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ENVI Rapport du Comité

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Le cas du dispositif de mise en échec de Volkswagen et l’Application de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)

Introduction

Du 9 décembre 2020 au 22 février 2021, le Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes (le Comité) a mené une étude sur l’application de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) ou LCPE, examinant particulièrement l’affaire de l’utilisation, par Volkswagen, de dispositifs de mise en échec dans des véhicules permettant l’émission d’oxydes d’azote (NOx) à des niveaux supérieurs à ceux permis par la LCPE. Les témoins entendus par le Comité ont parlé notamment du fonctionnement et de l’application actuels de la LCPE; des améliorations qui pourraient être apportées à ce chapitre et des actions en justice intentées au Canada contre Volkswagen.

Ce rapport fournit des informations générales sur la LCPE et son application, ainsi que sur le cas du dispositif de mise en échec Volkswagen. Il présente ensuite des vues sur la façon dont l'affaire Volkswagen a été traitée au Canada et sur la façon dont l'application de la LCPE pourrait être améliorée.

Le Comité remercie les témoins de leur participation et il est heureux de présenter dans le présent rapport ses observations et recommandations au gouvernement du Canada.

Survol de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) et de son application

La présente section fait un survol des dispositions pertinentes de la LCPE et décrit brièvement les mesures d’application prévues dans cette loi.

La Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)

Entrée en vigueur le 31 mars 2000, la LCPE vise à prévenir la pollution et à protéger l’environnement et la santé humaine par la prévention et la gestion des risques posés par les substances toxiques et autres substances nocives. La Loi prévoit une série d’instruments et de mesures pour définir et évaluer les risques pour l’environnement et la santé humaine et les éliminer. La Loi constitue le fondement juridique pour des activités portant sur « l’évaluation et la gestion des risques liés aux produits chimiques, aux polymères et aux organismes vivants; les programmes relatifs à la pollution de l’air et de l’eau, aux déchets dangereux, aux polluants atmosphériques et aux émissions de gaz à effet de serre; l’immersion de déchets en mer; [et] les urgences environnementales[1] ». Au titre de la Loi, la ministre de la Santé a pour responsabilité de fournir des conseils au ministre de l’Environnement sur les aspects liés à la santé humaine.

La gestion des émissions des véhicules en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)

La LCPE réglemente les émissions des véhicules routiers par l’entremise du Règlement sur les émissions des véhicules routiers et de leurs moteurs (le Règlement). Elle régit également les émissions des moteurs utilisés pour des applications « hors route ». Le pouvoir de réglementer les émissions produites par les moteurs servant à propulser les grands navires, les avions et les trains est régi par d’autres lois fédérales, dont la Loi sur la sécurité ferroviaire et la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, qui relèvent plutôt de Transports Canada.

Le Règlement établit des normes de rendement en matière d’émissions pour les véhicules routiers, dont les automobiles, les camionnettes, les motocyclettes et les véhicules lourds, pour réduire leur apport en polluants atmosphériques. Il s’applique aux véhicules, aux moteurs et aux équipements qui sont fabriqués ou importés au Canada. La LCPE permet l’adoption de règlements de contrôle des émissions pris par d’autres pays, notamment les États‑Unis (É.-U.), à la place de règlements canadiens. Le Canada applique les mêmes normes en matière d’émissions des véhicules légers que celles de l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (EPA) depuis l’année de modèle 2011[2].

Des modifications apportées au Règlement sont entrées en vigueur en 2015, l’harmonisant ainsi avec les nouvelles normes de l’EPA. Ces modifications instaurent des limites plus strictes en ce qui concerne les émissions de polluants atmosphériques produites par les nouveaux véhicules à passagers, les camionnettes et certains véhicules lourds. La mise en œuvre des modifications se fait de façon graduelle : elle a débuté avec les modèles de l’année 2017 et se conclura avec ceux de 2025. Les modèles de véhicules antérieurs demeurent assujettis au règlement antérieur[3]. Le Règlement modifié vise à réduire de 13 % les émissions d’oxydes d’azote (NOx) produites par les véhicules routiers d’ici 2030[4].

L’application de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)

Comme l’indique la LCPE, le gouvernement du Canada a pour devoir d’appliquer la Loi « de façon juste, prévisible et cohérente[5] ». Le Comité a appris qu’en 2020, la Direction générale de l’application de la loi d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) comptait environ 400 employés, dont 249 agents d’application portant l’uniforme. Ces agents sont « hautement qualifiés, ont étudié en chimie, en biologie ou dans d’autres domaines spécialisés et possèdent une expérience et des compétences considérables en matière d’application de la loi[6] ». Les agents de cette direction effectuent des inspections afin de vérifier si les lois et règlements visant à prévenir la pollution, à protéger l’environnement et la santé humaine et à assurer la conservation des espèces sauvages, de leurs habitats et de la biodiversité sont respectés[7].

Tant les activités pratiquées pour promouvoir l’observation de la loi que les mesures d’application servent à assurer une plus grande conformité avec la LCPE. Les premières, qui visent à accroître la sensibilisation et la compréhension des instruments de gestion des risques, comprennent la communication et la publication d’informations, ainsi que la consultation auprès des parties touchées par la LCPE.

Diverses mesures d’application peuvent être prises en réponse aux violations présumées de la LCPE et de ses règlements, y compris les suivantes :

  • avertissements écrits;
  • contraventions dans le cas de certaines infractions désignées;
  • ordres d’exécution en matière de protection de l’environnement, qui exige la prise de mesures pour mettre fin à une violation ou prévenir une telle violation;
  • sanctions administratives pécuniaires, dont le montant est calculé en fonction de facteurs tels que la gravité de l’infraction et la récidive;
  • poursuites (à la discrétion de la Couronne);
  • mesures de rechange en matière de protection de l’environnement, le but étant de s’entendre sur les mesures que doit prendre l’accusé pour recommencer à respecter la Loi (et ce au lieu d’intenter des poursuites).

Les inspections ont pour but de recueillir des renseignements, au moyen de visites des lieux ou de vérification des documents, afin de s’assurer du respect de la loi. Dans le cadre d’une inspection, les agents d’application de la loi peuvent :

  • « entrer dans un local, ouvrir les contenants présents, examiner leur contenu et prélever des échantillons;
  • effectuer des analyses et prendre des mesures;
  • obtenir l’accès à des renseignements (y compris les données informatiques);
  • immobiliser et détenir des moyens de transport;
  • perquisitionner dans un lieu, y saisir et retenir des articles visés par l’application de la Loi;
  • obtenir un mandat pour pénétrer dans des locaux verrouillés, abandonnés ou dont on a refusé l’accès et les inspecter;
  • obtenir un mandat de perquisition;
  • arrêter des contrevenants[8] ».

Les enquêtes, quant à elles, visent à rassembler des éléments de preuves et des informations concernant une infraction soupçonnée. Elles ont lieu lorsqu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction à la LCPE a été commise et que les autorités ont déterminé que des poursuites sont la mesure d’application appropriée.

Différentes sanctions s’appliquent en cas d’infraction à la LCPE. Les contrevenants peuvent devoir payer des frais de nettoyage ou renoncer aux profits réalisés par suite de l’infraction. La Loi établit également des critères dont les tribunaux doivent tenir compte dans la détermination de la peine, notamment les coûts de réparation des dommages causés à l’environnement. Parmi les sanctions les plus sévères, mentionnons l’imposition d’une amende d’un million de dollars par jour où l’infraction se poursuit, un maximum de trois années d’emprisonnement, ou encore ces deux peines cumulées. Enfin, les hauts dirigeants d’entreprise peuvent être poursuivis s’ils autorisent une infraction à la LCPE ou à un de ses règlements, ferment les yeux sur celle-ci ou y participent[9].

Le Fonds pour dommages à l’environnement

Géré par ECCC, le Fonds pour dommages à l’environnement (FDE) sert à investir l’argent provenant des amendes, des ordonnances judiciaires et des contributions volontaires versées conformément à certaines lois fédérales sur l’environnement, dont la LCPE[10]. Par exemple, une amende de 2,9 millions de dollars a été versée au FDE après que le remorqueur Nathan E. Stewart s’est échoué à Edge Reef, près de Bella Bella en Colombie-Britannique, entraînant le rejet de plus de 100 000 litres de carburant diesel et de plus de 2 000 litres de lubrifiants, deux substances nocives pour les poissons et les oiseaux migrateurs[11]. Depuis juin 2012, dix lois fédérales prévoient le versement direct des amendes dans ce fonds, et cinq autres lois offrent cette possibilité.[12]

Le FDE permet de financer des projets qui procurent des avantages écologiques, par exemple les projets de rétablissement de l’environnement naturel et de conservation des espèces sauvages; les initiatives contribuant à améliorer la qualité de l’environnement; les activités de recherche et développement sur le rétablissement et l’amélioration de l’environnement; et les projets d’éducation et de sensibilisation relatifs à la santé de l’environnement naturel[13]. ECCC distribue généralement les fonds dans le cadre d’un processus concurrentiel, dans lequel les organismes peuvent présenter une demande pour des fonds pour réaliser des projets[14]. Dans le cas de l’amende de 2,9 millions de dollars versée au FDE après l’échouement du Nathan E. Stewart, le juge a ordonnée que l’amende imposée soit « administrée au profit des Premières nations Heiltsuk aux fins de la restauration de l’habitat touché par les dommages environnementaux[15] ».

