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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 028 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 20 juin 2022

[Enregistrement électronique]

  (1610)  

[Français]

    Je déclare la séance ouverte.
    Je vous souhaite la bienvenue à la 28e réunion du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes.

[Traduction]

     La séance d'aujourd'hui se déroule en format hybride. Certains députés y participeront en personne alors que d'autres y assisteront par l'application Zoom.

[Français]

    À la lumière des recommandations des autorités sanitaires en lien avec la pandémie, toutes les personnes qui participent à la réunion en personne devraient suivre les directives du Bureau de régie interne. Je remercie d'avance les députés de leur coopération.

[Traduction]

    Si des difficultés techniques surviennent, veuillez m'en aviser. Sachez que nous pourrions devoir suspendre la séance quelques instants, question d'assurer la participation pleine et entière de tous les participants.

[Français]

    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux premiers témoins.
    Nous recevons aujourd'hui Mme Linda Cardinal, vice-rectrice adjointe à la recherche de l'Université de l'Ontario français, ainsi que Mme Stéphanie Chouinard, professeure agrégée au Département de science politique du Collège militaire royal du Canada et au Département d'études politiques de l'Université Queen's.
    Mesdames, je vous souhaite la bienvenue.
    Comme il y a eu des votes, la séance est un peu écourtée. Vous avez quand même cinq minutes pour faire votre allocution d'ouverture. Par la suite, nous allons commencer le premier tour de questions.
     Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Si vous participez à la réunion par vidéoconférence, vous devez cliquer sur l'icône du microphone pour activer le son de votre micro. Lorsque vous prenez la parole, parlez lentement et clairement. Lorsque vous ne parlez pas, vous devez mettre votre micro en sourdine, afin d'éviter qu'il y ait de l'écho dans la salle.
    Comme je l'ai déjà mentionné, le temps de parole qui vous est alloué est d'au plus cinq minutes.
    Pour commencer, je donne la parole à Mme Linda Cardinal.
    Monsieur le président, membres du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, chers collègues, bonjour à vous tous et toutes.
    Je vous remercie infiniment de l'invitation à présenter mon analyse du projet de loi C‑13. Je pense que vous avez reçu mon texte. Je vais tout de suite vous présenter mes conclusions.
    Il y a des failles importantes dans la gestion des langues officielles au pays, que l'on pense aux difficultés des fonctionnaires de travailler en français au sein de la fonction publique fédérale, aux différents processus de nomination des personnes dans des postes pour lesquels la maîtrise du français passe au second plan ou, encore, aux ratés du gouvernement canadien en matière d'immigration francophone, entre autres en ce qui a trait aux étudiants étrangers francophones. Je suis d'avis que le projet de loi C‑13 pourra servir à atténuer ces difficultés et que la prochaine étape sera de préparer des règlements, des directives et des programmes en vue de sa mise en œuvre. Pour ces raisons, je vous invite à adopter le projet de loi C‑13 sans délai.
    Dans le cadre de ma présentation, j'aimerais aussi porter à votre attention quelques recommandations d'ordre administratif, dont des propositions de mesures essentielles pour accompagner la mise en œuvre du projet de loi C‑13. Ce sont des recommandations qui visent à institutionnaliser davantage le leadership en matière de langues officielles au sein de l'appareil fédéral.
    Avant de parler de mes recommandations, j'aimerais rappeler que, depuis bientôt cinq ans, l'ensemble des acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux travaillent en vue de la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Le projet de loi devant vous représente un compromis raisonnable entre l'ensemble des parties prenantes. Il comprend des objectifs réalistes et nécessaires pour faire avancer les langues officielles, dont le français, au pays. Entre autres, il reconnaît la vulnérabilité du français, l'exigence d'objectifs en matière d'immigration francophone et l'utilisation du français comme langue scientifique. Il pourrait contribuer au changement de culture nécessaire au sein de l'appareil fédéral en matière d'appui à la francophonie et au français.
    Par contre, pour changer la culture des langues officielles au pays, il ne faut pas attendre une loi parfaite. Selon Machiavel, une loi ne réussit jamais à nous extraire complètement des divergences d'opinions.
    Par ailleurs, ce ne sont pas les députés qui feront le travail de mise en œuvre du projet de loi C‑13, ce sont les fonctionnaires. Il faut leur donner des objectifs réalistes à partir desquels ils pourront faire leur travail. Ils auront, comme je le disais tout à l'heure, la responsabilité d'élaborer des règlements, des outils et des programmes afin de modifier les pratiques sur le terrain. C'est la raison pour laquelle je m'oppose à la création d'une agence centrale logée au Conseil du Trésor, qui est proposée par certains acteurs. Je considère que la proposition va à l'encontre des règles au sein de l'appareil fédéral. Le mécanisme de coordination proposé dans le projet de loi est plus raisonnable et réaliste. Le Conseil du Trésor ne peut pas faire de la prestation de programmes. Il ne peut pas avoir de l'autorité sur les programmes et politiques des autres ministères. Le Conseil du Trésor peut vérifier et surveiller les exigences administratives des autres ministères.
    Provoquer un transfert si important de responsabilités en matière de langues officielles vers le Conseil du Trésor aurait pour effet de retarder la mise en œuvre du projet de loi C‑13, voire de la bloquer dans certains cas, étant donné la résistance naturelle au sein d'une grande organisation à accueillir le changement. Je souhaite plutôt que les ministères, dont Patrimoine canadien, le Secrétariat du Conseil du Trésor, Justice Canada, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Statistique Canada, le Bureau du Conseil privé ainsi qu'Emploi et Développement social Canada et, en particulier, le Programme du travail, poursuivent leur collaboration en vue de se doter d'un cadre de coordination et de reddition de comptes pour la mise en œuvre du projet de loi C‑13. Grâce au plan d'action, le gouvernement canadien pourra aussi se donner des échéanciers, un calendrier de mise en œuvre de ses objectifs et des cibles mesurables.
    Je recommande la création, au sein du Cabinet, d'un comité pour les langues officielles et la francophonie, dont le rôle sera de mettre en place un mécanisme de consultation des ministres ayant des responsabilités en matière de langues officielles et de francophonie, de transmettre des directives claires à ces personnes dans le cas d'ententes fédérales-provinciales et de revoir le processus de nomination de personnes bilingues dans des postes de haute direction.
    Le projet de loi C‑13 comprend des objectifs réalistes et raisonnables et propose aussi un équilibre raisonnable entre les principes d'égalité formelle et d'égalité réelle. Ce sont des principes réclamés depuis longtemps par le milieu minoritaire francophone, notamment la reconnaissance de la vulnérabilité du français en tant que langue officielle par rapport à l'anglais et l'importance de donner un caractère réparateur à la Loi sur les langues officielles, en plus de confirmer le principe de l'égalité réelle.

  (1615)  

