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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 25 mars 1999

• 0900

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Cette séance du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international est ouverte.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement le comité plénier examine les objectifs du Canada en matière de commerce et du programme de l'Organisation mondiale du commerce. En outre, le sous-comité examine les intérêts prioritaires du Canada dans le processus de création d'une zone de libre-échange des Amériques.

C'est la quatrième rencontre de la première série d'audiences publiques que tient le comité à l'échelle du pays sur les principaux aspects de la politique du Canada en matière de commerce international. Ces audiences se tiennent au moment où les pays font face à des décisions et des choix cruciaux qui toucheront les processus de négociation menés multilatéralement sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce et dans le cadre de tribunes régionales en développement telles que la zone de libre-échange des Amériques qu'on se propose de créer.

Lorsque le Comité et son sous-comité du commerce ont entrepris ces consultations publiques et ces études exhaustives des intérêts canadiens dans les négociations de l'OMC et concernant la ZLEA, ils ont convenu avec le ministre du Commerce international, Sergio Marchi, qu'il était nécessaire d'offrir aux Canadiens davantage d'occasions de participer au processus d'élaboration de la position qu'adoptera le Canada dans ses négociations.

Cette semaine, pendant que la moitié du comité tient des audiences dans les provinces de l'Atlantique, l'autre moitié fait de même au Québec. Pendant la dernière semaine d'avril, le comité se divisera de nouveau en deux; la première moitié se rendra dans les provinces de l'Ouest et l'autre tiendra des audiences en Ontario.

Nous espérons recueillir les opinions d'un échantillon représentatif de Canadiens et les exprimer dans nos rapports qui seront déposés au Parlement avant l'été, avant que n'aient lieu les grandes rencontres sur le commerce international prévues pour plus tard cette année.

Avant d'entreprendre ces consultations pancanadiennes, en février, le comité a entendu le ministre et ses hauts fonctionnaires. Puis, en mars, nous avons tenu plusieurs tables rondes dans le cadre desquelles nous avons entendu environ 40 témoins présentant une vaste gamme de préoccupations autant systémiques que sectorielles.

Comme l'a indiqué le ministre Marchi dans la déclaration liminaire qu'il a présentée au Comité du commerce international, le commerce est devenu un problème local. Ce qui se passe, très loin, aux tables de négociation a des conséquences sur et chacun d'entre nous, sur tous les aspects de notre vie quotidienne. Avec la mondialisation, cette tendance ne fera que s'accentuer et l'élaboration de la politique commerciale ne pourra plus être l'apanage de quelques fonctionnaires oeuvrant à huis clos; elle devra mettre à contribution toute la société et tous les paliers de gouvernement.

Ainsi, les membres de notre comité sont heureux de tenir ces audiences, car ils estiment qu'ils contribueront ainsi à atteindre cet objectif. Nous encourageons le plus grand nombre de citoyens de toutes les régions du Canada à y participer, à nous faire part de leurs meilleures idées et à suivre notre étude parlementaire dans les semaines et les mois à venir.

J'aimerais vous souhaiter à tous la bienvenue. Nous sommes honorés de vous accueillir ici aujourd'hui. Je crois savoir, monsieur Park, que vous commencerez, mais auparavant, j'aimerais vous présenter mes collègues avant que vous ne fassiez de même.

M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.): Je m'appelle Bob Speller. Je suis le député fédéral de Haldimand—Norfolk— Brant, dans le sud-ouest de l'Ontario. Je suis le secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international.

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Je m'appelle Sarkis Assadourian. Je suis représente la circonscription fédérale Brampton-Centre. Je suis aussi membre du Comité des affaires étrangères et du commerce international.

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Je m'appelle Daniel Turp et je suis député du Bloc québécois pour la circonscription de Beauharnois—Salaberry et porte-parole aux Affaires étrangères de ce parti.