D’autres projets financés par le FDE visent, par exemple, à restaurer et protéger l’habitat d’hirondelles au Québec; à protéger l’habitat d’une espèce d’une grenouille en voie de disparition en Colombie-Britannique; et à remettre en état des tourbières en Alberta[16].

L’application par des citoyens de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)

En vertu des articles 17 à 21 de la LCPE, les citoyens peuvent demander au ministre de l’Environnement et du Changement climatique d’enquêter sur des allégations d’activités criminelles. Une fois ces allégations faites, le ministre doit enquêter et fournir au demandeur, tous les 90 jours, des mises à jour sur l’avancement de l’enquête et sur les mesures, le cas échéant, que le ministre a prises ou propose de prendre.

Aux termes de l’article 22, les personnes qui ont demandé une enquête peuvent intenter une action en protection de l’environnement devant un tribunal si le ministre n’a pas mené une enquête et n’en a pas fait rapport en temps voulu ou si la réponse à l’enquête n’était pas raisonnable.

Enfin, en vertu de l’article 23, il y a un délai de prescription de deux ans pour les actions de protection de l’environnement à partir du moment où le demandeur prend connaissance de l’infraction présumée.

L’affaire du dispositif de mise en échec de Volkswagen

S’appuyant sur des informations publiques et des témoignages entendus dans le cadre de l’étude, la présente section présente un survol des moments marquants de l’affaire des dispositifs de mise en échec de Volkswagen au Canada et aux États-Unis.

Aperçu de la poursuite d’Environnement et Changement climatique Canada contre Volkswagen Aktiengesellschaft

Le 22 septembre 2015, la Direction générale de l’application de la loi d’ECCC a lancé une enquête sur des allégations selon lesquelles le Groupe Volkswagen Canada Inc. (Volkswagen Canada) avait importé et vendu des véhicules équipés d’un moteur diesel quatre cylindres de marques Volkswagen et Audi, construits entre 2009 et 2015, qui étaient dotés d’un dispositif de mise en échec nuisant à l’efficacité du système de réduction de la pollution atmosphérique du véhicule[17]. Quelques jours plus tôt, l’EPA avait remis à Volkswagen Aktiengesellschaft (Volkswagen AG), à Audi Aktiengesellschaft (Audi AG) et au Volkswagen Group of America Inc. un avis d’infraction à la Clean Air Act parce qu’elles avaient utilisé des dispositifs de mise en échec[18]. Reposant sur un logiciel, ces dispositifs permettaient aux véhicules d’émettre environ 40 fois plus de polluants que ce que les normes d’émissions de NOx autorisaient lors d’utilisation normale du véhicule tout en réduisant les émissions sous les seuils permis lors de conditions d’essai[19].

Le 26 avril 2018, Volkswagen AG a été avisé que la société était visée par une enquête d’ECCC[20].

Le 9 décembre 2019, le gouvernement fédéral a porté contre Volkswagen AG, la société mère allemande de Volkswagen Canada, 60 chefs d’accusation concernant des infractions à la LCPE[21], liés à environ 130 000 véhicules non conformes qui avaient été importés au Canada[22], soit :

  • 58 chefs relatifs à l’importation illégale au Canada de véhicules non conformes à la réglementation sur les émissions des véhicules à l’encontre de l’article 154 de la LCPE, ce qui constitue une infraction en vertu de l’alinéa 272(1)a);
  • 2 chefs d’accusation concernant la communication de renseignements trompeurs à ECCC, infraction prévue à l’alinéa 272(1)k) de la LCPE[23].

Volkswagen AG a comparu pour la première fois devant un juge le 13 décembre 2019. L’audience a été retardée lorsqu’un avocat représentant le groupe environnemental Ecojustice a présenté au juge une requête visant à demander qualité pour agir dans le dossier et ainsi présenter au juge une déclaration au nom de la collectivité avant le prononcé de la peine[24].

Le 22 janvier 2020, Volkswagen AG a plaidé coupable aux 60 chefs d’accusation concernant des infractions à la LCPE devant la Cour de justice de l’Ontario[25]. L’avocat du Service des poursuites pénales du Canada (la Couronne) et la défense ont présenté une « recommandation conjointe » négociée au préalable, laquelle proposait la peine à imposer à Volkswagen AG. L’avocat de la Couronne a aussi présenté les déclarations au nom de la collectivité[26]. Le juge d’instance de la Cour de justice de l’Ontario a rendu sa décision, présentant une partie de ses motifs de vive voix afin de faire en sorte que « les amendes soient payées le plus rapidement possible et que ces sommes soient utilisées dans l’intérêt public[27] ». Il a imposé à Volkswagen AG une amende de 196 500 000 $, comme l’indiquait la recommandation conjointe, à payer dans un délai de 30 jours.

Les motifs du juge

Le juge d’instance a noté, dans ses motifs, le précédent concernant les recommandations conjointes selon lequel un juge du procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe relative à la peine, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit par ailleurs contraire à l’intérêt public[28].

À propos de la recommandation conjointe quant à la peine de Volkswagen AG et la Couronne, le juge a affirmé ceci : « Je ne peux pas faire abstraction du risque que les actions de [Volkswagen] AG aient causé du tort à l’environnement et à la santé des êtres humains[29]. »

Il a ajouté :

L’amende proposée en l’occurrence donne de la légitimité au rôle qu’a le Canada de respecter ses obligations internationales en matière de protection de l’environnement. Il serait difficile d’interpréter le montant de l’amende comme le simple « prix à payer pour faire des affaires », même par rapport à la stature mondiale de l’entreprise ayant commis l’infraction. L’amende correspond approximativement à 26 fois l’amende la plus lourde ayant déjà été imposée au Canada pour des infractions à caractère environnemental[30]. À mon avis, l’amende proposée annonce une nouvelle ère d’amendes substantielles en matière d’environnement et elle est suffisamment lourde pour avoir, comme il se doit, un caractère exemplaire et servir de moyen de dissuasion[31].

Le juge a reconnu la vaste expérience des conseillers juridiques de la Couronne et de Volkswagen AG et tout le temps qu’ils ont mis à préparer la recommandation conjointe, affirmant qu’il jugeait la peine suffisante. Enfin, le juge a accepté la suggestion des parties voulant que les amendes portées au FDE servent à soutenir des programmes nationaux, provinciaux ou territoriaux et que les sommes soient réparties en fonction des émissions excédentaires de NOx produites dans chaque province ou territoire, recommandant que l’on en fasse autant.

Règlement des recours collectifs contre le Groupe Volkswagen Canada Inc.

En décembre 2016, Volkswagen Canada a conclu une entente de règlement d’un montant maximal de 2,1 milliards de dollars, soit jusqu’à 20 000 $ par véhicule, avec environ 105 000 propriétaires ou locataires canadiens de ses véhicules diesel équipés de moteurs de 2 litres. Dans le cadre de cette affaire, la société a également accepté de payer une pénalité de 15 millions de dollars pour ses affirmations trompeuses au sujet de la protection de l’environnement par suite d’une action intentée par le Bureau de la concurrence du Canada, un organisme d’application de la loi indépendant ayant pour mission de protéger les entreprises et les consommateurs canadiens [32].

En avril 2018, les tribunaux du Québec et de l’Ontario ont approuvé une entente de règlement nationale relative à un recours collectif mettant en cause Volkswagen Canada et les propriétaires ou locataires canadiens des quelque 20 000 véhicules avec moteur de 3 litres, d’une valeur maximale de 290,5 millions de dollars[33]. Le Bureau de la concurrence a également conclu une entente avec Volkswagen Canada d’une valeur de 2,5 millions de dollars concernant les allégations fausses ou trompeuses liées à l’environnement[34].

Les actions en justice contre Volkswagen aux États-Unis relativement aux dispositifs de mise en échec

La section qui suit présente les actions en justice intentées aux États-Unis contre Volkswagen relativement aux dispositifs de mise en échec et les ententes de règlement dans ce pays.

L’EPA a pris connaissance des émissions causées par les véhicules diesel Volkswagen 2009-2015 en mai 2014, par suite de la publication d’une étude commandée par l’International Council on Clean Transportation (ICCT). Selon l’étude, une Jetta 2012 et une Passat 2013 émettaient de 10 à 40 fois plus d’émissions de NOx que les niveaux permis, selon le type de conduite[35]. Pendant plus d’un an suivant la publication de l’étude, Volkswagen a affirmé que ces résultats étaient attribuables à des problèmes techniques et à des conditions d’essai imprévues. En décembre 2014, Volkswagen a procédé à un rappel volontaire, mais les tests de suivi de l’EPA n’ont révélé qu’une légère amélioration après la réparation apportée aux véhicules[36]. Volkswagen a admis qu’il avait mis au point et en place un dispositif de mise en échec seulement lorsqu’il est devenu clair que l’EPA n’approuverait pas les certificats de conformité pour les véhicules diesel 2016 de la compagnie[37].

