela revient-il aussi aux juges en chef des autres provinces de décider qu'un certain jugement mérite d'être traduit en français? En pareil cas, qui paie pour cela dans les autres provinces canadiennes?
    Je n'en ai aucune idée. Il y a des subventions, mais je ne sais pas ce qu'on fait de cet argent.
    Au Québec, le juge en chef de chaque cour doit décider quels jugements devraient être traduits. Évidemment, si ces jugements peuvent avoir une influence ou revêtir une importance dans le reste du pays ou ailleurs, les juges vont essayer de les faire traduire. Jusqu'à maintenant, ce sont souvent les juges de la cour même qui en font la traduction. Un fardeau additionnel est alors imposé à certains d'entre eux qui sont davantage bilingues que d'autres et capables de rédiger dans les deux langues. On dépend d'eux pour faire un travail qui, normalement, devrait être effectué par un service de traduction.
    Monsieur Aylwin, faisons une règle de trois, comme vous venez de le faire. Une subvention de 200 000 $ a permis de traduire 80 jugements additionnels, en plus des 75 jugements déjà traduits au départ. On peut calculer que traduire 160 jugements coûterait un demi-million de dollars. Vous dites que 22 000 jugements sont rendus chaque année au Québec. Selon une règle de trois, traduire l'ensemble de ces jugements coûterait plusieurs millions de dollars.
    Ce n'est pas facile de déterminer les coûts exacts, parce que cela dépend du nombre de pages. Les jugements de la Cour d'appel sont souvent plus longs que d'autres jugements de tribunaux administratifs.
    En fait, je me demande quel serait le montant idéal. Selon vous, quel montant provenant du gouvernement fédéral serait acceptable, si on veut que le nombre de jugements traduits soit suffisant pour permettre au Québec d'être mieux représenté au sein de l'ensemble de la jurisprudence du Canada?
    C'est une très bonne question.
    Dans un monde idéal, tous les jugements de la Cour d'appel, au minimum, devraient être traduits. En effet, si les dossiers sont rendus à la Cour d'appel, c'est qu'ils ont une certaine importance. Trois juges, parfois cinq, se penchent sur des questions de droit, alors ces jugements valent la peine d'être diffusés.
    Je suis avocat chez Fasken Martineau, et quand je me suis joint au groupe de droit de la vie privée, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, ou LPRPDE, entrait en vigueur. Le Québec avait une loi sur la protection des renseignements personnels depuis 10 ans déjà, et la commissaire fédérale nous a mandatés pour éduquer le Canada anglais sur le corpus de jurisprudence qui avait été rendu en 10 ans au Québec, puisque ces décisions n'avaient pas été rendues accessibles.
    La commissaire fédérale a eu l'idée de le faire, dans ce contexte. Or, il s'agit d'une petite initiative qui touche une petite partie des décisions qui sont rendues. À moins qu'il n'y ait une panoplie d'initiatives de ce genre par secteur de droit, il faut augmenter les ressources pour la traduction.
    Rapidement...
    Merci beaucoup, monsieur Généreux, mais je regarde l'horloge et je suis obligé de passer à M. Samson.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie tous d'être ici aujourd'hui.
    Si vous me le permettez, j'aimerais creuser un peu plus la question de l'influence du droit sur la société canadienne.
    On dit que le Québec ne s'intéresse pas tellement à l'idée de faire traduire ses textes juridiques. Par ailleurs, le gouvernement du Canada a décidé de retirer ses subventions pour en faire la traduction. Cela m'inquiète beaucoup.
    Ce qui me préoccupe énormément, c'est l'influence et l'avancement du droit et des cultures dans la société. En disant que ce n'est pas grave si on ne fait pas la traduction des jugements du Québec, le gouvernement du Québec manque une occasion énorme d'influencer la société canadienne dans sa culture, son peuple, ses pensées, et ainsi de suite.
    Je félicite le Canada anglais du fait que les Québécois vont consulter la jurisprudence anglophone, les précédents de la common law, et s'appuient sur ce qui se passe ailleurs pour rédiger leurs jugements. Or, pourquoi l'inverse ne serait-il pas important?
    C'est crucial. C'est beaucoup plus qu'une simple question d'argent et de traduction. Il s'agit de s'assurer que les deux peuples fondateurs partagent le fruit de leur labeur et travaillent ensemble à développer la société. Nous manquons notre coup totalement.
    Pourrais-je entendre vos commentaires à ce sujet, s'il vous plaît?
    Des voix: Ah, ah!

