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La séance est ouverte. Bienvenue à la 105
e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
Avant de commencer, j'aimerais rappeler les mesures préventives suivantes à l'attention de tous les membres du Comité.
Afin de prévenir les incidents de retour de son perturbateurs et potentiellement dangereux qui peuvent causer des blessures, nous rappelons à tous les participants dans la salle de tenir leur oreillette éloignée de leur microphone en tout temps.
Comme indiqué dans le communiqué du Président adressé à tous les députés le lundi 29 avril, les mesures suivantes ont été prises pour prévenir les accidents de retour de son. Toutes les oreillettes ont été remplacées par un modèle qui réduit considérablement la probabilité de retour de son. Les nouvelles oreillettes sont noires, alors que les anciennes étaient grises. Veuillez n'utiliser que les oreillettes noires approuvées. Par défaut, toutes les oreillettes non utilisées seront débranchées au début d'une réunion.
Lorsque vous n'utilisez pas votre oreillette, veuillez la placer tournée vers le bas au milieu de l'autocollant prévu à cette fin, que vous trouverez sur la table, comme indiqué. Veuillez consulter les cartes qui sont sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents de retour de son. Ces mesures ont été mises en place pour que nous puissions mener nos travaux sans interruption et pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, et notamment des interprètes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride. N'oubliez pas que je dois vous reconnaître avant que vous preniez la parole.
Conformément à l'article 106(4) du Règlement, le Comité entreprend l'examen de la demande de membres du Comité de discuter d'une demande visant l'étude de dérogations permettant d'accorder le droit de recourir à du titane russe dans le secteur manufacturier de l'industrie aérospatiale canadienne.
Madame McPherson, vous avez la parole.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je fais partie des membres du Comité qui ont signé cette demande en vertu l'article 106(4) du Règlement parce qu'il est très préoccupant, comme nous l'avons entendu, qu'une fois de plus, le gouvernement ait sapé les sanctions contre la Russie et notre régime de sanctions en autorisant une autre dérogation. Bien entendu, ce n'est pas la première fois que cela se produit. En effet, il y a eu une dérogation aux sanctions pour les turbines, il y a deux ans, je crois. À ce moment‑là, nous avions convoqué une réunion d'urgence du Comité afin de pouvoir discuter de la question et de comprendre la décision du gouvernement d'assouplir nos sanctions d'une manière qui, je le sais, est très décevante pour nos alliés ukrainiens. C'est également très décevant pour d'autres personnes dans le monde qui espèrent que le Canada continuera à appuyer l'Ukraine. Nous avons entendu dire que c'est encore pire parce que l'Ukraine possède du titane qui pourrait être utilisé, mais que nous avons plutôt renoncé à la sanction visant le titane russe.
Je pense qu'il est très important que nous comprenions pourquoi le gouvernement a pris une telle décision. Le gouvernement a déclaré son soutien inébranlable à l'Ukraine. Cela nous amène à nous demander si c'est vrai ou non.
J'ai distribué les mesures que je suggère au Comité de prendre. Les voici:
Que, conformément à la demande de réunion d'urgence 106(4) faite par des membres du Comité le 26 avril 2024 en réponse à la décision du gouvernement d'accorder des dérogations aux sanctions à deux entreprises aérospatiales pour leur permettre d'utiliser du titane russe dans leur fabrication, et étant donné que ce n'est pas la première fois que le gouvernement affaiblit et sape le régime de sanctions du Canada à l'encontre de la Russie en renonçant à des sanctions, le Comité étudie la question et tienne au moins deux réunions sur la question, et invite la ministre des Affaires étrangères à témoigner.
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Je vous remercie, monsieur le président.
On accuse souvent les libéraux de compliquer ce qui est simple. Au risque d'être visé par une telle accusation, j'aimerais parler un peu de cette motion. Elle est formulée de manière presque simpliste pour une question très complexe, avec des affirmations qui peuvent être vraies ou non.