En septembre 2015, l’EPA a signifié un avis d’infraction à la Clean Air Act à Volkswagen AG, à Audi AG et au Volkswagen Group of America Inc., soutenant que ces entreprises avaient installé des dispositifs de mise en échec sur les véhicules diesels équipés de moteur de 2 litres des années de modèle 2009 à 2015[38]. En novembre 2015, elle a remis un deuxième avis d’infraction à la Clean Air Act à Volkswagen, à Audi et à Porsche, alléguant que de tels dispositifs avaient été installés sur les véhicules diesel équipés de moteur de 3 litres et des véhicules utilitaires sport[39].

En janvier 2016, le département de la Justice des États-Unis a déposé une plainte contre ces fabricants de véhicules en raison de présumées infractions à la Clean Air Act[40]. En juin 2016, il a annoncé que Volkswagen[41], accusé d’avoir triché à des tests d’émissions et trompé des clients[42], serait tenu de dépenser jusqu’à 14,7 milliards de dollars américains en guise de réparation dans le cadre de deux ententes de règlement : l’une avec les États-Unis et l’État de Californie concernant des manquements à la Clean Air Act, au California Health and Safety Code et aux lois californiennes sur la concurrence déloyale, et l’autre avec la Federal Trade Commission pour « publicité trompeuse et déloyale » en lien avec la vente de près de 500 000 véhicules « au diesel propre » équipés d’un moteur 2,0 litres[43].

Les ententes de règlement prévoyaient trois catégories de dépenses[44] :

  • 1) Rappel de véhicules : L’entreprise a dû mettre de côté 10,3 milliards de dollars américains pour le rachat des véhicules ou la réparation des systèmes d’émission (s’ils sont approuvés) de toutes les voitures non conformes; elle devait rappeler ou réparer au moins 85 % des voitures touchées pour éviter de nouvelles sanctions pécuniaires.
  • 2) Programme de réduction des émissions : L’entreprise a dû verser 2,7 milliards de dollars américains sur trois ans, montant qui devait servir à financer des projets de réduction des émissions NOx dans les régions des États-Unis où les véhicules ont été ou seront utilisés, afin d’atténuer les effets de la pollution qu’ils causent. Les États, les groupes autochtones et d’autres pouvaient demander à utiliser les fonds pour des projets de réduction des NOx tels que la modernisation des moteurs des véhicules diesel[45].
  • 3) Investissements dans les technologies à émission zéro : L’entreprise doit verser 2 milliards de dollars américains sur dix ans pour améliorer les infrastructures, l’accès et la sensibilisation afin de soutenir et de faire progresser les véhicules zéro émission[46].

Deux « règlements partiels » ont été conclus par la suite : l’un concernait les quelque 90 000 véhicules non conformes équipés de moteurs diesel de 3,0 litres, ce qui supposait le rachat de véhicules et un versement supplémentaire de 225 millions de dollars américains au programme de réduction des émissions, lequel est assorti d’un budget de 2,7 milliards de dollars américains; ainsi qu’une sanction civile distincte[47].

Selon l’EPA, le 11 janvier 2017, Volkswagen a également convenu de plaider coupable à trois chefs d’accusation relatifs à des actes délictueux graves et de payer une amende de 2,8 milliards de dollars américains[48]. De plus, la société en est arrivée à plusieurs règlements distincts au civil relatifs à des infractions environnementales, douanières et financières, et a accepté de payer 1,5 milliard de dollars américains en pénalités pour couvrir les plaintes portées par l’EPA ainsi que par l’Agence américaine des douanes et de la protection des frontières pour fraude douanière, entre autres.

Vues sur l’affaire Volkswagen au Canada et ses implications pour l’application de la Loi canadienne de protection de l’environnement (1999)

Les témoins ont présenté leurs vues disparates sur le déroulement de l’affaire des dispositifs de mise en échec de Volkswagen au Canada, plus particulièrement sur le temps mis pour porter des accusations, la transparence du processus, les accusations portées et le montant de l’amende.

Transparence et participation du public dans l’affaire contre Volkswagen au Canada

Muhannad Malas, gestionnaire de programme, Substances toxiques, chez Protection environnementale Canada, a indiqué que le gouvernement avait pris beaucoup de temps pour porter des accusations contre Volkswagen et poursuivre l’entreprise, qui avait pourtant admis sa culpabilité aux États-Unis[49]. David Wright, procureur de la Couronne à la retraite en Ontario, a précisé que Volkswagen avait convenu d’un exposé conjoint des faits avec les États-Unis en 2017 dans le cadre de son entente sur le plaidoyer, et qu’il aurait donc été possible d’utiliser ce document en preuve pour monter un dossier au Canada et accélérer le traitement de l’affaire :

[L]’article 23 de la Loi sur la preuve au Canada permet aux tribunaux canadiens d’utiliser des décisions et des jugements rendus à l’étranger, et cela aurait certainement simplifié et facilité toute poursuite judiciaire. À ce jour, on ne peut toujours pas expliquer pourquoi il a fallu trois années supplémentaires pour que l’affaire soit portée devant un tribunal et qu’elle soit tranchée[50].

En revanche, Michael Enns, directeur général de la Direction de l’analyse des risques à ECCC, a déclaré que « l’aveu de culpabilité de Volkswagen aux États‑Unis n’a pas pesé particulièrement sur une déclaration de culpabilité ou d’innocence au Canada. Bien sûr, tout le monde était au courant et y a réfléchi, mais il n’y a pas eu d’approbation automatique des décisions américaines dans les tribunaux canadiens[51]. »

M. Malas a aussi parlé de son expérience : il a tenté de participer à l’enquête sur Volkswagen en présentant des demandes en vertu de l’article 17 de la LCPE, qui prévoit que tout particulier « peut demander au ministre l’ouverture d’une enquête relative à une infraction prévue par la présente loi qui, selon lui, a été commise[52] ». Il a expliqué que le ministre avait ouvert une enquête en réponse à ses demandes, mais que très peu de renseignements lui avaient été transmis en guise de suivi et que ses demandes d’enquête sur des infractions plus importantes avaient été rejetées sous prétexte qu’une enquête était en cours. Par conséquent, aucun renseignement utile sur ces questions ne lui a été transmis. De façon générale, M. Malas a constaté que le processus n’apportait pas de réponses expliquant pourquoi l’enquête sur Volkswagen était aussi longue et n’offrait pas non plus un mécanisme efficace de participation aux membres du public [53].

À une question portant sur les dispositions relatives à la participation du public à l’application de la LCPE, Mark Winfield, professeur de la faculté de l’environnement et du changement urbain à l’Université York, a tenu les propos suivants :

La tentative d’introduire des dispositions permettant aux citoyens d’intenter des poursuites dans la LCPE de 1999, semblables à celles de la loi environnementale américaine, n’a pas porté ses fruits. La procédure n’a jamais servi, et elle est très complexe pour un citoyen. Il existe aussi une disposition de demande d’enquête. Encore ici, il n’y a pas beaucoup d’activité[54].

MM. Malas[55] et Wright ont également soulevé des questions quant à la transparence de l’affaire. Pour illustrer son point, M. Wright a expliqué le déroulement normal d’une action en justice intentée par le gouvernement fédéral :

Trois ou quatre semaines après que les accusations ont été portées contre lui, l’accusé comparaît une première fois en justice. Le délai permet à la Couronne de préparer la divulgation, qui est communiquée à l’avocat de la défense à la première comparution.
L’étape suivante est une rencontre officielle avant procès entre la Couronne et la défense. Si l’affaire est grave, il faut une conférence préparatoire au procès entre un juge, la Couronne et la défense, pour déterminer si on peut trancher l’affaire ou si on peut réduire le nombre de points litigieux pour faire gagner du temps au tribunal. On tranche ensuite la question ou on fixe une date au procès. Si l’affaire est tranchée, on préviendra la victime avant le début de la plaidoirie. Normalement, il faut de trois à cinq mois pour trancher ce genre d’infractions[56].

Dans l’affaire Volkswagen, M. Wright a expliqué que les 60 chefs d’accusation au titre de la LCPE ont été portés le 9 décembre 2019 et qu’au moment de leur première comparution le 13 décembre 2019, la Couronne et la Défense étaient déjà prêtes à présenter une recommandation conjointe quant à la peine.

M. Wright a expliqué que puisqu’il n’y a pas eu de conférence préparatoire inscrite au dossier, il était impossible d’accéder aux informations qui auraient normalement été disponibles au public :

Contrairement à l’usage auquel doit se plier tout autre accusé au Canada, Volkswagen a évité les comparutions répétées, la divulgation publique de la preuve, l’organisation, en public, d’une conférence préparatoire au procès avec la Couronne et d’une autre avec un juge et la Couronne[57].

