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RNNR Rapport du Comité

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Une Étude des Plans de Réduction de Méthane : Révision du Programme côtier et infracôtier du Fonds de réduction des émissions

Introduction

Les 31 janvier et 2 février 2022, le Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes (le Comité) a étudié le Programme côtier et infracôtier du Fonds de réduction des émissions (FRE), conformément à la motion suivante :

Que, conformément à l’article 108(2) du Règlement, avant le 15 février 2022, le Comité entreprenne une étude de deux séances sur le développement et la mise en œuvre du Fonds de réduction des émissions — Programme côtier et infracôtier, en se concentrant sur la méthode de mesure des gaz à effet de serre; que le Comité invite le ministre des Ressources naturelles, le commissaire à l’environnement et au développement durable, des experts et des intervenants; que le Comité fasse des recommandations sur l’avenir du Programme; et que le Comité présente ses conclusions à la Chambre.

Au cours de son étude, le Comité a entendu divers témoins, dont le commissaire à l’environnement et au développement durable et le ministre des Ressources naturelles. Le Comité tient d’ailleurs à remercier tous les témoins pour leur contribution, et est heureux de présenter son rapport final.

Émissions de méthane

L’étude a porté sur un programme du gouvernement fédéral, à savoir le Programme côtier et extracôtier du FRE, destiné à aider le secteur pétrolier et gazier canadien à réduire ses émissions de méthane[1]. Le méthane est un puissant gaz à effet de serre (GES)[2] qui persiste dans l’atmosphère moins longtemps que le dioxyde de carbone (CO2), mais qui absorbe beaucoup plus de chaleur. Cela signifie qu’à quantités égales, le méthane contribuera davantage au réchauffement planétaire que le CO2[3].

Le secteur pétrolier et gazier est la plus grande source d’émissions de méthane au Canada[4]. Les opérations pétrolières et gazières émettent du méthane de plusieurs façons[5] :

  • par des fuites accidentelles. Ces fuites, parfois appelées « émissions fugitives[6] », se produisent à différentes étapes des opérations pétrolières et gazières. Les émissions peuvent provenir des têtes de puits, des équipements, des pipelines et des installations de stockage;
  • par l’« évacuation » (ou la ventilation), qui est le rejet contrôlé de gaz imbrûlés directement dans l’atmosphère. Les exploitants évacuent les gaz à différentes étapes, notamment lors de l’achèvement des puits de pétrole ou de gaz et durant l’entretien des puits, des équipements ou des pipelines;
  • par le brûlage ou « torchage » du gaz naturel excédentaire. Le torchage transforme la majeure partie du gaz naturel en d’autres GES, mais dégage toujours de petites quantités de méthane;
  • par d’autres types d’utilisation des combustibles, généralement lorsque le gaz naturel est utilisé pour produire de la chaleur ou de l’électricité.

Les émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier canadien ont diminué de 4 % entre 1990 et 2020. Cependant, les données de 2020 ne représentent pas nécessairement la tendance générale des émissions du secteur. Par exemple, les émissions de méthane ont augmenté de 42 %, entre 1990 et 2019, avant de chuter en 2020. La production canadienne de pétrole et de gaz a également augmenté entre 1990 et 2019 avant de diminuer en 2020, comme nous le décrivons plus loin dans le présent rapport. Comme explique Environnement et changement climatique Canada (ECCC), 2020 coïncidé avec la première année de la pandémie de COVID-19 « qui a fortement touché un large éventail de secteurs économiques, y compris les secteurs de l'énergie et des transports ».

Les émissions de méthane représentent une part décroissante, mais significative, des émissions totales de GES du secteur. En 2020, la proportion de méthane dans les émissions de ce secteur était d’environ 20 %, comparativement à 35 % en 1990[7], et la plupart de ces émissions étaient dues à de l’évacuation et à des fuites.

La figure 1 montre les émissions de méthane et de GES du secteur pétrolier et gazier au fil des ans. La figure 2 présente une ventilation des émissions de méthane du secteur en 2020. Il convient de noter que ces chiffres portent sur l’ensemble du secteur pétrolier et gazier, alors que le Programme côtier et extracôtier du FRE ne s’applique qu’à la production et le traitement du pétrole et du gaz classiques. Le Programme ne s’applique pas aux opérations « non-classiques », tels que les sables bitumineux.

Figure 1 — Émissions de gaz à effet de serre du secteur pétrolier et gazier canadien, 1990–2020 (Mt d’éq. CO2)

Les émissions totales de gaz à effet de serre provenant du secteur pétrolier et gazier au Canada ont augmenté de 74 % entre 1990 et 2020, tandis que les émissions de méthane ont diminué de 4 %. Les émissions ont augmenté de façon constante entre 1990 et 2019, avant de diminuer entre 2019 et 2020.

Note :     « Mt d’éq. CO2 » signifie mégatonnes d’équivalent de dioxyde de carbone. L’éq. CO2 est une mesure qui exprime le potentiel de réchauffement de différents gaz à effet de serre en termes de dioxyde de carbone.

Source : Figure préparée par le Comité à partir de données fournies par Environnement et Changement climatique Canada.

Figure 2 — Émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier canadien, 2020

La production et le traitement du gaz naturel représentent la plus grande source d’émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier, soit 37 % des émissions. La part de la production de pétrole léger classique dans les émissions est de 33 %, tandis qu’elle est de 10 % pour la production de pétrole lourd classique ainsi que pour le transport et de la distribution de gaz naturel; les sables bitumineux représentent 9 % des émissions et les autres émissions, le 1 % restant.