[Traduction]

M. Darrel Stinson (Okanagan—Shuswap, Réf.): Je m'appelle Darrel Stinson. Je représente la circonscription d'Okanagan—Shuswap, en Colombie-Britannique. Je suis le porte-parole adjoint du Parti réformiste du Canada en matière de commerce. Soyez les bienvenus.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je m'appelle Sarmite Bulte. Je suis députée de Parkdale—High Park, à Toronto. Je suis la présidente du Sous-comité sur le commerce, les différends commerciaux et les investissements internationaux et j'ai l'honneur et le privilège de présider ces consultations dans les provinces de l'Atlantique.

Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Park.

M. Arnold Park (président-directeur général, McCain Foods): Bonjour, madame la présidente et messieurs les membres du comité. [Note de la rédaction: Inaudible]... McCain Canada. Je suis accompagné de cinq de mes collègues: Michael Campbell, vice-président et avocat principal; Richard Barlette, président du McCain International, notre entreprise d'exportation mondiale; Yves Leclerc, agronome principal à McCain Foods; Allan Walker, notre responsable des achats, et Heather Mullen, avocate adjointe.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Soyez les bienvenus. Monsieur Park, nous commencerons par vous.

M. Arnold Park: Merci.

• 0905

Pour commencer, je tiens à remercier le comité de nous donner l'occasion d'exprimer son point de vue préliminaire sur les négociations de l'OMC qui commenceront l'an prochain.

En tant qu'importante entreprise canadienne de rayonnement mondial du secteur de la transformation des aliments, McCain s'intéresse beaucoup aux prochaines négociations sur l'agriculture auxquelles participeront plus de 130 pays membres de l'Organisation mondiale du commerce. Pour qu'il y ait du temps pour les questions, je me contenterai de souligner les principaux points de notre mémoire.

Le mémoire suivra les notes pour mon allocution; la traduction en français sera déposée sous peu.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais vous décrire un peu notre organisation, McCain Foods. En 1957, McCain Foods a commencé à produire des frites congelées à Florenceville, au Nouveau-Brunswick. J'ignore si vous connaissez Florenceville au Nouveau-Brunswick, mais c'est un petit village qui se trouve à environ 120 milles à l'ouest d'ici. Il compte 800 habitants. Ce matin, bien sûr, il n'en compte plus que 795 car 5 d'entre eux sont ici. C'est un très petit village et c'est là que nous habitons.

Aujourd'hui, McCain est la société mère du groupe des sociétés McCain. Nous employons plus de 16 000 personnes à l'échelle du globe. Nous comptons plus de 55 usines de transformation alimentaire dans 11 pays de quatre continents, y compris au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France, en Pologne, en Australie et en Argentine.

Le groupe McCain a un chiffre d'affaires annuel mondial de plus de 5,5 milliards de dollars. N'oubliez pas que cette entreprise existe depuis à peine plus de 40 ans. Elle a donc été très dynamique sur le marché mondial et a su se transformer en multinationale canadienne de l'alimentation.

On connaît surtout McCain parce que c'est le plus grand producteur de pommes de terre frites au monde, mais les sociétés du groupe McCain produisent aussi des légumes, des desserts, des pêches, des jus et des boissons, des gaufres, des hors-d'oeuvre, des produits à base de viande, des plats cuisinés et d'autres aliments transformés de qualité.

Même si McCain est une entreprise internationale, je tiens à souligner que c'est avant tout une entreprise canadienne. Son siège social et sa direction générale se trouvent tous les deux au Canada, et notre siège social restera à Florenceville, au Nouveau-Brunswick.

Pour que nous puissions continuer à investir et à créer des emplois au Canada, nous estimons que les négociations de l'OMC sur l'agriculture devraient aborder deux questions principales. Premièrement, le Canada doit obtenir un meilleur accès aux marchés étrangers pour les produits que McCain exporte à partir de ses usines au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard, au Manitoba, en Ontario, au Québec et en Alberta. Cela signifie abaisser les tarifs étrangers et éliminer ou réduire les obstacles non tarifaires. Ainsi, bon nombre de pays assujettissent les frites et pizzas surgelés McCain à des tarifs douaniers élevés ce qui nous nuit dans nos efforts en vue d'augmenter l'exportation de nos produits provenant d'usines canadiennes.

