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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 18 février 1997

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

PÉTITIONS

LE PROGRAMME D'ACTION COMMUNAUTAIRE POUR LES ENFANTS

LE RÉSEAU ROUTIER NATIONAL

LA FISCALITÉ

LA RÉGION DE MOOSONEE

LE RÉSEAU ROUTIER NATIONAL

L'UNITÉ NATIONALE

L'ÂGE DE CONSENTIR

    M. Harper (Simcoe-Centre) 8234

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

LE RÉSEAU ROUTIER NATIONAL

LA CHINE

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

    Projet de loi C-72. Motion 8234
    M. Chrétien (Frontenac) 8236
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 8247
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 8249
    Report du vote sur la motion 8255

LOI SUR LA MODIFICATION FACULTATIVE DE L'APPLICATION DE LA LOISUR LES INDIENS

    Ordre du jour: Initiatives ministérielles 8255
    Projet de loi C-79. Motion 8255
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 8258

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

HARRY BURKE

L'INDUSTRIE MINIÈRE

LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

LA JUSTICE

LE JOUR DU DRAPEAU

LA TOLÉRANCE ENVERS LA RELIGION

L'ENVIRONNEMENT

L'ENPLOI

LE TRANSFERT SOCIAL CANADIEN

L'ÉDUCATION

L'INDUSTRIE CINÉMATOGRAPHIQUE

LE BUDGET

    M. Lavigne (Verdun-Saint-Paul) 8269

ARCHIE NEIL CHISHOLM

    M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso) 8269

LE BUDGET

LA CULTURE CANADIENNE

LE BUDGET

ÉQUIPE CANADA

LES PENSIONS

QUESTIONS ORALES

L'UNITÉ NATIONALE

    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 8272
    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 8272

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 8273
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 8273

L'AMBASSADE DU CANADA À WASHINGTON

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

L'AMBASSADE DU CANADA À WASHINGTON

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

LES RÉFUGIÉS ZAÏROIS

LES SCIENCES ET LA TECHNOLOGIE

    Mme Brown (Oakville-Milton) 8276

L'EMPLOI

LES CASINOS FLOTTANTS

LA DÉFENSE NATIONALE

LES PETITES ENTREPRISES

LES MÉDICAMENTS D'ORDONNANCE

QUESTION DE PRIVILÈGE

LA PÉRIODE DES QUESTIONS

    M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 8278

RECOURS AU RÈGLEMENT

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

    M. Speaker (Lethbridge) 8279

LA PROCÉDURE DE LA CHAMBRE

LES OBSERVATIONS FORMULÉES AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR LA MODIFICATION FACULTATIVE DE L'APPLICATION DE LALOI SUR LES INDIENS

    Projet de loi C-79. Reprise de l'étude de la motion 8280
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 8284
    Report du vote sur la motion 8286

LOI SUR LA SÛRETÉ ET LA RÉGLEMENTATION NUCLÉAIRES

    Projet de loi C-23. Reprise de l'étude de la motion detroisième lecture 8286

RECOURS AU RÈGLEMENT

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

LOI SUR LA SÛRETÉ ET LA RÉGLEMENTATION NUCLÉAIRES

    Projet de loi C-23. Reprise de l'étude de la motion detroisième lecture 8287
    Adoption de la motion; troisième lecture et adoption duprojet de loi 8289

SUSPENSION DE LA SÉANCE

    Suspension de la séance à 16 h 19 8289

REPRISE DE LA SÉANCE

    Reprise de la séance à 16 h 35 8289

LE BUDGET

EXPOSÉ FINANCIER DU MINISTRE DES FINANCES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 8289

LA LOI PORTANT POUVOIR D'EMPRUNT POUR L'EXERCICE 1997-1998

    Projet de loi C-83. Adoption des motions de présentationet de première lecture 8299
    M. Martin (LaSalle-Émard) 8299
    Ajournement du débat sur la motion. 8301
    Sur la motion de M. Loubier, ajournement du débat 8301

8233


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 18 février 1997


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Français]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 10 pétitions.

* * *

[Traduction]

PÉTITIONS

LE PROGRAMME D'ACTION COMMUNAUTAIRE POUR LES ENFANTS

M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Monsieur le Président, j'ai aujourd'hui deux pétitions à présenter à la Chambre.

La première concerne le Programme d'action communautaire pour les enfants. Elle est signée par des habitants de toutes les régions de l'Île-du-Prince-Édouard. Les pétitionnaires demandent au gouvernement de renoncer aux compressions qu'on se propose de faire au programme. Il y aura peut-être, dans le budget d'aujourd'hui, de bonnes nouvelles à leur intention. J'attends avec impatience de pouvoir vérifier, ce soir, que le programme sera amélioré et non pas mutilé.

LE RÉSEAU ROUTIER NATIONAL

M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Monsieur le Président, ma deuxième pétition concerne le réseau routier national. Les pétitionnaires disent que 38 p. 100 du réseau routier national laisse à désirer et ils demandent qu'une taxe soit destinée à l'aménagement du réseau routier transcanadien.

Ces pétitionnaires viennent de toutes les régions de l'Île-du-Prince-Édouard, de l'extrémité ouest de l'île jusqu'à la circonscription d'Egmont.

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de présenter, conformément à l'article 36 du Règlement, une pétition concernant notre réseau routier national. Je crois que c'est la quatrième pétition du genre que je présente au nom d'électeurs de ma circonscription. Les pétitionnaires habitent North Battleford, Cochin, Unity, Gallivan, Wilkie et Meota.

Les pétitionnaires signalent que 38 p. 100 du réseau routier canadien laisse à désirer et que l'étude de la politique sur le réseau routier national a révélé différents avantages au programme proposé concernant le réseau routier national, dont la création d'emplois, le développement économique, l'unité nationale, la réduction du nombre d'accidents mortels et de blessures, la réduction de la congestion des routes, la réduction du coût d'exploitation d'une flotte de véhicules et l'amélioration de la compétitivité au plan international.

Les pétitionnaires exhortent le gouvernement fédéral à collaborer avec les gouvernements provinciaux pour améliorer la qualité du réseau routier canadien.

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, j'ai une pétition à présenter au nom d'habitants d'Edmonton et des environs, dont certains vivent dans ma circonscription, celle de St. Albert.

Ces pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que 38 p. 100 du réseau routier national est dans un état lamentable, que le Mexique et les États-Unis sont en train d'améliorer le leur et qu'une étude sur la politique relative au réseau routier national a déterminé que la réfection du réseau routier présentait les avantages suivants: la création d'emplois, le développement économique, l'unité nationale, moins de décès, moins de blessures, moins de congestion, des frais d'utilisation des voitures moins élevés et une plus grande compétitivité internationale.

Ces pétitionnaires exhortent le Parlement à se joindre aux gouvernements provinciaux pour améliorer le plus possible le réseau routier national.

LA FISCALITÉ

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une pétition à présenter au nom d'habitants de la circonscription de Peterborough qui s'inquiètent de la question de l'alphabétisation et de la taxation des imprimés. Ces pétitionnaires exhortent tous les ordres de gouvernement à faire la promotion de l'alphabétisation et de l'éducation en supprimant la taxe de vente sur les imprimés. Ils demandent au Parlement d'exempter de la TPS les livres, les magazines et les journaux.

Au moment où le gouvernement fédéral et les provinces songent à harmoniser leurs taxes de vente, il importe que les imprimés soient exemptés tant de la taxe de vente provinciale que de la TPS.

LA RÉGION DE MOOSONEE

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une autre pétition à présenter qui vient d'habitants de Peterborough qui s'inquiètent des gens qui vivent dans la région de Moosonee-Moose Factory à la baie James. Ces pétitionnaires font remarquer qu'il n'y a pas de route entre les localités de Cochrane et de Moosonee, qui sont reliées par l'Ontario Northlands Polar Bear

8234

Express. Comme il n'y a pas de route, la population de Moosonee se trouve isolée.

(1010)

Ces pétitionnaires demandent donc au Parlement d'affecter des fonds à la construction d'une route entre Cochrane et Moosonee, mettant ainsi fin à l'isolement de la population.

LE RÉSEAU ROUTIER NATIONAL

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de présenter une pétition signée par des habitants de la région de la capitale nationale.

Les pétitionnaires signalent au Parlement les avantages économiques du réseau routier national et font ressortir le fait qu'un réseau routier national en bon état accroît la sécurité et favorise l'unité nationale. Ils prient aussi le Parlement de travailler avec les provinces pour que notre réseau routier national soit le meilleur qui soit.

L'UNITÉ NATIONALE

M. John O'Reilly (Victoria-Haliburton, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je présente une pétition signée par des habitants de Fenelon Falls, Bobcaygeon, Omemee et Lindsay, qui demandent au Parlement d'adopter une mesure législative pour faire en sorte que le Canada reste un pays uni, d'un océan à l'autre.

L'ÂGE DE CONSENTIR

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter une pétition au nom des électeurs de Simcoe-Centre.

La pétition porte sur les dispositions législatives concernant l'âge de consentir. Les pétitionnaires demandent au Parlement de fixer l'âge de consentir à 18 ans afin de protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle et les abus.

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter des pétitions signées par plus de 3 000 habitants de la Colombie-Britannique concernant l'examen du mandat de la Société canadienne des postes. C'est le Syndicat des postiers du Canada, région du Pacifique, qui a fait circuler ces pétitions.

Les pétitionnaires signalent que le gouvernement libéral a ordonné à la Société canadienne des postes de se retirer de la distribution des prospectus commerciaux sans adresse et que ce retrait réduit les options à la disposition des sociétés qui veulent faire de la publicité pour leurs produits ou leurs services à un taux économique.

Par conséquent, les pétitionnaires veulent que les prospectus commerciaux sans adresse soient distribués chez eux par les employés de la Société canadienne des postes. Ils estiment que la Société canadienne des postes offrent un service excellent et fiable de distribution de prospectus commerciaux et veulent que ce service continue.

Ils prient instamment le gouvernement de revenir sur sa décision concernant les prospectus commerciaux et permette à la Société canadienne des postes de continuer d'offrir ce service économique et fiable aux Canadiens. J'appuie certainement cette pétition.

LE RÉSEAU ROUTIER NATIONAL

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur le Président, la deuxième pétition porte sur la question des infrastructures nationales en voie de dégradation. Les pétitionnaires exhortent le Parlement à ne pas hausser la taxe d'accise fédérale sur l'essence et à songer sérieusement à mieux utiliser les recettes que cette taxe génère déjà pour réussir à remettre en état le réseau routier canadien, qui est en fort mauvais état.

LA CHINE

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur le Président, la troisième et dernière pétition porte sur le projet de vente de réacteurs nucléaires CANDU à la Chine. Les pétitionnaires font remarquer que l'exportation de réacteurs CANDU en Chine place le gouvernement du Canada dans une position indéfendable sur les plans économique, politique et environnemental.

Par conséquent, les pétitionnaires exhortent le Parlement à annuler la vente prévue de réacteurs CANDU à la Chine et à se retirer immédiatement de tout accord visant à apporter à ce pays une aide financière et technique dans le domaine nucléaire.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions soient reportées.

Le vice-président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


8234

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

L'Ordre du jour appelle: Les initiatives ministérielles

Le 3 décembre 1996-Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire-Deuxième lecture et renvoi au comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire du projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence.
L'hon. Raymond Chan (au nom du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.) propose:


8235

Que le projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence soit renvoyé sur-le-champ au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
M. Jerry Pickard (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de lancer le débat sur la motion de renvoi du projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé, au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

De nouveau, nous avons décidé de procéder ainsi afin que les députés membres du Comité et les groupes intéressés qui souhaiteraient présenter des mémoires aient l'occasion de proposer des amendements au projet de loi. J'aimerais exposer dans ses grandes lignes l'orientation du projet de loi, grâce auquel on modernisera le fonctionnement de la Commission canadienne du blé.

Même si aucun ensemble de propositions ne peut satisfaire tous les camps d'un débat trop souvent polarisé entre les agriculteurs sur la question de la commercialisation des céréales, l'approche du gouvernement vise néanmoins à répondre aux attentes raisonnables de la majorité des producteurs de céréales de l'Ouest. L'objectif de notre politique est de miser sur les points forts éprouvés de notre système actuel de commercialisation, tout en modernisant la direction de la Commission, en responsabilisant davantage cette dernière, en améliorant sa capacité de répondre aux besoins changeants des producteurs et aux possibilités qui s'offrent à eux, en assouplissant son fonctionnement, en la rendant capable de réunir plus rapidement des liquidités et en réduisant au minimum les complications du commerce international.

(1015)

Beaucoup de changements que nous proposons conféreront aux agriculteurs un droit de regard plus grand et plus direct sur les modalités de fonctionnement de leur système de commercialisation, conformément à la majorité des recommandations formulées par le Comité d'examen de la commercialisation du grain de l'Ouest. Dans l'ensemble, les changements proposés se répartissent en trois grandes catégories.

La première catégorie concerne la structure, la direction et la responsabilisation de la Commission. La direction générale de la Commission sera confiée à un conseil d'administration constitué de 11 à 15 membres, agriculteurs pour la plupart. Pour faciliter la transition vers cette nouvelle structure, le gouvernement nommera un bureau complet d'administrateurs intérimaires en 1997. Là encore, ils seront agriculteurs pour la plupart. Puis, au début de 1998, cette majorité de producteurs parmi les administrateurs sera remplacée par des administrateurs élus par les agriculteurs eux-mêmes.

Le projet de loi est rédigé de façon à «habiliter» toutes ces transformations. Cela répond aux conseils du Comité d'examen de la commercialisation du grain de l'Ouest, selon lesquels nous devions structurer nos modifications sous la forme d'une «loi habilitante».

Un certain nombre de groupes d'agriculteurs préférerait, semble-t-il, que la nouvelle loi soit à cet égard plus précise, fixant la date de l'élection des administrateurs, confirmant que le nombre d'administrateurs ainsi élus constituera la majorité et rendant permanente cette forme de direction, sous réserve, bien sûr, des modifications ultérieures à la loi.

Le ministre n'a rien contre ces idées. Elles sont tout à fait conformes aux principes d'action annoncés en octobre dernier. Dans son état actuel, le projet de loi C-72 permet de les appliquer. Si les arguments présentés au Comité permanent montrent clairement que les agriculteurs seraient plus à l'aise si la nouvelle loi était plus précise et plus rigide relativement à l'élection des administrateurs-producteurs, le ministre de l'Agriculture serait heureux de prendre en considération des modifications en ce sens.

Sur la question de la responsabilisation, le projet de loi annonce de gros changements. Pendant près de 62 ans, la Commission canadienne du blé a été une société d'État qui ne rendait des comptes qu'au Parlement du Canada. En vertu du projet de loi C-72, elle deviendra une entreprise mixte. Pour la première fois de son histoire, elle aura également à répondre directement aux producteurs.

Essentiellement, cette responsabilisation à l'égard des agriculteurs consistera à faire la preuve de son efficacité et de ses succès commerciaux. Si les performances de la Commission sont décevantes, le conseil d'administration, qui comptera une majorité élue par les agriculteurs, pourra modifier son fonctionnement ou, au bout du compte, enclencher un processus pour modifier ses compétences en matière de commercialisation.

Essentiellement, ce dont la Commission aura à répondre devant de Parlement sera de démontrer ses compétences financières. Cela découle de la garantie unique que confère le projet de loi C-72 à l'égard de tous les emprunts de la Commission. Non pas uniquement des accomptes à la livraison. Non pas seulement des ventes de céréales à crédit. Mais également à l'égard de ses opérations financières journalières sur les marchés mondiaux. On parle ici de milliards de dollars par année, garantis par les contribuables canadiens au besoin.

En tant que mandataire de Sa Majesté et n'ayant à répondre qu'au Parlement, la Commission jouissait automatiquement de ce type de garantie générale. Dans le cas d'une entreprise mixte, cela ne vient pas automatiquement. Il faut la prévoir explicitement dans la loi, comme le fait le projet de loi C-72.

Le palmarès de la Commission canadienne du blé, en ce qui concerne l'ensemble de ses opérations financières en tant que société de la Couronne, est des plus enviables. La Commission jouit sur la scène internationale d'une cote de crédit élevée. Elle a géré ses finances quotidiennes avec profit, tirant parti des meilleurs taux d'intérêt et augmentant ainsi les profits communs des producteurs.

(1020)

Ces normes exceptionnellement élevées seront-elles maintenues quand la Commission deviendra une entreprise mixte sous un conseil d'administration différent et quand les attentes en matière de responsabilisation changeront? C'est tout à fait ce que nous prévoyons. Mais comme le projet de loi C-72 prévoira légalement


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une garantie unique pour la nouvelle Commission, qui reposera ultimement sur les épaules des contribuables, ce n'est pas trop demander qu'elle prévoie également des garanties pour protéger les contribuables.

C'est ce que le projet de loi recherche-le juste milieu entre la responsabilisation à l'égard des producteurs et la responsabilisation à l'égard du Parlement. Il importera de soupeser les avantages et les inconvénients d'un nombre moins grand de dispositifs de protection du contribuable versus une garantie moins complète.

À noter également que la Commission canadienne du blé possède maintenant et conservera un pouvoir de décision sur les questions qui concernent les producteurs d'ailleurs au Canada, à l'extérieur de son champ désigné d'action, par exemple le pouvoir de délivrer des permis d'exporter. Voilà une autre raison pour laquelle il importera qu'elle continue de répondre au Parlement.

Le deuxième groupe de modifications concerne l'assouplissement du fonctionnement de la Commission et l'amélioration de ses liquidités. Grâce à ces modifications, la Commission pourra acheter du blé et de l'orge au comptant, accélérer les ajustements en cours de campagne, fermer les comptes de mise en commun en tout temps et remettre le plus rapidement possible par la suite les profits aux producteurs, délivrer des certificats de producteur négociables, utiliser sans restriction les moyens modernes de gestion du risque dans ses rapports avec les agriculteurs et les clients, supporter les frais d'entreposage ou de conservation des céréales pour les agriculteurs, autoriser les livraisons sans limite de céréales par les agriculteurs aux installations d'entreposage en copropriété et obtenir des céréales à l'aide de nouvelles technologies, par exemple les silos mobiles sur les lieux de production.

Ces assouplissements accéléreront le transfert de l'argent des transactions de la Commission vers le portefeuille des producteurs. Pour garantir ses achats au comptant et lui permettre d'accélérer la gestion des ajustements en cours de campagne, la Commission sera autorisée à constituer des fonds pour éventualités, qui lui serviront de coussins financiers.

La troisième catégorie de modifications concerne le mandat de la Commission. La loi ne le modifie pas, mais nous accordons un plus grand pouvoir de décision aux agriculteurs mêmes. À l'avenir, le mandat de la Commission pourra être corrigé à trois conditions: premièrement, que ses administrateurs le recommandent clairement; deuxièmement, si la modification se répercute sur la maîtrise de la qualité, que la Commission canadienne des grains y acquiesce, parce qu'elle estime qu'elle ne menace pas la réputation de qualité et d'uniformité du Canada; et troisièmement, si la modification proposée est considérable ou fondamentale, que le résultat d'un vote pris chez les agriculteurs soit positif.

La Commission canadienne du blé est un mécanisme très efficace de commercialisation des céréales du Canada. Elle bénéficie de l'appui d'une majorité de producteurs céréaliers de l'Ouest. Ceux-ci souhaitent des modifications réalistes et sensibles, mais ils rejettent un scénario qui mènerait inévitablement à la destruction de la Commission.

Dans l'ordre actuel des choses, à combien estimerions-nous la Commission canadienne du blé? Cette dernière vend chaque année pour quelque 5 milliards de dollars de céréales, en ne conservant, pour la commercialisation, que quelques cents par boisseau. Elle ne garde aucun profit, tout le reste retourne aux agriculteurs.

Il s'agit de l'une des entreprises commerciales les plus considérables du Canada. La Commission fait affaire dans plus de 70 pays, c'est notre cinquième exportateur et notre premier pourvoyeur net de devises étrangères. Elle a gagné une réputation enviable, qui rejaillit sur le Canada, auprès de ses clients mondiaux, pas tant par les prix qu'elle pratique-en effet elle vise à obtenir des prix forts-, mais par la qualité intrinsèque, la propreté, l'uniformité du produit, l'appui technique, la fiabilité à long terme, le service à la clientèle et l'exécution des contrats. Ses clients la placent au premier rang mondial.

(1025)

Ces caractéristiques, de même que la taille de la Commission, son envergure planétaire et sa pugnacité commerciale font que le Canada détient en gros 20 p. 100 du marché mondial et réalise les meilleurs profits possibles sur ces marchés. Le gouvernement du Canada estime que cela vaut la peine d'être conservé.

Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire adhère sans réserve aux principes que nous avons annoncés et qui sont intégrés dans le projet de loi à l'étude. Néanmoins, plus d'un mécanisme permet d'appliquer ces principes. Le ministre accueillera volontiers les idées des membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire sur les façons d'amender le projet de loi.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui dans la cadre de la seconde lecture du projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence.

Le projet de loi C-72, dont il est question ce matin, ne concerne que très peu le domaine d'activité agricole au Québec. En fait, nous comptons plusieurs producteurs de blé et d'orge, sans pour autant pouvoir rivaliser avec nos concitoyens de l'Ouest canadien. Cependant, de par la mission et le rôle qui furent confiés au Bloc québécois, il est de notre devoir de faire valoir notre opinion sur la question et surtout de tenter de ramener à la base les aspirations du gouvernement actuel d'avoir une mainmise sur presque tous les champs d'activités de cet immense pays.

Notre intervention sur la question est d'autant plus importante puisqu'elle permet une analyse objective de la situation, ce qui aura pour effet de favoriser le rapprochement entre le gouvernement et les 130 000 producteurs de blé, mais d'abord et avant tout, de jouer adéquatement le rôle de chien de garde des intérêts du Québec qui nous fut confié.


8237

En effet, tant et aussi longtemps que le Québec continuera à verser des milliards de dollars en taxes et en impôts au régime fédéral, nous nous obstinerons à réclamer la parité des services et surtout des contributions financières équitables pour le Québec.

Ce matin, on pouvait lire, en gros titre, dans la plupart des quotidiens francophones: «Le ministre des Finances à Ottawa dit encore non au Québec dans la réclamation de la justice en ce qui concerne la collecte de la TPS du gouvernement fédéral sur le territoire québécois.» Or, il y aurait un manque à gagner de près de deux milliards de dollars pour le Québec. Un homme aussi intelligent que le ministre des Finances affirmait ceci, hier: «Le Québec ne perd pas d'argent en harmonisant sa TPS et la TVQ, alors que les provinces Maritimes perdaient cinq points de collecte.»

Cependant, le ministre des Finances, un homme intelligent comme lui, doit sûrement savoir que, dans la nature, rien ne se crée et rien ne se perd. Or, dans le budget des provinces Maritimes, au lieu d'avoir des impôts sur le revenu des particuliers, la Trésorerie là-bas préférait avoir une taxe de vente plus élevée, ce que le Québec, l'Ontario et l'Alberta, par exemple, ne souhaitaient pas.

Cependant, dû à ces 5 p. 100, nous, en contrepartie, on doit payer l'équivalent de 250 millions pour permettre à ces trois provinces Maritimes de s'harmoniser. C'est un exemple d'iniquité. Alors, tant et aussi longtemps que le Québec paiera, comme c'est le cas présentement, ses 30 milliards en impôts, taxes ou autres au gouvernement fédéral, nous, ici, on sera là pour réclamer cette justice.

(1030)

Vous connaissez, comme moi, la difficulté du gouvernement libéral à saisir ce concept pourtant très simple qu'est l'égalité. Ce qui me porte à dire que nous réclamons autant d'énergie de la part du gouvernement à l'élaboration d'une politique laitière à long terme, favorisant la croissance des producteurs, notamment ceux du Québec, puisque nous produisons, comme vous le savez très bien, plus de 47 p. 100 du lait de transformation sur tout le territoire canadien.

Dans cette perspective, je tiens à mettre en garde le gouvernement que nous ne nous satisferons pas d'un simple énoncé de politique basé sur des voeux pieux, comme c'en est devenu la coutume pour le gouvernement libéral. Le projet de réforme de la Commission canadienne du blé, bien qu'elle constitue un effort louable de modernisation, apparaît à nos yeux comme étant nettement insuffisante dans le contexte actuel.

Plusieurs producteurs de blé et d'orge réclamaient un assouplissement du cadre d'opération de la Commission, notamment en ce qui concerne la haute direction de l'organisme, mais surtout une meilleure représentativité des producteurs eux-mêmes dans l'élaboration des stratégies de commercialisation à long terme.

Le projet de loi C-72 répond partiellement, n'en déplaise au secrétaire parlementaire, à ces demandes de longue date des producteurs, sans toutefois leur accorder la marge de manoeuvre souhaitée et la latitude nécessaire à la réalisation de leurs objectifs de production.

J'écoutais, il y a quelques minutes, le secrétaire parlementaire dire à plusieurs reprises: «On satisfait une majorité de céréaliers de l'Ouest.» C'est anormal que des rassemblements de producteurs agricoles de l'Ouest réclament, référendum après référendum, des modifications à cette fameuse Commission canadienne du blé. Je le reconnais, la Commission canadienne du blé a joué et joue encore un rôle déterminant pour la vente, la commercialisation du blé et de l'orge dans l'Ouest. Je suis honnête en disant que personne dans cette Chambre ne pourrait prévoir la situation économique, la situation agricole dans les trois provinces de l'Ouest, n'eut été la création et la participation de la Commission canadienne du blé.

Cependant, après plus de 62 ans, il est temps de moderniser cet organisme qui, malheureusement, a dévié un peu de son objectif. Lorsque le gouvernement procède constamment, par des nominations partisanes, sans regarder, malheureusement, les qualités premières des commissaires, on perd cet objectif.

Je le répète et je le répéterai toujours, et le secrétaire d'État, au risque de le fâcher, pourra peut-être me dire: «Mais toi, Chrétien, dans l'opposition, tu sais très bien que tu n'auras jamais à nommer un commissaire à la Commission canadienne du blé.» C'est vrai. Mais on voit, dans mon comté, par exemple, les nominations depuis les trois dernières années, et je peux vous dire que, malheureusement, plusieurs de ces nominations ont été basées strictement sur le service rendu à ce parti, le financement à ce parti, mais les compétences, on ne les regarde malheureusement pas ou très peu.

Cette situation est donc en voie de devenir la marque de commerce du Parti libéral et, par incidence, du gouvernement qu'il forme.

(1035)

Les libéraux donnent d'une main pour reprendre de l'autre, c'est connu. Au lieu d'acquiescer aux demandes des producteurs, le gouvernement tente, par des moyens détournés et illusoires, de garder le contrôle de la Commission. Le texte législatif prévoit le changement de l'organisation sociale de la Commission, du statut des commissaires vers l'élection d'un conseil d'administration provenant en partie du milieu.

Or, en partant du fait que l'organisme cesse d'être mandataire de Sa Majesté du chef du Canada, les producteurs devraient avoir préséance quant à la composition dudit conseil. Malheureusement, le gouvernement refuse de se commettre davantage sur la question. Il refuse, ou du moins il évite, de spécifier le nombre d'agriculteurs qui pourront occuper les 11 à 15 sièges-puisque c'est assez flexible-de ce nouveau conseil d'administration.

Je m'inquiète de l'attitude du Parti libéral qui a réussi, depuis son élection, à placer bon nombre de ses partisans dans les différents organismes de l'État. En ce sens, la Commission canadienne du blé, par sa nouvelle structure, continuera d'ouvrir toute grande la porte à ce genre de nominations partisanes, plutôt que d'offrir aux producteurs la place qui leur revient dans la gestion de leurs intérêts.

En terminant, pour bien situer l'importance de la Commission canadienne du blé, je voudrais rappeler que près de 23 p. 100 de toutes les exportations mondiales de blé et d'orge sont faites par la Commission canadienne du blé. C'est très important. On peut situer


8238

à près de cinq milliards, en dollars d'aujourd'hui, la valeur des exportations.

Puisque nous allons voter sur le projet de loi en deuxième lecture, nous aurons à suggérer, pour bonifier le projet de loi C-72, quelques améliorations et si vous les acceptez. . .

Le vice-président: Je m'excuse, mais le temps de parole du député est écoulé. Nous poursuivons le débat avec le député de Kindersley-Lloydminster.

[Traduction]

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, nous sommes saisis aujourd'hui d'une motion visant à renvoyer le projet de loi C-72 au comité. C'est une chose que nous demandons instamment au gouvernement, non pas parce que c'est une bonne loi, mais simplement parce que le public, et surtout les agriculteurs, doivent entendre parler de cette mesure législative pour être en mesure de constater à quel point elle est mauvaise.

Le ministre n'a fait absolument aucun progrès dans la réforme de la commercialisation du grain par la Commission canadienne du blé, tout comme il n'a rien fait de permanent pour corriger l'inefficacité du système de transport du grain des Prairies. Il n'a fait non plus aucun progrès dans l'entreprise de rectifier la méthode déficiente de recouvrement des coûts.

Ce n'est pas que le ministre ne connaisse pas le problème. Il est de la Saskatchewan. Il a fréquenté les milieux politiques de la Saskatchewan durant longtemps, on dirait presque 40 ans, en tant que chef provincial du Parti libéral, après une très courte période où il a siégé comme député à la Chambre des communes. Les habitants de la Saskatchewan votent très rarement pour les libéraux, mais quand ils le font, ils s'en débarrassent assez vite.

Si les libéraux déclenchent des élections au printemps, il se pourrait bien que ce projet de loi ne soit pas adopté par le Parlement. C'est impardonnable de la part du gouvernement de retarder l'adoption d'une réforme de la Commission canadienne du blé.

Nous voici à la deuxième moitié de février et nous n'en sommes qu'à l'étape du renvoi de ce projet de loi au comité. Il doit encore être étudié par le comité, revenir pour la troisième lecture, aller au Sénat et recevoir la sanction royale. Par-dessus le marché, c'est un projet de loi qui a beaucoup de lacunes et qu'il faudra grandement retravailler.

Dans l'état actuel des choses, il est assez improbable que ce projet de loi soit adopté, à moins que le gouvernement change d'attitude et se montre disposé à y apporter d'importants changements.

Le projet de loi C-72 montre clairement à l'industrie du grain des Prairies que le ministre veut faire échouer la réforme du système de commercialisation. Si son but n'est pas de faire échouer la réforme, alors il croit qu'il peut berner l'industrie en essayant de masquer le fait que les changements visant la commission, et surtout sa haute direction, seront minimes et le laisseront fermement à la barre de la commission.

(1040)

Le projet de loi C-72 est une mesure législative mal rédigée, qui devra être modifiée en profondeur, et j'insiste sur ce point, avant que l'industrie des Prairies ne l'accepte et plus encore les agriculteurs individuels qui verront bien que la nouvelle commission proposée n'est pas la Commission canadienne du blé plus responsable et plus souple que le gouvernement libéral leur avait promise.

Le but du projet de loi est de changer le mode de direction, de remplacer des commissaires nommés par un conseil d'administration élu. Il est censé créer une institution de commercialisation plus efficace, davantage axée sur les communications et plus transparente, mais ce n'est pas ce qu'il fait.

À notre avis, les modifications proposées par le gouvernement sont limitées et inefficaces et elles constituent un affront pour les producteurs des Prairies. C'est comme si le gouvernement dit aux producteurs qu'ils sont incapables de gérer leurs propres activités de commercialisation, qu'ils sont inférieurs aux producteurs de l'Ontario et du Québec et à tous les producteurs d'autres denrées du Canada, lesquels parviennent à gérer très efficacement et adroitement leur propre commercialisation.

Il reste à voir si le gouvernement libéral permettra que les changements importants requis soient apportés au projet de loi C-72, comme le Règlement l'autorise lorsqu'un projet de loi est renvoyé à un comité avant la deuxième lecture. Nous avons constaté, d'après notre propre expérience, que les amendements sont rares et habituellement superficiels et qu'ils ne touchent pas vraiment au fond.

Beaucoup d'agriculteurs commencent à croire que le ministre de l'Agriculture a manipulé le processus de réforme de la Commission canadienne du blé, ce qui a suscité incertitude, division et crainte chez les agriculteurs de l'Ouest. Je n'ai jamais vu une question dégénérer en une telle pomme de discorde, et ce avec les encouragements du ministre. À chaque fois qu'il en a eu l'occasion, il a mis de l'huile sur le feu au lieu de proposer des mesures positives, constructives et conciliatoires pour mettre fin à la zizanie et à la rancoeur croissantes que cette question suscite dans les Prairies.

M. Hill (Prince George-Peace River): Manque total de leadership.

M. Hermanson: Le député de Peace River dit que le ministre n'a fait preuve d'aucun leadership, je souscris entièrement à cette remarque.

Il a commencé par laisser traîner les choses pendant plus de deux ans, refusant toute réforme de la commission, ce qui a donné lieu au climat d'incertitude et de méfiance qui règne aujourd'hui. Ensuite, il a créé sa propre farce politique en instaurant le processus de consultation sur la commercialisation du grain de l'Ouest. Mais lorsque ce dernier a produit un rapport à peu près sensé, le ministre n'en a pas tenu compte, et c'est particulièrement vrai des importants compromis qui étaient proposés. Puis, se fiant aux résultats de sondages secrets, le ministre a décidé que la seule façon de parvenir à ses fins en ce qui concerne la commercialisation de l'orge était de poser une question du genre tout ou rien; aucune souplesse, aucun moyen terme.


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Maintenant le ministre pense qu'en nommant, à temps partiel, un conseil d'administration en partie élu et détenant des pouvoirs minimum, les agriculteurs qui réclament des changements importants seront satisfaits et qu'il pourra se laver les mains de toute cette question. Eh! bien, le ministre se trompe lourdement.

L'un des plus gros reproches que l'on puisse faire à ce projet de loi est qu'il donne au gouvernement un plus grand contrôle sur la commission au lieu de remettre contrôle et responsabilité entre les mains des producteurs qui, en fait, financent la Commission canadienne du blé. La commission ne sera élue qu'en partie. Le projet de loi dit qu'un ou plusieurs sièges au conseil d'administration pourront faire l'objet d'élections. Nous savons que le ministre acceptera des modifications à cet article, simplement pour camoufler certains des autres contrôles dont il ne veut pas se défaire, comme, par exemple, le fait que le gouvernement nommera le président du conseil et le président, au lieu que ceux-ci soient choisis par les membres du conseil d'administration élus par les agriculteurs.

Le gouvernement peut congédier un membre du conseil d'administration n'importe quand et sans raison. C'est tout à fait inacceptable. C'est ainsi qu'agissent les dictateurs fantoches. J'ai honte que le ministre de l'Agriculture ait présenté cette mesure législative de qualité inférieure qui montre un manque de confiance absolu dans les agriculteurs que l'on juge incapables d'élire un conseil d'administration capable et compétent.

Le nouveau conseil d'administration devra suivre les directives qu'il recevra du gouvernement fédéral, même si les membres estiment qu'elles ne sont pas dans l'intérêt des agriculteurs.

La mesure législative permet à la Commission de rétablir son autorité sur le marché des grains de provende. C'est sujet à controverse. Lorne Hehn, le président de la Commission, disait que c'était une erreur et qu'il fallait changer cela. Le ministre a dit non, ce n'est pas une erreur, les gens ont simplement mal compris le projet de loi. Cela n'est certainement pas sans inquiéter le ministre de l'agriculture de l'Alberta. Il faut absolument changer cette disposition du projet de loi pour garantir que l'on ne revienne pas, en ce qui concerne les grains de provende, à la situation de 1973 où l'orge ne pouvait même pas franchir une limite de province sans infraction à la loi. C'est déjà assez grave que les agriculteurs ne puissent pas faire franchir les frontières internationales à leurs grains sans enfreindre la loi. Si ce projet de loi n'est pas amendé, les agriculteurs enfreindront peut-être la loi en vendant le grain de l'Alberta à la Saskatchewan ou l'inverse. Il faut changer cela.

(1045)

Le projet de loi réduit les possibilités de changements ultérieurs au mandat de la Commission. Pour obtenir un changement majeur du mandat de la Commission, les agriculteurs doivent lancer un processus d'approbation complexe. Le conseil d'administration doit recommander le changement à la Commission qui doit l'approuver. Les producteurs doivent ensuite voter sur une question décidée par le ministre. Ce processus me semble passablement truqué et, en tout cas, cela ne témoigne pas d'une grande confiance dans les agriculteurs pour gérer leur Commission canadienne du blé. Même après le vote, le ministre ne serait pas tenu d'agir en fonction du résultat. Voilà ce qui en dit long sur l'arrogance et le manque de confiance. Je trouve absolument écoeurante cette disposition du projet de loi.

Aucun autre parti politique n'a exprimé sa position aussi clairement et de façon aussi transparente que le Parti réformiste à propos des questions touchant la Commission canadienne du blé et le plébiscite sur le blé et l'orge qui se tient actuellement. Le Parti réformiste n'a cessé d'affirmer sa détermination à collaborer avec une Commission canadienne du blé réformée et, donc, plus responsable, plus souple et orientée vers la participation volontaire. C'est un débat que les producteurs des Prairies ont à coeur et nous savons que l'appui à cette réforme s'intensifie. Quoi que fasse le ministre, les agriculteurs persisteront dans leur volonté et finiront par atteindre leurs buts.

Nous croyons que seuls des changements positifs à la commission assureront sa survie et son efficacité dans les années à venir. Contrairement à ce que prétendent nos adversaires politiques, nous ne souhaitons aucunement la destruction de la commission.

En terminant, je ferai observer que le ministre de l'Agriculture a fait plus de tort à la commission, qu'il a fait plus pour convaincre les agriculteurs de l'inutilité de cet organisme et qu'il a fait plus pour nous nuire sur le plan international que nous tous, qui avons suggéré des moyens de nature à rendre la commission apte à préparer les agriculteurs à affronter la concurrence sur le marché du XXIe siècle.

Le ministre nous fait reculer, alors que nous voulons aller de l'avant. Ce projet de loi est inacceptable dans sa forme actuelle et il convient de le modifier en profondeur. J'exhorte les membres du comité à s'y employer.

M. Glen McKinnon (Brandon-Souris, Lib.): Monsieur le Président, le député de notre parti qui a parlé plus tôt a précisé très clairement que la Commission canadienne du blé était une des institutions dans le secteur agricole qui travaillaient uniquement pour les agriculteurs. Elle partage avec la communauté agricole tous les avantages d'un guichet unique de vente à une fraction du coût des recettes réalisées par cette institution.

Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a expliqué les principaux objectifs du projet de loi C-72 et je voudrais discuter de la façon dont nous sommes arrivés à élaborer cette mesure.

La Commission canadienne du blé sert les agriculteurs canadiens de façon efficiente et efficace depuis plus de 60 ans. Durant toute cette période, elle a aidé notre secteur céréalier à se bâtir une réputation internationale de qualité et de fiabilité et elle a obtenu les meilleurs rendements possible sur le marché pour les agriculteurs canadiens. Comme mon collègue l'a précisé plus tôt, grâce à la commission, nos clients peuvent compter sur un approvisionnement constant, et ils l'apprécient.

Le monde des affaires évolue. Nous faisons des affaires sur un marché international de plus en plus libéralisé et compétitif. En même temps, l'évolution de la demande, la réduction des subventions, les nouvelles applications de la biotechnologie, les marchés en pleine croissance pour des denrées à valeur ajoutée et tout un éventail d'autres modifications font que, de nos jours, le secteur


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céréalier doit être plus innovateur, plus autonome et répondre davantage aux besoins du marché qu'il ne l'a fait par le passé.

Dans ce contexte, l'avenir de la Commission canadienne du blé fait l'objet depuis plusieurs années d'un débat parfois très intense parmi les agriculteurs et d'autres intéressés dans le secteur céréalier, surtout dans l'ouest du pays. En passant, je pourrais signaler que dans ma circonscription, Brandon-Souris, certains ont intenté des poursuites devant les tribunaux, car ils jugeaient nécessaire de contester la Loi sur la Commission canadienne du blé et, en fait, toute la méthode de commercialisation du grain dans le monde entier.

Ces modifications à la Loi sur la Commission canadienne du blé ont pour but de répondre aux principales préoccupations soulevées durant ce débat et de s'assurer que la Commission canadienne du blé est bien placée pour poursuivre ses activités en tant que guichet unique fiable et répondant aux besoins du marché pour la vente du blé canadien dans les années à venir.

(1050)

En préparant ce projet de loi, notre objectif a été de faire en sorte que toutes les parties intéressées par cette question difficile aient pleinement la possibilité d'exprimer leur opinion de façon équitable.

En 1995, le ministre a établi le groupe de consultation sur la commercialisation du grain de l'Ouest pour qu'il formule des recommandations en consultant tous les intervenants de l'industrie céréalière. Ce groupe de consultation a fait un excellent travail, remplissant son mandat et offrant une tribune aux producteurs et à d'autres intervenants pour qu'ils discutent de l'avenir de la Commission canadienne du blé d'une manière rationnelle, ouverte et transparente, en se fondant sur les faits et non sur les grandes déclarations.

Cette consultation sur le grain de l'Ouest, la plus étendue dans l'histoire moderne, a revêtu la forme d'une série d'assemblées publiques qui ont eu lieu au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta. C'est sur cette tribune que les agriculteurs et d'autres parties intéressées ont présenté leur point de vue sur le régime actuel de commercialisation du grain de l'Ouest. Ils ont également proposé des dispositions de rechange.

En outre, le groupe de consultation a tenu pendant 12 jours à Winnipeg, à Regina et à Edmonton des audiences au cours desquelles il a entendu 69 exposés. Il a aussi reçu 78 mémoires de personnes et d'organismes qui n'ont pas comparu devant le groupe, mais qui ont présenté des mémoires aux fins de renseignements.

À la suite de la publication du rapport du groupe de consultation en juillet dernier, le ministre a invité les parties intéressées à répondre par écrit à ces recommandations. Après que le groupe eut présenté son rapport l'été dernier, le ministre a également fait parvenir un résumé des recommandations du groupe à tous les agriculteurs de l'Ouest et les a invités à donner leur opinion.

Dans l'ensemble, 12 000 personnes et organismes ont participé à ce processus de consultation. Je suis d'avis que les modifications législatives que nous proposons aujourd'hui traduisent les opinions de la grande majorité des agriculteurs de l'Ouest et qu'elles donnent suite aux nombreuses recommandations formulées dans le rapport du groupe de consultation sur la commercialisation du grain de l'Ouest.

D'une façon ou d'une autre, nous prenons des mesures à l'égard de tous les points soulevés par le groupe concernant l'organisation sociale de la commission. Selon une des principales recommandations, la Loi sur la Commission canadienne du blé devait être modifiée afin de conférer à la commission une nouvelle structure d'autorité et plus de souplesse pour accomplir ses activités et servir les agriculteurs. En fait, de toutes les recommandations contenues dans le rapport du groupe, celle-ci avait bénéficié du consensus le plus ferme auprès des agriculteurs.

Aux termes du projet de loi, la direction générale de la commission sera confiée à un conseil d'administration, dont la plupart des membres seront des agriculteurs. Pour faciliter la transition vers la nouvelle structure de direction, un conseil d'administration provisoire sera nommé par le gouvernement l'an prochain et, d'ici le début de 1998, une majorité des administrateurs seront élus par les agriculteurs.

L'élection des administrateurs aura de profondes répercussions sur les activités de la commission, surtout du fait qu'il ne s'agira plus d'une société d'État. Dans la mesure du possible, nous avons essayé de minimiser ces répercussions.

Par exemple, parce qu'elle agit au nom de Sa Majesté, la commission fait des emprunts qui sont automatiquement garantis par le gouvernement du Canada. Pour minimiser les répercussions, le gouvernement continuera de garantir les emprunts de la commission. Il continuera aussi de garantir les versements initiaux et les ventes à crédit de céréales de la Commission canadienne du blé.

Néanmoins, le passage à un conseil d'administration élu aura des répercussions qu'il faudra étudier attentivement. C'est pourquoi le projet de loi est permissif à cet égard. Les agriculteurs doivent se rendre compte de ce qu'ils ont maintenant et ils doivent faire la comparaison avec ce que leur apportera un conseil d'administration élu plutôt que nommé, s'ils veulent prendre une décision éclairée concernant leur préférence ultime sur ce sujet particulier.

Un autre groupe de modifications porte sur la plus grande souplesse à l'égard des activités de la commission et l'amélioration des rentrées de fonds. Aux termes de ces modifications, la commission pourra, premièrement, effectuer des achats de blé et d'orge au comptant. Deuxièmement, elle pourra verser rapidement des paiements de rajustement au cours d'une campagne agricole. Troisièmement, elle pourra fermer des comptes communs n'importe quand et payer sans tarder les agriculteurs. Quatrièmement, elle pourra délivrer des certificats négociables aux producteurs. Cinquièmement, elle pourra rembourser aux agriculteurs leurs frais d'entreposage ou de transport des céréales. Enfin, elle fera la meilleure utilisation possible des dernières mesures de gestion des risques en traitant avec les agriculteurs et les clients. En outre, la Commission canadienne du blé sera autorisée à établir un fonds de réserve pour pouvoir faire des achats au comptant et verser rapidement les rajustements.


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(1055)

Il importe de signaler que ces modifications ne constituent pas la seule réponse du gouvernement du Canada aux préoccupations des céréaliculteurs canadiens et aux recommandations du Comité de commercialisation des grains de l'Ouest. Nous explorons de nombreux autres moyens de nous attaquer à d'autres problèmes de commercialisation et de transport du grain. En novembre dernier, notre gouvernement a proposé des mesures législatives pour moderniser le Code canadien du travail.

Ces modifications prévoient notamment que, même si les entreprises qui manutentionnent le grain et leurs employés conservent le droit de lock-out et de grève, dans le cas des interruptions de travail qui mettent en cause d'autres parties, dans les activités portuaires, les services influant sur les expéditions de grain doivent être maintenus.

Par les modifications apportées à la Loi sur la Commission canadienne du blé et de nombreux autres changements que nous apportons à l'égard du transport et de la commercialisation du grain, le gouvernement du Canada montre qu'il est attentif aux préoccupations des producteurs de grain. Il prend des mesures pour calmer leurs inquiétudes et mettre en place les conditions nécessaires à la poursuite de la croissance et au maintien de la prospérité dans le secteur céréalier et les collectivités rurales au-delà du tournant du siècle.

J'exhorte tous les députés à appuyer cet important projet de loi.

[Français]

M. Jean Landry (Lotbinière, BQ): Monsieur le Président, je vous remercie de me permettre, aujourd'hui, de prendre la parole sur le projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence. Comme vous le savez, je représente un comté agricole de la Belle Province, mais il n'y a aucun producteur de blé et d'orge dans ma circonscription.

Pour parler franchement, le territoire de la Commission canadienne du blé couvre les provinces du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique. Néanmoins, en tant que député faisant partie de l'opposition officielle, au grand dam de nos collègues réformistes et, bien sûr, du député de Calgary-Sud-Ouest, je me dois d'intervenir, comme mes autres collègues du Bloc québécois le feront après moi, dans le débat entourant un projet de loi important pour beaucoup de producteurs.

