Passer au contenu
;

FEWO Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF
Parliament of Canada Code of Arms Crest

Chambre des communes
Ottawa, Canada
K1A 0A6

39e législature, 1re session

Le Comité permanent de la condition féminine a l’honneur de présenter son

SEPTIÈME RAPPORT

Conformément à l’article 108(2) du Règlement, le Comité a procédé à l’étude des droits concernant les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Le Comité a entendu à ce sujet des témoignages dont le résultat est contenu dans ce rapport.

Contexte

Le Comité a appris et reconnaît que « le vide juridique au plan de la répartition des biens matrimoniaux dans les réserves […] ne représente que la partie visible de l’iceberg » et que « [l]e vide juridique au plan des droits de biens matrimoniaux dans des terres des réserves est intensifié par les pénuries chroniques de logements dans la plupart des réserves et la difficulté de trouver les financements pour acheter ou construire d’autres logements dans les réserves […] » [1]

Les membres du Comité sont tout à fait conscients que les femmes continueront d’être forcées de quitter leur communauté tant que nous ne trouverons pas une solution efficace à la question de la pénurie de logements et du plein exercice du droit à l’autodétermination.

Les membres du Comité soulignent qu’il revient au gouvernement du Canada de faire cesser ces violations des droits des femmes en collaboration avec les Premières nations et, en particulier, avec les femmes autochtones concernées.

Les membres du Comité ont appris que cette situation existe depuis deux décennies sans jamais avoir été corrigée. Ils souhaitent voir des progrès réels sur la question des droits relatifs aux biens immobiliers matrimoniaux des femmes autochtones, une question qui est liée à la violence faite aux femmes. Comme l’a dit Beverly Jacobs, de l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC) :

Cette situation n'est pas unique aux collectivités des Premières nations. Nous savons qu'elle existe dans tout dans le pays. Dans des foyers canadiens où les femmes sont victimes de la violence. Nous en souffrons le plus, et j'en ai marre. En tant que femme des Premières Nations, en tant que femme mohawk, je suis fatiguée d'entendre cela. J'estime qu'il est de mon devoir de faire en sorte que ça ne se reproduise plus jamais. Ma fille est âgée de 23 ans et a dû aussi vivre cette situation. J'ai des petits-enfants et je ne veux pas qu'ils connaissent ce genre de situation. Je ne veux pas qu'ils connaissent la violence. [2]

Le Comité souhaite ardemment faire avancer ce dossier, mais il est conscient des obstacles qui s’opposent à la mise au point de solutions et à leur éventuelle mise en œuvre. Ainsi, l’AFAC et l’APN lui ont fait savoir que toute modification législative ou toute nouvelle loi visant à permettre l’application sur les terres des réserves des lois provinciales régissant les biens matrimoniaux n’est pas une solution acceptable. Mme Jacobs a indiqué que l’application de lois provinciales sur les terres des réserves constituerait un dangereux précédent. Mme Debra Hanuse de l’APN a fait remarquer que « des défis et des problèmes considérables pourraient apparaître si l'on tente d'appliquer la loi provinciale sur les biens matrimoniaux aux terres des réserves » [3].

Le Comité a pris note des nombreux autres obstacles qui ont nui au règlement de cette question :

  • la nature des régimes fonciers des réserves;
  • les différents systèmes de tenure et d’attribution en usage chez les Premières nations : les terres des réserves ne sont pas toutes réparties et tenues conformément à la Loi sur les Indiens;
  • l’incapacité des Affaires indiennes et du Nord Canada de reconnaître certaines solutions proposées par les Premières nations; par exemple les règlements administratifs pris par les Premières nations, comme la Première nation de Sucker Creek, qui régleraient la question;
  • les difficultés associées à l’application des ordonnances des tribunaux sur les terres des réserves;
  • les restrictions de la Loi sur les Indiens concernant l’aliénation d’intérêts dans des terres des réserves.

Il ne faudrait pas croire qu’en reconnaissant les nombreux obstacles à la résolution du problème, le Comité n’a pas la volonté de faire avancer le dossier. Cela indique plutôt qu’il faut adopter une approche plus immédiate, visant à obtenir des résultats partiels concernant deux obstacles immédiats signalés par l’AFAC et l’APN :

  1. l’insuffisance apparente des échanges en haut lieu entre Affaires indiennes et du Nord Canada, l’AFAC et l’APN;
  2. l’insuffisance de l’aide financière qui permettrait à l’AFAC et à l’APN de participer aux discussions à armes égales.

Le Comité souligne l’importance de faire en sorte que l’application du droit coutumier respecte les principes de l’égalité des femmes et leurs droits.