M. Wright a ajouté plus tard que « [c]e n’est pas ce que nous devrions faire ou la façon dont la justice devrait être perçue. Le processus doit être clair et transparent, et la population doit comprendre que ces affaires suivent leur cours devant les tribunaux[58]. »

Ben Sharpe, chercheur principal et responsable de la région canadienne au sein de l’International Council on Clean Transportation, a ajouté ce qui suit : « Il faudra plus de transparence pour déterminer comment le Canada a opté pour un règlement du dossier sensiblement plus indulgent qu’aux États-Unis[59]. »

Par ailleurs, M. Wright a exposé ce qu’il considère comme l’absence de possibilités pour le public de participer aux instances :

Même si [ECCC] a été empêtré pendant des années dans un litige avec Ecojustice, sur la conduite illégale de Volkswagen, il n’a informé aucune des parties intéressées de la date du dépôt des accusations ni qu’un plaidoyer était en suspens le 13 décembre 2019. Aucune organisation écologiste ni aucun organisme de santé n’a eu le temps de préparer quelque type que ce soit de réponse, y compris une déclaration des répercussions sur la collectivité. Le 22 janvier 2020, contrairement aux dispositions impératives du Code criminel, la Couronne rejetait unilatéralement les déclarations des répercussions sur la collectivité[60].

Recommandation 1

Le Comité recommande qu’Environnement et Changement climatique veille à ce que les enquêtes en vertu de la LCPE soient menées de manière transparente et perçues comme telle.

Recommandation 2

Le Comité recommande qu’Environnement et Changement climatique Canada, dans le but d’accroître la transparence des enquêtes au titre de la LCPE, améliore les mécanismes de participation du public et de communication de renseignements sur les enquêtes à la population.

La nature des accusations portées

Les témoins ont commenté la structure des accusations portées dans l’affaire Volkswagen au Canada, présentant différents points de vue sur le bien-fondé de celles‑ci.

L’avocate Ariane Gagnon-Rocque a expliqué que « [la LCPE] prévoit des infractions criminelles. Il est vrai qu’aucune accusation n’a été portée suivant le Code criminel, mais les accusations sont tout de même criminelles selon la [LCPE][61]. » M. Wright, quant à lui, a souligné que la Couronne avait la « prérogative de porter des accusations de conspiration, sous le régime du Code criminel, comme aux États-Unis, et non les accusations moins graves prévues dans la [LCPE][62] ». Selon lui, on aurait dû porter des accusations en vertu du Code criminel :

Le complot en vue de commettre un acte criminel et la fraude sont deux accusations criminelles qui auraient très bien pu être portées. La Couronne aurait pu choisir cette option. On commence par des accusations criminelles, et ensuite, à une date ultérieure, compte tenu des choses complexes qui sont apparues ou des problèmes liés au temps ou à la divulgation ou de tout autre élément de ce genre, on peut toujours s’en remettre aux actes criminels prévus dans la [LCPE]. Il convient de recourir au Code criminel lorsqu’on est confronté à des crimes contre l’environnement extrêmement graves comme celui [résultant des] actions de Volkswagen[63].

De façon générale, les témoins ont convenu qu’il avait été nécessaire de « regrouper » les accusations, mais certains étaient préoccupés par leur formulation. M. Malas jugeait « troublant » que l’on ait regroupé sous une seule infraction l’importation de 10 269 Jetta non conformes[64]. M. Sharpe a ajouté qu’« on semble avoir procédé de façon plutôt arbitraire en regroupant un si grand nombre d’accusations, contrairement à ce qui s’est passé aux États-Unis, et en Californie plus particulièrement. C’est l’une des raisons pour lesquelles le montant des amendes a été nettement inférieur au Canada, tant au total qu’en moyenne par véhicule[65]. »

M. Wright a expliqué que « [l]e nombre d’accusations est totalement discrétionnaire. Ils ont choisi 60 accusations. Ils auraient pu en choisir 100 […] ou même 128 000 s’ils le voulaient, mais c’est complètement déraisonnable[66]. » Dans la même veine, Me Gagnon-Rocque a affirmé ce qui suit :

[…] je pense que cela est lié au pouvoir discrétionnaire de la poursuite. C’est difficile de s’immiscer dans cet exercice du pouvoir discrétionnaire. Cela étant dit, la poursuite aurait-elle dû porter une centaine de milliers de chefs d’accusation? Non, absolument pas. Cela aurait été ingérable. On n’avait pas le choix de les regrouper d’une certaine manière[67].

Lourdeur de la peine payée par Volkswagen

Les conséquences financières pour Volkswagen d'avoir installé des mécanismes de mise en échec dans des véhicules importés au Canada ne se limitent pas aux amendes imposées par les tribunaux. Lors de l’audience de détermination de la peine le 22 janvier, le procureur de la Couronne a souligné que « l’amende de 196,5 millions de dollars s’ajoutait aux montants accordés dans le cadre de recours collectifs visant à dédommager les consommateurs canadiens de véhicules non conformes, notamment par le rachat des véhicules, jusqu’à un maximum atteignant près de 2,4 milliards de dollars[68] ». Il a également mentionné les amendes totalisant 17,5 millions de dollars payables par la société en application de la Loi sur la concurrence[69].

La plupart des témoins ont commenté le montant de l’amende imposée à Volkswagen par suite de son plaidoyer de culpabilité, jugeant celui-ci insuffisant. Ken Bondy, représentant national, Santé, sécurité et environnement, chez Unifor, a qualifié l’amende de « dérisoire[70] », se disant surpris que le gouvernement ait fait preuve d’autant d’« indulgence » envers Volkswagen même lorsqu’il est apparu qu’aucun emploi au Canada n’était en jeu[71]. M. Sharpe a observé que le montant de l’amende par véhicule était nettement inférieur à celui établi aux États-Unis[72], et M. Wright a suggéré que l’on demande au procureur de la Couronne pourquoi l’amende était aussi peu élevée[73].

M. Winfield a lui aussi reconnu que la peine n’avait sans doute pas été assez sévère : « Le degré de sévérité des sanctions soulève effectivement des questions. Par exemple, avons‑nous laissé l’entreprise s’en tirer un peu mieux étant donnée l’ampleur de l’affaire? C’est également attribuable en partie au fait qu’à ce jour, nous n’avions rien vu de comparable dans notre expérience avec la LCPE[74]. »

En revanche, Me Gagnon-Rocque a affirmé que l’amende était adéquate. Elle était d’avis que « les peines sont probablement appropriées dans les circonstances, malgré une grande disproportion entre les peines infligées au Canada et celles infligées aux États-Unis, ajoutant, Nous n’avons pas le même régime et il est difficile de se comparer. D’ailleurs, je ne pense pas que nous devrions le faire[75]. » Elle a ajouté ce qui suit :

Je vous dirai honnêtement que je ne vois pas en quoi le cas de Volkswagen pose problème. Comme je l’ai mentionné, si l’on avait voulu punir Volkswagen beaucoup plus sévèrement, on aurait pu le faire. On aurait pu porter davantage de chefs d’accusation et demander que les amendes maximales soient imposées. Or, la poursuite ne l’a pas fait. Je pense que c’était un choix.
Comme vous le savez peut-être, la poursuite dispose d’un pouvoir discrétionnaire. Pour ma part, je pense que cela fait partie des pouvoirs qu’on ne doit pas lui retirer. Il est clair que le poursuivant, soit le procureur de la Couronne qui a poursuivi Volkswagen, a validé l’entente à laquelle il était parvenu, probablement avec ses supérieurs. À mon avis, cette décision a été prise, et elle s’inscrit dans une culture où l’on n’applique pas les mêmes barèmes qu’aux États‑Unis. Je dois dire que je m’en réjouis. Nous avons un système très différent du système américain et il ne faut pas chercher à le copier[76].

M. Winfield a fait l’éloge du processus d’application des règles en matière de protection de l’environnement aux États-Unis, parce que l’on s’attend dans ce pays à ce que des mesures d’application soient prises[77] : « [L]es États-Unis sont très différents de nous. L’agence américaine de protection de l’environnement, l’EPA, est beaucoup plus portée à faire appliquer la loi, tant ses dispositions pénales que civiles. On le constate dans l’affaire Volkswagen. Ça ne passe pas inaperçu[78]. »

En outre, selon Me Gagnon-Rocque, c’est la certitude que des poursuites soient intentées, et non la taille de l’amende, qui a un effet dissuasif :

Personnellement, une amende de plusieurs milliards de dollars m’impressionne peu. Je le serais beaucoup plus par la certitude que des poursuites criminelles vont être entreprises contre les contrevenants. Ce serait un changement plus porteur que d’augmenter le montant des amendes[79].

L’utilisation des amendes à l’appui du développement d’infrastructures pour les véhicules électriques

M. Bondy a indiqué que l’argent des amendes imposées à Volkswagen aurait pu servir à combler des lacunes nuisant à la multiplication des véhicules zéro émission sur les routes du Canada, notamment pour le développement d’infrastructures, ce qui aiderait les fabricants de véhicules au Canada, comme General Motors, qui se sont engagés à produire uniquement des véhicules électriques d’ici 2035[80].

M. Sharpe a signalé qu’une partie de l’argent des amendes payées aux États-Unis par Volkswagen a été réservé, entre autres, à l’amélioration des infrastructures pour les véhicules zéro émission, faisant valoir qu’une telle solution aurait été gagnante pour tout le monde au Canada[81]. Présentant le point de vue de l’ICCT, il a déclaré que « l’utilisation des fonds générés par ces amendes pour favoriser la transition vers la propulsion électrique représente un scénario optimal » étant donné tout le soutien politique et le financement à long terme nécessaire à ce virage[82]. Il a fait observer que le Canada prend du retard sur d’autres pays producteurs d’automobiles en ce qui concerne la transition vers les véhicules électriques et qu’il « doit donc faire tout son possible pour rattraper son retard en matière de production automobile[83] ».