    La référence au principe de l'égalité réelle dans le projet de loi C‑13 confirme que la progression de l'égalité du français et de l'anglais au Canada comprend l'utilisation de moyens différenciés, notamment pour répondre aux besoins des minorités...
     Je m'excuse de vous interrompre, madame Cardinal, mais il faudrait conclure votre présentation.
    D'accord.
    En résumé, je propose que le gouvernement intervienne notamment dans le domaine de l'immigration. Plus précisément, je recommande que le gouvernement canadien mette en place un programme d'immigration francophone distinct des autres programmes d'immigration. Les places accordées à ce programme seraient incluses.
    Merci beaucoup, madame Cardinal.
    Madame Chouinard, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner devant vous aujourd'hui.
    Plusieurs d'entre vous m'ont déjà entendue dans le cadre d'autres consultations sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, un projet important qui devrait jouir d'un appui multipartisan, mais qui, pour de multiples raisons, se fait malmener depuis la dernière demi-décennie.
    J'ai aussi eu la chance d'écrire sur le sujet dans quelques quotidiens et magazines d'actualité du pays au cours des dernières années. J'ai fait parvenir à la greffière, à l'intention des membres du Comité, une courte revue de presse où j'explore plus en profondeur quelques aspects du feu projet de loi C‑32 et du projet de loi C‑13 que je n'aurai pas le temps d'aborder dans mon allocution, par exemple le rôle du Commissariat aux langues officielles ou le rôle de la diplomatie civile franco-canadienne. Je vous invite cependant à y jeter un coup d'œil si cela vous intéresse.
    Par mesure de concision, je m'en tiendrai cet après-midi à trois éléments.
    Premièrement, permettez-moi de dire quelques mots sur le principe de l'égalité réelle, qui sous-tend de nombreux aspects du projet de loi.
    Pour la première fois, il y a une reconnaissance législative explicite d'un principe qui existait déjà depuis longtemps dans la gouvernance des langues officielles: afin d'atteindre l'égalité entre les langues officielles, l'une mérite un soutien différent, notamment au regard des institutions de la minorité, qui jouent un rôle complètement différent de celui qu'exercent les institutions dans un contexte sociolinguistique majoritaire. Voilà une avancée importante dans le domaine des langues officielles, qui assure notamment que le cadre législatif reflète l'interprétation de la Cour suprême, où ce principe a été mobilisé depuis la fin de la décennie 2000.
    Cela dit, il demeure au sein de la population générale une mécompréhension de l'égalité réelle, à en juger par les réactions suscitées par le projet de loi dans le Canada anglais. Il y a un réel besoin d'éducation publique à effectuer quant à la signification et aux retombées de l'égalité réelle, afin que la nouvelle mouture de la Loi sur les langues officielles ne soit pas interprétée comme un simple rejet du statut officiel et égal de l'anglais par rapport à la langue française. Ce besoin de clarification me semble urgent dans le contexte politique actuel afin d'éviter un potentiel ressac envers la langue française à l'extérieur du Québec.
    Deuxièmement, je tiens à souligner le souhait du fédéral de s'engager à renforcer les possibilités d'accès à l'éducation postsecondaire dans la langue officielle de la minorité. Ce domaine est en situation de crise depuis les dernières années. Cette crise a atteint son paroxysme en 2021, lors de la débâcle de l'Université Laurentienne. Nous connaissons l'ampleur des effets positifs sur la vitalité de nos communautés lorsque les jeunes en situation minoritaire ont la possibilité de poursuivre leurs études dans leur langue au-delà de la 12e année.
    Il est louable que le fédéral souhaite faire partie de la solution afin que ces institutions puissent arrêter d'être au bord du gouffre et puissent enfin planifier l'avenir. Cependant, il est primordial que le fédéral ne dédouane pas les provinces de la responsabilité d'investir dans ce qui demeure leur domaine de compétence.
    Votre comité m'a déjà entendue à ce sujet en juin de l'année dernière, il y a un an presque jour pour jour, lors de votre étude portant sur le soutien fédéral aux institutions postsecondaires en situation minoritaire. Cet élément m'a semblé assez important pour que je le répète. À long terme, un désengagement des provinces dans le domaine postsecondaire en situation minoritaire pourrait s'avérer l'équivalent d'un retour à la case départ pour ces institutions. Il faut s'assurer que les investissements du fédéral demeurent structurants.
    Finalement, à l'égard de l'article 44.1 proposé, qui porte sur l'immigration francophone, le langage utilisé dans le projet de loi me semble décevant. À mon avis, il ne va pas assez loin pour assurer les changements nécessaires aux politiques et aux pratiques inacceptables, voire parfois honteuses, du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration en francophonie canadienne. Nous récoltons déjà le résultat de près de deux décennies d'actions insuffisantes dans ce domaine, alors que la cible établie en 2003 n'a jamais été atteinte, à un point tel que la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada a senti le besoin de sonner l'alarme cet hiver. La nouvelle Loi sur les langues officielles devrait être franchement plus directive, afin de nous assurer non seulement d'atteindre des cibles réellement réparatrices, permettant au poids des francophones hors Québec de se maintenir démographiquement par rapport à la société majoritaire, mais aussi de fournir à nos communautés le soutien nécessaire pour accueillir et soutenir ces nouveaux arrivants de façon appropriée.
    En conclusion, malgré ces remarques, j'aimerais vous transmettre un dernier message: ne laissez pas le mieux être l'ennemi du bien. Nous voici 34 ans après la dernière modification de la Loi sur les langues officielles, et il est plus que temps de voir à la modernisation de la Loi. Le projet de loi C‑13, bien qu'étant un texte de loi certainement perfectible — ne le sont-ils pas tous? —, marquerait un pas important afin d'assurer l'avenir de l'anglais et du français au pays.
    J'espère qu'en 2022 nous allons pouvoir marquer l'histoire des langues officielles grâce à une loi enfin modernisée, qui nous permettra enfin d'avancer vers un avenir où les deux langues officielles sont mieux soutenues et défendues partout au pays.
    Je vous remercie. Cela me fera plaisir de poursuivre la discussion.

  (1620)  

    Merci, mesdames Cardinal et Chouinard.
    Nous allons maintenant entamer le premier tour de questions. À cette occasion, chaque formation politique aura droit à six minutes. Vous pourrez alors expliquer davantage vos positions.
    Je cède donc la parole à M. Lehoux pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous cet après-midi.
    Ma première question s'adresse à vous, madame Cardinal. Vous avez été nommée par la ministre pour siéger à un comité qui lui fait des recommandations. J'ai senti tantôt que vous faisiez un peu pression pour qu'on accélère le processus. Je trouve cette situation un peu particulière.
    Comment voyez-vous tout cela, madame Cardinal?
    En d'autres mots, vous me demandez si je suis en situation de conflit d'intérêts.
    J'ai fait partie du comité d'experts de la ministre dans le cadre du projet de loi C‑32, et non dans celui du projet de loi C‑13. Ne vous inquiétez pas, cher monsieur, je ne suis le perroquet de personne. Ce que je dis, c'est que j'ai l'impression que le projet de loi C‑13 constitue un compromis très intéressant qui...
    C'est bon, cela répond à ma question, madame Cardinal. Ne vous en faites pas, je ne m'inquiète pas; je ne fais que poser des questions.
    Votre comité d'experts a recommandé au gouvernement qu'une entreprise privée puisse opter pour le régime linguistique provincial ou fédéral.
    Est-ce oui ou est-ce non? Pourquoi une entreprise privée pourrait-elle choisir l'un ou l'autre de ces deux régimes?

  (1625)  

    J'ai l'impression que vous parlez ici des entreprises privées de compétence fédérale dans des secteurs comme les communications, les transports, les banques, l'agriculture, et ainsi de suite. Or, je pense que c'est à la ministre qu'il faudrait poser cette question. Il y aura deux régimes, mais, en même temps...
    Madame Cardinal, c'est à vous que je la pose.
    Comment voyez-vous cela? Si la réponse est oui, pourquoi est-ce le cas? Si c'est non, dites-moi ce qui vous amène à me fournir cette réponse.
    À quoi voulez-vous que je dise oui ou non? Je ne comprends pas votre question.
    Je parle du choix donné à l'entreprise privée. Dans mon secteur d'activité, certaines entreprises s'inquiètent de cela. Elles ne savent pas trop quelle direction cela va prendre.
    Je pense que nous avons là un cas de figure intéressant. Il va falloir que la ministre Petitpas Taylor discute avec la ministre LeBel pour déterminer s'il y a lieu de conclure avec le gouvernement québécois une entente sur tout ce qui entoure l'application de la nouvelle Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale. À mon avis, ce serait l'avenue la plus intéressante.
    Si les entreprises choisissent un régime plutôt qu'un autre, c'est leur choix. En effet, c'est un choix qui revient aux entreprises. Si vous voulez éviter toute confusion ou toute difficulté, je pense qu'il faudrait qu'une entente entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral soit conclue. Cela ne se ferait pas dans les paramètres de cette loi, mais cela pourrait se faire par la suite, au moyen d'un dialogue entre le fédéral et le provincial.
    Merci, madame Cardinal.
    Madame Chouinard, pendant votre présentation, vous avez parlé des problèmes de formation. J'aimerais que vous nous en disiez plus sur cet aspect.
    J'imagine que vous voulez parler de l'éducation postsecondaire.
    Comme le Comité a réalisé l'été dernier une étude sur l'enjeu de l'éducation postsecondaire et le sous-financement des établissements postsecondaires en situation minoritaire, il est déjà au fait de ces questions. Il y a plusieurs années déjà, des établissements postsecondaires ont sonné l'alarme, notamment le Campus Saint‑Jean, en Alberta, l'Université de Moncton, au Nouveau‑Brunswick, et, plus récemment, l'Université Laurentienne, en Ontario, lorsqu'une soixantaine de programmes en français ont été annulés. Plus d'une centaine de mes collègues, je pense, se sont fait montrer la porte d'une façon assez irrévérencieuse.
    Comme vous le savez, dans les libellés de la partie VII qui sont proposés dans l'actuel projet de loi, le gouvernement fédéral s'engage à soutenir les établissements en situation minoritaire ou bilingues. Je pense que c'est un enjeu important. Le gouvernement fédéral peut certainement contribuer à soutenir ces établissements de façon structurante. Cependant, il est important que les provinces ne se désengagent pas complètement de ce domaine, qui demeure de leur compétence.
    Manque-t-il, dans le projet de loi C‑13, des dispositions sur les clauses linguistiques?
    Il n'en manque pas nécessairement dans le texte de loi lui-même. C'est surtout ce qui viendra après qu'il faudra surveiller. Le gouvernement fédéral peut certainement prendre un engagement dans le texte de loi. Je pense que c'est louable. Toutefois, c'est au moment d'appliquer la Loi qu'il faudra s'assurer que les provinces demeurent des partenaires et qu'elles ne laissent pas simplement le fédéral prendre toute la place dans le soutien financier accordé à ces établissements.
    Il vous reste 20 secondes, monsieur Lehoux.
    Concernant le français comme langue commune de travail, vous avez écrit que le projet de loi C‑13 transfère la responsabilité de la mise en œuvre de ces droits aux travailleurs ou à leur syndicat. Pouvez-vous expliquer cela davantage?
    Je ne pense pas que ce soit moi qui ai écrit cela.
    Ce sera tout pour l'instant, monsieur Lehoux.
    Les prochaines questions seront posées par Mme Arielle Kayabaga.
    Madame Kayabaga, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je veux tout d'abord remercier les témoins présents aujourd'hui.
    J'aimerais dire à Mme Cardinal que j'étais présente à l'ouverture de l'Université de l'Ontario français. En tant que Franco-Ontarienne, j'étais fière de voir cette ouverture. Je la remercie d'être ici aujourd'hui.
    Je vais commencer par vous, madame Cardinal.
    Vous avez parlé d'immigration francophone, qui est un enjeu. On veut augmenter les niveaux d'immigration francophone au Canada, surtout en dehors du Québec. Comme on le sait, la plus grande partie des francophones dans le monde se trouve en Afrique. Dans ce contexte, quelles autres recommandations pouvez-vous ajouter au sujet du projet de loi C‑13?