Note :     « Autres » comprend les activités suivantes : exploitation pétrolière extracôtière et de l’Arctique, raffinage du pétrole et transport du pétrole.

Source : Figure préparée par le Comité à partir de données fournies par Environnement et Changement climatique Canada.

Entre 1990 et 2020, la production de pétrole brut a connu une augmentation d’environ 169 %, et celle de gaz naturel, d’environ 58 %. La figure 3 illustre ces augmentations. La figure montre également que la production de pétrole et de gaz a diminué entre 2019 et 2020, principalement en raison des effets de la pandémie de COVID-19.

Figure 3 — Production de pétrole et de gaz au Canada, de 1990 à 2020

La production de pétrole brut léger, moyen et lourd a diminué légèrement, entre 1990 et 2020, tandis que celle des sables bitumineux a fortement augmenté. La production de gaz naturel a été variable dans le temps, mais elle a aussi augmenté de manière globale.

Sources :   Figure préparée par le Comité à partir de données fournies par Environnement et Changement climatique Canada; Statistique Canada, Approvisionnement et utilisation du pétrole brut et équivalent, tableau 25-10-0063-01, base de données consultée le 25 mai 2022; et Statistique Canada, Pétrole brut et équivalents, approvisionnement et utilisation, mensuel (x 1 000), tableau 25-10-0014-01, base de données consultée le 25 mai 2022.

Pendant ce temps, il y a eu une évolution des émissions de méthane par baril dans le secteur. La figure 4 montre cette évolution. Elle indique les émissions de méthane produites par baril — ou équivalent — de pétrole et de gaz, ainsi que l’intensité globale des émissions de chaque produit.

Figure 4 — Intensité des émissions de certains produits pétroliers et gaziers au Canada, de 1990 à 2020 (kg d’éq. CO2/baril d’équivalent pétrole)

L’intensité des émissions des différents produits pétroliers et gaziers a diminué, entre 1990 et 2020. Pour le pétrole léger, l’intensité globale a baissé de 2 % et l’intensité des émissions de méthane a diminué de 4 %. Pour le pétrole lourd, l’intensité globale a baissé de 39 % et l’intensité des émissions de méthane a diminué de 56 %. Pour les sables bitumineux, l’intensité globale a baissé de 33 % et l’intensité des émissions de méthane a diminué de 76 %. Pour le gaz naturel, l’intensité globale a baissé de 11 % et l’intensité des émissions de méthane a diminué de 27 %.

Notes :   L’intensité des émissions pour le pétrole léger inclut le pétrole extracôtier et de l’Arctique.

L’intensité globale de la production de pétrole canadien a augmenté légèrement principalement à cause d’un accroissement de la production de sable bitumineux.

Source : Figure préparée par le Comité à partir de données fournies par Environnement et Changement climatique Canada.

Règlement fédéral sur le méthane

Le principal outil dont dispose le gouvernement fédéral pour réduire les émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier est le Règlement sur la réduction des rejets de méthane et de certains composés organiques volatils (secteur du pétrole et du gaz en amont) (le Règlement fédéral sur le méthane). Ce Règlement, dont le contrôle d’application relève d’ECCC, fixe des normes d’exploitation et d’entretien pour les installations pétrolières et gazières en amont. Il vise principalement à réduire les émissions dues à l’évacuation et aux fuites.

La première version du Règlement fédéral sur le méthane est entrée en vigueur le 1er janvier 2020; son but est de permettre au Canada de respecter son engagement de réduire de 40 à 45 % les émissions de méthane par rapport aux niveaux de 2012 d’ici 2025. Un règlement fédéral sur le méthane plus strict entrera en vigueur le 1er janvier 2023. Ce règlement actualisé visera à permettre au Canada d’atteindre un objectif plus ambitieux de réduction des émissions de méthane, soit d’au moins 75 % par rapport aux niveaux de 2012 d’ici 2030[8].

En 2020, les gouvernements de l’Alberta, de la Colombie‑Britannique et de la Saskatchewan ont signé des accords d’équivalence avec le gouvernement fédéral afin de remplacer la version actuelle du Règlement fédéral sur le méthane par leur propre règlement pour parvenir à des réductions équivalentes. Ces accords permettent aux règlements provinciaux de remplacer le Règlement fédéral pour une période maximale de cinq ans[9].

Le Programme côtier et infracôtier du Fonds de réduction des émissions

Le Programme

En octobre 2020, le gouvernement fédéral a lancé le FRE, doté d’une enveloppe 750 millions de dollars, dans le cadre du Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19. Comme l’a expliqué l’honorable Jonathan Wilkinson, ministre des Ressources naturelles :

En 2020, en raison de la pandémie de COVID‑19, les prix historiquement bas dans le secteur pétrolier et gazier ont généré des pressions financières importantes et menacé des dizaines de milliers d’emplois. Le Fonds de réduction des émissions a été conçu comme un programme d’urgence ciblé lié à la COVID qui avait deux objectifs : maintenir des emplois pour les travailleurs du pétrole et du gaz au Canada à un moment où le prix du pétrole était historiquement bas, et soutenir la poursuite des efforts de réduction des émissions de méthane à un moment où elle n’était pas une priorité des entreprises en grande difficulté financière.

Pendant la durée du Programme, les prix du pétrole ont évolué, comme l’illustre la figure 5.