Sans pour autant être en désaccord avec les utilisations possibles des fonds, Me Gagnon-Rocque était d’avis qu’il doit revenir au juge de prendre des décisions portant sur l’utilisation de l’argent des amendes, et que les lois et règlements devraient demeurer muets à ce sujet[84].

Les conséquences sur l’environnement et la santé humaine des polluants émis par les véhicules non conformes dotés de dispositifs de mise en échec

Selon l’ICCT, les dispositifs de mise en échec utilisés par Volkswagen ont eu une incidence directe sur les émissions de NOx des voitures diesel[85]. Les NOx sont produits par tous les moteurs à combustion interne et comprennent l’oxyde d’azote (NO) et le dioxyde d’azote (NO2). Ces agents chimiques ont un certain nombre de conséquences sur l’environnement et la santé humaine.

Les NOx ne sont pas des gaz à effet de serre, ce qui veut dire que ces émissions ont peu d’effet direct sur les changements climatiques. Par contre, les NOx réagissent avec d’autres éléments chimiques présents dans l’atmosphère, créant des particules fines secondaires ainsi que de l’ozone troposphérique, puis provoquent le smog. La pollution par l’ozone peut avoir pour effet de réduire la biomasse et le rendement des cultures et des forêts, et les particules fines peuvent entraver le rayonnement solaire, diminuant la photosynthèse des plantes et réduisant la quantité de CO2 que les plantes peuvent séquestrer[86]. Techniquement, l’ozone présent dans la couche d’ozone est un gaz à effet de serre, mais ses effets sont surtout bénéfiques, puisqu’il forme une couche qui empêche les rayons ultraviolets d’atteindre la surface de la Terre. Toutefois, à des niveaux moins élevés, l’ozone est dommageable pour la santé humaine, car il peut provoquer ou aggraver des maladies pulmonaires chroniques[87].

D’après l’ICCT, les chercheurs ont attribué 254 000 décès prématurés à la pollution par l’ozone à l’échelle mondiale en 2015[88]. L’organisation a précisé que l’exposition à des particules fines peut provoquer des accidents vasculaires cérébraux, des cardiopathies ischémiques, des maladies pulmonaires obstructives chroniques, des cancers du poumon et des infections des voies respiratoires inférieures, et qu’elle a causé 4,2 millions de décès prématurés dans le monde en 2015. Un lien a été établi entre l’exposition à long terme au NO2 et le développement de l’asthme et la susceptibilité aux maladies respiratoires; et l’exposition à court terme peut exacerber ces conditions et entraîner des symptômes respiratoires nécessitant une hospitalisation[89].

M. Malas a indiqué que les 128 000 véhicules Volkswagen au Canada munis d’un dispositif de mise en échec avaient émis des émissions équivalant à celle d’un parc de plus de quatre millions de véhicules conformes. Si on tient compte du fait que près de 15 000 Canadiens meurent chaque année des suites de la pollution atmosphérique, on « comprend bien à quel point ces émissions excédentaires peuvent être néfastes[90] ». Selon M. Sharpe, les émissions excessives des véhicules Volkswagen non conformes auraient entraîné le décès prématuré de milliers de personnes en Europe, où les véhicules diesel sont plus populaires[91].

L’incidence de l’affaire Volkswagen sur l’application de la Loi canadienne de protection de l’environnement (1999)

Les témoins ont parlé des répercussions de l’affaire du dispositif de mise en échec de Volkswagen sur la LCPE et l’application de cette loi dans différents secteurs.

Les témoins ont indiqué que certains des changements qu’ils recommandent exigent uniquement des modifications aux politiques de mise en application de la loi, et non à la Loi en soi[92]. Selon Me Gagnon-Rocque, les circonstances de l’affaire Volkswagen étaient exceptionnelles, et il est difficile de trouver un précédent pour effectuer des comparaisons[93]. Elle a exhorté le Comité « à ne pas réformer en profondeur un système sur la foi d’un seul cas exceptionnel », et que la LCPE, même si elle doit pouvoir être appliquée à ce genre d’affaires, est le plus souvent invoquée dans des cas « moyens »[94]. Selon M. Winfield, « les outils dont nous disposons sont plutôt bien », et le problème réside plutôt sur les plans de l’administration de la loi et des politiques d’ECCC[95].

Certitude d’une condamnation et lourdeur des amendes

Les témoins ont indiqué au Comité qu’il est important d’appliquer avec rigueur la LCPE[96]. M. Malas a d’ailleurs affirmé que les « lois en matière d’environnement ne peuvent être efficaces que dans la mesure où on les applique » et que si les polluants sont tenus responsables de leurs actions[97].

Pour certains témoins, la probabilité pour un contrevenant de se faire prendre a un effet dissuasif plus important que les amendes ou les peines. Ben Sharpe a soutenu que :

le respect et l’application devraient être le fondement de tout programme de réglementation, qu’il s’agisse des véhicules, du nettoyage à sec […] ou de la qualité de l’eau. De façon générale, mettre en place une réglementation rigoureuse ne suffit pas. Les gouvernements doivent vérifier que les fabricants et les entreprises font ce que nous attendons d’eux[98].

Les témoins ont indiqué qu'au Canada, la probabilité que des poursuites soient intentées est peu élevée : ECCC « entame bien peu d’enquêtes et porte peu d’accusations criminelles en vertu de la LCPE[99] » et « les véritables poursuites, même sous la forme adoucie de contraventions, […] restent excessivement rares[100] », bien que les avertissements soient plus nombreux[101]. Me Gagnon-Rocque a souligné que pendant l’exercice 2016-2017, 2 721 avertissements ont été donnés, mais seulement 26 enquêtes pénales ont été lancées[102]. Cet accent mis sur les avertissements semble être conforme à la politique d’observation et d’application d’ECCC, qui prévoit que le but des mesures d’application de la loi est de faire respecter la LCPE dans les meilleurs délais tout en empêchant les récidives, et que l’on peut atteindre cet objectif en donnant des avertissements et en prenant des mesures autres que les actions en justice[103].

Selon Me Gagnon-Rocque, « si les poursuites criminelles étaient perçues comme une menace réaliste et crédible, les personnes morales et physiques prendraient probablement davantage de mesures en amont pour se conformer à leurs obligations environnementales[104] ». Cette dernière a proposé qu’ECCC fasse davantage appel aux sanctions administratives pécuniaires qui, selon elle, « représentent un excellent compromis entre la simplicité et la rapidité de l’avertissement et le caractère punitif de la poursuite pénale[105] », ajoutant toutefois qu’il faudrait légèrement augmenter le montant minimal de ces sanctions[106]. Donald Walker, directeur général de l’Application de la loi en environnement à ECCC, a dit que « depuis [la] mise en place [des sanctions administratives pécuniaires], on recourt moins à d'autres mesures d'application de la loi. C'est un moyen plus direct de régler les manquements dans un délai raisonnable[107]. »

Recommandation 3

Le Comité recommande qu’Environnement et Changement climatique Canada fasse davantage appel aux sanctions administratives pécuniaires afin de renforcer l’application de la LCPE.

Recommandation 4

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada augmente le montant minimal des sanctions administratives pécuniaires.

Le Fonds pour dommages à l’environnement

Anne-Marie Pelletier, responsable de la mise en application de la loi à la Direction générale de l’application de la loi d’ECCC, a expliqué au Comité que les amendes de Volkswagen versées dans le FDE serviraient à financer des projets axés sur la qualité de l’air et l’adaptation aux changements climatiques[108]. L’amende de 196,5 millions de dollars payée par Volkswagen représente près de la totalité du Fonds d’action et de sensibilisation pour le climat, dans le cadre duquel 206 millions de dollars sur cinq ans seront investis à l’appui de projets visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre au Canada[109].

Les témoins ont discuté du genre de projets qui devraient être financés à l’aide des sommes versées dans le FDE. Me Gagnon-Rocque a proposé que l’on se serve de cet argent pour réparer les dommages causés à l’environnement par l’infraction ou, si ce n’est pas possible, pour mener des projets en lien avec l’infraction[110]. MM. Sharpe et Malas s’entendaient pour dire que des améliorations pourraient être apportées au FDE en veillant à ce que l’argent des amendes serve à financer des projets visant à réparer les dommages causés par l’infraction en cause[111].

Reconnaissant qu’il soit possible de lier « étroitement [l’amende] au type de dommage précis qui a été causé », M. Winfield estimait qu’il est bon d’accorder à la Couronne ou au juge le pouvoir de décider de l’affectation de ces fonds[112].

Recommandation 5

Le Comité recommande qu’Environnement et Changement climatique Canada envisage d’exiger, lorsque possible, que les sommes versées dans le Fonds pour dommages à l’environnement soient utilisées dans le cadre de projets visant à réparer les dommages environnementaux causés par l’infraction à l’origine de l’amende.