  (1630)  

    Je vous remercie beaucoup de votre question. Par ailleurs, je vous félicite pour votre élection.
    Je ne recommande pas au gouvernement d'ajouter quelque chose au projet de loi. Je veux que ce dernier soit adopté dans les meilleurs délais, parce que plus on attend, plus les communautés reculent. Autrement dit, plus on tarde à l'adopter, plus les communautés francophones reculent. Il faut agir au quotidien si nous ne voulons pas reculer. Voilà mon message général.
    Par contre, il faut créer un programme d'immigration francophone distinct. Dans mon mémoire, j'avais parlé d'un programme d'immigration économique francophone, mais c'est une erreur. La politique d'immigration prévoit un programme d'immigration économique ainsi que des programmes pour des catégories particulières d'immigrants. Alors, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas faire la même chose pour la francophonie canadienne, c'est-à-dire avoir un programme d'immigration francophone distinct des autres programmes. Les places accordées à ce programme seraient incluses à même le plan pour les niveaux d'immigration, et le programme devrait faire partie de la politique à venir. C'est fondamental.
    On pourrait créer des projets pilotes, décider de fixer des cibles moins ambitieuses sur le plan fédéral, mais très ambitieuses dans certains milieux sur le plan local, comme à Moncton, à Ottawa, à Toronto ou à Saint‑Boniface. On pourrait aussi créer des projets pilotes avec des équipes qui voient au développement de ces programmes au fur et à mesure dans des régions ciblées.
    Il y a une chose qu'il ne faut pas oublier, et on en a discuté à de nombreuses reprises devant vous: il faut d'abord penser à la façon d'arrimer cette politique à d'autres politiques. Je pense notamment à la politique générale sur l'immigration et à celle sur les affaires étrangères. Il manque de chancelleries, d'ambassades et de personnel sur le terrain en Afrique. Il n'existe qu'un seul bureau pour tous les Africains qui veulent venir au Canada, entre autres pour étudier. Il faut multiplier ces services. Je ne suis pas la seule à demander cela. Dans d'autres secteurs où des gens travaillent en relations internationales, on demande la même chose. Il faut multiplier les possibilités offertes aux gens qui veulent présenter un dossier pour venir au Canada, notamment les étudiants internationaux. Il y a un seul bureau et il est situé à Dakar. Ce n'est peut-être pas assez, surtout quand on sait que les gens viennent d'un peu partout en Afrique. Paris n'est pas non plus l'endroit où les étudiants africains peuvent aller déposer leur dossier.
    C'est donc un élément assez important. Il faut se donner des cibles ambitieuses. Il faut prendre de la hauteur par rapport à cela et il faut s'assurer que la politique d'immigration francophone sera harmonisée avec tous les autres enjeux. Ainsi, le Canada réussira à atteindre ses objectifs en matière d'immigration francophone, en particulier pour les étudiants.
    Il existe en ce moment une contradiction fondamentale. D'une part, on veut que les francophones d'Afrique qui viennent étudier au Canada finissent par contribuer à combler les déficits de main-d’œuvre. D'autre part, on leur dit qu'ils devront retourner dans leur pays tout de suite après leurs études. On leur impose toutes sortes de contraintes et on leur dit que, si jamais le Canada fait partie de leurs projets de carrière, ils ne pourront pas venir étudier au Canada. Il y a donc des contradictions importantes sur le plan politique.
    Je suis de votre avis: il faut que ce projet de loi soit adopté très rapidement.
    Vous avez mentionné que ce projet de loi était réaliste. Quelles sont les lacunes actuelles que ce projet de loi comblerait?
    Tous les projets de loi ont des lacunes. Je ne veux pas mettre l'accent sur les lacunes, je veux mettre l'accent sur ce qui est bon.
    Je parle plutôt des lacunes qui étaient présentes et que ce projet de loi permettrait de combler.
    Ah, d'accord.
    Je fais partie de ceux qui ont dit que les objectifs de la Loi sur les langues officielles de 1988 étaient excellents. Le problème, c'est la mise en œuvre. De plus, le gouvernement se donne des outils qui ne correspondent pas aux objectifs de la Loi. Par exemple, il a fallu attendre 13 ans avant qu'on commence à mettre en œuvre la partie VII de la Loi. Une fois qu'on a commencé à la mettre en œuvre, on a mis en place des plans d'action, mais les plans d'action ont été soumis aux idéologies des partis politiques, ce qui fait qu'on a constamment changé les orientations. Il est très difficile dans ce contexte d'avoir des objectifs mesurables qui permettent de voir l'effet de…

  (1635)  

    Madame Cardinal, il ne me reste que quelques secondes. Je vais vous laisser finir votre idée, mais je voulais vous remercier de comprendre l'importance de soutenir et d'adopter ce projet de loi.
    Je vous remercie, mais je ne vais pas m'étendre sur le sujet. Je vais plutôt laisser l'occasion à d'autres de poser des questions.
    Merci, madame Cardinal.
    Merci, madame Kayabaga.
    Le deuxième vice-président du Comité, M. Mario Beaulieu, sera le prochain à intervenir.
    Monsieur Beaulieu, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Cardinal, vous avez déjà écrit que « l'avenir du français en Amérique du Nord se joue au Québec, car il est le seul État francophone sur le continent. Il est probable que sa survie dépendra soit de la création d'un État souverain francophone, soit d'une redéfinition du fédéralisme canadien qui ferait une plus large place au principe territorial. »
    Êtes-vous toujours d'accord avec ce que vous avez écrit?
    Oui, tout à fait.
    Je sais qu'il n'y a que les fous qui ne changent pas d'idée, et je sais que je peux changer d'idée, mais je suis tout à fait à l'aise au sujet de ce que j'ai écrit. De plus, monsieur Beaulieu, chaque fois que j'interviens devant le Comité, vous me relisez toujours la même citation, alors je commence à la connaître.
    Je suis tout à fait d'accord pour dire que l'avenir du français se joue au Québec, entre autres à Montréal. C'est la première des choses.
    Deuxièmement, je pense qu'il faut que le fédéralisme canadien soit le plus souple possible, parce qu'on sait que, lorsque le fédéralisme permet aux minorités nationales ou aux nations minoritaires une certaine marge de manœuvre, les sociétés sont plus démocratiques. On le voit partout dans le monde.
    Troisièmement, le principe territorial est effectivement important. Les théoriciens du XIXe siècle comme Otto Bauer et Karl Renner ont toujours dit que c'était le territoire qui était important pour les minorités. Dans notre cas, nous avons une difficulté relative au territoire, bien entendu, mais nous avons le principe de complétude institutionnelle. En milieu minoritaire francophone, nous avons besoin d'institutions gérées par et pour les francophones. C'est cela qu'il faut renforcer. En ce qui concerne les mesures positives et la complétude institutionnelle, l'objectif du projet de loi est justement de renforcer…
    Merci, madame Cardinal. Je m'excuse de vous interrompre, mais nous n'avons pas beaucoup de temps pour poser nos questions.
    Je parle du principe de territorialité au Québec. Vous dites qu'il y a une belle entente, mais, si c'est le cas, pourquoi le gouvernement du Québec s'est-il senti obligé, la semaine dernière, de déposer ses demandes? Il a déjà proposé un document sur ses grandes orientations. Il n'y a rien là-dedans à ce sujet, on reste en superficie. Le principe de territorialité, c'est de faire d'une langue la langue commune sur un territoire donné. C'est ce que le Québec essaie de faire, mais le gouvernement de la majorité canadienne impose sa loi linguistique et vient plutôt faire la promotion de l'anglais comme langue officielle au Québec.
    Comment pouvez-vous penser qu'il faut adopter ce projet de loi rapidement, alors qu'il ne répond pas aux demandes du Québec et qu'il ne fera rien pour contrer le déclin du français au Québec?
    Je ne sais pas si je peux vraiment vous faire changer d'idée, puisque vous avez déjà dit que vous voteriez contre le projet de loi.
    Je n'ai jamais dit que nous étions dans le meilleur des mondes. La Loi sur les langues officielles s'applique aux champs de compétence du gouvernement fédéral partout au pays. Elle assure la promotion du français et de l'anglais. Il ne faut pas oublier que, dans le nouveau projet de loi, il y a une reconnaissance du fait que le français est une langue vulnérable partout en Amérique du Nord et au Canada. Cela inclut le Québec. Je pense que cette reconnaissance représente quand même une avancée importante.
    Nous admettons ce principe, mais, ce que nous avions demandé, c'était qu'une seule des deux langues officielles soit considérée comme minoritaire. Or, ce n'est pas du tout ce qui est dans le projet de loi C‑13, où l'on continue à utiliser le concept de minorité de langue officielle pour définir les anglophones au Québec. Cela fait que toutes les interventions du gouvernement fédéral visent à renforcer l'anglais au Québec. Les mesures positives pour le Québec français sont plutôt négatives, parce qu'elles visent seulement à renforcer l'anglais au Québec. Si cela ne change pas, le gouvernement fédéral va continuer à être un acteur très important de l'anglicisation du Québec.