Figure 5 — Calendrier du Programme et prix de référence du pétrole, de janvier 2020 à février 2022 ($ US/baril)

Depuis l’annonce initiale du Fonds de réduction des émissions, le prix des produits pétroliers de référence a augmenté.

Note :     West Texas Intermediate est la principale référence pour le pétrole brut en Amérique du Nord. Western Canadian Select est la principale référence pour le pétrole brut de l’Ouest canadien.

Source : Figure préparée par le Comité à partir de données fournies par le gouvernement de l’Alberta, Prix du pétrole [disponible en anglais seulement].

Géré par Ressources naturelles Canada (RNCan), le Programme est divisé en deux volets : un programme côtier et un programme infracôtier. Tel que conçu à l’origine, le Programme côtier et infracôtier du FRE offre jusqu’à 675 millions de dollars de financement sous forme de prêts sans intérêt remboursables ou partiellement remboursables pour aider les entreprises d’exploitation de pétrole et de gaz terrestres[10] à réaliser des projets permettant de réduire ou d’éliminer l’évacuation intentionnelle de méthane.

Conception

Le Programme côtier et extracôtier du FRE prévoyait trois périodes d’inscription afin que les compagnies pétrolières et gazières soumettent des projets pour obtenir du financement. Les deux premières périodes d’inscription étaient terminées au moment de l’étude. RNCan a apporté plusieurs changements au Programme pour la troisième période d’inscription, ouverte du 19 janvier 2022 au 31 mars 2022.

Pour les deux premières périodes d’inscription, le Programme finançait des projets destinés à réduire ou à éliminer les évacuations systématiques; voici en quoi devaient consister ces projets[11] :

  • l’incinération ou le torchage du gaz naturel qui était auparavant évacué intentionnellement dans l’atmosphère; ou
  • une réduction du volume de gaz naturel évacué intentionnellement dans l’atmosphère par des appareils pneumatiques.

Pour la troisième période d’inscription, le Programme finançait uniquement les projets destinés à éliminer complètement les émissions de GES provenant de certaines sources, comme les têtes de puits, les réservoirs de stockage et les appareils pneumatiques; voici en quoi devaient consister ces projets, par exemple[12] :

  • la conservation du gaz naturel évacué et son utilisation comme combustible sur place, ou la récupération et le traitement du gaz en vue d’une utilisation hors site;
  • la création de nouvelles infrastructures ou la modernisation d’infrastructures existantes servant à récupérer et à traiter le gaz naturel pour le conserver et l’utiliser hors site; et/ou
  • l’installation de nouvelles infrastructures pour éliminer l’utilisation et l’évacuation intentionnelle dans l’atmosphère de gaz naturel comprimé à partir d’appareils pneumatiques.

Résultats

D’après les données les plus récentes de RNCan, au cours des deux premières périodes d’inscription, 28 entreprises ayant présenté en tout 93 projets en Alberta, en Colombie‑Britannique, au Manitoba et en Saskatchewan ont reçu 143 millions de dollars au titre du Programme côtier et infracôtier du FRE. Le ministère a déclaré que ces projets ont permis de réduire de 4,7 mégatonnes (Mt) d’équivalent de dioxyde de carbone (éq. CO2) au cours de la première année du Programme. Le ministre des Ressources naturelles a dit pour sa part que cette réduction « équivaut à retirer un million de voitures de la route ».

Le ministère a indiqué que 98 % de ces réductions d’émissions étaient attribuables à des projets qui visaient à éliminer complètement les émissions de méthane de sources ciblées — plutôt qu’à simplement les réduire. Toutefois, comme décrit dans les prochaines sections du présent rapport, certains témoins, dont le commissaire à l’environnement et au développement durable, remettent en question ces chiffres.

Étude de cas : Un projet financé par le Programme côtier et infracôtier du Fonds de réduction des émissions

Le Comité a entendu le représentant d’une entreprise qui a reçu du financement dans le cadre du Programme côtier et infracôtier du FRE.

Patrick Kitchin, directeur, Viabilité de la réglementation et durabilité de l’environnement, chez Whitecap Resources Inc., a expliqué que son entreprise avait acquis récemment la société Highrock Resources, qui avait obtenu 1,4 million de dollars pour un projet d’élimination d’émissions à l’issue de la deuxième période d’inscription au Programme côtier et infracôtier du FRE. Le projet a été réalisé dans le sud-est de la Saskatchewan.

Selon le témoignage de M. Kitchin, ce projet :

  • a permis de construire un pipeline de 10 kilomètres pour transporter du gaz qui était auparavant brûlé à la torche, afin de le traiter et de le vendre;
  • a profité à 19 entreprises de services aux différentes étapes du projet, depuis l’ingénierie jusqu’à la construction;
  • a permis d’éliminer quelque 36 500 tonnes d’éq. CO2 au cours de ses 12 premiers mois d’exécution;
  • a surpassé les exigences minimales de la réglementation sur le méthane de la Saskatchewan;
  • n’aurait jamais pu être réalisé sans les fonds du Programme côtier et infracôtier du FRE.

Source : Tableau préparé par le Comité à partir de déclarations faites devant le Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes, Témoignages, 2 février 2022, 1645 (Patrick Kitchin, directeur, Viabilité de la réglementation et durabilité de l’environnement, Whitecap Resources Inc.).