Une approche d’application de la loi fondée sur le risque

Les témoins ont indiqué que les audits relatifs à l’application de la LCPE réalisés par le commissaire à l’environnement et au développement durable (CEDD) pouvaient aider à cerner les améliorations à apporter en matière d’application de la loi[113]. M. Malas a mentionné certaines des observations issues d’audits datant de 2009, 2011 et 2018, notamment le fait qu’ECCC n’avait pas hiérarchisé les risques dans l’allocation de ses ressources et l’existence de problèmes liés aux ressources et au financement[114]. MM. Malas et Winfield ont tous deux souligné l’observation de l’audit de 2018 selon laquelle le ministère semblait cibler les nettoyeurs à sec, qui sont pour la plupart des petites et moyennes entreprises, pour leurs activités d’application de la loi[115]. M. Malas a noté que 70 % des condamnations entre 2014 et 2017 concernaient des nettoyeurs à sec[116]. En revanche, il y avait relativement peu d’actions d’application de la loi visant des installations industrielles plus grandes, qui pourraient avoir plus de ressources pour se défendre devant les tribunaux[117]. M. Enns a souligné qu’en réponse aux recommandations récentes issues de l’audit du CEDD, plus particulièrement la nécessité de bien établir les priorités en fonction des risques, ECCC mettait en œuvre une approche fondée sur le risque[118]. Une telle approche consiste à évaluer la probabilité qu’une infraction soit commise et les répercussions ou dommages que cette infraction pourrait causer, et ce dans le but de cibler les pires formes de violations de la réglementation environnementale. Pour évaluer ces répercussions, la Direction de l’application de la loi examine, par exemple, la menace que fait peser un produit chimique donné tout au long de son cycle de vie, y compris ses interactions avec d’autres substances chimiques, les dangers pour l’environnement et le potentiel de bioaccumulation. Elle détermine la probabilité qu’une infraction soit commise en se fondant sur la probabilité qu’une entreprise ne se conforme pas à la loi et ses antécédents en matière d’infractions criminelles[119]. ECCC a lancé le processus d’évaluation fondée sur le risque il y a environ deux ans et a entrepris des inspections en fonction de l’analyse des risques[120]. M. Enns a précisé qu’« [i]l n’est pas facile d’examiner les produits chimiques et les polluants et leurs interrelations pour choisir les entreprises à cibler, mais nous le faisons, et je crois que nous le faisons aussi bien que n’importe qui dans le monde[121] ».

ECCC a également mis au point une politique de réinspection en réponse aux recommandations du CEDD, et ces réinspections visant à vérifier la conformité représentent un certain pourcentage des inspections de l’organisme[122].

M. Winfield a toutefois souligné que même si plusieurs règlements ont été pris en vertu de la LCPE, « les activités d’application de la loi effectuées par le ministère semblent viser une liste assez courte de ces règlements », et qu’on s’efforce peu d’appliquer les autres règlements[123].

M. Winfield a également souligné qu’il n’y a « pratiquement pas d’information » sur les activités d’application des règlements relevant d’accords administratifs ou d’accords d’équivalence avec les provinces. Il a noté le cas des usines de pâtes et papiers, qui font depuis longtemps l’objet d’ententes qui ne sont pas vraiment appliquées, ajoutant qu’il y a lieu de s’inquiéter des nouvelles ententes administratives et d’équivalence portant sur l’électricité produite à l’aide de charbon et le méthane de sources industrielles[124].

Ressources aux fins de l’application de la loi

Certains témoins se sont dits inquiets du peu de ressources et de fonds réservés à l’application de la LCPE[125]. Le nombre d’inspections et d’enquêtes a diminué dans les dernières années. ECCC a effectué 4 915 inspections au cours de l'exercice 2014-2015 et moins chaque année suivante, pour atteindre un minimum de 1 608 inspections au cours de l'exercice 2018‑2019. Le nombre d'enquêtes commencées pendant chaque exercice a également diminué au cours de cette période, passant de 60 à 16[126]. M. Malas se demandait si les responsables d’ECCC étaient « capables et désireux de s’attaquer aux grands pollueurs », citant l’affaire Volkswagen comme un bon exemple[127]. M. Enns a répondu que, dans le cas des dispositifs de mise en échec de Volkswagen, ECCC avait « toutes les ressources nécessaires pour mener une enquête approfondie et exhaustive et ensuite pour faire une recommandation au Service des poursuites pénales du Canada[128] ».

Mme Pelletier a assuré le Comité qu’une diminution du nombre d’enquêtes n’est pas nécessairement représentative de l’ampleur du travail accompli[129]. Les enquêtes plus complexes, par exemple celles en milieu rural ou éloigné ou pour lesquelles il est nécessaire de recueillir des échantillons et des données ou de procéder à des analyses, peuvent être longues[130].

Donald Walker a expliqué que la Direction de l’application de la loi a pour responsabilité de s’assurer « d’utiliser le plus efficacement possible les ressources » à sa disposition, ce qui explique l’adoption d’une approche axée sur les risques en matière d’application de la loi. Le ministère évalue à la fois les répercussions et la probabilité de la non-conformité au moment de décider de la manière dont il utilisera ses ressources humaines[131].

Au cours des dernières années, la Direction de l’application de la loi a réalisé des investissements en matière de recrutement et de formation pour assurer une utilisation plus efficace des ressources[132]. Elle s’efforce d’embaucher des personnes qui « ont des antécédents diversifiés et à caractère scientifique » et une connaissance détaillée des techniques policières. On offre une formation au chapitre « des exigences détaillées des règlements de la LCPE, de la nature et de l’étendue des cas de non-conformité et des outils disponibles pour assurer la conformité[133] ». Mme Pelletier a expliqué qu’ECCC avait élaboré un plan pour établir les priorités en matière d’enquêtes. La mise en œuvre de ce plan ne permettra pas nécessairement d’augmenter le nombre d’enquêtes, mais celles-ci cibleront davantage les situations qui correspondent à un niveau de risque élevé, ce qui se révèle souvent « beaucoup plus complexe[134] ».

L’application de la loi par des civils et la participation du public

Selon les témoins, les mécanismes d’application de la loi par des civils et de participation du public prévu dans la LCPE ne sont pas efficaces. M. Malas a parlé de la demande qu’il a présentée lui-même au ministre de l’Environnement et du Changement climatique en vertu de l’article 17 de la LCPE dans le but de faire ouvrir une enquête sur les infractions commises par Volkswagen parce qu’il n’y avait pas eu de progrès dans l’affaire après près de deux ans. Or, le ministre n’a lancé qu’une des quatre enquêtes demandées. M. Malas a reçu à douze reprises des renseignements sur l’enquête dans les trois années qui ont suivi, mais ceux-ci en disaient peu, selon lui, sur les progrès du gouvernement :

[Ces rapports] ne contenaient aucune information sur l’état d’avancement de l’enquête. Souvent, on m’y indiquait simplement que des agents recueillaient des éléments de preuve et, dans de nombreux cas, on y fournissait un délai prévu pour l’achèvement de l’enquête. La plupart du temps, les délais fournis dans ces 12 rapports n’étaient pas respectés[135].

M. Malas a qualifié le processus de « très déroutant », estimant qu’il était « contraire à l’esprit de la LCPE, qui prévoit un mécanisme permettant aux gens de participer à l’application de la loi[136] ».

Par ailleurs, un particulier qui estime que l’on n’a pas procédé à une enquête ou que les mesures prises à la suite de celle-ci ne sont pas raisonnables peut intenter une action en protection de l’environnement contre la personne ou l’entreprise ayant commis l’infraction. M. Malas a toutefois décrit les dispositions régissant ce processus comme « trop pénibles et […] encombrées de barrières insurmontables », étant donné que le particulier doit démontrer que l’infraction a causé une atteinte importante à l’environnement, sans compter qu’il s’expose à des dépens importants si l’action échoue[137]. Par conséquent, il a dit, aucune action en protection de l’environnement n’a été lancée ou n’a abouti[138].

M. Malas a exhorté le Parlement à adopter les recommandations formulées par le Comité en 2017 dans le but d’améliorer la participation du public à l’application de la LCPE.

Pour sa part, M. Winfield a suggéré que les membres du public font peut-être plutôt appel au processus de pétitions environnementales du CEDD[139], au lieu de présenter une « demande d’enquête » en vertu de la LCPE, un processus qui n’a jamais servi et qui est compliqué d’un point de vu citoyen, car le ministre concerné est tenu de répondre à ce genre de pétitions[140].