  (1640)  

    Je ne sais pas jusqu'à quel point vous voulez que je vous réponde.
    D'un côté, il faut voir ce projet de loi comme un compromis. Il reconnaît que l'égalité réelle est l'un des principes qui doivent guider l'interprétation des droits linguistiques. On y reconnaît l'égalité réelle entre le français et l'anglais en fonction de cet objectif qu'est la progression de l'égalité du français et de l'anglais.
    Dans un domaine comme la langue scientifique, le projet de loi pourrait avoir des retombées intéressantes au Québec aussi. Rien dans le projet de loi ne dit que le gouvernement fédéral doit promouvoir le français comme langue scientifique au Québec. C'est plutôt le contraire: le gouvernement fédéral doit promouvoir le français comme langue scientifique partout au pays.
    Pour ce qui est de la langue scientifique, on voit déjà que 40 % des subventions de recherche du gouvernement fédéral vont du côté anglophone, mais cela, c'est en dehors de la Loi sur les langues officielles.
    Ma prochaine question s'adresse à vous, madame Chouinard.
    Vous avez beaucoup écrit sur la commission Laurendeau-Dunton, qui serait un peu comme une occasion ratée. Je pense qu'André Laurendeau voulait un statut spécial pour le Québec. Cela rejoint les demandes du gouvernement du Québec, qui demande que le Québec soit le seul maître d'œuvre de l'aménagement linguistique sur son territoire.
    Avec le projet de loi C‑13 actuel, ne se dirige-t-on pas encore vers une occasion ratée?
    Vous avez 20 secondes pour répondre.
    Monsieur Beaulieu, je pense que vous faites erreur sur la personne. Vous parlez probablement de Valérie Lapointe‑Gagnon, qui est historienne au Campus Saint‑Jean et qui a écrit un excellent livre sur la commission Laurendeau-Dunton.
    Comme je n'avais que 20 secondes, je vais m'arrêter ici.
    Merci, madame Chouinard.
    Merci, monsieur Beaulieu.
    Je cède maintenant la parole pour six minutes à Mme Ashton, du Manitoba.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à Mme Chouinard.
    Lors d'une présentation au Comité, le Programme des langues officielles en enseignement avait été critiqué par l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne. Le Programme ne finance pas les établissements à la mission. Il fonctionne plutôt par projet et cela doit être associé à une contrepartie des provinces.
    M. Normand avait souligné que la conclusion d'ententes directement avec les établissements d'enseignement pour mieux les financer serait constitutionnelle, car cela remplirait un mandat établi par le gouvernement fédéral, soit celui couvert par la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
    Madame Chouinard, il y a un peu plus d'un an, vous êtes venue au Comité pour nous parler des lacunes dans le financement des établissements d'enseignement postsecondaire. Vous nous aviez expliqué que l'éducation postsecondaire dans la francophonie canadienne était en situation de crise et que le gouvernement fédéral devait jouer un rôle pour la régler. Nous sommes d'accord sur ce que vous avez dit au Comité. Nous pensons que le gouvernement pourrait jouer ce rôle en intégrant des clauses linguistiques dans les accords avec les provinces ou, encore, en défendant le français et les droits des francophones, comme le propose la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada.
    Que pensez-vous de la proposition de la FCFA d'ajouter des clauses linguistiques dans le projet de loi et de définir les responsabilités du fédéral dans les ententes avec les provinces?
    Je vous remercie de la question.
    Effectivement, j'ai fait allusion à cette comparution dans mon allocution.
    Des clauses linguistiques aideraient certainement à résoudre ce problème et permettraient au gouvernement fédéral de faire des investissements structurants dans le domaine de l'enseignement postsecondaire tout en s'assurant que les provinces ne se désengagent pas et continuent à investir autant qu'elles le devraient dans les établissements sur leur propre territoire. Le gouvernement fédéral pourrait donner un coup de pouce supplémentaire pour aider ces établissements à surmonter les défis particuliers auxquels ils font face en situation minoritaire.
    Merci, madame Chouinard.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Cardinal.
    Dans la même veine, l'an dernier, vous indiquiez au Comité que la partie VII de la Loi sur les langues officielles permettrait au fédéral de dépenser pour s'assurer que les communautés francophones en situation minoritaire ont accès à des fonds. Le Plan d'action pour les langues officielles 2018‑2023 repose là-dessus, par exemple.
    Si le fédéral concluait des ententes avec les institutions qui offrent des services aux communautés linguistiques en situation minoritaire, cela cadrerait-il avec sa mission?

  (1645)  

    Je vous remercie beaucoup de la question, madame Ashton. À bien des égards, elle est reliée à celle que vous avez posée à Mme Chouinard.
    La partie VII est précisée. Le terme « mesures positives » est précisé et désigne toute mesure qui peut contribuer à l'épanouissement des minorités linguistiques. Il faut aussi voir la partie VII en fonction d'un objectif pour aider les milieux minoritaires, notamment la francophonie canadienne. Le but est de mettre en place des institutions et des services gérés par et pour les francophones. Je pense que c'est la mesure qu'il faut utiliser pour bien déterminer si l'objectif sera atteint. Alors, si l'on concluait des ententes avec les institutions, le milieu universitaire et le milieu communautaire dans une optique de services gérés par et pour les francophones, ce serait vraiment très bien.
    Une fois que le projet de loi sera adopté, il faudra prendre des règlements. Pour ce qui est des clauses linguistiques, je pense qu'il faudrait plutôt donner des directives aux ministres qui négocient des ententes avec les provinces afin de s'assurer que ces clauses y sont inscrites. Il faudra que des directives très précises viennent du bureau du premier ministre.
    Pour ce qui est du Plan d'action, l'appui au développement des institutions des communautés est un élément qui ressort clairement des consultations. J'ai participé à des consultations et il y en a d'autres qui s'en viennent. Les communautés ont une idée très claire de ce qu'elles veulent en matière de services par et pour les communautés, et il faut leur faire confiance.
    On a parlé de programmes de bourses de mobilité étudiante, de programmes de bourses pancanadiennes pour les étudiants, de programmes de bourses pour les étudiants internationaux, et ainsi de suite. La liste est très longue et les besoins sont énormes. Lorsque le projet de loi sera adopté, il permettra de faire le prochain pas.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Chouinard.
    Vous avez dit que la politique d'immigration dans le projet de loi était incomplète. Pensez-vous qu'on devrait utiliser un langage plus fort pour avoir des cibles de rétablissement des communautés francophones?
    Par ailleurs, si les politiques échouent, c'est à cause de leur mise en œuvre ratée. Si le projet de loi va plus loin, on obligera le gouvernement à veiller à ce que ses politiques respectent la Loi, d'où l'importance d'utiliser un langage fort.
    Merci, madame Ashton.
    Je suis absolument d'accord avec vous. Ce qu'on veut ajouter à la partie VII au sujet de l'immigration va dans la bonne direction. Cependant, étant donné le manque d'action crasse depuis 20 ans dans le domaine de l'immigration, il faut que le projet de loi utilise un langage plus fort. Par ailleurs, le projet de loi devra être suivi de politiques qui devront être mises en œuvre. Ainsi, à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, on veillerait au grain de façon beaucoup plus assidue pour ce qui est de l'immigration francophone.
    Merci, madame Ashton.
    Mesdames Chouinard et Cardinal, merci beaucoup. Ce n'est pas la première fois que nous vous recevons. Comme chaque fois, vous nous avez fait part de vos connaissances avec passion.
    Comme je l'ai dit au début, notre réunion sera écourtée en raison des votes à la Chambre des communes. S'il y a de l'information que vous n'avez pas été en mesure de nous donner et que vous jugez pertinente, n'hésitez pas à l'envoyer à la greffière, qui nous la transmettra par la suite.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Nous n'avons pas discuté pour déterminer si nous allions poursuivre notre réunion jusqu'à 18 heures, contrairement à ce que nous avions fait dans les réunions précédentes.
    Vous soulevez un bon point.
    J'aurais dû préciser que, pour des raisons techniques, nous ne pourrons pas continuer la séance au-delà de 17 h 30 aujourd'hui. C'est impossible. C'est pour cela que nous avons écourté le temps alloué à chaque groupe de témoins et que c'est maintenant 40 minutes environ au lieu d'une heure.
    J'avais des questions pour Mme Cardinal, mais je ne pourrai pas les lui poser. Est-ce bien ce que vous me dites?
    Oui, c'est ce que je vous dis, malheureusement.
    Je remercie encore une fois les témoins.
    Nous allons suspendre la séance pour céder la place aux prochains intervenants.

