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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 25 mars 2003




¿ 0905
V         Le président (L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.))
V         Mme Tamra L. Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien)
V         Mme Patricia LeFebour (membre de l'exécutif, Conférence sur l'orientation et l'identité sexuelles, Association du Barreau canadien)

¿ 0910

¿ 0915
V         Le président
V         M. Richard Bastien (consultant, Cosmas and Damian Society)

¿ 0920

¿ 0925
V         Le président
V         M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne)

¿ 0930
V         Mme Patricia LeFebour
V         M. Vic Toews
V         Mme Patricia LeFebour
V         M. Vic Toews
V         Mme Patricia LeFebour

¿ 0935
V         M. Vic Toews
V         Mme Patricia LeFebour
V         M. Vic Toews
V         Mme Patricia LeFebour
V         Le président
V         M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ)
V         Mme Patricia LeFebour
V         M. Richard Marceau

¿ 0940
V         Mme Patricia LeFebour
V         M. Richard Marceau
V         Mme Patricia LeFebour
V         M. Richard Marceau
V         Mme Patricia LeFebour
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)

¿ 0945
V         Mme Patricia LeFebour
V         M. Derek Lee
V         Mme Patricia LeFebour
V         M. Derek Lee
V         Mme Patricia LeFebour
V         M. Derek Lee
V         Mme Patricia LeFebour
V         M. Derek Lee

¿ 0950
V         Mme Patricia LeFebour
V         M. Derek Lee
V         Mme Patricia LeFebour
V         M. Derek Lee
V         Le président
V         M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ)
V         M. Richard Bastien
V         M. Réal Ménard
V         M. Richard Bastien
V         M. Réal Ménard
V         Dr Tim Lau («Cosmas and Damian Society»)

¿ 0955
V         M. Réal Ménard
V         M. Richard Bastien
V         M. Réal Ménard
V         Le président
V         M. Richard Bastien
V         M. Réal Ménard
V         Le président
V         Dr Tim Lau
V         Le président
V         M. Réal Ménard

À 1000
V         Le président
V         M. Richard Bastien
V         Le président
V         M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)
V         Mme Patricia LeFebour
V         M. Pat O'Brien
V         Mme Patricia LeFebour

À 1005
V         M. Pat O'Brien
V         Le président
V         M. Pat O'Brien
V         Mme Patricia LeFebour
V         M. Pat O'Brien
V         Mme Patricia LeFebour
V         M. Pat O'Brien
V         Le président
V         M. Pat O'Brien
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         Le président
V         M. Richard Marceau

À 1010
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         Le président
V         M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.)
V         Mme Patricia LeFebour
V         M. John McKay
V         Mme Patricia LeFebour
V         M. John McKay
V         Mme Patricia LeFebour
V         M. John McKay
V         Mme Patricia LeFebour
V         M. John McKay
V         Dr Tim Lau

À 1015
V         M. Richard Bastien
V         M. John McKay
V         M. Richard Bastien
V         Dr Tim Lau
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Dr Tim Lau
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien

À 1020
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.)

À 1025
V         Mme Patricia LeFebour
V         Mme Marlene Jennings
V         Mme Patricia LeFebour
V         Mme Marlene Jennings
V         Le président
V         Mme Patricia LeFebour

À 1030
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         Dr John Gay («Cosmas and Damian Society»)
V         Le président

À 1035
V         L'honorable Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.)
V         M. Richard Bastien

À 1040
V         L'hon. Hedy Fry
V         M. Richard Bastien
V         L'hon. Hedy Fry
V         Dr Tim Lau
V         Le président
V         Dr Tim Lau
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         M. Richard Marceau

À 1045
V         M. Richard Bastien
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         M. Richard Marceau
V         M. Richard Bastien
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         M. Pat O'Brien
V         Le président
V         L'hon. Hedy Fry
V         Le président
V         M. Pat O'Brien

À 1050
V         Dr Tim Lau
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         Mme Marlene Jennings
V         Mme Patricia LeFebour
V         Mme Marlene Jennings
V         Mme Patricia LeFebour

À 1055
V         Mme Marlene Jennings
V         Mme Patricia LeFebour
V         Mme Marlene Jennings
V         Le président
V         M. John McKay
V         Le président
V         M. Richard Bastien
V         Le président
V         Mme Patricia LeFebour

Á 1100
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 027 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 25 mars 2003

[Enregistrement électronique]

¿  +(0905)  

[Traduction]

+

    Le président (L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): La 27e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est ouverte. Aujourd'hui, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement de la Chambre des communes nous entreprenons l'étude sur la question du mariage et de la reconnaissance des unions de conjoints de même sexe.

    Nous accueillons aujourd'hui des représentants de deux organismes, en l'occurence l'Association du Barreau canadien et la Cosmas and Damian Society. Mme Tamra Thomson, directrice, législation et réforme du droit de même que Mme Patricia LeFebour, membre de l'exécutif, conférence sur l'orientation et l'identité sexuelle comparaissent au nom de l'Association du Barreau canadien; quant à la Cosmas and Damian Society, elle est représentée par M. Richard Bastien, consultant et M. John Gay.

    Vous avez été informés, je crois, que chaque groupe dispose de 10 minutes et que vous devriez vous répartir les exposés selon ce que vous jugez opportun. Je vous avertirai lorsque vous aurez expiré ou presque le temps qui vous a été imparti. Les membres du comité pourront ensuite parler avec vous des idées que vous avez exposées.

    Je vais d'abord laisser 10 minutes aux représentants de l'Association du Barreau canadien. Je vous cède la parole.

+-

    Mme Tamra L. Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): Merci beaucoup, monsieur le président.

    L'Association du Barreau canadien est très heureuse et très fière de comparaître aujourd'hui devant le comité dans le cadre de son étude du document de travail du gouvernement portant sur la question du mariage et de la reconnaissance des unions de conjoints de même sexe.

    L'Association du Barreau canadien consiste en une association nationale représentant environ 38 000 juristes dans l'ensemble du Canada. Les principaux objectifs de l'association incluent l'amélioration du droit et de l'administration de la justice de même que l'égalité devant le droit. C'est sur ce sujet que porteront les observations que nous ferons devant le comité aujourd'hui.

    Vous avez reçu notre exposé écrit et je demanderais à Patricia LeFebour, membre de notre association, de résumer certaines des conclusions qu'il renferme.

+-

    Mme Patricia LeFebour (membre de l'exécutif, Conférence sur l'orientation et l'identité sexuelles, Association du Barreau canadien): Merci, monsieur le président et membres du comité.

    Mme Thomson et moi-même nous faisons aujourd'hui les porte-parole de l'Association du Barreau canadien pour exhorter votre comité à recommander que l'institution du mariage, telle qu'elle est structurée actuellement, soit redéfinie pour inclure les conjoints de même sexe. L'ABC recommande que soit promulguée une loi fédérale établissant, dans son langage exprès, que les conjoints de même sexe ont le droit de se marier. Pour les raisons données dans le mémoire de l'ABC, et que je vais expliquer dans un instant, les deux approches du document de travail ne répondent pas aux aspirations des conjoints de même sexe désireux de se marier.

    L'ABC est d'avis que le gouvernement s'est lancé dans un débat public sans précédent au sujet des droits des minorités. La Charte protège les minorités au Canada précisément en raison des discriminations historiques qu'elles ont connues. Aucune autre communauté minoritaire n'a, jusqu'ici, fait l'objet d'un processus public conçu pour définir la nature et l'étendue de ces droits civils.

    L'ABC est consciente des opinions dissidentes qui ont été exprimées publiquement à la suite de la publication du document de travail et elle se préoccupe de ce que le traitement réservé à une minorité impopulaire par la majorité démocratique peut fort bien entraîner des solutions législatives constitutionnellement inopérantes. Pour cette raison, l'ABC participe à ce processus, non comme un exercice moral ou éthique, mais en vue de faciliter une discussion raisonnée portant sur la légalité des options législatives que le Parlement peut choisir d'envisager.

    Pour vous situer, comme l'a expliqué Mme Thomson, l'ABC est une organisation professionnelle bénévole qui représente plus de 38 000 avocats, notaires, professeurs de droit et étudiants en droit dans l'ensemble du Canada. L'ABC a toujours su appuyer la promotion de l'égalité de tous ces divers membres, d'une manière compatible avec la Charte des droits et libertés de même que la législation sur les droits de la personne.

    L'ABC a soutenu, par le passé, les mesures visant à éliminer la discrimination basée sur l'orientation sexuelle. En 1994, 1996 et 1999 l'ABC a adopté des résolutions demandant aux assemblées législatives d'interdire la discrimination basée sur l'orientation sexuelle. En 2000, l'ABC a rédigé un mémoire et comparu devant les comités de la Chambre et du Sénat à l'appui du projet de loi C-23, la Loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations.

    L'ABC a aussi reconnu que le préambule, l'article 1.1 de cette loi, pourrait affaiblir la législation ou utiliser un langage suggérant la supériorité des rapports hétérosexuels. L'ABC a alors informé le Parlement que, du fait de la modification relative au mariage et du régime ségrégé de la Loi sur la modernisation, il faudrait résoudre la question du mariage des couples homosexuels en faisant référence aux impératifs constitutionnels de la société canadienne.

    L'ABC est d'avis que le fait d'établir dans une loi que les conjoints de même sexe ont le droit de se marier est une étape vers l'acceptation de la pleine identité individuelle de tous les gais et lesbiennes au Canada. Dans trois cas récents ayant fait l'objet d'une décision, c'est-à-dire Halpern, Hendricks et EGALE, trois tribunaux dans trois provinces ont déclaré que l'institution du mariage n'existe pas uniquement pour faire prévaloir un but, à savoir la procréation des enfants. L'institution du mariage existe plutôt dans le but de reconnaître une relation personnelle engagée comportant des obligations et offrant un soin et un soutien mutuels, un compagnonnage, un abri partagé et des économies partagées.

    L'ABC est d'avis qu'il n'y a aucune interdiction dans la common law pour ce qui est de permettre aux couples homosexuels de se marier. Les décisions anglaises précédentes, à savoir Hyde et Corbett, ne se sont pas penchées sur la question du mariage égal des personnes gaies et lesbiennes. Du point de vue de l'ABC, le désaccord écrit de la juge Greer dans Layland, dans une décision rendue en Ontario en 1993, est plus compatible avec notre contexte de la Charte. Voici ce qu'écrivait la juge:

La common law doit se développer pour répondre aux besoins évolutifs de la société. Il est clair, d'après les documents soumis par les demandeurs et l'Église intervenante, que les homosexuels et les lesbiennes ont, pendant de nombreuses décennies, conclu des unions permanentes qud leur Église a consacrées.

¿  +-(0910)  

    L'ABC est d'avis que les principes sous-jacents à la common law et à son évolution doivent découler des valeurs de la Charte et que, lorsqu'il est impossible d'interpréter la common law, pour éviter un conflit constitutionnel, c'est ainsi qu'il faut l'interpréter. En outre, les conjoints de même sexe devraient avoir le choix de se marier ou non. Comme l'a déclaré récemment la Cour suprême dans Walsh c. Bona, la capacité et le choix de se marier ont été reconnus comme une importante liberté civile.

    L'ABC estime que, même dans le cas où les tribunaux disent finalement qu'il existe, dans la common law, un empêchement au mariage égal des personnes gaies et lesbiennes, un tel empêchement est contraire à l'article 15 de la Charte. Comme nous l'avons déjà dit, le seul renvoi législatif fédéral à la capacité de se marier se trouve à l'article 1.1 de la Loi sur la modernisation, une disposition interprétative énonçant que le sens de «mariage, n'est pas affecté par l'adoption de la loi. La Loi sur la modernisation n'était pas une mesure législative concernant le mariage mais a plutôt été présentée comme une loi concernant «la justice et la tolérance» comme l'a publiquement confirmé la ministre de la Justice de l'époque. De l'avis de l'ABC donc, la Loi sur la modernisation a été conçue pour éviter ou prévenir la question complexe du mariage égal des personnes gaies et lesbiennes, et l'on ne peut l'invoquer comme empêchement législatif.

    Des questions ont été soulevées concernant les contestations judiciaires potentielles en ce qui a trait à l'approche du mariage égal. Les poursuites qui peuvent s'ensuivre, jusqu'à maintenant il n'y en a eu aucune, ne risquent guère de réussir pour la simple raison que les institutions religieuses disposent d'une protection constitutionnelle lorsqu'il s'agit de promouvoir leurs valeurs et leurs croyances religieuses.

    Le document de travail soulève deux autres approches qui, d'après l'ABC, n'accorde pas la pleine identité individuelle aux gais et lesbiennes. Tandis qu'à un niveau important, les deux approches visant la création de nouveaux registres reconnaissent publiquement l'importance des unions, un système d'enregistrement de ce genre n'aurait pour effet que de séparer et différencier davantage les gais et lesbiennes.