Deuxièmement, les mesures frontalières du Canada doivent faire en sorte que McCain puisse trouver des sources concurrentielles d'intrants pour la fabrication des produits que nous exportons dans le monde entier.

McCain appuie l'engagement qu'a pris le Canada de négocier la réduction ou de réduire unilatéralement les droits de douane sur les intrants manufacturiers. Nous appuyons cette politique parce qu'elle aide McCain et les autres secteurs à valeur ajoutée en aval à rester concurrentiels autant au pays que sur le marché mondial. Néanmoins, le Canada continue d'imposer des tarifs élevés sur certains produits de base McCain, y compris les produits assujettis à la gestion de l'offre de la volaille et des produits laitiers, plus précisément le fromage auquel le Canada impose des droits de douane de plus de 200 p. 100.

J'aimerais qu'il soit clair d'entrée de jeu que nous ne sommes pas ici pour discuter des points forts ou des points faibles ou pour porter un jugement de valeur sur la politique canadienne de gestion des approvisionnements. Nous voulons plutôt faire porter notre attention sur les mesures appliquées par le Canada à la frontière aux produits visés par la gestion des approvisionnements.

• 0910

Comme nous le soulignons dans notre mémoire, le principal négociateur canadien en matière agricole de l'OMC a bien précisé que ces mesures frontalières seront sur la table pour les négociations de l'an prochain. Il serait naïf de croire, estimons-nous, que les autres pays seront d'accord pour ouvrir leurs frontières aux produits agricoles canadiens si le Canada refuse d'ouvrir davantage ses frontières aux produits étrangers.

Il importe également de reconnaître que les problèmes que nous abordons aujourd'hui ne sont pas nouveaux et qu'ils ne le sont certainement pas pour le comité. Il y a plus de dix ans, les députés avaient déjà constaté que de graves problèmes surviendraient si on appliquait une politique commerciale internationale asymétrique visant à maintenir des obstacles à l'accès au marché pour les produits laitiers et les volailles assujettis au régime de gestion de l'offre tout en adoptant un régime de libre-échange pour les entreprises de transformation alimentaire en aval comme McCain Foods. Une telle politique commerciale, quelque peu en porte-à-faux, a entraîné des désavantages concurrentiels pour les entreprises canadiennes de transformation alimentaire du fait qu'elles sont nécessairement en concurrence avec des entreprises de transformation alimentaire étrangères qui bénéficient d'avantages importants du fait car elles ont accès à des produits de base moins chers pour les produits laitiers et les volailles.

Au cours de la dernière décennie, la situation s'est aggravée du fait que les consommateurs ont eu tendance à acheter davantage de produits alimentaires transformés. Il suffit de circuler dans une épicerie pour se rendre compte que le commerce agricole concerne de plus en plus les aliments transformés congelés comme les frites, les pizzas, et les desserts préparés.

Par le passé, on a tenté de minimiser le désavantage concurrentiel résultant de la politique actuelle en matière de commerce international. Par exemple, et il s'agit d'un aspect tout à fait pertinent ici, le secteur canadien de l'industrie laitière a mis sur pied le système de classification laitière selon lequel le prix du lait de transformation est établi en fonction de l'utilisation finale. L'une de ces classifications s'applique à McCain et à d'autres entreprises de transformation alimentaire qui utilisent du fromage canadien pour fabriquer des produits comme la pizza. En vertu de ce programme, McCain est en mesure de payer moins cher le fromage qu'elle ne le ferait normalement dans le cadre du régime de gestion des approvisionnements, ce qui est évidement très utile et avantageux. Cette mesure qui nous permet d'être concurrentiels sur le marché canadien aussi bien que sur les marchés étrangers.