  (1645)  


  (1650)  

    Nous reprenons la séance.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins que nous entendrons au cours de la prochaine heure.
    Nous recevons tout d'abord deux représentants de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario: son président, M. Carol Jolin, et son directeur général, M. Peter Hominuk. Nous recevons également M. Martin Théberge, président de la Société nationale de l'Acadie. Tous ces témoins comparaissent en personne, tandis que Mme Véronique Mallet, directrice générale de la Société nationale de l'Acadie, participe à la réunion de façon virtuelle.
    Comme d'habitude, chaque organisme aura un maximum de cinq minutes pour faire son allocution d'ouverture. Par la suite, les témoins vont pouvoir nous transmettre leurs connaissances en répondant aux questions des membres du Comité.
    Pour commencer, je donne la parole au président de l'Association de la francophonie de l'Ontario pour cinq minutes.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, bonjour. Je suis vraiment content de vous voir en personne.
    C'est avec plaisir que je me joins à vous alors que vous vous penchez sur le projet de loi C‑13. J'aimerais vous remercier d'avoir invité l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario, l'AFO, à témoigner dans le cadre de vos travaux. En tant qu'organisme porte-parole, nous représentons près de 744 000 Franco‑Ontariennes et Franco‑Ontariens.
    Je tiens à souligner que je suis accompagné du directeur général de l'AFO, M. Peter Hominuk.
    L'AFO a accueilli positivement le dépôt du projet de loi C‑13, le 1er mars dernier. La communauté franco‑ontarienne et ses partenaires des autres provinces et territoires travaillent depuis près de six ans à convaincre le gouvernement de l'importance de moderniser la Loi sur les langues officielles.
    Ce libellé contient des initiatives intéressantes pour notre communauté, comme le bilinguisme des juges de la Cour suprême, la révision de la Loi tous les 10 ans, comme c'est désormais le cas en Ontario, et l'enchâssement du Programme de contestation judiciaire.
    Alors que le Comité continue son étude de ce projet de loi qui est cher aux communautés francophones, j'aimerais profiter de l'occasion pour parler de l'importance de certaines propositions d'amendement provenant de la Fédération des communautés francophones et acadienne, la FCFA, que nous appuyons, qui répondent à des enjeux importants et que nous considérons comme nécessaires pour que le projet de loi ait le maximum d'impact une fois qu'il sera adopté.
    L'élément le plus important concerne le rôle du Conseil du Trésor comme agence centrale de coordination de la mise en œuvre de la Loi. Le deuxième élément porte sur l'importance du projet de loi C‑13 dans le développement des communautés franco-ontariennes, surtout lors des accords intergouvernementaux. Finalement, le troisième enjeu important est la politique en matière d'immigration francophone.
    Il y a dans la Loi un problème de fond qui persiste depuis 50 ans: Patrimoine canadien ne peut pas imposer des actions aux autres ministères de l'État. Nous encourageons fortement que le Conseil du Trésor soit désigné, dans le projet de loi, comme la seule agence centrale assurant la mise en œuvre de la Loi et qu'il centralise les pleins pouvoirs de coordination.
    Je veux être clair: nous ne voulons pas enlever le rôle politique que joue Patrimoine canadien ni réduire sa capacité d'élaborer et de gérer des programmes. Par contre, Patrimoine canadien ne peut pas, en raison de sa nature, veiller à une mise en œuvre cohérente de la Loi dans tous les autres ministères. Seule une agence centrale peut le faire efficacement.
    La question de l'intégration des clauses linguistiques est un autre élément qui mérite votre considération. Le projet de loi C‑13 tel qu'il est présenté n'oblige pas la négociation de clauses linguistiques dans les ententes fédérales-provinciales-territoriales. Ces clauses sont pourtant nécessaires pour assurer le respect des engagements fédéraux en matière de langues officielles lorsque des fonds sont remis aux provinces et aux territoires. Un récent exemple se trouve dans la négociation fédérale-provinciale au sujet des garderies. Nous ne savons toujours pas si le programme de garderies contient des clauses linguistiques. Un flou persiste à cet égard. Actuellement, la modernisation de la Loi donne au gouvernement l'occasion de renforcer la dualité linguistique et d'obliger la prise en compte de celle-ci lors des accords conclus avec les provinces et les territoires, un signe fort pour tous les francophones au Canada.
    Je vais conclure mon intervention en parlant du volet de l'immigration.
    L'immigration francophone est l'un des moteurs de la vitalité francophone en contexte minoritaire. Le projet de loi énonce que la politique en immigration doit inclure une cible et des mesures de reddition de comptes, mais n'en précise pas les objectifs.
    Comme vous le savez, la cible fédérale en matière d'immigration francophone est loin d'être atteinte, et ce, depuis de nombreuses années. Si la tendance se maintient, le gouvernement ne réussira pas à atteindre la cible prévue de 2023, ce qui continue de contribuer grandement au déclin du poids démographique de notre communauté.
    L'une des conséquences de ne pas atteindre les cibles est l'aggravation de la pénurie de la main-d'œuvre francophone et bilingue. Ce phénomène a des répercussions sur tous les secteurs, qu'il s'agisse du secteur privé, du secteur public ou des organismes sans but lucratif, par exemple. Il n'y a tout simplement pas assez de main-d'œuvre qualifiée pour servir les francophones. Pour pallier cette pénurie, l'immigration est essentielle, tout comme le continuum complet en éducation, de la petite enfance jusqu'à l'enseignement postsecondaire.
    Le projet de loi devrait préciser les objectifs de la politique en immigration francophone qu'elle propose dans la nouvelle forme de la Loi. De cette façon, la nouvelle Loi peut donner un nouveau souffle à nos communautés.
    Je vous remercie de votre attention. Je suis disposé à répondre à vos questions.

  (1655)  