    La première approche dont il était question dans le document de travail consistait en un registre distinct. De l'avis de l'ABC, la création d'un registre distinct pour les conjoints de même sexe serait particulièrement vulnérable à l'accusation de perpétuer le stéréotype voulant que les unions de conjoints de même sexe ont moins de valeur que les unions hétérosexuelles. À cet égard, voilà ce que la juge LaForme a déclaré dans la décision Halpern:

    ...je suis d'avis que tout «autre statut» qui prévoit néanmoins les mêmes avantages financiers que le mariage est égal en soi à la ségrégation. Cette affaire porte sur l'accès à une institution très importante—il porte sur la participation égale à l'activité, l'expression, la sécurité et l'intégrité du mariage. Toute «solution de remplacement» au mariage n'offre rien d'autre que l'affront de l'équivalence formelle sans les promesses d'une égalité matérielle contenues dans le Charte. Je le répète, une «solution de remplacement» ne sera qu'une manifestation de la tolérance de la société—elle ne sera pas égale à une acceptation reconnue de l'égalité.

    La troisième approche du document de travail consiste à démanteler le mariage comme institution légitime et à créer un registre pour tous les couples visant l'enregistrement de leur union afin de leur permettre d'obtenir les avantages et les obligations découlant de leur union. Cette approche traite de la même manière les couples hétérosexuels et les conjoints de même sexe, en ce que le mariage n'est accessible à aucun groupe.

    Cependant, abolir le mariage et créer un système de registre central demande la coopération de toutes les provinces. Il peut y avoir des provinces qui cessent d'administrer le mariage, avec pour résultat des contestations judiciaires entre les gouvernements fédéral et provinciaux concernant la répartition constitutionnelle des pouvoirs et une utilisation de la disposition de dérogation.

¿  +-(0915)  

    À un niveau plus fondamental, il se peut que l'abolition du mariage ne règle pas le problème social plus profond des couples de même sexe et des couples hétérosexuels qui veulent se marier et qui considèrent le mariage sanctionné par l'État comme une institution indispensable à l'existence des rapports familiaux.

    De l'avis de l'ABC, accorder ou étendre le droit de se marier aux conjoints de même sexe n'affaiblit pas plus qu'il ne détruit l'institution du mariage. L'ABC estime par contre que cet élargissement améliore et complète la définition du mariage de manière à accorder l'intégrité individuelle à tous les gais et lesbiennes dans tout le Canada.

    Par conséquent, l'ABC appuie l'approche du mariage, qui confère aux conjoints de même sexe les avantages et les responsabilités dont jouissent les couples hétérosexuels. La reconnaissance juridique du mariage égal des personnes gaies et lesbiennes constitue un droit civil fondamental et un impératif constitutionnel. Du point de vue de l'ABC, il n'y a pas d'obstacle de la common law ou statutaire au mariage égal pour les personnes gaies et lesbiennes et toute interprétation de la common law ou d'une disposition statutaire qui empêcherait le mariage égal pour les personnes gaies et lesbiennes serait constitutionnellement inopérante.

    Il s'agit d'une question d'égalité que l'ABC appuie pleinement et qui facilite une réforme du droit d'une manière approfondie compatible avec notre fondement constitutionnel. C'est pour ces raisons que l'Association du Barreau canadien appuie pleinement l'idée d'étendre la définition du mariage aux conjoints de même sexe en vue d'accorder la pleine identité individuelle aux gais et lesbiennes dans tout le Canada.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Bastien.

[Français]

+-

    M. Richard Bastien (consultant, Cosmas and Damian Society) Merci, monsieur le président. Merci d'avoir accepté d'entendre notre présentation ce matin.

    Je veux tout d'abord mentionner que la Cosmas and Damian Society est un réseau informel de professionnels de la santé, de professeurs d'université et d'autres professionnels qui tient des rencontres depuis une dizaine d'années pour débattre de diverses questions d'éthique médicale. Nous tenons chaque année une assemblée annuelle qui réunit entre 150 et 200 personnes. Lors de nos assemblées mensuelles, nous sommes moins nombreux. Généralement, nous sommes une douzaine de personnes pour débattre d'un sujet.

[Traduction]

    Les partisans du mariage entre conjoints de même sexe soutiennent que sa légalisation n'aura aucun impact important sur la société. Un membre de ce comité, Svend Robinson, a posé la question. Quelle différence cela fait-il si mon partenaire et moi nous marions? Dans quelle mesure cela change-t-il vraiment votre vie?

    En même temps, ces partisans soutiennent que la légalisation des mariages entre conjoints de même sexe sera un accomplissement incroyable. D'après le théoricien gai, Andrew Sullivan: «Si rien d'autre n'était fait et que le mariage entre conjoints de même sexe était légalisé, quatre-vingt-dix pour cent de tout le travail politique nécessaire pour en arriver à l'égalité pour les gais et lesbiennes aurait été accompli. Au bout du compte, c'est la seule réforme qui importe vraiment.»

    Je vous pose donc la question. Pas de différence ou quatre-vingt-dix pour cent? Les partisans du mariage entre conjoints de même sexe ne s'entendent pas. Le véritable débat n'est pas de savoir si le mariage entre conjoints de même sexe aura ou non d'importantes répercussions sociales—il en aura—mais plutôt si les répercussions seront bonnes ou néfastes. Ce sera catastrophique.

    Premièrement, la légalisation du mariage entre conjoints de même sexe enverra un nouveau message juridique et moral aux Canadiens au sujet du mariage—le mariage n'est qu'une forme de lien affectif qui peut être facilement brisé et ceux qui ne sont pas d'accord avec cette opinion sont pleins de préjugés.

    Deuxièmement, cette légalisation aura un impact juridique de plus grande envergure. Les principaux effets se feront sentir dans le domaine des lois antidiscrimination fondées sur l'état matrimonial, des lois relatives à l'adoption et à la garde des enfants, des programmes scolaires, des groupes privés utilisant les installations publiques, des règlements portant sur l'embauche des enseignants, etc.

    Enfin, il y aura de profondes répercussions sur la société. Les parents et les associations qui sont contre la légalisation du mariage entre conjoints de même sexe se sentiront davantage aliénés de la vie publique et des institutions canadiennes. Les appuis diminueront en ce qui a trait aux avantages associés au mariage en milieu de travail. En attendant, les jeunes gens grandiront en s'imprégnant de l'idée officielle que l'unité familiale hétérosexuelle n'a rien de spécial. Elle sera perçue comme une parmi tant d'autres dans la panoplie sexuelle de la vie. Ils auront l'impression qu'ils doivent faire des expériences sexuelles pour découvrir «qui ils sont vraiment». Mais comme il n'y aura pas de véritable réponse à cette question, la confusion sera plus grande et plus de vies seront brisées.

¿  +-(0920)  

    Les partisans du mariage entre conjoints de même sexe sont prompts à parler de leurs droits, mais utilisent à mauvais escient la notion de droits de la personne et ne tiennent pas compte des véritables droits des autres. Si le mariage est redéfini de manière à englober les unions entre conjoints de même sexe, ce sont les enfants qui en souffriront le plus. Un enfant a droit à une famille stable. Il a droit à être initié à la complémentarité naturelle des rôles mâle et femelle de la paternité et de la maternité. En affaiblissant davantage la famille, le mariage entre conjoints de même sexe privera un nombre incalculable d'enfants de leurs droits. Nous devons décider qui vient en premier, les générations futures d'enfants ou les activistes homosexuels?

    À tout le moins, les partisans du mariage entre conjoints de même sexe ont la responsabilité de présenter clairement les répercussions de leurs propositions. Ils ne l'ont pas fait. Ils doivent préciser de quelle manière les moeurs sexuelles doivent être inculquées aux jeunes, qui sont plus particulièrement vulnérables à la séduction et à la sollicitation. L'anxiété publique au sujet de l'homosexualité est avant tout une préoccupation relative aux vulnérabilités des jeunes. Il s'agit d'une préoccupation légitime et sérieuse.

    Il y a en outre certaines questions que le lobby homosexuel feint d'ignorer mais auxquelles nous devrions répondre. Par exemple, quel motif peut-on invoquer pour prétendre que les gens peuvent être définis exclusivement en fonction de leurs pulsions sexuelles? Les théoriciens homosexuels vont jusqu'à dire que leur comportement sexuel est à ce point au centre de leur existence que leur personne ne peut être distinguée de leur comportement. Il est tout simplement déshumanisant de réduire la personne humaine à un soi désirant, centré sur le sexe. Les homosexuels se doivent à eux-mêmes et doivent à leurs parents de ne pas dire de telles choses.

    Il faut aussi se demander pourquoi nous devrions rejeter comme une simple répression ce que des milliers d'années d'expérience humaine nous ont enseigné au sujet de la maîtrise de soi. Ce que le débat sur le mariage entre conjoints de même sexe ne reconnaît pas ce sont certaines nécessités sociales, familiales et personnelles que sert l'institution du mariage. La première de ces nécessités est la transmission de la vie humaine. La société prend de l'expansion avec le temps grâce au pouvoir de procréation des couples hétérosexuels qui transmettent la vie. Seuls ces couples peuvent vivre pleinement l'engagement envers le temps et l'histoire nécessaire pour avoir des enfants et s'en occuper.

    La deuxième nécessité est la place qu'occupe la différence au sein de la collectivité. La société humaine exige que nous apprenions à faire grand cas de la différence au sein de la collectivité. La complémentarité de l'homme et de la femme illustre cette vérité. Les personnes peuvent se compléter les unes les autres de bien des façons mais la complémentarité naturelle de l'homme et de la femme repose dans nos corps et dans la structure, pas seulement dans les sentiments.

    La troisième nécessité servie par le mariage est la redirection de notre tendance à placer nos propres désirs en premier. La société humaine exige que soient orientées et limitées les nombreuses impulsions. Peu de ces impulsions sont plus fortes que la pulsion sexuelle. Au fil de l'histoire, les sociétés ont pris un soin particulier à socialiser la sexualité envers le mariage et la famille. La famille est une institution à la fois robuste, comme en témoigne son énorme réalisation sociale, et très fragile. Elle exige des efforts constants d'autodiscipline de la part de ses membres. C'est la raison pour laquelle avoir des enfants et s'en occuper est l'un des projets humains les plus difficiles. Les hommes et les femmes ont besoin de tout l'appui nécessaire pour maintenir des mariages stables au sein desquels la prochaine génération peut s'épanouir.

¿  +-(0925)  

    Pour la plupart des gens, le mariage et la famille sont le projet qui revêt le plus d'importance dans leur vie et pour lequel il ont fait des sacrifices inimaginables. Ils veulent transmettre à leurs enfants les croyances qui ont accaparé leur coeur et leur esprit. Ils ont besoin de l'appui des autorités publiques dans cette noble tentative. Les mariages entre conjoints de même sexe ne reconnaîtraient pas cet appui.

    Enfin, monsieur le président, si vous le permettez, j'aimerais présenter deux membres de notre société. M. John Gay, un endocrinologue de l'Hôpital d'Ottawa et M. Tim Lau, un psychiatre de l'Hôpital Royal d'Ottawa. 

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je vais maintenant passer à M. Toews qui dispose de sept minutes.

+-

    M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Merci.

    Je sais gré aux deux groupes d'avoir fait ces exposés au comité.

    Lorsque j'étudiais le droit—il y a quelque temps déjà—, le principe du précédent était considéré comme étant fondamental à la règle du droit. Quand il était question des anciens tribunaux britanniques, des tribunaux d'equity, la nature changeante des lois auxquelles s'appliquait l'equity était préoccupante. En fait, on disait que l'equity se mesurait à la longueur du pied de chaque nouveau chancelier, en somme qu'il était subjectif.

    J'ai observé dans le droit des dernières années le même élément de subjectivité. La règle de droit, le précédent, semblent avoir perdu beaucoup de pertinence. Je remarque, dans le mémoire de l'Association du Barreau canadien, ce que j'estime être une erreur des plus flagrantes. Je suis conscient que l'association a abordé la question du point du vue du droit et je suppose que le précédent continue de représenter un certain genre de principe. Pourtant, la cause la plus importante dans ce dossier qui est constamment ignorée par les partisans des mariages entre conjoints de même sexe ou des unions de conjoints de même sexe est l'arrêt rendu en 1995 par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Egan. Le juge La Forest a en effet déclaré au nom de la cour, il n'y a pas même huit ans, que la distinction faite entre le mariage légal et d'autres formes d'unions—y compris plus particulièrement les unions de conjoints de même sexe et les unions de fait—n'était pas une forme incorrecte de discrimination.

    Je remarque que vous n'avez pas mentionné cet arrêt. Vous avez parlé de toutes les décisions, sauf de la plus importante. Pourquoi n'est-il jamais question de cet arrêt? La primauté du droit et le précédent sont-ils maintenant si peu importants que nous ignorons la décision la plus importante rendue par la Cour suprême du Canada, il y a tout juste huit ans?

¿  +-(0930)  

+-

    Mme Patricia LeFebour: Je vous remercie d'avoir posé la question.

    Je vous renvoie, monsieur, à la page 18 du mémoire de l'ABC, plus particulièrement à la note en bas de page 22 qui renvoie à la décision rendue par le juge Linden de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Egan v. Canada, par la suite confirmée par la Cour suprême du Canada.