Je sais que nous sommes ici en cette Chambre pour défendre les intérêts des Québécois et des Québécoises. Nous sommes dans cette auguste Chambre pour faire la promotion de la souveraineté, mais nous nous devons également d'utiliser les tribunes que nos fonctions de députés de l'opposition officielle nous permettent d'accéder pour parler aux autres nations. Cela comprend également la nation canadienne. On parle beaucoup, avec le congrès à la direction du Bloc, de partenariat d'égal à égal.

C'est bien simple: nous sommes, à 52, les représentants de la nation québécoise, n'en déplaise aux députés de Saint-Maurice et de Sherbrooke. De plus, je me dois d'ajouter que tant et aussi longtemps que le Québec paiera des impôts au gouvernement fédéral, nous avons le devoir et le droit de savoir comment ces sommes sont dépensées. J'ajoute que nous devons réclamer notre juste part.

Le dépôt du présent projet de loi fait suite à une recommandation claire et pressante de changement de la part du groupe d'experts. Le gouvernement libéral s'est emparé de cela afin de servir ses intérêts. Bien sûr que l'on veut démocratiser. On veut confier la responsabilité générale de la direction de la Commission canadienne du blé à un conseil d'administration.

À première vue, le Bloc ne peut que se réjouir de voir le gouvernement proposer que ledit conseil d'administration soit composé dorénavant d'une majorité et surtout de producteurs, au lieu de trois à cinq commissaires nommés par le ministre. C'est un bel esprit de démocratisation. Peut-être que nous influencerons les députés libéraux avec notre bel exemple de démocratie. Je parle ici de la course à la direction de mon parti. Si c'est cela, tant mieux.

Néanmoins, je demeure sceptique devant l'attitude et les réels motifs du gouvernement libéral, et je m'explique. Les futurs membres du conseil d'administration seront, d'après le projet de loi, élus par leurs pairs ou les producteurs céréaliers. Toutefois, le gouvernement libéral se garde bien de nous dire combien de ces élus par les producteurs seront sur le conseil.

Dans la documentation présentant le présent projet de loi, on se garde bien d'avancer un nombre d'agriculteurs élus. On stipule que le nouveau conseil d'administration sera majoritairement composé d'agriculteurs élus, mais on ne dit pas quand cela se fera. Ce qui est plus certain, c'est que nous proposons un conseil d'administration intérimaire en 1997.

(1100)

De toute évidence, tout le monde sur la Colline ne passe pas une journée sans parler d'une éventuelle élection pour 1997. Il est certain que nous aurons des élections partielles, du moins pour les circonscriptions de Jonquière et de Calgary-Ouest. Je peux vous l'annoncer, si on se fie aux règles établies. Pour ce qui est d'une élection dite générale, je laisse le soin au député de Saint-Maurice de nous dire quand elle aura lieu.

Si je vous parle d'une éventuelle élection, c'est pour bien vous situer que nous sommes dans un contexte pré-électoral. Vous comprendrez que, lorsque le gouvernement libéral, par son ministre, parle de nommer un conseil d'administration intérimaire en 1997, il serait bien tentant pour eux de procéder à des nominations politiques, à faire ce qu'on appelle du patronage politique. Ce ne serait pas la première fois, et il y a fort à parier que ce ne sera pas la dernière fois non plus.

J'ai toujours peur de voir tel ou tel ministre procéder à des nominations. À vrai dire, ce n'est pas rassurant du tout. Ce ne l'était pas avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments, alors pourquoi cela changerait-il quelques semaines plus tard? De plus, le ministre confirme que le conseil d'administration de la Commission canadienne du blé sera éventuellement composé, majoritairement, d'agriculteurs élus. Cela laisse supposer qu'il pourrait y avoir des membres choisis par le ministre. Le ministre serait toujours tenté de nommer des amis, des sympathisants du régime ou encore


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des bailleurs de fonds. Rien de nouveau sous le soleil. L'expression est connue, mais malheureusement, très vraie.

Le Bloc québécois, mon parti, ne peut qu'appuyer le principe du gouvernement fédéral de donner enfin aux agriculteurs une ou plusieurs voix au sein de la direction de la Commission canadienne du blé. Je pense que l'on ne peut que se réjouir de voir un tel changement se faire. Au point de départ, on le sait, le gouvernement ne le fait pas de son plein gré. Si le gouvernement fait preuve d'ouverture, ce n'est pas dans un élan de bonté ou par désir de démocratisation, mais c'est plutôt dû à des pressions. Des pressions de qui? Des agriculteurs qui ne cessent de dire au gouvernement que le système est désuet et qu'il ne répond pas à leurs attentes. Pourquoi pensez-vous que le groupe d'experts recommande la modification de sa tête dirigeante? Pourquoi vouloir changer les quelque trois à cinq commissaires par un conseil d'administration formé d'agriculteurs élus? C'est que ceux-ci seront plus en mesure de répondre adéquatement à leurs besoins.

Il n'y a rien de sorcier là-dedans, c'est le gros bon sens. Il faut ajouter que, dans les doléances des agriculteurs de l'Ouest, il y a différents mécontentements. Des agriculteurs transfrontaliers réclament une double mise en marché du grain, soit d'une manière libre ou par le biais de la Commission canadienne du blé.

Il était devenu urgent, pour le gouvernement, de finalement se pencher sur cette question. Souvenez-vous récemment de la motion du député de Wild Rose qui voulait un droit de retrait, une clause de opting out de deux ans. Il n'a pas trouvé cela tout seul, ce collègue.

Lors de mon intervention sur cette motion, j'avais dit: «On pourrait octroyer plus de pouvoirs aux producteurs sur le contrôle des opérations de la Commission canadienne du blé, et permettre à la Commission d'être plus flexible.» Il est vrai que certains producteurs flairent, ces temps-ci, des occasions d'affaires. Je comprends bien qu'ils veuillent commercialiser eux-mêmes leurs productions à l'extérieur de la juridiction de la Commission canadienne du blé. Il est vrai que dans les faits actuels, avec ce qui se passe aujourd'hui, c'est la Commission qui, par ses ventes sur le marché américain, tire profit de cette situation où les prix sont meilleurs.

Une chose est certaine, c'est que la Commission existe depuis plus de six décennies. Sa tâche est de vendre un produit de qualité, d'offrir aux clients un service hors pair et de voir aussi à maximiser les rentrées pour les agriculteurs de l'Ouest. Encore là, le système n'est pas parfait, il y a toujours place à l'amélioration. Est-ce dire qu'il faut passer outre à ces possibilités de patronage pour que soit adopté un projet de loi qui comporte de bonnes choses au niveau de l'assouplissement des opérations et une amélioration des liquidités? Non, chers collègues. Je sais voir les bonnes choses, mais également les opportunités de patronage.

(1105)

Il faut aller chercher des gens du milieu, des gens qui connaissent bien le domaine. Qui sont mieux placés que les agriculteurs, les céréaliers pour être membres du conseil d'administration de cette Commission canadienne du blé?

Par surcroît, les faire passer par une élection est, à mon avis, un excellent choix. Mais attention, il faut voir comment ces élections se tiendront, car le gouvernement veut fixer les règles. Je ne crois pas qu'on fera appel à une firme externe comme lors des tirages de la 6/49, ni à M. Kingsley, le directeur général des Élections.

Cela étant dit, malgré une apparente ouverture, le gouvernement fédéral veut garder, avec son projet de loi, le contrôle effectif de la Commission canadienne du blé. Comment? Je vous le donne en mille. Avez-vous remarqué qu'au paragraphe 3.6(2), le gouvernement se réserve le droit de révoquer tous les membres du conseil d'administration, y inclus les agriculteurs élus?

Précédemment, j'ai fait allusion aux modalités d'élection de ceux-ci, mais j'avais oublié de vous préciser que le président dudit conseil demeure une personne nommée par nul autre que le ministre. Je sais bien qu'il est nommé par le gouverneur en conseil sur recommandation du ministre. Aussi bien dire immédiatement que c'est le ministre qui le nomme.

[Traduction]

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre part au débat du projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence.

En parcourant le projet de loi, j'ai été plutôt étonné à la lecture des dispositions des articles 3.93 et 3.94. L'article 3.93 commence par la déclaration inoffensive que voici:

(1) Les dirigeants, administrateurs et employés de la Commission doivent [. . .]agir:
a) avec intégrité et de bonne foi au mieux des intérêts de la Commission;
b) avec le soin, la diligence et la compétence d'une personne prudente et avisée.
Rien à redire à cela. Nous espérons que les personnes que le gouvernement nommera par favoritisme aux postes de responsabilité à la commission respecteront cette promesse. Or, en poursuivant ma lecture, j'ai constaté que, bien qu'elles puissent agir avec intégrité, de bonne foi et avec diligence, ces personnes sont indemnisées si elles ne le font pas. L'alinéa 3.93(3)a) ajoute en effet ceci:

(3) Ne contrevient pas aux obligations [. . .]le dirigeant, l'administrateur ou l'employé qui s'appuie de bonne foi sur:
a) des états financiers de la Commission présentant sincèrement la situation de celle-ci, selon l'un de ses dirigeants ou d'après le rapport écrit du vérificateur;
Cela me porte à croire qu'il y a quelque chose qui cloche dans les états financiers. Si les responsables disposent du rapport annuel de la Commission canadienne du blé pour 1994-1995, qui a fait l'objet d'une vérification de la firme DeLoitte et Touche, laquelle semble en avoir fait un rapport de vérification assez raisonnable, et commettent des erreurs en prêtant foi à des états financiers qui se révèlent erronés, ils se verront maintenant exonérés de toute responsabilité. Mon esprit assez mal tourné se pose la question: qu'est-ce qui cloche dans les états financiers si les responsables qui y prêtent foi pourront être indemnisés?

Je passe maintenant à l'article 3.94:


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La Commission indemnise ceux de ses dirigeants, administrateurs et employés ou leurs prédécesseurs [. . .]de tous les frais et dépens, y compris les sommes versées pour transiger ou pour exécuter un jugement, engagés par eux lors de procédures civiles, pénales ou administratives . . .
De quoi s'agit-il ici? Va-t-on indemniser ces responsables à l'égard de procédures pénales? C'est pourtant ce que prévoient ces dispositions. Je les lis encore une fois:

La Commission indemnise ceux de ses dirigeants, administrateurs et employés ou leurs prédécesseurs [. . .]de tous les frais et dépens [. . .]engagés par eux lors de procédures civiles, pénales ou administratives. . .
Qu'est-ce que c'est que ces dispositions? Premièrement, il nous faut les indemniser s'ils s'appuient sur les états financiers vérifiés. Puis nous découvrons que nous devons les indemniser également contre toute procédure pénale découlant de l'exercice de leurs fonctions. C'est assez fort.

(1110)

Il ne faut pas oublier non plus que la commission est la seule agence à être protégée parce qu'elle n'est pas assujettie aux dispositions de la Loi sur l'accès à l'information. Nous ne pouvons obtenir de renseignements de la Commission canadienne du blé, parce que la loi la protège. Nous ne pouvons invoquer la Loi sur l'accès à l'information pour obtenir ces renseignements. Pis encore, le vérificateur général n'a pas le droit, si je ne m'abuse, d'examiner les activités de la Commission canadienne du blé et de faire rapport.

Dans les faits, le vérificateur général ne peut examiner les activités de la Commission du blé et les Canadiens ne peuvent examiner les activités de la Commission du blé, parce qu'ils n'ont pas accès aux renseignements nécessaires aux termes de la Loi sur l'accès à l'information. Dorénavant, les membres de la commission seront indemnisés contre toute procédure pénale, et voilà que certains doutes planent quant à l'exactitude de ses états financiers.

Après avoir analysé tout cela, que peut-on conclure? On semble flairer une conspiration qui camouflerait certaines choses. L'intégrité du gouvernement et la bonne gestion de la Commission canadienne du blé seraient remises en question.

Je voudrais que le ministre de l'Agriculture se lève à la Chambre et nous dise ce qu'il en est. Je ne vois pas pourquoi nous devrions adopter un projet de loi et créer ainsi un monopole qui serait protégé par la loi et entouré du plus grand secret imaginable et je ne vois pas pourquoi nous devrions indemniser les administrateurs contre des procédures pénales. Nous avons, comme tous les Canadiens, droit à des réponses à nos questions. Pourquoi ces deux dispositions ont-elles été insérées dans ce projet de loi?

Le ministre ne nous a en rien expliqué pourquoi il estime devoir protéger les employés de la Commission du blé qui se fient à des états financiers qui ont été vérifiés par un vérificateur indépendant. Je ne vois pas pourquoi il protégerait les employés de la Commission du blé qui font l'objet de poursuites au criminel. Monsieur le Président, pouvez-vous me donner une raison pour laquelle il le ferait? Quelqu'un d'autre peut-il me dire pourquoi? Je ne vois pas.

Cela nous donne une idée de la manière dont le gouvernement gère ses affaires. Nous avons vu ce qui s'est passé dans le cas de l'enquête sur la Somalie. Dès qu'elle est devenue embarrassante, le gouvernement y a mis fin. Lorsqu'on a eu besoin d'information dans l'enquête Krever, on s'est heurté à un mur. Quant à l'affaire de l'Aéroport Pearson, elle est désormais devant les tribunaux. Nous sommes témoins du fiasco de l'affaire Airbus, que le gouvernement a bousillée dès le départ. Elle coûte des millions de dollars aux contribuables et nous avons appris l'autre jour que le ministre de la Justice a dépensé 160 000 $ de l'argent des contribuables pour nous posséder. Il faut que cela cesse.

Des activités criminelles ne peuvent être tolérées sous aucun prétexte. Prévoir une protection dans un projet de loi est sans doute la pire chose que j'ai vue depuis les trois années et demie que je siège ici. Prévoir cela dans un projet de loi sur la Commission du blé, qui est à l'abri de toute enquête de la part du vérificateur général, de toute demande de renseignements conformément à la Loi sur l'accès à l'information, c'est digne de la Russie communiste. Voilà ce que le gouvernement nous sert aujourd'hui.

Et ce n'est pas la première ni la dernière fois. On camoufle des choses, on trompe les Canadiens, on ne leur dit pas ce qu'on fait avec leur argent, on ne leur dit pas que quelqu'un trafique peut-être-et je dis bien «peut-être»-les états financiers et, maintenant que cela risque de se savoir, le gouvernement veut que les gens soient indemnisés.

Le fait est que des questions se posent. Je n'ai pas les réponses, mais je suis persuadé que le ministre de l'Agriculture les a. Il lui incombe de prendre la parole à la Chambre et de nous dire ce qu'il essaie de camoufler avec ces deux articles. S'il cherche à cacher une activité illégale et des états frauduleux, nous devons le savoir. Il nous faut savoir quelle tête va rouler.

(1115)

C'est peut-être la tête du ministre qui va rouler, car on ne saurait tolérer pareille activité dans un pays démocratique. J'espère que le ministre viendra nous dire ici quelles sont ses intentions.

M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Monsieur le Président, nous discutons aujourd'hui d'une motion qui vise à renvoyer le projet de loi C-72 au comité avant la deuxième lecture. J'appuie cette motion parce qu'il y a tellement d'aspects de cette mesure législative qui devraient être soupesés et discutés avant que le projet de loi ne puisse être adopté.

Les gens ont trois principales réserves au sujet de la Commission canadienne du blé. La première concerne le manque de responsabilité de la commission sur le plan des comptes à rendre. Le niveau de sécurité de cette dernière équivaut à celui du SCRS. La deuxième réserve concerne l'absence de droit de regard des agriculteurs sur la commission. Pourtant, les activités de la commission sont entièrement financées par les agriculteurs.


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La troisième réserve concerne le fait que la Commission du blé a un monopole qui ne lui a été conféré qu'en vertu de la Loi sur les mesures de guerre et qui ne lui a jamais été retiré. Les agriculteurs veulent avoir le choix, un choix qui soit très clair pour que personne ne puisse s'opposer.

La plupart des agriculteurs de l'Ouest et des réformistes appuient certainement le maintien de la Commission canadienne du blé, comme organisme de commercialisation. Là n'est pas le problème. Nous appuyons cela, mais nous souhaitons que les agriculteurs aient un choix. Dans un pays démocratique, il est presque inimaginable de ne pas leur donner ce choix.

Je veux parler de ces trois questions. Je sais que je n'aurai pas suffisamment de temps pour en parler à fond, mais je vais au moins essayer de le faire. Je vais établir des liens avec le projet de loi à l'étude. Je ferai ressortir très clairement de mon intervention qu'un examen du projet de loi s'impose avant la deuxième lecture.

Premièrement, la Commission canadienne du blé est aussi secrète que le SCRS, ce qui est presque inimaginable. Par ailleurs, elle n'a pas l'obligation de rendre des comptes. Les gens se demandent pourquoi ses activités sont entourées d'autant de secret.

Ainsi, le vérificateur général n'a pas accès aux documents de la Commission canadienne du blé ni aux informations internes de son conseil d'administration. Par conséquent, nous ne pouvons pas compter sur un rapport du vérificateur général pour examiner les activités de la commission et déterminer si les choses sont faites comme il se doit. Voilà le secret qui entoure les activités de la commission.

Par exemple, c'est grâce à une fuite que nous avons découvert qu'un commissaire qui remet sa démission ou qui est congédié a droit à une indemnité de départ de l'ordre de 290 000 $. En tant que céréaliculteur qui finance les activités de la commission, je n'avais aucun moyen de savoir cela. Nous ne connaissons pas le traitement des commissaires ni, bien entendu, les avantages dont ils bénéficient.

Généralement, les agriculteurs pensent que les avantages sont tout à fait déraisonnables. Comme nous sommes ceux qui payont ces avantages, ces salaires et ces indemnités de départ, nous avons le droit de savoir à combien ils s'élèvent.

L'obligation de rendre compte est le premier problème. La loi a-t-elle été modifiée?

Une voix: Non, c'est pire.

M. Benoit: Le projet de loi traite-t-il de l'obligation de rendre compte? Oui, mais il a empiré les choses, comme vient de le dire mon collègue.

Prenez le paragraphe 3.93(1) du projet de loi:

Les dirigeants, administrateurs et employés de la Commission doivent, dans l'exercice de leurs fonctions, agir:
a) avec intégrité et de bonne foi. . .
Le projet de loi énonce ce que doivent faire les administrateurs. Au paragraphe 3.93(3), on lit:

Ne contrevient pas aux obligations que lui imposent les paragraphes (1) et (2) le dirigeant, l'administrateur ou l'employé qui s'appuie de bonne foi sur:
a) des états financiers de la Commission présentant sincèrement la situation de celle-ci, selon l'un de ses dirigeants ou d'après le rapport écrit du vérificateur;
b) les rapports de personnes dont la profession ou la situation permet d'accorder foi à leurs déclarations, notamment les avocats, les notaires, les comptables, les ingénieurs ou les estimateurs.
(1120)

Le projet de loi prévoit qu'ils doivent agir avec intégrité. À l'article 3.94, on lit:

La Commission indemnise ceux de ses dirigeants, administrateurs et employés ou leurs prédécesseurs, ou les personnes qui, à sa demande, agissent ou ont agi en cette qualité. . .
La commission indemnise d'anciens dirigeants, administrateurs ou employés. Je me demande bien pourquoi. Le ministre peut-il nous dire pourquoi cette protection a été accordée aux anciens dirigeants et administrateurs de la commission? D'après moi, la seule raison est qu'ils ont quelque chose à cacher. On ne peut certainement pas laisser ce paragraphe dans le projet de loi.

En raison des contraintes de temps, je vais passer à ma deuxième préoccupation. Les agriculteurs n'exercent aucun contrôle sur la commission. Ils financent les activités de la commission, mais ils n'exercent aucun contrôle sur elle. Cela a-t-il été changé? Pas nécessairement. Le projet de loi pourrait ne pas donner aux agriculteurs plus de pouvoir sur la commission qu'ils n'en ont maintenant.

Je lis le paragraphe 3.6(1):

Sur la recommandation du ministre, le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner au conseil un ou plusieurs sièges dont le titulaire est à élire par les producteurs conformément au présent article et à ses règlements d'application.
Cela veut-il dire qu'il y aura nécessairement au moins un directeur élu? La réponse est non. C'est incroyable. «Le ministre peut décider qu'il y aura un directeur élu.» Ce n'est pas ce qu'il a dit aux agriculteurs.

Le ministre modifiera sans doute cela parce que les agriculteurs ne le toléreront pas. Si ce système est imposé de force, on ne peut prévoir la réaction du monde agricole. Je crois que le ministre peut comprendre et qu'il retirera cette disposition. Cependant, il n'a aucune excuse pour avoir mis une telle disposition dans le projet de loi.

De deux choses l'une: ou il a intentionnellement trompé les agriculteurs et le reste de la population lorsqu'il a dit qu'il y aurait des directeurs élus, ou il fait preuve d'incompétence. Nous sommes devant un projet de loi négligemment rédigé, et c'est intolérable. Dans un cas comme dans l'autre, c'est inacceptable et le ministre doit s'expliquer. Les agriculteurs auront-ils plus de poids? Pas nécessairement.

Troisièmement, il y a la question du monopole ou de la possibilité de choisir pour les agriculteurs. En général, les agriculteurs sont favorables à la Commission canadienne du blé. Cependant, ils veulent aussi pouvoir vendre leurs céréales par l'intermédiaire d'une société ou les vendre eux-mêmes. C'est là un choix que tous les autres Canadiens peuvent faire.


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Le projet de loi laisse-t-il une option aux agriculteurs? Pas du tout. Le monopole de la Commission canadienne du blé est maintenu dans son intégralité, et c'est inacceptable, surtout si l'on tient compte du contexte dans lequel ce monopole a vu le jour.

Dans ses mémoires, Mitchell Sharp, ancien député libéral et ministre au sein du gouvernement Trudeau, très proche collaborateur du premier ministre, parle de l'époque où il était haut fonctionnaire au ministère des Finances, pendant la guerre, et il dit que c'est en 1943, en vertu de la Loi sur les mesures de guerre, que le monopole a été confié à la Commission canadienne du blé. Qu'en dit Mitchell Sharp? Tous les libéraux devraient lire les mémoires de M. Sharp. Il dit que, en raison de la guerre, il était raisonnable de créer un monopole pour la vente du blé. Il reconnaît que cela a fait baisser les prix, ce qui était l'objectif visé compte tenu de l'effort de guerre consenti au nom du Canada et de la Grande-Bretagne.

(1125)

M. Sharp affirme qu'il a jugé à l'époque et qu'il croit encore aujourd'hui qu'il est tout à fait injustifié d'avoir conservé ce monopole après la guerre. Il estime que cela coûte très cher aux agriculteurs.

Il fait notamment remarquer que le contrat de cinq ans adopté après la guerre a coûté des centaines de millions de dollars aux agriculteurs. Et cela s'explique uniquement par le monopole accordé à la commission. Les agriculteurs n'ont jamais obtenu d'indemnisation.

Les livres ont été fermés et le secret a été imposé. La commission n'a de comptes à rendre à personne. Le monopole demeure, même s'il n'a plus aucune raison d'être. Il faut changer cela et le plus tôt sera le mieux. Les agriculteurs n'acceptent plus que cette question ne soit pas réglée, et il faut faire quelque chose.

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, je suis heureux de parler du projet de loi C-72, qui vise à modifier la Loi sur la Commission canadienne du blé. C'est un projet de loi important, et c'est une question importante à laquelle je m'intéresse depuis longtemps.

J'ai discuté de cette question avec de nombreux producteurs d'un bout à l'autre du Canada, surtout en Saskatchewan et dans les Prairies. J'ai assisté à des réunions du groupe de consultation sur la commercialisation du grain de l'Ouest dans ma province, en particulier à celles qui ont eu lieu à Kindersley et à North Battleford. On retrouve très peu de ce dont nous avons discuté à ces réunions dans le projet de loi C-72.

L'étape de la deuxième lecture à la Chambre ne se déroulera pas comme d'habitude dans le cas du projet de loi C-72. Il y aura seulement un court débat de trois heures, et le projet de loi sera ensuite renvoyé directement au Comité de l'agriculture pour étude. J'appuie certainement l'étude en comité, mais je m'oppose à ce qu'on coupe court au débat à la Chambre.

Cette pratique qui consiste à envoyer un projet de loi directement au comité avant la deuxième lecture est une innovation récente dans le processus législatif. Dans certains cas, cette pratique fonctionne très bien, mais, dans d'autres cas, elle ne fonctionne pas bien du tout, et je crois que c'est la cas du projet de loi C-72. Le projet de loi C-72 est important pour tous les agriculteurs canadiens. Il est donc important pour le Canada.

La deuxième lecture est habituellement l'étape où les députés se penchent sur le principe d'une nouvelle mesure législative. C'est le moment d'examiner, dans un débat public, les concepts sur lesquels le projet de loi est fondé. C'est l'étape où les députés, qui ont discuté de cette mesure législative avec leurs électeurs, peuvent exprimer le point de vue de ces derniers à la Chambre et le partager avec les autres députés dans l'espoir d'influencer l'étude article par article qui suivra lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité.

Tous les députés ne pourront pas prendre la parole durant ce débat abrégé de trois heures et tous les députés ne sont pas membres du Comité de l'agriculture. Par conséquent, tous les députés et, ce qui est plus important encore, tous leurs électeurs ne pourront pas se faire entendre sur les principes qui sous-tendent ce projet de loi avant la troisième et dernière lecture, lorsqu'il sera trop tard pour apporter des changements majeurs. Cette façon de procéder ne fait qu'accélérer l'étude du projet de loi, en dépit du fait que l'étape de l'étude en comité sera peut-être raccourcie.

L'idée de raccourcir le débat à l'étape de la deuxième lecture a été conçue pour les projets de loi hautement techniques et non pour ceux comme celui sur la Commission canadienne du blé, dont le contenu revêt également un caractère politique et économique. Je m'oppose à ce qu'on ait recours à cette façon de procéder pour le projet de loi C-72. Je crois que le ministre de l'Agriculture l'utilise simplement pour éviter un long débat public sur un projet de loi qu'il sait imparfait, mais qu'il ne veut pas améliorer lui-même.

Je vais citer comme exemple le fait que, le jour où le projet de loi a été présenté, le ministre a dit qu'il était prêt à accepter des amendements. Le jour suivant, le président du Comité de l'agriculture a dit que ce projet de loi serait effectivement modifié. Lorsqu'il a lancé le débat aujourd'hui, le secrétaire parlementaire a dit que le ministre envisageait des amendements. Si le ministre savait que le projet de loi comportait des lacunes, il aurait dû le rédiger comme il faut au départ au lieu de présenter le sujet comme il l'a fait. Il aurait dû dire: «Je suis prêt à écouter. Parlez-moi.» S'il savait que des amendements étaient nécessaires, il aurait dû les apporter au départ.

Je conteste également le moment choisi pour le débat. Il survient en plein milieu du processus de scrutin concernant la motion sur l'avenir de l'orge dans le champ de compétence de la Commission canadienne du blé. J'avais demandé avec d'autres députés que l'étude du projet de loi soit reportée après la fin du vote concernant la motion sur l'orge, de manière à permettre au public d'accorder toute l'attention voulue à ces deux questions. Je regrette que le ministre ait décidé de ne pas suivre ce conseil.

(1130)

Par ailleurs, pour ne pas paraître entièrement négatif, je suis heureux que le comité de l'agriculture auquel le projet de loi est renvoyé envisage de voyager à l'extérieur d'Ottawa pour consulter des agriculteurs, des groupes d'agriculteurs et des collectivités au sujet de ce projet de loi. Je crois que le succès de la Commission canadienne du blé dépend des amendements qui seront apportés et


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c'est pourquoi il est important de connaître le point de vue des agriculteurs et des collectivités.

Si le comité décide de se déplacer et en obtient l'autorisation de la Chambre, il aura pris une sage décision. J'espère seulement qu'il aura donné à tout le monde suffisamment de temps pour se préparer à relever adéquatement le défi qui nous attend.

Ce projet de loi est important et c'est pourquoi je tiens à exprimer encore une fois mon inquiétude et ma déception devant la décision du ministre de renoncer à entendre directement les conseils du Comité consultatif de la Commission canadienne du blé élu par les agriculteurs, pendant la rédaction du projet de loi. Le Comité consultatif, qui sera remplacé par suite de ce projet de loi, est composé des agriculteurs qui connaissent le mieux les opérations de la Commission canadienne du blé et leurs effets à la ferme.

Le ministre aurait dû consulter le comité consultatif dès le départ, mais il ne l'a pas fait. Le projet de loi contient des lacunes parce que le ministre a choisi de ne pas consulter. S'il l'avait fait, cela nous aurait épargné un débat superflu et beaucoup de temps et d'argent. C'était tout naturel de demander l'avis du comité consultatif pour la conception et la rédaction de cette mesure législative, mais on ne l'a pas fait.

Peu de députés à la Chambre sont des agriculteurs, encore moins des producteurs de céréales placés sous la juridiction de la Commission canadienne du blé. Aussi est-il difficile pour les députés de se rendre compte du stress causé par les économies de l'industrie céréalière ces dix dernières années. La campagne et les prix de l'an dernier ont probablement été les meilleurs de cette décennie qui a été caractérisée en général par des prix bas, de faibles rendements, une qualité inférieure et un moral de plus en plus bas. Il y a eu un grand nombre de faillites et de renonciations de même qu'un endettement agricole élevé, de nombreux suicides et d'accidents à la ferme.

En même temps, des changements considérables se sont produits sur le marché international, dont, et non des moindres, les pourparlers de l'Uruguay Round du GATT sur les subventions et la création, par la suite, de l'Organisation mondiale du commerce.

Le Canada a convenu avec les États-Unis et l'Europe d'éliminer un certain nombre de programmes identifiés-peut-être à tort, à mon avis-comme des programmes de subventions, ce qui a eu pour résultat de faire perdre aux agriculteurs canadiens leurs programmes d'aide ponctuels, la subvention du Nid-de-Corbeau et certaines garanties en matière de gestion des approvisionnements. J'ajouterai que les gouvernements canadiens sous Mulroney et sous l'actuel premier ministre ont agi de la sorte sans chercher à obtenir une action similaire de la part de l'Europe et des États-Unis qui ont maintenu leurs programmes de soutien agricole tels qu'identifiés par le GATT.

C'est dans cette ambiance volatile que se trouve jetée la Commission canadienne du blé, l'organisme de commercialisation du blé et de l'orge canadiens sur le marché international. Cet organisme qui a maintenu les ventes et les prix durant la période turbulente qu'a été cette dernière décennie a été accusé par les États-Unis d'user de pratiques commerciales déloyales, avec l'appui d'un certain nombre Canadiens qui, pour beaucoup, cherchent un moyen d'échapper aux dettes considérables qu'ils ont accumulées en essayant de surmonter des temps très difficiles.

La Commission canadienne du blé traverse actuellement une période où elle est très vulnérable, et le gouvernement devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour la défendre contre ces attaques de l'extérieur. Ce projet de loi ainsi que-je me permets de le mentionner-le vote concernant la commercialisation de l'orge ne font qu'alimenter un débat qui risque d'affaiblir la commission et, par conséquent, de nuire à son avenir et à l'avenir du revenu agricole.

Le ministre de l'Agriculture devrait au moins résister à toutes les pressions visant à obtenir des modifications substantielles et systématiques de la commission. Il devrait donner à la commission un appui inconditionnel et sans réserve et s'assurer qu'elle ait la souplesse opérationnelle dont elle a besoin pour surmonter ses difficultés internes.

C'est pourquoi, quand on examine le projet de loi C-72, on doit l'envisager dans un contexte plus large. La meilleure chose que le ministre puisse faire, pour le moment, serait peut-être de retirer ce projet de loi, parce qu'il affaiblit la position de la commission et représente un danger pour les revenus futurs des agriculteurs des Prairies, au cours d'une période préélectorale, alors que nous devrions discuter de cette question au cours de la campagne.

Une voix: Il devrait démissionner.

M. Taylor: J'entends mes collègues dire que le ministre devrait démissionner. J'en profite pour signaler que j'appuie cette proposition. Cela semble une très bonne idée. Le ministre devrait démissionner, pourvu qu'il retire le projet de loi avant.

(1135)

Nous avons certainement besoin d'une Commission canadienne du blé plus solide, et non pas affaiblie. En négligeant de renforcer la commission, on trahit les intérêts des agriculteurs au profit des grandes sociétés désireuses de contrôler des marchés internationaux artificiels.

J'espère que nous examinerons le projet de loi de façon beaucoup plus détaillée au comité. C'est pourquoi je ne veux pas entrer dans les détails aujourd'hui. Je veux toutefois signaler certaines choses à la Chambre pendant qu'il est encore temps. Je remarque que, pour ce débat raccourci de trois heures, les députés ont droit à dix minutes. Les discours seraient plus longs s'il s'agissait du débat de deuxième lecture. Beaucoup d'entre nous seraient beaucoup plus à l'aise pour exprimer en détail leurs préoccupations au sujet de ce projet de loi.

D'abord et avant tout, il y a la question de la gestion publique. C'est très clair que les agriculteurs veulent avoir plus d'influence dans la direction des affaires de la commission. Il y a de nombreuses façons d'atteindre ce but, mais le ministre et le gouvernement ont choisi de créer un conseil d'administration élu avec un président du conseil et un président nommés par le gouvernement.


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Même si le ministre affirme que la grande majorité des membres du conseil d'administration seront élus par les producteurs, le projet de loi ne dit pas combien de membres seront effectivement élus. Nous avons donc de très sérieuses réserves sur cet aspect. Il semble d'ailleurs y avoir un consensus sur la nécessité d'un meilleur contrôle du fonctionnement de la Commission par les agriculteurs. Non seulement il n'y a aucune garantie qu'il y aura plus que deux ou trois agriculteurs élus, mais en plus il n'y a aucune garantie que leur présence aura une influence quelconque. Tant que le gouvernement nomme certains membres et contrôle la nomination des deux présidents, la Commission ne sera pas responsable devant les producteurs.

En tant que représentant de la Saskatchewan, des néo-démocrates et de beaucoup de producteurs, j'estime que nous devrions avoir certaines garanties sur le fonctionnement à long terme envisagé par cette mesure législative. La plupart d'entre nous, en Saskatchewan, appuyons les modifications qui rendront la Commission plus souple et mieux en mesure de répondre aux producteurs, mais en même temps nous voulons un meilleur équilibre entre la responsabilité des producteurs et la responsabilité financière du gouvernement fédéral.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, il y a probablement aujourd'hui beaucoup de Canadiens qui suivent les débats sur la chaîne parlementaire. Ils doivent se demander de quoi nous parlons. Pourquoi les députés de l'Ouest sont-ils inquiets? Je viens de la Saskatchewan, certains de mes collègues viennent de l'Alberta et du Manitoba. Ce qui nous inquiète c'est l'agriculture, et plus particulièrement une question très précise concernant la Commission canadienne du blé. C'est le sujet du débat d'aujourd'hui.

Mme Cowling: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je me suis levée pour prendre la parole. L'ordre des intervenants n'est-il pas déterminé par rotation?

Le vice-président: La présidence n'a pas vu l'honorable secrétaire parlementaire. Je suis désolé. Si je l'avais vue, je lui aurais certainement donné la parole. Elle a parfaitement raison, pour procédons par rotation. Étant un parfait gentleman de l'Ouest, le député est-il prêt à lui céder la place?

M. Breitkreuz (Yorkton-Melville): Monsieur le Président, est-ce que je pourrai continuer plus tard? Jusqu'à maintenant, il y a eu une véritable pénurie de ministériels pour parler de cette question. Nous n'avons eu aucune réponse. Ce n'est pas un débat. Ça n'a été qu'une série de questions posées par le Parti réformiste et par un député néo-démocrate. Si les ministériels ont quelque chose à dire, nous serions heureux de les écouter. Même le ministre n'a pas encore dit un mot.

Le vice-président: Il me semble que le député laisse entendre qu'il serait lui aussi heureux d'écouter la députée et je suppose qu'il est d'accord pour que la secrétaire parlementaire prenne la parole avant lui.

M. Breitkreuz (Yorkton-Melville): C'est d'accord, tant que je peux parler ensuite.

Le vice-président: L'honorable secrétaire parlementaire de la ministre des Ressources naturelles, et mes remerciements au député de Yorkton-Melville.

Mme Marlene Cowling (secrétaire parlementaire de la ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, à titre de députée représentant la circonscription rurale de Dauphin-Swan River, à titre de producteur céréalier et en ma qualité de fidèle défenseur de la Commission canadienne du blé, je suis très heureuse de parler du projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé.

Ce projet de loi découle des recommandations formulées l'été dernier par le Comité d'examen de la commercialisation du grain de l'Ouest. Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a demandé au comité de tenir des audiences à grande échelle et de présenter des recommandations sur la réforme de la commercialisation du grain dans l'Ouest, afin que le système puisse fonctionner plus efficacement.

(1140)

Après de vastes consultations, nombre de lettres, appels téléphoniques, communications par télécopieur ou courrier électronique, des pétitions, rencontres publiques ou privées, manifestations, débats parlementaires, sondages et tout le travail ardu du comité, nous avons constaté que la plupart des agriculteurs n'avaient pas des opinions extrêmes et irréconciliables.

La même constatation ressort aussi des recommandations du comité, lesquelles, ajoutées aux avis des députés et des gouvernements provinciaux, ont aidé le gouvernement du Canada à rédiger le projet de loi à l'étude aujourd'hui.

Je sais que les agriculteurs et les partis divergent d'opinions et qu'il est impossible de prendre des décisions satisfaisantes pour tous.

Étant donné le morcellement traditionnel de l'industrie céréalière dans l'Ouest et les profondes divisions entre les agriculteurs qui défendent les points de vue les plus extrêmes sur la commercialisation du grain, il est impossible de satisfaire toutes les parties.

La plupart des agriculteurs veulent conserver la commission, mais ils désirent une commission quelque peu modifiée. Ils la veulent plus moderne, plus responsable. Ils veulent pouvoir donner leur avis sur la façon de faire les choses. Ils veulent que la commission soit plus attentive à l'évolution de leurs besoins et de leurs possibilités. Ils veulent un fonctionnement plus souple. Ils veulent que les rentrées d'argent provenant de la vente de leurs céréales leur parviennent le plus rapidement possible. Enfin, bien entendu, ils veulent réduire leur vulnérabilité face aux attaques et aux barrières commerciales des autres pays.

En revanche, la plupart des agriculteurs apprécient les points forts reconnus de la Commission canadienne du blé: sa portée mondiale, sa pugnacité commerciale, sa taille imposante, sa capacité d'affronter avec succès les courtiers en grains les plus puissants au monde, sa capacité de minimiser l'impact des subventions à l'exportation ayant des effets de distorsion sur le commerce dont usent et abusent Européens et Américains, ses systèmes de renseignements commerciaux et de surveillance météorologique-les


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meilleurs au monde-et les services complets et poussés qu'elle offre à la clientèle avant et après vente.

La Commission canadienne du blé dessert actuellement plus de 100 000 agriculteurs des Prairies en tant que seul organisme autorisé à vendre du blé et de l'orge destinés à l'exportation et à la consommation humaine au pays. Son chiffre d'affaires annuel frôle les 5 milliards de dollars, ce qui en fait une des entreprises commerciales les plus florissantes du Canada. Elle vient au cinquième rang des exportateurs du Canada et elle est son plus grand générateur de recettes nettes en devises étrangères. Elle fait affaire avec plus de 70 pays et s'est forgé pour elle-même et pour le Canada une réputation très flatteuse auprès de ses clients dans le monde entier.

Mais nous ne saurions nous contenter de ces réalisations. Nous sommes confrontés à un nouvel ordre du monde qui exige que nous modifiions constamment nos méthodes commerciales pour s'adapter aux changements auxquels entend faire face cette mesure législative.

Les changements contenus dans cette mesure législative sont à ranger dans trois grandes catégories. La première catégorie comprend les modifications apportées à la structure, la gestion et l'obligation de rendre compte de la Commission canadienne du blé. La deuxième catégorie porte sur les modifications visant à conférer plus de souplesse aux opérations de la commission du blé et à améliorer ses mouvements de trésorerie. La dernière catégorie regroupe les modifications touchant le mandat de la Commission canadienne du blé en matière de commercialisation ainsi que le renforcement des moyens d'action des agriculteurs.

J'aimerais m'attarder sur la deuxième catégorie de modifications. Afin de favoriser l'achat au comptant et d'accélérer les paiements d'ajustement, la commission sera autorisée à établir des réserves pour éventualités. La Commission canadienne du blé est actuellement restreinte à acheter le grain en provenance des agriculteurs dans des silos ou des wagons moyennant un paiement initial à la livraison, que viennent compléter les ajustements, les paiements intérimaires et le paiement final.

Grâce aux modifications proposées, la Commission canadienne du blé pourra désormais acheter du grain au comptant. Ce pouvoir procurera à la commission une plus grande souplesse dans l'acquisition du grain en ce sens qu'elle pourra faire aux agriculteurs des offres correspondant à un versement unique. Dans le cadre du système de mise en commun, la vente au comptant aura pour effet de réduire l'incertitude en ce qui concerne les livraisons et d'accroître le rendement des pools, notamment en diminuant les frais de surestaries, en favorisant des ventes supplémentaires grâce à des prix intéressants et en améliorant l'efficacité globale du programme de vente de la Commission canadienne du blé. Avec ce pouvoir, la Commission canadienne du blé sera en mesure de soumissionner sur divers prix pour le grain, ce qui lui permettra de s'assurer des approvisionnements de façon plus efficace et d'améliorer l'efficience de son programme de vente, ainsi que le rendement offert aux agriculteurs.

(1145)

La commission sera capable de gérer des ajustements en cours de campagne durant n'importe quelle campagne agricole de façon accélérée, car elle n'aura plus besoin d'obtenir au préalable l'approbation du Cabinet.

À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral garantit les paiements initiaux de la Commission canadienne du blé et les ajustements en cours de campagne. L'exigence actuelle voulant que tous ces paiements soient approuvés au préalable par le Cabinet nuit à la capacité de la Commission canadienne du blé d'ajuster rapidement les prix en cours de campagne.

Pour que la commission puisse fonctionner davantage comme une entreprise privée et ajuster les paiements aux producteurs plus rapidement, on va modifier en fin de compte le système actuel de garanties et d'approbations gouvernementales pour qu'il ne s'applique qu'aux paiements initiaux qui ont été fixés au début de la période de mise en commun. Une fois que la Commission canadienne du blé aura établi un fonds de réserve suffisant, on l'autorisera à faire tous les ajustements ultérieurs et à effectuer des versements connexes aux agriculteurs comme bon lui semble.

Je tiens à signaler que durant ses 61 années d'histoire, la commission n'a jamais accumulé un déficit sur des paiements initiaux ajustés dans le cadre de n'importe quelle mise en commun. Les rares déficits que la commission a accumulés durant son histoire étaient tous reliés au prix initial établi avant le début de la campagne agricole.

On va donc autoriser la Commission canadienne du blé à établir le fonds de réserve voulu pour garantir des ajustements en cours de campagne aux agriculteurs et garantir également les achats au comptant. Pour accumuler les fonds en question, la commission pourra notamment se servir des profits sur ses opérations de crédit qui se sont élevés à 80 millions de dollars environ l'année dernière et d'un prélèvement sur les ventes des producteurs.

La nouvelle souplesse aidera à transférer plus rapidement aux agriculteurs l'argent perçu par la Commission canadienne du blé. Il y a d'autres modifications destinées à accroître la souplesse et la plupart ont été recommandées par le groupe de consultation sur la commercialisation du grain de l'Ouest.

Ces modifications donneront à la commission la possibilité d'offrir les paiements liés au stockage du blé, des paiements d'intérêt ou d'autres paiements liés à la livraison en ce qui concerne le grain stocké sur l'exploitation agricole. Cette modification a pour but d'encourager les producteurs à signer des contrats de livraison tôt durant la campagne agricole et elle autorisera aussi la Commission canadienne du blé à payer des primes aux agriculteurs qui livrent rapidement leurs produits.

Le versement de frais d'entreposage réduira la nécessité pour la Commission canadienne du blé d'obtenir du grain également de toutes les Prairies durant la campagne agricole et facilitera ainsi sa planification logistique. Une meilleure logistique entraînera une augmentation des rendements nets pour les agriculteurs.

Aux termes des modifications proposées, la commission aura le pouvoir de verser les ajustements en fin de campagne bien avant le 1er janvier, ce qui est impossible en vertu de la loi actuelle. La loi donnera à la Commission canadienne du blé le pouvoir de fermer un compte de mise en commun dans un délai très court durant la campagne agricole et d'en établir un second pour le reste de la campagne.

Les certificats transférables délivrés aux producteurs donneront une plus grande souplesse en laissant les agriculteurs négocier quand et comment ils veulent être payés pour le grain livré à la


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commission. Plus particulièrement, la commission pourra établir un programme qui donnerait aux agriculteurs un mécanisme grâce auquel ils pourront échanger leurs certificats dans des conditions acceptables pour les deux parties.

L'établissement d'installations de stockage en copropriété et la suppression des quotas de livraison pour les céréales produites hors-Commission ont rendu désuète une disposition qui précisait que les livraisons de grain à un silo ne devaient pas dépasser les quotas établis. Comme la commission doit autoriser le transport du grain vers les installations en copropriété, cette modification va officialiser le libre accès des agriculteurs à ces installations.

Avec les modifications proposées au projet de loi C-72, la Commission canadienne du blé sera en mesure de devenir un office de commercialisation encore plus efficace pour les céréaliculteurs de l'ouest du pays.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, je suis déçu encore une fois. Je pensais que, en autorisant la députée à prendre la parole, nous obtiendrions peut-être les réponses à quelques-unes des questions que nous avons soulevées, mais nous ne les avons jamais obtenues. Nous n'avons entendu qu'un de ces innombrables discours rédigés dans les coulisses par des bureaucrates. La députée n'a jamais abordé certaines des préoccupations que soulèvent les agriculteurs de ma circonscription et, comme la députée le sait, ceux de sa circonscription également.

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Je vais expliquer en quoi consiste ce débat au profit des centaines de milliers de personnes dans tout le pays qui se demandent de quoi nous parlons aujourd'hui. La plupart des députés de l'Ouest qui se préoccupent d'agriculture débattent de la question. La question porte sur la Commission canadienne du blé.

Dans le domaine de l'agriculture, le gouvernement a choisi la Commission canadienne du blé comme secteur particulier de préoccupation. Le gouvernement maintient un contrôle beaucoup plus rigoureux, notamment à l'égard de la commercialisation du blé et de l'orge. Il maintient ce contrôle rigoureux par l'entremise de la Commission canadienne du blé. Voilà l'essence du débat que nous tenons aujourd'hui.

La plupart des Canadiens ne savent peut-être pas pourquoi le débat est important pour les habitants de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba. C'est parce qu'ils ne sont pas aussi libres que les Ontariens et les Québécois de vendre leurs céréales, le blé et l'orge. On les traite d'une manière très différente des autres. Il faut que les gens comprennent dans quel contexte se situe le débat.

Qui est-ce que je représente? Pourquoi est-ce que je traite de la question? C'est parce que beaucoup de gens de ma circonscription me l'ont demandé. Je suis leur représentant. Il est de mon devoir d'analyser les projets de loi que le gouvernement présente dans un domaine en particulier, de critiquer ces projets de loi et d'y proposer des modifications.