    Merci, monsieur Jolin. Vous avez bien respecté votre temps de parole en prenant seulement 4 minutes 40 secondes.
    Je cède maintenant la parole pour cinq minutes à M. Théberge, de la Société nationale de l'Acadie, ou SNA.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de présenter la vision de la SNA concernant le projet de loi C‑13. Je ne me lancerai pas dans une longue présentation de notre organisme. Je me contenterai de préciser que la SNA est, depuis 1881, la porte-parole du peuple acadien, dont il défend les valeurs et les intérêts.
    Le projet de loi C‑13, visant à modifier la Loi sur les langues officielles, insiste sur l'importance de reconnaître le caractère unique de la situation du français au Canada, la recherche de l'égalité réelle entre le français et l'anglais et, finalement, la nécessité de développer des institutions fortes pour l'épanouissement du français au Canada. Selon nous, il convient donc de voir le développement des langues officielles de manière asymétrique afin de donner au français, qui se trouve à être plus vulnérable, les moyens nécessaires à son développement.
    Cela passe par une action forte et convenablement soutenue de la diplomatie civile de l'Acadie, qui est un important outil de développement de nos communautés.
    La diplomatie civile sert à notre renforcement identitaire. C'est lorsqu'il se voit représenté sur la scène internationale que le peuple acadien prend pleinement conscience du pays imaginé qui est le sien. Sans institutions étatiques propres, l'Acadie se révèle lorsque la SNA est présente dans un contexte international, à côté de chefs d'État; lorsque son drapeau flotte en France, en Belgique, en Louisiane ou en Suisse; lorsqu'elle a la tribune à l'Organisation internationale de la Francophonie ou à l'UNESCO. La fierté et le sens identitaire qui en découlent sont essentiels à l'engagement communautaire.
    L'action internationale de l'Acadie lui donne également une grande légitimité auprès des citoyens et de la majorité anglophone. Le Sommet de la Francophonie ou la visite de chefs d'État sont autant de preuves de l'attractivité de l'Acadie. Récemment, des ministres provinciaux ont accompagné la SNA en mission officielle en France. Ils ont eu l'occasion de rencontrer le président de la République française et certains de leurs homologues français, ce qui aurait été impensable en d'autres circonstances. Tout cela fait beaucoup pour valoriser l'Acadie dans sa propre région.
    Dans le contexte du Brexit, qui fait de la France la porte d'entrée en Europe, l'Acadie constitue aussi un partenaire de développement économique régional. Le consulat général de France dans les provinces atlantiques, né de la volonté de l'État français d'appuyer l'Acadie, fait beaucoup pour les partenariats entre entreprises françaises et canadiennes, qu'elles appartiennent à des francophones ou à des anglophones. L'établissement prochain d'une école française internationale dans la région atlantique est un autre exemple d'investissements importants qui reposent sur nos relations privilégiées avec la France.
    Enfin, la diplomatie civile est un vecteur promotionnel important pour l'Acadie. Notre Comité atlantique sur l'immigration francophone assure la promotion de l'Acadie comme terre d'accueil des immigrants issus de la Francophonie internationale. Cet outil est essentiel pour atteindre des cibles d'immigration francophone au Canada.
    Dans une même optique, notre Société de promotion des artistes acadiens sur la scène internationale permet à nos artistes de rayonner hors de nos frontières. Elle met aussi en lien producteurs, agents artistiques et directeurs de salles de spectacle de la Francophonie internationale.
    Enfin, l'Office de la mobilité internationale en Acadie propose aux jeunes francophones et francophiles un accompagnement dans un projet de mobilité internationale. À titre d'exemple, pour la seule année 2018‑2019, l'Office a permis d'accueillir deux jeunes stagiaires du Service civique français, tandis que deux Acadiens effectuaient un semestre d'étude en France et que deux autres faisaient un stage professionnel en Louisiane et en Belgique.
    Toutes ces actions structurantes relèvent de l'exploit, car elles sont actuellement menées avec plus d'enthousiasme et d'engagement individuel que de ressources financières. Cet état de fait empêche aussi la SNA de profiter de possibilités qui sont importantes à la fois pour le peuple acadien et pour le Canada.
    Dans le cadre du projet de loi C‑13, la SNA insiste donc sur le fait qu'il est important que le gouvernement canadien reconnaisse la spécificité de l'Acadie et de son porte-parole, la SNA, comme acteur privilégié de la diplomatie civile et qu'il lui donne les moyens de poursuivre son travail.
    Nous en sommes aux dernières étapes de rédaction de notre mémoire, et nous vous le ferons parvenir dès qu'il sera prêt. Cela dit, en guise de conclusion, permettez-moi de résumer clairement les recommandations qui s'y trouveront et qui découlent de ce que je viens de vous présenter.
    Nous recommandons donc que le gouvernement canadien reconnaisse la spécificité de l'Acadie comme acteur de la diplomatie civile, qu'il reconnaisse la Société nationale de l'Acadie comme porte-parole de la nation acadienne et donc porteuse de cette diplomatie civile, qu'il reconnaisse la relation privilégiée entre la France et l'Acadie, et qu'un appui adéquat accompagne cette reconnaissance.
    Nous recommandons aussi que le gouvernement du Canada élabore une stratégie de diplomatie civile de façon transversale, avec des acteurs de la société civile et du secteur gouvernemental dans de multiples domaines, tels que l'économie, la culture, l'éducation et l'immigration.
    En outre, nous recommandons que les actions de la société civile, comme la promotion des artistes acadiens, la mobilité des jeunes Acadiens et l'immigration francophone en Acadie, soient financées dans une optique nationale et internationale.
    Enfin, nous recommandons que le gouvernement appuie les initiatives de jumelages internationaux et la création de la Commission acadienne de coopération internationale.

  (1700)  

    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Théberge.
    C'est parfait, vous avez pris la parole pendant 4 minutes 59 secondes.
    Nous passons maintenant au premier tour de questions. Chaque formation politique aura six minutes pour poser des questions.
    Monsieur Lehoux, vous avez la parole pour six minutes.
    C'est M. Gourde qui prendra la parole.
    D'accord. Je suis désolé, je m'étais fié au document que j'ai ici.
    Monsieur Gourde, je vous avais presque oublié. Vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence. Leurs témoignages sont vraiment importants et ils vont contribuer grandement à l'élaboration de notre rapport.
    Monsieur Jolin, vous avez beaucoup parlé du Conseil du Trésor et de l'importance d'avoir une agence centrale. Pouvez-vous nous donner plus d'explications?
    Depuis une cinquantaine d'années, c'est Patrimoine canadien qui a la responsabilité de la mise en œuvre de la Loi. Cependant, Patrimoine canadien n'a pas de pouvoir sur les ministères. Patrimoine canadien fait son travail et fait des recommandations aux ministères, mais ceux-ci sont libres de mettre en œuvre les recommandations à 25, 50 ou 100 % ou de ne pas le faire du tout.
    Si on veut que ce projet de loi fasse avancer la cause de la francophonie, on a manifestement besoin d'un organisme qui a un pouvoir sur les ministères. Celui qui est le mieux placé dans ce cas, c'est le Conseil du Trésor, selon nous.
    Il ne s'agit pas de retirer à Patrimoine canadien tout le travail qu'il fait. Ce dernier continuerait de gérer ses programmes comme il le fait très bien depuis plusieurs années. Cependant, nous aimerions que le Conseil du Trésor soit le seul responsable de tout ce qui entoure la mise en œuvre de la Loi.
    Dans le texte actuel du projet de loi, il y a une rubrique où on laisse au Conseil du Trésor la possibilité de déléguer ses responsabilités. Il est primordial que cette rubrique ne fasse pas partie de la Loi, car il faut que le Conseil du Trésor s'occupe entièrement, à lui seul, de la coordination de la mise en œuvre de la Loi. Ainsi, les ministères devront respecter les recommandations et le travail qui est fait relativement à la Loi, contrairement à la situation que nous connaissons depuis un bon moment.

  (1705)  

    Vous avez parlé un peu de l'immigration au Canada. On fonde beaucoup d'espoir sur l'immigration pour faire augmenter le nombre de francophones au Canada. Par contre, nous savons tous que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration a beaucoup de difficulté à régler ses problèmes internes et que les délais d'attente sont excessivement longs.
    Fonde-t-on trop d'espoir sur notre système d'immigration? Faudra-t-il réformer le ministère au complet?
    Il y a énormément de travail à faire, à commencer par le projet de loi C‑13. Le projet de loi prévoit des cibles et il y est question de reddition de comptes, mais il ne contient pas d'objectifs. On ne sait pas comment le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration va s'y prendre.
    C'est un dossier extrêmement important. S'il y a une pénurie de personnel chez les anglophones, c'est encore pire du côté des francophones. En Ontario, on vient de faire une refonte de la Loi sur les services en français et on travaille à améliorer les services en français. On a cependant besoin de personnel pour offrir ces services. En ce moment, il est indéniable qu'on a besoin de beaucoup d'immigration francophone.
    Dernièrement, on entend dire que les étudiants internationaux ont de la difficulté à obtenir leur visa pour venir étudier au Canada. Mme Cardinal a parlé de plusieurs situations de ce genre. Il y a un seul bureau de visas, situé à Dakar, pour servir quelque 12 pays. Si on est sérieux en ce qui concerne l'immigration francophone, il faut tout d'abord ouvrir des bureaux de visas à plusieurs endroits en Afrique pour permettre aux gens de faire une demande. Une fois que ces étudiants sont arrivés ici, il faut faciliter leur accueil et leur offrir la possibilité de rester lorsqu'ils ont terminé leurs études. Actuellement, si les gens cochent la case du formulaire indiquant qu'ils veulent rester au Canada après leurs études, leur demande de visa est refusée. Il y a un problème quelque part et on doit le régler. Il faut faciliter l'immigration en s'assurant que les étudiants peuvent venir étudier au Canada et que, après l'obtention de leur diplôme, ils peuvent rester au Canada, préférablement en Ontario. Il faut aussi faciliter le processus d'obtention de la résidence permanente par la suite.
    J'ai une question courte pour vous, monsieur Jolin.
    La prochaine nomination d'un juge à la Cour suprême du Canada sera déterminante pour ce qui est de la volonté du gouvernement de donner suite au projet de loi C‑13. Par contre, historiquement, le gouvernement a souvent nommé des juges unilingues anglophones. Serait-il possible que le gouvernement fasse encore faire la même erreur?
    J'espère que cette erreur ne se reproduira pas. Dans son discours du Trône, le gouvernement s'est engagé envers la francophonie et il devra prendre des mesures pour y donner suite. Dans le projet de loi, il est question de la nomination de juges bilingues à la Cour suprême. Cela représente une autre occasion de le faire. J'espère, comme on le dit souvent, que les bottines vont suivre les babines.
    Le commissaire aux langues officielles...
    Il vous reste 20 secondes, monsieur Gourde.
    Dans ce cas, je remercie les témoins. C'était vraiment très intéressant.
    Je vais laisser les quelques secondes qu'il me reste à d'autres intervenants.
    Je suis désolé d'être un peu sévère, mais je veux que tout le monde ait au moins six minutes pour intervenir.
    Monsieur Drouin, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à souligner que j'ai la chance de représenter dans ma circonscription le meilleur directeur général d'une association francophone, M. Hominuk. Je le remercie de témoigner devant notre comité.
    Quant à M. Jolin, il est voisin de ma circonscription. Il fait du bon travail, lui aussi.
    On a longtemps parlé, dans la francophonie, du rôle du Conseil du Trésor. On a souvent dit que Patrimoine canadien prenait des mesures pour encourager le respect de la Loi sur les langues officielles, mais que ce n'était pas assez.
    Mme Cardinal a dit tantôt qu'il y avait des divergences d'opinions au sein de la francophonie. Certaines personnes pensent que le rôle du Conseil du Trésor doit être clairement défini de sorte qu'il ne délègue pas ses pouvoirs. J'aimerais juste donner quelques exemples où le Conseil du Trésor joue pleinement son rôle tout en déléguant des pouvoirs.
    On sait que le Conseil du Trésor n'ira pas consulter les communautés francophones; ce n'est pas son rôle. Par contre, c'est à lui d'indiquer aux ministères, par exemple Patrimoine canadien, le ministère des Finances ou le ministère de la Sécurité publique, qu'ils ont des responsabilités claires en la matière. Si le projet de loi C‑13 est adopté, il y aura délégation de pouvoirs, mais les ministères devront respecter les règles, s'ils veulent que leurs demandes de fonds soient approuvées par le Conseil du Trésor.
    Avez-vous eu la chance de discuter avec des experts qui ont travaillé au gouvernement pour connaître la différence entre le fait de donner l'entièreté des pouvoirs au Conseil du Trésor et le cas où on lui permettrait de déléguer des pouvoirs?