+-

    M. Vic Toews: Je vous arrête tout de suite. Vous avez cité la décision rendue par la Cour d'appel, non pas l'arrêt de la Cour suprême. Il est question de la Cour d'appel. Vous avez dénigré ou réduit au minimum l'importance de l'arrêt, en citant non pas l'arrêt comme tel, mais quelqu'un qui en parle. En fait, je ne suis pas trop sûr de ce que vous tentez de faire valoir, parce que le juge Linden ne fait pas partie de la Cour suprême, que je sache.

+-

    Mme Patricia LeFebour: Non. M. Linden est juge à la Cour d'appel fédérale.

    Tout d'abord, simplement pour bien préciser les faits, l'affaire Egan est mentionnée dans le mémoire. Elle n'en est pas complètement absente.

+-

    M. Vic Toews: Fort bien! Toutefois, il n'y est pas du tout question du principe établi dans l'arrêt Egan.

+-

    Mme Patricia LeFebour: La décision Egan était un arrêt de la Cour suprême du Canada qui portait sur la capacité de conjoints de même sexe de demander et de toucher des prestations de Sécurité de la vieillesse en tant que couple, plutôt qu'en tant que personnes distinctes.

    Il faut reconnaître que, selon certains, pour savoir dans quel camp se range chacun des juges dans cet arrêt de la Cour suprême du Canada, il faudrait presque publier un guide. Manifestement, une majorité d'entre eux a fait remarquer, dans l'arrêt Egan, que la discrimination faite en fonction de l'orientation sexuelle était contraire au paragraphe 15(1) de la Charte.

    Pour ce qui du litige suscité par l'article 1 dans l'affaire Egan, de l'avis général, il existe tout un mélange confus de décisions. Résultat, l'arrêt rendu dans l'affaire Egan défend le principe selon lequel, en ce qui concerne la demande de pension de Sécurité de la vieillesse, bien que la discrimination en fonction de l'orientation sexuelle qui interdisait à M. Egan et à son partenaire de présenter une demande conjointe soit interdite à l'article 15, elle est néanmoins autorisée à l'article 1. L'affaire ne portait pas vraiment sur la question du mariage de conjoints de même sexe.

    Je vous répondrai donc, monsieur, avec tout le respect que je vous dois, que la décision rendue par le juge La Forest a été faite selon moi en son propre nom et qu'elle portait sur des points de droit dont la Cour n'avait pas vraiment été saisie dans cette affaire.

¿  +-(0935)  

+-

    M. Vic Toews: Donc, la décision rendue par le juge La Forest selon laquelle le mariage légal ne représente pas une discrimination injuste à l'égard d'autres formes d'unions, y compris des unions de fait et des unions de conjoints de même sexe, n'a pas vraiment de rapport avec l'arrêt Egan?

+-

    Mme Patricia LeFebour: L'Association du Barreau a aussi examiné l'évolution des principes de loi survenue depuis que l'arrêt Egan a été rendu. Si l'on se fie à l'évolution de la jurisprudence établie par la Cour suprême du Canada, à la décision rendue dans M. c. H. et à d'autres affaires et appels dont sont actuellement saisis les tribunaux dans trois provinces au sujet même du mariage de conjoints de même sexe, le droit actuel reconnaît que la discrimination en fonction de l'orientation sexuelle est contraire à la Charte et n'est pas autorisée par l'article 1.

+-

    M. Vic Toews: La Cour suprême du Canada a-t-elle rendu un arrêt en désaccord avec les observations faites par le juge La Forest?

+-

    Mme Patricia LeFebour: Il faut reconnaître que, si l'on se fie à la décision majoritaire rendue par la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire M. c. H., de même qu'à celle de la Cour suprême du Canada, elles reconnaissent que les unions de conjoints de même sexe sont dignes de protection, et dans l'arrêt M. c. H., la Cour suprême du Canada a ordonné à la Province d'Ontario de modifier sa Loi sur le droit de la famille pour que les lesbiennes et les gais puissent être considérés comme étant des époux aux termes de l'article contesté.

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup.

    Monsieur Marceau, vous avez sept minutes.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Merci, monsieur le président. Merci aux témoins pour leurs présentations.

    J'ai une question pour l'Association du Barreau canadien. Dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, les propriétés de droit civil ont été données aux provinces, mais le mariage et le divorce ont été laissés au Parlement fédéral pour des raisons historiques. Dans le document présenté par le ministre de la Justice, on soulève la possibilité de créer une sorte de registre pour les unions de même sexe, ou on propose même que l'État se retire complètement du mariage et le laisse aux groupes religieux.

    Sur le partage des compétences, étant donné que le fédéral a compétence sur les conditions de fond du mariage, mais que ce sont les provinces qui ont compétence sur les conditions de forme, est-ce que le Parlement fédéral a, selon vous, le pouvoir de créer un registre national pour des unions autres que le mariage?

[Traduction]

+-

    Mme Patricia LeFebour: Dans la position énoncée par l'Association du Barreau canadien, le gouvernement fédéral n'a pas le pouvoir d'instituer un registre national. Au contraire, l'ABC estime que ce pouvoir constitutionnel appartient aux provinces. C'est pourquoi elle appuie la position énoncée devant votre comité par, si j'ai bonne mémoire, les notaires du Québec.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Merci. C'était le premier point que je voulais soulever.

    La possibilité que l'État se retire de tout ça et laisse aux pasteurs, aux prêtres, aux rabbins, etc. le pouvoir de marier ne va-t-elle pas également à l'encontre de la division des pouvoirs, en ce sens que c'est aux provinces de décider qui a le pouvoir de marier? Au Québec, par exemple, c'est à la province de décider qui est un officier de l'état civil. Si un prêtre, un pasteur, un imam ou un rabbin a le droit de marier quelqu'un, c'est parce qu'il ou elle a été nommé officier de l'état civil par la province.

¿  +-(0940)  

[Traduction]

+-

    Mme Patricia LeFebour: L'ABC est certes d'avis qu'il s'agit là d'un des problèmes posés par l'option qu'a le gouvernement fédéral de se retirer. Il a été question dans les mémoires, je crois, que l'institution d'un registre central et l'abolition du rôle du gouvernement fédéral dans le mariage exigent la coopération des provinces et que certaines pourraient refuser de coopérer ou d'adhérer à un pareil régime.

    La question a donc été soulevée par l'ABC comme une éventuelle source de problème.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: On s'entend donc pour dire que sur les quatre options présentées par le ministre Cauchon, celle d'un registre national ne peut pas être appliquée parce que ça relève de la compétence provinciale, et que celle de laisser cela aux religions, comme vous venez de l'expliquer, ne peut pas non plus être choisie par le Parlement fédéral parce que c'est de compétence provinciale.

    Il reste donc deux options possibles étant donné la division des pouvoirs: le statu quo, c'est-à-dire le mariage homme-femme, et la possibilité de marier des conjoints de même sexe. À cause de la division des pouvoirs, il n'y a que ces deux options sur les quatre présentées par le gouvernement fédéral qui sont possibles. On s'entend là-dessus?

[Traduction]

+-

    Mme Patricia LeFebour: L'ABC favorise la solution qui consiste à inclure les conjoints de même sexe dans la définition du mariage. Cela exigerait certes que soient modifiées en conséquence diverses autres lois des provinces et des territoires.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Ce n'était pas tout à fait ma question. Je veux seulement qu'on s'entende sur le fait qu'en vertu des articles 91 et 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, un registre national ne peut pas être créé par le Parlement fédéral, et le gouvernement ou le Parlement fédéral ne peut pas se retirer complètement du mariage, étant donné que ce n'est pas à lui de décider qui est un officier de l'état civil pour faire les mariages. On s'entend là-dessus, n'est-ce pas?

    Donc, on enlève ces deux possibilités pour des raisons légales, à cause de la division des pouvoirs. Il en reste deux: le mariage traditionnel et la possibilité de l'union des conjoints de même sexe.

    Restons dans le domaine du droit, parce que vous venez ici en tant que juristes et non pas en tant que théologiens, je présume. Si c'est le cas, on va discuter des articles 1 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. D'après les trois décisions, c'est-à-dire celle de l'Ontario, celle du Québec et celle de la Colombie-Britannique, la définition dite traditionnelle du mariage, c'est-à-dire l'union entre un homme et une femme à l'exclusion de toute autre personne, est discriminatoire selon l'article 15. Les trois décisions sont unanimes là-dessus.

    On en vient maintenant à l'article 1: est-ce que cette discrimination est acceptable dans une société libre et démocratique? Finalement, d'un point de vue juridique, et on est au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, le point central est l'article 1. On s'entend là-dessus?

[Traduction]

+-

    Mme Patricia LeFebour: Vous avez tout à fait raison de dire que les trois cours ont décidé que c'était contraire à l'article 15. La seule cour qui ait maintenu la définition actuelle du mariage aux termes de l'article 1 est celle de la Colombie-Britannique.

    Il ne fait pas de doute que l'article 1 va être au centre du débat, à savoir si le mariage, dans sa définition actuelle, est acceptable dans une société libre et démocratique. Toutefois, cela ne veut pas dire pour autant que le gouvernement fédéral renoncera à utiliser les arguments relatifs à l'article 15 devant les cours d'appel. Je crois savoir qu'on continuera de plaider au sujet du paragraphe 15(1), que le procureur général ne renonce pas à ces arguments.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Mais votre...

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Marceau. Nous y reviendrons.

    Monsieur Lee, vous avez sept minutes.

+-

    M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci.

    J'aimerais me concentrer, de concert avec l'Association du Barreau canadien, sur les aspects techniques de cette question. J'ai bien entendu l'argument selon lequel, d'un point de vue strictement juridique, une simple modification de la définition du mariage représente probablement la solution la plus simple pour tous. Elle est rapide et sans problème, et tout le monde est heureux. Peut-être pas tout le monde, mais cela représente moins de travail pour tous les avocats. C'est la solution facile. Je ne suis pas trop sûr cependant que c'est ainsi que les choses vont se dérouler. Peut-être bien, mais j'entends d'autres sons de cloche. Vous avez peut-être des observations à nous faire à ce sujet.

    Toutefois, j'aimerais revenir sur le point soulevé par M. Toews, et je ne crois pas qu'il en ait été question auparavant. Vous me corrigerez si je fais erreur. Vous connaissez peut-être mieux que moi l'arrêt Egan, mais je vais vous demander plus particulièrement si les raisons qui ont motivé la décision rendue par le juge La Forest incluaient ses observations au sujet de l'article 1, soit que la discrimination est raisonnablement acceptable, et si son raisonnement sur ce point faisait partie des raisons pour lesquelles il s'est rangé dans le camp de la majorité. Avez-vous la réponse à cette question, parce que si cela faisait partie de ses raisons, c'est inattaquable?

    Je m'étonne aussi, comme M. Toews, que vous n'ayez pas mentionné cela dans le mémoire. Notre comité tiendrait certes compte du fait. Si j'ai bonne mémoire, le juge a donné ses raisons. Vous m'excuserez de verser dans des détails aussi techniques, mais j'aimerais que vous me répondiez.

¿  +-(0945)  

+-

    Mme Patricia LeFebour: J'ignore si le juge La Forest, comme je l'ai déjà dit, écrivait en son propre nom ou au nom d'autres membres de la cour. Par ailleurs, que ses observations aient été obiter dicta ou pas, je crains de ne pas avoir la réponse que vous me demandez pour l'instant. Toutefois...

+-

    M. Derek Lee: D'accord, je croyais que vous l'auriez.

+-

    Mme Patricia LeFebour: ...nous en revenons toujours au fait que l'affaire Egan ne portait pas particulièrement sur la question de l'égalité des droits au mariage. On demandait plutôt à la cour de trancher en ce qui concerne l'admissibilité aux prestations en tant que conjoints de même sexe aux termes de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

+-

    M. Derek Lee: Vous ne pourrez pas nous répondre rapidement plus tard, n'est-ce pas? Je vous demande en réalité de me fournir une réponse plutôt technique en tant que professionnelle et peut-être faudrait-il chercher ailleurs, mais... Il n'y a pas de problème si vous ne pouvez pas me répondre. Je croyais simplement que l'Association du Barreau canadien se serait penchée sur ce point.

    Puis-je vous poser une autre question?

+-

    Mme Patricia LeFebour: Pour en finir avec ce que j'avais à dire à ce sujet, comme je l'ai dit, la position de l'Association du Barreau est que la décision Egan ne portait pas vraiment sur la question du mariage.

    Ensuite—je suis consciente de ce qui a été dit au sujet du précédent—, il faut aussi tenir compte de l'évolution du droit qui a certes évolué depuis la décision rendue par exemple par le juge Sopinka, depuis lors décédé, dans laquelle Sa Seigneurie a dit qu'il s'agissait d'une question nouvelle.

    Depuis 1995, étant donné la pléthore de causes dont sont saisis les tribunaux, il ne s'agit plus d'une question nouvelle. Les tribunaux sont actuellement appelés à se prononcer sur la question de l'égalité du droit au mariage, et trois cours dans trois provinces différentes ont statué que la définition actuelle du mariage qui exclut les conjoints de même sexe est contraire à l'article 15 de la Charte.

+-

    M. Derek Lee: Oh! Mais nous sommes tous d'accord là-dessus. Il n'y a pas un seul spécialiste du droit au Canada qui ne reconnaîtrait pas que c'est discriminatoire. Toutefois, les restrictions relatives à l'âge sont aussi discriminatoires. Mettons-nous tous d'accord sur le fait que c'est discriminatoire. Ce n'est pas là que le bât blesse.