Permettez-moi d'abord de préciser que nous sommes pour la possibilité de discuter de la dérogation au sein du Comité. Nous pensons que le Comité a non seulement le droit, mais aussi la responsabilité de bien comprendre cette question importante, et nous ne sommes pas contre cette discussion. Nous pensons que notre régime de sanctions doit être extrêmement ciblé et se concentrer sur les ennemis ou les responsables, quelle que soit la situation.
À l'heure actuelle, en ce qui concerne l'invasion illégale de la Russie en Ukraine, le Canada a pris un nombre sans précédent de sanctions, et nous en avons entendu parler au sein du Comité. Nous avions auparavant des dizaines ou des centaines de sanctions, et nous en avons maintenant des milliers en place contre la Russie, les oligarques russes et d'autres individus qui font des affaires en Russie et avec la Russie. Il s'agit d'un régime important, que nous appliquons avec nos amis et nos alliés et que nous utilisons de concert avec d'autres intervenants.
Parfois, lorsqu'il s'agit des sanctions, comme nous l'avons compris depuis les années 1980, des problèmes peuvent être soulevés et les mauvaises personnes peuvent payer les coûts ou le prix des sanctions que nous imposons. C'est la raison pour laquelle des dérogations sont possibles. C'est la raison pour laquelle il existe une structure au sein de notre système de sanctions qui permet d'accorder des dérogations lorsqu'il est établi qu'une sanction donnée nuit aux mauvaises personnes au mauvais moment, qu'elle n'est pas efficace ou qu'elle va à l'encontre de notre réponse continue et toujours engagée à l'égard de l'Ukraine et de l'agression flagrante de la part de la Russie à laquelle ce pays fait face chaque jour.
Un système est en place pour les dérogations, et je ne reproche à aucun membre du Comité de ne pas connaître son fonctionnement. Une partie de cet enjeu est strictement contrôlée par des raisons liées à des intérêts commerciaux et à la confidentialité, car ce qui se trouve dans une chaîne d'approvisionnement, en particulier pour la fabrication de haute technologie ou la fabrication à valeur élevée, représente des renseignements confidentiels et exclusifs que nous voulons nous assurer de protéger. Ce sont des Canadiens, des entreprises canadiennes et des emplois canadiens qui sont à risque. Un système est en place et je pense qu'il serait très utile que le Comité entende, dans la mesure des explications qui peuvent être fournies, la nature du problème auquel ces entreprises font face.
Mettons les choses au clair. Nous parlons de deux entreprises aéronautiques, soit Bombardier et Airbus. Ces entreprises emploient des milliers de personnes au Canada et leurs intérêts en matière de commerce et de sécurité, qui sont particulièrement délicats et importants, sont concernés. Ces entreprises ont demandé, comme nous l'avons vu dans les médias, une dérogation à une partie d'une sanction pour leur permettre de faire leur travail.
Encore une fois, nous appuierons la motion, mais je vais suggérer quelques amendements, car dans ce cas‑ci, il ne s'agit pas d'acheter une boîte de titane. Deux entreprises aérospatiales canadiennes tentent d'importer des pièces tout en craignant, en sachant ou en comprenant qu'elles pourraient contenir du titane en provenance de la Russie. Ces entreprises font donc preuve de diligence raisonnable. Ce sont des entreprises socialement responsables qui tentent de s'assurer qu'elles n'enfreignent pas une loi canadienne qui a été adoptée par le Parlement et que le gouvernement a mise en place par l'entremise du régime de sanctions.
Nous sommes dans une situation où les Canadiens ont le droit de connaître — et c'est important, dans les limites de la confidentialité commerciale — les raisons pour lesquelles cette décision a été prise, mais le type d'énoncé de valeur qui est inclus dans cette motion me pose quelques problèmes. J'aimerais simplement qu'il s'agisse d'une motion plus simple qui ne se lance pas nécessairement dans un discours politique, mais qui va au cœur du problème.
Je vais donc suggérer quatre amendements à apporter à la motion actuelle.