Ce qui préoccupe le plus les gens, c'est le retard qu'on accuse pour apporter certaines des modifications qui offriront aux agriculteurs les moyens dont ils ont besoin pour bien commercialiser leurs céréales dans le monde d'aujourd'hui. Pourquoi s'inquiéter de ce retard? C'est un retard épouvantable. Le gouvernement est en place depuis trois ans et demi, mais il n'a pas encore apporté la moindre modification. Les habitants de ma circonscription s'inquiètent beaucoup de la faiblesse d'un ministre qui permet une telle situation.

La députée de Dauphin-Swan River a mentionné que le gouvernement devait être certain de proposer les bonnes modifications et qu'il y avait de profondes divisions dans la communauté agricole. Pourquoi ces divisions? Elles sont dues à l'inertie dont les agriculteurs ont été témoins et à leur frustration. Le ministre est responsable de ces divisions et il les élargit en présentant à la Chambre ce projet de loi inefficace.

J'ignore pourquoi le ministre ne s'est pas donné la peine d'intervenir sur cette question. Les agriculteurs attendent une réponse. Ils veulent savoir pourquoi il continue d'examiner la situation. En 1993-1994, la première année de l'actuelle législature, nous avons demandé au ministre d'entreprendre des modifications et il nous avait donné la réponse type: «J'examine la situation.» C'est ce qu'il répète depuis près de deux ans. Il a ensuite constitué un comité d'examen. Aujourd'hui, il poursuit son examen.

On a utilisé toutes les excuses possibles pour ne pas faire les modifications qui donneraient aux agriculteurs plus de contrôle sur la commercialisation de leurs produits. Tous les agriculteurs qui participent au débat, peu importe leurs points de vue, demandent la même chose. Ils veulent avoir plus de pouvoir sur la Commission canadienne du blé. J'ai réalisé un sondage dans ma circonscription et j'ai constaté que la grande majorité des gens, soit 90 p. 100 de ceux qui ont répondu, souhaitent que la commission soit dirigée par des agriculteurs, et non par des bureaucrates ou des politiciens d'Ottawa. Ces derniers prennent beaucoup trop de temps à réagir.

Un des principaux défauts de ce projet de loi, c'est qu'il restreint la possibilité future de modifier la Commission canadienne du blé. Il confère, en l'inscrivant en plus dans la loi, plus de pouvoir au ministre de l'Agriculture, plutôt que de permettre aux agriculteurs de mieux gérer leurs affaires. Tous les Canadiens qui nous écoutent conviendront que c'est une injustice flagrante. On admettra que les agriculteurs doivent obtenir ce qu'ils demandent, peu importe de quel côté on se situe face à la question de la Commission canadienne du blé.

Certains collègues ont parlé de dispositions du projet de loi qui causent beaucoup d'inquiétude. Par exemple, l'article 3.94 prévoit que la commission paiera la note si un de ses dirigeants ou administrateurs commet une erreur. Les agriculteurs seront quand même obligés de payer la note.

(1155)

L'article est bien sûr libellé en jargon d'avocat. Il stipule: «La Commission indemnise ceux de ses dirigeants, administrateurs et employés ou leurs prédécesseurs, ou les personnes qui, à sa demande, agissent ou ont agi en cette qualité» et l'article poursuit en décrivant ce qui fera l'objet d'une indemnisation. Autrement dit, il décharge de toute responsabilité les gens qui transigent au nom des


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agriculteurs. Il les décharge de leur responsabilité. Pourquoi cela nous préoccupe-t-il?

Nous savons tous ce qui se passe sur la côte ouest. Des frais de surestarie pour les navires en attente de chargement dans les ports sont imposés aux agriculteurs qui n'ont absolument aucun contrôle sur la situation, mais c'est pourtant eux qui doivent payer la note. Nous voici saisis d'un projet de loi qui incorpore une telle disposition dans la loi concernant la Commission canadienne du blé. Il est absolument déplorable que les agriculteurs aient à payer la note pour des situations qui échappent complètement à leur contrôle. Pourquoi ne pas en imputer la responsabilité à ceux qui sont à l'origine du problème?

Des agriculteurs viennent me voir tous les jours pour déplorer que leurs coûts de transport ont grimpé en flèche, surtout depuis que le gouvernement a supprimé sans avertissement le tarif du Nid-de-Corbeau. Ils font appel à moi en me demandant si je ne pourrais pas faire quelque chose.

L'ennui, c'est que les personnes qui sont à l'origine du problème n'ont pas de comptes à rendre. Elles n'ont pas à payer. Cette disposition figure dans le projet de loi. Cela suscite de vives inquiétudes.

Le gouvernement dit qu'il met en application les recommandations d'un groupe d'étude. Encore une fois, il choisit celles qui font son affaire. Il retient les recommandations très secondaires dont la mise en application ne risque pas de réduire son pouvoir.

Le problème auquel font face les agriculteurs tient essentiellement au fait qu'ils se battent contre le gouvernement omniprésent. Ils sont maintenus au sol. Leur liberté se trouve limitée par le ministre et par les bureaucrates à Ottawa. Ils n'obtiennent pas davantage de contrôle sur leurs propres affaires. C'est pour eux un vif sujet d'inquiétude.

J'ai noté certaines des expressions que le porte-parole du gouvernement a utilisées en présentant le projet de loi et qui visaient à séduire les agriculteurs. Par exemple, il a dit que la Commission canadienne du blé sera évaluée selon ses succès et ses résultats en matière de commercialisation ou selon sa compétence financière. Y a-t-il quoi que ce soit dans le projet de loi qui permette à un tiers indépendant, comme le vérificateur général, d'évaluer les résultats de la Commission? Les agriculteurs ne savent même pas ce qui se passe. Ils ont beaucoup de mal à déterminer si la Commission fait du bon travail ou pas.

Le ministre sait ce qui se passe. Personne ne me fera croire que le ministre ne sait pas ce que veulent les agriculteurs. Ils veulent exercer le contrôle sur la Commission canadienne du blé. Pourquoi faut-il qu'elle soit contrôlée par les bureaucrates ici à Ottawa? Cette question est restée sans réponse.

Si le ministre tenait à détruire la Commission canadienne du blé, il ne pourrait pas s'y prendre mieux qu'il ne le fait actuellement avec ces retards et la façon dont il s'occupe de la situation. Qu'ils soient pour ou contre la Commission, les agriculteurs me disent que le ministre de l'Agriculture est en train de la détruire. Les agriculteurs sont exaspérés. Ils sont inquiets à propos de ce qui se passe.

Si nous voulons avoir un outil de commercialisation efficace, il faut commencer par mettre en oeuvre certains des changements que préconisent les réformistes. Le processus en cours ne facilitera pas les choses. Renvoyer maintenant le projet de loi au comité constitue simplement une autre tactique dilatoire à mon avis. Je ne pense pas que le débat que nous tenons ce matin facilitera la mise en oeuvre des changements qu'il faut apporter à la Commission canadienne du blé.

M. Julian Reed (Halton-Peel, Lib.): Monsieur le Président, le député de The Battlefords-Meadow Lake a dit que les députés ne pouvaient pas prendre part aux délibérations des comités et que, par conséquent, un grand nombre d'entre eux ne pourraient pas débattre ce projet de loi lorsqu'il serait renvoyé au Comité de l'agriculture.

(1200)

Je dois faire une mise au point et signaler que tous les députés ont parfaitement le droit de prendre la parole pendant les délibérations de tous les comités permanents. Il n'y a absolument aucune restriction. L'affirmation du député est donc, au mieux, fallacieuse. Je le signale à mes collègues d'en face, il sera tout à fait possible de faire connaître ces préoccupations au moment de l'étude en comité.

Le projet de loi à l'étude apporte des changements dans la Commission canadienne du blé pour donner plus de pouvoir aux agriculteurs. Ce que le député de Yorkton-Melville a dit des frais de surestarie qu'il faut absorber lorsque le blé n'arrive pas à temps pour le chargement des navires est plutôt intéressant. Je me demande à qui il imputerait ces frais.

M. Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Aux chemins de fer.

M. Reed: Aux chemins de fer. J'ai pris note que son chef a fait cette déclaration à la presse. Je présume que la prochaine mesure préconisée par son chef sera que le gouvernement reprenne les chemins de fer en charge pour que ces frais soient payés sur le Trésor. Est-ce bien cela que le député souhaite?

L'un des merveilleux avantages de la Commission canadienne du blé et des services qu'elle assure aux céréaliculteurs est que, en période de difficultés, elle nous permet de répartir ces coûts. En ce moment où les cours du grain sont relativement plus élevés que ces dernières années. . .

M. Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Ils ne le sont pas.

M. Reed: Oui, ils le sont, et le député le sait fort bien s'il suit l'évolution des cours. Il y a toujours la tentation ou l'envie de se soustraire à la Commission canadienne du blé et à faire ses transactions directement. Lorsque les cours fléchissent, le vent tourne et certains céréaliculteurs réclament de nouveau la protection de la commission.

Les producteurs réclament un double régime qui leur permet de vendre leur grain de leur côté s'ils le souhaitent sans toutefois être obligés de le faire. Comment diable la commission pourrait-elle


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survivre si, dans une année où les prix sont excellents, les producteurs se détournent d'elle et si tous ses employés et toute son infrastructure splendide qui servent à commercialiser le blé restent à ne rien faire? Une autre année, si les prix baissent, les producteurs se tourneront en masse vers la commission, qui devra du jour au lendemain rétablir tout son dispositif.

C'est une façon de faire totalement inacceptable sur les marchés internationaux. Ou bien nous allons jusqu'au bout et les agriculteurs vendent leur grain sans faire appel à la commission, ou bien nous conservons la commission. Je dirai au député que, tant que la majorité des agriculteurs voudront que la Commission canadienne du blé demeure en place, elle demeurera en place. Si les producteurs tournent le dos à la commission, si la majorité d'entre eux n'en veulent plus, le gouvernement ne va pas la leur imposer.

Les députés auront tout le temps de discuter de la question au Comité de l'agriculture, où ils pourront se présenter, qu'ils en soient membres ou non, et exprimer leur point de vue. On les écoutera. Je fais partie de ce comité, et je veillerai à ce qu'on les écoute.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de participer aujourd'hui au débat sur le projet de loi C-72, qui modifie la Loi sur la Commission canadienne du blé, dans le but de renvoyer cette question au comité.

(1205)

Mon fils et moi et nos familles exploitons une ferme céréalière de 1 500 acres en Alberta, une des régions qui relèvent de la Commission canadienne du blé. Je dénombre parmi mes collègues de ce côté-ci de la Chambre de nombreux agriculteurs qui ont eu à traiter directement avec la Commission canadienne du blé. Cela m'amuse toujours lorsque j'entends des députés, comme celui de l'Ontario qui est intervenu juste avant moi, louanger le travail de la Commission canadienne du blé, eux qui n'ont jamais eu à composer avec la commission. La province de l'Ontario n'est pas régie par la Commission canadienne du blé, et je sais qu'un autre député ontarien s'apprête à participer au débat.

Chez les députés qui échappent au joug de la Commission du blé et chez les avocats qui chantent les louanges de la commission, il semble y avoir un peu d'hypocrisie. Si la Commission canadienne du blé fait de telles merveilles, pourquoi ne fonctionne-t-elle pas aussi en Ontario et au Québec?

Le projet de loi C-72 est très mal rédigé. Il accroît le contrôle et le pouvoir qu'exerce le ministre de l'Agriculture, ce qui est exactement le contraire de ce que réclament les agriculteurs qui vivent sous la domination de la Commission canadienne du blé. La mesure législative est tellement affreuse que le ministre de l'Agriculture devrait démissionner, mais non pas pour cette seule raison. Le bilan du ministre, depuis qu'il a été élu, il y a de cela trois ans et demi, et qu'il dirige le portefeuille de l'agriculture, est clair. J'énumérerai les décisions qu'il a prises et vous expliquerai en quoi il a failli à la tâche. Par sa façon de traiter les modifications à apporter à la Commission canadienne du blé et d'aborder tout le débat entourant la commercialisation dans l'ouest du Canada, il a rendu furieux tous ceux qui s'intéressent à ces questions.

Permettez-moi de faire un bref rappel historique afin que nous puissions parler de la Commission canadienne du blé en tout connaissance de cause. La Commission canadienne du blé a été créée en 1917, au cours de la Première Guerre mondiale, dans le cadre d'une loi sur les mesures d'urgence. Je comprends très bien pourquoi. En temps de guerre, il importe d'avoir la haute main sur l'approvisionnement de nourriture. Nous avions à l'époque des engagements à l'égard de la Grande-Bretagne et nous voulions avoir des prix stables durant la guerre.

Après la Première Guerre mondiale, la Commission canadienne du blé a été dissoute comme il se devait. Le commerce des céréales a fonctionné comme une économie de libre marché jusqu'en 1935, année où la Commission canadienne du blé a été rétablie. Des pressions avaient été exercées pour que la Commission canadienne du blé soit rétablie, mais elle l'a été comme un marché séparé du commerce privé des céréales. C'est ainsi qu'elle a fonctionné pendant huit ans, soit jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale. Au plus fort de cette guerre, en 1943, le gouvernement libéral a décidé que la Commission canadienne du blé devenait revenir en tant que monopole. Cela s'expliquait encore par la situation de guerre.

J'appuie la décision qui fut prise à l'époque. Nous devions encore fournir des céréales à la Grande-Bretagne. Nous fournissions des céréales à nos alliés. Nous voulions le faire à un prix peu élevé et stable afin d'appuyer l'effort de guerre.

Après la guerre, toutefois, d'autres facteurs sont entrés en jeu. Il y avait des contrats quinquennaux. Comme l'a dit tout à l'heure un de mes collègues, Mitchell Sharp, qui était alors un ministre fédéral, avait beaucoup critiqué le fait que la commission continuait d'être un office de commercialisation à comptoir unique alors qu'aucune guerre n'exigeait plus que ce soit le cas.

Tel est le contexte du débat qui a cours dans l'ouest du Canada depuis plusieurs années. Le débat en est uniquement un de liberté. Des agriculteurs veulent mettre leurs produits en commun, avoir la Commission canadienne du blé pour les commercialiser à leur place et accepter un prix moyen. D'autres agriculteurs préfèrent commercialiser eux-mêmes leurs céréales parce qu'ils croient pouvoir s'en tirer mieux que la commission, parce qu'ils ont des besoins spéciaux à satisfaire, un paiement important à faire sur leur exploitation agricole à un certain moment de l'année, par exemple. Ils ont besoin de liquidités, contrairement peut-être à certains de leurs voisins.

Voilà sur quoi porte le débat. C'est la question de savoir si on doit avoir un régime de commercialisation restrictif administré par la Commission canadienne du blé ou la liberté de choix. Je comprends parfaitement bien les deux points de vue. Nous vivons dans un pays libre et démocratique, et je pense que les agriculteurs devraient avoir le choix entre commercialiser leur grain par l'entremise de la Commission canadienne du blé, obtenant ainsi un prix moyen, ou s'en occuper eux-mêmes. J'estime que c'est aux agriculteurs de décider ce qui leur convient le mieux. Il ne faut pas changer cela.

Voilà la toile de fond de cette question. Depuis trois ans, le gouvernement libéral a supprimé le tarif du Nid-de-Corbeau, mais nos concurrents n'ont pas supprimé leurs subventions de façon équivalente. Nous avons agi plus rapidement que ne le requièrent


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nos obligations internationales. Dans l'état actuel des choses, les agriculteurs paient le plein montant du transport. C'est pourquoi ils ont été forcés de trouver le meilleur prix possible; c'est une simple question de survie. C'est ce que font nombre d'entre eux.

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Cependant, je suis d'avis que le ministre de l'Agriculture complique la tâche à ces agriculteurs qui veulent survivre. Il leur dit qu'ils ne peuvent pas commercialiser leur blé et leur orge sur le marché international. Il leur dit que c'est impossible. Je pense qu'il laisse entendre en fait qu'ils ne sont pas assez intelligents pour le faire.

Passons aux faits. Je suis agriculteur. Nous commercialisons un certain nombre de produits, à l'instar de nos voisins, avec l'aide d'entreprises spécialisées dans ce domaine. Le canola est l'une de nos principales exportations, avec le blé. Le canola n'est pas commercialisé par l'entremise de la Commission canadienne du blé. Les pois non plus. Les agriculteurs commercialisent les produits suivants: la fétuque, le trèfle, le lin, le seigle, les lentilles, et j'en passe. Ils commercialisent le boeuf. Il y a eu une augmentation de 40 p. 100 des exportations de boeuf depuis la conclusion de l'Accord de libre-échange. La Commission canadienne du blé n'a pas à le faire. Il n'y a pas de monopole. C'est une économie de marché.

Je signale à ceux qui nous écoutent que, s'ils préfèrent passer par la Commission canadienne du blé pour commercialiser leur grain, obtenant ainsi un prix moyen, ils n'ont qu'à conserver cette méthode. Cependant, ceux qui ne veulent pas passer par la Commission et qui souhaitent examiner d'autres solutions de rechange devraient avoir le choix.

Voilà qui nous amène à parler des mesures que le gouvernement actuel a prises depuis 1993. Voyons la liste. Le ministre a non seulement supprimé le tarif du nid-de-Corbeau, mais il a aussi décidé d'accroître les pressions dans tout le débat sur la commercialisation du grain et d'instituer un processus de consultation sur la commercialisation du grain, il y a environ un an et demi. Les membres libéraux du groupe chargé de ce processus ont été triés sur le volet. Le président du groupe est un libéral, ami du ministre de l'Agriculture. Le ministre s'est sûrement dit que ce gars-là allait faire ce qu'il souhaitait et qu'il allait présenter un rapport favorable. Je pense que c'était là le plan à l'origine.

Cependant, une fois que les agriculteurs et les associations agricoles ont commencé à exposer leurs vues au groupe chargé du processus de consultation, celui-ci a vu clair. Le groupe a reçu tellement de demandes l'invitant à se rendre dans différentes régions de notre pays qu'il a finalement accepté d'aller à Edmonton et à Regina. Il était censé ne tenir des audiences qu'à Winnipeg.

Dans ma circonscription, il y a un groupe dans la région de Grande-Prairie Peace River qui a déclaré qu'il était insensé que ses représentants doivent se rendre à Winnipeg afin d'exposer leur point de vue aux membres du groupe de consultation et qui s'est dit que ces derniers devraient venir les entendre là où ils pratiquent l'agriculture. Il y a donc eu un compromis, et le groupe chargé du processus de consultation s'est rendu à Edmonton. Ce n'est pas ce qui avait été prévu au départ. Cependant, les producteurs ont exercé tellement de pressions en ce sens que le groupe s'est rendu à leurs arguments.

Les membres du groupe chargé du processus de consultation ont vu clair et ont rédigé, il faut le reconnaître, un rapport digne de foi, qui fait état du besoin de compromis dans certains domaines et de consensus dans d'autres. Ils ont ensuité présenté une série de recommandations. Toutefois, le ministre de l'Agriculture n'a pas donné suite à ces recommandations. En fait, il a même refusé de rencontrer les membres du groupe chargé du processus de consultation pour en discuter. Il a été aussi méprisant parce que le groupe n'a pas produit le genre de rapport qu'il voulait.

En outre, le groupe avait recommandé que l'orge ne soit pas commercialisé par la Commission canadienne du blé. Cependant, le ministre ne pouvait pas l'accepter et il a décidé de tenir son propre vote là-dessus. Il savait, d'après un sondage qu'il avait commandé à Angus Reid plus tôt, que les agriculteurs voulaient pouvoir choisir le mode de commercialisation de leur orge.

Il savait qu'il ne pouvait pas demander aux agriculteurs s'ils voulaient choisir comment commercialiser leur orge, parce qu'il serait perdant et qu'il ne voulait pas cela. Par conséquent, il a formulé une question où les agriculteurs devaient choisir entre tout ou rien: voulez-vous vendre votre orge, votre malt et vos grains fourragers par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé ou préférez-vous que la commission ne s'occupe pas du tout de ces produits pour vous laisser les commercialiser vous-même sur le marché libre?

Ce n'est pas là le débat qui fait rage dans le milieu agricole et lorsque les réponses à cette question auront été comptées et que le ministre aura obtenu la réponse qu'il voulait, le débat continuera parce que l'on n'aura pas répondu à la vraie question.

M. Hermanson: C'est une question malhonnête.

M. Penson: Tout à fait. Cela nous amène aux modifications que le ministre a décidé de proposer à la Loi sur la Commission canadienne du blé. Que contiennent-elles? Le ministre et le gouvernement raffermissent leur mainmise au moment même où ils demandent aux agriculteurs d'accepter de plus grands risques. Cela n'est tout simplement pas acceptable. Si les députés examinent le projet de loi, ils verront un nombre incalculable de passages où il faut «l'approbation du ministre de l'Agriculture et du ministre des Finances».

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Ainsi, le paragraphe 18(1), qui est une nouvelle disposition, exige que les directeurs de la nouvelle commission suivent toutes les instructions qui leur sont données par le gouverneur en conseil. Il est évident que la commission n'est plus qu'une marionnette contrôlée par le ministre de l'Agriculture.

En terminant, je dirai qu'il est essentiel que le comité de l'agriculture aille dans l'ouest du Canada. Ce serait très instructif pour ses membres parce que nous sommes devant un projet de loi mal rédigé qui ne traduit pas la volonté des agriculteurs. J'exhorte le


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comité à prendre tout le temps voulu et à aller rencontrer les agriculteurs pour discuter d'une question très importante pour eux.

M. Murray Calder (Wellington-Grey-Dufferin-Simcoe, Lib.): Monsieur le Président, je veux me pencher sur deux points qui n'ont pas été examinés en détail durant ce débat sur le projet de loi C-72.

Premièrement, je veux régler, une fois pour toutes, une question que certains ont soulevée et qui, en fait, n'est absolument pas fondée. Je veux parler ici de l'idée selon laquelle cette mesure législative annule ou vise à annuler le libre mouvement interprovincial qui existe sur le marché intérieur des céréales fourragères.

Depuis que le gouvernement a adopté un décret à cet égard en 1974, les céréaliculteurs de l'ouest du Canada peuvent vendre eux-mêmes leur orge fourragère et leur blé fourrager sur le marché intérieur, dans des régions désignées, sans passer par la Commission canadienne du blé. Cela ne change pas.

Nous l'avons dit à maintes reprises, notamment dans la politique annoncée par le ministre de l'Agriculture en octobre 1996 et dans les documents distribués à tous les agriculteurs en décembre. Le ministre a fait des remarques à ce sujet à la Chambre, à une réunion des producteurs agricoles de Wild Rose, en Alberta, le mois dernier, et dans une déclaration qu'il a faite à Regina le 21 janvier. Des fonctionnaires d'Agriculture et Agroalimentaire Canada ont également répété la même chose, soit qu'aucun changement n'était apporté au marché intérieur des céréales fourragères.

Comme le ministre l'a dit dans sa déclaration du 21 janvier, ceux qui persistent à soulever ce point se trompent.

M. Hermanson: Savez-vous au moins de quoi vous parlez?

M. Calder: Oui, je le sais. Si vous écoutez, vous allez comprendre. Cet argument semble fondé sur l'idée selon laquelle en abrogeant l'alinéa 46b) de la Loi sur la Commission canadienne du blé, il semblerait que nous abrogeons la disposition législative autorisant le décret en question, qui permet le libre mouvement interprovincial des céréales fourragères dans les régions désignées. Le décret serait donc annulé. Mais ce n'est pas le cas, et je vais maintenant essayer d'expliquer pourquoi.

Le décret n'a rien à voir avec cet alinéa de la Loi sur la Commission canadienne du blé. Il n'en est même pas question. Plusieurs autres dispositions de la loi sont citées. Ainsi, il est absolument faux de dire que l'abrogation de cet alinéa annule le décret.

Si les députés ne veulent pas me croire sur parole, ils n'ont qu'à vérifier dans le DORS 93-486, aux pages 3872 et 3873 de la Gazette du Canada, Partie II, volume 127, numéro 20.

Même si le décret était fondé sur l'article 46, il demeurerait valide tant qu'il n'irait pas à l'encontre de la nouvelle loi modifiée. Comme ce n'est pas le cas, le décret n'est pas menacé.

Je citerai encore une fois le ministre: «Le gouvernement du Canada n'a pas et n'a jamais eu l'intention de limiter les échanges sur le marché intérieur du grain fourrager qui a été libéralisé en 1974.»

Ce simple point ressort catégoriquement du libellé même des questions posées à l'occasion du vote, cet hiver, des producteurs sur la commercialisation de l'orge. Le maintien du marché intérieur de grain fourrager est inscrit dans le libellé même de ces questions.

J'espère que cela mettra un terme au débat, mais si ce n'était pas le cas et qu'un doute raisonnable faisait surface au sujet de cette question pendant l'étude détaillée du projet de loi C-72 par le comité permanent, le ministre a déjà donné l'assurance à l'industrie qu'il serait heureux de recevoir l'avis du comité sur les mesures à prendre pour rendre les choses encore plus claires.

(1220)

Je voudrais également parler du projet de loi modifiant le Code canadien du travail déposé en novembre dernier. Les exportations de grain sont une importante source de devises étrangères pour le Canada. Les ventes de grain dépendent évidemment de notre capacité de livrer du grain de grande qualité dans les délais prévus.

Dans la plupart des cas nous avons respecté ces délais, mais il y eu des arrêts de travail dans les ports de la côte ouest qui ont entravé les exportations. Depuis 1972, par exemple, douze arrêts de travail ont ralenti les exportations de grain, bien que la manutention du grain ait été la cause de l'arrêt dans seulement trois de ces cas. Les neuf autres interruptions avaient été causés par des arrêts de travail des débardeurs.

En novembre dernier, le ministre du Travail a présenté à la Chambre un projet de loi visant à moderniser le Code canadien du travail, notamment la partie portant sur les relations de travail, afin de préciser les droits et les obligations des parties au cours d'un arrêt de travail. Ces modifications sont à l'avantage du secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire, parce qu'elles assurent le transport continu du grain vers les marchés et réduisent les coûts que subissent les agriculteurs lors des arrêts de travail.

Tous les ports canadiens où l'on fait du débardage et d'autres activités, comme le remorquage et l'ancrage, devraient maintenir les services aux navires céréaliers s'ils étaient aux prises avec un arrêt de travail. Les manutentionnaires céréaliers et leurs employeurs conservent le droit de grève et de lock-out. Je suis heureux de voir que cette mesure contribuera à garantir aux agriculteurs l'acheminement du grain vers les marchés, en cas d'arrêts de travail dans les ports canadiens.

Le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire est l'un des plus importants de l'économie canadienne. Si nous continuons à travailler en coopération avec ce secteur pour en améliorer le fonctionnement, je suis sûr qu'il favorisera la croissance, la riches-


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se, le commerce, la création d'emplois et l'innovation pour tous les Canadiens. On ne peut nier que nous vivons à une époque de changements sans précédents. Les changements sont plus rapides que jamais auparavant. C'est un peu à cause de la mondialisation créée par la nouvelle réglementation commerciale internationale et les nouvelles possibilités d'échanges internationaux.

Depuis 61 ans, la Commission canadienne du blé est l'une des pierres angulaires du succès de notre industrie agricole. Avec les changements que nous avons adoptés pour bâtir sur ce succès, la commission est dotée d'un mode de gestion plus moderne, elle sera tenue de rendre des comptes aux agriculteurs et aura des règles plus souples qui lui permettront de mieux répondre aux besoins. Ainsi, les agriculteurs auront plus d'influence sur leur système de commercialisation et plus de pouvoirs pour relever les défis très réels qui se présenteront et les possibilités qui s'offriront.

Les modifications à la Loi sur la Commission canadienne du blé, dont nous discutons actuellement, et les modifications au Code canadien du travail pour améliorer les conditions du transport du grain dans les ports de la côte ouest, aideront le Canada à bien commencer le prochain millénaire.

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre part aujourd'hui au débat sur ce projet de loi.

Contrairement à mes collègues très bien informés de Végréville, Kindersley-Lloydminster, Yorkton-Melville, Peace River et Lisgar-Marquette, je ne suis nullement expert dans le fonctionnement et l'histoire de la Commission canadienne du blé. Cependant, je suis capable de lire un projet de loi et je n'aime pas ce que je sens dans celui-ci. Il y a dans ce projet de loi quelque chose qui pue, et je parlerai essentiellement de deux dispositions.

Le ministre essaie de dissimuler quelque chose et de devancer les problèmes lorsqu'il dit au paragraphe 3.93(3) que ne contrevient pas aux obligations que lui imposent les paragraphes (1) ou (2) le dirigeant, l'administrateur ou l'employé qui s'appuie de bonne foi sur les états financiers, le fonctionnement de la Commission canadienne du blé et les rapports des avocats, des notaires, des comptables, des ingénieurs ou des estimateurs, autrement dit de sources qui pourraient révéler la vraie nature de la Commission.

(1225)

De quelles révélations le ministre de l'Agriculture a-t-il peur? Que redoute tant le ministre libéral de l'Agriculture pour prendre la peine d'insérer une disposition comme celle-ci afin de protéger les employés de la Commission canadienne du blé? Qu'est-ce qu'il y a là-dessous? Que sait le ministre que les agriculteurs et les Canadiens ignorent? Quelque chose se passe-t-il à la Commission? Est-ce une affaire de mauvaise gestion? De corruption? D'activités criminelles? On peut le présumer quand on voit les clauses qui ont été insérées dans ce projet de loi. À quoi s'attend le ministre?

L'article 3.94 sent aussi très mauvais: «La Commission indemnise ceux de ses dirigeants, administrateurs et employés ou leurs prédécesseurs, ou les personnes qui, à sa demande, agissent ou ont agi en cette qualité, ainsi que leurs héritiers»-ils n'ont oublié personnes-«et mandataires, de tous les frais et dépens, y compris les sommes versées pour transiger ou pour exécuter un jugement»-ça semble un peu bizarre-«engagés par eux lors de procédures civiles, pénales ou administratives auxquelles ils étaient parties en cette qualité».

À quel genre d'action le ministre s'attend-il qui pourrait justifier une telle disposition assurant une protection aussi généreuse aux dirigeants, administrateurs et employés de la Commission canadienne du blé? Il est question d'accusations au criminel et d'actions au civil.

On ne peut que soupçonner que les gens qui sont en train d'étudier de près le fonctionnement de la Commission canadienne du blé ont découvert quelque chose. Est-ce le cas?

Nous venons d'entendre le député libéral chanter les louanges de la commission. Si elle est si bonne que ça et si elle sert si bien les agriculteurs canadiens, j'aimerais poser une question au député, ce que je ne peux pas faire bien sûr. Peut-être qu'un jour j'aurai une réponse. Si la commission fonctionne si bien, pourquoi ne pas lui confier la responsabilité du maïs ontarien, par exemple? Le maïs sert à nourrir les hommes et les animaux, comme l'orge. Alors pourquoi ne relève-t-il pas de la Commission canadienne du blé? On se demande où s'en va la commission.

Mais revenons au sujet de la protection générale que le ministre de l'Agriculture accorde, aux termes de ce projet de loi, à tous les dirigeants, administrateurs et employés ayant jamais travaillé pour la commission. Tout ce qu'on peut dire c'est qu'il y a quelque chose de louche dans ce projet de loi. Est-ce parce que le ministre de l'Agriculture craint que l'on découvre quelque chose de louche à la Commission canadienne du blé? Est-ce pour cela qu'il a essayé de lui donner une telle immunité et une telle protection dans le projet de loi?

M. Hermanson: Il y a certainement un encouragement à la malhonnêteté.

M. Harris: Comme le disait le député de Kindersley-Lloydminster, quelle magnifique police d'assurance pour quelqu'un qui a l'intention de commettre quelque acte criminel ou frauduleux, ou de faire de la mauvaise gestion dans un domaine où il est en position de confiance. C'est vraiment une magnifique assurance que de savoir que l'on peut faire ces choses et ne pas en subir les conséquences. Je suis surpris que le ministre de la Justice, vu certaines des choses qu'il a présentées à la Chambre, n'ait pas pondu quelque chose comme cela pour tous les escrocs du Canada. Quelle belle assurance! Si on travaille pour la Commission canadienne du blé, on peut faire n'importe quoi en toute impunité, sans risque de poursuites, sans crainte d'avoir à en faire les frais. Nous devrions peut-être en parler au ministre de la Justice. Il pourrait le mettre dans le Code criminel. Il a d'ailleurs déjà mis pas mal d'autres choses stupides dans le Code criminel.


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(1230)

Soyons justes avec les Canadiens. Si l'on peut donner l'immunité aux employés, aux dirigeants et aux membres du conseil d'administration de la Commission canadienne du blé, leur donner ce genre de protection s'ils désiraient se livrer à des activités douteuses, pourquoi ne pas être juste et ne pas traiter tous les Canadiens de la même façon, même les escrocs?

Comme je l'ai dit en commençant mon discours, il y a quelque chose qui ne sent pas bon dans ce projet de loi. Ces deux articles ne sont rien d'autre qu'une police d'assurance destinée à protéger ceux qui pourraient avoir des activités douteuses à l'esprit. Rien que pour ces deux articles, le gouvernement devrait prendre son projet de loi et se le mettre où je pense.

Le président suppléant (M. Milliken): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le président suppléant (M. Milliken): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Milliken): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (M. Milliken): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Milliken): À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le président suppléant (M. Milliken): Convoquez les députés.

Après l'appel du timbre:

Le président suppléant (M. Milliken): À la demande du whip adjoint du gouvernement, le vote par appel nominal sur la motion est reporté à demain, à la fin de la période des initiatives ministérielles.

* * *

LOI SUR LA MODIFICATION FACULTATIVE DE L'APPLICATION DE LA LOI SUR LES INDIENS

L'ordre du jour appelle: Initiatives ministérielles

Le 12 décembre 1996-Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien-Deuxième lecture et renvoi au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord du projet de loi C-79, Loi permettant la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix.
L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.) propose:

Que le projet de loi C-79, Loi permettant la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix, soit renvoyé immédiatement au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord.
-Monsieur le Président, j'aimerais d'abord remercier mes honorables collègues d'envisager le renvoi de cette importante loi au comité pour qu'il en fasse une étude plus approfondie avant la deuxième lecture.

Dès le début, ce gouvernement a cherché à établir, avec les premières nations, une relation fondée sur la pierre angulaire de l'autonomie gouvernementale. Nous avons fait des progrès remarquables vers l'atteinte de cet objectif et nous sommes impatients de voir le droit inhérent des peuples autochtones à l'autonomie gouvernementale pleinement mis en oeuvre partout au Canada.

Pendant que nous nous employons à atteindre cet objectif, nous devons aussi éliminer les obstacles au développement social, économique et politique des premières nations. Certaines dispositions de la Loi sur les Indiens constituent de tels obstacles.

(1235)

À mesure que les négociations arriveront à terme, menant ainsi à la ratification d'ententes-et nous participons actuellement à environ 80 négociations d'autonomie gouvernementale à l'échelle du pays-la Loi sur les Indiens s'appliquera de moins en moins à l'ensemble des Premières nations, et aucunement à celles qui auront conclu des ententes d'autonomie gouvernementale. Cependant, l'autonomie gouvernementale ne se réalisera pas du jour au lendemain et, jusqu'à ce que ces négociations prennent fin et que toutes les premières nations se gouvernent elles-mêmes de nouveau, la Loi sur les Indiens demeurera en vigueur.

Depuis de nombreuses années, la Loi sur les Indiens occupe une place unique dans l'esprit et dans la vie des premières nations. Elle est perçue à la fois comme nécessaire et indésirable, protectrice et offensante, rempart et prison.

Dans la section de son rapport consacrée à la Loi sur les Indiens la Commission royale sur les peuples autochtones cite Harold Cardinal, dirigeant cri, qui résume de façon éloquente les sentiments ambivalents de plusieurs premières nations à l'égard de la Loi. Monsieur Cardinal déclare: «Aucune société qui oserait se prétendre juste ne pourrait longtemps tolérer une telle loi, mais nous préférerions continuer à vivre dans l'asservissement, soumis à l'inéquitable Loi sur les Indiens, que de renoncer à nos droits sacrés.»

C'est là le dilemme. Jusqu'ici, se libérer des contraintes de cette loi pouvait aussi signifier, pour les premières nations, se soustraire à sa protection et à la reconnaissance que celles-ci occupent une position juridique unique au Canada, qui comporte une relation particulière avec le gouvernement fédéral. Il n'est guère étonnant qu'on se soit montré très réticent à s'écarter du statu quo.


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Cependant, le statu quo ne pouvait ni ne devait être maintenu. La situation devait changer. Il fallait adopter une approche différente. Voilà pourquoi nous avons déposé la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens. Ce projet de loi s'éloigne légèrement de la Loi sur les Indiens, mais il ne prive pas les premières nations des droits que leur confère la loi, et il ne délie pas le gouvernement fédéral de ses obligations envers les premières nations. Toutefois, pour qu'il n'y ait aucune confusion ni aucun malentendu, nous avons inclus un article de non-dérogation dans ce projet de loi-pour indiquer clairement qu'aucune de ses dispositions n'abroge les droits actuellement protégés par l'article 35 de la Constitution, ou n'y porte atteinte. Cela s'applique aussi au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.

Nous reconnaissons aussi que certaines premières nations ne voudront pas nécessairement adhérer aux dispositions de la nouvelle loi. Les premières nations voudront étudier cette dernière et en comprendre les incidences. Voilà pourquoi cette loi est entièrement facultative. Ceux qui choisiront de s'y conformer pourront appliquer les dispositions de cette loi à la conduite de leurs affaires locales et à leur gestion courante. L'actuelle Loi sur les Indiens continuera à s'appliquer aux premières nations qui choisiront de ne pas observer la nouvelle loi, ainsi qu'à toutes les premières nations pour ce qui a trait aux domaines où le texte de loi proposé ne se prononce pas.

Pourquoi, proposons-nous cette alternative à la Loi sur les Indiens? Pourquoi proposons-nous la première modification majeure à la Loi sur les Indiens en 45 ans? La réponse est simple: l'équité l'impose, la justice l'exige et les circonstances le réclament.

Nous n'avons pas le choix. La loi sur les Indiens est le reflet d'une époque révolue. Une époque où les premières nations étaient traitées comme les pupilles de l'État, une époque où les gouvernements non autochtones ne croyaient pas que les premières nations puissent diriger leurs propres affaires et gérer leur propre vie. C'était une époque où le «grand frère» à Ottawa s'était octroyé le pouvoir d'envahir et de réglementer les aspects les plus banals de la vie des premières nations. C'était une époque où les croyances religieuses et culturelles des autochtones étaient réprimées et où leurs revendications en matière de justice et de droits fonciers se voyaient opposer une fin de non-recevoir.

Mais aujourd'hui, nous vivons à une époque bien différente. Est-il pensable qu'aujourd'hui, en ma qualité de ministre, j'aie le pouvoir d'exploiter des fermes sur les terres des premières nations, d'acheter et de distribuer les semences et de décider de la façon de dépenser les recettes de l'exploitation? La Loi sur les Indiens m'octroie le pouvoir de faire tout cela sans l'assentiment des premières nations et sans préavis. La Loi sur les Indiens m'attribue le pouvoir de disposer des herbes sauvages ainsi que du bois mort ou tombé sur les terres des premières nations sans leur autorisation. Dans les Prairies, les fermiers des Premières nations ne peuvent même pas vendre légalement leur blé ou leurs autres produits agricoles sans mon consentement.

(1240)

C'est absolument ridicule et inacceptable. Ce n'est pas ainsi que les Premières nations en arriveront à l'autosuffisance. Ce n'est pas ainsi qu'un esprit d'autonomie économique peut s'épanouir. Ce n'est pas ainsi que nous pourrons entretenir des relations plus harmonieuses avec les premières nations de notre pays.

Il est tout simplement nécessaire d'offrir une autre option. Il faut que le gouvernement se retire des domaines qui devraient relever de la compétence exclusive des premières nations. Il faut surmonter ces obstacles pour permettre aux premières nations de créer leurs propres systèmes économiques et de construire leur avenir comme elles l'entendent. Il y a longtemps qu'on aurait dû agir en ce sens.

Aucun gouvernement ne devrait introduire de tels changements s'appliquant à un groupe particulier de la société sans le consulter et lui donner toutes les chances de s'exprimer. Nous avons donc consulté les intéressés de façon très exhaustive, et nous proposons de poursuivre ces consultations dans le cadre de l'étude en comité. Voilà pourquoi nous voulons rendre cette loi facultative.

Ce que nous proposons n'a rien de radical. Les modifications facultatives sont d'ordre mineur, mais, dans leur ensemble, elles augmenteront notablement les pouvoirs des premières nations et réduiront ceux du ministre et du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Cette approche est progressive et vise à agir dans les secteurs où se dessine un soutien valable et à mener des consultations dans ceux qui ne jouissent pas de ce soutien. C'est la meilleure façon de procéder et c'est pourquoi nous agissons ainsi. Voilà précisément la raison pour laquelle les premières nations et les gouvernements s'entendent pour continuer les discussions et le dialogue.

Il convient de renvoyer ce projet de loi au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord avant de procéder à la deuxième lecture. Ce renvoi au comité a aussi de l'importance parce que nous sommes disposés, le cas échéant, à apporter d'autres changements au projet de loi C-79. Si nous suivons le cheminement parlementaire régulier et si nous renvoyons le projet de loi au comité seulement après la deuxième lecture, le comité aura l'impression qu'il doit restreindre la portée de ses amendements. Il importe de ne pas créer une telle impression.

Nous croyons que des discussions publiques franches doivent avoir lieu. Nous souhaitons que le comité ait toute liberté pour mener les consultations les plus exhaustives possible et qu'il jouisse d'une discrétion maximale pour donner suite aux propositions qu'il pourra recevoir. Si l'on renvoie ce projet de loi au comité à ce moment-ci, celui-ci aura l'occasion de tenir des audiences approfondies et de considérer l'opportunité d'ajouter ou de supprimer certaines dispositions.

Il pourrait bien s'avérer opportun, à l'heure qu'il est, que cette Chambre songe à établir un mécanisme plus officiel, par exemple, que le Comité permanent procède à un examen annuel de la Loi sur les Indiens. Ce processus pourrait permettre aux premières nations de faire valoir leurs préoccupations en ce qui concerne des aspects particuliers de la loi. Dans l'intervalle, nous continuerons à concentrer notre énergie sur la mise en oeuvre du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, sur le règlement des revendications territoriales et sur l'amélioration des conditions socio-économiques.

La Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens donne des pouvoirs accrus aux premières nations et facilite l'exécution de plusieurs tâches. Elle ne représente pas le terme de notre démarche, mais un moyen d'atteindre nos objectifs.

J'occupe mon poste depuis trois ans. Je croyais que la vallée de larmes dans laquelle marchent les autochtones depuis des centaines d'années n'était que cela, une vallée. Ce n'est pas une vallée. En revenant, ils pensaient que c'était une vallée, mais c'est un mur. Je


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vois pratiquement les dirigeants autochtones dans tout le pays s'armer de piques pour tenter d'escalader ce mur. Nous devons briser ce mur, peu m'importe si les Nations Unies ont dit pendant trois années consécutives que le Canada était le meilleur pays où vivre. Tant que nous n'aurons pas brisé ce mur, tant que nous ne pourrons pas ramener les autochtones au point où ils se trouvaient au moment de la première rencontre avec eux, nous ne mériterons pas cet honneur. Briser ce mur nous permettra de leur assurer un avenir meilleur et plus équitable dont nous pourrons tous être fiers en tant que Canadiens.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, d'entrée de jeu, je dirais que les paroles du ministre sont un peu incohérentes avec le plan d'action qu'il développe, mais j'en parlerai un peu plus tard.

Le fait de dire aujourd'hui qu'on va modifier la Loi sur les Indiens par ce projet de loi, alors que depuis trois ans, on dit vouloir s'en débarrasser, dire aujourd'hui qu'on a fait une consultation très large, alors que 550 communautés autochtones sur 600 au Canada s'y opposent, je trouve que c'est un écran de fumée.

(1245)

Je le dis au départ, le Bloc québécois votera contre ce projet de loi et le Bloc québécois est également contre la procédure accélérée. On ne fait pas cela parce parce qu'on veut donner plus de chance au comité pour présenter des amendements, c'est parce qu'on veut se dépêcher d'adopter ce projet de loi.

Je trouve bizarre également que ce projet de loi soit à l'étude devant la Chambre la journée même où le Budget sera présenté. Tout le cirque qui se prépare à l'extérieur de la Chambre, tout le monde se concentre sur la présentation du Budget et non pas sur ce projet de loi comme tel. Pour ma part, je considère que c'est un écran de fumée que fait le ministre. Cela s'inscrit aussi dans le courant historique. Avant de savoir où on va, il faut expliquer où on en est rendus, il faut expliquer l'histoire.

Avant le contact avec les Européens, les grandes capitales aux XIVe et XVe siècles ont commencé à rayonner internationalement: Londres, Paris, etc. Ces gens n'avaient pas connaissance que sur un autre continent, il y avait aussi des peuples appelés les peuples autochtones d'Amérique, que ces gens rayonnaient dans toute l'Amérique. Il n'y avait aucun problème, parce que peut-être que les deux continents, finalement, ne se connaissaient pas.

Là où les problèmes ont commencé, c'est lors du contact. Je parle, entre autres, du XVIe au XIXe siècle. Au départ, quand on rencontre une nouvelle civilisation, on est un peu curieux, il y a aussi une espèce d'appréhension mutuelle. On ne sait pas ce que l'autre veut, ce que ces gens viennent faire. Il y a un temps d'adaptation. Cela commence par des petits échanges commerciaux, des échanges de cadeaux. C'est un peu ce qui se passe aujourd'hui en diplomatie. Alors, c'était ainsi à l'époque.

Tout cela a avancé, et finalement, il y a eu un large éventail d'échanges commerciaux, d'échanges militaires et de coalitions militaires avec les Premières Nations au contact des Européens. On est alors entrés dans toute la période des traités.

Naturellement, il y avait, d'un côté, les Européens dotés de l'autorité du roi, qui arrivaient avec leur sceau pour marquer les traités, alors que du côté des autochtones, la philosophie était différente.

D'ailleurs, j'ai un passage qui explique un peu le wampum. Il m'apparaît important de le citer, car on entend souvent parler du wampum. La philosophie autochtone y est très bien décrite. Ce n'était pas un sceau royal, pour eux, c'était des échanges de wampum:

Un fond de wampum blanc symbolise la pureté de l'entente. Deux rangs de pourpre représentent l'esprit de nos ancêtres respectifs.
Ils ne respectaient pas seulement leurs propres ancêtres, ils respectaient même les ancêtres de l'autre partie.

Trois perles de wampum séparent les deux rangs; elles symbolisent la paix, l'amitié et le respect. Les deux rangs représentent deux voies parallèles, deux embarcations naviguant ensemble sur le même cours d'eau. L'une, un canot d'écorce de bouleau, représente les Indiens, leurs lois, leurs coutumes et leurs traditions, tandis que l'autre, un navire, désigne les Blancs, leurs lois, leurs coutumes et leurs traditions. Nous voyageons ensemble, côte à côte, mais chacun dans son embarcation sans que ni l'un ni l'autre n'essaie de diriger l'embarcation de son voisin.
C'était cela la philosophie autochtone. C'est bien loin de la philosophie des Européens qui, déjà, voyaient pour eux un terra nullius, une terre qui était à être conquise. Ces traités ont été signés de bonne foi par les autochtones, peut-être pas marqués d'un sceau royal, mais pour eux, la tradition qu'il y avait à l'époque du wampum, c'est ainsi qu'ils l'exprimaient.