Rapport du commissaire à l’environnement et au développement durable

Le commissaire à l’environnement et au développement durable (CEDD ou le commissaire) a réalisé un audit de la première période d’inscription au Programme côtier et infracôtier du FRE, et il a publié ses conclusions dans le Rapport 4 — Fonds de réduction des émissions — Ressources naturelles Canada. Dans son témoignage devant le Comité, le CEDD Jerry V. DeMarco a indiqué que l’audit visait à déterminer « si Ressources naturelles Canada avait conçu et mis en œuvre le Programme côtier et infracôtier de manière à optimiser les ressources engagées et à garantir que les réductions d’émissions de gaz à effet de serre attendues après 2023 sont crédibles et durables ». Comme l’a dit le CEDD, l’audit a conclu que, dans l’ensemble, le ministère n’avait pas conçu le Programme de manière à atteindre ces objectifs.

Le CEDD a exposé quelques‑unes des principales constatations qui sous-tendent les conclusions du rapport, comme nous le verrons dans les prochaines sections. Il a fait remarquer que sur les six recommandations formulées dans son rapport, le ministère en a accepté quatre entièrement et deux partiellement.

Mandat du commissaire à l’environnement et au développement durable, et informations sur les audits de performance

Au nom du vérificateur général du Canada, le commissaire à l’environnement et au développement durable fournit aux parlementaires des analyses et des recommandations indépendantes sur les efforts déployés par le gouvernement fédéral pour protéger l’environnement et favoriser le développement durable.

Le commissaire effectue des audits de performance et est responsable :

  • de la surveillance des stratégies de développement durable des ministères fédéraux;
  • de la supervision du processus des pétitions en matière d’environnement;
  • de l’audit de la gestion, par le gouvernement fédéral, des questions liées à l’environnement et au développement durable.

Les audits de performance répondent aux questions suivantes :

  • Les programmes gouvernementaux sont-ils gérés de manière à accorder toute l’importance voulue à l’économie, à l’efficience et aux effets sur l’environnement?
  • Le gouvernement dispose-t-il de moyens pour mesurer l’efficacité de ses programmes?

Les audits de performance ne remettent pas en question le bien-fondé des politiques du gouvernement. Ils servent plutôt à examiner plutôt les méthodes de gestion, les contrôles et les mécanismes de rapport du gouvernement à la lumière des politiques régissant l’administration publique et les pratiques exemplaires.

Source : Bureau du vérificateur général du Canada (BVG), « Le commissaire à l’environnement et au développement durable », Qui nous sommes; et BVG, « 1. Introduction aux audits de performance », Description des attentes — Le processus d’audit de performance — Guide à l’intention des entités auditées.

Principes de comptabilisation des gaz à effet de serre

Dans son rapport, le commissaire a souligné certains concepts et principes de comptabilisation qui, selon lui, n’ont pas été appliqués par RNCan lors de la conception du Programme côtier et infracôtier du FRE, et qui ont conduit le ministère à surestimer ce que le programme permettrait de réaliser. Le témoignage du commissaire devant le Comité s’est concentré sur trois de ces principes : l’additionnalité, l’exhaustivité et l’utilisation de scénarios de référence pour calculer les réductions d’émissions.

L’additionnalité consiste à ne mesurer que les effets pouvant être directement attribuables à une intervention et à exclure les effets causés par d’autres facteurs. Le commissaire a affirmé que RNCan avait attribué au programme côtier et infracôtier FRE certaines réductions d’émissions qui auraient eu lieu même sans le Programme. Plus précisément, il a estimé que plus de la moitié des réductions d’émissions attribuées au Programme côtier et infracôtier du FRE avaient déjà été comptabilisées dans le cadre du Règlement fédéral sur le méthane. Pour résumer, le commissaire a dit que « [s]i l’on finance les activités qui étaient déjà prévues par le règlement sur le méthane, on ne peut pas affirmer que ces réductions d’émissions sont attribuables au programme ».

Le commissaire a également affirmé que RNCan n’avait pas suivi le principe d’exhaustivité pour mesurer les émissions. L’exhaustivité consiste à mesurer toutes les sources et tous les puits de GES associés à une initiative. Comme l’a expliqué le commissaire, pour appliquer ce principe, on doit se pencher sur « l’ensemble de la situation, plutôt que seulement sur une pièce d’équipement installée sur un site donné. Nous voulions connaître l’effet global du Fonds, entre autres, sur le maintien de la production ».

Du reste, le CEDD a découvert que plusieurs projets financés par le Programme côtier et infracôtier du FRE ont pu contribuer à une augmentation de la production de pétrole et de gaz. En effet, dans le cas de 27 des 40 projets financés dans la première période d’inscription, les sociétés avaient fait part de leur intention d’augmenter la production si elles obtenaient des fonds. Le commissaire a déclaré devant le Comité que les émissions dues à ces augmentations de la production auraient pu annuler les réductions réalisées grâce au Programme, et que RNCan aurait dû comptabiliser ces émissions.

Le ministre des Ressources naturelles a contesté cette conclusion du commissaire, indiquant que le ministère avait défini les conditions limites du Programme plus étroitement que ne l’a fait le commissaire. Il a expliqué que « [s]i, par exemple, un autre projet a été lancé à des kilomètres de distance durant la période d’application du Programme, il n’a pas été pris en compte », parce que le ministère « [s’est concentré] sur la réduction des émissions à la source ». De l’avis du ministre, la différence d’approche entre le ministère et le CEDD traduit « une divergence d’opinions tout à fait légitime ».