Cependant, la semaine dernière, le gouvernement du Canada a reconnu qu'il avait perdu une contestation de l'OMC visant le système de classification laitière. La portée de la décision n'a pas encore été pleinement évaluée, mais la capacité de McCain de s'approvisionner en fromage à un prix concurrentiel pour fabriquer ses pizzas vendues au Canada et à l'étranger risque d'être touchée de diverses façons.

Premièrement, si la décision de l'OMC empêche McCain d'avoir accès au fromage à des prix concurrentiels pour ses pizzas destinées à l'exportation, nous devrons cesser d'exporter des pizzas congelées à partir du Canada. De plus, en plus de la perte de débouchés à l'exportation, il faut considérer que, dans bien des cas, les sociétés de transformation alimentaire canadiennes ont de la difficulté à réaliser les économies d'échelle nécessaires pour être concurrentiels au Canada si leurs ventes se limitent au marché canadien.

C'est pratiquement une lapalissade de dire que, compte tenu de notre petite taille et de la grande taille de nos concurrents, nous devons, nous du Canada, exporter pour demeurer concurrentiels. Autrement dit, si la décision de l'OMC visant les subventions aux exportations de produits laitiers fait en sorte que les installations de fabrication canadienne de McCain perdent leurs ventes à l'exportation, nous pourrions également perdre le marché intérieur du même coup. Cependant, la décision de l'OMC risquerait également d'empêcher McCain d'avoir accès au fromage à prix concurrentiel pour la fabrication des pizzas vendues au Canada. Dans un tel cas, McCain et d'autres ne seraient pas en mesure de faire concurrence aux produits alimentaires transformés américains ont accès à des produits laitiers de base à meilleur prix.

Après avoir fermé les yeux durant dix ans sur certaines contradictions de la politique commerciale internationale du Canada, le temps est venu d'adopter une politique équilibrée qui permettra à nos fabricants canadiens d'être concurrentiels aussi bien au Canada qu'à l'étranger. Par conséquent, nous recommandons que le Canada effectue une transition ordonnée qui permettra un élargissement graduel de l'accès au marché canadien pour les produits laitiers et les volailles étrangers.

Permettez-moi de terminer en disant que quiconque soutient que cette recommandation va à l'encontre des intérêts des agriculteurs canadiens ne comprend pas de quoi il s'agit. N'oublions pas que les entreprises de transformation des produits alimentaires comme McCain sont un gros client des agriculteurs canadiens; de fait, nous sommes nous-mêmes de gros exploitants agricoles. Si nous, les clients des producteurs canadiens, ne pouvons pas soutenir la concurrence, nous ne pourrons plus prendre d'expansion au Canada, ce qui est notre objectif, et acheter leur récolte. En revanche, si nous continuons à investir et à croître au pays, ce que nous avons fait—et nous avons d'excellents antécédents d'investissements au Canada, surtout ces dernières années—alors nous pourrons continuer à augmenter nos achats auprès des producteurs canadiens.

• 0915

La dernière décision de l'OMC montre que la politique commerciale actuelle n'est pas une solution à longue échéance. Je vous demande donc dans votre rapport de vous pencher sur les questions qui nous inquiètent.

Je vous remercie de l'occasion qui nous a été offerte de présenter nos vues. Nous serons maintenant heureux de répondre à vos questions.

Merci beaucoup.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Park.

Je vais maintenant céder la parole à mes collègues. Comme nous avons des difficultés d'ordre technique, je vous demanderais d'appuyer sur le bouton de votre microphone avant de prendre la parole.

Monsieur Turp.

[Français]

M. Daniel Turp: Je voudrais très bien comprendre votre position. Est-ce que vous plaidez en faveur d'une remise en question du système de gestion de l'offre? Dois-je comprendre que dans cette orderly transition, vous souhaiteriez que le gouvernement du Canada mette fin à l'existence de ce système et le remplace de façon transitoire par d'autres mesures de protection? Est-ce que c'est votre position?