Est venue la proclamation royale par la suite, et encore une fois, le ton paternaliste que le ministre emploie était très présent à l'époque.

Je vous lis un extrait de la proclamation royale: «Et comme il est juste, raisonnable et essentiel à nos intérêts-les intérêts de la Couronne-et à la sûreté de nos colonies-les colonies de la Couronne-que les différentes nations de sauvages-parce que c'est comme ça qu'on les appelait à l'époque-avec lesquelles nous avons quelques relations et qui vivent sous notre protection, ne soient ni inquiétées et ni troublées dans la possession de telles parties de nos domaines et territoires comme ne nous ayant pas été cédés, ni achetés par nous, leur sont réservés, ou à aucun d'eux, comme leur pays de chasse. . .» et cela se poursuit.

On voit un peu le ton. Mais ce qui est important, c'est qu'à l'époque, les autochtones considéraient que c'était de nation à nation que le roi s'exprimait là-dessus, même si dans les faits, il y avait un ton certainement paternaliste.

Lorsqu'on parle de protection, c'est là-dessus que va se développer la subtilité et la machine à assimilation du gouvernement fédéral à l'égard des autochtones.


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(1250)

Au XIXe siècle, la quasi-égalité a commencé à se dégrader. Il y a eu la fameuse politique d'immigration où les gens arrivaient des nouveaux continents à pleins bateaux. Finalement, en 1812, on s'est ramassé avec dix fois plus de nouveaux arrivants que d'autochtones, parce qu'ils avaient été décimés par les maladies.

Et le commerce de la fourrure se mourait. Alors, les colonies, le Dominion, n'avaient plus besoin de la main-d'oeuvre autochtone pour aller ramasser des fourrures afin de faire des échanges commerciaux. Cela a commencé à changer. Les nouveaux domaines d'économie étaient la forêt, le bois, l'agriculture et les minéraux.

Et là, les autochtones ont été saisis comme des gens qu'il fallait éloigner. C'est là qu'avec cette nouvelle économie, les Indiens sont devenus un obstacle pour le gouvernement fédéral et, à mon point de vue, aujourd'hui encore, avec certaines choses qu'on fait là, teintées de paternalisme, ce qui est presque héréditaire du côté gouvernemental, on se rend compte que c'est à peu près la même chose. L'idéologie de la supériorité des Européens s'est développée.

Le ministre est en train de nous dire qu'il modifie la Loi des Indiens envers et contre tous. Pourquoi, si ce n'est pas qu'il a un pouvoir actuellement, qu'il l'exerce à plein et qu'il est en train de décider de l'avenir des Indiens du Canada? Cela représente quelque 500 000 personnes au Canada. Il dit: «J'ai le pouvoir. Je sais que vous êtes contre, mais je ferai ce qui est bon pour vous.» Il n'y a pas beaucoup de changements entre cette période et aujourd'hui.

La subtilité, à l'époque, était la fameuse protection de la Proclamation royale qui, pour le gouvernement, pour le Dominion, s'est changée en domination-assimilation. Et là, la machine à assimilation s'est mise en branle.

En 1849, il y a eu une tache odieuse au gouvernement, à des institutions démocratiques: les pensionnats. On a commencé à prendre les enfants des tribus autochtones et à les amener dans des pensionnats pour briser leur culture, leur langue et faire en sorte qu'on puisse les assimiler aux immigrants, en nombre dix fois plus grand. Alors, dix fois plus nombreux que les autochtones étaient les Blancs à cette époque.

En 1867, une date reconnue, chantée de toutes les louanges du Parti libéral et de tous les partis fédéralistes: la Constitution du Canada, signée par les Pères de la Confédération, mais sans la présence des autochtones. Même que le premier ministre nouvellement élu de l'époque disait qu'il voulait en finir avec le système tribal et assimiler totalement les Indiens au Dominion.

On voit un peu ce qui poussait le gouvernement de l'époque à faire en sorte qu'il fallait briser l'aspect gouvernemental des autochtones. C'est là que la Loi sur les Indiens, tout à fait cohérente avec le pacte confédératif, venait régenter l'ensemble de la vie des autochtones. Non seulement on plaçait les enfants dans les pensionnats mais, en plus, on disait: «Vos gouvernements ne fonctionneront plus comme ça, vous allez les élire de la façon qu'on vous dira. On vous chassera de vos terres à certains moments, et s'il manque de gibier à un endroit, on vous enverra ailleurs. C'est nous qui décidons.» De plus, s'il y avait des minéraux importants à un endroit, le gouvernement disait: «Il n'y a plus de gibier à cet endroit, on va vous envoyer ailleurs», profitant justement de ce déménagement pour faire de l'argent.

Cela s'est poursuivi de cette façon. C'étaient des déplacements qu'on appelait, à l'époque, «dans l'intérêt national».

En 1969, l'actuel premier ministre, ministre des Affaires indiennes de l'époque, a présenté son Livre blanc. C'était la même chose: la machine à assimilation était en route. Il disait: «Il faut abolir la Loi sur les Indiens.» On entend les mêmes paroles de la bouche du ministre aujourd'hui. C'était l'égalité qu'on voulait prôner. Encore une fois, il y a eu une levée de boucliers chez les autochtones.

Finalement, les autochtones se sont pris en main. Il y a eu un mouvement international, et se servant de l'aspect juridique, les autochtones se sont mis à dire: «Il y a des gens ailleurs sur la planète qui sont victimes comme nous» et, finalement, la Cour suprême et les cours supérieures de chacune des provinces ont toujours rendu des sentences favorables aux autochtones, ce qui a fait en sorte qu'en 1982, on a été obligé d'ajouter dans la Constitution canadienne l'article 35 qui protège leurs droits ancestraux.

Donc, le ministre s'inscrit dans cette tradition. Il n'a pas respecté le livre rouge. D'ailleurs, David Nahwegahbow et Russell Diabo, qui ont eux-mêmes rédigé le livre, ont dit: «Ils ont renié leurs promesses, donc on se retire de là.»

Il y a eu des consultations bidon, je l'ai dit. De plus, 550 communautés autochtones ne veulent pas de ce projet de loi, et le ministre fonce quand même, affronte les partis d'opposition, l'opposition officielle et le Parti réformiste, s'inscrit à l'encontre de la philosophie du rapport Erasmus-Dussault.

Alors, l'histoire jugera le ministre. Il n'est pas trop tard pour lui. Qu'il retire son projet de loi et peut-être que l'histoire se souviendra de lui en tant que quelqu'un de progressiste, mais, en attendant, s'il poursuit cette démarche, il sera jugé comme faisant partie de la machine à assimilation, comme les autres.

(1255)

[Traduction]

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, je suis une fois de plus heureux de me prononcer sur le projet de loi C-79.

J'ai assisté à la conférence de presse où le ministre a présenté cette mesure législative. Je n'ai pas été impressionné à ce moment-là et, à présent que j'ai eu l'occasion d'étudier le projet de loi, je ne le suis pas davantage.

J'ai écouté avec intérêt la conclusion du ministre. Il a parlé de la nécessité de détruire le mur. S'il existe un mur, c'est bien la Loi sur les Indiens. Et la seule façon de le détruire, c'est d'abroger la loi.


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Néanmoins, je ne crois pas que ce soit une bonne analogie. Il s'agit plutôt d'un gouffre. C'est un gouffre où on a poussé les autochtones et dont ils n'arrivent pas à sortir. Maintenant, nous creusons un deuxième gouffre et nous leur donnons le choix entre deux gouffres, en introduisant le projet de loi C-97.

À l'issue de la conférence de presse du ministre, Ovide Mercredi, le chef de l'Assemblée des Premières Nations, a pris la parole au nom des 500 bandes indiennes qui s'opposent à cette mesure législative. Il a déclaré ceci: «Nous n'aimons pas la Loi sur les Indiensno 1, pourquoi aimerions-nous la Loi sur les Indiens no 2?» Il faisait allusion à ce projet de loi. Il a comparé la Loi sur les Indiens à une cage en disant: «Pourquoi devrions-nous être heureux quand le gouvernement nous présente la nouvelle cage qu'il a fabriquée exprès pour nous?»

Le ministre des Affaires indiennes a promis de modifier la Loi sur les Indiens. Le projet de loi C-79 ne modifie aucunement la Loi sur les Indiens. Il s'agit d'une mesure législative qui autorise les bandes indiennes à se soustraire à l'actuelle Loi sur les Indiens pour s'engouffrer dans une nouvelle.

Plus précisément, aux termes du projet de loi C-79, la vente de produits agricoles ou d'artefacts n'est plus subordonnée à l'autorisation du ministre. La mesure ne dit pas clairement si les conseils de bande peuvent passer outre à la Commission canadienne du blé, qui a d'ailleurs été l'objet du débat un peu plus tôt ce matin. Il faut se demander s'ils seraient tenus de se soumettre aux règlements de la commission.

Les conseils de bande se voient accorder de nouveaux pouvoirs de réglementation. Les amendes infligées en cas de violation de la Loi sur les Indiens, des règlements pris sous son régime ou des règlements administratifs seront directement versées aux conseils de bande. Le montant des amendes maximales est fixé à 5 000 $. Personne n'a à rendre compte de ces recettes et elles ne modifient nullement le montant en argent des contribuables qui est versé à la collectivité. Encore là, il nous faut une explication. Nous voulons comprendre.

Le projet de loi C-79 autorise aussi les bandes à mettre sur pied un système de paiement volontaire, afin de faciliter le contrôle d'application des règlements administratifs.

Toujours aux termes du projet de loi C-79, le ministre, et non le gouverneur en conseil, est investi du pouvoir d'annuler une élection. Le mandat du chef et des conseillers passe de deux à trois ans. Cette disposition ne réjouira pas de nombreux autochtones qui vivent sous la gouverne de conseils de bande non démocratiques.

Le ministre est investi du pouvoir de conclure des ententes avec les conseils de bande en matière d'éducation. Il semble que ce soit déjà le cas. Le ministre ne fait-il qu'inscrire dans la loi, ou légitimer, ce qui se produit aujourd'hui?

En vertu du projet de loi C-79, le ministre n'exerce plus aucun pouvoir à l'égard de la construction et de la remise en état des routes. Toutefois, le projet de loi ne dit pas qui sera responsable de la sécurité publique sur les routes et les ponts qui relèvent des bandes. Bien des questions restent sans réponse.

La mesure confère aux conseils de bande la gestion des ressources naturelles sur les territoires qui leur appartiennent. Cependant, on ne tient toujours pas compte des revenus découlant de l'exploitation de ces ressources. Et ces revenus ne contribueront pas à réduire le montant des subventions et autres contributions émanant du gouvernement fédéral. Le rapport fondamental entre la Couronne et les peuples autochtones n'a pas changé.

Le projet de loi C-79 comporte un article de non-dérogation. Les droits issus de traités des peuples autochtones demeurent protégés en vertu de l'article 35 de la Constitution. Rien dans le projet de loi C-79 ne touche la fiscalité, l'inscription à titre d'Indien ou de membre d'une bande ou la protection des terres de réserve. Le projet de loi C-79 est comme son cousin, le projet de loi C-75.

Le projet de loi sur la gestion des terres des premières nations, présenté le 10 décembre 1996, crée deux catégories de bande et prévoit un statut spécial pour celles qui choisissent de se prévaloir des dispositions du projet de loi C-79.

Le projet de loi C-79 ne répond cependant pas aux critères stricts de notre parti en matière d'égalité, de responsabilité financière ou de responsabilité démocratique au niveau de la bande. Ce sont les trois critères selon lesquels nous apprécions les mesures législatives.

Le projet de loi C-79 est le premier projet de loi présenté par le ministre qui ne soit pas une initiative du gouvernement conservateur précédent. La mesure à l'étude ne tient cependant pas la promesse du ministre de modifier la Loi sur les Indiens. Il s'agit d'une mesure indépendante, qui ne modifie pas la loi actuelle sur les Indiens.

(1300)

Le ministre s'est dépêché de présenter le projet de loi C-79 pour remplir une promesse et répondre à la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones. L'examen qu'en ont fait les fonctionnaires de la Justice est suspect, car on y a apporté des modifications jusqu'à la veille de son dépôt à la Chambre.

L'Assemblée des Premières Nations soutient qu'une centaine seulement des 600 premières nations appuient le projet de loi C-79. Il n'assure pas l'égalité démocratique et il suscite de vives inquiétudes à propos des pouvoirs accordés aux chefs et aux membres des conseils de bande.

Le projet de loi C-79 n'assure pas non plus la responsabilité financière et réduit le pouvoir d'examen du ministre. Le vérificateur général n'est toujours pas autorisé à examiner les livres des bandes, tout comme il n'est pas autorisé à le faire dans le cas de la Commission canadienne du blé.

La constitutionnalité du projet de loi C-79 sera probablement contestée en raison de l'option offerte. Cela créera un cauchemar bureautique où les avocats et les consultants s'en donneront à coeur joie. Cette situation nous préoccupe grandement.

Dans cette mesure législative, tout comme dans le projet de loi C-75, le ministre se désengage de ses responsabilités et s'en lave les mains, au lieu de s'attaquer aux dispositions de la Loi sur les indiens qui ont besoin d'être modifiées ou abrogées.

Les Canadiens, tant les autochtones que les non-autochtones, avaient besoin de leadership et d'un projet d'avenir. Ils n'ont rien obtenu de tout cela. Pourquoi le ministre craint-il de prôner l'égalité? Voici quelques-unes des mesures cruciales que nous devons prendre pour aspirer à l'égalité. Par égalité, je n'entends pas assimilation.


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La Loi sur les Indiens doit être abrogée et remplacée par une mesure législative qui tendra davantage vers la véritable égalité. Nous devrions peut-être l'appeler la Loi sur l'égalité des indiens. Il faut nous entendre sur une définition de l'autonomie gouvernementale. Nous n'y sommes encore jamais parvenus.

La majorité des Canadiens, y compris la population autochtone, appuieront l'autonomie gouvernementale des autochtones en autant que le gouvernement fédéral entretienne avec les réserves indiennes le même genre de relations qu'il a avec les provinces et les municipalités. La plupart des autochtones du Canada-ils sont à peu près 500 000-vivent déjà dans des municipalités régies par les provinces. Le gouvernement fédéral est toujours responsable d'environ 350 000 Indiens visés par un traité qui vivent actuellement au Canada, dans des réserves ou sur des terres publiques.

Les Indiens visés par un traité devraient jouir des mêmes droits et des mêmes libertés que les dizaines de millions d'habitants des municipalités du Canada et assumer les mêmes obligations et responsabilités.

Pour que l'autonomie gouvernementale se concrétise, il faut que la loi canadienne, y compris la charte des droits et libertés, s'applique également aux autochtones et aux gouvernements indiens. Nous ne pouvons avoir deux systèmes.

Des gouvernements régionaux indiens ne seront pas vraiment démocratiques ni financièrement responsables tant et aussi longtemps qu'ils n'établiront pas des relations normales entre contribuables et gouvernement. Le gouvernement fédéral doit s'assurer que les sommes dues en vertu de traités sont en partie payables directement aux Indiens visés par un traité qui vivent dans des réserves. Une administration locale de bande pourrait alors établir un régime fiscal local pour payer pour les services locaux. Les versements gouvernementaux au titre de l'aide sociale et du logement pourraient facilement être transférés de cette manière. Toutes les sommes et avantages dus en vertu de traités devraient être considérés comme des avantages imposables conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu.

Tous les Indiens visés par un traité devraient payer de l'impôt sur le revenu, des taxes d'accise et la TPS, à l'instar de tous les autres Canadiens. Tous les Indiens visés par un traité qui ont droit à des indemnités ou à des services promis par un traité devraient pouvoir toucher ces sommes directement du gouvernement fédéral ou par l'intermédiaire de gouvernements régionaux indiens. Ils devraient pouvoir choisir cette option en tout temps.

Le gouvernement fédéral et les Indiens devraient honorer tous les engagements qu'ils prennent l'un envers les autres dans les traités. Les règlements des revendications territoriales devraient être négociés publiquement. Ils devraient être établis en termes précis. Ils devraient être définitifs. Ils devraient être conclus à l'intérieur d'un calendrier précis et être abordables pour le Canada et les provinces. Toutes les réserves ou toutes les terres conférées par les ententes devraient continuer de faire partie d'un Canada souverain.

On devrait publier la valeur et la portée de toues les revendications territoriales. C'est ce qu'on devrait faire en premier lorsqu'il s'agit de revendications territoriales des Indiens. Pour que l'option à l'équité fonctionne, tout Indien visé par un traité qui a droit à des terres conformément à la formule articulée dans chaque traité devrait avoir le choix entre prendre lui-même possession de sa propriété et la joindre au fonds de terres administré par le gouvernement régional indien.

(1305)

Tout Indien qui souhaite quitter pour toujours la réserve devrait pouvoir négocier avec le gouvernement une formule d'indemnisation personnelle qui l'aidera à faire la transition vers un nouvel emploi et une nouvelle vie à l'extérieur de la réserve. L'indemnité devrait constituer une juste monnaie d'échange pour les avantages dus en vertu d'un traité.

Le projet de loi C-79 crée deux catégories d'autochtones. Il ne va pas faciliter, mais plutôt compliquer les choses en matière d'équité et de responsabilité. À l'instar du projet de loi C-75, il deviendra un cauchemar bureaucratique et constitutionnel, élargissant le fossé entre les autochtones et les non-autochtones et fournissant une vache à lait aux avocats et aux experts-conseils. Le mieux que nous avons à faire est de laisser le projet de loi C-79 au Feuilleton.

M. Julian Reed (Halton-Peel, Lib.): Monsieur le Président, il est un vieux proverbe oriental que nous connaissons tous par coeur: un voyage de mille milles commence par un premier pas.

Il y a trois ans et demi, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a fait le premier, le deuxième et le troisième pas, et il s'est avancé dans des territoires neufs afin de réaliser de grands progrès. C'est précisément ce qu'il a fait au cours de ces trois ans et demi. Il importe de féliciter le ministre de sa perspicacité, de sa détermination, de son travail acharné et des consultations approfondies qu'il a menées pendant toute cette période auprès de toutes les bandes indiennes au Canada.

C'est pour moi un grand honneur que de parler de la motion sur le projet de loi C-79, qui vise à renvoyer le projet de loi au comité pour qu'on y recueille d'autres commentaires, qu'on poursuive la consultation et qu'on apporte peut-être aussi des amendements au projet. Le projet de loi traite de préoccupations qui ont été trop longtemps négligées et d'inefficacités trop longtemps tolérées. Il offre un choix aux premières nations. Si elles le souhaitent, elles peuvent se soustraire à certaines dispositions de la Loi sur les indiens, mais elles n'y sont pas obligées.

Le projet de loi vise à réduire les pouvoirs du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et à confier aux premières nations davantage de pouvoirs pour la gestion de leurs propres affaires courantes.

Certains ont prétendu que le gouvernement n'avait pas assez consulté avant de proposer le projet de loi. Ils voudraient que les délais se prolongent encore, qu'on brasse encore des papiers, qu'on se torde les mains d'impuissance pour finir par accepter le statu quo. Cela suffit peut-être aux yeux de certains députés, mais c'est inacceptable pour le ministre et pour le gouvernement.

La vérité, c'est que le gouvernement du Canada essaie d'améliorer la Loi sur les Indiens non pas depuis un, deux ou trois ans, mais depuis 50 ans. Le rafistolage a commencé tout de suite après l'adoption de la Loi sur les Indiens en 1876. Depuis lors, il y a eu un certain nombre de tentatives visant à rendre la loi plus pertinente, plus juste et mieux adaptée.


8261

La première grande série de modifications date de 1951 et faisait suite au rapport d'un comité mixte de la Chambre et du Sénat. Ces modifications étaient d'une grande portée, mais elles ne changeaient en rien la nature foncièrement paternaliste de la loi initiale. Certes, les pouvoirs du ministre étaient réduits, mais ils restaient très étendus et envahissants.

Une autre tentative a été faite en 1960. Des observations sur la Loi sur les Indiens ont été formulées à l'intention d'un comité mixte et sont restées lettre morte.

En 1969, des consultations approfondies se sont tenues sur toute la question de la relation entre le gouvernement et les Premières nations. Dans leur mémoire, les nations unifiées de la région de l'intérieur de la Colombie-Britannique ont dit quelque chose que l'on considérait alors comme vrai et que l'on considère encore comme vrai. Ils ont dit: «La Loi sur les Indiens n'est sûrement pas la solution aux problèmes des Indiens d'aujourd'hui.» C'était en 1969. La Loi sur les Indiens n'était pas plus utile alors aux premières nations qu'elle ne l'est maintenant.

(1310)

La Loi sur les Indiens a été réexaminée en 1970 quand les chefs de l'Alberta ont publié leur rapport dans lequel ils recommandaient de modifier et non d'abroger la Loi sur les Indiens. Aucune modification n'a été apportée. C'était le statu quo.

En 1982, la Chambre a institué un groupe de travail parlementaire sur l'autonomie gouvernementale des Indiens, qui était composé de membres officiels ou membres de liaison, de représentants de l'Association autochtone nationale et de l'Association des femmes autochtones. Le groupe a déposé son rapport, que l'on appelle communément le rapport Penner, en novembre 1983.

S'il avait été mis en oeuvre, ce rapport aurait fondamentalement modifié les relations entre les premières nations et le gouvernement fédéral. La Loi sur les Indiens serait devenue inopérante dans une large mesure, mais encore une fois, les efforts n'ont guère porté fruit et la Loi sur les Indiens est restée en vigueur.

D'autres consultations ont eu lieu avec les chefs d'un océan à l'autre, et le gouvernement a présenté un projet de loi en 1984. Malheureusement, les premières nations s'y sont opposées, et le projet de loi est resté en plan après la deuxième lecture.

Le gouvernement de l'époque a présenté un autre projet de loi, le C-31, dès l'année suivante. Celui-ci visait plusieurs dispositions de la Loi sur les Indiens qui exerçaient une discrimination fondée sur le sexe et il rendait la loi beaucoup plus équitable. Il a été adopté, mais les problèmes sous-jacents de la loi sont demeurés inchangés.

En 1986, le vérificateur général a mené la première vérification exhaustive au sein du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Le rapport du vérificateur général traitait des terres, des recettes et des fiducies, questions régies par la Loi sur les Indiens. Après sa publication, le ministère a entrepris une étude approfondie de ces questions, étude à l'issue de laquelle le gouvernement a présenté le projet de loi C-115. Les modifications proposées dans celui-ci s'inspiraient de recommandations formulées par la bande de Kamloops, en Colombie-Britannique.

Ces recommandations qui avaient été étudiées par le gouvernement et les conseils de bandes ont ensuite été soumises, pour commentaires, à tous les chefs, provinces et députés. D'avril à décembre 1986, d'autres consultations ont été organisées avec les bandes, les organisations, les provinces et les représentants fédéraux. Ces modifications, appelées modifications de Kamloops, ont finalement été adoptées en 1988.

C'est aussi en 1988 que le projet de loi C-122 a été présenté. Il visait un problème très restreint de la Loi sur les Indiens qui était signalé dans un rapport du Comité mixte permanent des règlements. Ce projet de loi n'a pas été au-delà de la première lecture.

En 1988, d'autres modifications ont été apportées à la Loi sur les Indiens par le projet de loi C-123, qui portait sur le soutien des mineurs, et le projet de loi C-150, qui corrigeait une erreur technique découverte dans la Loi sur les Indiens de 1985.

Nous arrivons donc à l'époque actuelle. Je me suis étendu sur les efforts déployés dans le passé pour modifier la Loi sur les Indiens parce qu'il est important de situer les modifications optionnelles à cette loi dans leur contexte. Le projet de loi à l'étude arrive après de nombreuses années de frustration et d'étude. Les uns après les autres, les gouvernements se sont penchés sur la question, ils ont consulté, discuté, examiné, pesé et soupesé. La Loi sur les Indiens est devenue l'une des lois les plus étudiées de notre histoire. Cependant, toutes ces études ont donné peu de résultats.

La loi qui existe en 1997 n'a pratiquement pas changé depuis 1951. Les premières nations trouvent, avec raison, cette loi avilissante pour eux. Nous avons une loi qui traite les premières nations comme les pupilles de l'État et donne au ministre le pouvoir d'intervenir dans les affaires des collectivités autochtones.

Le temps est venu d'offrir la possibilité de changer les choses, de commencer à mettre fin au paternalisme de la Loi sur les Indiens. Avant de présenter le projet de loi, nous avons mené nos propres consultations auprès des premières nations et je voudrais en parler brièvement.

(1315)

Tout d'abord, le ministre a lancé l'idée du projet de loi lors du sommet des chefs qui a eu lieu en Alberta en mars 1995. Le mois suivant, il a écrit à tous les chefs, conseillers et leaders des organisations autochtones pour leur demander leur avis sur les modifications à apporter à la loi. C'était, comme le dit le proverbe chinois, le long voyage qui se fait un pas à la fois.

En se fondant sur les nombreuses discussions avec les premières nations et les contributions reçues, le ministre a présenté une proposition en septembre 1995. . .

Le président suppléant (M. Lincoln): Je prie le député de conclure, son temps est écoulé.


8262

M. Reed: Monsieur le Président, je ne voudrais pas ralentir les travaux de la Chambre.

En conclusion, le ministre a proposé sa vision des choses et les modifications, qui sont jugées très importantes, seront renvoyées au comité, qui les étudiera et y proposera des amendements si nécessaire. Nous espérons que le rêve du ministre deviendra réalité.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, je me demandais justement pourquoi on entame l'étude de ce projet de loi à ce moment-ci. Je viens d'apprendre, dans la conclusion de mon collègue de Halton-Peel, que c'était pour dire que le ministre avait bien fini sa course.

Pourtant, ce projet de loi, le projet de loi C-79, ne vient qu'amender la loi honnie de tous, la Loi sur les Indiens, la Indian Act. Cette loi infantilise les autochtones, en fait des mineurs, des incapables. Cette loi leur impose un régime de gouvernement qui a fait, à toutes fins pratiques, que certains ont perdu ou n'ont pas été capables de se servir de leur propre régime de gouvernement. Avec cette loi, on force, presque par la porte d'en arrière, les autochtones à l'accepter.

Ce qui me choque le plus dans ce projet de loi, c'est son caractère vicieux. La loi force-même s'il y aura quelques petites peccadilles, quelques petits bonbons-les conseils de bande qui veulent ces petits bonbons à accepter eux-mêmes le principe de cette loi détestée, cette loi qui est, pour eux, symbole de sujétion.

Il y a d'autres raisons pour lesquelles ce projet de loi est choquant. Il est choquant aussi parce que personne, parmi ceux qui se sont penchés sur la question des autochtones en commission, ou autrement au Canada, n'a pensé que, non seulement la solution, mais le début de la queue d'une solution, passait par des amendements à la Loi sur les Indiens.

Pourtant, le livre rouge qui était d'une générosité, d'une compréhension, d'une compassion, offrait toute espèce de mirage, et jamais il ne parlait d'amendements mineurs à la Loi sur les Indiens. Nous nous retrouvons très certainement à la veille d'une élection, et le ministre veut pouvoir dire: «Mission accomplie». Vous pouvez être certain d'une chose, c'est qu'il ne pourra pas compter sur nous pour pouvoir dire cela.

Les autochtones du Canada-permettez que je dise les autochtones-en ont gros sur le coeur. C'est une question à laquelle je m'intéresse depuis longtemps. J'étais ministre du gouvernement Lévesque, quand René Lévesque, à l'Assemblée nationale, solennellement, a reconnu les dix nations autochtones et inuits. C'était à la suite d'un processus où, en 1983, on avait réuni l'ensemble des représentants des autochtones et on leur avait fait des propositions. Ces propositions n'étaient pas toutes jugées suffisantes, mais c'était le début d'un processus de changement.

Évidemment, comme la Loi sur les Indiens était la loi suprême, d'un côté, et que de l'autre, il y avait un processus de transformation supposément commencé au niveau du gouvernement fédéral, avec le Comité Penner et ensuite la Commission Erasmus-Dussault, les autochtones du Québec ont préféré dire: «C'est charmant ce que vous nous offrez, mais on va continuer à utiliser, au niveau du fédéral, les droits que nous pensons pouvoir nous faire reconnaître là.» Au Québec, on a reconnu qu'en effet, c'était un processus qui pouvait être suivi.

(1320)

Mais depuis ce temps, que s'est-il passé? Il y a eu récemment le rapport Erasmus-Dussault, qui est à des lieues, mais des lieues, sur une autre planète, de ce projet de loi C-79. On n'entend pas parler de ce rapport. On ne sait d'aucune espèce de façon sur quelle tablette il se trouve. Mais ce qu'on voit, cependant, c'est cette espèce de rejeton qui n'est même pas digne de s'appeler tentative de solution à la question autochtone.

Au Québec, pendant ce temps, le Parti québécois, qui est devenu ensuite le gouvernement du Parti québécois, a travaillé fort sur des propositions à faire aux autochtones, et ces propositions ont été faites avec les différents groupes autochtones, avec des leaders des communautés. Ce à quoi on en est arrivé, c'est à la possibilité de transformation qui débarrasse, une fois pour toutes, de la Loi sur les Indiens, qui permet à chaque communauté, suivant son rythme, de devenir gérante de ses ressources, de développer d'ailleurs son économie, de participer à plus large que son territoire à l'environnement, et je suis certaine que les autochtones du Québec commencent à comprendre quelque chose.

Ils commencent à comprendre qu'ils vont avoir intérêt à négocier avec le gouvernement d'un Québec qui aura décidé de sa souveraineté, parce que s'ils attendent du Canada des aménagements dont on leur a promis les contours futuristes, ils vont s'apercevoir qu'ils ne les verront jamais.

Déjà, et ce n'est pas en soi une gloire, loin de là, parce qu'il y a du rattrapage important à faire au niveau de la condition des autochtones, mais déjà, pour toute personne qui connaît un peu le dossier, il est su et connu que les conditions des autochtones sont largement meilleures au Québec qu'ailleurs, y compris pour la connaissance et la rétention de la langue maternelle, que ce soit par rapport à la population, à l'instruction, à la pauvreté.

Il y a aussi eu l'Entente de la Baie James, signée par Robert Bourassa, qui demeure un modèle du genre. Malgré le si triste épisode d'Oka, dont on ne veut pas parler ici, les rapports du Québec, du peuple québécois avec les autochtones ont été des rapports qui témoignaient, bien sûr, d'un passé avec lequel il fallait vivre, mais qui n'avaient pas de commun rapport avec ce qu'on peut voir ailleurs.

Il est triste en même temps de constater que ce gouvernement, au lieu de vraiment faire avancer la question autochtone-on peut faire un parallèle avec la question nationale-ait plutôt choisi la voie de la facilité, mais une facilité que j'ai caractérisée de vicieuse, puisqu'elle va forcer les communautés autochtones à accepter les principes de base de cette Loi sur les Indiens s'ils veulent profiter de certains aménagements.


8263

J'ajoute qu'il est assez spécial aussi que ce projet de loi soit facultatif. C'est la bande et son conseil qui devront décider, et quand ils décident de passer à la nouvelle loi, ils ne peuvent revenir en arrière.

(1325)

Or, on sait que cette question peut entraîner des divisions importantes et que, là aussi, le processus de règlement va continuer à demeurer dans les mains de ceux qui administrent la Loi sur les Indiens. Au lieu de s'en trouver mieux, la question autochtone se trouve plus embrouillée que jamais, et avec moins de futur positif prévisible.

[Traduction]

Mme Marlene Cowling (secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de participer au débat sur le renvoi de la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens au comité avant la deuxième lecture. Le ministre a déjà donné un aperçu du contenu du projet de loi. Il a fait référence à l'objectif global qu'a le gouvernement fédéral d'alléger le poids de son pouvoir sur la vie des membres des premières nations.

Ce texte législatif ne remplace ni ne modifie la Loi sur les Indiens. Il se veut plutôt une solution de rechange à certaines parties de la loi. Les premières nations peuvent choisir de respecter ses dispositions ou de continuer d'être régies par la Loi sur les Indiens.

Avec le temps, la Loi sur les Indiens sera abolie. Elle est désuète. Elle est paternaliste, encombrante et coûteuse. Elle accorde au ministre des pouvoirs dont il n'a pas besoin. Je prévois que, d'ici à ce que la Loi sur les Indiens soit abrogée, très peu de premières nations y seront encore assujetties. Il en sera ainsi parce que notre gouvernement a décidé d'édifier un modèle d'autonomie gouvernementale fondé sur l'opinion générale des peuples autochtones. On doit donc considérer cette mesure législative dans un contexte beaucoup plus large, un contexte marqué par l'énergie que déploie le gouvernement afin de promouvoir le droit inhérent des peuples autochtones à l'autonomie gouvernementale.

Au cours de la longue histoire des relations entre les gouvernements et les peuples autochtones, l'autonomie gouvernementale de ces peuples a connu des hauts et des bas. Ce n'est pas une histoire heureuse. Elle dénote un manque fondamental de compréhension de la part des gouvernements antérieurs. Ils n'appréciaient ni le raffinement des cultures autochtones, ni leurs formes de gouvernement. L'histoire de la législation concernant les premières nations dénote un degré d'arrogance et de paternalisme qui nous fait secouer la tête et nous demander comment les gouvernements ont pu faire preuve d'une telle étroitesse d'esprit et d'une aussi grande insensibilité, et être aussi injustes.

Le cadre de la politique des premières nations se fonde, depuis 200 ans, sur cinq lois. En premier lieu, il y a eu la Proclamation royale de 1763, qui séparait les terres indiennes de celles qui constituaient les colonies et instituait un processus permettant d'acheter des terres indiennes. En deuxième lieu, il a eu la Gradual Civilization of the Indian Tribes in Canada Act de 1857 et, en troisième lieu, la Gradual Enfranchisement Act de 1869. Ces lois avaient pour objet d'éliminer toute distinction entre les Indiens et les non-Indiens.

En quatrième lieu, il y eu la Loi sur les Indiens de 1876, la première à porter ce titre. Elle consolidait les lois antérieures et apportait de nouvelles dispositions. Puis, en cinquième lieu, il y a eu la Loi sur les Indiens de 1951, qui faisait suite aux recommandations d'un comité mixte de la Chambre et de l'autre endroit. Elle présentait des réformes majeures, y compris la réduction des pouvoirs du gouvernement. Ce sont là les principales lois, mais, entre ces deux dates charnières, on a adopté plusieurs modifications qui ont eu une incidence profonde sur la vie quotidienne des premières nations.

Je vais rappeler certains points constants qui apparaissent dans ces lois et règlements. Je crois qu'en observant la façon dont les règles ont été changées au gré des gouvernements successifs, la Chambre comprendra mieux pourquoi nous voulons maintenant offrir aux premières nations la possibilité de s'émanciper de la tutelle du gouvernement. L'un de ces points dominants est la question fondamentale: qui est Indien? En 1876, il s'agissait d'une personne de sang indien ou, dans le cas de mariages mixtes, d'une femme non indienne mariée à un Indien.

La loi de 1951 a substitué la notion d'inscription à celle du sang indien. Les Indiens inscrits avaient le droit d'adhérer à une bande et de vivre dans une réserve. Les femmes indiennes mariées à des non-Indiens n'étaient pas reconnues comme Indiennes. Cela n'a pas changé jusqu'à ce que la Loi sur les Indiens soit modifiée en 1985.

(1330)

Toutefois, le sujet de l'identité indienne nous amène à remettre en question le pouvoir décisionnel du gouvernement en cette matière-il s'agit de déterminer si ce dernier a le droit de retirer à un Indien ses droits et privilèges. C'était là le but du Gradual Civilization Act adopté en 1857. Il comportait la notion «d'émancipation». Un Indien adulte de sexe masculin pouvait s'émanciper mais il perdait son statut d'Indien.

Au fil des ans, le gouvernement a tenté d'inciter les Indiens à abondonner leur statut en leur promettant des terres qu'ils pourraient posséder personnellement, et non à titre de membres d'une bande. En 1857, le gouvernement promettait jusqu'à 50 acres. Combien d'Indiens se sont laissé leurrer? Combien ont consenti à perdre leur statut d'Indien pour obtenir l'émancipation et le droit de propriété privé sur des terres de réserve? Un seul, et cela entre 1857 et l'adoption de la Loi sur les Indiens, soit 19 ans plus tard. Cette façon d'inciter les Indiens à renoncer à leur mode de vie traditionnel ne donnait pas de résultats. La loi a donc été modifiée en 1876.

Dans une expression de paternalisme à couper le souffle, on a imposé l'émancipation automatique à tout Indien qui obtenait un diplôme universitaire ou qui devenait médecin, avocat ou ministre du culte. L'émancipation obligatoire de tous les Indiens de plus de 21 ans a été alternativement intégrée ou retirée de la loi à maintes reprises au cours des 43 années qui ont suivi. En 1933, on l'a réintroduite et elle est demeurée en vigueur jusqu'à ce que la loi soit modifiée en 1951.


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Ce qui ressort de tout cela, c'est une série de décisions arbitraires prises par les gouvernements antérieurs pour tenter de détruire le tissu social des premières nations en retirant le statut d'Indien à certains des membres les plus éminents des collectivités des premières nations. Cela fait partie de l'héritage de la Loi sur les Indiens. Ces pouvoirs arbitraires s'étendent à d'autres sphères.

En fait, le principal problème découlant de l'émancipation concernait un autre vaste secteur conflictuel: les terres. L'histoire des relations entre les gouvernement et les premières nations en matière foncière témoigne d'un degré alarmant d'imposition autoritaire de la volonté gouvernementale. La possession individuelle de terres dans les réserves a été instituée en 1876. Les résidants recevaient un «billet de location» du surintendant général. C'était l'unique façon pour les résidants des réserves d'être légalement reconnus comme titulaires de leurs propres parcelles de terre. Le surintendant général pouvait ordonner l'arpentage des réserves et leur subdivision en lots, puis exiger que les membres de la bande obtiennent des billets de location.

En 1884, un Indien de sexe masculin qui était titulaire d'un billet de location pouvait léguer sa propriété aux membres de sa famille-y compris sa femme-mais, pour cela, son épouse devait vivre avec lui au moment de sa mort et elle devait jouir d'une «bonne réputation morale». Qui jugeait de sa bonne réputation morale? Les autorités gouvernementales.

Le gouvernement, et non le conseil de bande, décidait de la façon de dépenser l'argent provenant de la cession et de la vente des terres ou des autres ressources de la réserve. Le surintendant général, et non le conseil de bande autorisait les non-Indiens à résider sur les terres de réserves ou à les utiliser.

Le gouverneur en conseil pouvait permettre l'émission de baux relatifs aux droits de superficie dans les réserves indiennes-l'approbation du conseil de bande n'était pas requise. En vertu des modifications adoptées en 1919, les propriétaires fonciers devaient recevoir une indemnisation, mais en 1938, même cette disposition a été abrogée.

En 1941, on interdisait aux Indiens de vendre des produits agricoles, des fourrures et des animaux sauvages. Aujourd'hui encore, la Loi sur les Indiens comporte des dispositions interdisant aux Indiens de l'Ouest de vendre des produits agricoles sans autorisation officielle.

Les changements apportés à la loi en 1951 ont éliminé bon nombre des injustices les plus flagrantes concernant les terres. Les pouvoirs d'expropriation ont été réduits de façon notable. L'administration des successions des Indiens a été harmonisée avec les lois provinciales. Toutefois, plusieurs des anciens règlements s'appliquent toujours.

(1335)

À l'heure actuelle, on se demande encore comment les anciens gouvernements ont pu être si rigides et si paternalistes. Cependant, le jour viendra où les Canadiens se demanderont pourquoi nous avons conservé tant de restrictions dans la Loi sur les Indiens dans la seconde moitié du XXe siècle. Le gouvernement a déposé le projet de loi qui nous est soumis pour nous permettre d'échapper aux anciens règlements et d'inaugurer une nouvelle ère dépourvue de paternalisme.

J'invite tous les députés à se joindre à moi pour renvoyer ce projet de loi au comité pour qu'il l'étudie de façon plus approfondie.

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre aujourd'hui la parole sur le projet de loi C-79, qui permet ce qu'on appelle des modifications facultatives à la Loi sur les Indiens. J'ai été très heureux d'entendre les propos du ministre, au moment où il a présenté ce projet de loi, et les observations d'autres députés libéraux, quant aux raisons de modifier cette loi et, éventuellement, de l'éliminer.

Je félicite le ministre des Affaires indiennes pour le travail qu'il a effectué au cours des trois dernières années en visitant les autochtones des quatre coins du pays. Il a probablement voyagé davantage que tout autre ministre des Affaires indiennes que j'aie connu.

On dirait que, en voyageant, il en a appris un peu sur ce que les Indiens ont envie d'entendre. Les mesures qu'il a prises ne sont toutefois pas celles que la majorité des Indiens voulaient lui voir prendre. Les Indiens du Canada aimeraient que les propos du ministre et des députés aient plus de conséquences sur les lois qu'on leur propose et sur les mesures que prend le gouvernement. Ils aimeraient qu'on abolisse certains obstacles à leur développement et qu'on leur assure les ressources dont ils ont besoin pour se tirer des difficultés dans lesquelles les ont plongés les lois et les pratiques gouvernementales antérieures.

Je reconnais que le projet de loi C-79 a ses bons côtés, mais c'est négligeable quand on pense à ce qu'il faudrait faire, de nos jours, pour les autochtones du Canada. Ce projet de loi autorise le gouvernement à se retirer de certains aspects de la vie communautaire des Indiens et laisse les premières nations visées libres d'accepter la proposition ou de maintenir le statu quo.

Si l'on s'arrête à des éléments précis, on voit par exemple que les représentants du Ministère ne sont plus tenus d'approuver les produits agricoles pour la vente. C'est admirable, mais c'est déjà le cas depuis plusieurs années. Essentiellement, depuis des années, les autorités, le ministère et le ministre font comme si cet élément de la Loi sur les Indiens n'existait pas.

Le projet de loi prévoit que les premières nations n'auront plus besoin d'attendre les instructions du ministre avant de réparer une route. Je suis sûr que la plupart des premières nations sont très contentes de ne plus avoir à demander la permission du ministre pour réparer leurs routes, mais elles n'ont pas d'argent pour les réparer. Leurs routes sont dans un état lamentable parce que les premières nations ne disposent pas des ressources nécessaires. Elles n'ont pas besoin de demander quoi que ce soit au ministre, puisqu'elles ne peuvent pas les réparer de toute façon. Si le gouvernement voulait vraiment fournir une aide à cet égard, il veillerait à ce que l'argent n'aille pas seulement à la remise en état des routes, mais aussi à l'aménagement de nouvelles routes reliant les réseaux


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routiers provinciaux qui ne desservent pas un grand nombre de collectivités des premières nations.

Le projet de loi propose aussi de porter de deux à trois ans le mandat du chef et du conseil. Visiblement, beaucoup de gouvernements indiens se réjouiraient de cette mesure, mais la plupart ont demandé que le mandat soit porté à quatre ans. Comme le mandat d'autres gouvernements qui les entourent est de quatre ans, beaucoup de gouvernements indiens voient ce qu'ils ont entrepris interrompu à la fin de la deuxième ou de la troisième année et la plupart pensent qu'un mandat de quatre ans serait préférable. Il est très important pour eux de pouvoir fixer leur propre mandat avec les gens de leurs communautés.

(1340)

Je remarque que dans les documents qu'ils nous a fournis, le gouvernement dit que cela ne change pas fondamentalement les rapports fiduciaires de la Couronne et ses obligations découlant des traités. Le terme fondamentalement est très important pour les autochtones au Canada pour lesquels la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral est primordiale. Il y a responsabilité fiduciaire et on ne peut pas changer cela. Toutefois, le gouvernement dit qu'elle ne sera pas fondamentalement affectée. Cela veut dire qu'il est possible qu'elle le soit d'une certaine façon. Nous devons nous assurer qu'elle ne le soit pas du tout.

Tout cela fait suite à la publication du rapport de la Commission royale sur les autochtones. On a beaucoup parlé dans le pays du coût de ce rapport et du temps qu'il a fallu à la commission pour le produire. Cinquante-huit millions de dollars ont été consacrés à la commission royale, de l'argent que, selon les dires mêmes du ministre, il aurait préféré consacrer au logement.

Quoi que nous pensions du processus et du financement de la commission royale, le fait est que les documents publiés par la commission royale sont là. C'est l'étude la plus exhaustive des liens entre les autochtones et le reste d'entre nous qui ait jamais été entreprise dans ce pays.

Je n'ai pas la prétention d'avoir lu le rapport de la commission en entier. Je n'en suis seulement qu'à la fin du premier des nombreux volumes que compte le rapport, mais je suis ahuri par la qualité de l'information qui est donnée dans ce document. J'ai feuilleté les autres, que j'ai bien l'intention de lire dans les mois à venir, et je peux dire que la commission a fait un travail formidable et a mis le doigt sur les problèmes auxquels les autochtones font face, en proposant des solutions pour y remédier.

Se débarrasser de la Loi sur les Indiens fait certainement partie de la solution, mais pas article après article aux termes de négociations avec les bandes indiennes, les unes après les autres. Ce dont ce pays a besoin c'est d'une étude approfondie de la Loi sur les indiens, à laquelle participeraient le Parlement, les premières nations et les gouvernements provinciaux, et du remaniement, d'un seul coup, de cette dernière en s'assurant que tous les ordres de gouvernement disposent des ressources nécessaires pour que son remplacement soit un succès.

C'est insensé de vouloir remplacer la Loi sur les Indiens, une nation à la fois, une disposition à la fois. Cela ne me semble pas être la façon la plus efficace de s'y prendre. Il ne fait aucun doute que les études, la réflexion et le travail qui ont été faits par la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones, et le libellé de son rapport, révèlent que des changements importants sont nécessaires, tant en ce qui concerne les attitudes que les programmes, pour régler les nombreux problèmes qui existent. Certains ne peuvent être résolus par ce type de négociation; ils le seront par les collectivités indiennes elles-mêmes.

Quand on demande aux premières nations quels changements elles aimeraient voir en priorité, les gens ne répondent pas qu'ils voudraient que le ministre les laisse vendre leurs produits agricoles comme ils l'entendent. Ils parlent de la pénurie de logements. Ils parlent de la nécessité d'améliorer leur système de justice et leur régime de santé. Ils parlent de la nécessité de remanier leur système d'éducation afin que les jeunes acquièrent une bonne éducation et une bonne connaissance de leurs traditions et de celles des communautés avoisinantes, afin que, plus tard, ils puissent réussir. Les gens des premières nations parlent aussi de culture et de langue, de développement économique et d'autonomie gouvernementale, ainsi que des terres et des ressources qui assurent la réussite de leurs programmes de développement économique.