    La question est de savoir si une pareille discrimination est raisonnablement acceptable et, à ce sujet, il n'est pas nécessaire que toutes les décisions aillent en ce sens. Une ou deux suffisent, et nous parlons ici de tribunaux de première instance, de cours des petites créances où sont invoqués les droits civils. Il n'est pas question de cour d'appel. Pourtant, la principale affaire en la matière est reléguée au rang d'une note en bas de page traitant de discrimination raciale dans votre mémoire. Toutefois, laissons cela de côté.

    Votre mémoire est très utile; je suis simplement un peu curieux à ce sujet. Je devrais vous laisser répondre.

+-

    Mme Patricia LeFebour: Je vous remercie. J'aimerais effectivement répondre.

    Je suis en effet consciente que trois cours ont statué que le fait d'exclure les conjoints de même sexe de la définition de mariage est discriminatoire.

+-

    M. Derek Lee: Chaque tribunal va statuer ainsi. Chaque cour jugera que c'est de la discrimination.

¿  +-(0950)  

+-

    Mme Patricia LeFebour: Jusqu'à ce que les décisions rendues au sujet de l'article 15 et de l'article 1 de la Charte aient été infirmées, c'est la loi en vigueur en Ontario et au Québec. Ces causes sont actuellement devant les cours d'appel de leur province respective.

    Par ailleurs, tout comme la décision rendue par le juge La Forest dans l'affaire Egan, la jurisprudence évolue de sorte que le raisonnement n'est pas repris dans les décisions subséquentes. Je vous renvoie aux motifs de décision les plus récents de la Cour suprême dans l'affaire M. c. H. Il faut tenir compte de l'évolution du droit.

+-

    M. Derek Lee: D'accord. Je vous remercie.

    Peut-être que le point n'a pas tellement d'importance, mais en termes d'impact discriminatoire de l'actuelle définition par rapport à l'ancienne qui est utilisée dans Hyde c. Hyde, seriez-vous d'accord pour dire que, sur le plan technique, la discrimination est en fait indirecte?

    Dans votre mémoire, vous avez clairement, et avec raison, dit que Hyde c. Hyde ne réglait pas vraiment la question du mariage de conjoints de même sexe. Les tribunaux ne s'y sont même pas arrêtés. Aucune tentative n'a été faite en vue de discriminer contre quelqu'un, on a simplement tenté de coucher par écrit une définition du mariage. Donc, tout compte fait, les tribunaux ne cherchaient pas à faire de la discrimination, mais il y a eu, dans les faits, de la discrimination. Donc, une décision qui n'a jamais été conçue pour faire de la discrimination ou pour exclure entraîne de la discrimination indirecte.

    Seriez-vous d'accord avec cette description des faits?

+-

    Mme Patricia LeFebour: Tout d'abord, l'affaire dont a été saisie la Cour en 1866, dans la cause Hyde c. Hyde, concernait des conjoints polygames. Il s'agissait de savoir si le couple pouvait divorcer. À nouveau, elle ne portait pas sur la question de l'égalité du droit au mariage des conjoints de même sexe.

    Je suppose que votre expression «discrimination indirecte» pourrait représenter une façon de voir les choses.

+-

    M. Derek Lee: D'accord.

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup.

    Monsieur Ménard, vous avez trois minutes.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Trois minutes, monsieur le président? Que la vie va vite!

    Je voudrais discuter avec M. Bastien et son collègue. Je suis un peu surpris de votre présentation, parce qu'elle donne à penser que quand on est une personne homosexuelle, on est comme un réservoir de pulsions indisciplinées; on passe sa vie à baiser et on n'a aucune qualité parentale. Je suis d'autant plus surpris des bases de votre présentation que vous vous définissez comme des professionnels. Vous avez parlé d'un psychiatre et d'un endocrinologue. Êtes-vous en mesure de déposer des études à ce comité ou de nous renvoyer à des études scientifiques qui pourraient, de quelque manière que ce soit, soutenir les assertions que vous avez faites? La prémisse de votre raisonnement ne me paraît pas en soutenir les conclusions.

    Sur le plan scientifique, puisque vous êtes une association de professionnels, je vous dirai qu'il y a des gens, à l'Université du Québec à Montréal, qui étudient depuis 20 ans les aptitudes parentales des familles homosexuelles, tant aux États-Unis qu'au Canada, et qui constatent qu'il n'y a pas de différence dans le comportement des enfants qui sont issus de familles homosexuelles et de ceux qui sont élevés dans un environnement homosexuel. Je ne sais pas si vous avez des réalités scientifiques différentes à nous présenter. Sinon, évidemment, je serai obligé de conclure que votre présentation est un tissu assez grossier de préjugés, sans aucune rigueur. Mais je ne voudrais pas être obligé d'en venir à cette conclusion, puisque je sais que ce n'est sûrement pas l'intention qui vous anime ce matin.

+-

    M. Richard Bastien: Monsieur Ménard, vous avez fait allusion à la prémisse de notre présentation. Je ne sais pas ce que vous voulez dire exactement par «prémisse», mais j'ai compris que vous nous demandiez essentiellement si on avait des conclusions scientifiques tendant à démontrer que les homosexuels ne créent pas un milieu familial favorable pour les enfants. Je vais laisser le Dr Tim Lau répondre à cette question.

+-

    M. Réal Ménard: Vous nous avez dit qu'il était psychiatre.

+-

    M. Richard Bastien: Oui.

+-

    M. Réal Ménard: Il n'y a pas de sot métier.

[Traduction]

+-

    Dr Tim Lau («Cosmas and Damian Society»): Je ne suis pas avocat, mais en tant que clinicien et chercheur, je peux vous dire qu'il existe différents niveaux de preuve dans le domaine de la recherche. Ainsi, il existe des essais randomisés à double leurre et des essais contrôlés, que les lignes directrices consensuelles qualifient de niveau un. Le niveau suivant concerne des essais randomisés, mais à pas plus d'un site. Le troisième niveau de preuve pourrait exister si vous aviez des études de comparaison avec des groupes contrôle, lorsque vous analyseriez des groupes de personnes en fonction d'un genre quelconque de témoins où il n'y a pas d'effet du hasard. Le dernier niveau de preuve concerne l'analyse de phénomènes comme étant simplement des cas isolés, par exemple des études sur le terrain, ce qui est, je crois, ce dont vous parliez à propos des dix dernières années.

    Les deux mémoires présentés par l'APA en tant qu'intervenant désintéressé à la Cour suprême en 1994 s'appuyaient sur des études sur le terrain effectuées dans onze États. Au cours des dix dernières années, il n'y a pas eu essentiellement de groupes de témoins adéquats pour analyser de pareils phénomènes. Il n'y a pas de randomisation ni de leurre, et aucune recherche prospective à l'appui. Essentiellement, si nous nous fions à ce qui s'est produit au cours des 40 dernières années, quand le mariage a été redéfini de manière à permettre le divorce sans notion de tort, notre société a souffert. Ainsi, de nombreux enfants...

¿  +-(0955)  

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Excusez-moi, mais je veux m'assurer de bien comprendre. Je suis prêt à vous fournir, par l'intermédiaire de notre greffier, des études longitudinales qui ont été faites et où il n'est pas question de tests de hasard et tout ça.

    On sait ce que veut dire le mot «prémisse», car on est tous des universitaires. Vous avez employé le mot «catastrophique» pour décrire ce qui arriverait si on ouvrait l'institution du mariage aux personnes homosexuelles, et vous avez clairement dit, à plusieurs reprises, que les homosexuels étaient mus par leurs pulsions et se définissaient d'après leurs désirs, ce qui est une des choses les plus stupides que...

+-

    M. Richard Bastien: Ce sont eux qui se définissent comme ça.

+-

    M. Réal Ménard: Non, non, je regrette.

    Monsieur le président, ma question est la suivante.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Bastien, répondez, s'il vous plaît.

    Nous reviendrons ensuite à vous.

[Français]

+-

    M. Richard Bastien: Je veux simplement signaler que j'ai cité un passage où les théoriciens du mouvement homosexuel disent que leur comportement est inséparable de leur «moi»; ils se définissent eux-mêmes comme vous dites. Ce n'est pas nous qui avons dit ça; ce sont eux qui disent ça.

+-

    M. Réal Ménard: Il faudrait de la rigueur scientifique, car vous êtes des professionnels de la santé. J'aimerais que vous me fassiez partager avec vous des études qui soutiennent le point de vue que vous avez avancé devant ce comité, sinon votre présentation est un tissu de préjugés grossiers et incohérents.

    Je ne connais personne de la communauté homosexuelle qui puisse, de quelque manière que ce soit, s'apparenter à la définition que vous avez donnée. Sur le plan de la fréquence du comportement sexuel, sur le plan des aptitudes parentales, rien de ce que vous avez soutenu devant ce comité ne peut être appuyé scientifiquement. Notre collègue psychiatre n'a donné le nom d'aucune étude. J'aimerais que vous me donniez une étude pour qu'on puisse la regarder. Je suis très ouvert à modifier mon point de vue, mais pas sur la base de préjugés grossiers qui ne sont étayés par rien, si ce n'est des pulsions un peu discutables.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Passons maintenant au groupe d'experts.

+-

    Dr Tim Lau: J'aimerais préciser que l'une des raisons pour lesquelles la recherche pharmaceutique est si limitée dans le cas des enfants est qu'on n'est pas disposé à mener des expériences auprès de ce groupe. Faire de la recherche prospective de cette façon pour voir s'il y a des effets revient essentiellement à mener une énorme expérience.

    Un des résultats cliniques ou sociétaux les plus reproductibles est que le divorce affecte les enfants. Les mariages ont une influence sur les enfants. Nous pouvons, je crois, le constater au sein de nos propres familles. Si l'on se fie à un ouvrage de Lewis, l'autorité en matière de pédopsychiatrie, 90 p. 100 des enfants admis dans les services psychiatriques viennent de foyers brisés. Cette idée que le mariage ou la définition du mariage ne touche personne sauf les mariés est ridicule. Elle affecte les enfants. Au cours des 20 ou 30 dernières années, le taux de suicide chez les adolescents a quintuplé. Ce sont là des faits.

    Vous parlez de niveaux de preuve et vous aimeriez que nous vous fournissions les coordonnées d'ouvrages de référence. Il y en a beaucoup, par exemple l'étude nationale britannique sur la cohorte qui analyse les effets du divorce sur les enfants.

+-

    Le président: Monsieur Ménard.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: J'ai une dernière question à poser, monsieur le président. Soyez gentil avec moi.

À  +-(1000)  

[Traduction]

+-

    Le président: Non, je refuse. Vous avez nettement dépassé le temps qui vous était alloué.

    Pourriez-vous nous fournir les coordonnées de ces ouvrages de références dont vous parlez, pour que le comité puisse les mettre à la disposition de M. Ménard?

+-

    M. Richard Bastien: Oui, j'en ai toute une liste.

+-

    Le président: Monsieur Ménard, nous verrons à ce que vous les obteniez et, après les avoir toutes lues, vous pourrez en faire rapport au comité.

    Monsieur O'Brien.

+-

    M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président.

    J'ai simplement une observation à faire. Il est intéressant de constater que, depuis que je fais partie du comité, les seuls témoins qui sont accusés de préjugés ou d'homophobie...du moins, certes de préjugés, sont ceux qui semblent favorables au maintien de la définition du mariage. Ce sont les seuls témoins dont on remet en question les motivations. Je trouve le fait intéressant, au beau milieu d'un débat préconisant la tolérance et l'équité à l'égard de tous.

    J'aimerais poser ma première question à l'Association du Barreau, mais j'aimerais aussi avoir la réaction du second groupe de témoins, puisque je vais citer des passages du mémoire présenté par la Cosmas and Damien Society.

    C'est la deuxième fois que nous entendons ce témoignage. À la page 3, on peut lire une citation de la théoricienne lesbienne Ladelle McWhorter, selon laquelle si «l'on permet aux homosexuels de faire partie en tant qu'homosexuels des communautés et des institutions qu'ils [hétérosexuels] revendiquent, notre présence [homosexuels] changera ces institutions et ces pratiques suffisamment pour ébranler leur version préférée de l'hétérosexualité et, à leur tour, ils ne seront plus les mêmes».

    Ma question s'adresse aux porte-parole de l'Association du Barreau. J'aimerais déplacer le fardeau de la preuve. À nouveau, il est intéressant de voir que la personne qui a soulevé le point n'est pas ici pour entendre l'argument de contrepartie, mais nous commençons à en avoir l'habitude au sein du comité. Il s'agit d'un genre de raid éclair. Avec un peu de chance, la transcription sera lue par tous les membres du comité.

    Je vais inverser le fardeau de la preuve et l'imposer là où je crois qu'il devrait l'être.

    Un groupe minoritaire de personnes au Canada demande à notre comité et au Parlement de changer la définition actuelle du mariage qui a fort bien servi le pays depuis 1867. Il va falloir me persuader de le faire. Selon moi, les promoteurs n'ont pas grand chance de réussir, mais je suis disposé à me lancer dans le débat.