[Traduction]

M. Arnold Park: La position de la société repose entièrement sur les considérations économiques. Nous estimons qu'à terme nous aurons du mal à trouver un des principaux ingrédients employés dans l'un de nos principaux produits, et nous croyons savoir que le mécanisme qui nous permet d'être concurrentiels aujourd'hui va sans doute disparaître.

Nous croyons également savoir que la gestion des approvisionnements des produits laitiers figurera au programme de l'OMC. C'est pourquoi nous recommandons de nous préparer à négocier à l'OMC dans cette hypothèse et de mettre à la disposition de fabricants comme nous un mécanisme qui nous donne accès aux produits de base qui entrent dans la composition de nos produits.

M. Daniel Turp: Quel est ce mécanisme?

M. Arnold Park: Je ne suis pas ici pour vous recommander comment ces négociations devraient se ternir. Je suis ici pour vous dire que nous percevons un problème lors des négociations et que nous risquons d'être pénalisés.

[Français]

M. Daniel Turp: Vous ne voulez pas être plus précis? Soyez plus précis. On a vraiment besoin d'en savoir davantage. J'apprécierais que vous soyez plus précis. Ce que vous proposez représente vraiment une remise en cause fondamentale de la façon dont les produits laitiers sont gérés et distribués ici. Vous savez qu'il y a des objections sérieuses de la part des producteurs laitiers eux-mêmes, qui veulent garder ce système de gestion de l'offre. Comment équilibrer leurs intérêts et les vôtres? C'est pour cette raison que je vous demande ce que signifie l'expression «orderly transition».

[Traduction]

M. Arnold Park: Dans notre secteur, la transformation des produits alimentaires, on a constaté lorsque l'ALENA a été signé qu'il devait y avoir une réduction progressive des droits de douane qui protégeaient l'industrie canadienne sur une période de 10 ans, je crois. Dans l'intervalle, le secteur s'est réorganisé pour être plus concurrentiel à l'échelle internationale. Dans mon secteur, cette transition a été couronnée de succès et nous sommes très compétitifs aujourd'hui sur le marché mondial.

[Français]

M. Daniel Turp: Mais vous ne répondez pas à ma question.

• 0920

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): M. Turp dit ne pas avoir entendu la réponse à la question de savoir comment vous pourriez nous aider. Nous voulons connaître vos recommandations; nous avons besoin que vous nous disiez quelle politique il faut recommander. N'hésitez pas à nous dire comment vous estimez que devrait se faire cette transition. Qu'est-ce qui remplacerait la gestion des approvisionnements?

M. Arnold Park: Nous ne sommes pas ici pour défendre ou condamner la gestion des approvisionnements, madame la présidente. Nous sommes ici pour vous dire qu'étant donné la structure actuelle, nous anticipons un problème si l'on veut fabriquer d'autres produits parce que le régime à deux prix, à deux volets, est contesté. Si cela est contesté, notre capacité de fabrication et d'exportation à prix concurrentiels est-elle aussi menacée. Des changements s'imposent.

M. Daniel Turp: Quels changements? L'élimination de régime?

M. Arnold Park: Vous me faites dire ce que je n'ai pas dit.

M. Daniel Turp: Non, je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais...

M. Arnold Park: Je suis désolé, mais vous me prêtez des propos que je n'ai pas tenus. Ce que j'ai dit, c'est que nous vous signalons un problème que nous jugeons important. Je ne crois qu'il incombe à l'industrie de trouver toutes les solutions. Nous ne nions pas l'existence du problème; nous vous signalons toutefois une autre série de problèmes qui découlent du régime en place.

M. Daniel Turp: Pourquoi ne voulez-vous pas nous aider à trouver une autre solution? Vous ne faites que parler d'une «transition ordonnée». Cela signifie évidemment quelque chose pour vous, mais vous ne voulez pas nous le dire. Vous semblez plus disposer à...