(1345)

Ce sont autant de questions qui demandent beaucoup d'attention de la part de tous les députés fédéraux et provinciaux et de toutes les administrations municipales. En tant que collectivités de gens qui vivent ensemble, nous devons comprendre l'histoire de notre pays et savoir comment les divers peuples ont contribué à nous amener là où nous sommes aujourd'hui. Ce n'est pas en modifiant la Loi sur les Indiens un article à la fois, pour une bande à la fois, qu'on atteindra les objectifs visés.

Je souhaite la meilleure des chances au ministre en cette période préélectorale. Je sais que nous aurons des défis importants à relever. Je défie le ministre de s'attaquer à ces questions sérieuses et capitales avant les prochaines élections.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi C-79, Loi modifiant la Loi sur les Indiens.

Ce projet de loi permet la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix. Il s'agit d'une réforme d'une loi qui a été adoptée il y a plus d'un siècle. C'est beaucoup. Ces amendements touchent 45 des 120 articles de la Loi sur les Indiens.

Les principaux sujets abordés par ce projet de loi sont les modalités de succession des biens, les nouveaux pouvoirs conférés aux conseils de bandes, les procédures électorales, les infractions et l'application du droit pénal sur les réserves. Par exemple, le mandat du chef et des conseillers des bandes est fixé à trois ans; on ignore


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pourquoi. Et le ministre est investi du pouvoir d'annuler une élection; on ignore également pourquoi.

Le caractère optionnel des nouveaux pouvoirs conférés par ce projet de loi signifie que seules les nations autochtones qui en feront la demande seront régies par cette nouvelle loi. Les autres demeureront sous l'ancien régime.

Il s'agit d'un mauvais projet de loi. Le rapport de la Commission royale d'enquête Erasmus-Dussault, tout en soulignant le caractère désuet et rétrograde la Loi sur les Indiens, exclut une quelconque modification à ce texte légal comme une voie souhaitable à suivre pour établir une nouvelle relation entre les autochtones et les non-autochtones.

Avec le projet de loi C-79, le Canada renoue avec son passé colonial à l'égard de ses peuples aborigènes. À l'époque, la Loi sur les Indiens ne visait qu'à assimiler les autochtones. Ce projet de loi ne recueille même pas l'appui des principaux intéressés, soit les autochtones. En décembre 1996, 542 communautés autochtones sur 610 se sont déclarées contre ce texte. En d'autres termes, plus de 85 p. 100 des Premières Nations rejettent catégoriquement le processus entrepris en cette matière par le gouvernement fédéral.

Comment le gouvernement peut-il aller de l'avant, alors que son projet soulève l'opposition de l'immense majorité de ceux à qui il s'appliquera? Beaucoup d'engagements promis aux autochtones par le Parti libéral du Canada n'ont pas été respectés par ce parti, une fois les élections passées. Même les autochtones, qui avaient participé à la rédaction de cette plate-forme électorale dans le livre rouge, ont tenu à se dissocier publiquement du Parti libéral du Canada quand ils ont constaté l'attitude et le comportement de ce gouvernement envers les Premières Nations.

Nulle part dans les sept pages des promesses consacrées aux peuples autochtones dans le livre rouge n'est-il question d'une modification de la Loi sur les Indiens. D'où sort donc cette initiative? À la page 94 du livre rouge, on peut lire ce qui suit: «Un gouvernement libéral s'engage à prévoir des concertations plus vastes entre les ministres fédéraux et les autorités autochtones pour les décisions qui touchent directement les Premières Nations, les Inuits et les Métis.»

Voilà un autre exemple d'un réel problème de concertation sur un projet de loi qui concerne strictement et directement les autochtones. Cette façon de procéder va à l'encontre du livre rouge qui ajoute: «Il est absurde d'élaborer unilatéralement des mesures budgéraires ou des politiques qui concernent directement les populations autochtones.»

(1350)

Dans les faits, c'est le coeur de ses engagements envers les autochtones que ce gouvernement n'a pas respecté. Où se trouve le «nouveau partenariat», le «respect mutuel» et «l'association des autochtones aux processus décisionnels» promis par ce gouvernement avant les élections de 1993?

Le 21 novembre dernier, a été publié le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Il s'agit d'une vaste étude, importante et très intéressante, préparée par la Commission Erasmus-Dussault. Je partage les objectifs de ce rapport concernant l'autonomie gouvernementale, la reconnaissance des nations autochtones et les revendications territoriales.

Les peuples aborigènes du Canada constituent des nations distinctes. Comme telles, ces nations doivent bénéficier d'une autonomie gouvernementale accrue qui leur permettra, entre autres, de générer des revenus, de protéger leurs langues et leurs cultures. Elles ont le droit d'être souveraines dans les domaines stratégiques comme ceux de la santé, de l'éducation, de la langue et du développement économique. C'est la seule façon d'assurer le maintien et le développement de leur propre identité.

Mais auparavant, les autochtones doivent avoir franchi l'étape de la reconnaissance qui leur permettra de négocier directement avec les gouvernements fédéral et provinciaux. Il faut réparer les torts historiques qui ont été causés aux autochtones par les différents gouvernements canadiens. Après plus d'un siècle de politiques canadiennes visant à l'assimilation ou à la disparition des autochtones, il est grand temps que le gouvernement fédéral reconnaisse ses erreurs et prenne ses responsabilités afin d'y remédier.

Il faut que les nations autochtones soient autonomes, ce qui leur permettra de s'affranchir de la dépendance financière d'Ottawa. Je me réjouis du fait que le gouvernement québécois ait négocié et signé un traité moderne avec les Cris du Québec. En effet, la Convention de la Baie James a rendu possible l'amélioration de la situation économique des Cris et leur a permis de prendre en main leur développement. Il est utile d'ajouter que le partage juste et équitable des terres a joué un rôle crucial dans le succès de cette entreprise.

Comme tous le savent, je suis originaire d'Amérique latine, région où les Indiens sont très nombreux. Dans certains pays, ils constituent même la majorité de la population. Depuis le début de la colonisation, en 1492, les peuples aborigènes ont été soumis à l'extermination et à l'exploitation. Aujourd'hui, plus de 500 ans plus tard, ils vivent encore dans des conditions inhumaines, dans des conditions de pauvreté et de misère qui sont inacceptables.

Le rapport Erasmus-Dussault dénonce, avec justesse, les conditions de vie des autochtones du Canada, «le meilleur pays au monde», nous dit souvent le premier ministre. En Amérique latine, ces conditions sont bien pires.

Je profite de cette occasion pour inviter le gouvernement fédéral à mettre à l'ordre du jour la question des Indiens du continent américain lors des rencontres entre les différents pays, soit au niveau bilatéral ou multilatéral, à l'OEA ou dans d'autres forums internationaux.

Il faut qu'une coopération internationale en cette matière se développe au niveau des Amériques. Le rapport Erasmus-Dussault décrit et dénonce les immenses problèmes auxquels font face les

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autochtones au Canada en matière de santé, d'éducation, de chômage, de logement et de criminalité. Les autochtones forment une minorité qui représente 3 p. 100 de la population. Ils sont souvent victimes de racisme et de discrimination. De plus, cette étude souligne que, dans les réserves, plus de 10 000 foyers n'ont pas de plomberie intérieure.

Les libéraux n'ont rien fait pour solutionner ces graves problèmes. Et ce n'est pas avec le projet de loi C-79 qu'ils y arriveront. Alors, pour toutes ces considérations, je voterai contre le projet de loi C-79.

(1355)

Le Président: C'est au tour de l'honorable député de Lévis. Cher collègue, je me demande si vous voudriez attendre après la période des questions orales pour commencer votre discours? Avez-vous entendu ma question?

M. Dubé: Je suis d'accord.

Le Président: On prendra ces cinq minutes pour commencer les déclarations de députés, mais c'est vous qui commencerez lorsque nous reprendrons le débat. Je vous remercie.

[Traduction]

Comme il est 14 heures, nous allons passer aux déclarations de députés.

______________________________________________


8267

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

HARRY BURKE

M. Paul Steckle (Huron-Bruce, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole à la Chambre, aujourd'hui, pour rendre hommage à un de mes électeurs, M. Harry Burke. C'est un artiste qui a été inspiré par les noms gravés dans la pierre du cénotaphe d'Exeter.

Il a été tellement touché qu'il s'est lancé dans une entreprise complexe, celle de faire le portrait de tous ceux qui ont si vaillamment servi la nation en période de crise.

Son projet est parti de l'idée que ces personnes étaient plus que de simples noms gravés dans le marbre. C'étaient des êtres avec une famille et des amis dont on devrait se souvenir.

J'ai eu l'occasion de voir le travail de M. Burke. J'ai été frappé par le réalisme qu'il a su donner au portrait de tous nos concitoyens morts à la guerre. Ses images étaient si vraies que les membres de la famille et les anciens combattants, voyant leurs anciens compagnons, en avaient les larmes aux yeux.

Je voudrais dire à M. Burke combien j'apprécie le temps, l'énergie et l'émotion qu'il a investis dans cette entreprise. Sa contribution rend un hommage mérité à ces Canadiens immortalisés par son oeuvre.

[Français]

L'INDUSTRIE MINIÈRE

M. Bernard Deshaies (Abitibi, BQ): Monsieur le Président, la wollastonite, un minerai peu connu, est un cristallin blanc utilisé dans la fabrication des plastiques, des céramiques et de la peinture. Au cours de la dernière décennie, la production de ce minerai a doublé. Il s'agit là d'une bonne nouvelle pour la première mine de wollastonite au Canada, située près de Saint-Ludger-de-Milot au Québec.

À l'heure actuelle, on y prévoit une production annuelle de plus de 50 000 tonnes, et le potentiel d'expansion de cette mine pourrait atteindre une production de 85 000 tonnes. Manifestement, ces prévisions sont synonymes de croissance économique et de débouchés d'emplois pour les Québécois.

Grâce à de telles initiatives, l'industrie minière est devenue un pilier de l'économie québécoise, fournissant du travail à près de 17 500 personnes. Pour pousser plus loin cette réussite, je demande au gouvernement de concrétiser ses promesses et de mettre fin aux chevauchements réglementaires coûteux qui font obstacle à l'investissement dans le secteur minier du Québec.

* * *

[Traduction]

LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, les agents de la Gendarmerie royale du Canada méritent un traitement juste de la part du gouvernement. La loi actuelle leur interdit de formuler leurs préoccupations ou leurs griefs par le truchement d'une association de policiers.

Le Parti réformiste est d'avis que les agents de la GRC devraient avoir le droit à l'organisation et à la négociation collective. Autrement dit, ils devraient avoir le droit d'adhérer volontairement à une association de policiers. Aux agents qui sont pour la négociation collective, le Parti réformiste dit: «Bravo, ne lâchez pas.»

De plus, le Parti réformiste estime que lces agents aspirent à une véritable liberté d'association. Le Parti réformiste appuie donc les policiers qui, convaincus qu'ils défendent mieux eux-mêmes leurs propres intérêts, ne souhaitent pas être contraints d'adhérer à un syndicat. Nous souscrivons à votre droit de travailler comme vous l'entendez.

Je tiens à assurer les agents de la GRC qui sont à la tribune, sur le colline ou dans les localités qu'ils desservent, que leurs doléances n'ont pas été formulées en vain.

Le Parti réformiste défie le solliciteur général d'agir maintenant. Offrons un traitement juste aux agents de la GRC.

* * *

LA JUSTICE

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, j'ai eu le plaisir aujourd'hui de rencontrer des membres de divers corps de police de ma province natale, le Nouveau-Brunswick. Ils sont


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venus à Ottawa à titre de représentants de l'Association canadienne des policiers.

Les hommes que j'ai rencontrés s'inquiètent du long retard qu'accuse le gouvernement à proposer une mesure législative portant création de banques de données sur l'ADN. Les empreintes digitales sont conservées dans une banque. Pourquoi en serait-il autrement de l'ADN? L'établissement d'une banque nationale de données sur l'ADN permettrait aux policiers du pays tout entier d'avoir accès à quantité de renseignements, ce qui permettrait de trouver les coupables dans de nombreux cas de crimes violents. Le gouvernement doit absolument mettre de l'ordre dans ses priorités. Il ne veut rien savoir d'une banque de données sur les empreintes génétiques des criminels, mais il veut à tout prix ficher les propriétaires légitimes d'armes à feu.

(1400)

À tous les hommes et à toutes les femmes représentant nos forces policières je dis donc: continuez le combat. Quant au gouvernement, je l'exhorte à présenter enfin cette mesure législative à la Chambre.

* * *

LE JOUR DU DRAPEAU

Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.): Monsieur le Président, des Canadiens de partout dans notre merveilleux pays ont récemment célébré le Jour du drapeau et honoré notre unifolié.

Au cours des derniers mois, 4 000 Canadiens m'ont signalé qu'ils voulaient faire un serment officiel d'allégeance au drapeau du Canada et qu'ils appuyaient mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-302.

Plus de 350 conseils municipaux de collectivités comme Gambo, à Terre-Neuve, Puslinch, en Ontario, Beaconsfield, au Québec, Leaf Rapids, au Manitoba, et Hay River, dans les Territoires du Nord-Ouest, ont adopté des résolutions pour appuyer cette mesure législative.

Les Canadiens prêtent allégeance au drapeau de diverses façons. Des milliers de Canadiens me disent, individuellement ou par l'entremise de leur conseil local, qu'il est temps que le Canada adopte un serment officiel d'allégeance.

* * *

LA TOLÉRANCE ENVERS LA RELIGION

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton, Lib.): Monsieur le Président, je souhaite exprimer mes vives préoccupations face au dernier exemple d'intolérance envers la religion et de sectarisme qu'a donné la police de Karachi, au Pakistan, à l'égard d'une minorité chrétienne.

Je crois que que les gens des diverses religions, y compris les groupes minoritaires, doivent respecter la foi de chacun. Comme nous sommes tous des enfants de Dieu, plutôt que de nous détruire les uns les autres, nous devrions essayer d'éliminer la véritable source des conflits, l'intolérance envers la religion.

Comme Patrick Henry l'a déclaré: «La religion ne doit s'appuyer que sur la raison, et non sur la force ou la violence. Tous les gens ont droit au libre exercice de leur religion et il incombe à tous de pratiquer la tolérance, l'amour et la charité à l'égard de son prochain.»

Ainsi, je demande que le gouvernement du Canada incite fortement le Pakistan à faire preuve de tolérance et de compréhension sur le plan de la religion.

* * *

L'ENVIRONNEMENT

L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Monsieur le Président, la semaine dernière, le gouvernement du Québec a lancé un plan qui prévoit de réduire de 246 millions de dollars le budget consacré à l'environnement, en laissant notamment les industries polluantes s'autocontrôler.

Le gouvernement de l'Alberta a également entrepris de réduire le budget de son ministère de l'Environnement de 164 millions de dollars et de supprimer 1 360 emplois d'ici 1999.

Pour ne pas être en reste, le gouvernement de l'Ontario a décidé de réduire la taille de son ministère de l'Environnement et de son budget en matière énergétique d'un tiers, en éliminant 752 postes. Il a également supprimé 2 150 postes au ministère des Ressources naturelles.

Face à ces mesures, les Canadiens comptent plus que jamais sur le gouvernement fédéral pour garantir le respect de normes élevées en ce qui concerne la qualité de leur eau, de leur air et de leur sol.

* * *

L'EMPLOI

M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap, Réf.): Monsieur le Président, après 76 mois consécutifs, le taux de chômage national s'élève à plus de 9 p. 100, ce qui représente les pires taux de chômage depuis la grande crise de 1929. Dans ma circonscription, Okanagan-Shuswap, le taux de chômage se situe à 10,7 p. 100.

Il ne s'agit pas là que de chiffres. On parle ici de nouveaux diplômés qui cherchent leur premier emploi, de travailleurs âgés qui ont été mis à pied à cause d'une rationalisation et de personnes dans la fleur de l'âge qui, en dépit de tous leurs efforts, ne peuvent subvenir aux besoins de leur famille.

En octobre dernier, le taux de faillites avait augmenté de 61 p. 100 par rapport à octobre 1993, lorsque le gouvernement libéral a accédé au pouvoir. Les familles sont également plus endettées que jamais.

Ces chiffres sont un tragédie nationale. Quelle réponse nous donne le gouvernement libéral, généreux et plein de sollicitude? La semaine dernière, il a déposé un projet de loi qui augmentera radicalement les charges sociales, de sorte que l'embauche de nouveaux employés sera plus coûteuse que jamais pour les entreprises.

Les Canadiens sans emploi veulent savoir où sont les emplois que le gouvernement libéral leur avait promis.


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[Français]

LE TRANSFERT SOCIAL CANADIEN

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, pour certains, le Canada est le plus beau pays du monde, mais c'est aussi le pays dans lequel une famille québécoise, prestataire d'aide sociale, composée d'un parent et d'un enfant, doit tenter désespérément de survivre avec 8 337 $ de moins que le seuil de la pauvreté.

Cette baisse réelle du pouvoir d'achat est un effet direct des compressions du gouvernement fédéral dans les paiements de transfert aux provinces.

(1405)

En effet, en vertu du nouveau programme de Transfert social canadien, les provinces recevront environ sept milliards de moins pour la santé, l'éducation postsecondaire et l'aide sociale. Le gouvernement fédéral doit desserrer l'étau et avoir le courage de mener sa lutte au déficit ailleurs que sur le dos des démunis.

* * *

[Traduction]

L'ÉDUCATION

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur le Président, le mois dernier, sept groupes du niveau de l'enseignement postsecondaire représentant des universités, des collèges communautaires, des étudiants, des professeurs et des administrateurs de programmes d'aide aux étudiants ont exhorté le gouvernement fédéral à adopter un train exhaustif de mesures d'aide aux étudiants pour leur offrir un avenir abordable. Ils font observer que les dettes des étudiants, qui augmentent rapidement, suscitent une vive angoisse chez les étudiants et leurs parents.

Les mesures qu'ils proposent comprennent des subventions ciblées à l'intention des personnes dont les besoins sont criants, une aide de remboursement, le cas échéant, pour aider d'anciens étudiants à honorer leurs créances, un programme de travail-études pour offrir aux étudiants des possibilités de toucher un salaire pendant qu'ils poursuivent leurs études et des mesures fiscales visant à aider les Canadiens à économiser pour payer les études de leurs enfants.

Les néo-démocrates croient fermement que le gouvernement fédéral doit continuer d'investir dans l'aide aux étudiants, pour que chaque étudiant qui possède les aptitudes scolaires voulues puisse bénéficier pleinement des possibilités de l'enseignement postsecondaire du Canada, peu importe sa situation financière. Nous exhortons les libéraux à mettre en oeuvre ces propositions progressistes.

Plus tard aujourd'hui, nous prendrons connaissance du budget des libéraux et nous saurons s'ils parlent sérieusement lorsqu'ils disent qu'ils veulent s'attaquer à l'endettement grandissant des étudiants et à l'inaccessibilité croissante aux études postsecondaires au Canada.

L'INDUSTRIE CINÉMATOGRAPHIQUE

Mme Mary Clancy (Halifax, Lib.): Monsieur le Président, je suis ravie d'intervenir à la Chambre aujourd'hui au sujet de l'engagement qu'a pris le gouvernement à l'égard de l'industrie cinématographique, à Halifax.

Hier, le député de Dartmouth et moi étions fiers d'annoncer la construction de trois plateaux de tournage dans la région métropolitaine de Halifax. La nouvelle capacité de production aidera à satisfaire la demande de l'industrie cinématographique qui est enexpansion en Nouvelle-Écosse, ou, comme nous disons, à Hollywood-Nord.

Nous avons des professionnels hautement qualifiés dans l'industrie de la télévision et du cinéma, à la fois derrière et devant la caméra. Ce sont des gens qui adorent leur métier, qui sont dévoués et qui réussissent. Toutefois, leur succès prend sa source dans les efforts du gouvernement actuel qui, par l'entremise de l'APECA, a conclu des partenariats avec le gouvernement provincial et le secteur privé. Ils travaillent tous ensemble pour concrétiser la vision de l'industrie cinématographique de Halifax.

* * *

[Français]

LE BUDGET

M. Raymond Lavigne (Verdun-Saint-Paul, Lib.): Monsieur le Président, dans un peu plus de deux heures, le ministre des Finances du Canada présentera son quatrième budget.

Depuis l'élection de notre gouvernement, en 1993, bien des choses ont changé au pays, et elles ont surtout changé pour le mieux. L'inflation est à son plus bas, les taux d'intérêt et les taux hypothécaires favorisent les consommateurs et plus de 700 000 emplois ont été créés au Canada.

Le déficit que nous avait laissé le gouvernement précédent a connu une baisse considérable et l'ensemble des grandes institutions internationales prévoient que le Canada connaîtra le plus fort taux de croissance de tous les pays du G-7.

Les Canadiennes et les Canadiens ont repris confiance en leur gouvernement et cela est dû à l'excellent travail de l'ensemble du gouvernement libéral actuel.

* * *

[Traduction]

ARCHIE NEIL CHISHOLM

M. Francis G. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso, Lib.): Monsieur le Président, le Cap-Breton, ou plutôt le Canada entier, a perdu une légende vivante avec le décès de Archie Neil Chisholm, vendredi dernier.

À 89 ans, Archie Neil était devenu le symbole du renouveau culturel qui est en cours dans l'île du Cap-Breton et il comptait parmi ses plus éloquents et colorés défenseurs. En plus d'être un enseignant hors pair, un artiste du spectacle, un communicateur et un conteur, c'était un fervent de la musique du Cap-Breton. Avec générosité, il a mis ses talents au service de grandes causes et


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d'oeuvres caritatives qui seraient trop nombreuses à énumérer. Personne ne pouvait présenter un concert avec autant de grâce et d'enthousiasme que Archie Neil.

La vie de Archie Neil, c'est le triomphe de l'esprit sur l'adversité. Issu d'une grande famille aux revenus modestes, dans la collectivité de Margaree Forks, il a souffert de la polio dans son jeune âge. Il a surmonté les inconvénients de ses humbles débuts et de son incapacité physique ainsi que d'autres difficultés pour faire de sa vie un exemple de contribution aux autres.

Je suis fier d'avoir connu Archie Neil Chisholm et d'avoir grandi à Margaree, sous son influence stimulante. Comme ses nombreux amis, je regretterai sa présence réjouissante.

* * *

LE BUDGET

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, juste avant le dépôt du budget fédéral, j'estime de mon devoir de mettre les Canadiens en garde contre les dix principales phrases accrocheuses dont se serviront les libéraux pour tâcher de séduire les électeurs canadiens.

Phrase numéro 10: Je vous montre mon éthique si vous me montrez la vôtre.

Phrase numéro 9: Livre rouge? Ne parlez pas de livre rouge, cela risque de gâcher l'instant présent.

Phrase numéro 8: Et si on réglementait?

Phrase numéro 7: Vous voulez bien porter quelque chose de rouge pour me faire plaisir?

(1410)

Phrase numéro 6: Quels sont mes principes? Eh bien, qu'aimeriez-vous entendre?

Phrase numéro 5: Si vous n'aimez pas mes principes, je promets d'en changer.

Phrase numéro 4: Sincèrement, je paierai votre RPC plus tard.

Phrase numéro 3: Vous respecter demain matin? Ah! là, je ne vous respecte même pas maintenant.

Phrase numéro 2: Pardon, puis-je vous offrir une subvention?

Et voici la phrase numéro 1 que les libéraux utiliseront pour séduire les électeurs: Faites-moi confiance, je n'ai jamais taxé personne auparavant.

* * *

[Français]

LA CULTURE CANADIENNE

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, faisons un exercice pour découvrir ce qu'aurait l'air les oeuvres culturelles canadiennes si les artistes donnaient dans l'unité nationale:

La La La Human Steps aurait du financement s'il remplaçait le titre de son dernier spectacle 2 par Un seul Canada uni et unique.

Le dernier Arcand aurait plus plus de chance d'être financé s'il avait pour titre Le Canada: quel beau pays malgré ce qu'on en dit.

Pierre Falardeau serait subventionné si, au lieu de tourner un film sur Les Patriotes, il le tournait sur les membres du Doric Club.

Le théâtre du Trident devrait modifier le titre de sa pièce de Cocteau Les parents terribles pour Le Québec, cet enfant terrible.

Broue devrait devenir Canadian Ale.

Guy Cloutier devrait changer le nom de son spectacle Jeanne la pucelle pour Sheila la guerrière.

Heureusement que le ridicule ne tue pas, parce qu'il ferait bien des victimes au Cabinet fédéral.

* * *

[Traduction]

LE BUDGET

M. Jag Bhaduria (Markham-Whitchurch-Stouffville, Lib.-dém.): Monsieur le Président, le budget d'aujourd'hui nous permettra d'assister à un autre excellent numéro d'illusionniste de la part du ministre des Finances, sous l'oeil approbateur du premier ministre qui n'a rien fait pour tenir les deux principales promesses qu'il a faites aux Canadiens.

Depuis plus de trois ans, les Canadiens n'ont vu absolument aucun plan de création d'emplois et la TPS n'a pas été éliminée. Le premier ministre n'a pas tenu parole sur ces deux promesses verbales, et les Canadiens ne se laisseront pas éblouir par les mesures budgétaires artificielles qui seront annoncées aujourd'hui.

Je suis persuadé que le ministre des Finances dévoilera un budget optimiste qui n'annoncera aucune nouvelle hausse de taxes ou d'impôts. Pourquoi s'en priverait-il, lui qui a déjà fait les poches des Canadiens avec des taxes cachées?

Les modifications au RPC annoncées la semaine dernière représentent la plus forte ponction fiscale de l'histoire canadienne. En fin de compte, le revenu net du Canadien moyen est maintenant inférieur à ce qu'il était il y a trois ans. Ne soyons pas dupes, car c'est le salarié moyen qui continue à faire les frais de la mauvaise gestion financière des gouvernements.

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[Français]

ÉQUIPE CANADA

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le Président, Montréal demeure, pour notre gouvernement, la pierre angulaire de l'activité économique québécoise. De très nombreuses entreprises du secteur de la haute technologie y sont installées, et leur expertise contribue à faire du Canada un chef de file dans ces domaines sur la scène internationale.

Le groupe CGI de Montréal est la plus importante société à propriété canadienne des technologies de l'information. Cette entreprise a pris part à la dernière mission d'Équipe Canada en Asie.

Lors de son passage en Thaïlande, le groupe CGI, qui emploie plus de 1 700 personnes au Canada et à l'étranger, a signé un contrat pour la fourniture d'un système de gestion avec une société de Chomburi. Le contrat est évalué à deux millions de dollars.

Le secteur de la haute technologie est un des fleurons de l'économie montréalaise et, grâce à Équipe Canada, notre savoir-faire se retrouve maintenant aux quatre coins de la planète.

* * *

[Traduction]

LES PENSIONS

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, les mesures que le gouvernement fédéral et la majorité des provinces ont prises de concert pour assainir la situation du Régime de pensions du Canada sont un exemple de leadership responsable.

Il aurait pu être politiquement avantageux d'atermoyer, mais cela n'aurait pas été dans l'intérêt bien compris des Canadiens, jeunes et vieux. Retarder la décision n'aurait fait qu'alourdir la note.

[Français]

En fait, c'est précisément parce que les gouvernements antérieurs ont négligé d'agir que nous nous trouvons dans cette situation aujourd'hui. C'est justement pour rendre le régime abordable et durable, pour les générations actuelles et pour celles de demain, que nous agissons dès maintenant.

[Traduction]

Ceux qui tentent d'exploiter les craintes de la population pour servir leurs intérêts politiques devraient être honnêtes envers les Canadiens et leur dire ce qu'ils proposent, c'est-à-dire l'abolition du RPC. Il est tout aussi irresponsable de tenter de transformer ce débat en une lutte entre générations.

Les Canadiens sont convaincus de la valeur du RPC et ils veulent le conserver comme régime de pensions public, et c'est ce que nous faisons. Voilà ce que c'est, le leadership politique.


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QUESTIONS ORALES

(1415)

[Français]

L'UNITÉ NATIONALE

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, on croyait avoir tout vu avec ce gouvernement, mais on n'est pas au bout de nos peines, semble-t-il.

Voilà que dorénavant, les créateurs et les artistes canadiens pourront obtenir une aide financière du ministère des Affaires étrangères pour leurs tournées à l'extérieur du pays uniquement et seulement s'ils font la promotion de l'unité canadienne. Voilà que le gouvernement fédéral a décidé d'imposer ses visées politiques à la création artistique. Du jamais vu, de l'incroyable.

Ma question s'adresse à la ministre du Patrimoine. Comment la ministre du Patrimoine, qui est responsable de la culture, c'est elle qui en a la responsabilité pour le gouvernement canadien, peut-elle permettre que le gouvernement impose des critères politiques au travail de création des artistes canadiens et québécois?

L'hon. Don Boudria (ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie, Lib.): Monsieur le Président, il me fait plaisir de répondre à la question de mon ami d'en face. Il a dit, dans sa question, que les fonds seraient accordés si on répondait à un critère unique. C'est tout à fait inexact.

Il y a, et mon collègue, le ministre des Affaires étrangères y a fait référence hier, une série d'objectifs. Il n'est pas du tout nécessaire de rencontrer la totalité des objectifs, et je soupçonne que le député d'en face le sait fort bien. Il n'y a qu'une liste d'objectifs, et je vous en cite un: présenter le Canada comme un pays bilingue composé de cultures diverses. Est-ce que le député d'en face est contre, par exemple, le fait que nos artistes aillent présenter la diversité canadienne à l'étranger? Je ne pense pas.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, j'ai mon voyage! Le ministre est en train de nous dire qu'il y a effectivement un critère, et que si tu ne défends pas l'unité canadienne, tu n'auras peut-être pas ta bourse, peut-être que tu vas l'avoir, on ne sait pas, c'est la volonté du gouvernement.

Comment le ministre responsable de la Francophonie, adjoint aux Affaires extérieures, et je ne sais trop à quel titre il me répond, peut-il prendre avec désinvolture un programme qui tente de mettre sous tutelle tous les artistes canadiens et, on le sait, les artistes québécois aussi, qui sont particulièrement visés?

L'hon. Don Boudria (ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie, Lib.): Monsieur le Président, c'est précisément le contraire de ce que je viens de dire au député d'en face. Je lui ai dit clairement qu'il ne s'agissait pas de critères. Qui plus est, pour les objectifs que j'ai énoncés-il y en a six-il n'y a aucune exigence de rencontrer tous ces objectifs.


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Il y en a un, le député l'a dit, qui parle d'unité nationale. Un autre parle de la diversité. Est-il contre la diversité? Un autre, par exemple, est celui de présenter la culture à l'étranger. Un autre est celui de parler des exportations culturelles et autrement à l'étranger.

Voilà, il y a tout un éventail, et dans cet éventail, je suis convaincu que chacun pourra trouver là des mesures par lesquelles on pourra véhiculer le message de la diversité canadienne à l'étranger.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, si on vivait un épisode d'Astérix, on dirait: «Ils sont fous, ces Romains.»

Des voix: Bravo!

M. Gauthier: N'ayez crainte, monsieur le Président, je n'irai pas au-delà du Règlement, vous le savez. Vous connaissez mon respect pour le Règlement de cette Chambre.

Le ministre est en train de nous expliquer qu'ils ont mis ce critère, mais que ce n'est pas nécessaire de le respecter. Ils ont mis ça par hasard, comme ça, sur les feuilles, l'unité canadienne, mais ce n'est pas grave si on ne promeut pas l'unité canadienne. Ça n'a pas de bon sens ce qu'il vient de nous répondre.

Je lui pose une autre question: Est-ce que le ministre va avouer que le gouvernement a deux objectifs en mettant ce critère précisément, un nouveau critère que devront respecter les artistes? D'abord, ils veulent contrôler politiquement la création au Canada, et deuxièmement, ils veulent réduire substantiellement l'aide aux créateurs québécois qui, de l'avis du gouvernement, ne sont pas suffisamment portés à la promotion de l'unité nationale.

(1420)

L'hon. Don Boudria (ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie, Lib.): Monsieur le Président, je pense que le chef de l'opposition officielle est en train de s'exorciser un peu trop. Je le remercie pour sa leçon culturelle en citant Astérix.

Le député d'en face doit savoir, et je le lui ai dit tantôt, qu'il ne s'agit clairement pas de critères qui doivent être tous appliqués. Il ne s'agit même pas de critères du tout. Il n'y a aucun prérequis. Nous respectons la liberté des artistes, et ça, c'est clair.

Ce qu'il y a ici, ce sont tout simplement des objectifs. Un de ces objectifs est la diversité. Le député d'en face parle d'un autre. Est-il contre la diversité culturelle et l'excellence culturelle?

Je crois que M. Léveillée, que Mme Edith Butler et plusieurs autres sont d'excellents exemples de cette diversité culturelle au Canada. Et j'espère que mon ami d'en face est d'accord avec moi que ces gens-là son excellents dans leur domaine.

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Monsieur le Président, ce gouvernement fait des coupures majeures dans la culture, mais bizarrement, il trouve toujours de l'argent pour des campagnes de propagande. La dernière trouvaille de la ministre du Patrimoine, c'est de proposer une trousse de propagande sur le Canada destinée aux écoles.

Ma question s'adresse à la ministre du Patrimoine: Le fédéral avait promis de se retirer des champs de compétence provinciale. Alors, pourquoi la ministre y plonge-t-elle de plain-pied en gaspillant les fonds publics avec son kit de propagande pour les écoles, alors que son collègue des Finances, lui, coupe carrément dans les paiements de transfert destinés justement à l'éducation?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, lors d'une rencontre des ministres des Affaires culturelles en Saskatchewan, l'an dernier, une des questions qui ont été posées par ces ministres provinciaux était le manque d'accessibilité au matériel canadien dont ils peuvent se servir dans les écoles.

L'an dernier, j'ai fait préparer une trousse. . .

Mme Tremblay: Vous n'avez pas le droit de la montrer.

Des voix: Oh, oh!

Mme Copps: . . .qui a tellement été bien accueillie par les directeurs d'école, qu'après deux semaines, on a reçu des appels téléphoniques de 3 000 directeurs d'école, y compris plus de 300 écoles au Québec qui, eux, ont fait la demande pour obtenir la trousse.

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Ça n'a pas de bon sens, monsieur le Président!

Après la campagne des drapeaux, après le Bureau d'information du Canada, après les quiz à la télévision, voilà que la ministre du Patrimoine en est rendue à vouloir endoctriner les élèves à la prématernelle.

Où la ministre va-t-elle s'arrêter? Quand allons-nous voir la feuille d'érable sur les couches?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, j'ai accepté le défi des ministres des Affaires culturelles qui nous ont demandé, comme gouvernement du Canada, de fournir des informations volontaires aux directeurs d'école.

Par la suite, j'ai envoyé une lettre aux directeurs d'école, les informant de cette trousse, au sujet de laquelle j'ai eu une incroyable réponse. J'aimerais citer, pour fins de référence, le président de la Fédération des directeurs d'école du Québec, qui a déclaré aujourd'hui, et je cite: «C'est aux directeurs d'école de faire preuve de discernement dans leur décision de commander ou non une trousse pédagogique multimédia.»

Je laisse toujours la liberté aux directeurs d'école. Ce que nous faisons, nous fournissons les informations. C'est tellement populaire, qu'après deux semaines, il faut en refaire 5 000 autres.

* * *

[Traduction]

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, une augmentation de 70 p. 100 des cotisations obligatoi-


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res au Régime de pensions du Canada, jusqu'à 10 milliards de dollars de plus en recettes par année pour le gouvernement, 690 $ de plus qu'on retranche des chèques de paie des Canadiens. Cela ressemble drôlement à une taxe, mais pas de l'avis du ministre des Finances.

(1425)

Hier, à la Chambre, le ministre a déclaré: «Il ne s'agit pas d'une ponction fiscale; il ne s'agit pas d'une taxe.» Je voudrais que le premier ministre nous dise si c'est bien la position du gouvernement du Canada, s'il croit véritablement que les cotisations au Régime de pensions du Canada ne constituent pas des charges sociales.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le ministre des Finances a mentionné qu'il s'agit de contribution que verse chacun des citoyens et des employeurs afin d'assurer la survie du Régime de pensions du Canada pour les générations à venir.

Le chef des réformistes affirme que le gouvernement précédent a fait preuve de négligence et je partage son avis. Voilà pourquoi nous sommes obligés de redresser la situation, à la demande des gouvernements provinciaux. Il ne faut pas oublier que ce programme est une initiative fédérale-provinciale.

Ce que nous avons fait semble plaire au gouvernement conservateur de l'Ontario. Dans les journaux de la fin de semaine, le ministre ontarien des Finances criait victoire.

Nous avons agi de la sorte pour remettre de l'ordre dans cet aspect des finances publiques, dans ce programme fédéral-provincial.

Les gens doivent comprendre que les gouvernements provinciaux se servent de ces contributions pour financer leurs activités. Voilà pourquoi ils voulaient que le problème soit réglé. Nous avons agi en collaboration avec les gouvernements provinciaux.

Le premier ministre de l'Alberta était ravi que le problème soit réglé. Il voulait comme nous tous, comme l'Ontario et comme la plupart des Canadiens, qu'on remette de l'ordre dans les finances publiques de notre pays. Ce n'est pas le temps de ne pas dire toute la vérité aux Canadiens.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, il faut donc conclure que, selon le ministre des Finances et le premier ministre, les cotisations au RPC ne sont pas des taxes.

J'ai sur mon bureau un document qui traite de la croissance des cotisations au RPC et au RRQ. L'auteur décrit clairement les cotisations au Régime de pensions du Canada et au Régime de rentes du Québec comme des charges sociales obligatoires. Il explique que les augmentations appliquées aux charges sociales entre 1986 et 1993 ont entraîné la perte de 26 000 emplois. L'auteur, Joe Italiano, fait partie de la Division de l'analyse et des prévisions économiques du ministère des Finances.

Que faut-il croire: la déclaration du ministre des Finances qui soutient que les cotisations au RPC ne sont pas des charges sociales et que leur augmentation n'a aucune incidence sur la situation de l'emploi ou l'analyse de son propre ministère qui prouve tout le contraire?

M. Barry Campbell (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je commencerai par le commencement et parlerai très lentement pour le bénéfice des députés d'en face.

Il ne s'agit pas de recettes qu'empoche le gouvernement du Canada. Le député induit les gens en erreur en affirmant le contraire. Il induit les Canadiens en erreur.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Collègues, je vous exhorte à éviter des expressions comme «induire en erreur» lorsque vous posez des questions ou que vous y répondez. J'invite le secrétaire parlementaire à répondre à la question.

M. Campbell: Monsieur le Président, en déclarant que les cotisations sont des taxes au lieu d'en décrire la véritable nature, ces députés ont laissé aux Canadiens une mauvaise idée du programme. Nous parlons ici de cotisations à un régime de pensions de l'État qui rendent possible le versement des prestations accordées dans le cadre de ce régime. Il ne s'agit pas de recettes qu'empoche le gouvernement du Canada.

(1430)

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre a déjà dit qu'il abolirait la TPS et il a rompu sa promesse. Il prétend que son gouvernement n'a jamais augmenté les taxes et les impôts. Pourtant, ces charges sociales viennent, à elles seules, d'être augmentées de 70 p. 100.

Bientôt, le premier ministre enverra ses troupes mener une campagne électorale dans tout le pays. Partout où ses candidats participeront à des réunions, ils seront hantés par les promesses qu'aura rompues le premier ministre au sujet des emplois, au sujet des taxes et des impôts, au sujet de l'intégrité du gouvernement.

Comment le premier ministre espère-t-il améliorer sa réputation d'homme honnête et intègre quand il refuse d'admettre que les cotisations au RPC sont des charges sociales et que l'augmentation de 70 p. 100 des cotisations représente une ponction fiscale?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le secrétaire parlementaire a très bien expliqué ces cotisations.

Je le répète, ce régime est une initiative fédérale-provinciale. Nous ne pouvons modifier le régime à nous seuls. Il nous faut la collaboration des provinces. Or, comme les provinces ont besoin d'argent pour financer leurs activités, elles nous ont demandé d'augmenter les cotisations à des niveaux raisonnables pour l'avenir.

À l'heure actuelle, nous sommes aux prises avec un déficit. Le chef du troisième parti dénonce toujours les déficits, mais lorsque nous prenons des mesures pour remettre de l'ordre dans les finances publiques, il ne nous appuie pas. C'est lui qui a fait volte-face. Il est si désespéré qu'il tente d'acheter les votes des Canadiens avec leur propre argent.


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[Français]

L'AMBASSADE DU CANADA À WASHINGTON

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.

Hier, questionné sur les activités d'espionnage dont aurait été victime un diplomate du Québec à Washington par des officiers du service militaire de l'Ambassade du Canada, le ministre des Affaires étrangères a déclaré qu'il n'y avait aucune politique, aucune directive qui ordonne l'espionnage de quelque représentant du Québec que ce soit, dans quelque ambassade que ce soit.

Considérant que les deux officiers en cause ont possiblement posé, de leur propre chef, des gestes illégaux en vertu de la législation américaine, le ministre de la Défense peut-il nous dire si ces officiers ont été suspendus et s'il a ordonné la tenue d'une enquête sur les activités de son personnel militaire en poste à l'Ambassade du Canada à Washington?

L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je crois que le ministre des Affaires extérieures a expliqué, hier, de façon très claire, que personne n'a agi comme espion dans cette affaire et que rien de néfaste n'a été fait. Nous n'avons aucune raison de croire que des actions aient été prises, selon la question du premier ministre, qui auraient été illégales selon la loi américaine.

On sait que les allégations faites sont le résultat d'un malentendu ou d'une différence d'opinion entre un employé du gouvernement américain et ses patrons.

Pour notre part, comme l'a dit le ministre hier, il n'y a aucune politique gouvernementale qui nous demande de faire de l'espionnage vis-à-vis les gens d'un gouvernement provincial, que ce soit au Québec ou ailleurs.

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, je demande à nouveau au ministre de la Défense nationale s'il y a eu une enquête ou non, et deuxièmement, s'il n'y a pas d'enquête et qu'on n'est pas pour en avoir, comment fait-on maintenant pour accorder les violons, alors qu'hier, le ministre des Affaires étrangères nous disait que les allégations étaient sans fondement et avant-hier, le ministre de la Défense nationale lui-même nous disait que l'affaire devait être examinée?

L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, mon honorable collègue sait que cette information a été le résultat de «rapportages», suite à des démarches entreprises par un employé du gouvernement américain contre son patron.

Il a fait des allégations, portant sur des démarches qui auraient été faites pour enquêter, à savoir si quelqu'un avait apparemment assisté à un petit déjeuner.

Lorsqu'on parle d'espionnage, il faut quand même être sérieux. Quant à moi, à ce moment-ci, je n'ai aucune raison de croire, basé sur les faits connus, qu'il y ait eu des activités d'espionnage contre la personne en question.

(1435)

[Traduction]

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, d'après le secrétaire parlementaire, les cotisations au RPC ne constituent pas une taxe, mais une contribution à un régime de pension de l'État. Examinons donc un instant un régime privé de retraite, le plus révoltant des régimes privés de retraite du Canada, à savoir le régime de retraite des députés.

Les Canadiens paient maintenant deux fois plus pour une maigre pension de 9 000 $ par année dans le cadre du RPC. Grâce au gouvernement, des gorets parlementaires comme le député de Sherbrooke et la vice-première ministre vont empocher de cinq à six fois cette somme. C'est scandaleux!

Comment le premier ministre peut-il demander aux Canadiens de payer 70 p. 100 de plus de leur maigre pension alors que ses collègues libéraux et lui-même vont accepter béatement le généreux régime de retraite des députés?

Une voix: Celle qui parle fait elle-même plus qu'une tranche de bacon.

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, la députée mélange des pommes et des oranges. L'un n'a rien à voir avec l'autre.

En veillant à ce que le Régime de pensions du Canada puisse remplir ses obligations futures, le gouvernement s'assure, de concert avec les provinces, que le régime sera durable. Quant au régime de retraite des députés, nous l'avons réduit de 20 p. 100 et nous en avons diminué le coût. Nous avons établi que les députés doivent avoir 55 ans pour en bénéficier. Encore là, nous avons donc vu à ce que le régime de retraite réponde davantage aux exigences.

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, je suis peut-être un goret, mais j'ai décidé de ne pas profiter du régime de retraite et les contribuables ne me doivent pas un seul sou pour cela.

Des voix: Bravo!

Mme Grey: Je ne suis pas une profiteuse de régime de retraite. J'ai décidé de ne pas y participer, Sheila, elle, de se dégonfler.

Le Président: Nous préférerions tous, je le sais, que les remarques personnelles soient évitées. Je demanderais à la députée de bien vouloir poser, sans autre préambule, sa question.

Mme Grey: Monsieur le Président, je voudrais poser la question suivante au premier ministre: Pour être conséquent et juste à l'égard de tous les Canadiens, à l'intérieur comme à l'extérieur de la Chambre, le premier ministre annoncera-t-il aujourd'hui une hausse immédiate de 70 p. 100 des cotisations au grassouillet régime de retraite des députés?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Pré-


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sident, j'ai déjà dit que les prestations des députés élus après le12 juillet 1995 ont été réduites de 20 p. 100.

(1440)

Au cours du débat sur le projet de loi C-85, sur les allocations de retraite des parlementaires, un député réformiste que je ne nommerai pas a dit que les députés devraient recevoir une juste rémunération, un juste salaire, que leur travail du niveau de cadre supérieur méritait 150 000 $ par année. C'est ce que nous donnent les réformistes.

* * *

[Français]

L'AMBASSADE DU CANADA À WASHINGTON

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, mon collègue de Bellechasse a demandé par deux fois au ministre de la Défense nationale s'il y avait eu une enquête à la suite des allégations portant sur le fait que des employés du service militaire de l'Ambassade du Canada à Washington auraient eu certaines activités illégales.

Je demande bien simplement une troisième fois au ministre de la Défense nationale une question fort simple: Y a-t-il eu une enquête de la part de son ministère pour vérifier ces allégations? Cela me semble assez simple comme question.

L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, évidemment, à la suite des déclarations qui ont été rapportées dans les journaux, le ministre des Affaires extérieures et moi-même nous sommes renseignés, parce qu'évidemment, il faut savoir ce qui se passe, et il n'y a aucun doute, selon moi, basé sur les renseignements que nous avons, qu'il n'y a eu aucun espionnage ou tout autre activité qu'on pourrait qualifier d'espionnage dans la situation à laquelle l'employé du gouvernement américain fait allusion.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, on vient d'avoir une réponse plus rapide par ce ministre que par l'ex-ministre. Avec l'autre, il a fallu un bon deux mois avant de savoir ce qui s'était passé en Somalie, du moins le début de ce qui s'était passé.

Donc, s'il y a eu une enquête, il y a sûrement eu un rapport écrit qui a été remis au ministre. Le ministre doit avoir pris sa décision par la suite sur la base des rapports écrits.

Est-ce que le ministre, dans un souci de transparence, pourrait rendre ce rapport public afin que les allégations qui sont faites et qui ont l'air sérieux, puisqu'il y a des affidavits, afin qu'on sache clairement que ce n'est pas vrai que le Canada agit comme ça et qu'on mette fin à cette histoire? Est-ce que le ministre est prêt à rendre ce rapport public, oui ou non?