    J'aimerais changer le fardeau de la preuve et demander à l'Association du Barreau canadien de défendre son affirmation selon laquelle l'inclusion des conjoints de même sexe n'affaiblirait pas l'institution du mariage. C'est ce que vous avez essentiellement affirmé. Sur quelles recherches vous appuyez-vous pour faire une telle déclaration et quelle est votre réaction au passage que je viens de citer et qui est en complet désaccord avec votre déclaration? J'aimerais que vous déposiez la recherche sur laquelle vous vous appuyez pour faire cette affirmation.

+-

    Mme Patricia LeFebour: Je suis désolée, monsieur, mais je n'ai pas entendu le nom de la théoricienne lesbienne que vous avez citée.

+-

    M. Pat O'Brien: Ladelle McWhorter.

    Il y a un éminent professeur de Harvard, un homosexuel—je mentionne sa sexualité en raison de ce qu'il dit. Il soutient de façon catégorique que la redéfinition du mariage va avoir un impact important sur l'institution même du mariage.

    J'ai cité deux experts, les témoins à côté de vous en ont cité un des deux. Vous dites que cette redéfinition n'aura aucune conséquence négative sur l'institution du mariage. Je sais que vous êtes des avocats, mais sur quoi vous fondez-vous pour justifier pareille affirmation?

    C'est à vous, et à ceux qui souhaitent qu'on redéfinisse le mariage, que revient la responsabilité de fournir les arguments requis, contrairement à ce que laissent entendre M. Ménard et d'autres.

+-

    Mme Patricia LeFebour: La question est intéressante à plusieurs égards. Comme vous l'avez indiqué, l'Association du Barreau canadien, qui a un mandat à remplir en matière de jurisprudence, est d'avis que le débat doit demeurer avant tout judiciaire. Cela dit, je trouve votre observation, et votre question, pertinentes.

    Pour ce qui est de savoir si le mariage de personnes de même sexe aura pour effet, comme vous le dites, d'affaiblir l'institution du mariage, l'Association du Barreau estime que l'inclusion des couples de même sexe dans la définition de mariage entraînera des changements. Il faudra non seulement modifier les lois, mais également redéfinir le mariage.

À  +-(1005)  

+-

    M. Pat O'Brien: Excusez-moi, mais, sauf votre respect, ce n'est pas ce que je vous ai demandé. Comme je n'ai pas beaucoup de temps, je voudrais qu'on se concentre sur la question.

+-

    Le président: Votre temps est effectivement écoulé.

+-

    M. Pat O'Brien: D'accord, j'aimerais à tout le moins qu'on réponde à la question. Sur quelles données ou études vous fondez-vous pour dire, comme vous l'avez fait à la fin de votre exposé, que l'inclusion des conjoints de même sexe n'aurait pas de conséquence négative sur le mariage? Est-ce que cette affirmation repose sur des données probantes, ou est-ce que vous émettez tout simplement une opinion?

+-

    Mme Patricia LeFebour: J'y arrive.

+-

    M. Pat O'Brien: D'accord. Je m'excuse.

+-

    Mme Patricia LeFebour: L'Association du Barreau estime qu'il faut tenir compte de l'évolution de la jurisprudence, de l'évolution des unions qui se sont vu accorder un statut juridique en droit canadien. Et compte tenu de cette évolution, les tribunaux sont de plus en plus d'avis que les couples de même sexe doivent être reconnus, protégés et visés par les lois canadiennes.

    L'Association du Barreau canadien n'a pas pour but ici de fournir des études sociologiques ou autres sur le sujet. L'Association estime que ces couples jouissent d'une protection de plus en plus grande eu égard aux jugements qui sont rendus par les tribunaux. Enfin, l'ABC est d'avis que la définition du mariage se trouverait renforcée, non pas affaiblie, si les conjoints de même sexe étaient inclus dans celle-ci.

+-

    M. Pat O'Brien: Je vous remercie de votre réponse. Vous n'avez fourni aucune donnée qui justifie une telle affirmation.

+-

    Le président: Je tiens à dire, pour le compte rendu, que je ne tiens pas compte des présences, puisqu'il y a plusieurs membres du comité qui doivent s'absenter de temps en temps. Nous n'en tenons pas compte. Il y a de nombreux députés qui siègent à deux ou trois comités. Nous n'en tenons pas compte, de sorte qu'ils n'ont pas à expliquer leur absence.

    Monsieur Marceau.

+-

    M. Pat O'Brien: J'accepterai volontiers d'aborder la question quand le député sera ici, monsieur le président.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Merci, monsieur le président.

    Monsieur Bastien, vous êtes ici devant un comité de parlementaires, donc de gens qui font le droit. Notre travail, c'est d'être législateurs et donc de faire du droit. On s'entend là-dessus?

    Dans votre présentation, vous dites, et je vous cite:

L'État peut réglementer le mariage, mais il ne peut le redéfinir parce que, bien qu'il soit déterminé culturellement, le mariage est intrinsèquement rattaché à la différenciation de la personne humaine en homme et en femme. Cette différenciation prime sur tout ce que la loi peut déterminer en matière de mariage.

    Et un peu plus loin, vous dites: «La loi n'est donc pas en cause.»

    Si la loi n'est pas en cause, qu'est-ce que vous faites ici?

+-

    M. Richard Bastien: Nous sommes ici pour vous dire de ne pas changer la loi pour inclure le mariage homosexuel dans le mariage.

+-

    M. Richard Marceau: Mais si ce n'est pas la loi qui décide, qui décide?

+-

    M. Richard Bastien: Le passage auquel vous nous renvoyez dit, dans la version anglaise:

[Traduction]

    Marriage is «prior» to the state.

[Français]

    Ils ont traduit cela en disant que le mariage «prime» sur la capacité de légiférer. Le sens réel de cette phrase est que l'institution familiale existe avant le mariage. Même historiquement, elle existait avant le mariage. On pourrait imaginer une société où il n'y aurait pas d'État souverain, mais où il y aurait des familles. On sait qu'il y aurait des familles, quoi qu'il arrive, en termes d'institutions étatiques. C'est tout ce qu'on voulait dire.

+-

    M. Richard Marceau: Il faut différencier famille et mariage. Il peut y avoir des familles sans mariage. On s'entend là-dessus?

+-

    M. Richard Bastien: Comme il en existe au Canada. Oui, je le sais.

+-

    M. Richard Marceau: Il faut donc faire attention de bien distinguer les termes. Vous êtes des professionnels. Une famille n'est pas nécessairement le mariage. Par exemple, une veuve ou un veuf avec des enfants, c'est quand même une famille, mais il n'y a pas de mariage là-dedans. On s'entend là-dessus?

+-

    M. Richard Bastien: Oui.

+-

    M. Richard Marceau: Parfait. Donc, je reviens à ma question. Pour reprendre vos propres mots, vous dites que la famille peut exister avant n'importe quel État souverain. Il n'y a pas de problème. Quant au mariage, c'est quand même à l'État de le définir, de le réglementer et de légiférer là-dessus, n'est-ce pas?

+-

    M. Richard Bastien: Non.

+-

    M. Richard Marceau: Si ce n'est pas à l'État et aux législateurs de le faire, qui doit le faire?

+-

    M. Richard Bastien: Je fais la distinction entre définir le mariage et réglementer le mariage. La définition du mariage relève du sens commun. La réglementation du mariage relève de l'État.

+-

    Le président: Merci.

+-

    M. Richard Marceau: J'ai encore une question. Qui définit le sens commun?

À  +-(1010)  

+-

    Le président: La réponse?

+-

    M. Richard Marceau: Qui définit le sens commun?

+-

    M. Richard Bastien: C'est le consensus dans la population, si vous voulez. Moi, je pense qu'on peut le définir sans consensus, mais en général, la majorité des gens s'entendent sur ces choses-là. Si vous faisiez un référendum sur la question, il n'y aurait aucun doute quant aux résultats.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Richard, votre tour viendra plus tard. Je tiens à être juste envers tout le monde.

    Monsieur McKay.

+-

    M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Il serait peut-être plus juste de dire que c'est à l'État de définir ce qu'est un homme et ce qu'est une femme. Voilà peut-être une meilleure façon de répondre à la question de M. Marceau.

    À la page 16 de son exposé, l'Association du Barreau canadien affirme, et je cite:

Il est important de noter également que les demandeurs dans les trois cas de mariage n'ont pas pris la position qu'une église peut ou devrait être requise par l'État de marier un couple qui ne se conforme pas aux croyances religieuses de l'église. Toute loi dispensant le clergé, qui est habilité à administrer les voeux de mariage sanctionnés par l'État, peut faire l'objet d'une contestation judiciaire de conjoints de même sexe auxquels ce service est refusé parce qu'il contrevient à leur droit à l'égalité en vertu de la Charte. 

    M. Fisher, du groupe EGALE, a déclaré, et je trouve cela tout à fait ridicule, qu'aucune personne ne ferait l'objet de poursuites. Je trouve votre observation pertinente. Si, en fait, on permet aux églises de gérer la question du mariage comme elles l'entendent, et qu'une église ou un membre du clergé décide de ne pas célébrer le mariage d'un couple de même sexe, il ou elle fera certainement l'objet de poursuites.

    Est-ce juste?

+-

    Mme Patricia LeFebour: M. Fisher, si j'ai bien compris, s'est personnellement engagé à ne pas intenter de poursuites, sauf qu'il exige, en retour, que les députés acceptent d'inclure les couples de même sexe dans la définition.

+-

    M. John McKay: C'est ce que j'ai compris.

+-

    Mme Patricia LeFebour: Or, selon l'Association, il pourrait y avoir des litiges. Toutefois, les églises sont protégées par la Constitution. Je crois que M. Norton a dit de façon très éloquente, au nom de la Commission des droits de la personne de l'Ontario, que les institutions religieuses bénéficient d'exemptions en matière de droits de la personne.

+-

    M. John McKay: Oui, et avec un dollar, on peut acheter une tasse de café chez Tim Horton. Il est presque certain que si un membre du clergé refuse de célébrer le mariage d'un couple de même sexe, il va faire l'objet de poursuites.

+-

    Mme Patricia LeFebour: Il n'y a pas...

+-

    M. John McKay: Rien ne prouve qu'ils ne feront pas l'objet de poursuites.

+-

    Mme Patricia LeFebour: Le clergé n'est pas obligé d'administrer le mariage de conjoints de même sexe si, en fait, le mariage est redéfinit pour inclure les couples de même sexe. L'Association n'irait pas jusqu'à dire qu'il est presque certain que des litiges s'ensuivraient. Au contraire, l'Association estime qu'il y a très peu de chances que de tels litiges, si litige il y a, aboutissent, étant donné les protections constitutionnelles et les exemptions en matière de droits de la personne dont bénéficient les églises et les institutions religieuses.

+-

    M. John McKay: Merci de cette réponse.

    Je voudrais maintenant m'adresser à M. Lau. Ce que nous essayons de faire au sein du comité, c'est d'établir une comparaison entre les différents types de relations qui existent. Les représentants de Statistique Canada, quand ils ont comparu devant nous, ont établi une comparaison entre les couples mariés, les couples qui vivent en union libre et qui ensuite se marient, et les conjoints de fait, en utilisant comme point de référence des segments de cinq ans. Ce qu'ils ont constaté essentiellement, c'est qu'au cours du premier segment de cinq ans, les couples mariés étaient cinq fois plus stables que les couples vivant en union libre. Il manque toutefois un élément au tableau de comparaison: il faudrait essayer de comparer ce qu'on appelle les conjoints de fait de même sexe, gais et lesbiennes, et de voir si ces relations cadrent avec un des volets critiques de la définition du mariage, soit «l'exclusion de toute autre personne», qui est en fait le troisième élément de la définition.

    À votre avis, existe-t-il des données objectives sur la stabilité des couples de lesbiennes vivant en union libre et des couples gais vivant en union libre? Existe-t-il une différence entre ceux qui sont liés par le contrat du mariage et ceux qui vivent tout simplement en union libre? Par ailleurs, existe-t-il des données sur le taux de fidélité observé parmi ces groupes?

+-

    Dr Tim Lau: Pour ce qui est de la question de la rupture et de la durée des relations, une des raisons invoquées pour expliquer le plafonnement du taux de divorce à 50 p. 100, c'est que les gens, de nos jours, ont souvent tendance à choisir la cohabitation au lieu du mariage.

    Pour ce qui est de savoir si, quand 50 p. 100 ou plus des unions prennent fin... Il existe une importante variation statistique, et il est difficile de fixer le chiffre à  50 p. 100. L'écart-type est de 15 ou 20 p. 100. Il est difficile d'établir une comparaison statistique entre les unions homosexuelles.

    D'après certains documents mentionnés ici, les homosexuels croient qu'ils sont beaucoup plus susceptibles de se séparer, sauf qu'il n'existe aucune étude en tant que telle qui le démontre. Je ne sais pas si vous avez des données en main, mais nous en avons parlé à la dernière réunion.

À  +-(1015)  

+-

    M. Richard Bastien: Je m'excuse, je n'ai pas de données précises à vous fournir, mais je sais qu'elles existent. En fait, nous pensions que vous étiez déjà inondés de renseignements sur le sujet et que nous n'avions pas à vous en fournir.