  (1045)  

    Je suis content de ne pas être obligé de répondre à cela.
    Des voix: Ah, ah!
    Justement, je voudrais entendre vos commentaires par rapport à cela.

[Traduction]

    Cela va dans les deux sens.

[Français]

    Notre intervention présentement attire l'attention sur le phénomène au Québec, mais je pense qu'il faut aussi que vous considériez tout le phénomène dans son ensemble.
    Toutes les juridictions au Canada se donnent-elles la peine de traduire leurs jugements pour que le Québec, le Nouveau-Brunswick et les communautés francophones de l'Ontario et du Manitoba aient accès à cette jurisprudence? Je ne le pense pas.
    Je pense que cela va dans les deux sens. Le Québec assume ses obligations constitutionnelles de rendre les jugements dans la langue de ceux qui sont devant les tribunaux. Par l'entremise de la Charte de la langue française, les Québécois se sont donné un outil imparfait pour faire des traductions non juridiques de jugements. Pour nous, c'est insuffisant, en effet.
    Excusez-moi, mais je ne suis pas certain que vous ayez compris le sens de mon intervention.
    J'ai très bien compris le sens de votre intervention, mais je me suis gardé d'entrer dans la sphère politique.
    D'accord, je comprends.
    Je ne dis pas qu'il faut traduire les 22 000 jugements du Québec. Cependant, il me semble qu'on a la responsabilité de faire la traduction de n'importe quel jugement qui aurait une influence importante sur la jurisprudence canadienne, ce qui inclut la jurisprudence québécoise, et même sur celle du monde entier. Ainsi, on s'assure que les juristes peuvent faire avancer davantage la jurisprudence, ce qui aide à développer notre société.
    Mettez-vous à la place du juge en chef de la Cour d'appel qui, pour chaque tranche de 100 jugements qu'il reçoit, doit en choisir un qu'on fera traduire. Pour nous, c'est inacceptable. Il ne se peut pas qu'il y ait seulement un jugement de la Cour d'appel du Québec sur 100 qui soit d'intérêt suffisant pour qu'on le traduise.
    C'est exactement l'argument que je fais valoir. À mon avis, le gouvernement du Québec devrait être emballé de faire traduire un plus grand nombre de jugements du Québec afin que les juges, les juristes et les avocats de tout le Canada puissent utiliser cette jurisprudence qui aura une influence sur la société canadienne.
    Nous allons vous inviter à notre prochaine rencontre avec la ministre de la Justice du Québec. Vous pourrez peut-être nous aider.
    Des voix: Ah, ah!
    Merci beaucoup, monsieur Samson.
    Je suis parfaitement d'accord avec vous, monsieur Samson.
    Merci.
    La justice fait partie intégrante de la société en général. Comme vous l'avez exprimé, le fait d'influencer et de faire bouger la justice ne peut qu'aider la culture canadienne.
    Je suis désolé, monsieur Bloom, mais certains membres doivent se rendre à d'autres réunions de comité.
    En terminant, au nom de tous les députés, je vous remercie beaucoup, messieurs Aylwin et Bloom, de votre présentation et de votre disponibilité. Nous vous avons bien entendus.
    Merci beaucoup.
    Nous nous reverrons jeudi matin.
    La séance est levée.
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