L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai dit à trois reprises, lorsqu'on a appris, par la voie des journaux, qu'un employé du gouvernement américain, lors d'un différend avec son patron, alléguait qu'il y avait eu des discussions concernant un représentant d'un gouvernement d'une province du Canada, évidemment, on a demandé ce qui s'était passé exactement.

Selon les informations que j'ai reçues, qui sont très limitées d'ailleurs, on me dit qu'il était question de savoir si le monsieur en question assistait à un petit déjeuner.

Ce n'est pas quelque chose que je considère comme de l'espionnage, même dans l'esprit des séparatistes.

* * *

[Traduction]

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, l'augmentation des cotisations du RPC de 1 300 $ que vient d'annoncer le gouvernement libéral, qui va entraîner la disparition d'emplois, ne va que rafistoler le régime en portant un coût terrible aux possibilités d'emploi offertes aux jeunes. Les jeunes du pays, qui sont déjà aux prises avec une dette nationale de 600 milliards de dollars, vont maintenant être forcés de subventionner la retraite de leurs aînés qui sont responsables de l'endettement du pays. Cependant, comme il est toujours un régime de retraite par répartition, le Régime de pensions du Canada n'est pas durable.

Le gouvernement peut-il garantir qu'il n'y aura pas d'autres augmentations des cotisations ni diminutions des prestations du RPC?

M. Barry Campbell (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, nous n'avons que donné suite au souhait des Canadiens en leur fournissant un régime durable à long terme. En relevant les taux de cotisation, nous garantissons que les cotisations n'auront pas à être augmentées autant qu'il aurait fallu le faire si nous n'avions pas pris cette mesure maintenant. Aucun autre gouvernement n'a pris ce genre de mesure auparavant. Les provinces sont d'emblée d'accord. Les Canadiens bénéficieront du caractère durable du régime sur lequel ils sauront pouvoir compter.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, c'est un peu comme si le gouvernement fédéral disait: «Nous ne sommes pas coupables parce que nous ne faisons que conduire la voiture servant à notre fuite.»

Les travailleurs les plus vulnérables, les jeunes, les derniers embauchés et les premiers à être licenciés, feront les frais du maintien du Régime de pensions du Canada. Les collaborateurs du ministre eux-mêmes ont admis que les jeunes cotisants au RPC ne toucheront pas une pension équitable du régime.

(1445)

Est-il juste de forcer les jeunes à verser presque 10 p. 100 de leur revenu à un régime de pensions qui leur paiera une pension de loin inférieure à ce qu'ils toucheraient s'ils avaient cotisé le même montant à un REER?

M. Barry Campbell (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, j'ai expliqué-et peut-être que je devrais parler plus lentement-qu'il est fondamental dans les sociétés occidentales, depuis le tournant du siècle en particulier, d'avoir des programmes comme un régime de retraite de l'État et


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des programmes d'assurance sociale. Tous les Canadiens, quel que soit leur âge, sont d'accord là-dessus. Ils veulent avoir la certitude qu'ils auront de tels programmes quand ils en auront besoin.

Par contraste, le député d'en face et ses collègues ont proposé une combinaison de choses sur lesquelles ils pourront compter ou non à un coût inconnu pour les Canadiens. Quand vont-ils nous dire exactement combien tout cela nous coûterait?

* * *

[Français]

LES RÉFUGIÉS ZAÏROIS

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

La ministre a décidé de reprendre les expulsions des revendicateurs du statut de réfugié vers le Zaïre, alors même que ce pays vit sous un régime autoritaire et fait face à une guerre civile. La ministre fait preuve d'un manque flagrant de compassion et d'humanité envers ces personnes persécutées.

La ministre peut-elle expliquer à cette Chambre en quoi la situation politique au Zaïre s'est améliorée à tel point qu'elle peut désormais reprendre les expulsions de réfugiés?

L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, le comité consultatif pour les renvois dans certains pays a étudié la situation du Zaïre très particulièrement. Il a reçu plusieurs avis de personnes, ici même au Canada et aussi à l'étranger.

Nous avons regardé un peu ce qui se passait dans les instances internationales. Nous avons constaté que plusieurs pays continuent à effectuer les renvois vers le Zaïre. Il est très clair que dans certaines régions du Zaïre, de façon particulière dans l'est, nous ne retournerons pas des gens vers cette région. Il en est autrement pour d'autres régions du Zaïre, où c'est tout à fait possible.

Laissez-moi conclure en disant qu'aucune personne n'est renvoyée vers le Zaïre avant qu'une évaluation de risque soit faite de cette personne et que nous soyons assurés qu'elle retourne en toute sécurité dans une des régions du Zaïre.

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, la ministre, au lieu de se refugier, de se cacher derrière un comité fantôme, devrait prendre ses propres responsabilités.

La ministre se rend-elle compte qu'elle commet une injustice flagrante à l'égard des réfugiés zaïrois, dont le pays vit une instabilité grave, alors qu'elle maintient la suspension des déportations vers le Rwanda, le Burundi et l'Afghanistan?

L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, je le répète, il n'est aucunement question de retourner une personne dont la vie serait à risque en la retournant dans certaines parties du Zaïre.

Par ailleurs, dans certaines régions du Zaïre, oui, les personnes peuvent retourner en toute sécurité, et c'est pourquoi nous faisons une évaluation individuelle. À l'image d'autres pays qui ont exactement la même politique que le Canada, je peux vous assurer que nous suivons la situation de façon très détaillée, et que si jamais nous devons interrompre les renvois, nous le ferons. Jamais nous ne mettrons en danger la vie d'une personne.

* * *

[Traduction]

LES SCIENCES ET LA TECHNOLOGIE

Mme Bonnie Brown (Oakville-Milton, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au secrétaire d'État responsable des Sciences, de la Recherche et du Développement.

On sait que la recherche, la technologie, l'information et la connaissance sont maintenant les moteurs de la croissance économique. Que fait le gouvernement pour s'assurer que le Canada ouvre la voie aux Canadiens qui s'acheminent vers le XXIe siècle?

L'hon. Jon Gerrard (secrétaire d'État (Sciences, Recherche et Développement) (Diversification de l'économie de l'Ouest canadien), Lib.): Monsieur le Président, notre gouvernement a une vision d'avenir pour le XXIe siècle. Nous investissons dans les sciences et la technologie et nous bâtissons une société de l'information.

(1450)

Nous avons annoncé, la semaine dernière, de nombreux programmes scientifiques à l'intention des jeunes. Nous avons renouvelé le Plan spatial du Canada. Nous avons investi des sommes considérables dans le Programme canadien de partenariats technologiques. Avec des programmes comme le Réseau scolaire canadien, CANARIE, le Projet d'accès communautaire et les collections numériques, nous faisons en sorte que le Canada puisse rapidement se mettre à l'heure de l'autoroute électronique. Nous avons investi dans un fonds de recherche sur les services de santé, nous avons mis sur pied un fonds de découverte médicale et nous avons pris de nombreuses autres initiatives. Le vérificateur général a dit que nous avons la meilleure stratégie de tous les temps en matière de science et de technologie.

* * *

L'EMPLOI

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, il y a maintenant 76 mois d'affilée que le taux de chômage dépasse les9 p. 100. Le chômage chez les jeunes reste à 17 p. 100. Tous les programmes d'aide sociale et de création d'emplois mis sur pied par le gouvernement ont été des échecs. Pourtant, la ministre des Ressources naturelles aurait déclaré la semaine dernière en Alberta que les souffrances étaient terminées. Elle veut revenir à la politique libérale qui consiste à taxer et à dépenser pour créer des emplois.

Le ministre reconnaîtra-t-il que la stratégie d'emploi des jeunes, qui est financée par les recettes fiscales, n'est qu'un programme d'aide sociale de plus pour les sans-emploi et ne saurait en aucun cas constituer une mesure sérieuse pour redonner du travail aux Albertains et aux Canadiens?

L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, notre gouver-


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nement a été extrêmement heureux la semaine dernière d'être en mesure de donner un peu d'espoir aux enfants et aux jeunes sans-emploi qui veulent sincèrement faire quelque chose de leur vie. C'est ce que les jeunes Canadiens réclament et c'est ce que nous leur offrons.

Nous dépensons déjà deux milliards de dollars pour les jeunes Canadiens. Nous avons annoncé deux nouveaux programmes qui leur permettront d'acquérir une expérience pratique de travail et, grâce à ces programmes, 110 000 jeunes Canadiens ne se retrouveront pas dans la situation où ils sont «sans travail parce qu'ils n'ont pas d'expérience» et «sans expérience parce qu'ils n'ont pas de travail». Notre gouvernement fait beaucoup. Nous devons faire plus, et c'est ce que nous ferons.

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, il ne fait aucun doute que le gouvernement doit faire plus. Il doit accorder des allégements fiscaux, pas créer davantage de programmes financés par les recettes fiscales. Ces programmes ne font que rendre les gens dépendants de l'aide sociale. Nous savons et le gouvernement sait que ce sont les entrepreneurs qui créent des emplois, pas la dépendance à l'égard de l'aide sociale.

C'est pourquoi je demande au ministre d'expliquer la dépendance du gouvernement actuel à l'égard de l'aide sociale. Pourquoi le gouvernement s'obstine-t-il à tenter de régler le problème de cette façon plutôt qu'à susciter les carrières d'entrepreneurs dont nous avons besoin au Canada et à alléger le fardeau fiscal des entreprises privées? C'est le secteur privé, et pas le gouvernement, qui créera les emplois. Le ministre est-il prêt à l'admettre?

L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, le député devra examiner la stratégie de l'emploi avant de la commenter. Nous créons des emplois. Nous créons des emplois grâce à des partenariats avec le secteur privé et les organisations non gouvernementales. Les stagiaires en milieu de travail ne seront pas accueillis par le gouvernement, mais par les entreprises privées et les organisations non gouvernementales.

[Français]

C'est la raison pour laquelle cette stratégie pour les jeunes qui veulent justement trouver de l'emploi, qui veulent avoir une expérience de travail est tellement appréciée partout à travers le Canada. En partenariat avec le secteur privé et les organisations non gouvernementales, nous allons donner à 110 000 jeunes Canadiens, en partenariat avec eux, des expériences de travail pour briser le cycle de «pas d'expérience, pas d'emploi et pas d'emploi, pas d'expérience».

* * *

LES CASINOS FLOTTANTS

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

Le 26 novembre 1996, à une question de l'opposition officielle, le ministre a reconnu avoir reçu une lettre du ministre de la Justice du Québec lui demandant un amendement au Code criminel, amendement qui permettrait l'ouverture en eaux canadiennes des casinos sur les croisières internationales. Le ministre s'était même engagé à m'informer du résultat de ces consultations auprès de l'industrie et des gouvernements provinciaux.

Puisque le ministre ne nous a toujours pas informés des récents développements dans le dossier des casinos sur les croisières internationales, est-ce que cela signifie qu'il a tout simplement décidé d'abandonner le projet?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Non, monsieur le Président. Comme je l'ai dit à la Chambre, il y a quelques mois, nous avons reçu une proposition de la province de Québec concernant les casinos flottants.

(1455)

Comme l'honorable député le sait, cela nécessite une modification au Code criminel. Le ministère de la Justice a amorcé des consultations auprès des provinces, des territoires, des autochtones, de l'industrie et des autres personnes intéressées.

Nous sommes maintenant en train de discuter de tous les aspects de cette question avec les personnes concernées. Dans les mois à venir, je suis confiant que nous aurons une position à exprimer.

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais rappeler au ministre qu'il est question de «jobs, jobs, jobs», comme nous le promettait le livre rouge des libéraux, lors de la dernière campagne électorale.

Donc, avec la réponse du ministre, dois-je comprendre qu'il appuiera le projet de loi que j'ai déposé à la Chambre la semaine dernière?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, à mon avis, il est très important de terminer ce processus de consultation. Comme je l'ai dit à la Chambre, la question touche à plusieurs intérêts. Je préférerais avoir les résultats de cette consultation avant d'exprimer une position.

* * *

[Traduction]

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de la Défense nationale est en train de se faire la réputation d'un homme qui s'ouvre la bouche avant que son cerveau. . .

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Le député de Parry Sound-Muskoka.

* * *

LES PETITES ENTREPRISES

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.


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Le ministre peut-il imaginer ce que c'est que d'être un exploitant d'entreprise touristique dans ma circonscription qui, en mai, se prépare pour un été très occupé et est soudainement inondé de questionnaires d'enquête envoyés par une demi-douzaine de ministères du gouvernement? Je sais qu'il est important de recueillir des renseignements, mais le ministre pourrait-il dire à la Chambre ce qu'il fait pour s'assurer que ce fardeau administratif ne nuit pas aux affaires?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, les propriétaires de petites entreprises d'un bout à l'autre du Canada nous ont dit qu'ils s'inquiétaient du nombre de questionnaires d'enquête qu'ils reçoivent.

À notre demande, Statistique Canada a accepté de travailler avec les propriétaires de petites entreprises pour qu'ils puissent choisir le moment de l'année qui leur convient le mieux pour remplir ces questionnaires d'enquête. Les propriétaires de petites entreprises savent à quel point il est important, non seulement pour le gouvernement fédéral mais aussi pour les gouvernements provinciaux et les administrations locales, que Statistique Canada ait des renseignements adéquats qui serviront de base aux décisions stratégiques qui seront prises.

Au cours des deux dernières années, Statistique Canada a pris des mesures pour réduire de plus de 15 p. 100 le fardeau qu'il impose aux petites entreprises.

* * *

LES MÉDICAMENTS D'ORDONNANCE

M. John Solomon (Regina-Lumsden, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

L'actuel premier ministre a déclaré à la Chambre des communes, le 1er avril 1993, que le Canada ne devait pas se liguer avec les compagnies pharmaceutiques multinationales en adoptant le projet de loi C-91 aux dépens des Canadiens pauvres et malades qui avaient besoin de médicaments. Les actuels ministres de la Santé et de l'Industrie s'étaient joints à lui pour parler et voter contre le projet de loi C-91.

Hier soir, le ministre de l'Industrie a dit aux Canadiens qu'un gouvernement libéral ne raccourcirait pas la période de protection des médicaments brevetés, ce qui permettrait aux Canadiens d'économiser des milliards de dollars à l'achat de médicaments d'ordonnance. Pourquoi les libéraux ont-ils fait volte-face et se sont-ils rangés du côté des multinationales, aux dépens des Canadiens qui ont besoin de médicaments d'ordonnance à prix abordable?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, j'espère que le député écoute attentivement, car quelqu'un l'a de toute évidence induit en erreur.

Le député sait que depuis l'époque à laquelle il faisait référence, le Canada a adhéré, entre autres choses, à l'accord concernant l'Organisation mondiale du commerce créée à la suite des négociations de l'Uruguay Round. Or, l'article 33 de l'ADPIC signé ultérieurement dispose que la période de protection ne peut se terminer en-deça d'un délai de 20 ans à compter de la date de dépôt.

Je sais pourquoi le projet de loi C-91 a été tellement controversé. J'étais ici pendant le débat de ce projet de loi. Je comprends également à quel point il est important pour le Canada de participer à des organisations de commerce internationales comme l'Organisation mondiale du commerce, en particulier si l'on tient compte de l'importance des marchés d'exportation pour notre économie.

(1500)

J'invite le député à investir ses efforts dans les travaux du comité de l'industrie qui examine le projet de loi C-91 mais en même temps à comprendre le contexte dans lequel se déroule cette étude.

Le Président: J'ai reçu un avis écrit m'informant que le député de Saskatoon-Clark's Crossing désire soulever la question de privilège. Je vais entendre le député et je passerai ensuite aux rappels au Règlement.

* * *

QUESTION DE PRIVILÈGE

LA PÉRIODE DES QUESTIONS

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing, NPD): Monsieur le Président, je soulève la question de privilège à la suite d'une réponse que le ministre de la Justice a donnée hier à une question.

Ce n'est pas une question d'interprétation, ce qui en ferait autre chose qu'une question de privilège. C'est clair que le ministre a dit quelque chose qui ne correspond pas à la réalité.

Je vais vous lire ce que le ministre a dit, selon le hansard d'hier. Il parlait de services utilisés relativement à l'affaire Airbus. Il a dit: «. . .tous les services qui ont été rendus étaient conformes à ce qui était prévu dans le contrat.»

J'ai ici une copie du contrat, et l'on voit clairement que ce n'est pas vrai que ces services ont été rendus conformément au contrat. Je peux le lire, s'il convient de le faire.

Le Président: Je me demande si le député pourrait préciser quels sont exactement les privilèges auxquels on a porté atteinte.

M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing): Oui, monsieur le Président. Je crois qu'il est contraire aux privilèges des députés ou de quiconque à la Chambre d'être induit en erreur, et surtout si c'est par un ministre.

Le Président: Avec tout le respect que je dois à mon collègue, je dois dire que nous semblons nous engager dans un débat sur cette question. Le député a mentionné qu'une déclaration avait été faite. D'après ce que je comprends, il n'est pas d'accord avec le contenu de cette déclaration. Habituellement, les échanges propres à la période des questions donnent lieu à des questions auxquelles les ministres ou secrétaires parlementaires donnent des réponses. C'est le principe même de la période des questions. Ce n'est sûrement pas


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au Président de décider quelles interventions visent à induire en erreur, pour reprendre les mots du député.

Le député n'a peut-être pas reçu la réponse qu'il attendait ou qu'il aurait espérée, mais je serais mal placé pour déterminer si une déclaration induit les députés en erreur ou non.

Pour le moment, à moins que le député puisse préciser davantage de quel privilège il s'agit, nous avons une question et une réponse et nous devons tenir pour acquis que nous sommes tous honnêtes et que la réponse a été donnée de bonne foi. Je voudrais que l'affaire s'arrête là.

Nous passons à un rappel au Règlement.

* * *

(1505)

RECOURS AU RÈGLEMENT

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, durant la période des questions, lors d'un échange entre la députée de Beaver River et la partie gouvernementale, la députée de Beaver River a fait remarquer qu'elle avait renoncé à une pension parlementaire de 1,4 million de dollars pour une question de principe.

On a clairement entendu le ministre de la Défense nationale dire-je ne répéterai pas ce qu'il a dit car c'est indigne de la Chambre. Cependant, il devrait retirer ce qu'il a dit et avoir honte de sa conduite à la Chambre aujourd'hui.

Le Président: Encore une fois, avec tout le respect que je vous dois, je n'ai entendu aucun propos antiparlementaire.

M. Williams: Nous l'avons tous entendu.

Le Président: Je vais revoir les bleus pour déterminer si des propos antiparlementaires ont été tenus et à qui ils étaient adressés. J'en reparlerai à la Chambre s'il y a lieu. Je reverrai les bleus et j'écouterai les enregistrements pour déterminer si des propos antiparlementaires ont été tenus et qui les a tenus à propos de qui. C'est ainsi que nous procéderons. J'en reparlerai au député s'il y a lieu.

M. Strahl: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement.

Le Président: S'agit-il d'une autre question?

M. Strahl: Oui, Monsieur le Président. Pourriez-vous expliquer à la Chambre quelle est la différence entre des propos parlementaires ou antiparlementaires et des remarques visant à blesser une personne? Y a-t-il une différence?

Le Président: J'ai dit que j'allais revoir les bleus pour déterminer si des propos antiparlementaires avaient été tenus. Cette question relève de ma compétence.

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, je voudrais que vous m'informiez, quand vous dites que vous allez revoir les «bleus», si on peut bien s'assurer que les bleus ne seront pas modifiés avant que vous puissiez les voir.

Le Président: Oui.

[Traduction]

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, mon rappel au Règlement porte sur la décision concernant mon collègue d'Okanagan-Similkameen-Merritt. J'aimerais comprendre ce qui a motivé cette décision. . .

Le Président: Je répète très respectueusement que, selon moi, les commentaires menaient droit à l'utilisation d'un langage non parlementaire. . .

Des voix: Oh, oh!

(1510)

M. Benoit: Les commentaires allaient mettre le gouvernement dans l'embarras, voilà tout.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Cela ne s'est pas produit.

Le Président: . . .et je dois répéter respectueusement qu'une décision a été prise et qu'elle tient toujours.

M. Hart: J'invoque le Règlement.

Le Président: S'agit-il du même recours au Règlement?

M. Hart: Oui.

Le Président: Je me suis prononcé à ce sujet. Je donne la parole au député de St-Albert pour un autre recours au Règlement.

LA PROCÉDURE DE LA CHAMBRE

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, malgré tout le respect que je vous porte et que je porte aussi au poste que vous occupez, je tiens à préciser que, du point de vue du Parti réformiste, il semble qu'il existe deux poids deux mesures dans le déroulement des travaux. . .

Des voix: Oh, oh!

M. Zed: Comment osez-vous?

M. Hart: Comment se fait-il que nous entendions si bien de ce côté de la Chambre, mais que le son se rende si mal de l'autre côté? Pouvez-vous entendre ce que je dis maintenant?

M. Speaker (Lethbridge): Nous avons tous entendu les commentaires de Doug.

M. Strahl: Nous avons déjà reçu des appels téléphoniques à ce sujet. Tous les gens les ont entendus.

Le Président: Mon cher collègue de St-Albert, comme vous le savez, lorsque la présidence prend une décision c'est au nom de tous les députés.

Je sais bien que, dans le feu de l'action, il nous arrive parfois de nous laisser emporter. Mais si vos remarques s'adressaient à la présidence et si, comme je l'ai compris, vous avez dit que, en tant que Président de la Chambre des communes, j'appliquais deux poids deux mesures, je vous demanderais de vous lever et de vous rétracter immédiatement, s'il vous plaît.

Des voix: Honte.

M. Williams: Monsieur le Président, je vais rétracter ce que j'ai dis, si vraiment vous croyez que. . .

Le Président: Je vous remercie. J'accepte votre rétractation.

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Maintenant, j'ai une question pour vous. Votre rappel au Règlement est-il différent de celui que j'ai tranché aujourd'hui?

M. Williams: Ce que je voulais dire, comme je l'ai déjà mentionné, c'est qu'il y avait une certaine perception au sein du Parti réformiste. Je n'ai d'aucune façon accusé la présidence d'appliquer deux poids deux mesures. J'ai dit que c'était la perception de notre parti, ce qui est différent.

M. McKinnon: Regardez les bleus.

Le Président: Je le répète, en ce qui vous concerne, collègue, je suggère que nous laissions tomber l'affaire maintenant.

Je vais maintenant entendre un autre rappel au Règlement, le député de Revelstoke-Kootenay-Ouest.

LES OBSERVATIONS FORMULÉES AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur le Président, le rappel au Règlement que je fais porte sur la procédure.

Lorsque la présidence examine les «bleus» pour voir si un député a utilisé un langage antiparlementaire, la procédure normale devrait être, si la présidence confirme le fait, de demander au député de retirer sa déclaration.

(1515)

Étant donné que la déclaration que nous contestons-et qui a été prononcée à l'endroit de la députée de Beaver River-a été faite alors que le micro était ouvert et étant donné que la personne qui, à notre connaissance, a fait la déclaration. . .

Le Président: Cher collègue, je me suis déjà engagé à examiner les «bleus» et à écouter l'enregistrement. Je vais le faire. Je m'adresserai à la Chambre si nécessaire. J'ai dit cela également.

Avez-vous un autre rappel au Règlement?

M. Gouk: Monsieur le Président, je ne voulais pas revenir sur ce point, je voulais soulever un point de procédure. Ce que je voulais dire, c'est que, lorsqu'un incident de ce genre se produit, lorsque la déclaration est faite à micro ouvert et dirigée de façon agressive contre un autre député, qu'il siège d'un côté ou de l'autre de la Chambre, je prétends qu'il ne suffit pas que le député retire ce qu'il a dit. Lorsque l'attaque est faite ouvertement, on devrait exiger des excuses.

Le Président: Là encore, cher collègue, une rétractation à la Chambre est une reconnaissance du fait que ce qui a été dit était antiparlementaire. À mon avis, cela représente peut-être les excuses que le député voudrait avoir.


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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LOI SUR LA MODIFICATION FACULTATIVE DE L'APPLICATION DE LA LOI SUR LES INDIENS

La Chambre reprend l'étude de la motion.

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, c'est maintenant à mon tour d'intervenir sur le projet de loi C-79 qui vise à apporter des modifications à la Loi sur les Indiens. Comme vous le savez, cette loi date de plus de 100 ans et elle a été qualifiée, à plusieurs occasions, comme étant une loi dépassée, qui ne convient pas à la réalité, et surtout, qui ne satisfait pas aux besoins des autochtones eux-mêmes.

Cependant, cette loi est tellement imparfaite qu'il faut la changer et non pas simplement l'amender, comme veut le faire le ministre des Affaires indiennes. Ce que le ministre veut faire, c'est le contraire de ce que recommandait dernièrement la Commission Erasmus-Dussault, c'est-à-dire la reconnaissance d'une injustice à l'égard des Amérindiens.

À la Chambre des communes, je suis membre de deux comités. J'ai d'abord participé aux travaux du Comité permanent du développement des ressources humaines et je participe maintenant à ceux du Comité permanent de la santé. Au Comité permanent du développement des ressources humaines, nous avons fait une tournée à travers tout le Canada et nous avons rencontré plusieurs communautés amérindiennes.

Il m'a semblé évident, de par les témoignages entendus, non seulement des Amérindiens eux-mêmes, des autochtones, mais aussi des gens qui travaillent avec eux, que la population autochtone était assaillie de problèmes de santé maintes et maintes fois supérieurs à l'ensemble de la population canadienne.

Malheureusement, beaucoup de préjugés sont encore entretenus à l'égard des Amérindiens. Au Comité permanent de la santé, et ma collègue, la députée de Drummond, le sait, il y a eu maintes études concernant la santé des autochtones. C'est assez déplorable et même très décevant de constater que malgré ces études, malgré une commission d'enquête qui a publié cinq volumes sur la condition des autochtones, on aboutisse à un projet de loi qui ne vise qu'à apporter des modifications à la Loi sur les Indiens, mais dans une situation un peu terrible, embarrassante, paradoxale.

(1520)

Cette loi est contraire à beaucoup d'autres lois. Une loi doit s'appliquer à tout le monde. Or, celle-ci créera dorénavant deux sortes de citoyens autochtones: ceux qui seront assujettis à l'ancienne loi et ceux qui seront assujettis à la nouvelle. Elle est optionnelle. Elle ne va concerner que les bandes amérindiennes ou les groupes autochtones qui voudront s'y soumettre, et s'y soumettre avec des bonbons pour les attraper, pour qu'ils renient leurs droits ancestraux. C'est ce que beaucoup d'Amérindiens ne peuvent pas faire et ne feront pas.


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Malgré l'opposition de la très grande majorité des autochtones au Canada, ce ministre décide d'aller de l'avant avec cette loi. Dans quel but? Évidemment, pour donner, avant l'élection, l'impression aux Canadiens qu'il a fait quelque chose. Il a osé changer une loi qui existe depuis cent ans. Quel exploit extraordinaire. Mais c'est une loi qui ne toucherait pas tout le monde, seulement ceux qui le souhaitent.

A-t-on déjà vu ce genre de situation, une loi facultative, une loi volontaire? C'est comme si on disait, au Québec, qu'on ne peut pas rouler à plus de 120 kilomètres à l'heure; seulement ceux qui rouleraient en deçà de cette limite seraient touchés par la loi et les autres pourraient choisir une autre loi.

C'est une façon de faire inacceptable. Par contre, certains pourraient dire que c'est intéressant, que toutes les lois devraient être comme cela; ainsi, les gens pourraient mieux profiter de leur liberté d'expression, on pourrait même dire de leur vitesse d'adaptation. La loi ne fonctionne pas ainsi. Je n'ai pas compris que la loi était ainsi faite.

Il faut qu'une loi s'applique à tout le monde. Ce que le ministre veut faire, c'est jeter de la poudre aux yeux aux Indiens, c'est leur cacher la réalité. Il veut montrer à l'ensemble des autres Canadiens qu'il vient de faire quelque chose d'important, alors que dans les faits, c'est une loi qui, dans la plupart des cas, ne serait pas appliquée. Elle ne va rien changer, seulement donner l'impression qu'il a fait quelque chose, un peu comme le ministre de la Santé qui a fait le matamore avec son projet de loi C-71. Finalement, il se garde tellement de portes de sortie avec cette loi qu'il n'est pas sûr qu'on pourra l'appliquer.

Je ne sais pas si c'est parlementaire, mais je vais me risquer. J'appelle cela de l'hypocrisie. C'est fallacieux tout au moins, c'est trompeur, c'est jeter de la poudre aux yeux. On fait semblant de faire quelque chose, alors qu'on sait d'avance qu'on ne fera rien. Ce n'est pas une bonne mesure gouvernementale.

Il est temps que le gouvernement libéral aille en élection parce que cela semble s'attraper, ça semble contagieux. Tous les ministres veulent faire un petit quelque chose pour montrer qu'ils ont fait quelque chose avant l'élection, avant qu'on les change de poste. On sait que, si les libéraux reviennent au pouvoir, il y a un risque qu'ils changent de poste. Ils pourront écrire dans leur curriculum vitae qu'ils ont changé une loi vieille de cent ans. Sauf que l'histoire dira: Cette loi n'a pas changé grand-chose puisque ne la suivaient que ceux qui voulaient la suivre. C'est extraordinaire.

J'ai suffisamment fait d'humour sur un sujet sérieux. C'est sérieux: 438 000 Indiens inscrits au Canada et le ministre veut faire deux catégories, ceux qui suivent la nouvelle loi et ceux qui suivent l'ancienne. Il y a déjà deux sortes d'Indiens. Il y a ceux qui ne sont pas inscrits, 112 600 en 1991. De plus, il faut considérer qu'il y a la population métisse, qui est au nombre de 139 491. Il y aussi 37 800 Inuits. Cela fait au total 720 000 individus.

Au Québec, c'est 69 300 personnes. C'est quand même 1 p. 100 de la population totale du Québec. Ce n'est pas parce qu'un groupe ne représente que 1 p. 100 de la population qu'on ne doit pas s'en occuper. Actuellement, le ministère des Affaires indiennes maintient un système paternaliste, un système qui maintient les Indiens, les autochtones du Canada dans un système de dépendance. Ce que revendiquent les nations autochtones, c'est le contraire, c'est plus d'autonomie.

Vous allez peut-être me dire qu'ils en veulent un peu trop, que c'est une négociation. Nous, du Bloc québécois, avons toujours dit qu'il fallait leur en donner plus.

(1525)

Le Bloc québécois, au lendemain du dépôt du rapport de la commission d'enquête, a même déposé une motion à la Chambre invitant le gouvernement libéral à le suivre en disant que les nations autochtones sont des nations distinctes. En ce sens, on devrait leur accorder des choses qui leur permettent d'affirmer leur distinction, de préserver leur culture, mais surtout les moyens de tirer des revenus qui les sortiront de cette indépendance pour qu'ils soient enfin plus autonomes et qu'ils puissent gérer eux-mêmes des services de santé.

C'est incroyable de voir les chiffres, que je n'énumérerai pas ici, concernant le taux de suicide. Quel est le groupe au Canada dans lequel le taux de suicide est le plus élevé? Les Amérindiens. Quel est le groupe au Canada qui a le plus haut taux d'alcoolisme? Les Amérindiens. En ce qui a trait à la drogue? Les Amérindiens. C'est aussi ce groupe qui vit le moins vieux. Dans quel groupe se retrouve le taux de mortalité le plus élevé? Chez les Amérindiens.

C'est tellement terrible que Lise Bissonnette, dans le quotidien Le Devoir, écrivait ceci:

Or, l'histoire que contiennent les cinq volumes du rapport-en parlant de la commission d'enquête-est dans l'ensemble celle d'un colonialisme intérieur qui fut d'une rare brutalité et qui l'est encore, à une époque qui devrait en avoir fini avec le racisme et l'exploitation. Les Nations Unies ont beau décerner au Canada la palme du bonheur sur terre, il reste que tous les indicateurs sociaux, quand on les applique aux seules nations autochtones parmi nous, dévalent vers le bas, sont ceux d'un tiers monde au milieu de l'abondance. De la scolarisation à la santé en passant par l'emploi, la règle est le sous-développement, d'un océan à l'autre. «Les autochtones sont 90 fois plus susceptibles que les autres Canadiens d'être sans eau courante, écrivent les commissaires. Dans les réserves, plus de 10 000 foyers n'ont pas de plomberie intérieure.» Comment lire cela, parmi des centaines d'autres ignominies, dans un des endroits les plus confortables de la planète, et continuer à accepter les médailles?
Ou à faire comme le ministre des Affaires indiennes et les ministres d'en face qui disent que nous sommes dans le meilleur pays au monde.

On ajoute qu'actuellement, un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté au Canada. On traite les autochtones de cette manière en essayant de faire croire qu'on est dans le meilleur pays au monde, alors que la situation se détériore.

Cet après-midi, le ministre des Finances va nous dire pourquoi il a réussi à aller plus vite dans sa réduction de déficit budgétaire, que c'est en coupant dans l'aide aux démunis, en coupant dans les dépenses en matière de santé et dans les transferts aux provinces, en coupant également dans les soins de santé aux autochtones. Va-t-on maintenant nous faire croire que ça va bien, que c'est extraordinai-


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re? Non, monsieur le Président. Les autochtones, comme les Québécois, comme les Canadiens pauvres méritent plus de justice.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, je vous entretiendrai du projet de loi C-79, la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens.

Ce projet de loi est une réforme de surface de la Loi sur les Indiens adoptée il y a plus d'un siècle. Les amendements de la loi affectent 45 des 120 articles de la Loi sur les Indiens et touchent notamment les domaines suivants: les modalités de succession de biens, les nouveaux pouvoirs aux conseils de bandes, les procédures électorales, les infractions et le droit pénal sur les réserves.

Pour contourner l'opposition générale des Premières Nations à toute modification de la Loi sur les Indiens, le ministère des Affaires indiennes a décidé de rendre cette loi optionnelle et a réduit considérablement le nombre d'amendements à la loi par rapport à la réforme qu'il avait d'abord entreprise.

Le caractère optionnel signifie que seules les nations autochtones qui le demanderont seront régies par cette nouvelle loi; les autres demeureront sous le régime de la Loi sur les Indiens non modifiée.

(1530)

Laissez-moi vous dire que nous nous y opposons, car avec le projet de loi C-79, le Canada renoue avec son passé colonial. En effet, la Loi sur les Indiens visait à assimiler les autochtones. En tentant de modifier cette loi du siècle dernier au lieu d'adopter une nouvelle approche, le gouvernement ne rompt pas avec la politique paternaliste qui prévalait au moment de l'adoption de la Loi sur les Indiens.

Une nouvelle approche constructive avec les Premières Nations est décrite dans le rapport de la Commission royale d'enquête Erasmus-Dussault qui souligne le caractère désuet et rétrograde de la Loi sur les Indiens. Dans leur rapport, les commissaires excluent une quelconque modification de la Loi sur les Indiens comme une voie souhaitable à suivre pour établir une nouvelle relation entre les autochtones et les non-autochtones.

En somme, avec la révision de la Loi sur les Indiens, le ministre a pris la mauvaise direction. En effet, il se borne à proposer une réforme cosmétique de cette loi paternaliste, qui est rejetée par les autochtones et qui est désuète dans son ensemble.

En décembre 1993, à la veille du dépôt en Chambre du projet de loi C-79, le Bloc québécois a reçu les lettres de 542 communautés autochtones sur plus ou moins 610 qui s'opposent au projet de loi C-79, soit plus de 85 p. 100 des Premières Nations qui rejettent catégoriquement le processus par lequel le ministre a rédigé ce projet de loi.

Ce projet de loi affecte les intérêts et les droits des Premières Nations du Québec et du Canada. En fait, il n'affecte que ces communautés. Comment le gouvernement peut-il aller de l'avant alors que son projet de loi soulève déjà l'opposition de la vaste majorité de ceux à qui il s'appliquera? En cette période de rationalisation budgétaire, le gouvernement ne devrait-il pas impliquer ces minces ressources dans des projets qui recueillent l'appui des communautés concernées? Pour qui travaille le ministre?

Le ministre des Affaires indiennes prétend avoir le soutien des Premières Nations dans sa démarche. De qui s'agit-il? Le ministre n'a pas dévoilé les résultats de ses prétendues consultations. Il n'a pas démontré avec transparence qui appuyait son initiative. Quand on demande au ministre de qui il s'agit, quelles sont les communautés qui appuient son projet, il nous répond que ce ne sont pas de nos affaires. Si le ministre travaille pour l'intérêt de groupes particuliers, il devrait avoir l'honnêteté d'indiquer au grand public de qui il s'agit.

Les communautés qui rejettent le projet de loi C-79 l'ont signifié publiquement. Nous avons dans nos bureaux les lettres signées de chacune des organisations qui s'opposent au projet de loi et au processus consultatif dont il est issu. Cette opposition, qui rassemble plus de 85 p. 100 des communautés autochtones du Québec et du Canada, démontre que les prétendus appuis du ministre ne peuvent être que très minoritaires. C'est un comportement absurde.

Très peu d'engagements promis aux autochtones par le Parti libéral du Canada ont été respectés par ce parti, une fois l'élection passée. D'ailleurs, même les autochtones qui ont participé à la rédaction de cette plate-forme électorale dans le livre rouge ont tenu à se dissocier publiquement du Parti libéral, après avoir constaté l'attitude et le comportement de ce gouvernement envers les Premières Nations une fois rendu au pouvoir.

En ce qui concerne le projet de loi C-79, nulle part dans les sept pages de promesses fictives consacrées aux peuples autochtones dans le livre rouge n'est-il question d'un renouvellement de la Loi sur les Indiens. D'où sort cette initiative? Malgré cette absence, le ministre des Affaires indiennes et le premier ministre ont quand même réussi à briser les promesses du livre rouge en rédigeant, sans réelle concertation, un projet de loi qui concerne strictement les autochtones.

Je vais vous faire part d'une citation du livre rouge du Parti libéral canadien qu'on retrouve à la page 94: «Un gouvernement libéral s'engage à prévoir des concertations plus vastes entre les ministres fédéraux et les autorités autochtones pour les décisions qui touchent directement les Premières Nations, les Inuits et les Métis.»

(1535)

Est-que quatre lettres envoyées à l'Assemblée des Premières Nations en deux ans constituent une concertation plus vaste, selon les standards du Parti libéral du Canada? Si tel est le cas, les groupes d'intérêt du Québec et du Canada devraient se méfier si un gouvernement libéral suggère de les concerter. Mais aux yeux du Bloc québécois, il ne fait pas de doute que le gouvernement libéral agit de façon absurde dans le dossier du projet de loi C-79.

En effet, ce gouvernement a élaboré unilatéralement, sans consultations sérieuses, un projet de loi qui concerne directement les autochtones. Une autre citation, à la page 94 du livre rouge du Parti libéral du Canada, dit ceci: «Il est absurde d'élaborer unilaté-


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ralement des mesures budgétaires ou des politiques qui concernent directement les populations autochtones.»

Dans les faits, c'est le coeur de ces engagements envers les autochtones que ce gouvernement n'a pas respecté. À la page 94: «un nouveau partenariat»; page 94 encore, «le respect mutuel»; page 94 toujours, «un gouvernement libéral [. . .]veillera à les associer aux processus décisionnels». Ce sont autant d'illusions du livre rouge qui laissent un goût amer aux Premières Nations. Les quelques lettres qu'elles ont reçues en guise de concertation visaient simplement à les associer à un projet de loi dont elles n'ont pas pu influer les orientations fondamentales.

Force nous est de constater que le terme «consultation» ne signifie pas la même chose pour le Bloc québécois que pour ce gouvernement. Pour le Bloc québécois, cela représente plus que quatre lettres envoyées aux communautés autochtones et à leurs représentants, dont le ministre des Affaires indiennes n'a jamais voulu dévoiler les résultats. Une consultation implique deux parties qui discutent et qui réfléchissent ensemble aux conséquences d'une nouvelle loi. En effet, aucune rencontre formelle portant sur des changements législatifs à la Loi sur les Indiens n'a eu lieu entre le gouvernement et l'Assemblée des Premières Nations.

Cela aurait été plus complexe que d'écrire la loi à huis clos, mais les solutions qui auraient émergé d'un tel procédé seraient plus durables.

Ce gouvernement est-il en contradiction avec les conclusions du Comité parlementaire Penner? Je regrette qu'il ne me reste qu'une minute, parce que j'avais encore des choses à dire.

En conclusion, en refusant de mener des consultations en bonne et due forme, le gouvernement a produit un projet de loi superficiel qui ne résoudra aucun problème fondamental et qui, par conséquent, ne satisfait pas la grande majorité des Premières Nations concernées, les autochtones.

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui dans le débat sur le projet de loi C-79, la Loi modifiant la Loi sur les Indiens. Par contre, je ne suis pas très fier de ce gouvernement libéral pour ce qu'il a fait avec la question des Indiens depuis les trois ans et demi qu'il a été au pouvoir.

Trois ans et demi dans l'histoire des Indiens, ce n'est peut-être pas grand-chose au Canada, mais c'est la preuve que le gouvernement libéral actuel a un manque de vision flagrant. On présente un projet de loi qui, théoriquement, veut traiter de choses qui sont assez importantes; on parle de modalités de succession des biens, des nouveaux pouvoirs aux conseils de bandes, des procédures électorales, des infractions et du droit pénal sur les réserves.

Malheureusement, devant l'assaut d'opposition, je dirais, qu'on a rencontré chez les groupes, plus de 500 groupes amérindiens sont venus dire au gouvernement, et ils nous ont fait parvenir des copies de ces lettres, qu'ils ne voulaient pas de ce projet de loi. Et je crois qu'un constat doit être fait au Canada, et c'est valide aussi pour le Québec.

Dans le passé, on n'a pas toujours traité les autochtones, les Amérindiens, comme des adultes, et tenter d'avoir une relation d'égal à égal avec eux. Le ministre, plutôt que de changer cette façon de faire, la perpétue. Imaginez l'impact qu'aura le fait que cette loi soit optionnelle, c'est-à-dire que des communautés pourront être couvertes par la loi, alors que d'autres ne le seront pas.

(1540)

Vous vous imaginez évidemment que ce sera le bâton et la carotte. On offrira des avantages particuliers à certaines communautés pour qu'elles adhèrent à l'application optionnelle de la loi. Il en découlera un accroissement de situations inacceptables qui ont déjà été dénoncées, notamment par le vérificateur général du Canada, concernant l'allocation des sommes, la façon dont l'argent du gouvernement fédéral est accordé aux autochtones et la façon dont ils l'utilisent.

On peut s'interroger sérieusement à savoir pourquoi le ministre a fait ce choix. Pourquoi ne pas être allé en profondeur, ne pas avoir analysé vraiment le fond de la question comme la Commission royale d'enquête Erasmus-Dussault l'a fait dans une étude approfondie? On peut ne pas être d'accord avec toutes les recommandations de ce rapport, mais il s'agit d'une oeuvre importante qui a envisagé l'ensemble de la situation. Pourquoi le ministre arrive-t-il avec un projet de loi que j'appelle un projet de loi cosmétique, électoral?

On veut pouvoir se promener pendant la campagne électorale en disant: «Nous avons adopté une Loi modifiant la Loi sur les Indiens; nous avions dit dans notre programme que nous le ferions et nous l'avons fait.» C'est beau, la cosmétique électorale, mais ce n'est pas pour ça qu'on a été élus.

On est élus pour, en bout de ligne, réaliser vraiment les engagements qu'on met sur la table lors des campagnes afin de pouvoir être crédible en tant que gouvernement. Dans ce domaine, comme dans bien d'autres, le gouvernement libéral actuel fait ce qu'on pourrait appeler une opération de camouflage. C'est comme si on avait une vieille auto rouillée et qu'on décidait de mettre un peu de peinture dessus pour cacher, le temps de la période électorale, les taches de rouille qui vont ressortir.

La situation des Indiens au Canada est une situation beaucoup plus grave et plus importante. Je vous lis la position adoptée par le Parti libéral dans le livre rouge. On disait: «Un gouvernement libéral s'engage à prévoir des concertations plus vastes entre les ministres fédéraux et les autorités autochtones pour les décisions qui touchent directement les Premières Nations, les Inuits et les Métis.» Il y a 542 communautés qui s'opposent au projet de loi C-79, donc 85 p. 100 des communautés. Quelque part, il y a un manque de logique. C'est irrationnel. Cette décision du gouvernement fédéral est même insultante pour les communautés autochtones.

Il y a une autre phrase dans le livre rouge qui est encore plus suave quand on la lit aujourd'hui: «Il est absurde d'élaborer unilatéralement des mesures budgétaires ou des politiques qui concernent directement les populations autochtones.» En ce moment, on présente cette loi qui aura des impacts budgétaires et politiques impor-


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tants, notamment à cause du caractère optionnel, et ce, sans l'appui des communautés autochtones.

Si j'étais membre d'une communauté autochtone, je serais encore plus abasourdi devant la façon dont le gouvernement du Canada les traite. Il faut se souvenir que la Loi sur les Indiens est une loi qui a été rédigée sur le même principe, la même structure que la loi sur l'apartheid en Afrique du Sud. Cela découle d'une grande sagesse de l'empire britannique, il y a plusieurs années. Depuis ce temps, on n'est jamais allé au fond du problème, pour savoir vraiment comment régler les difficultés avec les communautés autochtones, les droits réels de ces communautés et la façon de les traiter.

Aujourd'hui, le gouvernement libéral nous met devant une réalité assez triste. Si cette loi est adoptée par le Parlement, les autochtones pourront dire qu'une fois de plus, le gouvernement, comme dirais le député de Mégantic-Compton-Stanstead, a décidé de pelleter le problème, de passer à côté de la réalité actuelle.

Si j'étais un autochtone, je serais assez perplexe. À première vue, je me demanderais ce qui fait que le gouvernement du Canada, qui est supposé être mon défenseur, qui est prévu comme tel dans la loi, adopte de telles lois, alors que les seuls qui prennent vraiment notre défense sont les souverainistes québécois? Qu'est-ce qui se passe dans ce Parlement pour qu'on soit rendu à des situations semblables?

Une des réponses, c'est qu'au Québec, depuis plusieurs années, on a commencé à traiter les communautés autochtones avec le respect qu'elles méritent. On a commencé par leur reconnaître le statut de nation, et ensuite, dans des péripéties pas toujours faciles, on essaie toujours d'établir une relation qui évolue lentement dans le cadre de négociations.

(1545)

Il ne s'agit pas simplement de respecter un engagement électoral en faisant adopter un projet de loi pour qu'ensuite, pendant la campagne électorale, on dise: «Vous voyez, cette promesse, la 82e ou la 83e, a été respectée, ce qui accroît notre pourcentage à 82 p. 100 ou 83 p. 100.»

Des résultats quantitatifs comme ceux-là ne sont pas ce que le peuple du Québec et du Canada, ce que les peuples autochtones s'attendent à recevoir de leur gouvernement. Leur souhait est plutôt d'aller au fond des questions, parce qu'il y a des problèmes sociaux, des problèmes économiques importants qui résultent de l'inaction du gouvernement canadien depuis plusieurs décennies dans ce domaine. Celui-ci, qui annonçait des choses intéressantes dans son livre rouge, n'a pu d'aucune façon livrer le produit.