Recommandation 6

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada facilite la participation utile du public à l’application de la LCPE en prenant les mesures ci-dessous, qui sont adaptées des recommandations 30 à 34 du rapport produit par le Comité en 2017 et intitulé Un environnement sain, des Canadiens et une économie en santé : renforcer la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) :

  • modifier l’article 22 de la LCPE afin d’abaisser le seuil à respecter pour intenter une action en protection de l’environnement, en précisant que l’infraction présumée doit avoir causé une « atteinte » à l’environnement, au lieu d’une « atteinte importante » à l’environnement;
  • modifier l’article 22 de la LCPE afin de faciliter la participation et la responsabilisation du public à l’égard de la mise en œuvre et de l’application de la LCPE en autorisant les actions en protection de l’environnement, en tant que procédures civiles fondées sur la prépondérance des probabilités, dans les circonstances suivantes :
    • le ou les ministres n’ont pas pris des mesures exécutoires précisées dans la loi ou ont failli à leur devoir en vertu de celle-ci;
    • une personne ou un organisme gouvernemental a porté atteinte, porte atteinte ou risque vraisemblablement de porter atteinte à la LCPE, y compris aux règlements, aux décrets et aux autres textes réglementaires afférents;
  • envisager d’autoriser le recours à la médiation, aux arrêtés d’urgence et aux règles spéciales en matière de dépens (pour que les dépens ne soient pas imposés à quiconque intente de telles poursuites, à moins que ces dernières ne soient jugées futiles, vexatoires ou intentées de mauvaise foi) de manière à ce que des actions en matière de protection de l’environnement soient à la portée du public et, ainsi, que les Canadiens puissent, dans des circonstances adéquates et restreintes, jouer un rôle dans la mise en application de la LCPE sans en subir personnellement des dommages;
  • modifier la LCPE de manière à inclure des garanties pour veiller à ce que les actions en protection de l’environnement soient intentées de façon responsable, notamment exiger la présentation d’un préavis de 60 jours avant qu’une action aux termes de l’article 22 puisse être intentée, ne pas permettre le chevauchement avec des mesures d’application prises par le gouvernement et prévoir les modalités relatives au rejet anticipé des actions futiles, vexatoires ou de mauvaise foi; et
  • conserver la disposition relative à la demande d’enquête prévue à l’article 17 de la LCPE, mais modifier la loi de sorte qu’il ne s’agisse plus d’une condition préalable pour intenter une action en protection de l’environnement.

Autres suggestions d’améliorations concernant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) et son application

Selon M. Sharpe, un « solide programme réglementaire de surveillance des émissions des véhicules exige la réalisation de tests dans une large gamme de conditions de fonctionnement et des mesures précises de protection contre les truquages », ce qui comprend les échappatoires créées par des algorithmes logiciels[141]. Il a ajouté que la télédétection offrait un moyen de recueillir des données sur les émissions des véhicules dans le monde réel, établissant un lien entre cette technologie et les activités de surveillance de la conformité et d’application de la loi[142]. Stéphane Couroux, directeur de la Division des transports au sein de la Direction de la protection de l’environnement d’ECCC, a expliqué que le ministère choisit chaque année, aux fins de tests, des véhicules afin d’assurer un éventail le plus large possible et de mettre l’accent sur ceux qui sont le plus susceptibles de dépasser les limites d’émissions prévues par la réglementation. Les responsables de ce programme ont commencé à utiliser des appareils portables de mesures des émissions pour les essais routiers. Lorsque les données indiquent qu’un véhicule ne respecte pas la réglementation, l’information est transmise à la Direction de l’application de la loi d’ECCC[143].

Recommandation 7

Le Comité recommande qu’Environnement et Changement climatique Canada intensifie les essais routiers, incluant à l’aide de dispositif de télédétection afin d’accroître ses chances de découvrir des dispositifs de mise en échec.

Selon M. Winfield, il est important de rendre les règlements plus rigoureux pour tenir compte de l’évolution des technologies et des pratiques. Il a noté que l’Allemagne et la Californie le font, mais que le Canada ne semble pas mettre à jour ses règlements très souvent[144].

De nombreux témoins ont indiqué que le rapport de 2017 du Comité sur la réforme de la LCPE offrait des recommandations utiles et de bonnes suggestions quant aux moyens d’améliorer la Loi et son application[145]. Dans un mémoire présenté conjointement au Comité, Action cancer du sein du Québec et le Women’s Healthy Environments Network ont insisté sur le fait que les recommandations formulées en 2017 « représentent un minimum de ce qui devrait être fait en ce qui concerne la LCPE[146] ». M. Malas, lui aussi, appuyait fortement ces recommandations, estimant qu’elles « peuvent servir de modèle à la modernisation de la LCPE et à son adaptation au XXIe siècle, car nos lois en la matière datent de 1999[147] ». Il a réduit ces recommandations à trois priorités : la protection des populations vulnérables et la reconnaissance du droit à un environnement sain; la nécessité de procéder à l’évaluation holistique des risques posés par les produits chimiques; et la possibilité pour le public de participer à la prise de décisions et à l’application de la loi[148].

Conclusion

Le Comité s’est penché sur l’enquête relative à l’installation, par Volkswagen, de dispositifs de mise en échec visant à contourner la réglementation en matière d’émissions et les actions en justice intentées contre la société. Gardant cette affaire à l’esprit, le Comité a également examiné comment est appliquée la LCPE, qui constitue la principale loi canadienne de protection de l’environnement et de la santé humaine.

ECCC a déjà commencé à adopter une approche fondée sur le risque en matière d’application de la loi. L’étude a permis de relever d’autres priorités y compris améliorer la transparence, faciliter la participation du public aux enquêtes, affecter l’argent des amendes de façon appropriée et veiller à assurer des ressources suffisantes pour les activités d’application de la loi.


[1]              Gouvernement du Canada, Guide explicatif de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.

[5]              Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) [LCPE], L.C. 1999, alinéa (2)(1)o).

[6]              Chambre des communes, Comité permanent de l’environnement et du développement durable [ENVI], Témoignages, 22 février 2021, 1650 (Anne-Marie Pelletier, responsable de la mise en application de la loi, Direction générale de l’application de la loi, ECCC).

[7]              Ibid.

[10]            Gouvernement du Canada, Fonds pour dommages à l’environnement.

[11]            ECCC, Kirby Offshore Marine Operating LLC est condamnée à payer 2,9 millions de dollars après avoir plaidé coupable à trois accusations d’infractions à des lois environnementales fédérales, communiqué, 17 juillet 2019. D’autres condamnations qui ont mené à des versements au Fonds pour dommages à l’environnement sont énumérées dans le Registre des contrevenants environnementaux.

[12]            ECCC, « Volkswagen (y compris le Fonds pour dommages à l’environnement) », Application : comparution devant le Comité permanent.

[13]            Gouvernement du Canada, Fonds pour dommages à l’environnement.

[14]            Ibid.

[15]            R. v. Kirby Offshore Marine Operating LLC, 2019 BCPC 185, par. 38 [traduction].

[16]            Gouvernement du Canada, Fonds pour dommages à l’environnement : carte des projets. Veuillez aussi visiter cette page web pour une liste d’autre projets financés pour le Fonds pour dommages à l’environnement, en cours ou terminés.

[18]            États-Unis [É.-U.], Agence de protection de l’environnement [EPA], Learn About Volkswagen Violations [disponible en anglais seulement].

[19]            Ibid.

[20]            R. v. Volkswagen AG, 2020 ONCJ 398, para. 58 [disponible en anglais seulement].

[21]            Gouvernement du Canada, Volkswagen Aktiengesellschaft accusé d’infractions à la législation environnementale fédérale, communiqué, 9 décembre 2019.

[22]            ECCC, « L’enquête sur Volkswagen », Renseignements généraux : Comparution devant le Comité permanent.

[23]            Ibid.

[24]            ENVI, Témoignages, 9 décembre 2020, 1535 (David Wright, procureur de la Couronne à la retraite en Ontario, à titre personnel).

[25]            R. v. Volkswagen Aktiengesellschaft, transcription de la peine prononcée par le juge Rondinelli, 22 janvier 2020, p. 83.

[26]            Ibid.

[27]            Ibid.

[28]            R. v. Volkswagen AG, 2020 ONCJ 398, para. 70 [disponible en anglais seulement].

[29]            Ibid., para. 72 [traduction].

[30]            Voir : Gouvernement du Canada, Amende de 7,5 millions de dollars à Bloom Lake General Partner pour infractions environnementales, communiqué, 22 décembre 2014.

[31]            R. v. Volkswagen AG, 2020 ONCJ 398, para. 73 [traduction].

[32]            ECCC, « Résumé de l’enquête de Volkswagen », Renseignements généraux : comparution devant le Comité permanent.

[33]            Ibid.

[34]            Ibid.

[35]            Philip A. Brooks, directeur de la division de l’application de la loi dans le secteur aérien, agent d’application civile, EPA des États-Unis, Notice of Violation, 18 septembre 2015 [disponible en anglais seulement].

[36]            Ibid.

[37]            Ibid.

[38]            É.‑U., EPA, Learn About Volkswagen Violations [disponible en anglais seulement].

[39]            Ibid.

[40]            Ibid.

[41]            Dans l’affaire américaine, « Volkswagen » désigne collectivement Volkswagen AG, Audi AG, Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG, Volkswagen Group of America, Inc., Volkswagen Group of America Chattanooga Operations, LLC, et Porsche Cars North America, Inc.

[42]            Département de la Justice des États-Unis, Volkswagen to Spend Up to $14.7 Billion to Settle Allegations of Cheating Emissions Tests and Deceiving Customers on 2.0 Liter Diesel Vehicles, communiqué, 28 juin 2016 [disponible en anglais seulement].

[43]            Ibid.

[44]            Ibid.

[45]            Agence de protection de l’environnement de l’Ohio, $15 million in Volkswagen settlement grants available in 26 counties [disponible en anglais seulement], communiqué, 4 juin 2019.