Qui plus est, le commissaire s’est dit préoccupé par le fait que le ministère n’ait pas élaboré un scénario de référence pour calculer les réductions d’émissions qui étaient directement attribuables au Programme côtier et infracôtier du FRE. Il a ajouté que le ministère avait répondu aux recommandations de l’audit d’une manière laissant penser qu’il « ne semblait pas vraiment comprendre l’idée d’une réduction des émissions par rapport à un scénario de référence ».

Pour régler ces questions de comptabilisation, Sylvie Marchand, directrice au Bureau du vérificateur général du Canada, a recommandé que le ministère mesure les GES en utilisant la norme internationale ISO 14064 ou des normes qui s’en inspirent, car leur objectif est « d’assurer la cohérence, la reproductibilité et l’additionnalité des réductions d’émissions estimées ». Le ministre des Ressources naturelles a expliqué cependant que le ministère s’était servi d’une mesure connexe, le Protocole des gaz à effet de serre du World Resources Institute, pour élaborer le Programme.

Maintien des emplois

Comme l’a expliqué le ministre au Comité, l’un des principaux objectifs du Programme côtier et infracôtier du FRE était de maintenir les emplois dans le secteur pétrolier et gazier à une époque où les cours du pétrole avaient atteint un plancher record. Le commissaire a fait remarquer toutefois que le maintien des emplois n’était pas une condition du Programme pour obtenir des fonds, et que le ministère n’avait pas évalué la capacité des projets à assurer conservation des emplois. De son point de vue, l’absence de tels critères a compliqué l’évaluation de la performance du Programme.

Réagissant à ces critiques, le ministre des Ressources naturelles a insisté pour dire que le Programme avait été « mis en place très rapidement parce qu’il y avait une crise économique dans le secteur ». Il a précisé qu’il n’y avait « aucun moyen raisonnable ou crédible » de recueillir de l’information sur le maintien des emplois « en amont », mais affirmé qu’il y avait des preuves anecdotiques indiquant que le Programme avait permis de garder des emplois dans plusieurs collectivités. Le ministre a ajouté que le ministère allait exiger que les sociétés fassent rapport au sujet du maintien des emplois, et que les chiffres seront publiés quand ils seront disponibles.

Optimisation des ressources

Le commissaire a constaté que le Programme côtier et infracôtier du FRE n’avait pas été conçu dans une optique d’optimisation des ressources, c’est-à-dire d’utilisation des fonds publics de manière optimale. À son avis, RNCan ne pouvait pas évaluer pleinement l’optimisation des ressources, dans le cadre du Programme, parce qu’il n’avait pas fixé d’objectifs concernant le coût des réductions d’émissions ou le maintien des emplois, et n’avait donc aucun moyen de déterminer dans quelle mesure ces objectifs étaient atteints. Afin de s’assurer que les projets de réduction des émissions soient plus efficients, le CEDD a recommandé dans son rapport que soient établis des seuils pour évaluer si ces projets ont été réalisés en optimisant les ressources[13].

Par ailleurs, le commissaire a fait observer que le Programme côtier et infracôtier du FRE avait été élaboré à une période où les prix des produits de base étaient à des niveaux historiquement bas, mais que ces prix avaient « beaucoup augmenté depuis le début du Programme ». Étant donné que RNCan avait élaboré le Programme parce qu’il y avait un besoin financier dans le secteur, le commissaire a déclaré qu’il fallait maintenant se poser la « question » de savoir si ce Programme avait encore toute sa pertinence.

Un témoin a fait écho à cette interrogation. En effet, Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal, a fait remarquer que les cours mondiaux du pétrole avaient maintenant atteint des sommets « jamais vus depuis 2015 », et que la production pétrolière en Alberta battait des records. Selon M. Pineau, « il est très évident que l’industrie pétrolière [n’est plus en difficulté] aujourd’hui » et que l’« on devrait cesser d’aider des gens qui n’en ont pas besoin ».

À l’opposé, Patrick Kitchin, s’exprimant au nom de Whitecap Resources Inc., a affirmé que le Programme est toujours pertinent. Il a admis que le secteur du pétrole et du gaz a profité d’une embellie de l’économie et de la hausse des prix des produits de base, mais il a insisté sur le fait que le Programme côtier et infracôtier du FRE « peut encore apporter un avantage substantiel aux Canadiens en permettant des réductions d’émissions encore plus importantes […] qu’elles n’auraient été réalisées autrement ».

L’avenir du programme

Changements à la troisième période d’inscription au Programme

Le 19 janvier 2021, le gouvernement fédéral a publié une mise à jour de la troisième période d’inscription concernant le Programme côtier et infracôtier du FRE. Le ministre des Ressources naturelles a fait état des changements apportés, soulignant que le ministère avait pris en compte les observations du CEDD. Voici quelques‑uns de ces changements :

  • les projets proposés doivent dépasser les exigences de l’actuel Règlement sur le méthane en éliminant complètement l’évacuation intentionnelle ou le torchage du méthane[14];
  • le coût maximal par tonne de réduction des émissions ne doit pas dépasser 250 $/t d’éq. CO2[15];
  • les demandeurs doivent démontrer que leur projet ne pourrait être mis en œuvre sans être financé par le Programme[16];
  • il faut faire une comptabilisation plus transparente de la quantité d’émissions de GES par projet, en exigeant qu’un entrepreneur ayant la certification ISO examine et vérifie la méthodologie employée dans le cadre du Programme[17].