Le premier amendement concerne l'utilisation des mots « titane russe » dans la quatrième ligne de la version française. J'aimerais remplacer les mots « d'utiliser du titane russe » par les mots « d'utiliser des composants qui pourraient contenir du titane russe ». Je pense que c'est important, car nous ne connaissons pas tous les faits liés à cette question et le Comité devrait entendre tous les faits. Je ne veux pas faire, dans une motion, une déclaration qui pourrait être vraie ou non, car nous pourrions obtenir des preuves erronées. Si un témoin venait nous parler de l'utilisation du titane russe, il pourrait simplement dire que ce n'est pas ce qu'il fait. Nous voulons exprimer très clairement que nous parlons de l'utilisation de composants qui pourraient contenir du titane russe.
C'est donc le premier amendement. Je vais présenter les quatre amendements en même temps. Vous pourrez décider de les mettre aux voix tous en même temps ou séparément.
En ce qui concerne la deuxième substitution, même si nous souhaitons appuyer cette motion, il est évident que nous ne sommes pas d'accord avec l'énoncé de valeur suivant: « et étant donné que ce n'est pas la première fois que le gouvernement affaiblit et sape le régime de sanctions du Canada à l’encontre de la Russie en renonçant à des sanctions ». Il s'agit d'une opinion, et nous ne pensons pas qu'elle ait nécessairement sa place dans une motion. J'aimerais remplacer ces mots par les mots « compte tenu des reportages médiatiques selon lesquels des entreprises aérospatiales employant des milliers de travailleurs canadiens ont reçu des dérogations pour s'assurer que leur chaîne d'approvisionnement est conforme à la réglementation canadienne en matière de sanctions ». C'est la raison pour laquelle nous souhaitons réaliser cette étude.
Quant au troisième amendement, au lieu des mots « au moins deux réunions », nous aurions les mots « tienne une réunion » sur la question.
Le quatrième amendement concerne les témoins. Il se lirait comme suit: « invite Airbus, Bombardier, les ministres et les fonctionnaires concernés, ainsi que d'autres témoins, le cas échéant ».
Je parlerai de ces amendements pendant une minute, puis je céderai la parole à quelqu'un d'autre.
Pour résumer, je demande de remplacer les mots « d'utiliser du titane russe » par les mots « d'utiliser des composants qui pourraient contenir du titane russe ». C'est le premier amendement.
Le deuxième amendement concerne le long énoncé sur la façon dont on affaiblit et sape le régime de sanction du Canada, qui devrait être remplacé par les mots « compte tenu des reportages médiatiques selon lesquels des entreprises aérospatiales employant des milliers de travailleurs canadiens ont reçu des dérogations pour s'assurer que leur chaîne d'approvisionnement est conforme à la réglementation canadienne en matière de sanctions ».
Le troisième amendement concerne la tenue d'une réunion sur cette question.
Enfin, nous voudrions remplacer les mots « invite la ministre des Affaires étrangères à témoigner » par les mots « invite Airbus, Bombardier, les ministres et les fonctionnaires concernés, ainsi que d'autres témoins, le cas échéant ».
Ce sont les quatre amendements que nous souhaitons apporter. Ils nous permettraient d'appuyer sans réserve cette motion et de veiller à ce que les Canadiens entendent les raisons pour lesquelles cette dérogation a été accordée.
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Merci, monsieur le président.
Je suis d'accord sur l'esprit de la motion qui nous est présentée par notre collègue du NPD. Par contre, je m'inscris en faux contre l'assertion de M. Oliphant selon laquelle l'idée qu'il y ait eu d'autres exemptions constitue une opinion. Je trouve que cela relève de la détestable habitude qu'a ce gouvernement de se montrer cachottier. Ce n'est pas une opinion. Dans un article publié le 3 octobre 2023, le journal Le Devoir a dressé toute une liste d'exemptions accordées par le gouvernement du Canada.