[46]            Département de la Justice des États-Unis, Volkswagen to Spend Up to $14.7 Billion to Settle Allegations of Cheating Emissions Tests and Deceiving Customers on 2.0 Liter Diesel Vehicles [disponible en anglais seulement], communiqué, 28 juin 2016.

[47]            É.‑U., EPA, Volkswagen Clean Air Act Civil Settlement [disponible en anglais seulement].

[48]            É.‑U., EPA, Learn About Volkswagen Violations [disponible en anglais seulement].

[49]            ENVI, Témoignages, 9 décembre 2020, 1540 (Muhannad Malas, gestionnaire de programme, Substances toxiques, Protection environnementale Canada).

[50]            Ibid., 1610 (David Wright).

[51]            ENVI, Témoignages, 22 février 2021, 1735 (Michael Enns, directeur général, Direction de l’analyse des risques, ECCC).

[53]            ENVI, Témoignages, 9 décembre 2020, 1615 (Muhannad Malas).

[54]            ENVI, Témoignages, 1er février 2021, 1715 (Mark Winfield, professeur, Faculté des changements environnementaux et urbains, York University, à titre personnel).

[55]            ENVI, Témoignages, 9 décembre 2020, 1540 (Muhannad Malas).

[56]            Ibid., 1535 (David Wright).

[57]            Ibid.

[58]            Ibid., 1615.

[59]            Ibid., 1545 (Ben Sharpe, chercheur principal et responsable de la région canadienne, International Council on Clean Transportation [ICCT]).

[60]            Ibid., 1540 (David Wright).

[61]            ENVI, Témoignages, 1er février 2021, 1655 (Ariane Gagnon-Rocque, avocate, à titre personnel).

[62]            ENVI, Témoignages, 9 décembre 2020, 1535 (David Wright).

[63]            Ibid., 1615.

[64]            Ibid., 1630 (Muhannad Malas).

[65]            Ibid., 1630 (Ben Sharpe).

[66]            Ibid., 1655 (David Wright).

[67]            ENVI, Témoignages, 1er février 2021, 1640 (Ariane Gagnon-Rocque).

[68]            R. c. Volkswagen Aktiengesellschaft, transcription des délibérations du tribunal : prononcé de la peine, 22 janvier 2020, Toronto, Ontario. 19-12000724-00 [traduction].

[69]            Ibid.

[70]            ENVI, Témoignages, 1er février 2021, 1610 (Ken Bondy, représentant national, Santé, sécurité et environnement, Unifor).

[71]            Ibid., 1630.

[72]            ENVI, Témoignages, 9 décembre 2020, 1545 (Ben Sharpe).

[73]            Ibid., 1625 (David Wright).

[74]            ENVI, Témoignages, 1er février 2021, 1620 (Mark Winfield).

[75]            Ibid., 1655 (Ariane Gagnon-Rocque).

[76]            Ibid., 1640.

[77]            Ibid., 1645 (Mark Winfield).

[78]            Ibid.

[79]            Ibid., 1700 (Ariane Gagnon-Rocque).

[80]            Ibid., 1650 (Ken Bondy).

[81]            ENVI, Témoignages, 9 décembre 2020, 1610 (Ben Sharpe).

[82]            Ibid.

[83]            Ibid.

[84]            ENVI, Témoignages, 1er février 2021, 1655 (Ariane Gagnon-Rocque).

[85]            ICCT, Vehicle NOx emissions: The basics [disponible en anglais seulement].

[86]            ICCT, « Vehicle NOx emissions: The basics », How NOx happens, and why you should care [disponible en anglais seulement].

[87]            United States Energy Administration Information, « Is Ozone a greenhouse gas? », Frequently Asked Questions [disponible en anglais seulement].

[88]            ICCT, « Vehicle NOx emissions: The basics », How NOx happens, and why you should care [disponible en anglais seulement].

[89]            Gouvernement du Canada, Principaux contaminants atmosphériques : oxydes d’azote.

[90]            ENVI, Témoignages, 9 décembre 2020, 1645 (Muhannad Malas).

[91]            Ibid., 1640 (Ben Sharpe).

[92]            ENVI, Témoignages, 1er février 2021, 1605 (Ariane Gagnon-Rocque); Ibid., 1610 (Ken Bondy); et Ibid., 1710 (Mark Winfield).

[93]            Ibid., 1655 (Ariane Gagnon-Rocque).

[94]            Ibid.

[95]            Ibid., 1710 (Mark Winfield).

[96]            Ibid., 1645.

[97]            ENVI, Témoignages, 9 décembre 2020, 1540 (Muhannad Malas).

[98]            Ibid., 1625 (Ben Sharpe).

[99]            ENVI, Témoignages, 1er février 2021, 1605 (Ariane Gagnon-Rocque).

[100]          Ibid., 1635 (Mark Winfield).

[101]          Ibid.; et Ibid., 1700 (Ariane Gagnon‑Rocque).

[102]          ENVI, Témoignages, 1er février 2021, 1625 (Ariane Gagnon-Rocque).

[104]          ENVI, Témoignages, 1er février 2021, 1605 (Ariane Gagnon-Rocque).

[105]          Ibid.

[106]          Ibid., 1700.

[107]          ENVI, Témoignages, 22 février 2021, 1730 (Donald Walker, directeur général, Application de la loi en environnement, ECCC).

[108]          Ibid., 1810 (Anne-Marie Pelletier).

[109]          Gouvernement du Canada, « Le Fonds pour dommages à l’environnement et l’amende de Volkswagen AG », Protection environnementale et application de la loi : Comparution devant le Comité permanent de l’environnement et du développement durable – 4 novembre 2020.

[110]          ENVI, Témoignages, 1er février 2021, 1630 (Ariane Gagnon-Rocque).

[111]          ENVI, Témoignages, 9 décembre 2020, 1610 (Ben Sharpe); et Ibid., 1705 (Muhannad Malas).

[112]          ENVI, Témoignages, 1er février 2021, 1620 (Mark Winfield).

[113]          ENVI, Témoignages, 9 décembre 2020, 1555 (Muhannad Malas); ENVI, Témoignages, 1er février 2021, 1605 (Mark Winfield); et ENVI, Témoignages, 22 février 2021, 1705 (Michael Enns).

[114]          ENVI, Témoignages, 9 décembre 2020, 1555 (Muhannad Malas).

[115]          Ibid., 1700; et ENVI, Témoignages, 1er février 2021, 1615 (Mark Winfield).

[116]          ENVI, Témoignages, 9 décembre 2020, 1700 (Muhannad Malas).

[117]          ENVI, Témoignages, 1er février 2021, 1615 (Mark Winfield).

[118]          ENVI, Témoignages, 22 février 2021, 1705 (Michael Enns).

[119]          Ibid., 1815.

[120]          Ibid., 1705.

[121]          Ibid., 1810.

[122]          Ibid.

[123]          ENVI, Témoignages, 1er février 2021, 1605 (Mark Winfield).

[124]          Ibid., 1615.

[125]          ENVI, Témoignages, 9 décembre 2020, 1555 (Muhannad Malas); et ENVI, Témoignages, 1er février 2021, 1645 (Ariane Gagnon-Rocque).

[127]          ENVI, Témoignages, 9 décembre 2020, 1700 (Muhannad Malas).

[128]          ENVI, Témoignages, 22 février 2021, 1700 (Michael Enns).

[129]          Ibid., 1710 (Anne-Marie Pelletier).

[130]          Ibid., 1710 (Donald Walker).

[131]          Ibid.

[132]          Ibid., 1710 (Michael Enns).

[133]          Ibid.

[134]          Ibid., 1710 (Anne-Marie Pelletier).

[135]          ENVI, Témoignages, 9 décembre 2020, 1615 (Muhannad Malas).

[136]          Ibid.

[137]          ENVI, Témoignages, 9 décembre 2020, 1540 (Muhannad Malas).

[138]          Ibid.

[139]          Tout résident canadien peut envoyer une pétition au commissaire à l’environnement et au développement durable (CEDD) concernant une question environnementale liée au développement durable relevant du mandat du gouvernement fédéral. Le CEDD transmet ensuite la pétition au ministre concerné, qui doit répondre à la pétition dans un délai de 120 jours.

[140]          ENVI, Témoignages, 1er février 2021, 1715 (Mark Winfield).

[141]          ENVI, Témoignages, 9 décembre 2020, 1545 (Ben Sharpe).

[142]          Ibid., 1600.

[143]          ENVI, Témoignages, 22 février 2021, 1720 (Stéphane Couroux, directeur, Division de transports, Énergie et transports, ECCC).

[144]          ENVI, Témoignages, 1er février 2021, 1645 (Mark Winfield).

[145]          En juin 2017, ENVI a produit le rapport intitulé Un environnement sain, des Canadiens et une économie en santé : renforcer la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) à la suite d’une étude de la LCPE. Ce rapport contient 87 recommandations.

[146]          Cassie Barker et Anna Yang, Women’s Healthy Environment Network; Jennifer Beeman, Action cancer du sein du Québec, Mémoire pour ENVI : Mise en application de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, mémoire présenté à ENVI, février 2021.

[147]          ENVI, Témoignages, 9 décembre 2020, 1605 (Muhannad Malas).

[148]          Ibid.