  (1710)  

    De notre côté, nous n'avons pas parlé à des experts qui travaillent dans ce domaine.
    Cependant, si je m'en tiens à la position de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, il est extrêmement important que les choses soient claires et que ce ne soit pas une loterie quant à savoir si cela se fera à moitié, se fera entièrement ou ne se fera pas du tout. Un autre gouvernement, par exemple, pourrait avoir une optique différente, ce qui nous ramènerait à la case départ.
    Selon la position de la FCFA, que nous partageons, la coordination de la mise en œuvre de la Loi devrait relever entièrement du Conseil du Trésor, et la rubrique où il est question de délégation de pouvoirs devrait être supprimée. Cela ne veut pas dire que le Conseil du Trésor ne pourra pas consulter les ministères, par exemple Patrimoine canadien, pour le travail qu'il y aura à faire, mais nous croyons fermement que c'est le Conseil du Trésor qui doit être l'agence centrale.
    Je rencontre les mêmes gens que vous. J'ai de l'expérience en approvisionnement; j'en ai fait une spécialité pendant quasiment 10 ans. Le Conseil du Trésor établit la politique d'approvisionnement, mais il ne s'occupe pas d'approvisionnement à proprement parler. Par ailleurs, il a la responsabilité des ressources humaines, mais il ne s'occupe pas lui-même des ressources humaines autres que les siennes. Il va déléguer cette responsabilité aux ministères, mais ces derniers doivent respecter la politique. S'ils ne la respectent pas, il leur rappellera qu'ils n'ont pas fait leurs devoirs et que, par conséquent, il n'approuvera pas le financement qu'ils demandent.
    Nous partageons le même objectif, mais la façon que nous privilégions pour l'atteindre est peut-être différente. Dans votre témoignage, vous avez dit clairement que Patrimoine canadien doit continuer à jouer son rôle au sein des communautés, étant donné que c'est lui qui a cette expérience. En principe, le Conseil du Trésor déléguerait son pouvoir à Patrimoine canadien et lui demanderait de continuer son travail, puisque c'est lui qui a de l'expérience dans la consultation des communautés francophones ou anglophones en situation minoritaire.
    C'est important. Le projet de loi C‑13 ne sera pas réglé demain matin, mais ce sera à l'automne. Nous le savons maintenant et je le dis publiquement. Quand vous et moi ne serons plus ici, il faut que les gens comprennent les prochaines modifications qui seront apportées à la Loi sur les langues officielles.
    Vous parlez du Conseil du Trésor et de son pouvoir en matière de financement. Pour notre part, nous parlons d'apporter des modifications au projet de loi C‑13 pour que le Conseil du Trésor assure la coordination de la mise en œuvre de la Loi. Si le Conseil du Trésor possède ce pouvoir, pourquoi ne s'en est-il pas servi davantage en 50 ans?
    Avant, il pouvait le faire; maintenant, il devra le faire. C'est cela, la différence.
    Oui, d'accord.
    Pour ma part, je vois toujours la coordination comme étant l'élément important. Il faut déléguer le moins possible de responsabilités. Nous savons ce que le mot « délégation » implique. La crainte que nous avons, étant donné que des changements de gouvernement surviennent régulièrement, c'est qu'un nouveau gouvernement décide que le Conseil du Trésor devra déléguer un peu plus aux différents ministères toute la responsabilité de la mise en œuvre de la Loi. Ainsi, nous nous retrouverions dans une situation où les ministères pourraient bien faire ce qui leur chante.

  (1715)  

    Au sujet de l'immigration, vous avez dit dans votre communauté que, si le fédéral n'est pas capable d'atteindre ses cibles, vous en confiez la responsabilité aux provinces, qui ont leur propre programme. Êtes-vous toujours d'accord sur cela? Je suis d'accord sur cela aussi. Peu importe qui le fait, l'important, c'est que l'objectif soit atteint.
    C'est exactement cela. L'objectif, c'est d'augmenter les niveaux d'immigration francophone. Les moyens d'y parvenir peuvent varier.
    Merci, monsieur Jolin.
    Je cède maintenant la parole à M. Beaulieu pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Jolin, vous considérez comme essentiel que le Conseil du Trésor soit l'agence centrale. Tantôt, Mme Cardinal a dit ne pas être d'accord sur cela. Comprenez-vous un peu les objections? Pourquoi faudrait-il maintenir cette position?
    Il s'agit de l'opinion d'une experte dans le domaine.
    Pour notre part, nous avons travaillé en étroite collaboration avec des gens très ferrés en matière de langues officielles et qui connaissent très bien le projet de loi afin de préparer le document qui a été présenté par la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. La position qui a été choisie et que des gens extrêmement compétents nous ont conseillé de prendre, c'est de s'assurer que la mise en œuvre de la Loi est confiée entièrement au Conseil du Trésor.
    De toute façon, ce que l'on constate après 50 ans d'existence de la Loi sur les langues officielles, c'est que le taux d'assimilation des francophones augmente un peu à chaque recensement. Cela a cependant été moins flagrant en Ontario au dernier recensement, alors que la situation était à peu près stable. Quoi qu'il en soit, il faut un changement, sinon la tendance est évidente: la situation du français est en déclin partout. Il faut donc un changement majeur.
    Cela m'amène à M. Théberge, de la Société nationale de l'Acadie, au Nouveau‑Brunswick.
    Vous avez dit être d'accord sur une approche asymétrique. Cela me fait plaisir de l'entendre. Le Québec revendique cela depuis toujours.
    Comment cette approche s'appliquerait-elle en Acadie? Par exemple, une des demandes du gouvernement du Québec vise les institutions fédérales et prône une compatibilité avec les objectifs de la Charte de la langue française. Même dans les institutions fédérales, le français devrait prédominer. Dans les sociétés de compétence fédérale, il faudrait s'assurer que les administrateurs comprennent le français.
    Qu'en pensez-vous?
    Permettez-moi de corriger le tir: la Société nationale de l'Acadie représente les quatre provinces atlantiques, et pas seulement le Nouveau‑Brunswick.
    Pour ce qui est de votre question, je suis loin d'être un expert du Québec. Dans notre cas, par contre, quand nous parlons d'asymétrie, cela demande une reconnaissance régionale. Il faut reconnaître le peuple acadien, ses besoins et ses particularités. C'est pour cela qu'il est important pour nous d'avoir une approche asymétrique.
    Au-delà de tout cela, il faut reconnaître que nous avons besoin de cette nouvelle loi. Nous avons besoin de l'adopter. Nous remarquons des retards, nous prenons note de tout ce qui est en train de se passer et cela nous désole. Selon nous, chaque journée de retard est une journée où on accepte un recul, parce que c'est ce qui est en train de se passer. Selon nous, il faut aller de l'avant.
    Quand nous parlons d'asymétrie, pour nous, c'est une reconnaissance de l'Acadie et de ses particularités.
    Par exemple, dans ses demandes, le Québec dit qu'il faut une approche différenciée, car les anglophones du Québec ont des besoins différents de ceux des minorités francophones hors Québec. Je ne sais pas comment vous voyez cela. Je sais que, par le passé, il y a eu des alliances.
    Ma question s'adresse peut-être davantage à M. Jolin.
    Récemment, un article posait la question suivante: est-ce que le fédéral devrait séparer les Anglo-Québécois des minorités francophones? Selon moi, la question aurait dû être: est-ce que le fédéral devrait cesser de séparer les Anglo-Québécois des francophones en général?