Je me rappelle qu'on avait fait toute une histoire à propos des turbines. Cela n'a pourtant pas empêché le gouvernement de continuer à accorder des exemptions sans en parler à qui que ce soit. La chose a été révélée par Le Devoir. On a alors constaté qu'on s'était un peu fait rouler dans la farine. En effet, le gouvernement, comme d'habitude, avait agi derrière des portes closes, de façon très cachée.
Ce n'est pas une opinion. Je vais donc voter contre l'amendement que propose M. Oliphant.
Ce qui m'agace, à la fois dans la proposition de Mme McPherson et dans la proposition d'amendement de M. Oliphant, c'est qu'elles braquent toutes les deux les projecteurs sur un type d'exemption. Or Le Devoir a révélé qu'il y en avait plusieurs. Les projecteurs sont donc braqués sur une industrie, ce qui m'apparaît malsain pour la réputation de celle-ci. Cette industrie a été entraînée, bien malgré elle, dans cette situation.
M. Oliphant a pris la peine, dans sa présentation, de nous dire que des milliers de sanctions avaient été décrétées. Lorsque nous avons étudié le régime de sanctions, le gouvernement a bien pris la peine de nous dire qu'il fallait toujours se coordonner avec nos alliés afin d'être plus efficaces et d'éviter de mettre des secteurs industriels dans une mauvaise posture. Or le gouvernement a fait exactement le contraire. En effet, nos alliés n'ont pas appliqué la même sanction sur le titane, ce qui a placé notre industrie aéronautique dans une mauvaise posture par rapport à ses concurrents européens et américains.
Parce qu'il avait mal fait son travail, le gouvernement a été obligé d'établir des exemptions pour faire en sorte que notre industrie ne soit pas défavorisée. En fait, il a simplement dit aux gens de notre industrie d'aller s'approvisionner ailleurs, sans les accompagner, mais, voyant que cela ne fonctionnait pas, il a décrété des exemptions, en catimini, encore une fois.
Ce qui m'agace dans la proposition qui est mise en avant, c'est le fait qu'on braque les projecteurs sur l'industrie aérospatiale. Cette mauvaise publicité ne favorise assurément pas la poursuite de ses opérations et son développement.
Si le président m'avait donné la parole avant de la céder à M. Oliphant, j'aurais proposé un autre amendement, beaucoup plus simple que celui de M. Oliphant. Je me permets de vous en faire part. À la lumière de ce que je vous propose, vous pourrez décider ce que vous voulez faire des amendements de M. Oliphant.
L'idée serait d'ajouter, entre les mots « dérogation »...
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Je ne parle pas d'un amendement, mais d'un truc qui pourrait être pertinent un jour ou l'autre.
Je parle de l'idée d'ajouter, entre les mots « dérogations » et « le Comité », les mots « au régime de sanctions à l'encontre de la Russie ». De plus, je bifferais « aux sanctions à deux entreprises aérospatiales pour leur permettre d'utiliser du titane russe dans leur fabrication, et étant donné que ce n'est pas la première fois que le gouvernement affaiblit et sape le régime de sanctions du Canada à l'encontre de la Russie en renonçant à des sanctions ». Pour m'assurer que le lien entre le début et la fin de la motion est pertinent, j'ajouterais, entre les mots « dérogations » et « le Comité », les mots « au régime de sanctions à l'encontre de la Russie ».
La motion serait donc dorénavant la suivante: « Que, conformément à la demande de réunion d'urgence 106(4) faite par des membres du Comité le 26 avril 2024 en réponse à la décision du gouvernement d'accorder des dérogations au régime de sanctions à l'encontre de la Russie, le Comité étudie la question et tienne au moins deux réunions sur la question, et invite la ministre des Affaires étrangères à témoigner. »
Nous allons avoir l'occasion de nous prononcer sur les propositions d'amendement de M. Oliphant, qui, je l'espère, ne seront pas adoptées. Je soumettrai ma proposition d'amendement à ce moment‑là, monsieur le président.