Recommandations

Attendu que les Premières nations considèrent que la Loi sur les Indiens est une loi colonialiste qui limite leur capacité de régler des problèmes tels que la répartition des biens matrimoniaux dans les réserves;

Attendu que le Parlement, par l’entremise du Comité sénatorial permanent des droits de la personne et du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord de la Chambre des communes, a étudié les questions concernant le vide juridique au plan de la répartition des biens matrimoniaux dans les réserves;

Attendu que la Commission canadienne des droits de la personne reconnaît dans son rapport, Une question de droits — Rapport spécial de la Commission canadienne des droits de la personne sur l’abrogation de l’article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, que le « problème de l’absence d’un régime de partage des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves existe depuis longtemps »;

Attendu que plusieurs rapports des Nations Unies, dont Conclusions du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, publié en mai 2006, ont soulevé la question de la répartition des biens matrimoniaux dans les réserves;

Attendu que ces rapports révèlent que le Canada ne donne jamais suite aux recommandations concernant la répartition des biens matrimoniaux dans les réserves des diverses instances des Nations Unies;

Attendu que, même si toutes les parties concernées conviennent d’une solution législative, la question est compliquée par l’absence de logement convenable dans les collectivités des Premières nations;

Attendu que l’avancement de ce dossier exige des solutions immédiates, et non d’autres études;

Attendu que le Canada et les provinces continuent de s’efforcer à établir avec les Premières nations de nouvelles relations, des relations de nation à nation fondées sur le respect mutuel qui reconnaissent aux Premières nations le besoin d’exercer une plus grande autonomie aux termes d’accords tels que la Paix des Braves entre le Québec et les Cris du Québec;

Et attendu que le Canada devrait finir par reconnaître la compétence des Premières nations en matière de droit de la famille et que les Premières nations qui en ont la capacité et qui ont l’appui des femmes de leurs collectivités devraient pouvoir exercer cette compétence pour mettre au point leurs propres solutions à ce problème;

Saisi de l’urgence d’agir pour s’assurer que les femmes autochtones vivant dans les réserves jouissent des mêmes droits que celles qui vivent hors réserves en ce qui concerne le partage des biens immobiliers matrimoniaux;

Reconnaissant que la recherche d’une solution à ce problème doit tenir compte de l’équilibre qu’il convient d’atteindre entre les droits collectifs des Premières nations à l’autodétermination et les droits individuels des femmes;

Le Comité permanent sur la condition féminine conclut que la violation continue des droits individuels de nombreuses femmes autochtones, forcées de quitter leur domicile après la dissolution de leur relation, ne peut être tolérée et qu’il faudra trop de temps, aux yeux de certaines femmes des collectivités des Premières nations, pour que le droit inhérent à l’autodétermination ne se concrétise.

Étant donné qu’il importe de faire avancer ce dossier pour que soient enfin reconnus les droits des femmes et des enfants des Premières nations qui vivent dans des réserves, le Comité recommande qu’Affaires indiennes et du Nord Canada mette en œuvre le processus et l’échéancier suivants :

La rédaction des documents de consultation
  1. Qu’un comité de haut niveau, dont la composition sera déterminée conjointement par les dirigeants du gouvernement, l’Association des femmes autochtones du Canada et l’Assemblée des Premières nations, soit formé d’ici le 31 octobre 2006 pour élaborer un ensemble de solutions concrètes au problème du partage des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves, notamment la proposition d’un projet de loi ou de modifications à apporter aux lois existantes, et pour finaliser la rédaction des documents destinés à des consultations sur les solutions concrètes, notamment des solutions législatives;
  2. Que des fonds équivalents soient versés à l’Association des femmes autochtones du Canada et à l’Assemblée des Premières nations afin de leur permettre de déléguer des participants autochtones bien informés au sein du comité chargé d’élaborer des solutions concrètes, notamment la proposition d'un projet de loi ou de modifications à apporter aux lois existantes, et de finaliser la rédaction des documents de consultation;
Consultation
  1. Qu’une consultation nationale soit lancée en vue de trouver des solutions concrètes au problème du partage des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves, notamment la proposition d'un projet de loi ou de modifications à apporter aux lois existantes, d’ici le 31 mai 2007;
  2. Que des fonds équivalents soient versés à l’Association des femmes autochtones du Canada et à l’Assemblée des Premières nations pour leur permettre de mener des consultations auprès des résidents et des chefs vivant des réserves ainsi que des femmes qui ont été forcées de quitter leur réserve après la rupture de leur relation. De plus, les fonds versés à l’Association des femmes autochtones du Canada doivent être suffisants afin de leur permettre de réaliser des consultations qui respectent les besoins en matière de sécurité des femmes qui vivent dans les réserves, particulièrement dans les régions rurales et éloignées, et qui ne peuvent souvent discuter de ces questions qu’en dehors de leur réserve.
[1]
Témoignage, Bob Watts, Assemblée des Premières nations, 6 juin 2006, 9h35.
[2]
Témoignage, Beverly Jacobs, Association des femmes autochtones du Canada, 6 juin 2006, 10h10.
[3]
Témoignage, Debra Hanuse, Assemblée des Premières nations, 6 juin 2006, 9h25.