  (1720)  

    Je peux reconnaître que les besoins varient selon l'endroit où l'on se trouve au Canada. Reconnaître les besoins différents du Québec ne me pose pas problème, mais, comme je le disais tout à l'heure, il faut reconnaître que l'Acadie a des particularités.
    Nous avons déjà des ententes avec la Fédération Wallonie‑Bruxelles et la France. Nous étions en France, en novembre dernier, où nous avons rencontré le président Macron. C'est la preuve qu'on reconnaît la spécificité de la communauté acadienne. On reconnaît que son histoire et son développement sont un peu différents. Nous avons un consulat général de France dans les provinces atlantiques, et c'est aussi là une spécificité, d'une certaine façon, car cela nous permet d'obtenir des résultats différents. Cela se passe dans la complémentarité.
    Nous avons également une entente avec le Québec, qui reconnaît la nation québécoise et la nation acadienne. Nous voulons aller dans cette direction.
    Je suis tout à fait d'accord là-dessus. Je considère que les Acadiens forment un peuple, une nation, et qu'ils devraient par conséquent être représentés à l'échelle internationale.
    J'aimerais revenir un peu sur l'immigration francophone. Des chercheurs ont observé chez les immigrants francophones en Ontario ou ailleurs à l'extérieur du Québec, voire chez les Québécois qui s'établissent à l'extérieur du Québec, une tendance à l'assimilation semblable à celle observée chez l'ensemble des francophones.
    D'après vous, comment pourrions-nous contrer cette tendance?
     D'abord, nous avons des communautés francophones pratiquement partout en Ontario. Il s'agit de communautés fortes. Nous investissons beaucoup d'efforts dans l'accueil des immigrants. À cet égard, nous avons trois communautés accueillantes et nous veillons à ce que les immigrants se sentent bien dans nos communautés et qu'ils puissent y trouver du travail et prospérer.
    Évidemment, les organisations doivent recevoir du financement pour être en mesure de faire ce travail du mieux qu'elles le peuvent. Elles le font déjà, mais les besoins sont énormes, et ce, partout dans la province.
    Merci, monsieur Jolin.
    La dernière période d'intervention de six minutes revient à la formation néo‑démocrate.
    Madame Ashton, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à M. Théberge.
    Lors d'un témoignage que vous avez livré plus tôt cette année, vous avez parlé de l'importance pour le Canada de se doter d'une politique d'immigration francophone. Cette politique sera maintenant encadrée par la Loi sur les langues officielles. C'est une demande que l'ancienne présidente de la SNA avait également soumise au Comité au cours de la dernière législature.
    Par ailleurs, la FCFA propose d'amender les libellés proposés dans le projet de loi entourant cette politique, de sorte que nous nous dotions d'une politique qui rétablirait le poids démographique des francophones au Canada.
    Croyez-vous que nous devrions redresser la situation, après des décennies d'échecs, soit depuis que le Canada s'est doté d'une première politique d'immigration, et rétablir le poids démographique de 2001 des francophones hors Québec?
    La réponse courte est oui, absolument, à 100 %.
    La réponse un peu moins courte, c'est que non seulement il faut rétablir le poids démographique des francophones, mais cela ne doit pas se faire en vase clos. On ne peut pas aborder l'immigration en parlant seulement d'immigration. Il faut aussi parler de diplomatie, d'éducation ainsi que des besoins et des particularités des régions.
    Donc, oui, il faut une stratégie visant à rétablir le poids politique, mais elle ne doit pas être conçue indépendamment de tout ce qui se fait déjà.
    Je vous remercie.
    Ma prochaine question, qui est dans le même ordre d'idées, est destinée à M. Jolin.
    Lors de votre témoignage dans le cadre de notre étude sur l'immigration francophone, vous avez souligné que la politique d'immigration devait être précisée en ce sens.
    Croyez-vous qu'on devrait déterminer des cibles claires pour rétablir le poids démographique?
    On a effectivement besoin de cibles pour le rétablir. À l'heure actuelle, et c'est ainsi depuis que nous nous sommes donné une cible, notre poids démographique est en décroissance. Du côté de l'Ontario, il y a une centaine d'années, 10 % de la population était francophone. Aujourd'hui, cette proportion est inférieure à 5 % et continue de décroître.
    Un coup de barre est donc nécessaire. On ne peut pas continuer d'avoir un taux d'immigration francophone de 2 % ou 2,1 % par année en Ontario. À ce rythme, notre poids démographique continuera à diminuer, et ce seront ensuite nos services qui seront menacés, car on dira que nous n'avons plus la masse critique nécessaire pour justifier la prestation de ces services. Pour assurer la pérennité de la communauté francophone, non seulement il faut s'assurer d'atteindre les cibles, mais il faut maintenant les dépasser, pour être en mesure de rattraper ce qui a été perdu depuis une dizaine d'années.

  (1725)  

    Monsieur Jolin, j'aimerais aborder un autre thème avec vous.
    Premièrement, j'aimerais vous féliciter d'avoir donné l'exemple de la négociation fédérale-provinciale au sujet des garderies pour illustrer l'importance des clauses linguistiques et la nécessité d'apporter des améliorations au projet de loi C‑13 à cet égard. C'est quelque chose que nous avons entendu à plusieurs reprises lors des réunions du Comité. J'en ai aussi parlé en m'appuyant sur la réalité de la communauté francophone de chez nous.
    Nous savons que, pour les communautés francophones, l'offre de services en français est un combat de tous les instants. Le long combat pour la survie de l'Hôpital Montfort en est un exemple.
    Si les ententes provinciales-fédérales comportaient des clauses linguistiques, pensez-vous que cela aiderait les communautés francophones de l'Ontario et d'ailleurs à obtenir des services en français?
    Effectivement, cela aiderait à avoir des services en français.
    D'abord et avant tout, lorsque le gouvernement fédéral accorde de l'argent à une province pour les langues officielles, celle-ci devrait avoir l'obligation d'offrir des services ou des programmes dans les deux langues officielles. C'est essentiel. Cela permettrait évidemment à la communauté de recevoir des services.
    Or, c'est un peu un cercle vicieux: on veut avoir des services, mais il faut s'assurer qu'on a des gens pour les donner. Donc, le problème à régler pour améliorer les services en français n'est pas circonscrit à un seul enjeu. C'est vraiment quelque chose de multidimensionnel.
    S'il y avait des clauses linguistiques, le gouvernement n'aurait pas le choix de s'assurer que le travail est fait dans les deux langues, et si le gouvernement ne voulait pas aller de l'avant, il y aurait possibilité de travailler avec la communauté francophone pour s'assurer de la mise en œuvre de ces programmes. C'est ce que nous mentionnons dans notre document.
    Je vous pose rapidement une dernière question.
    Lorsque vous êtes venu témoigner au printemps de l'année dernière, vous avez suggéré que la modernisation de la Loi sur les langues officielles devrait inclure une reddition de comptes, pour s'assurer que les montants investis par le fédéral dans l'enseignement postsecondaire en français servent bien à l'enseignement en français. Ces commentaires faisaient référence à tout ce qui s'était passé à l'Université Laurentienne.
    La FCFA a fait des propositions d'amendement qui incluent des clauses francophones. Pensez-vous que cela ferait partie de la solution?
    C'est un élément important. Dans le cas de la situation survenue à l'Université Laurentienne, il est très difficile de savoir où sont allées les sommes investies par le gouvernement fédéral dans les services et les programmes en français. Nous espérons recevoir des précisions lorsque la vérificatrice générale publiera son rapport. En effet, nous l'avons rencontrée et nous lui avons demandé de jeter un coup d'œil sur l'argent accordé par le fédéral pour les programmes et les services en français à l'Université Laurentienne. Nous avons bien hâte de voir son rapport. La communauté à Sudbury a de sérieux doutes quant à l'utilisation de ces sommes.
    Merci, monsieur Jolin.
    Merci, madame Ashton.
    Aux témoins que nous avons reçus aujourd'hui de l'AFO et de la...
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Étant donné que les témoins de l'AFO et de la SNA ont passé seulement une demi-heure avec nous, j'aimerais que le Comité envisage la possibilité de les réinviter, parce que ce sont des témoins importants. Nous l'avons déjà fait pour d'autres témoins.
    Effectivement, ce sont des témoins importants.
    Cela dit, chers témoins, comme je l'ai mentionné aux membres du premier groupe de témoins, si vous pensez à d'autres informations qu'il serait nécessaire de nous faire connaître pour bien étayer vos suggestions, n'hésitez pas à les envoyer à notre greffière, qui les fera parvenir à tous les membres du Comité.
    Je vous remercie encore une fois de votre présence. Ce n'est pas votre première visite au Comité permanent des langues officielles, mais il est toujours très plaisant de vous recevoir et d'entendre ce que vous avez à nous dire.
    La séance est levée.
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