+-

    M. John McKay: Vous avez bien dit «inondés»? Je n'ai pas bien saisi ce que vous avez dit.

+-

    M. Richard Bastien: J'ai bien dit «inondés».

    Ce que je peux vous dire, c'est que vous allez trouver les renseignements que vous recherchez dans le mémoire qu'a présenté Daniel Cere, de l'Institut d'études sur le mariage, le droit et la culture de l'Université McGill. Nous en avons une copie. Il a déjà comparu devant le comité.

    Nous ne voulions pas vous inonder de données. Nous pensions que vous les aviez déjà en main. Nous allons, bien entendu, vous les fournir, si vous voulez, après la réunion.

+-

    Dr Tim Lau: J'aimerais faire un bref commentaire. Certaines des modifications apportées aux lois semblent logiques—je fais allusion, par exemple, à la cohabitation avant le mariage. Ce type de relation est grosso modo deux fois plus instables que le mariage. Autrement dit, en optant pour la cohabitation avant le mariage, vous vous placez dans une situation essentiellement plus vulnérable. L'idée d'être plus compatible... Donc, nous apportons des modifications en partant du principe que ces modifications devraient ou pourraient s'avérer utiles, sans vraiment connaître leurs conséquences. Les risques peuvent être énormes.

    Dans le cas du divorce, si vous jetez un coup d'oeil à certaines des statistiques sur le divorce et ses effets sur les enfants, on constate, entre autres, que... On veut, par exemple, protéger les femmes qui pourraient être exposées à des hommes violents, des hommes avec lesquels elles ne devraient pas se trouver. Or, d'après certaines études, les deuxième ou troisième partenaires de ces femmes vont également avoir tendance à être des hommes violents, ou des partenaires secondaires violents. Donc, cette démarche ne leur est d'aucune utilité dans ce cas-ci.

    Cette observation est également valable pour les seuils de pauvreté. Ces femmes deviennent beaucoup plus marginalisée. Une fois divorcées, elles ont plus souvent tendance à vivre du bien-être social, à être des parents uniques. Environ 90 p. 100 des assistés sociaux aux États-Unis sont des parents uniques.

    Donc, ces modifications semblent logiques dans une certaine mesure, sauf qu'on ne connaît pas vraiment les conséquences qu'elles peuvent entraîner.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Marceau.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Monsieur Lau, ce n'est tout de même pas la faute des homosexuels s'il y a tant de divorces.

[Traduction]

+-

    Dr Tim Lau: Non.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: D'accord.

    Je vais revenir à M. Bastien. Monsieur Bastien, je vais encore vous citer. Dans votre document, vous dites que ça «pourrait aussi, lentement mais sûrement, procéder à la destruction de la société canadienne.»

    Et vous dites plus loin:

Le mariage homosexuel affaiblira la société canadienne [et] servira à renforcer un type de politique qui, essentiellement, entraîne la division, et qui, à vrai dire, détruit les sociétés modernes.

    Voulez-vous m'expliquer cela? Comment est-ce que le fait de permettre à des conjoints de même sexe de se marier détruirait la société canadienne? Ce sont des mots forts, et comme je présume que vous connaissez bien la portée des mots que vous utilisez, j'aimerais vous entendre là-dessus.

+-

    M. Richard Bastien: Vous avez tout à fait raison. Vous avez bien exprimé ce que dit le mémoire qu'on a soumis. Nous croyons sincèrement que si on redéfinit le mariage pour y inclure les unions homosexuelles, ça va affaiblir davantage une institution qui s'est déjà affaiblie considérablement depuis 30 ans. Par conséquent, cela va aussi affaiblir la société canadienne. Nous disons cela parce que nous estimons qu'il y a un lien entre la stabilité des familles et la stabilité de la société. C'est au sein des familles que les enfants font l'apprentissage de la socialisation.

À  +-(1020)  

+-

    M. Richard Marceau: Monsieur Bastien, vous êtes d'accord avec moi que jusqu'à maintenant, les homosexuels n'ont pas eu le droit de se marier et que le taux de divorce est quand même d'environ 50 p. 100. On s'entend aussi pour dire que ce n'est pas la faute des conjoints de même sexe.

+-

    M. Richard Bastien: Je n'accepte pas ce chiffre de 50 p. 100. À mon avis, c'est fondé sur une erreur statistique. Ça sert très bien le lobby homosexuel que de dire que le taux de divorce est de 50 p. 100. Je ne veux pas m'engager dans un débat là-dessus, mais ce chiffre n'a aucun fondement.

+-

    M. Richard Marceau: Des représentants de Statistique Canada sont venus nous voir. On va donc se baser sur ce qu'ils nous ont dit. Donc, on s'entend pour dire que ce n'est pas la faute du lobby homosexuel. Je n'en fais pas partie, mais ce n'est pas leur faute si le taux de divorce est aussi élevé. On peut enlever les chiffres si vous le voulez et s'entendre là-dessus.

+-

    M. Richard Bastien: Oui.

+-

    M. Richard Marceau: D'accord. Maintenant, est-ce que vous êtes marié?

+-

    M. Richard Bastien: Oui.

+-

    M. Richard Marceau: Si demain matin, mon collègue Réal Ménard, qui est homosexuel, décidait de se marier, est-ce que vous décideriez de divorcer? Quel effet cela aurait-il sur votre couple?

+-

    M. Richard Bastien: Cela n'aurait pas d'effet immédiat sur mon couple personnel, sur ma femme et moi, et sur ma famille parce qu'on est mariés depuis 31 ans et que nos enfants sont d'âge adulte. Donc, dans mon cas, je crois que les effets seraient limités.

+-

    M. Richard Marceau: Vous êtes des scientifiques. Avez-vous des études scientifiques qui démontrent que si les couples homosexuels avaient le droit de se marier, moins d'hétérosexuels se marieraient et auraient des enfants? Avez-vous des études qui démontrent cela?

+-

    M. Richard Bastien: Non, je n'ai pas d'études, mais j'ai quand même des exemples historiques à l'appui de ce que j'avance. Je vais vous donner un exemple qui est mentionné dans le mémoire. Le Parlement canadien, à la fin des années 1960, a modifié un aspect du mariage. Il n'a pas modifié la définition du mariage, mais il a modifié la réglementation du mariage en instituant le no-fault divorce. On disait à l'époque--vous le trouverez dans le hansard--que cela n'aurait pas d'effet sur le taux de divorce. Or, cela a eu un effet considérable sur le taux de divorce, et cela a donc eu des effets terribles sur certaines familles. Des enfants ont souffert et souffrent encore aujourd'hui à cause de cela. Si une simple une modification à la réglementation du mariage a eu de tels effets, quels seraient les effets d'une redéfinition du mariage? Ils seraient sans doute encore beaucoup plus importants.

+-

    M. Richard Marceau: Mais vous n'avez pas d'études sur le mariage.

+-

    M. Richard Bastien: Non.

+-

    M. Richard Marceau: C'est ce que vous m'avez dit. Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Jennings.

+-

    Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Je tiens à remercier les représentants de l'Association du Barreau canadien et du groupe Cosmas and Damian Society de leurs exposés.

    J'aimerais poser quelques questions à l'Association du Barreau canadien, et ensuite une question à M. Bastien et M. Lau.

    Si j'ai bien compris, sur les quatre options que propose le ministre de la Justice dans son document de travail sur la façon dont le gouvernement fédéral doit régler la question du mariage sur le plan législatif, il n'y en a qu'une seule que l'Association du Barreau canadien privilégie, en se fondant sur le pouvoir constitutionnel du gouvernement fédéral, et c'est la suivante: le gouvernement doit élargir la définition du mariage de manière à préciser qu'il s'agit d'une union entre deux personnes, et non pas nécessairement entre un homme et une femme. Est-ce bien cela?

À  +-(1025)  

+-

    Mme Patricia LeFebour: C'est là la position de l'Association du Barreau canadien.

+-

    Mme Marlene Jennings: La position du Barreau est la suivante: peu importe la décision du gouvernement fédéral, toutes les options entraîneront des contestations judiciaires ou des contestations en vertu de la Constitution, et ce, que l'on décide de maintenir le statu quo, de reléguer la responsabilité à d'autres et de créer un registre national, ou encore un registre distinct pour les couples de même sexe, ou bien d'élargir la définition de mariage pour y inclure les couples de même sexe. Il y aura des contestations, qu'elles proviennent de particuliers, d'institutions, de différents paliers du gouvernement, ou même du gouvernement fédéral lui-même. Peu importe l'option retenue, il se peut que plusieurs gouvernements provinciaux, un gouvernement provincial ou un gouvernement territorial, refusent de mettre en application l'option choisie par le gouvernement fédéral. Les quatre options aboutiront toutes, en fait, à des contestations.

    La question qu'il faut se poser est la suivante: qui contesterait quoi? Est-ce que les couples hétérosexuels dénonceraient les couples de même sexe, compte tenu du fait que le mariage entre personnes de même sexe est reconnu par la loi? Est-ce que les couples de même sexe contesteraient la définition actuelle du mariage, définition qui leur refuse le droit au mariage et qui ne reconnaît pas leur union? Est-ce que des particuliers contesteraient la décision d'une église, d'une synagogue, d'une mosquée? Il y aurait des contestations judiciaires puisque nous sommes une société litigieuse. La question est de savoir qui contesterait quoi? Est-ce juste?

+-

    Mme Patricia LeFebour: On ne peut pas nécessairement conclure qu'il va y avoir contestation. L'Association est d'avis que des litiges pourraient s'ensuivre si les gouvernements provinciaux refusent d'appliquer l'option retenue, mais rien n'est acquis. Ce qui est certain, c'est que le fait de refuser d'accorder des droits à un groupe de personnes, le fait de refuser d'accorder aux gais et aux lesbiennes l'accès au mariage a donné lieu à des litiges, puisqu'ils étaient privés de droits. L'octroi de droits, via l'élargissement de la définition—si cela se produit, il ne faut pas croire que des litiges vont s'ensuivre. L'Association du Barreau n'est pas d'avis que de tels litiges vont obligatoirement avoir lieu.

+-

    Mme Marlene Jennings: En fait, je suis en faveur du mariage entre conjoints de même sexe. Toutefois, nous sommes en 2003 et je sais que, peu importe l'option que retiendra le gouvernement, il y a aura des litiges. La question est de savoir qui ou quel groupe sera à l'origine de ces litiges, et si ces litiges aboutiront en vertu de notre régime constitutionnel actuel, lequel est fondé sur le droit et la démocratie. Voilà les questions qu'il faut se poser, à mon avis.

    Je ne fais plus partie de l'Association du Barreau canadien. Toutefois, je suis avocate et je ne vois pas comment l'Association du Barreau canadien peut affirmer qu'il n'y aura pas de litiges. Il y aura indubitablement des litiges. C'est évident.

    Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de lire les comptes rendus des audiences que nous avons tenues jusqu'ici, mais il est clair que, peu importe l'option...il y en a déjà une qui fait l'objet de litiges, et c'est celle qui propose le statu quo. Les trois autres options, si le gouvernement fédéral les retient, vont également finir par donner lieu à des litiges. Or, il faut d'abord se demander si ces litiges vont aboutir, et ensuite, dans quelle mesure ils vont contribuer à limiter ou à redéfinir l'option retenue par le gouvernement fédéral.

+-

    Le président: Avez-vous un commentaire à faire?

+-

    Mme Patricia LeFebour: Manifestement, d'après l'Association du Barreau, toute loi qui tiendrait compte de la recommandation de l'ABC, qui est d'élargir la définition du mariage, serait conforme aux principes de la Charte. Les litiges découlant de l'option retenue seraient vraisemblablement tranchés en fonction des décisions rendues en vertu de la Charte et des principes constitutionnels en vigueur au Canada.

À  +-(1030)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame Jennings.

    Monsieur Marceau.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Je vous ai posé une question sur des études sur l'effet de cela sur le mariage, et vous m'arrivez avec une affaire de pommes et d'oranges, avec votre analogie sur le divorce. On parle de mariage; on ne parle pas de divorce.

    Je vous pose la question de nouveau. Est-ce que vous avez des études qui démontrent que le fait de donner à des conjoints de même sexe la possibilité de se marier aurait pour effets une baisse des mariages hétérosexuels et une baisse du taux de reproduction des couples hétérosexuels? Est-ce que vous avez des études et des chiffres scientifiques qui démontrent cela?

+-

    M. Richard Bastien: Non, monsieur Marceau, je n'en ai pas parce qu'on n'en a pas fait. Je vous dirai que même si on en avait fait, vous ne pourriez pas juger uniquement sur la base d'une, deux ou trois études. Une étude telle que celle dont on parle ici est toujours entachée d'un coefficient d'incertitude très élevé. On ne parle pas d'études scientifiques comme on en fait dans les sciences pures ici; on parle d'études dans le domaine des sciences sociales, des sciences humaines. J'ai fait de nombreuses études en sciences humaines au Canada et aux États-Unis et je peux vous dire que les meilleures études en sciences humaines sont entachées d'un coefficient d'incertitude très élevé. Donc, on ne fait pas d'expériences sociales avec des enfants sur la base d'études. C'est ce que je vous dirais.