Aujourd'hui, à la veille d'une campagne électorale, il nous place devant un projet de loi tout à fait inacceptable. J'invite donc les députés de la majorité à retourner consulter les 542 communautés qui nous ont écrit pour nous dire qu'elles voulaient que le projet de loi ne soit pas adopté, qu'elles voulaient qu'il soit rejeté. Elles nous donnaient les raisons pour lesquelles elles voulaient qu'il soit rejeté.

Chacun d'entre vous, de la majorité libérale, dans votre circonscription respective, avant que la campagne électorale n'arrive, pendant la période où le projet de loi sera soumis au comité pour étude, devriez aller voir vos communautés et leur demander les raisons pour lesquelles le projet de loi leur apparaît inacceptable.

Je suis certain que lorsque vous reviendrez de cette consultation, de cette tournée, vous allez vous organiser pour que votre gouvernement fasse au moins mourir ce projet de loi ou ait le courage d'en proposer un qui transforme de fond en comble la relation avec les autochtones à l'intérieur du Canada, de telle façon qu'on puisse effacer ce problème majeur. Il faut solutionner un problème qui entache la qualité de vie démocratique qu'on a dans ce pays, parce que ce n'est pas avec une solution comme le projet de loi C-79 qu'on va arriver à des conclusions intéressantes.

Je dirais, en terminant, qu'il faut absolument que tout projet de loi qui parle de relations avec les autochtones mette comme principe de base de les traiter en adultes et de respecter leurs droits. C'est pour cela que le Bloc québécois se place à leur défense contre ce projet de loi, qui est inéquitable.

Le président suppléant (M. Milliken): Je reconnais maintenant l'honorable député de Compton-Stanstead. . .

M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Mégantic-Compton-Stanstead, monsieur le Président.

Le président suppléant (M. Milliken): Comme toujours, j'ai oublié la première appellation.

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, peut-être que vous présumez du résultat de la prochaine élection, et c'est pour cela que vous me désignez sous l'appellation de député de Compton-Stanstead. En effet, après la prochaine campagne électorale, mon comté, qui a été modifié considérablement et amputé de la section de Mégantic, portera le nom de Compton-Stanstead.

Je vois donc en vous un visionnaire qui déjà reconnaît que non seulement je serai réélu dans le comté de Compton-Stanstead, mais que le Bloc québécois se retrouvera ici en force après les prochaines élections pour, on le sait, défendre les intérêts des Québécois et des Québécoises.

Mon collègue, qui ne veut qu'entendre la vérité, a parfaitement raison, et c'est ce que je vais tenter de faire au cours des quelques minutes qui viennent. Je vais tenter d'expliquer quelle est la vérité par rapport au projet de loi C-79.

D'abord, permettez-moi de prendre quelques secondes de mon temps pour rendre hommage à mon collègue qui s'acquitte de sa tâche de porte-parole en matière d'affaires indiennes avec un brio qui est reconnu par l'ensemble des intervenants concernant cette question, qui en est une fort délicate et importante, non seulement pour l'avenir des communautés autochtones, mais pour l'avenir de nos communautés respectives, c'est-à-dire le peuple québécois et le peuple canadien.

On ne peut traiter de cette question à la légère, comme le gouvernement libéral le fait depuis déjà des décennies, je dirais même depuis la fondation même du Canada, c'est-à-dire en niant la réalité. On vient d'assister, au cours des dernières années, à une étude qui


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n'a aucun précédent en cette matière et je dirais dans l'ensemble de l'activité gouvernementale.

(1550)

Je parle naturellement du rapport Erasmus-Dussault qui a été déposé, il y a quelques mois à peine. Cette étude a duré des années, elle a fait le tour de la question autochtone et elle a proposé, dans ses recommandations, un plan d'ensemble. C'était la caractéristique, et ce l'est encore, de ce rapport Erasmus-Dussault de proposer un plan d'ensemble quand on aborde la question autochtone.

Je ferai également remarquer qu'outre mon collègue de Saint-Jean qui, je le rappelle, a fait un travail et continue de faire un travail extraordinaire en cette matière, le gouvernement du Québec a également pris des positions dans le passé qui allaient dans le sens des attentes et des demandes des nations autochtones au Québec. Je me réfère au gouvernement de l'ex-premier ministre, René Lévesque.

Ce fut le premier gouvernement en Amérique du Nord à reconnaître les nations autochtones pour ce qu'elles étaient, c'est-à-dire des peuples, des gens qui avaient et qui ont une culture différente, qui veulent vivre en développant, en faisant en sorte que cette culture puisse prendre plus d'importance, non seulement pour leur propre communauté, mais également influencer les communautés avec lesquelles ils cohabitent. Au Québec, on a été les premiers, en tant que peuple, en tant que gouvernement, à reconnaître ce fait. C'est important de le rappeler.

Il faut également rappeler, au-delà de toute partisanerie, que le gouvernement du Québec, le gouvernement libéral de Robert Bourassa, dans les années 1970, a été également le premier gouvernement à négocier une entente avec une nation autochtone, les Inuits du nord du Québec concernant le développement de la Baie James, une entente qui, sans être parfaite, a constitué un précédent historique, faisant en sorte que des peuples, une nation autochtone en l'occurrence, soient considérés comme tels, comme un interlocuteur valable et pouvant décider pour son peuple, ce qui a amené à l'Entente de la Baie James, qui a été, à plusieurs occasions dans le passé et c'est le cas encore maintenant, cité en exemple.

Je vais référence à ces deux prises de position pour signaler qu'on peut, en tant que peuple, vouloir assurer son avenir. On peut, en tant que peuple, vouloir se développer tout en respectant les peuples avec lesquels on cohabite et on vit. C'est l'exemple que l'on doit retenir des positions antérieures prises par les gouvernements du Québec dans le cas des communautés autochtones.

Ce que l'on a devant nous maintenant ressemble davantage à un travail bâclé. C'est-à-dire qu'à la suite de la Commission Erasmus-Dussault, qui a coûté au-delà de 50 millions de nos taxes, qui a produit un rapport de milliers de pages avec des centaines de recommandations qui proposent un plan d'ensemble, au lieu de cela, on arrive avec une proposition du gouvernement libéral, à la toute veille des élections, proposition qui est bâclée. Ce gouvernement ne veut pas retourner en campagne électorale sans pouvoir dire qu'il n'a rien fait dans le dossier autochtone. Donc, le projet de loi C-79 veut régler à la pièce un certain nombre de problèmes.

Ce n'est pas de cette façon que cela doit être fait, et je considère que c'est presque une insulte pour les peuples autochtones de procéder de cette façon. Ce n'est pas comme cela qu'on va régler les problèmes que l'on vit avec les nations autochtones en tant que gouvernement. Il faut reconnaître leur existence, leur réalité et reconnaître aussi le rapport Erasmus-Dussault qui est, en ce sens, très important, très enrichissant, et c'est en s'assoyant avec ces communautés qu'on définira leur avenir.

(1555)

C'est la seule façon logique et intelligente de procéder dans ce dossier comme dans l'ensemble des dossiers. C'est ce que mon collègue de Saint-Jean, au nom du Bloc québécois, propose.

Ce n'est pas vrai qu'on va accepter d'appuyer un projet de loi qui ne constitue même pas le début d'un balbutiement d'un règlement honorable par rapport aux demandes faites par les nations autochtones. Il faut que le gouvernement, dont son ministre, qui n'a pas l'habitude de s'asseoir et de consulter, prenne cette habitude. Il faut s'asseoir avec les nations autochtones, voir avec elles et leurs représentants ce qu'elles souhaitent, comment elles veulent que l'on planifie les changements nécessaires qui doivent intervenir dans les relations entre le gouvernement fédéral et l'ensemble des communautés.

Est-ce que le député de Saint-Jean, qui a convaincu ses collègues, dont je suis, de la justesse de cette proposition, est maintenant le seul, sommes-nous les seuls à voir ainsi le règlement des problèmes des communautés autochtones? Non.

Mon collègue de Kamouraska-Rivière-du-Loup le soulignait tout à l'heure, et il n'est pas superflu de le rappeler de nouveau, on sait que les représentants du gouvernement libéral ont, c'est le moins qu'on puisse dire, l'oreille dure et, parfois, la compréhension douloureuse, ce qui fait qu'il faut répéter plus d'une fois les mêmes choses pour parvenir à tout le moins à leur faire comprendre, ou à être entendus par le gouvernement.

Il est important, dans ce dossier, de rappeler que 542 communautés sur un total de plus ou moins 610, non pas au Québec mais dans l'ensemble du Canada, s'opposent au projet de loi; 85 p. 100 des Premières Nations rejettent catégoriquement le processus proposé par le ministre.

Je vais conclure sur cette remarque que je viens de faire: 85 p. 100 des communautés autochtones, des Premières Nations, rejettent le processus proposé par le ministre. Qu'à cela ne tienne, le ministre, dans son entêtement, et ce gouvernement, veulent aller de l'avant. Le ministre et son gouvernement vont bâcler ce projet de loi, simplement à des fins électoralistes, pour pouvoir dire en campagne électorale qu'ils ont commencé à s'occuper du dossier autochtone. On va dénoncer cette situation maintenant et pendant la prochaine campagne électorale.

Le président suppléant (M. Milliken): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.


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Le président suppléant (M. Milliken): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Milliken): Que tous ceux qui appuient la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (M. Milliken): Que tous ceux qui s'y opposent veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Milliken): À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le président suppléant (M. Milliken): Convoquez les députés.

(1600)

Et la sonnerie s'étant arrêtée:

Le président suppléant (M. Milliken): À la requête du whip en chef de l'opposition, le vote par appel nominal est différé jusqu'à demain, à la fin des ordres émanant du gouvernement.

* * *

[Traduction]

LOI SUR LA SÛRETÉ ET LA RÉGLEMENTATION NUCLÉAIRES

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 12 février, de la motion: Que le projet de loi C-23, Loi constituant la Commission canadienne de sûreté nucléaire et modifiant d'autres lois en conséquence, soit lu pour la troisième fois et adopté.

M. David Chatters (Athabasca, Réf.): Monsieur le Président, je me réjouis de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui de prendre part au débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-23, Loi constituant la Commission canadienne de sûreté nucléaire.

Il convient de noter que ce projet de loi constitue le premier effort consenti en 50 ans pour redéfinir les relations existant entre la population canadienne et son gouvernement dans l'industrie nucléaire. Le fait qu'il s'agit du premier effort accompli en 50 ans constitue pour le Parti réformiste un motif suffisant pour accorder à tout le moins son appui conditionnel à cette mesure législative. Certes, nous reconnaissons l'effort ainsi déployé. Mais j'insiste sur le mot «conditionnel», car ce projet de loi comporte bien des lacunes.

Les lacunes du projet de loi ont été relevées au sein du comité et à l'étape du rapport. Ces lacunes subsistent dans le projet de loi dont nous sommes saisis parce que, comme toujours, le gouvernement libéral n'a pas daigné examiner sérieusement les propositions des députés de l'opposition, aussi bien bloquistes que réformistes. Pourtant, les propositions de mon collègue du Bloc étaient bien étayées et partaient d'une bonne intention. Elles allaient sensiblement dans le sens de celles de mon collègue, le député de Nanaïmo-Cowichan. Les deux groupes d'amendements auraient eu pour effet d'accroître la transparence des activités qui se déroulent dans l'industrie nucléaire canadienne.

Je vais passer en revue ces propositions en précisant les raisons pour lesquelles elles ont été jugées inacceptables. Les propositions avaient pour but de faire en sorte que l'industrie nucléaire rende davantage de comptes aux Canadiens et que ces questions soient compréhensibles pour les Canadiens de tout le pays et nos vis-à-vis. Je ne comprends pas pourquoi la notion de responsabilité pose un tel problème aux libéraux, mais c'est évident lorsqu'on se penche sur les autres questions dont la Chambre a été saisie, par exemple la TPS, l'affaire Airbus et la commission d'enquête Krever. Cependant, cela ne les excuse en rien d'agir ainsi dans ce cas-ci.

Les questions de transparence et de responsabilité sont au coeur de ce projet de loi et si on se fie à ce que les témoins nous ont dit au comité, les Canadiens y attachent une importance extrême. Depuis des années, l'industrie nucléaire au Canada fonctionne avec très peu de contrôle public, très peu de transparence et peut agir en toute impunité, pourrait-on dire. Quoi qu'il en soit, la population canadienne a le sentiment que la sécurité des installations nucléaires n'est pas une priorité pour le gouvernement libéral actuel, pas plus qu'elle ne l'était pour les gouvernements libéraux et conservateurs précédents. Le projet de loi C-23 ne remédie pas à cette situation, ce qui est regrettable, car le gouvernement avait l'occasion de le faire.

Pour illustrer les lacunes du projet de loi, considérons la question de la sécurité des installations nucléaires en fonction de l'élimination des déchets nucléaires. C'est une question sur laquelle je vais continuellement revenir. En mai 1995 et en novembre 1996, dans son rapport, le vérificateur général a signalé que l'élimination de déchets faiblement ou hautement radioactifs coûterait des milliards de dollars. Toutefois, il a fait remarquer que la part du gouvernement fédéral des coûts d'assainissement ne faisait pas partie de ses prévisions budgétaires. Il a ajouté que cela constituait une dette importante non financée qui modifiait la situation financière communiquée par le gouvernement.

Mes vis-à-vis vont prétendre, comme la ministre des Ressources naturelles l'a fait le 26 novembre 1996, que le gouvernement prend très au sérieux les questions de santé liées à l'élimination des déchets nucléaires. Or, la réalité et l'absence d'une action concertée par le gouvernement en disent long sur la négligence et les problèmes liés aux déchets nucléaires. Quoi qu'il en soit, le vérificateur général a signalé que le gouvernement fédéral ne tenait pas compte des coûts associés à l'assainissement des lieux fédéraux contaminés. Cela devrait montrer aux Canadiens que les méthodes comptables du gouvernement fédéral laissent à désirer et que les libéraux n'assument pas leurs responsabilités face aux contribuables.

(1605)

Lorsque nous comparons cela aux efforts qu'a déployés récemment le gouvernement fédéral pour remettre à plus tard et, peut-être, rompre sa promesse d'enfouir des déchets radioactifs de faible activité près de la ville de Deep River, les Canadiens peuvent voir que le gouvernement ne parle pas sérieusement lorsqu'il dit qu'il


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veut s'attaquer aux problèmes et trouver les solutions qui s'imposent en ce qui concerne l'enfouissement des déchets nucléaires.

Bref, le gouvernement refuse de reconnaître la catastrophe environnementale qui se produit dans sa propre cour ou les coûts éventuels associés à son nettoyage. Il revient sur la promesse qu'il avait faite aux habitants de Deep River et ferme les installations de recherche et de développement parce qu'il dit n'avoir pas suffisamment d'argent pour payer pour les services dans ces domaines. Cependant, je tiens à rappeler aux Canadiens et aux libéraux que ces derniers n'ont aucun mal à prêter au gouvernement chinois 1,5 milliard de dollars puisés dans la poche des contribuables. Les libéraux peuvent agir ainsi pour que le gouvernement actuel de la Chine puisse construire des réacteurs CANDU.

Le projet de loi C-23 alourdit le fardeau de réglementation que supporte déjà l'industrie nucléaire. La Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires remplace la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique et met en place un nouveau cadre de réglementation pour l'industrie de l'énergie nucléaire.

La ministre des Ressources naturelles a déclaré que le projet de loi avait pour objet de moderniser les règlements sur l'énergie nucléaire et d'éliminer le dédoublement avec les organismes de réglementation provinciaux. Il y a un demi-siècle que cela n'avait pas été fait.

Le président suppléant (M. Milliken): À l'ordre. Je donne la parole au ministre de la Défense nationale qui invoque le Règlement.

* * *

RECOURS AU RÈGLEMENT

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, comme la présidence le sait, on doit entendre un discours très important à la Chambre cet après-midi.

Au cours de la période des questions, tout à l'heure, la députée de Beaver River a comparé les parlementaires à des gorets et je voudrais présenter des excuses, parce que je suis alors intervenu en faisant une allusion en ce sens. Mes paroles étaient totalement déplacées. Je les retire.

Le président suppléant (M. Milliken): Je remercie le ministre.

* * *

LOI SUR LA SÛRETÉ ET LA RÉGLEMENTATION NUCLÉAIRES

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-23, Loi constituant la Commission canadienne de sûreté nucléaire et modifiant d'autres lois en conséquence, soit lu pour la troisième fois et adopté.

M. Chatters: Monsieur le Président, je voudrais établir le contexte de la mesure à l'étude en retournant 50 ans en arrière. Quand l'ère atomique a débuté au Canada, nous étions en proie à la Seconde Guerre mondiale. Les scientifiques qui ont découvert la fission nucléaire ont compris l'énorme potentiel qu'elle recélait comme arme si on la contrôlait et comme outil de destruction de la planète si on ne la contrôlait pas.

Depuis, on a donné aux expériences et aux installations nucléaires la cote de sécurité la plus élevée possible. La nécessité absolue du secret a hanté le domaine de l'énergie atomique et nucléaire depuis lors. Il est certain que la même situation n'existe plus aujourd'hui au Canada. Le Canada refuse depuis longtemps de participer à la production d'engins de guerre nucléaires ou des articles de production de guerre, et aurait dû par conséquent rejeter également le voile du secret qui entoure la production d'énergie nucléaire au Canada.

Le rôle nucléaire du Canada a commencé avec la construction d'installations de recherches à Chalk River, et Ontario, et, chose assez étrange, la fermeture récente d'un établissement de recherche à Chalk River pourrait également marquer la fin de l'ère nucléaire au Canada.

Trop souvent, les activités des installations relevant de l'EACL sont entourées de secret. Je reconnais que le droit de savoir du public doit être tempéré par les considérations de sécurité nationale, mais les problèmes de sécurité nationale ne sont certainement pas aussi importants aujourd'hui qu'ils l'étaient il y a une cinquantaine d'années.

Cela a cependant permis de fournir au gouvernement une excuse toute prête qu'il peut évoquer pour limiter l'accès des Canadiens à l'information en ce qui concerne les questions d'énergie nucléaire. Le projet de loi C-23 aurait pu commencer à dissiper une partie de l'inquiétude et du malentendu qui accablent les activités au sein de l'industrie nucléaire canadienne depuis 50 ans.

Je soutiens encore une fois à tous les députés qu'il est nécessaire de tenir le public informé des questions concernant la sûreté et l'énergie nucléaires.

(1610)

Étant donné ce qui s'est passé ces derniers mois dans les installations de l'EACL un peu partout au Canada, la transparence fait cruellement défaut au gouvernement.

Ainsi, il faudrait expliquer aux Canadiens les raisons de la fermeture du cyclotron supraconducteur de Chalk River. Il faut que les Canadiens sachent que la ministre fédérale des Ressources naturelles a fermé ces installations le 31 janvier 1997, à 11 heures.

Les libéraux n'ont même pas attendu que la Chambre reprenne ses travaux, car alors il aurait été possible de discuter de cette fermeture. Même la présence du député de Renfrew-Nipissing-Pembroke au caucus libéral n'a pu empêcher cette fermeture. C'est dégoûtant.

Mais peut-être la fermeture du TASCC a-t-elle été sa récompense pour avoir voté contre le projet de loi C-68 sur la réglementation des armes à feu. Des centaines de scientifiques du monde entier, dont trois lauréats du prix Nobel, étaient intervenus auprès de la ministre des Ressources naturelles en octobre pour sauver ces installations de recherche. Peine perdue.


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Je signale à ceux qui nous écoutent que les contribuables canadiens ont consacré 70 millions de dollars à la construction de ces installations. Elles sont maintenant fermées. Elles ne valent plus rien. Et les chercheurs qui y travaillaient s'apprêtent à partir aux États-Unis où, bien entendu, la R-D est prise plus au sérieux.

Les anciens employés du TASCC ont dit que le matériel de Chalk River pourrait se retrouver au Brookhaven Institute, aux États-Unis.

Les réformistes et tous les Canadiens peuvent s'interroger sur la vision à courte vue du gouvernement en matière de R-D. La question demeure, toutefois, de savoir pourquoi les libéraux ont fermé cette installation.

Ils soutiendront que c'est une question de priorités et que le gouvernement ne pouvait pas trouver l'argent qu'il fallait. Et pourtant, faute de 3 millions de dollars de frais de fonctionnement, le gouvernement a bel et bien jeté 70 millions de dollars par les fenêtres. Et cela, même si des compagnies comme Spar Aérospatiale finançaient de plus en plus les efforts de recherche au CSAT au moyen de fonds privés. Éventuellement, l'installation aurait fonctionné sans le recours à l'argent des impôts.

Toutefois, voyons quels sont en général les priorités et les engagements financiers du gouvernement. Le CSAT avait besoin de 3 millions de dollars de subventions au fonctionnement pour rester ouvert. Le gouvernement soutient qu'il n'avait pas cet argent. Et pourtant, le même gouvernement a consacré quelque 20 millions de dollars en distribution de drapeaux canadiens, 100 millions de dollars pour le bureau de propagande de Montréal, et 87 millions de dollars en prêt à la prospère et solide société Bombardier, de Montréal. Malheureusement, les libéraux ont dû dépenser plus de 3 millions de dollars de l'argent des contribuables pour s'excuser auprès de l'ancien premier ministre Mulroney et payer ses avocats. Les libéraux perdront probablement un autre milliard de dollars pour avoir eu l'incompétence de bousiller l'affaire de l'Aéroport Pearson.

Peut-être n'est-il pas juste pour mes collègues d'en face que je signale les sommes qu'ils ont gaspillées sur ces projets. Les libéraux voudront sans doute faire remarquer que ces dépenses n'ont rien à voir avec l'Énergie atomique du Canada limitée ni, d'ailleurs, avec la Commission canadienne de sûreté nucléaire que le projet de loi C-23 vise à constituer.

Les députés d'en face veulent que les Canadiens croient que l'engagement libéral à l'égard des activités de R et D est conforme aux promesses du livre rouge.

De toute manière, le vrai coup qui a été porté aux contribuables canadiens se situe au niveau des dépenses de recherche et de développement considérées comme prioritaires à l'ÉACL.

Juste avant Noël, le gouvernement a annoncé la vente de réacteurs CANDU au gouvernement chinois. Pour que l'entente soit ratifiée, le gouvernement du Canada s'est engagé à octroyer aux autorités chinoises un prêt de 1,5 milliard de dollars financé à même l'argent des contribuables canadiens.

Le gouvernement était disposé à mettre sur table 1,5 milliard de dollars, mais n'a pu trouver une minuscule fraction de la somme de 3 millions de dollars nécessaire pour maintenir en activité les installations TASCC à Chalk River.

Encore une fois, ce programme, comme bien d'autres dans le domaine de l'énergie nucléaire, semble entourer de mystère et c'est ce mystère, plus que toute autre chose, qui est responsable du fait que la population comprend mal le nucléaire et en a peur. Cependant, toute activité nucléaire produit des déchets radioactifs.

La contamination radioactive est l'autre grande question à laquelle doit s'attaquer l'industrie nucléaire d'aujourd'hui et de demain. Cela pose un grave problème au gouvernement, car non seulement nous exploitons des mines d'uranium et exportons ce produit, mais nous en alimentons aussi nos réacteurs.

Le Canada est l'un des principaux producteurs d'uranium au monde et, par conséquent, l'un des principaux producteurs de résidus d'uranium. Il s'agit du résidu de l'extraction de l'uranium. Le gouvernement l'a reconnu et a décidé que toute mesure législative doit veiller à ce que les industries de l'extraction et du raffinage de l'uranium soient assujetties aux contrôles gouvernementaux, comme ceux que l'on trouve dans le projet de loi C-23.

(1615)

Il est clair que le Canada dispose d'une grande expertise technique dans le secteur nucléaire et notamment dans la construction de réacteurs nucléaires. Cette expertise devrait être mise en valeur, mais pas au détriment d'autres domaines où des contrôles doivent être exercés.

Encore une fois, je tiens à signaler aux députés d'en face que le projet de loi C-23 n'apporte pas une solution satisfaisante au problème des déchets radioactifs, notamment les déchets hautement radioactifs.

Le problème des déchets hautement radioactifs est exacerbé par la rumeur de l'évacuation de plutonium de Russie et des armes nucléaires américaines, qui doivent être détruites. Encore une fois, le Canada a de l'expertise et peut venir en aide aux autres pays. Toutefois, il ne peut le faire que si la population est au courant, si elle comprend bien les risques et si elle donne son accord.

Ce projet de loi ne renferme aucune disposition permettant à un organisme public d'informer la population sur les conséquences ou les risques liés à la combustion de plutonium dans un réacteur canadien.

Il ne fait aucun doute qu'il nous faut un projet de loi comme le projet de loi C-23. Toutefois, les réformistes estiment qu'il n'est pas satisfaisant dans deux importants domaines. Le premier était la sensibilisation du public. Le public a le droit de savoir ce qui se passe et de contribuer à la prise de décision sur ce que le Canada devrait faire ou ne pas faire dans le domaine nucléaire.

Les Canadiens doivent avoir davantage accès aux faits que par le passé. Hélas, les modifications proposées par mon collègue, le député de Nanaïmo-Cowichan n'ont pas été acceptées. Elles auraient pourtant réglé le problème de l'information publique par


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l'attribution d'une certaine responsabilité en matière d'information publique à la Commission canadienne de sûreté nucléaire.

La deuxième carence du projet de loi C-23 est le fait que l'on supprime la responsabilité ministérielle en matière de promotion de la sûreté nucléaire. Si la ministre des Ressources naturelles est responsable de la promotion de l'industrie nucléaire, et cela est en soi une question, elle doit également être responsable de tous les aspects de la sûreté nucléaire.

Les députés de l'opposition ont présenté des motions qui auraient réglé le problème du court-circuitage de la responsabilité ministérielle, mais le gouvernement a choisi de ne pas en tenir compte.

Comme je l'ai déjà dit, mes collègues réformistes et moi allons appuyer le projet de loi à l'étape de la troisième lecture. Nous tenons cependant à faire remarquer aux députés des deux côtés de la Chambre que le projet de loi C-23 est la première tentative en cinquante ans pour redéfinir la relation entre le public et l'industrie nucléaire au Canada.

Le projet de loi C-23 ne constitue donc que les premiers pas dans la bonne direction. Toutefois, on attend encore que le gouvernement mette en place des mesures qui ouvriraient l'industrie nucléaire à un examen public plus approfondi.

On espérait aussi que la Commission canadienne de sûreté nucléaire chargée d'informer le public serait transparente dans la conduite de ses affaires. Malheureusement, ce ne sera pas là un des avantages qui découleront du projet de loi C-23.

En terminant, j'insiste pour dire aux Canadiens que les députés réformistes corrigeraient beaucoup des imperfections du projet de loi C-23 si on leur permettait de le faire. En fait, il se peut fort bien que nous en ayons l'occasion après les prochaines élections.

Le président suppléant (M. Milliken): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le président suppléant (M. Milliken): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Des voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée, le projet de loi est lu une troisième fois et adopté.)

SUSPENSION DE LA SÉANCE

Le président suppléant (M. Milliken): Étant donné l'heure qu'il est, y a-t-il consentement de la Chambre pour que nous suspendions la séance jusqu'à l'appel de la présidence à 16 h 30?

Des voix: D'accord.

(La séance est suspendue à 16 h 19.)

[Français]

REPRISE DE LA SÉANCE

La séance reprend à 16 h 35.

Le Président: Comme il est 16 h 30, la Chambre abordera maintenant l'étude de la motion des voies et moyens no 15 ayant pour objet l'exposé budgétaire.

* * *

LE BUDGET

EXPOSÉ FINANCIER DU MINISTRE DES FINANCES

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.) propose:

Que la Chambre approuve le politique budgétaire générale du gouvernement.
-Monsieur le Président, je dépose les documents budgétaires, y compris les avis de motions de voies et moyens. Les détails des mesures figurent dans les documents. Je demande que ces motions soient inscrites à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

Conformément à un ordre adopté par la Chambre, je déposerai aujourd'hui un projet de loi portant autorisation d'emprunter pour l'exercice financier 1997-1998. J'annonce également que le gouvernement déposera, à la première occasion, des projets de loi pour mettre en oeuvre les autres mesures annoncées dans ce budget, dès lors que la mise en oeuvre de ces mesures l'exigera.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, aujourd'hui, je tiens à exprimer, au nom du premier ministre et en mon nom, notre gratitude aux divers comités du caucus et de la Chambre, notamment le Comité permanent des finances, pour tout le travail qu'ils ont accompli en préparation de ce budget, le quatrième de ce gouvernement.

[Traduction]

Comme lors des budgets précédents, les membres du Cabinet dans leurs ministères respectifs ont été confrontés à des choix difficiles. Les membres du caucus, pour leur part, ont participé au débat en première ligne dans leurs circonscriptions. Nous tenons à leur témoigner toute notre reconnaissance.

Enfin et surtout, nous sommes très redevables aux Canadiennes et Canadiens qui, en nombre sans précédent, nous ont fait profiter de leurs points de vue et de leurs idées. Ils ont répondu avec enthousiasme et dynamisme à l'ouverture accrue du processus budgétaire. Le pays ne s'en porte que mieux.

[Français]

Nous nous sommes fixé, dès notre arrivée au pouvoir, des objectifs bien clairs: renforcer l'économie canadienne pour qu'elle crée davantage d'emplois; faire du Canada une société plus forte en préservant les programmes qui favorisent le bien-être de notre population; bref, redonner confiance aux Canadiens et aux Canadiennes dans leur avenir.


8290

Quand nous sommes entrés en fonction, les Canadiens et les Canadiennes étaient conscients de la nécessité d'engager des réformes en profondeur. Ils ne voulaient pas de demi-mesures. Ils voulaient des solutions durables. Ils voulaient que leur gouvernement élabore un plan et qu'il le mette en oeuvre. Tout cela, nous l'avons fait et nous continuons de le faire.

Notre pays a dû prendre des décisions difficiles et s'adapter en conséquence. Mais nous avons accompli bien des progrès qui nous placent maintenant sur la voie de la réussite. La tâche qui nous incombe aujourd'hui est de mener ces progrès à terme.

[Traduction]

Nous voulons faire deux choses aujourd'hui. Nous voulons d'abord rendre compte à la population canadienne des progrès accomplis, et ensuite décrire le chemin qui reste à parcourir. Ce budget montre que les efforts que nous avons déployés pour assainir les finances de la nation suivent le plan fixé, que nous avons fait beaucoup mieux que l'objectif visé et que nous gardons le cap sur la réduction du déficit.

C'est un budget sans nouvel impôt ni nouvelle taxe pour la population. Un budget qui comporte même des réductions d'impôt dans certains secteurs. C'est un budget qui ne prévoit aucune nouvelle réduction aux programmes fédéraux. C'est un budget qui renforce notre plan de croissance économique, notre plan pour l'emploi à court et à long terme. C'est un budget qui annonce d'importants investissements dans des secteurs prioritaires pour les Canadiens: l'éducation postsecondaire, les soins de santé, et les enfants.

(1640)

Enfin, c'est un budget qui trace la route à suivre pour les prochaines années. En effet, nos préoccupations ne s'arrêtent pas à la fin du mandat en cours; nous devons également préparer le Canada au prochain millénaire.

Depuis la récession marquée du début des années 1990, la reprise économique au Canada n'a pas été aussi vigoureuse que nous l'aurions souhaité. Le témoignage le plus concret de cette réalité est un taux de chômage toujours trop élevé. Néanmoins, notre économie prend maintenant de l'expansion et se renforce.

[Français]

Les taux d'intérêt sont à leur plus bas niveau en près de 35 ans. L'inflation reste bien maîtrisée. En 1996, notre balance commerciale s'est soldée par un excédent record des exportations sur les importations. Notre balance courante est devenue excédentaire pour la première fois en douze ans. Cela signifie qu'une plus forte proportion des revenus générés au Canada demeurent dans notre pays, au lieu de prendre le chemin de l'étranger.

[Traduction]

Ce regain de confiance dans notre économie n'est pas l'effet du hasard. Ce résultat est dû aux efforts consentis par des millions de Canadiennes et de Canadiens, qui tous, chacun à leur façon, travaillent à bâtir un avenir meilleur. Ce résultat a été possible parce que les gouvernements ont finalement pris conscience d'une réalité que la population connaît depuis longtemps: des déficits chroniques et une dette hors de contrôle font obstacle à la création d'emplois.

On peut déclarer, sans exagération, qu'il y a quatre ans seulement, l'avenir économique de notre pays était exposé à de graves risques. Un cercle vicieux s'était mis en place. Des déficits toujours plus élevés faisaient grimper les taux d'intérêt. La hausse des taux d'intérêt affaiblissait l'économie et la création d'emplois. Et l'affaiblissement de l'économie combiné à la hausse des taux d'intérêt faisait grimper encore plus le déficit. Les Canadiens savaient qu'il était impératif de briser ce cercle vicieux. Nous l'avons brisé. Nous ne l'avons pas fait pour des motifs idéologiques, mais par nécessité.

En 1993-1994, le déficit avait atteint 42 milliards de dollars, environ 6 p. 100 du PIB. Pendant la campagne électorale de 1993, nous nous sommes engagés à ramener le déficit à 3 p. 100 du PIB, soit 24,3 milliards de dollars, cette année.

Je ne peux pas encore vous donner de chiffre définitif pour le déficit de 1996-1997. Nous devons attendre les résultats de janvier, février et mars, mais il est maintenant clair que nous dépasserons notre objectif.

En effet, tout en tenant compte des nouvelles dépenses engagées dans ce budget, nous pouvons affirmer avec assurance que le déficit pour 1996-1997 ne dépassera pas 19 milliards de dollars, un chiffre inférieur de 5 milliards de dollars par rapport à l'objectif visé. Ce chiffre est inférieur de quelque 9,5 milliards de dollars au déficit de l'an dernier; il s'agit, en fait, de la plus forte réduction jamais réalisée d'une année sur l'autre.

[Français]

Nous pouvons aujourd'hui affirmer avec assurance que le déficit pour 1996-1997 ne dépassera pas 19 milliards de dollars, soit 9,5 milliards de dollars de moins que le déficit de l'an dernier. C'est la plus forte réduction jamais réalisée d'une année à l'autre.

(1645)

De plus, nous sommes en bonne voie d'atteindre nos objectifs de réduction du déficit pour les deux prochaines années: 2 p. 100 du PIB en 1997-1998 et 1 p. 100 en 1998-1999.

[Traduction]

Je sais qu'il y a dans le secteur privé un bon nombre de prévisionnistes qui affirment que nos résultats seront encore meilleurs que les chiffres que je viens de dévoiler. J'espère sincèrement qu'ils ont raison. Nous avons toujours dit que nos objectifs n'étaient pas le meilleur résultat possible, mais le moindre.

Permettez-moi de m'expliquer. La plupart des prévisionnistes font l'hypothèse que l'avenir ne réservera aucune surprise. C'est un luxe que les ministres des Finances ne peuvent pas se permettre. La réalité est souvent bien différente des prévisions. Le marché obligataire change d'humeur chaque jour. Les ministres des Finances, eux, doivent fixer un cap auquel on puisse se fier. C'est pourquoi nous avons commencé par incorporer à notre plan de réduction du déficit une réserve pour éventualités de 3 milliards de dollars. Nous avons toujours déclaré que cette réserve n'était pas là pour être dépensée-et nous n'y avons pas touché.

Ensuite, en prenant pour point de départ la moyenne des prévisions du secteur privé, nous avons incorporé une marge de prudence à nos hypothèses de taux d'intérêt et de croissance.


8291

Grâce à cette approche, combinée aux mesures que nous avons prises pour réduire les dépenses, nous avons rétabli notre crédibilité auprès des marchés financiers et assuré un regain de confiance dans l'avenir économique du Canada. Cela nous a permis de dépasser nos objectifs; il serait par conséquent insensé de modifier notre stratégie. Bien au contraire, notre réussite nous commande de maintenir le cap. Et nous le maintiendrons!

[Français]

Pour 1998-1999, le gouvernement vise un déficit de 9 milliards de dollars. C'est un montant qu'il pourra financer par ses propres moyens, sans recourir à de nouveaux emprunts d'argent frais sur les marchés financiers.

Dans un monde de concurrence toujours plus vive, les comparaisons internationales ont toute leur importance. Or, en termes de nouveaux besoins d'emprunt, le Canada se classe de façon tout à fait enviable. C'est la mesure que de nombreux pays, comme les États-Unis, l'Allemagne et le Japon, par exemple, utilisent pour exprimer leur déficit. Or, suivant cette mesure, c'est le Canada, avec un léger excédent en 1998-1999, qui devrait enregistrer la meilleure performance financière des sept plus grands pays industrialisés. Il s'agit d'un redressement sans précédent.

[Traduction]

Permettez-moi de rappeler ce que nous avons déclaré dans chacun de nos trois derniers budgets. Nous allons équilibrer les finances du pays. Nous allons y parvenir en maintenant notre rythme-ferme, mesuré et responsable. Nous allons maintenir nos cibles mobiles sur deux ans. Et nous n'allons pas changer de cap. De plus, nous atteindrons nos objectifs, comme nous l'avons fait jusqu'à présent, par la maîtrise des dépenses-et non en augmentant le fardeau fiscal.

En fait, l'ensemble des dépenses fédérales, à l'exception du service de la dette, seront réduites, passant de 120 milliards de dollars en 1993-94 à 103,5 milliards de dollars en 1998-99. Il s'agit d'une réduction supplémentaire des dépenses de 2 milliards de dollars par rapport aux projections établies l'an dernier.

Je n'ai parlé jusqu'ici que du déficit, des dépenses, des besoins d'emprunt. Mais au bout du compte, l'indicateur le plus important de finances publiques saines, c'est la capacité de l'État et du pays tout entier de gérer sa dette. C'est ce qu'on appelle le ratio de la dette au PIB.

Au cours des 20 dernières années, le ratio de notre dette au PIB a augmenté. Autrement dit, la dette du gouvernement canadien a, année après année, augmenté plus rapidement que les revenus du pays. Il fallait mettre fin à cette tendance. Et nous y mettons fin. Notre économie va bientôt croître plus rapidement que notre dette. Une part croissante de nos recettes sera consacrée aux services dont les Canadiennes et Canadiens ont besoin, au lieu d'aller dans les poches des créanciers obligataires. Notre objectif est de placer le ratio de la dette au PIB sur une trajectoire à la baisse, et ce, de façon définitive. Pour la première fois en plus de 20 ans, cet objectif est maintenant à notre portée.

(1650)

[Français]

À la lumière de presque toutes les données financières, le Canada affiche des résultats enviables. Très bien. Mais la vraie question qu'il faut se poser est quelle est l'importance de tout cela pour l'emploi? Elle est capitale.

C'est le redressement de nos finances qui a permis un repli des taux d'intérêt, l'ingrédient essentiel pour la création d'emplois.

[Traduction]

L'amélioration des taux d'intérêt à court terme au Canada a été spectaculaire. Au cours des deux dernières années, les taux d'intérêt ont diminué de près de cinq points et demi. Ce qui est le plus révélateur, c'est que depuis 20 ans les taux d'intérêt à court terme au Canada ont été, en moyenne, supérieurs de deux points à ce qu'ils étaient aux États-Unis. Mais au moment même où je vous parle, les taux canadiens sont d'environ deux points et quart inférieurs aux taux américains.

Ce redressement spectaculaire n'est pas l'effet du hasard. Cette liberté retrouvée dans la prise de nos décisions, nous la devons uniquement à la discipline dont nous avons fait preuve dans la gestion des finances du pays et au regain de confiance et de crédibilité qui en a découlé.

Nous savons d'expérience qu'il faut un certain temps pour qu'une baisse des taux d'intérêt stimule la création d'emplois, mais nous savons aussi que le processus est maintenant enclenché. Dans les quatre derniers mois, 85 000 emplois ont été créés dans le secteur privé. Et, donnée toute aussi importante, la quasi-totalité de ces emplois sont à plein temps.

Les secteurs de l'économie qui réagissent le plus vite à une diminution des taux d'intérêt connaissent actuellement une forte croissance. Les reventes d'habitations ont atteint des niveaux records. Les ventes de produits de consommation sont fortement à la hausse. On s'accorde à dire, aussi bien dans notre pays qu'à l'étranger, qu'aucun des sept grands pays industrialisés ne surpassera la performance du Canada en 1997. Ainsi, la plupart des prévisionnistes du secteur privé prévoient la création de 300 000 à 350 000 emplois cette année.

Cela dit, nos perspectives s'améliorent, mais elles pourraient être meilleures encore. Les chômeurs en savent quelque chose. Et les travailleurs qui craignent de perdre leur emploi le savent également. Les familles le savent aussi, dans la mesure où elles s'inquiètent de ce que l'avenir pourrait réserver à leurs enfants.

Les économistes peuvent bien débattre de la mondialisation et du changement technologique en termes abstraits, mais les gouvernements n'ont pas ce loisir. On ne peut traiter la restructuration actuelle comme s'il s'agissait d'une simple théorie, ne présentant qu'un intérêt académique. Bien au contraire, c'est un phénomène qui a des conséquences humaines bien réelles. Au moment où les économies se restructurent-et les gouvernements n'y échappent pas-il faut toujours garder à l'esprit l'effet de cette restructuration sur des centaines de collectivités et sur des milliers de familles.


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Voilà pourquoi nous croyons que le rôle du gouvernement n'est pas de se croiser les bras, ou d'être un simple observateur. Son rôle, c'est de se tenir aux côtés des Canadiennes et des Canadiens qui ont du mal à s'adapter à une réalité en plein bouleversement.

Les intérêts à court terme du marché ne coïncident pas toujours avec les besoins à long terme de la nation. Un pays, c'est bien plus qu'un bilan. Pour notre gouvernement, bâtir l'avenir, cela va bien au delà de la saine gestion des finances publiques.

(1655)

Quand nous sommes entrés en fonction, nous avons bien compris quel devait être notre programme pour l'emploi et la croissance. Premièrement, nous devions rétablir une gestion responsable des finances publiques. Deuxièmement, nous devions investir dans les secteurs de l'économie qui offraient des possibilités immédiates de croissance et d'emploi, et ainsi donner un élan à l'économie en attendant de bénéficier pleinement du fruit de nos efforts de réduction des taux d'intérêt et de rétablissement de la confiance. Troisièmement, nous devions planifier au-delà du court terme, investir pour raffermir la croissance économique à long terme; ces investissements, par définition, n'auraient pas une incidence immédiate, mais allaient donner un élan durable dans un marché du travail en constante évolution.

Ce plan a été partie intégrante de chacun de nos budgets, y compris celui-ci.

[Français]

Nous avons pris des mesures qui visent les infrastructures, le commerce, l'emploi des jeunes, la formation professionnelle, les cotisations d'assurance-emploi, le tourisme, les régions rurales et la petite entreprise.

Par exemple, quand nous sommes entrés en fonction, nous avons consacré 2 milliards de dollars sur trois ans au programme Travaux d'infrastructures Canada. Grâce à un partenariat avec les municipalités, et avec toutes les provinces, ce programme a permis le lancement de plus de 12 000 projets.

Le mois dernier, nous avons prolongé le programme pour une autre année. Cela signifie qu'en 1997 seulement, la contribution du gouvernement fédéral va s'élever à 600 millions de dollars, dont 425 millions de dollars d'argent frais.

Dans le domaine du commerce extérieur, les quatre missions commerciales dirigées par le premier ministre ont donné des résultats sans précédent. De plus, nous avons amélioré le cadre de financement des exportations canadiennes par de nouveaux investissements dans la Société pour l'expansion des exportations. Ainsi, depuis 1992, nos exportations ont augmenté de 50 p. 100 en volume. Ça, c'est des emplois.

En ce qui concerne les jeunes, la semaine dernière, le gouvernement annonçait une initiative qui va se traduire, au cours des deux prochaines années, par 120 000 emplois d'été. Cette initiative comporte aussi de nouveaux programmes de stage qui offriront plus de 19 000 emplois, afin que nos jeunes aient la chance d'acquérir une expérience concrète du marché du travail.

Pour ce qui est des cotisations d'assurance-emploi, nous avons, dès notre entrée en fonction, annulé la hausse prévue à 3,30 $, et nous avons ensuite réduit le taux, autant que possible, année après année. Pour 1998, nos projections tiennent compte d'une autre réduction, ramenant le taux à 2,80 $.

De plus, l'automne dernier, nous avons annoncé un programme qui élimine presque totalement les cotisations d'assurance-emploi pour les employés embauchés cette année par près de 900 000 petites entreprises admissibles.

Ces mesures, combinées à la réforme de l'assurance-emploi, permettront aux travailleurs et aux employeurs d'économiser 1,7 milliard de dollars, rien que cette année.

Pour l'avenir, nous avons dit clairement, depuis notre entrée en fonction, que nous allions continuer de réduire les cotisations d'assurance-emploi aussi rapidement que notre situation financière le permet.

[Traduction]

Le tourisme est un secteur qui crée beaucoup d'emplois. En fait, la Commission canadienne du tourisme estime qu'au cours de la prochaine décennie, 125 000 nouveaux emplois pourraient être créés uniquement dans ce secteur. C'est pourquoi nous fournissons aujourd'hui à la Commission 15 millions de dollars supplémentaires pour la promotion du tourisme au cours de chacune des trois prochaines années.

Comme par le passé, nous demanderons au secteur privé de contribuer à part égale. De plus, nous investissons 50 millions de dollars de plus dans la Banque de développement du Canada pour aider à financer l'infrastructure touristique dans le secteur privé.

(1700)

Le besoin d'adaptation à un monde en évolution se fait sentir dans les régions rurales du Canada tout autant que partout ailleurs dans l'économie. J'aimerais en ce sens être bien clair sur un point: nous prendrons tous les moyens nécessaires, qu'il s'agisse de programmes d'infrastructures, du tourisme ou de la haute technologie, afin que les régions rurales du Canada aient la possibilité de participer, à part entière, à toutes les initiatives de notre gouvernement, en préparation du nouveau siècle.

En outre, en plus des autres programmes qui sont annoncés, ce budget prévoit des capitaux de 50 millions de dollars pour la Société du crédit agricole, de manière qu'elle puisse accroître sa capacité d'aide à la croissance et à la diversification des régions rurales.

De plus, nous annonçons aujourd'hui que des fonds annuels de 10 millions de dollars vont être affectés, au cours des trois prochaines années, afin de faire en sorte que la quasi-totalité des localités du Canada comptant de 400 à 50 000 habitants disposent de l'infrastructure électronique nécessaire pour être reliées à l'autoroute électronique au cours des quatre prochaines années-soit au total 5 000 localités.

Enfin, nous connaissons tous l'importance de la petite entreprise dans la création d'emplois. Ce n'est donc pas une coïncidence si presque toutes les mesures exposées jusqu'ici encouragent les succès de l'entrepreneurship au Canada. J'aimerais toutefois souligner deux autres de nos initiatives.

En premier lieu, permettez-moi de rappeler l'annonce faite la semaine dernière que le Canada permettra aux banques étrangères d'ouvrir au Canada des succursales. La concurrence accrue qui en


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découlera offrira aux petites et moyennes entreprises au Canada un meilleur choix de financement.