M. Arnold Park: Non, je n'ai aucune hésitation. Je le répète, nous sommes des spécialistes dans le domaine de la pizza, des frites, de la commercialisation des échanges. Mais nous ne sommes pas des spécialistes de l'industrie laitière ou des systèmes de gestion des approvisionnements; ce n'est pas du tout notre domaine. Un exemple que j'ai donné montre que dans notre industrie nous avons enregistré une réduction importante des droits de douane sur une période de dix ans, et nous avons réussi à y faire face et nous sommes devenus très concurrentiels sur le marché international. Je suis désolé de ne pas pouvoir vous aider davantage, mais cela ne semble pas entrer dans notre champ de compétence.

Je vais céder la parole à mon collègue Mike, qui pourra vous donner son opinion.

M. Michael Campbell (avocat principal, McCain Foods): Je crois que, dans un sens, les choix sont faciles à faire. Vous maintenez le régime de gestion des approvisionnements avec l'exception qui nous permet actuellement d'être concurrentiels pour ce qui est de fabriquer un produit à bon marché, où on procède à une transition ordonnée.

Arnold a dit que notre industrie avait traversé une période de transition de 10 ans. Nous ne pouvons pas affirmer qu'une période de 10 ans peut convenir à l'industrie laitière, car nous ne la connaissons pas suffisamment. Une période de cinq ans ou de 20 ans serait peut-être préférable. C'est pourquoi nous hésitons à formuler des suggestions, car il s'agit d'un domaine que nous connaissons peu. Nous savons toutefois que le fromage doit être offert à un prix concurrentiel pour que nous puissions continuer à vendre nos pizzas au Canada et à prendre de l'expansion. Pour l'instant, nous devons mettre au rancart nos projets d'expansion jusqu'à ce que nous soyons assurés d'avoir un approvisionnement sûr. Voilà le problème que nous avons.

M. Darrel Stinson: Vous vendez un produit, et pour le fabriquer vous avez besoin d'un autre produit qui entre dans une autre catégorie que le vôtre en vertu de cet accord.

M. Arnold Park: Exactement.

M. Darrel Stinson: Est-ce que vous avez rencontré des représentants de l'industrie laitière pour discuter des problèmes qui, à votre avis, pourraient survenir?

M. Michael Campbell: Non. Ce n'est arrivé que cette semaine.

M. Arnold Park: C'est une toute nouvelle donne.

M. Darrel Stinson: D'accord.

M. Daniel Turp: Je constate que les prix que vous payez en vertu du régime de gestion des approvisionnements sont trop élevés.

M. Arnold Park: Non.

• 0925

M. Michael Campbell: Non. Comme nos produits doivent rivaliser avec des produits importés au Canada à partir de pays où le prix du fromage y est inférieur, nous bénéficions d'un prix spécial en vertu du régime actuel de gestion des approvisionnements.

La décision rendue dernièrement par l'OMC remet en question ce traitement de faveur, selon nous. Personne ne le sait vraiment. Je ne crois pas que le gouvernement le sache. Je ne crois pas qu'on connaisse encore les répercussions de cette décision. Cela nous préoccupe. Notre exposé vise en partie à faire état de ces préoccupations et à vous dire que nous avons une entreprise bien établie au Canada, une entreprise concurrentielle, mais sa prospérité dépend de notre capacité d'obtenir du fromage à un prix concurrentiel. L'industrie laitière l'a d'ailleurs reconnu en établissant des prix pour le fromage en fonction de l'utilisation finale. Si vous devez rivaliser avec des produits étrangers, vous avez alors droit à une réduction de prix.

Si ce traitement est menacé à cause de la décision de l'OMC, que va-t-il se produire? Nous l'ignorons. Nous exprimons simplement nos préoccupations.

• 0930

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): À ce sujet, je crois comprendre que dans sa décision, l'OMC a estimé que cette classification laitière constituait une subvention à l'exportation.