Selon les témoignages qu’a recueillis le Comité, ces changements ont suscité des réactions diverses. En effet, certains témoins ont accueilli favorablement les modifications apportées au Programme. Le représentant de l’Institut international du développement durable (IIDD) a dit être « heureux » des différentes améliorations faites au Programme concernant les projets, notamment le fait d’exiger que l’on élimine les sources d’émissions provenant de l’évacuation et du torchage; que l’on dépasse les exigences réglementaires; et que l’on prouve le besoin financier. Le représentant de l’Institut Pembina a dit pour sa part au Comité qu’avec les changements apportés à la troisième période d’inscription, il serait logique de maintenir le Programme côtier et infracôtier du FRE « une autre année ». Il a ajouté que, par la suite, le gouvernement fédéral devrait se concentrer sur le renforcement de sa réglementation en la matière.

D’autres témoins étaient toutefois contre le Programme, même dans sa forme modifiée. Pierre‑Olivier Pineau et les représentants de Protection environnementale Canada s’entendaient pour dire que la troisième période d’inscription au Programme côtier et infracôtier du FRE devrait être reportée. Sur ce point, le représentant de la Fondation David Suzuki a admis qu’il serait « compliqué » de le faire, et a insisté plutôt sur la nécessité de se doter de règles strictes pour réduire les émissions de méthane.

Les témoins ont également proposé différentes interprétations de la manière dont les révisions apportées à la troisième période d’inscription influeraient sur la participation au Programme. Le représentant de l’IIDD a prédit que les exigences plus élevées de la troisième période d’inscription feraient baisser le nombre de candidats et, de ce fait, freineraient la réduction des émissions. Le représentant de Whitecap Resources a dit s’attendre, au contraire, à ce que les entreprises soient plus nombreuses à demander des fonds, parce que la troisième période d’inscription est plus longue que les deux précédentes. Il a fait part de l’intention de son entreprise de présenter une demande dans le cadre du Programme côtier et infracôtier du FRE pour financer des projets de conservation de gaz.

Même si les témoins avaient des points de vue différents sur les changements apportés à la troisième période d’inscription, l’un d’entre eux était d’accord avec le commissaire, selon lequel le gouvernement devait améliorer la façon dont il comptabilise les réductions des émissions réalisées grâce au Programme côtier et infracôtier du FRE. Jan Gorski, directeur du Programme pétrole et gaz à l’Institut Pembina, a insisté sur l’importance de démontrer dans quelle proportion la réduction d’émissions « dépasse » les exigences de la réglementation. Il a ajouté : qu’« [i]l faut maintenant que le gouvernement nous dise quelle part de cette réduction est supérieure à ce que la réglementation seule aurait permis d’atteindre de toute façon ». M. Gorski a mentionné que les données de la troisième période d’inscription montreront jusqu’à quel point les demandeurs ont dépassé les exigences réglementaires, mais il a demandé que le gouvernement publie des informations plus détaillées sur les résultats du Programme.

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada publie des données supplémentaires sur le Programme côtier et infracôtier du Fonds de réduction des émissions, notamment :

  • en indiquant dans quelle proportion les réductions d’émissions réalisées au cours des deux premières périodes d’inscription du Programme ont dépassé ce qu’aurait quand même exigé la réglementation;
  • en publiant des informations plus détaillées sur les projets, les coûts et les réductions d’émissions réalisées grâce au Programme.

Initiatives à venir pour réduire les émissions de méthane

Le Programme côtier et infracôtier du FRE n’est que l’une des diverses mesures prises pour aider le Canada à atteindre ses cibles de réduction des émissions de méthane. Pendant l’évaluation de ce Programme, des témoins ont parlé également du rôle d’autres initiatives fédérales, particulièrement des subventions, de la réglementation et de la collecte de données, dans les efforts visant à réduire les émissions de méthane produites par le secteur pétrolier et gazier.

Subventions

Compte tenu du fait que le Canada s’est engagé à éliminer les « subventions inefficaces aux combustibles fossiles[18] » d’ici 2023, une partie de la discussion entourant le Programme côtier et infracôtier du FRE a porté sur le rôle des subventions. Pour sa part, le commissaire a comparé le Programme à une subvention, mais il a insisté sur le fait qu’il n’avait pas pour mandat de recommander au gouvernement quelles politiques adopter. Dans son rapport, le commissaire laisse entendre que les programmes gouvernementaux qui ne permettent de réduire les émissions de façon efficace et n’assurent pas l’optimisation des ressources pourraient être considérés comme des « subventions inefficaces aux combustibles fossiles[19] ».

Dans son témoignage, Patrick Kitchin a souligné certains des avantages que présenterait un soutien financier pour le secteur. Rappelant que le FRE a été instauré alors que le secteur pétrolier et gazier était en proie à « de graves difficultés financières » et « éprouvait des difficultés » en raison de la faiblesse des prix des produits de base, M. Kitchin a expliqué que le Programme avait permis d’aider le secteur à une époque où beaucoup d’entreprises réduisaient leurs programmes de développement des immobilisations. De l’avis de M. Kitchin, le Programme côtier et infracôtier du FRE a permis des réductions d’émissions qui ne se seraient pas produites autrement, et de soutenir directement des « entreprises de services, des entrepreneurs, des collectivités et des propriétaires fonciers » qui, sinon, auraient souffert de la baisse des dépenses dans ce secteur.