+-

    M. Richard Marceau: Oui, monsieur Bastien, mais on ne fait pas une présentation devant un comité en disant que le fait de permettre aux conjoints de même sexe de se marier détruirait la société canadienne, sans avoir de preuves et d'éléments appuyant cette affirmation.

+-

    M. Richard Bastien: Mais j'ai des éléments qui...

+-

    M. Richard Marceau: Laissez-moi continuer. Je vous dirai qu'il y en a une. Jusqu'à maintenant, la seule chose qu'on ait--et je serais d'accord avec ceux de l'autre côté, entre autres Pat, qui diraient que c'est incomplet, mais c'est le seul élément qu'on a jusqu'à maintenant--, c'est l'exemple des Pays-Bas. C'est tout nouveau, car ça commence. L'étude n'est pas complète, mais ce sont des chiffres qui ont été obtenus grâce à la recherche faite par ce comité, que je félicite d'ailleurs pour son très bon travail. On dit que l'entrée en vigueur de la loi autorisant le mariage entre conjoints de même sexe, le 1er avril 2001, ne semble pas avoir eu un impact sur la courbe des mariages hétérosexuels.

    Donc, ils ont pris des données des années précédentes et ils les ont comparées à celles de la dernière année. Ça fait maintenant pratiquement deux ans. Bien sûr, ce n'est pas complet, mais jusqu'à maintenant, tout indique que le fait qu'un voisin gai ait le droit de se marier ne change pas la vie d'un couple hétérosexuel.

    Qu'est-ce que vous avez à répondre à cela?

+-

    M. Richard Bastien: Je vous répondrai que vous-même, monsieur Marceau, n'avez pas le droit de dire ça, parce que vous n'avez pas de données concluantes qui vous permettent de le dire. Vous allez sans doute me dire que je n'en ai pas non plus. Je n'ai pas d'études rigoureuses parce qu'il n'en existe pas, mais il y a l'expérience de plusieurs générations, de plusieurs sociétés, de plusieurs civilisations. Il y a tout un bagage de connaissances qui relèvent de plusieurs cultures. Il n'y a pas que la culture judéo-chrétienne qui ait traditionnellement appuyé le mariage hétérosexuel et qui se soit méfiée de l'homosexualité. C'est vrai également de toutes les civilisations, et même des sociétés dites officiellement athées, comme la Chine communiste et l'ancienne URSS. Vous ne pouvez pas ignorer les connaissances fondées sur des millénaires.

[Traduction]

+-

    Dr John Gay («Cosmas and Damian Society»): Je tiens tout simplement à préciser que les études que réclame M. Marceau n'existent tout simplement pas. Il souhaite qu'on lui fournisse des données qui ne peuvent tout simplement pas être recueillies sur le plan scientifique. On nous propose une vaste expérience sociale qui, comme l'indique le document, compromet la sécurité des résultats et n'offre aucune garantie aux participants. Aucun comité d'éthique n'accepterait une telle chose.

+-

    Le président: Madame Fry.

À  +-(1035)  

+-

    L'honorable Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Ma question s'adresse à M. Bastien, M. Lau ou M. Gay.

    Vous avez fait des déclarations extraordinaires auxquelles je voudrais revenir. Vous avez parlé du divorce, du taux élevé de divorce. M. Marceau vous a demandé de fournir des données qui appuient vos dires. Nous savons tous que le taux de divorce au Canada est très élevé. Il a demandé qu'on lui fournisse des données qui viendraient étayer certaines de vos conclusions.

    Le fait est que nous ne savons pas, si les couples de même sexe sont autorisés à se marier, si les taux de divorce applicables à ces couples seront tout aussi élevés ou tout aussi faibles. Nous n'avons aucun moyen d'établir une telle comparaison, parce qu'à l'heure actuelle, ils n'ont pas le droit de se marier. Donc, nous cherchons à établir des comparaisons entre la stabilité des couples de même sexe et la stabilité des couples qui vivent en union libre, et nous savons que ces relations, par définition, sont instables, car bon nombre des personnes qui cohabitent ensemble n'ont pas pris d'engagement l'un envers l'autre. S'ils prennent un tel engagement, ils auront contribué à stabiliser leur relation. Ce que disent les couples de même sexe, c'est que certains veulent prendre un tel engagement et stabiliser leur union par le biais du mariage.

    Donc, je ne comprends pas comment un tel geste peut menacer l'institution du mariage. Je pense, en fait, qu'il peut contribuer à la renforcer.

    Si vous avez une institution qui est délaissée—et au Québec, dans bien des cas, le mariage n'est même pas une option—alors, bien entendu, s'il y a des gens qui affirment vouloir faire partie de ce groupe parce qu'ils croient en cette institution, ces gens vont contribuer à la renforcer. Donc, je ne sais pas sur quels arguments vous vous fondez dans ce premier cas.

    Ensuite, j'ai l'impression que vous êtes contre le divorce, parce que vous avez parlé des femmes qui se trouvent dans des relations de violence, qui ont tendance à remarier des hommes violents, à fréquenter des hommes violents. C'est effectivement le cas, mais cette situation est attribuable à un comportement acquis. Il y a toutes sortes de raisons qui font que certaines personnes se retrouvent dans des relations de violence. Toutefois, j'ai eu l'impression que vous disiez, pourquoi divorcer le premier conjoint? Si vous allez vous retrouver dans une autre relation de violence, aussi bien rester dans la première et continuer de subir une telle violence. Je trouve cette conclusion extraordinaire. Corrigez-moi si je me trompe.

    Enfin, vous laissez entendre, à la page 3 de votre mémoire, que les effets visibles des unions de conjoints de même sexe se feraient sentir partout, au cours des matchs de petites ligues, des réunions de scouts, là où les parents et les couples se rassemblent. J'aimerais vous poser la question suivante: et puis après? Il est évident qu'au cours de tels matchs et réunions, il y a des conjoints de même sexe qui sont là pour appuyer leurs enfants. Êtes-vous en train de dire que les enfants de couples de même sexe, à l'instar des enfants de couples hétérosexuels, ne devraient pas avoir le droit de se sentir en sécurité? Êtes-vous en train de dire, vous qui avez tellement parlé des enfants, que ces enfants ne devraient pas bénéficier du droit à la stabilité en vertu de la loi, ou encore du droit à la reconnaissance parmi leurs paires ou les parents qui sont mariés?

    Je trouve toutes ces déclarations extraordinaires, et j'aimerais que vous me les expliquiez.

+-

    M. Richard Bastien: Monsieur le président, nous sommes conscients du fait que la cellule familiale s'est affaiblie au cours des dernières années, et que le taux de divorce a augmenté. Nous en sommes conscients. Ce que nous disons, c'est qu'il faut renforcer la cellule familiale.

    Je sais qu'il y a des choses que l'État ne peut pas faire, mais il peut à tout le moins empêcher que la cellule familiale ne s'affaiblisse davantage. Ce que nous disons, c'est que si vous redéfinissez l'institution du mariage pour inclure les mariages homosexuels, vous allez affaiblir la cellule familiale qui est considérée comme un élément de stabilité dans la société.

    Si vous redéfinissez l'institution du mariage pour inclure les unions homosexuelles, vous allez créer de la confusion. Vous allez dire, en fait, que les unions homosexuelles ne sont pas différentes des unions traditionnelles. Vous allez dire, en fait...

À  +-(1040)  

+-

    L'hon. Hedy Fry: Monsieur Bastien, ce n'est pas la question que je pose.

+-

    M. Richard Bastien: Vous direz que l'État est indifférent au fait que des Canadiens choisissent de vivre à l'intérieur d'unions homosexuelles ou à l'intérieur d'un mariage; or, cela a un effet.

    La loi sert de guide à bien des gens et, à ce titre, influence le comportement humain. Elle a un effet sur la façon dont les gens prennent des décisions. Par conséquent, vous aurez un effet sur la façon dont vivent les gens.

+-

    L'hon. Hedy Fry: Monsieur Bastien, je n'aime pas être impolie, mais vous n'avez répondu à aucune de mes trois questions et j'aimerais que vous le fassiez.

+-

    Dr Tim Lau: Permettez-moi de répondre à la deuxième question que vous avez posée.

    Tout d'abord, en termes d'éthique, je pense que nous nous intéressons souvent aux droits de particuliers ou à des particuliers et non à d'autres personnes. Vous avez parlé des enfants; ils font partie des autres personnes.

    En termes de bioéthique kantienne, au chapitre de l'autonomie et de la liberté, la liberté de choix, je crois que nous oublions les effets de nos choix sur d'autres personnes.

    Pour répondre à votre question au sujet des femmes qui sont victimisées plus tard, je ne voulais pas dire que les femmes devraient rester dans des situations dangereuses, mais que les femmes sont toujours victimisées malgré le divorce, sans compter bien sûr les autres effets, comme ceux sur les enfants. Le plus souvent, ce sont les deuxième et troisième conjoints qui sont les auteurs de mauvais traitements.

+-

    Le président: Pouvez-vous conclure? Vouliez-vous ajouter quelque chose?

+-

    Dr Tim Lau: J'essaie simplement de répondre à sa question.

    Est-ce que cela touche les enfants? La réponse est oui, cela touche les enfants.

    Ce que je veux dire, c'est que vous examinez simplement le particulier. Vous essayez d'examiner des cas particuliers, mais vous oubliez que nous existons en tant que membres de la collectivité et que nos décisions ont un effet sur d'autres.

    Par exemple, parlons d'un couple de même sexe qui a un enfant membre d'une petite ligue. C'est très rare, mais vous examinez un cas bien particulier. C'est une situation réelle—ce pauvre enfant doit grandir dans un milieu où il se sent différent de tous les autres. C'est la réalité. Vous n'examinez pas toutefois les effets sur le reste de la société, vous examinez uniquement les effets sur une seule personne, non les effets sur les autres enfants, uniquement sur cet enfant.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Marceau.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Monsieur Bastien, je crois discerner dans votre présentation et dans votre mémoire, non seulement une opposition au mariage entre conjoints de même sexe--je ne veux pas mettre de mots dans votre bouche, mais simplement bien comprendre--, mais aussi une opposition à toute forme de vie homosexuelle, à toute la façon de vivre rattachée à l'homosexualité. Ça va beaucoup plus loin qu'une opposition au mariage entre conjoints de même sexe.

+-

    M. Richard Bastien: Le mémoire porte sur la question du mariage homosexuel, point. C'est tout.

+-

    M. Richard Marceau: Lorsque vous êtes intervenu pour répondre à Mme Fry--et j'espère que M. O'Brien va arrêter de passer ses commentaires, parce que je voudrais me concentrer sur ce que je dis--, vous lui avez dit qu'après cela, ce sera la réunion des scouts, la réunion de telle ou telle autre chose. Ça allait beaucoup plus loin que le mariage. Vous disiez qu'il faudrait que les scouts montrent ça, comme si ce n'était pas correct de montrer que ça pouvait être différent. Vous allez plus loin que votre opposition au mariage.

+-

    M. Richard Bastien: Je répondais à l'objection que soulèvent les homosexuels qui prétendent que ça n'aurait pas d'effets. Je donnais cela comme exemple pour démontrer que ça aurait des effets. C'est tout.

+-

    M. Richard Marceau: Que ça aurait des effets. Dites-vous que les parents encourageraient leur petit gars ou leur petite fille, dans un cadre scout...? Le fait que les parents soient des homosexuels mariés aurait un effet sur les scouts.

+-

    M. Richard Bastien: Des pressions seront exercées sur les scouts et sur d'autres mouvements de jeunes semblables pour qu'on rende légitime l'homosexualité aux yeux des scouts et des autres groupes, pour qu'on présente l'union des couples homosexuels comme étant la même chose que le mariage.

+-

    M. Richard Marceau: Je vous dirai que maintenant, dans les écoles, sans aller aussi loin que parler du mariage, on fait des efforts justement pour faire accepter cela. Je reviens là-dessus parce que M. Lau parlait du taux de suicide qui est si élevé et de l'effet du mariage. Il y a déjà des efforts de faits dans différentes juridictions pour encourager les jeunes à accepter la différence. Or, vous semblez être contre ces efforts-là.

À  +-(1045)  

+-

    M. Richard Bastien: Non, je suis en faveur des efforts visant le respect des personnes homosexuelles, mais nous nous opposons à des efforts visant à donner une reconnaissance officielle au style de vie des homosexuels.

+-

    M. Richard Marceau: Et cette reconnaissance officielle, c'est le mariage.

+-

    M. Richard Bastien: Oui.

+-

    M. Richard Marceau: Est-ce que vous êtes contre toute autre forme de reconnaissance? Par exemple, est-ce que vous êtes contre l'union civile?

+-

    M. Richard Bastien: Comme cela ne fait pas partie du mandat du comité, ce n'est pas une question sur laquelle on se penche. Je peux vous dire que s'il y avait nécessité de donner un caractère officiel aux rapports entre deux personnes homosexuelles, notre préférerions que cela puisse se faire par contrat privé. Rien ne s'oppose à cela, d'ailleurs.