M. Michael Campbell: Madame la présidente, tout le monde en parle, mais personne n'a vu cette décision encore—ou du moins nous ne l'avons pas vue.

Une voix: Je l'ai si vous voulez en faire une copie.

M. Michael Campbell: Nous ne l'avons pas encore vue.

M. Arnold Park: Nous en avons pris connaissance dans les journaux, elle nous préoccupe grandement.

Je peux vous décrire brièvement ce secteur de l'industrie et vous dire pourquoi il est essentiel à nos discussions. Il s'agit véritablement d'un modèle de réussite. Globalement, le secteur de la pizza est l'un des plus dynamiques dans le monde et celui qui connaît la plus forte croissance dans le domaine des aliments surgelés. Il correspond à la définition de substitut de repas. Je suis persuadé que vous en avez tous entendu parler dans les journaux ou ailleurs. La pizza est probablement le mets de remplacement le meilleur, le plus facile et le plus rapide, et le moins cher. Le secteur de la pizza surgelée au Canada croît d'environ 15 p. 100 par an, ce qui est un taux de croissance phénoménale de nos jours.

Cela dit, le secteur de la pizza au Canada est trois fois moins développé qu'aux États-Unis, par habitant. Le secteur américain de la pizza connaît aussi une forte croissance; et il n'est pas aussi développé que celui de la Grande-Bretagne. Il existe donc un monde de possibilités pour une gamme de produits où le Canada est très concurrentiel. Il existe donc des débouchés énormes au Canada, de même qu'à l'exportation.

• 0935

Mais je reviens à notre position. L'année dernière, nous avons dépensé deux millions de dollars pour améliorer nos installations. Nous avons un programme d'immobilisations de 4 millions de dollars additionnels pour accroître notre production à notre usine de Grand Falls. Ce programme a été approuvé et est en cours d'exécution.

Si nos prévisions sont justes, malgré les investissements que nous venons de consentir, nous croyons que nous aurons atteint notre capacité maximale de production d'ici deux ans. Notre plan quinquennal d'immobilisations pour l'expansion d'une fabrique de pizza autonome dépasse 40 millions de dollars. Afin de pouvoir consacrer en toute confiance des sommes importantes à ce genre d'équipement, nous devons pouvoir compter—même s'il n'y a jamais de garantie dans la vie—sur une loi ou une politique du gouvernement en vertu de laquelle nous allons pouvoir continuer d'acheter du fromage à un prix concurrentiel. D'importants d'investissements en dépendent.

Nous ne prétendons pas que la formule qui existait auparavant n'était pas efficace. Ce n'est pas du tout ce que nous affirmons. En fait, la formule qui existait était efficace. Cependant, en raison de la contestation devant l'OMC sur le processus à venir, notre industrie est tout à coup exposée. En fait, les fournisseurs qui nous vendent le fromage servant à fabriquer les produits vendus sur ses marchés intérieur et extérieur sont également à risque, et ils pourraient également perdre des ventes. Ils risqueraient de perdre des recettes.

M. Darrel Stinson: Il faut tout d'abord préciser les rôles et déterminer ce qui constitue une subvention.

M. Arnold Park: Oui, c'est en partie exact.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Assadourian.

M. Sarkis Assadourian: Merci beaucoup.

Je viens de relire la conclusion à la page 10 de votre mémoire. Vous dites qu'il faut aborder deux questions; à savoir les nos 38 et 39. Pour ce qui est du no 39, faites-vous allusion aux obstacles au commerce interprovincial? Pouvez-vous nous donner des précisions au sujet du no 39?

M. Arnold Park: Non, je parlais des barrières fédérales. Je parlais des droits de 200 p. 100 sur les importations de fromage. Je ne faisais pas allusion au commerce interprovincial; je parlais du commerce avec l'étranger. C'est beaucoup moins cher et cela nous ramène à notre argument principal.

M. Sarkis Assadourian: Les barrières au commerce interprovincial vous posent-elles des problèmes pour faire venir du fromage ou du lait d'une autre province?