Comme indiqué précédemment, deux témoins ne partageaient pas ce point de vue, affirmant que la troisième période d’inscription pour le Programme côtier et infracôtier du FRE aurait dû être remise à plus tard. Selon ces témoins, le Programme revenait à accorder une « subvention inefficace aux combustibles fossiles », et la représentante de Protection environnementale Canada a même dit que le Programme n’est « qu’un des nombreux programmes de financement mis en place pour subventionner les combustibles fossiles sous couvert de réduction des émissions et de création d’emplois[20] ».

De son côté, le représentant de l’IIDD, tout en exprimant les préoccupations de l’Institut à l’égard des subventions accordées au secteur pétrolier et gazier en général, a affirmé que des initiatives comme le Programme côtier et infracôtier du FRE avaient « un rôle » à jouer. Parlant au nom de l’Institut, l’associé principal Aaron Cosbey a déclaré que les subventions pour le pétrole et le gaz peuvent accroître la viabilité d’industries dont les produits exacerbent les changements climatiques; peuvent freiner les progrès vers la transition énergétique; et peuvent aller à l’encontre du principe du « pollueur-payeur ». Afin de réduire ces risques, l’IIDD a établi des principes pour l’administration des subventions, notamment : ne pas offrir d’aide permettant de réduire le coût de production du pétrole et du gaz; n’accorder d’aide qu’aux demandeurs disposant de plans crédibles pour atteindre la carboneutralité; et n’offrir aucune aide pour se conformer à la réglementation existante ou à venir.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada, alors qu’il s’efforce de recenser et d’éliminer les « subventions inefficaces aux combustibles fossiles » d’ici 2023, supprime progressivement les programmes destinés au secteur pétrolier et gazier qui subventionnent le respect des règlements existants ou à venir.

Réglementation

De nombreux témoins ont parlé du rôle central de la réglementation pour réduire les émissions de méthane dans le secteur pétrolier et gazier. Comme l’a dit Patrick Kitchin, la réglementation fixe « le minimum que l’on attend de l’industrie. Elle établit la cible que les émetteurs doivent atteindre s’ils ne l’ont pas déjà fait ».

Certains témoins ont dit craindre que l’actuel Règlement fédéral sur le méthane ne soit pas suffisamment sévère pour permettre au Canada d’atteindre ses objectifs en matière de lutte contre les changements climatiques. Selon son représentant, la Fondation David Suzuki prévoit que les mesures mises en place par le Canada ne permettront de réduire les émissions de méthane que de 29 % d’ici 2025 par rapport aux niveaux de 2012, ce qui est loin de l’objectif du pays de réduire ces émissions de 40 à 45 %[21]. Le représentant de l’Institut Pembina était aussi d’avis que le Règlement « n’atteignait pas » la cible de 2025, et que « nous ne savons toujours rien » des progrès accomplis par le Canada par rapport aux objectifs fixés.

Selon plusieurs témoins, donc, le gouvernement fédéral devrait renforcer son Règlement sur le méthane[22]. Tom L. Green, conseiller principal en Politiques climatiques à la Fondation David Suzuki, a mentionné que le Règlement actuel n’exige pas l’élimination de toutes les sources d’évacuation intentionnelle systématique. Il a ajouté que la Fondation « préconis[ait] » un renforcement de la réglementation, mais a reconnu du même souffle que « cela ne peut pas se faire du jour au lendemain ». Il a indiqué qu’en attendant, la troisième période d’inscription au Programme côtier et infracôtier du FRE pourrait contribuer à réduire les émissions au-delà de ce que la réglementation exige actuellement. Le représentant de l’Institut Pembina convenait que le Programme pouvait inciter à dépasser ce que prévoit la réglementation actuelle, mais qu’au‑delà de ce Programme « nous devons vraiment nous appuyer sur une solide réglementation afin d’envoyer un signal aux entreprises qu’elles doivent commencer à s’attaquer aux émissions de méthane ».

Dans le même ordre d’idées, le représentant de l’IIDD a dit qu’un programme comme celui du FRE est une « solution de rechange » à « une réglementation solide et efficace qui réduirait les émissions de méthane dans le secteur du pétrole et du gaz ». Le représentant de l’IIDD a fait aussi écho à l’appel en faveur d’un durcissement de la réglementation, mentionnant qu’il existe des substituts technologiques peu coûteux aux contrôleurs pneumatiques alimentés au gaz, qui sont la principale source d’émissions intentionnelles, et que ces contrôleurs « devraient être supprimés par voie réglementaire ».

Données sur les émissions de méthane

Le gouvernement du Canada a reconnu qu’il a sous-estimé les émissions de méthane produites par le secteur pétrolier et gazier. Il s’est engagé à publier des données révisées sur les émissions de méthane dans le Rapport d’inventaire national 2022 à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, qui a été publié en avril 2022[23].

Des témoins ont fait état des mesures que pourrait prendre le gouvernement du Canada pour améliorer sa surveillance des émissions de méthane. Comme l’a dit Aaron Cosbey — s’exprimant au nom de l’IIDD —, « nous ne connaissons pas l’ampleur du problème [des émissions de méthane], alors comment pouvons-nous nous y attaquer? ». M. Cosbey a fait part de la recommandation de l’IIDD d’exiger des relevés plus fréquents pour détecter et réparer les fuites et mesurer toutes les sources d’émissions intentionnelles connues. Brent Lakeman, directeur, Initiative hydrogène, chez Edmonton Global, a indiqué qu’il existe de nombreuses technologies permettant de surveiller les émissions fugitives, notamment au moyen de satellites et d’outils de mesure au sol. Il a suggéré que les gouvernements examinent de plus près ces nouvelles technologies pour voir quelles seraient les solutions les moins coûteuses pour faire une surveillance des émissions fugitives sur de vastes superficies.