+-

    M. Richard Marceau: Je terminerai là-dessus, monsieur le président, parce que je dois aller parler en Chambre sur un autre sujet; vous m'excuserez si je dois quitter avant la fin.

    Donc, vous vous opposeriez à un registre national pancanadien des conjoints de même sexe parce que ce serait une forme de reconnaissance officielle de cette relation. Je vous pose la question parce que c'est une des options que le ministre de la Justice nous a demandé d'examiner. Alors, c'est exactement dans le cadre du mandat de ce comité.

    Est-ce que vous vous opposeriez à ce genre de chose?

+-

    M. Richard Bastien: À nos yeux, ce serait un moindre mal. On aimerait mieux qu'il n'y ait pas de registre, mais s'il fallait choisir entre un registre et reconnaître le mariage homosexuel, on préférerait le registre.

+-

    M. Richard Marceau: D'accord.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Marceau, vous portez le fardeau de toute l'opposition pour l'instant. J'aimerais poursuivre, mais comme vous devez partir, à moins que vous nous en donniez l'autorisation, nous ne pourrons le faire.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Je dois...

[Traduction]

+-

    Le président: C'est un cadeau que vous faites à M. O'Brien.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Ah, mon Dieu! C'est simplement que je dois faire un discours en Chambre. Est-ce que M. O'Brien serait le dernier?

[Traduction]

+-

    Le président: Non, il en reste cinq.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Je ne peux pas rester.

[Traduction]

+-

    Le président: Non, j'aimerais que nous puissions vous en tenir responsable, avec votre collègue. Si vous nous donnez l'autorisation de poursuivre en votre absence...

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Mais on ne pourra pas voter ou présenter des motions...

[Traduction]

+-

    Le président: Non, simplement pour permettre de poursuivre la discussion.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Oui.

[Traduction]

+-

    Le président: Vous êtes très généreux, merci.

+-

    M. Richard Marceau: Je viendrai aux nouvelles un peu plus tard.

+-

    Le président: Madame Fry.

+-

    M. Pat O'Brien: Monsieur le président, je passe avant elle.

+-

    Le président: Non.

+-

    L'hon. Hedy Fry: Si, il passe avant moi.

+-

    Le président: Elle a terminé.

    Désolé; il est effectivement sur la liste des intervenants.

+-

    M. Pat O'Brien: Merci, monsieur le président.

    Merci, Richard, de votre coopération qui va nous permettre de poursuivre la discussion, même si j'ai l'impression que nous n'allons pas nous entendre sur la conclusion finale de notre travail.

    Je tiens à souligner que M. Marceau est bien aimable de nous aviser qu'il s'en va, qu'il doit s'en aller, ainsi que de nous préciser l'endroit où il doit se rendre. Il respecte ainsi les règles du décorum et j'encourage les membres du comité à suivre son exemple. Monsieur le président, peut-être pourriez-vous également encourager les députés dans ce sens, car très franchement, certains sont assez impolis et ne respectent pas ces règles.

    J'aimerais remercier les deux groupes de témoins pour leur exposé. En tant que membre du comité, je ne vais pas faire preuve d'arrogance et tenter d'imaginer ou de décrire vos motivations. Je tiens simplement à vous remercier de votre présence.

    Je remarque que les deux groupes de témoins n'ont pas beaucoup parlé d'études de base. Je crois que le deuxième groupe de témoins, ainsi que M. Gay, ont très bien expliqué pourquoi il est littéralement impossible de déposer certaines des preuves que certains des membres du comité semblent rechercher, surtout ceux qui, je crois, sont en faveur du changement proposé de la définition de mariage. Les deux côtés n'ont donc pas présenté beaucoup de preuves. Lorsque j'en ai fait la demande à l'Association du Barreau canadien, elle n'a pas pu en présenter pour soutenir son opinion, à savoir que l'inclusion des couples de même sexe dans la définition n'aurait aucun effet nuisible sur le mariage.

    Nous avons toutefois eu des avis de spécialistes, et j'aimerais en citer quelques-uns pour savoir ce qu'en pensent les deux groupes de témoins. Il y a, par exemple, l'avis de M. Eskridge, professeur à l'Université Harvard. Je souligne le fait qu'il est homosexuel, car il appuie le changement de la définition, mais il est suffisamment honnête pour indiquer qu'un tel changement aurait certainement un effet important. Je le cite:

L'expérience gaie avec des «familles que nous choisissons» dissocie la famille des stéréotypes sexuels, de la généalogie, des liens de parenté. Les familles gaies élèvent habituellement des enfants qui n'ont pas de liens biologiques avec au moins un de leurs parents et souvent ne créent qu'un lien confus entre apparentés.

    Il s'agit d'un des grands spécialistes du domaine.

    Je me demande donc si le deuxième groupe de témoins pourrait intervenir à ce sujet. Puis, si le temps le permet, tout en sachant que l'Association du Barreau se compose d'avocats et non de sociologues, j'aimerais bien entendre leur point de vue également.

À  +-(1050)  

+-

    Dr Tim Lau: C'est à mon avis un très bon récapitulatif qui reflète la réalité de l'époque. Nous n'avons pas de preuves. Je crains que si nous attendons des preuves relatives à un effet extrêmement néfaste sur la société, nous ne loupions le coche.

    Vous essayez en fait de trouver un mauvais effet avant qu'il ne se produise. Si nous essayons de faire une étude pour voir si quelque chose est bénéfique, je crois qu'il nous faudrait prouver que le statu quo n'est pas... Dans les études sur les médicaments, il est entendu que l'on ne poursuit pas la recherche à moins qu'il n'y ait un espoir, ou au moins une chance raisonnable, que les choses vont s'améliorer. Nous avons parlé de quelques renvois relatifs à la nouvelle définition de l'institution du mariage, ou des changements autorisant un divorce sans égard à la responsabilité, et les effets sur le mariage. Si la moitié des mariages se terminent par un divorce, il est évident que cette institution est touchée, tout comme d'autres personnes, soit les enfants, par exemple. Il me semblerait donc ridicule de penser que le fait de changer le sens ou la définition du mot «mariage» ne touchera pas les familles issues du mariage.

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Merci, monsieur O'Brien.

    Madame Jennings.

+-

    Mme Marlene Jennings: Merci.

    J'aimerais revenir à l'Association du Barreau canadien. Vous terminez votre mémoire à la partie 5, intitulée Conclusion, en indiquant à la page 20, dernier paragraphe:

La reconnaissance juridique du mariage égal des personnes gaies et lesbiennes constitue un droit civil fondamental et un impératif constitutionnel. Du point de vue de l'ABC, il n'y a pas d'obstacles de la common law ou statutaire au mariage égal pour les personnes gaies et lesbiennes, et toute interprétation de la common law ou d'une disposition statutaire qui empêcherait le mariage égal pour les personnes gaies et lesbiennes serait constitutionnellement inopérante. Il en résulte que le Parlement peut et doit apporter une mesure correctrice légale constitutionnellement judicieuse, soit des droits complets au mariage pour les conjoints de même sexe.

    Vous dites qu'une mesure correctrice légale constitutionnellement judicieuse équivaut à des droits complets au mariage pour les conjoints de même sexe. Par conséquent, les trois autres options, soit le statu quo, le registre distinct ou le registre pour toutes les unions ne représentent pas de mesures correctrices légales constitutionnellement judicieuses.

+-

    Mme Patricia LeFebour: Du point de vue de l'Association du Barreau, les autres options—par exemple les registres distincts—ne seraient pas constitutionnellement judicieuses. En outre, elles maintiendraient la ségrégation des relations gaies et lesbiennes et, selon la jurisprudence, ne répondraient pas aux impératifs constitutionnels.

+-

    Mme Marlene Jennings: Et le statu quo, qui représente l'une des quatre options?

+-

    Mme Patricia LeFebour: Comme vous le savez, les tribunaux de trois provinces sont saisies de l'option du statu quo et, de l'avis de l'Association du Barreau, le statu quo maintiendrait la ségrégation des relations gaies et lesbiennes et ne permettrait pas de considérer les personnes gaies et lesbiennes du Canada comme des personnes à part entière.

À  +-(1055)  

+-

    Mme Marlene Jennings: L'option du statu quo n'est donc pas une mesure correctrice légale constitutionnellement judicieuse?

+-

    Mme Patricia LeFebour: C'est exact.

+-

    Mme Marlene Jennings: Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Je vais passer à M. McKay, car nous avons terminé, et le Comité de l'agriculture attend la salle.

    Monsieur McKay.

+-

    M. John McKay: En ce qui concerne les difficultés relatives à l'impact sur le mariage, les personnes gaies et lesbiennes considèrent essentiellement que le mariage est une institution fondée sur l'amour, et que les personnes gaies éprouvent un amour réciproque; par conséquent, pourquoi ne pas leur permettre d'accéder à l'institution du mariage? Les avocats seront satisfaits, car il s'agit d'une position constitutionnellement judicieuse, l'estime de soi en sera rehaussée et nous nous féliciterons, parce que nous aurons tous réagi favorablement à ceux qui recherchent l'équité.

    Cet argument repose sur l'hypothèse que le mariage est simplement une institution fondée sur l'amour, mais, à mon avis, il s'agit d'une institution beaucoup plus complexe. Le mariage représente plus qu'un attachement affectif, puisqu'il s'agit aussi du lieu d'apprentissage des enfants et d'autres dans la société; le mariage représente plus qu'un choix ou un éventail de relations, etc. Il me semble donc difficile de comprendre pourquoi il est si compliqué de préciser l'apport du mariage et, comme l'a indiqué l'un des témoins, le mariage est l'origine de la société et non le produit de la société. Nous ne pouvons pas échapper à toutes sortes de supputations. En fait, on nous invite à mettre de côté la dernière expérience vécue en matière de mariage qui a donné lieu à de plus grands nombres de familles monoparentales, etc.

    Par conséquent, quelle est la raison d'être du mariage? En vertu de l'article 1 de la Constitution, nous allons devoir le justifier. L'Association du Barreau est muette à cet égard; c'est donc à d'autres, comme vous, qu'il revient de préciser ce que le mariage apporte à la société et que cette nouvelle définition va mettre en péril.

+-

    Le président: Merci, monsieur McKay.

    Monsieur Bastien.

+-

    M. Richard Bastien: Merci pour votre intervention.

    Nous avons essayé dans notre mémoire, au paragraphe b(a), de répondre à votre demande en définissant le mieux possible l'institution du mariage.

    Dans ce paragraphe, nous soulignons le fait que contrairement aux actes conjugaux, les actes homosexuels ne constituent pas des actes organiques unificateurs et ne sont pas de type reproducteur. Nous poursuivons en expliquant que la plupart des partisans du mariage de conjoints de même sexe ne réalisent pas que c'est l'unité de personnalité des époux qui se distingue de tout autre genre d'unité. Ce qui le rend distinct, c'est l'acte de type reproducteur, par lequel un homme et une femme deviennent un principe reproducteur unique. C'est par ce principe que nous procréons de nouvelles générations.

    La famille n'est pas une option, c'est une institution fragile qui exige beaucoup de dévouement et de don de soi. Les parents qui élèvent des enfants et en prennent soin ont besoin d'un certain appui—pas illimité, mais ont besoin d'un minimum d'appui de la part de l'État.

+-

    Le président: Je cède maintenant la parole à Mme LeFebour.

+-

    Mme Patricia LeFebour: Nous convenons que l'institution du mariage est une structure sociale complexe. Elle entraîne des relations stables entre deux personnes engagées dans ce sens. C'est précisément pour cette raison que l'Association du Barreau canadien préconise que la définition du mariage englobe les couples de même sexe et c'est la recommandation qu'elle fait au comité.

    Le mariage ne consiste pas uniquement à accorder des droits aux couples de même sexe, il entraîne aussi des obligations. Bien sûr, les obligations sont la pierre angulaire de la décision dans M. c. H. qui portait sur l'entretien d'un conjoint. La Loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations a été par la suite promulguée par le gouvernement fédéral. Les couples de même sexe souhaitent faire partie de ce régime, non seulement pour les droits, mais aussi pour les obligations découlant du mariage, reconnaissant ainsi qu'ils sont capables de former et d'avoir des relations stables fondées sur un engagement. C'est ce qui a été reconnu par les tribunaux et cité à plusieurs reprises par la Cour suprême du Canada dans M. c. H.

    Le mariage consiste à créer de telles relations et ne sert pas uniquement à procréer. En fait, si la procréation devait servir d'unique balise, elle éliminerait certainement bien des couples de sexe opposé. Ce n'est pas le seul critère du mariage ni non plus le seul objet du mariage. En permettant aux personnes lesbiennes et gaies de se marier, on renforcerait l'institution du mariage, on ne l'affaiblirait pas.

    Enfin, lorsque vous dites que l'ABC n'a pas fourni de preuve, je vous réfère au mémoire, qui fournit plusieurs renvois à la jurisprudence, à l'évolution dans ce domaine et à l'analyse qui s'y rapporte.

    Merci.

Á  -(1100)  

-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je tiens à remercier le groupe spécial. En réponse à certaines demandes faites au sujet de l'affaire Egan, j'inviterais l'Association du Barreau à fournir un autre mémoire écrit.

    Je remercie les membres du comité.

    La séance est levée.