En second lieu, les petites entreprises ont dénoncé vigoureusement les coûts importants occasionnés par les formalités administratives imposées par les gouvernements. Par exemple, les coûts liés à l'obligation de remettre chaque mois au gouvernement fédéral les retenues à la source. Les petites entreprises ont raison de le faire. C'est pourquoi nous éliminons cette obligation pour les petites entreprises qui ont une bonne fiche de conformité à la loi. Ces entreprises vont maintenant pouvoir verser des retenues à la source chaque trimestre. Jusqu'à 650 000 petites entreprises pourraient bénéficier de cette mesure.

[Français]

Dans tous les domaines dont je viens de parler, un nouvel esprit de partenariat s'est développé. C'est important, car c'est par l'entremise d'une coopération et de partenariats entre gouvernements et le secteur privé que nous pouvons mener au mieux les affaires du pays.

Les mesures que je viens de décrire sont des investissements qui auront un effet immédiat sur la croissance économique et qui agiront comme relais d'ici l'accélération prévue du rythme de création d'emplois. Les Canadiens peuvent être assurés que nous maintiendrons ce relais tant et aussi longtemps qu'il sera nécessaire.

[Traduction]

Le gouvernement doit voir plus loin que le court terme et viser également la croissance économique et la création d'emplois à long terme. Nous devons avoir une perspective plus large des infrastructures. Nous devons en étendre la définition pour y inclure les éléments de notre réussite économique future: l'enseignement post-secondaire, le savoir et l'innovation. Telles sont les pierres d'assise de la nouvelle richesse des nations, et voilà autant de nouvelles infrastructures dans lesquelles le gouvernement se doit d'investir. Si nous manquons à ce devoir, le Canada de demain en sortira perdant. C'est la prochaine génération qui devra payer la note.

Les Canadiennes et Canadiens savent qu'une meilleure instruction est synonyme de meilleurs emplois. Cela vaut pour les jeunes qui sont actuellement aux études. Cela vaut également pour ceux et celles qui se trouvent déjà sur le marché du travail et qui, pour garder leur emploi, doivent désormais parfaire leur formation durant toute leur vie active.

Dans le budget de l'an dernier, qui présentait des mesures fiscales destinées à aider les étudiants ou les parents des étudiants fréquentant l'université, un collège communautaire ou une école professionnelle, nous avons augmenté le montant servant au calcul du crédit pour études, ce qui diminue les impôts que doivent verser les étudiants ou leurs parents. Aujourd'hui, nous haussons encore ce montant. En fait, nous le doublons, en deux étapes, pour le porter à 200 dollars mensuellement.

(1705)

Par ailleurs, les étudiants doivent souvent assumer des frais nouveaux ou plus élevés, à part des frais de scolarité. Jusqu'à maintenant, ces frais n'étaient pas couverts par le crédit pour études. Ils le seront désormais.

En outre, d'après les règles actuelles, certains étudiants ou leurs parents ne peuvent profiter de ces crédits pour frais de scolarité et pour études parce qu'ils n'ont pas, au cours d'une année, un revenu suffisant pour utiliser ces crédits. C'est particulièrement le cas des personnes dont les parents ne peuvent assumer leurs frais d'entretien, ou les personnes qui s'inscrivent sur le tard à un programme d'études, pour réorienter leur carrière ou se recycler. Nous modifions donc les règles pour que les étudiants qui ne peuvent utiliser ces crédits au cours de l'année de leurs études puissent désormais le faire en reportant les crédits au titre de revenus futurs.

Grâce aux mesures que je viens d'annoncer et à celles du dernier budget, l'aide fiscale combinée des gouvernements fédéral et provinciaux passera de 900 dollars à plus de 1 200 dollars par année pour un étudiant type, une augmentation d'un tiers.

Nous prenons également des mesures pour venir en aide aux personnes qui ont du mal à gérer la dette qu'ils contractent sous forme de prêts étudiants. Malgré l'assistance offerte par le Programme canadien de prêts aux étudiants, certains sont incapables de faire face à leurs obligations de remboursement parce qu'ils n'arrivent pas à trouver du travail assez vite ou ne gagnent pas un revenu suffisant. Par conséquent, le gouvernement fédéral fait passer de 18 à 30 mois la période pendant laquelle les étudiants qui connaissent des difficultés de ce genre pourront différer le remboursement de leurs emprunts.

Pendant cette période, le gouvernement fédéral paiera les intérêts que l'étudiant aurait dû normalement acquitter. Si l'on combine cette mesure au délai de grâce déjà prévu pour le remboursement des prêts, cela signifie que les étudiants auront jusqu'à trois ans de répit après la fin de leurs études pour gérer leurs emprunts.

De plus, le gouvernement fédéral est prêt à étudier avec les provinces intéressées, les prêteurs et d'autres groupes une nouvelle option de remboursement des prêts aux étudiants. Les étudiants auraient le choix, soit de respecter les modalités de remboursement en vigueur, soit d'opter pour un barème de remboursement lié directement à leur revenu.

[Français]

Jusqu'ici, nous avons parlé de l'aide aux personnes qui sont déjà aux études ou qui veulent y retourner pour améliorer leurs compétences. Mais les parents avec de jeunes enfants craignent aussi de ne pas avoir les moyens, le moment venu, de leur payer des études. Les régimes enregistrés d'épargne-études offrent aux parents un encouragement à épargner à cette fin.

[Traduction]

Nous annonçons aujourd'hui des mesures qui rendent les régimes enregistrés d'épargne-études plus intéressants et plus souples. Pour aider les parents à économiser davantage au moyen d'un REEE, le plafond annuel de cotisation est doublé pour passer à 4 000 $. Cela va permettre aux parents, qui commencent à économiser seulement quand leurs enfants ont atteint un certain âge, d'accumuler quand même une épargne substantielle.

Enfin, nous avons constaté que certains parents hésitaient peut-être à investir dans un REEE, parce qu'ils avaient peur de perdre leur épargne si leurs enfants ne poursuivaient pas des études supérieures. Par conséquent, nous permettrons aux particuliers de transférer les fonds inutilisés d'un REEE dans leur REER s'ils n'ont pas utilisé toutes leurs déductions.


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Dans leur ensemble, les initiatives annoncées dans ce budget vont enrichir d'environ 275 millions de dollars par année, à maturité, l'aide fiscale offerte aux étudiants et à leurs familles.

De même qu'un accès amélioré aux études supérieures est indispensable aux étudiants et aux personnes qui se trouvent déjà sur le marché du travail, il faut leur fournir les installations nécessaires à cette fin.

Les installations de recherche jouent bien souvent un rôle crucial dans nos universités, nos collèges et nos hôpitaux. Une éducation de calibre mondial en dépend. Pourquoi? Les installations de recherche fournissent les outils nécessaires au développement de compétences de pointe. En fait, la création de nouveaux produits et de nouveaux services passe par le savoir, l'information et les idées. Mais c'est uniquement s'il est possible de développer ces produits et ces services au Canada, et non à l'étranger, que les meilleurs, les plus brillants pourront contribuer à la prospérité de leur pays.

(1710)

[Français]

En un mot, les centres de recherche dont disposent nos hôpitaux, nos universités et nos collèges sont à la source même de nos perspectives économiques futures.

Or, trop souvent, ces installations sont loin d'être à la hauteur des défis actuels. Le fait est qu'une bonne partie de notre infrastructure de recherche actuelle ne peut tout simplement pas soutenir les efforts requis pour maintenir le Canada au premier rang de la nouvelle économie.

L'innovation ne se produit pas par magie. Elle nécessite des investissements. C'est pourquoi nous annonçons, aujourd'hui, la création de la Fondation canadienne pour l'innovation qui sera dotée d'un capital de 800 millions de dollars afin d'appuyer les installations de recherche dans nos universités, collèges et hôpitaux.

La Fondation aura pour mission d'appuyer l'infrastructure de recherche dans les domaines de la santé, de l'environnement, des sciences et de l'ingénierie.

[Traduction]

L'innovation ne se produit pas par magie. Elle nécessite des investissements. C'est pourquoi nous annonçons aujourd'hui la création de la Fondation canadienne pour l'innovation qui sera dotée d'un montant de 800 millions de dollars afin d'appuyer les installations de recherche dans nos universités, collèges et hôpitaux.

La Fondation aura pour mission d'appuyer l'infrastructure de recherche dans les domaines de la santé, de l'environnement, des sciences et de l'ingénierie.

[Français]

La création de la Fondation canadienne pour l'innovation représente une façon entièrement nouvelle de répondre aux défis de l'innovation que je viens de décrire.

Cette Fondation ne fera pas partie du secteur public. Elle sera indépendante du gouvernement. Les décisions d'investissement seront prises par un conseil d'administration dont la majorité des membres seront issus du secteur privé, du milieu de la recherche et du milieu universitaire.

Au cours des cinq prochaines années, c'est environ 180 millions de dollars annuellement que la Fondation pourra verser pour appuyer nos plus importantes infrastructures de recherche.

[Traduction]

L'enjeu de la Fondation canadienne pour l'innovation, c'est de préparer l'avenir. L'avenir de nos enfants, l'éducation. En un mot, c'est l'investissement dans la croissance future de notre économie, un investissement qui rapportera d'importants dividendes dans l'avenir. Grâce à des partenariats pour des projets avec les établissements de recherche, le secteur privé ou les provinces, les ressources financières de la Fondation pourraient mobiliser jusqu'à 2 milliards de dollars d'investissements, jetant ainsi les bases des emplois de demain comme d'aujourd'hui.

Jusqu'ici, j'ai décrit notre plan de croissance économique et de création d'emplois. Mais, si nous voulons avoir une économie forte, nous avons besoin d'une société forte. Un pays se reconnaît ultimement à sa volonté et sa capacité de venir en aide aux plus vulnérables, de soutenir les programmes dont dépend chaque citoyen.

Notre gouvernement avait promis d'assurer l'avenir du système de revenu de retraite pour les Canadiens. Nous sommes en bonne voie d'y parvenir. Aucun autre pays industrialisé n'a pris autant d'initiatives que le Canada pour relever les défis engendrés par le vieillissement de la population. Conformément à ce que nous avons annoncé la semaine dernière, nous sommes parvenus à une entente avec une majorité de provinces sur un ensemble efficace et bien équilibré de mesures qui permettront aux Canadiens de compter sur le Régime de pensions du Canada lorsqu'ils en auront besoin. En incluant la nouvelle prestation aux aînés qui entrera en vigueur en 2001, nous aurons pris un train de mesures permettant de préserver le système public de pensions et de le maintenir pour les générations à venir tout en protégeant pleinement les personnes déjà à la retraite.

(1715)

Le système canadien de soins de santé universels à financement public est l'une des plus grandes réalisations de notre pays. Notre gouvernement est fermement attaché aux principes énoncés dans la Loi canadienne sur la santé. Nous maintiendrons ces principes et nous continuerons de les faire respecter.

[Français]

Le gouvernement fédéral appuie la santé, l'éducation et l'aide sociale en versant aux provinces des paiements de transfert. L'an dernier, dans le cadre du nouveau Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, nous avons inscrit, dans la loi, un financement prévisible et garanti pour les cinq années jusqu'à la fin de l'exercice 2002-2003.

D'ici la fin du siècle, les provinces peuvent compter sur un transfert stable de plus de 25 milliards de dollars par année sous forme d'espèces et de points d'impôt. Par la suite, ce transfert augmentera. La loi adoptée l'an dernier garantit aussi que la partie en espèces du transfert ne sera jamais inférieure à 11 milliards de dollars par année. Il s'agit d'un seuil, et non d'un plafond. En fait, on s'attend à ce que les transferts en espèces aux provinces commencent à augmenter vers l'an 2000.


8295

Cette contribution du gouvernement fédéral assure le maintien des principes de l'assurance-maladie. Mais elle ne répond qu'à une partie du défi.

L'autre partie, c'est la nécessité du changement. Certes, nous allons protéger l'assurance-maladie, mais ce faisant, nous devons agir de façon résolue pour l'améliorer, pour la renforcer.

[Traduction]

Lorsqu'il est entré en fonction, le premier ministre a créé le Forum national sur la santé pour conseiller les Canadiennes et les Canadiens sur la manière d'améliorer notre système de santé. Le Forum a remis son rapport au début du mois. Comme l'a déclaré le premier ministre, ce rapport offre une vision complète et sensée de la manière dont les gouvernements doivent collaborer pour relever le défi de l'avenir du système de santé au Canada.

Le rapport du Forum est très clair. Il confirme que même si nous consacrons des ressources financières suffisantes au système de santé, ces ressources ne sont pas dépensées aussi efficacement qu'elles pourraient l'être. Le Forum déclare en outre que nous devons procéder à des investissements ciblés dès aujourd'hui, pour que le système fonctionne plus efficacement à l'avenir.

Ce budget prévoit par conséquent 300 millions de dollars pour les trois prochaines années afin de mettre en oeuvre les recommandations du Forum national sur la santé. Chaque dollar, j'insiste sur ce point, sera consacré à la prestation de meilleurs services de santé aux Canadiennes et Canadiens.

Tout d'abord, le Forum a établi clairement que l'un de nos principaux défis est de mettre au point des façons innovatrices de livrer les services de santé. C'est pourquoi nous annonçons aujourd'hui que nous accordons 150 millions de dollars sur trois ans pour aider les provinces à lancer des projets-pilotes-par exemple de nouvelles formules de soins à domicile ou d'assurance-médicaments, et d'autres innovations-qui leur permettront de mettre à l'essai des façons d'améliorer les systèmes de soins de santé. Ce montant sera réparti entre les provinces au prorata de leur population et les décisions au sujet des dépenses seront prises de concert avec les ministres de la Santé du Canada.

(1720)

Dans la même veine, nous allons également consacrer 50 millions de dollars au cours des trois prochaines années à la mise en place, par les deux niveaux de gouvernement, du Système canadien d'information sur la santé, un système d'échange de données qui permettra aux responsables des soins, aux planificateurs et aux citoyens, d'un bout à l'autre du pays, d'avoir accès aux renseignements dont ils ont besoin quand ils en ont besoin; et qu'il aient accès, en outre, aux données les plus récentes sur les meilleurs traitements disponibles.

Le Forum s'est également déclaré en faveur d'un renforcement des programmes communautaires. Nous sommes d'accord. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral finance deux programmes communautaires visant à améliorer la santé des enfants.

Premièrement, le Programme d'action communautaire pour les enfants, qui vient en aide à des centaines de groupes communautaires en offrant des cours sur le rôle de parent, en appuyant des centres de développement pour les enfants, et en soutenant des programmes de ressources familiales, qui visent tous à répondre aux besoins des enfants à risque jusqu'à l'âge de six ans.

Deuxièmement, le Programme canadien de nutrition prénatale, qui favorise la naissance de bébés en bonne santé quand la mère présente un risque élevé.

Nous annonçons aujourd'hui que les ressources prévues pour ces deux programmes seront augmentées de près de 100 millions de dollars au cours des trois prochaines années.

Si les deux programmes dont je viens de vous parler touchent la situation des enfants canadiens, cela n'est pas le fruit du hasard. En effet, le Forum a été catégorique sur cet enjeu. L'un des meilleurs investissements dans les soins de santé pour l'avenir vise justement à améliorer le bien-être de nos enfants aujourd'hui.

[Français]

Nos enfants constituent notre plus grande richesse, et leur santé doit venir au premier rang de nos préoccupations. Nous savons que la santé de nos enfants dépend dans une large mesure du revenu dont leurs parents disposent et des services auxquels ils ont accès. La question se pose: que faisons-nous face à cette réalité? La réponse, pour un trop grand nombre d'enfants et de leurs familles, est toute simple: pas assez.

Mais aujourd'hui, la pauvreté des enfants est un problème auquel tous les Canadiens et Canadiennes sont sensibles. Le temps est venu de rallier nos efforts et de relever le défi. Le premier ministre a pris l'initiative dans ce dossier; lui et ses homologues des provinces ont convenu, à la rencontre des premiers ministres de juin dernier, d'en faire une priorité nationale. Les ministres des Services sociaux de tout le pays font des progrès remarquables pour tracer la voie que nous pouvons prendre ensemble.

Nous savons que la pauvreté chez les enfants tient à des causes multiples. Et que les solutions ne sont pas toutes simples.

Par exemple, il est évident que la solution ultime du problème passe par une économie en croissance qui crée des emplois. Cet objectif est au coeur même de notre politique économique.

Nous savons aussi que nous devons agir de façon à assurer que nos enfants aient accès aux services dont ils ont besoin, par exemple, des soins médicaux et dentaires, des services d'aide et une bonne alimentation.

Le fait que beaucoup d'enfants n'aient pas accès à ces services, aujourd'hui, est carrément inacceptable.

[Traduction]

Le fonctionnement du système actuel de services et de soutien défie toute logique, et il est par-dessus tout inéquitable.

À l'heure actuelle, dans la plupart des régions au Canada, lorsque des parents quittent l'aide sociale pour intégrer le marché de travail


8296

afin de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants, il peut arriver que leur revenu baisse. Leurs enfants perdent l'accès aux services que leur offrent les provinces au titre de l'assistance sociale, des services dont ils ont besoin et auxquels ils ont droit.

(1725)

Maintenir un système qui pénalise les parents lorsqu'ils réintègrent le marché de travail en aggravant la situation de leurs enfants n'a rien d'une politique sociale éclairée. Cela n'a rien non plus d'une politique économique éclairée. Retourner sur le marché du travail devrait améliorer, et non aggraver, la situation des gens.

[Français]

Ce défi exige un effort national qui implique à la fois les provinces et le gouvernement fédéral. Pourquoi? Parce que les provinces sont les mieux placées pour offrir les services et le soutien nécessaires pour répondre aux besoins des familles, et parce que le gouvernement fédéral a la possibilité, par l'entremise du régime fiscal, de faire un premier pas qui donnera aux provinces la marge de manoeuvre pour consacrer les fonds nécessaires à ces services et à ce soutien.

De quelle façon? Par l'octroi au niveau fédéral d'une aide égale à toutes les familles à faible revenu, une assise sur laquelle les provinces pourront établir leurs propres programmes.

[Traduction]

La plupart des grands programmes nationaux qui existent dans notre pays ont été mis en place par étape. Pensons à l'assurance-maladie, ou encore aux pensions de vieillesse. L'important, c'est de faire le premier pas.

Le gouvernement fédéral propose dans ce budget d'accorder 850 millions de dollars pour accroître les dépenses au titre de la prestation fiscale pour enfants. Ce chiffre comprend une tranche de 600 millions de dollars de nouveaux fonds à compter de juillet 1998; cette somme s'ajoute à la majoration de 250 millions de dollars des prestations pour enfants annoncée dans le budget de 1996. C'est donc une somme de 6 milliards de dollars qui sera versée chaque année aux familles canadiennes dans le cadre de la nouvelle prestation fiscale canadienne pour enfants.

Je m'explique. Dans le budget de l'an dernier, nous avons annoncé que les fonds prévus pour le supplément du revenu gagné, qui aide les familles à faible revenu qui travaillent à payer certaines dépenses, seraient doublés en deux étapes. Dans ce budget, pour faciliter le passage à un système de prestation nationale pour enfant, le supplément du revenu gagné sera encore bonifié, et sera restructuré à compter de juillet prochain.

Premièrement, un montant de 70 millions de dollars, qui devait être versé dans le cadre de la hausse du supplément l'an prochain, sera versé dès cette année. Cette initiative fournira, à compter du premier juillet, 195 millions de dollars en nouvelles prestations à plus de 700 000 familles gagnant jusqu'à 26 000 $ par année, dont un tiers sont dirigées par un parent seul, habituellement une femme.

Deuxièmement, la répartition de cette prestation sera modifiée afin de tenir compte du nombre d'enfants, comme pour les allocations familiales versées par les provinces dans le cadre de l'assistance sociale.

Enfin, tel qu'annoncé, nous fournirons des crédits supplémentaires de 600 millions de dollars par année au titre de la nouvelle prestation fiscale pour enfants.

[Français]

En tenant compte des 250 millions de dollars consacrés au Supplément du revenu gagné, qui est intégré à la nouvelle prestation, c'est 850 millions de dollars de plus, par année, que le gouvernement fédéral versera à plus d'un million d'enfants et à leurs familles.

(1730)

[Traduction]

La mise sur pied d'un nouveau système de prestation nationale pour enfant est un changement de taille qui, en soi, nécessitera une mise en oeuvre coordonnée avec les provinces. Nous étudions en ce moment la manière précise de structurer cette mesure. Elle doit être conçue aux fins de l'utilisation par les provinces des fonds dégagés par le palier fédéral, afin d'apporter le soutien et les services dont les enfants ont besoin durant leurs années de croissance.

Pour notre part, nous visons la mise en oeuvre de ce nouveau système de concert avec les provinces, au plus tard en juillet 1998. Toutefois, si nos discussions avec les provinces nous permettent d'aller plus vite, nous le ferons. Le bien-être des enfants canadiens représente la meilleure cause qui soit pour un nouveau partenariat.

Nous engageons aujourd'hui d'importantes ressources financières supplémentaires en faveur de cette cause. Mais il ne s'agit là encore que d'un début. Nous augmenterons les ressources consacrées à cette fin dès que nous en aurons les moyens. La raison en est bien claire. Les possibilités dont sont privés les enfants sont trop souvent synonymes de chances perdues à l'âge adulte. L'avenir des enfants du Canada, c'est aussi l'avenir de notre pays.

La plupart d'entre nous sommes en mesure de surmonter les nombreuses difficultés que nous rencontrons dans la vie de tous les jours parce que nous avons la capacité physique de le faire. Ce n'est pas le cas des Canadiennes et Canadiens handicapés, qui n'ont pas la même capacité. Ils se heurtent à des obstacles dans presque tous les aspects de la vie quotidienne. Ces Canadiennes et ces Canadiens ne demandent pas un régime de faveur. Ce qu'ils demandent, c'est l'égalité des chances auxquelles ont droit tous les citoyens. Et ils ont besoin de notre aide pour l'obtenir.

[Français]

Nous annonçons aujourd'hui des mesures qui font suite aux recommandations du Groupe de travail fédéral sur les questions intéressant les personnes handicapées. Ces mesures représentent de nouveaux pas dans la voie tracée l'an dernier.

[Traduction]

Premièrement, les travailleurs handicapés pourront maintenant déduire de leur revenu gagné la totalité du coût des services d'un préposé aux soins. Deuxièmement, les audiologistes seront désormais autorisés à remplir le certificat requis aux fins du crédit d'impôt pour personnes handicapées.

[Français]

Troisièmement, la liste des frais donnant droit au crédit d'impôt pour frais médicaux est élargie sensiblement.

Quatrièmement, nous doublons le montant maximal qui peut être réclamé au titre des services d'un préposé aux soins à temps partiel.


8297

[Traduction]

Cinquièmement, nous instituons un crédit remboursable en faveur des travailleurs à faible revenu pour les aider à faire face aux frais médicaux élevés que doivent fréquemment assumer les personnes handicapées. Cette mesure améliorera l'aide accordée à environ 280 000 travailleurs canadiens à faible revenu qui ont des frais médicaux élevés.

Finalement, le gouvernement crée un Fonds d'intégration doté de 30 millions de dollars qui, en partenariat avec des organisations non gouvernementales, offrira une aide aux Canadiens handicapés. Dans l'ensemble, les mesures que je viens de décrire représentent un investissement d'environ 230 millions de dollars, sur trois ans, afin d'améliorer la qualité de vie de plusieurs milliers de nos concitoyennes et concitoyens.

Des millions de Canadiennes et de Canadiens, d'un bout à l'autre du pays, donnent de leur temps pour participer aux activités d'organismes sans but lucratif, bénévoles et de bienfaisance. La générosité dont ils font ainsi preuve et leur travail ont une valeur inestimable. Leur participation à titre de citoyens contribue à maintenir et à améliorer la qualité de vie dans nos collectivités. Les gouvernements ont le devoir d'appuyer leur participation et leur dévouement.

Nous annonçons aujourd'hui d'importantes mesures visant à favoriser les dons de charité. Je veux souligner les deux initiatives les plus importantes.

[Français]

Premièrement, le gouvernement se propose d'augmenter le montant des dons pour lesquels le contribuable peut demander un crédit d'impôt au cours d'une année. Il s'appliquera, de façon uniforme, à tous les organismes de bienfaisance.

Cette mesure aidera tout particulièrement les petits organismes, comme les banques d'alimentation et les maisons d'accueil.

(1735)

[Traduction]

Suite aux mesures prises dans nos budgets précédents et dans ce budget, le Canada offre un régime fiscal plus avantageux que celui qui est en vigueur aux États-Unis dans le cas des dons en argent, et particulièrement les dons que font les personnes à revenu moyen.

Le système canadien est toutefois nettement moins favorable que le régime américain sur un point, les dons qui ne sont pas en argent.

En raison de ce désavantage, les organismes de charité canadiens nous ont indiqué clairement qu'il leur a été beaucoup plus difficile d'obtenir des dons importants.

Nous proposons donc des modifications dans le régime fiscal des dons de titres négociés en bourse, qui placeront nos organismes de bienfaisance sur un pied d'égalité avec les institutions équivalentes aux États-Unis pour attirer les dons de ce genre.

Ce changement a pour but d'aider les organismes de bienfaisance de toutes natures, c'est-à-dire, par exemple, Centraide, les partenaires des Fondations communautaires du Canada, les universités, et les hôpitaux. Nous allons réexaminer cette disposition au bout de cinq ans pour nous assurer qu'elle a bel et bien permis d'accroître les dons et qu'elle profite équitablement à tous les types d'activités de bienfaisance.

[Français]

J'aimerais maintenant exposer notre politique et notre engagement en matière de taxation.

Notre objectif est simple: c'est de réduire les impôts.

Nous sommes entrés en fonction, en 1993, après 10 années d'augmentation constante des impôts. Dans le mois qui a suivi notre élection, j'ai déclaré qu'il s'agissait manifestement de l'une des principales raisons pour lesquelles les Canadiens ne faisaient plus confiance à l'État. J'ai aussi déclaré que nous étions déterminés à mettre fin à la hausse effrénée des impôts. Et c'est ce que nous avons fait.

Aucun de nos budgets n'a augmenté les taux d'imposition du revenu des particuliers. D'ailleurs, dans le budget de l'an dernier et dans celui de cette année, nous n'avons augmenté aucun impôt. En fait, nous avons procédé à des réductions d'impôt sélectives là où nous pouvions obtenir le meilleur effet possible.

[Traduction]

Comme nous l'avions expliqué hier, le budget propose des réductions d'impôt sélectives en faveur des familles à faible revenu, des organismes de bienfaisance, des personnes handicapées, des étudiants et des travailleurs qui poursuivent des études supérieures, ainsi que des parents qui économisent en vue des études de leurs enfants.

Nous avons toujours dit que c'était de cette manière que nous allions amorcer la réduction du fardeau fiscal. De plus, nous continuons de réduire et de simplifier les droits de douane sur les importations, une importante réforme qui, l'an dernier seulement, a généré des économies de 600 millions de dollars pour les entreprises et les consommateurs canadiens.

Enfin, suite à nos compressions budgétaires, les taux d'intérêt au Canada ont chuté sensiblement et cette baisse des taux à elle seule a accru le pouvoir d'achat des Canadiens de plusieurs milliards de dollars supplémentaires.

C'est dans ce contexte que j'aimerais aborder maintenant la suggestion faite par certains, qui jugent le moment venu d'offrir une réduction générale d'impôt.

Notre position est bien simple. Nous voulons réduire davantage les impôts des particuliers, et nous le ferons dès que le pays en aura les moyens. Mais ce serait irresponsable de le faire maintenant.

De fait, si l'on peut se permettre, aujourd'hui, de même poser la question, c'est justement parce que nous avons accompli des progrès depuis trois ans dans la réduction du déficit et dans la bonne gestion des finances du pays.

(1740)

[Français]

Proposer, maintenant, une réduction générale d'impôt, c'est prétendre que la lutte contre le déficit est terminée. Or, elle n'est pas terminée. Mais elle le sera bientôt, à condition de garder le cap et de faire preuve de fermeté.


8298

La question n'est pas de savoir si l'on devrait réduire le fardeau fiscal dès lors que nous avons dépassé notre objectif de réduction du déficit. Il s'agit plutôt d'établir si nous pouvons nous permettre de réduire le fardeau fiscal alors que nous avons encore un déficit important et que le ratio de la dette au PIB n'a pas encore commencé à diminuer.

[Traduction]

Voyons les choses en face. Il n'y a que deux façons possibles de financer une réduction générale d'impôt aujourd'hui: en augmentant notre déficit ou en effectuant de nouvelles réductions dans les programmes fédéraux. Pour nous, les choses sont claires. Aucun de ces choix n'est acceptable. Nous n'allons pas abandonner la lutte, après tous les sacrifices que la population canadienne a consentis et après tous les progrès que nous avons accomplis ensemble. Augmenter le déficit, ce serait faire augmenter les taux d'intérêt. Ce serait miner la confiance et les perspectives d'emploi et de croissance qu'on peut maintenant entrevoir. Cela, nous refusons de le faire.

Nous refusons aussi de sabrer davantage dans nos programmes. Certes, nous devons poursuivre nos efforts pour enrayer le gaspillage et l'inefficacité. Certes, nous avons réduit nos dépenses, mais nous l'avons fait sans compromettre les priorités essentielles du pays. Après trois années à passer au peigne fin les dépenses gouvernementales, que de réduire d'encore plusieurs milliards de dollars des programmes déjà amputés, aurait pour seule conséquence de compromettre les programmes auxquels les Canadiens sont attachés -des programmes qui jouent un rôle vital dans le sentiment de bien-être partagé des Canadiens.

Oui, le moment viendra d'envisager une réduction générale d'impôt. Mais nous ne réduirons pas les impôts avant d'avoir les moyens de nos ambitions, c'est-à-dire quand nous aurons la certitude de pouvoir les réduire en permanence. Notre but doit être le redressement permanent des finances publiques. C'est la seule stratégie garantie de parvenir à une réduction permanente du fardeau fiscal.

[Français]

J'aimerais maintenant, en conclusion. . .

[Traduction]

Je viens de dire que j'allais conclure et le leader de la Chambre a dit: «Dieu merci».

[Français]

J'aimerais maintenant, en conclusion, résumer notre plan pour renforcer l'économie et faire du Canada une société plus forte, un plan mis en oeuvre dans chacun de nos budgets.

À notre entrée en fonction, nous devions tout d'abord rétablir la confiance dans la capacité du pays de gérer ses finances. Nous avons atteint chacune de nos cibles de déficit, et mieux encore.

Le deuxième élément de notre plan: agir dans les secteurs où un effet immédiat peut être exercé sur la croissance et l'emploi.

Le troisième élément: renforcer les assises de la croissance économique et de la création d'emplois à long terme en investissant dans l'infrastructure du savoir.

Et le quatrième élément: faire du Canada une société plus forte en investissant dans la santé et dans l'avenir de nos enfants.

[Traduction]

Des initiatives immédiates en faveur de l'emploi et de la croissance, des investissements à long terme pour une économie plus forte, les fondations d'une société plus forte, voilà les quatre éléments de notre plan. Voilà les enjeux de nos budgets précédents. Voilà les enjeux du présent budget.

En terminant, permettez-moi d'ajouter ceci: une chose doit être bien claire, il n'est pas question de revenir en arrière. Le temps où le gouvernement dépensait à outrance, intervenait à outrance, est bel et bien révolu. Il n'est pas question de revenir à l'époque où le gouvernement ne pouvait pas, ou ne voulait pas, fixer des priorités et, en conséquence, dépensait trop pour des choses qui ne comptaient pas et pas assez pour celles qui comptaient vraiment. L'usage qu'un gouvernement fait de ressources limitées est le reflet des valeurs auxquelles il souscrit.

(1745)

Notre gouvernement a établi ses priorités. Ce budget investit dans ces priorités. Tout en continuant de réduire le déficit, nous dégageons d'importantes ressources nouvelles en faveur de l'emploi, des soins de santé, de l'éducation, de nos enfants. Tout cela reflète nos valeurs.

Nous avons dit très clairement que nous allions maintenir le cap sur la réduction du déficit. Mais à ceux qui, sous le prétexte de réduire le déficit, voudraient faire disparaître l'appareil d'État, permettez-moi de dire que nous voyons les choses différemment.

Selon notre vision, un gouvernement libéré du fardeau du déficit n'est pas un gouvernement libéré de ses responsabilités. C'est, tout au contraire, un gouvernement capable de mieux s'en acquitter.

Notre rôle doit être de venir en aide aux personnes dans le besoin. Nous devons pouvoir exprimer les intérêts de ceux et celles qui sont submergés par la vague du changement, dont la voix ne peut se faire entendre parce qu'ils ne sont pas dans le rang des privilégiés. Le devoir du gouvernement est d'aider le pays à préparer l'avenir.

[Français]

Il va sans dire que les dix dernières années n'ont pas été faciles pour les Canadiens et les Canadiennes.

Le libre-échange, les changements technologiques ont imposé un effort d'adaptation exigeant.

Après avoir fait ce que nous devions faire, nous pouvons constater que le pire est passé et que le meilleur nous attend.

Il est évident que nous ne sommes pas encore arrivés à destination, mais il est tout aussi évident que nous avons parcouru bien du chemin, que l'époque des coupures touche à sa fin, que les finances du pays sont enfin reprises en main, que nous retrouvons la capacité de forger notre propre destin.

[Traduction]

Il est très clair, en ce qui a trait aux finances du pays, que nous avons encore du chemin à faire. Mais il est tout aussi clair que nous avons accompli des progrès considérables. Assez considérables,


8299

assurément, pour nous permettre de forger une vision commune et bâtir le genre de pays que nous souhaitons pour nos enfants.

Cette vision ne peut être définie en termes idéologiques, de gauche ou de droite. Elle doit reposer sur l'équilibre fondamental qui a toujours été au coeur de la vie du pays: l'équilibre entre la liberté individuelle et la responsabilité collective. Cette vision doit être inspirée par la conviction que dans une société civilisée, les institutions publiques, le sens de l'intérêt collectif et les valeurs communes sont tout aussi importants pour la santé de l'économie que le bon fonctionnement des marchés.

Si nous avons été obligés de consacrer beaucoup d'énergie à la solution des problèmes financiers légués par nos prédécesseurs, maintenant que ces problèmes sont en voie d'être réglés, nous pouvons nous concentrer sur nos perspectives d'avenir, sur les grands défis nationaux qui nous attendent.

[Français]

Ne disons jamais qu'il existe un niveau tolérable de pauvreté chez les enfants. Ne baissons jamais les bras devant un écart croissant entre riches et pauvres. Et n'oublions jamais ce que nous devons à nos aînés.

[Traduction]

Et ne ménageons aucun effort pour créer des emplois. Nous devons nous rendre à l'évidence que les ressources naturelles du Canada les plus précieuses ne sont pas enfouies dans les profondeurs de la terre, mais qu'elles sont présentes parmi nous, à travers les compétences et le talent des gens qui vivent dans ce pays.

Nous devons tout mettre en oeuvre pour que le Canada soit à la hauteur des normes que le monde a fixées aujourd'hui en matière d'innovations; mais mieux encore, qu'il prenne les devants et établisse les critères d'excellence que les autres devront viser à l'avenir.

Nous avons un message très clair pour ceux qui pensent que nous n'avons plus les moyens d'avoir une assurance-maladie. S'il y a jamais eu, dans notre histoire, une époque où nous n'avions pas les moyens de perdre l'assurance-maladie, c'est bien maintenant, et nous devons en fait la renforcer.

(1750)

Il n'y a rien qui nous empêche d'y arriver. Nous avons la capacité de réaliser cette vision, et bien plus encore. Depuis trois ans maintenant, notre politique vise à permettre au Canada de prendre un nouveau départ. Le temps est venu de faire de ce départ le tremplin vers de grandes réalisations.

Il est temps de chasser le doute. Il est temps de tourner le dos à ceux qui manquent d'audace, aux pessimistes, aux tenants de la médiocrité. Il est temps de prendre le parti de l'intérêt national. Affirmons haut et fort que ce pays ne sera bon pour chaque citoyen que s'il est bon pour tous ses citoyens.

Voilà le cap que nous nous sommes fixé. Nous garderons ce cap, contre vents et marées.

Des voix: Bravo!

LA LOI PORTANT POUVOIR D'EMPRUNT POUR L'EXERCICE 1997-1998

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-83, Loi portant pouvoir d'emprunt pour l'exercice commençant le 1er avril 1997.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, avant d'entrer en matière, j'aimerais saluer, dans les tribunes, M. Yves Duhaime, le prochain député de Saint-Maurice.

Des voix: Bravo!

M. Loubier: J'en reviens au budget. Le budget présenté aujourd'hui par le ministre des Finances ne vaut pas le papier sur lequel il est imprimé. Ce budget est bassement électoraliste.

Il est électoraliste, parce que le ministre des Finances a perdu une occasion extraordinaire de faire justement des choses extraordinaires, parce qu'il bénéficiait d'une conjoncture qui, elle aussi, n'est pas ordinaire. Il aurait pu faire des choses extraordinaires au niveau de la création d'emplois, au niveau de la véritable lutte contre la pauvreté, au niveau de la véritable création d'une impulsion sur l'emploi à long terme, tout en maintenant son cap sur un déficit zéro pour l'an 2000.

Au lieu de cela, le ministre des Finances a présenté des mesures bassement électoralistes, des mesures qui ne disent rien qui vaille sur la nature et la vraie grandeur de ce gouvernement.

(1755)

Prenons, par exemple, la fiscalité. Nous avons pris soin, en novembre dernier, de suggérer au ministre des Finances, dans une analyse serrée concernant une révision de la fiscalité des corporations, des voies de resserrement des dépenses fiscales, des bénéfices indus aux grandes entreprises. Cela aurait permis de récupérer pas moins de trois milliards de dollars à réinjecter auprès des PME pour soutenir leur effort de création d'emplois. Que retrouve-t-on dans ce budget? Rien, à cet égard. Concernant la fiscalité des particuliers, c'est exactement la même chose.

Trois ans et demi à la tête du ministère des Finances du Canada et il est incapable de produire une seule ligne de réforme de la fiscalité pour la rendre plus juste, plus équitable pour l'ensemble des contribuables à faible et moyen revenu. Tout ce qu'on a fait, c'est qu'on a maintenu des bénéfices indus pour les très riches amis du Parti libéral du Canada.

Le ministre des Finances bénéficiait d'une marge de manoeuvre extraordinaire, et j'explique. Relativement aux prévisions de déficit effectuées lors du dépôt de son dernier budget et les prévisions contenues dans le présent budget, conjugées aux prévisions des grandes boîtes de prévisions canadiennes, le ministre des Finances pouvait bénéficier, dès cette année, en 1997-1998, d'une marge de manoeuvre d'un minimum de huit milliards de dollars.

8300

Autrement dit, tout en maintenant le cap sur la réduction du déficit, tout en se rendant à un déficit zéro pour l'an 2000, comme s'est commis le gouvernement du Québec, le ministre des Finances aurait pu faire des choses extraordinaires. Huit milliards de marge de manoeuvre! Et le ministre des Finances n'a rien fait de cette marge.

En matière de création d'emplois, les 1,5 millions de chômeurs canadiens officiels et les trois millions de chômeurs, qui incluent les chômeurs qui ne sont pas officiels, mais qui sont retirés de la recherche d'emploi par découragement ou à cause de mesures, comme l'assurance-emploi, qui les marginalisent, les trois millions de sans-emploi auraient dû s'attendre à des mesures consistantes au chapitre de l'emploi. Ils avaient les yeux rivés sur le ministre des Finances, ils avaient les yeux rivés sur le budget.

Au lieu de cela, la seule mesure comportant de l'argent neuf dans ce budget comporte des versements de 25 millions de dollars. Vingt-cinq millions de dollars, alors que le ministre des Finances aurait pu, facilement, avec sa marge de manoeuvre de huit milliards, accaparer une partie du surplus à la caisse d'assurance-chômage pour réduire substantiellement les cotisations. Pas 10c., pas des pinottes, pas des pacotilles, mais réduire substantiellement les cotisations pour donner une impulsion à l'emploi. Il aurait pu le faire, comme nous le lui demandons depuis bientôt un an et demi au sujet de la réduction des cotisations.

Il aurait pu aussi annoncer aux chômeurs que la décision qu'il a prise de mettre en place le nouveau régime d'assurance-emploi, odieusement appelé assurance-emploi, mis en place en janvier dernier, il aurait pu prendre une partie du surplus de sa marge de manoeuvre, surplus généré à la caisse d'assurance-chômage, pour redonner une protection adéquate aux chômeurs.

Au lieu de cela, le ministre des Finances s'est comporté en gestionnaire dur, pur et dur: non seulement le cap pour le déficit zéro pour l'an 2000, mais des surplus à tout rompre. Les chômeurs, ils n'auront qu'à attendre. Comme disait le premier ministre récemment: «Les chômeurs, good luck». C'est ça, le ministre des Finances.

Les enfants pauvres, parlons-en. Il y a quelques semaines, le ministre des Finances et le premier ministre se sont trouvé une compassion subite pour les enfants pauvres, lesquels ils ont rendus plus pauvres depuis trois ans et demi par des coupures aux programmes sociaux de 4,5 milliards en trois ans. Subitement, la compassion est là pour les enfants pauvres.

Que donne-t-on aux enfants pauvres? Cette année, 50 millions de dollars. Cinquante millions, cette année, de plus, d'argent neuf pour les enfants pauvres. L'année prochaine, il y aura un programme de 600 millions de nouvelles prestations. Très bien, 600 millions, mais il faut comparer ça au bilan des trois années et demie du gouvernement. Si on veut comparer les 600 millions de dollars en nouvel argent qui viendront après les élections, eh bien, ils peuvent changer d'idée. Ils ont changé d'idée sur la TPS, ils peuvent changer d'idée sur la prestation de 600 millions de dollars.

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Ils ont changé d'idée aussi, une promesse non-respectée de 600 millions de dollars d'injection dans les garderies; ils peuvent changer d'idée sur les prestations aux enfants. Six cents millions de dollars, alors qu'on a coupé 4,5 milliards dans les programmes sociaux. Six cents millions de dollars, alors qu'on va retirer en bénéfices aux chômeurs cette année, uniquement par l'instauration de l'assurance-emploi, tout près de 1,5 milliard de bénéfices aux chômeurs. On appauvrit les parents des enfants pauvres, est-ce cela, lutter contre la pauvreté?

C'est odieux de nous présenter les choses de cette façon. Ils sont responsables de la montée de la pauvreté des enfants. Ils réclamaient une politique de lutte contre la pauvreté dans le livre rouge où ils dénonçaient le million d'enfants pauvres au Canada. Le chiffre a grimpé à 1,5 million d'enfants pauvres, et ce, par leur faute, car ce sont eux les principaux responsables.

On met sur pied, dans ce budget, une Fondation, avec tout le fla-fla, le décor et le théâtre dont le ministre des Finances est capable de faire preuve. On parle d'une Fondation pour financer la recherche, entre autres en santé et en éducation supérieure. Il s'agit d'une Fondation de 800 millions. On s'est demandé tout d'abord à quoi doit-on confronter ces 800 millions dans les éléments du bilan du ministre des Finances. À une chose: le ministre des Finances a, encore une fois, coupé les transferts aux provinces pour le financement de l'éducation post-secondaire et de la santé.

Ce faisant, une Coalition canadienne est venue nous dire au Comité des finances que les coupures du ministre ont fait en sorte qu'au cours des prochaines années, l'effort de recherche biomédicale, entre autres, sera réduit jusqu'à 30 p. 100; c'est cela le désastre du ministre des Finances. Et là, on vient nous dire qu'on met en place une Fondation de recherche; oui, afin de réparer les pots cassés, parce qu'ils se sont aperçus qu'ils avaient fait une erreur, mais ils sont incapables de reconnaître leurs erreurs.

Ces 800 millions, il faut savoir de quelle façon il sont financés aussi. Quand on regarde les prévisions de transferts aux provinces rendues publiques l'année dernière par le ministre des Finances, et si on les compare aux transferts révisés présentés par le ministre des Finances cette année, on s'aperçoit qu'il y a une légère baisse de 800 millions dans les transferts aux provinces. Et justement, la Fondation de recherche coûte 800 millions. Alors, encore une fois, c'est clair que cette Fondation, le premier pont de cette Fondation sera constitué sur le dos des provinces. C'est cela, la poursuite du ministre des Finances et c'est avec cela qu'on devrait le gratifier; c'est à partir de ce budget qu'on devrait lui dire qu'il a fait son job? C'est une honte monumentale.

Je vous fais remarquer, monsieur le Président, que toutes les nouvelles mesures, annoncées avec tambours et trompettes, sont toutes des mesures dans des champs de juridiction exclusive des provinces. Ce sont toutes des mesures dans la santé, l'éducation, la sécurité du revenu, tous des champs identifiés par la Constitution comme étant des champs de juridiction provinciale.

C'est tout de même étrange que le ministre des Finances trouve de l'argent un peu partout pour annoncer, à grands renforts de publicité, des programmes fédéraux avec un gros drapeau et le gouvernement du Canada en dessous, et qu'il n'ait pas une cenne pour maintenir les transferts qu'il effectuait normalement dans les programmes sociaux auprès des provinces. C'est tout de même étrange. Ne serait-il pas en train de tasser les provinces complètement pour s'emparer de leurs champs de juridiction, en mettant le drapeau et le gouvernement du Canada bien en avant, pour se faire du capital politique? La réponse est oui.

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Les mesures préconisées par le ministre des Finances dans ce budget sont le prolongement de la politique des drapeaux de la vice-première ministre. C'est uniquement cela.

J'aurais pu parler longtemps de ce budget, et d'ailleurs, nous en aurons l'occasion au cours des prochains jours. Mais laissez-moi vous parler d'un dernier point, une dernière chose importante qui n'est pas contenue dans ce budget, et c'est la compensation pour l'harmonisation de la TPS dont le Québec a droit.

Le Québec a harmonisé sa taxe de vente provinciale avec la TPS dès 1991. Il réclame aujourd'hui une facture de 1,9 milliard de dollars au gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral a conclu une entente d'harmonisation avec les Maritimes et tout de suite, le chèque était prêt. Près d'un milliard de dollars payés aux Maritimes en compensation pour l'harmonisation de la TPS, alors que nous, au Québec, on a harmonisé depuis 1991 sans aucune compensation. Nous nous serions attendus, par souci d'équité et de justice envers le Québec, qu'on fasse mention, dans le budget, d'un premier versement auprès du gouvernement du Québec pour l'harmonisation de la TPS. Il n'y a rien de cela là-dedans.

En terminant, j'aimerais citer le ministre des Finances qui, dans son budget en bref, disait ceci, et je cite: «L'usage qu'un gouvernement fait de ses ressources est le reflet des valeurs auxquelles il souscrit.» Avec ce budget, il est clair que le gouvernement souscrit au cynisme, aux manoeuvres bassement électorales, et qu'il se rit des contribuables du Québec et du Canada.

J'aimerais déposer la motion d'ajournement du débat sur le budget. Je propose, appuyé par ma collègue du comté de Rimouski-Témiscouata, la motion suivante:

Que le débat soit maintenant ajourné.
Sur la motion de M. Loubier, le débat est ajourné.

Le Président: Comme il est 18 h 05, la Chambre s'ajourne jusqu'à demain, à 14 heures, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 05.)