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada travaille avec les provinces et les territoires ainsi que l’industrie pour améliorer la surveillance des émissions provenant du secteur pétrolier et gazier, notamment en :

  • renforçant les exigences qui s’appliquent à la mesure des émissions intentionnelles;
  • demandant des efforts supplémentaires pour recenser les sources d’émissions non intentionnelles et les éliminer.

Conclusion

Les émissions de méthane posent un grave risque pour le climat de la Terre. Ce GES puissant est produit par plusieurs moyens, et sa plus importante source au Canada demeure le secteur pétrolier et gazier. Heureusement, il existe des mesures que le secteur peut adopter pour réduire ou éliminer les émissions de méthane occasionnées par la production de pétrole et de gaz. Le Programme côtier et infracôtier du FRE, annoncé initialement au début de la pandémie de COVID-19, visait à aider les entreprises pétrolières et gazières à adopter ces mesures. Les personnes qui ont témoigné dans le cadre de l’étude ont exprimé des opinions divergentes sur le Programme, mais elles s’entendaient toutes pour dire que le Canada doit s’efforcer de réduire les émissions de méthane le plus possible et aussi rapidement que possible.

À cette fin, le Comité recommande que le gouvernement du Canada publie davantage de données sur le Programme côtier et infracôtier du FRE, supprime progressivement les programmes destinés au secteur pétrolier et gazier qui subventionnent le respect des règlements existants ou à venir, et travaille à renforcer la surveillance des émissions de méthane dans le secteur du pétrole et du gaz. En améliorant la transparence et l’efficacité des politiques fédérales, le Canada sera mieux placé pour réduire ses émissions de ce GES nocif.


[1]              Dans le présent rapport, le terme « secteur pétrolier et gazier » a la même signification que dans le Rapport d’inventaire national du Canada, dans lequel ce secteur comprend les filières de l’extraction, de la distribution, du raffinage et de la valorisation des produits pétroliers et gaziers.

[2]              Le méthane est parfois représenté par son symbole chimique : CH4.

[3]              Le gouvernement du Canada utilise une méthodologie selon laquelle, à quantités égales et sur un horizon de 100 ans, le méthane causera un réchauffement 25 fois plus important que le dioxyde de carbone (CO2). Toutefois, comme l’a affirmé Tom Green, de la Fondation David Suzuki, sur un horizon de 20 ans, le méthane contribue jusqu’à 86 fois plus au réchauffement que le CO2, et c’est donc sur cette échelle de temps plus courte qu’il sera le plus important de s’attaquer aux effets des émissions de gaz à effet de serre.

[4]              Confirmé dans la correspondance avec Ressources naturelles Canada (RNCan).

[5]              Association canadienne des producteurs pétroliers, Les émissions de méthane.

[6]              Le terme « émissions fugitives » fait aussi parfois référence aux émissions par torchage et évacuation.

[7]              Calculs basés sur des données obtenues auprès d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC).

[10]            Les sociétés qui extraient et traitent du pétrole et du gaz classiques provenant de gisements terrestres étaient admissibles. Les exploitants d’hydrocarbures « non classiques », y compris les sociétés exploitant les sables bitumineux au Canada, n’étaient pas admissibles.

[13]            Bureau du vérificateur général du Canada (BVG), Fonds de réduction des émissions — Rapport 4 Ressources naturelles Canada, Rapport 4 des Rapports du commissaire à l’environnement et au développement durable au Parlement du Canada de 2021 p. 32.

[15]            Ibid., p. 22.

[16]            Ibid., p. 10.

[17]            Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes (RNNR), Témoignages, 2 février 2022, 1540 (l’hon. Jonathan Wilkinson, ministre des Ressources naturelles).

[18]            Le terme n’a pas été défini pour cette étude.

[19]            BVG, Fonds de réduction des émissions — Ressources naturelles Canada, Rapport 4 des Rapports du commissaire à l’environnement et au développement durable au Parlement du Canada de 2021, p. 6.

[20]            RNNR, Témoignages, 31 janvier 2022, 1640 (Julia Levin, responsable du Programme climat et énergie, Protection environnementale Canada); voir aussi : RNNR, Témoignages, 31 janvier 2022, 1630 (Pierre-Olivier Pineau, professeur, HEC Montréal).

[21]            Les projections de la Fondation David Suzuki se fondent sur une modélisation d’ECCC qui a depuis été mise à jour. En décembre 2021, ECCC a estimé que le Canada réduirait ses émissions de méthane de 39 % par rapport aux niveaux de 2012 d’ici 2025. Pour la modélisation précédente, voir : l’Institut Pembina, Media briefing on Canadian methane regulations, 3 septembre 2020 [disponible en anglais seulement].

[22]            En plus des témoignages des représentants de la Fondation David Suzuki et de l’Institut Pembina, voir aussi : RNNR, Témoignages, 31 janvier 2022, 1730 (Dale Marshall, gestionnaire, Programme national du climat, Protection environnementale Canada).

[23]            ECCC, Rapport d’inventaire national 1990-2019 : sources et puits de gaz à effet de serre au Canada : La déclaration du Canada à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, partie 1, p. 1.

Pour son étude, le Comité s’est fié aux données sur les émissions de méthane tirées du Rapport d’inventaire national 2021 du Canada, mais le rapport du Comité utilise des données tirées du Rapport d’inventaire national 2022.