M. Arnold Park: Je peux dire que non dans le cas du fromage. En fait, la majeure partie du fromage que nous utilisons au Nouveau-Brunswick vient de l'extérieur. Il provient surtout du Québec.

M. Sarkis Assadourian: D'accord. Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Speller.

M. Bob Speller: Merci beaucoup pour votre exposé; c'est très intéressant.

• 0940

Je voudrais revenir sur ce que M. Turp vous a demandé au sujet des répercussions que cette décision pourrait avoir sur votre secteur. Je m'étonne que vous n'ayez pas vu cette décision étant donné que vous avez un chiffre d'affaires d'environ 5,5 milliards de dollars. Je suppose que c'est une question très importante pour vous. Quel pourcentage de votre chiffre d'affaires la pizza, le fromage et les autres produits laitiers représentent-ils?

M. Arnold Park: Je dois préciser que nous exportons environ la moitié de notre production de pommes de terre congelées et environ 15 p. 100 de notre production de pizza. Si nos exportations de pizza ne sont pas plus importantes et elles pourraient l'être, c'est comme je l'ai dit tout à l'heure, parce que nos usines tournent à plein rendement. Au cours des huit derniers mois, nous avons dépensé 2 millions de dollars pour agrandir une usine et nous effectuons actuellement des travaux d'agrandissement d'une valeur de 4,5 millions de dollars dans une autre usine. J'aimerais que notre capacité de production soit plus importante, car je pourrais ainsi exporter beaucoup plus.

M. Bob Speller: Quand vous parliez d'expansion, c'était seulement dans ce domaine et pas celui de frites. C'était seulement pour la pizza? Vous avez parlé d'une possibilité d'expansion...

M. Arnold Park: Non, telle n'est pas notre position. Pour ce qui est des frites, nous avons investi plus de 100 millions de dollars, depuis deux ans, dans la construction d'une nouvelle usine à Portage la Prairie. Nous venons d'annoncer, il y a deux mois, que nous construisions une usine de pommes de terre frites flambant neuf, dans le sud de l'Alberta et nous espérons commencer les travaux d'ici un mois. L'expansion de notre production de pommes de terre congelées s'est extrêmement bien déroulée. Nous réussissons très bien sur le marché d'exportation. Nous sommes très satisfaits. Nous ne pourrions pas être plus contents pour ce qui est des pommes de terre congelées.

M. Bob Speller: Que pensez-vous de votre participation au processus? Avez-vous l'impression que le gouvernement vous consulte?

M. Arnold Park: Je dois dire que oui. McCain Foods et moi-même faisons partie du CCCPA, le conseil consultatif qui informe le ministre fédéral et qui fait un travail exceptionnel. Je préside également un sous-comité du CCCPA sur l'examen de réglementation.

D'autre part, au niveau du sous-ministre, M. Frank Claydon rencontre deux fois par an les représentants de l'Institut des aliments du Canada. Je siège avec plusieurs autres personnes au bureau de cet institut. En fait, nous nous sommes réunis le mois dernier pour examiner les statistiques commerciales et les divers problèmes qui préoccupaient les uns et les autres.

Comme vous le savez, le ministère de l'Agriculture va tenir à Ottawa, à la fin du mois, une importance conférence où un grand nombre de représentants de l'industrie ont été invités. Je dirais sans doute que la consultation de notre industrie a été meilleure qu'elle ne l'a jamais été, surtout de la part du ministère de l'Agriculture.

Je crois qu'en adoptant la recommandation du CCCPA qui prévoyait élargir de 4 p. 100 le marché mondial des produits agricoles et agroalimentaires, le gouvernement fédéral a fixé l'objectif à atteindre.

Une des choses que nous avons examinées avec M. Claydon à Ottawa, il y a deux semaines, c'est où nous en étions dans la poursuite de ces objectifs. Je dois dire que, dans l'ensemble, les exportations de produits alimentaires canadiens ont augmenté de façon très satisfaisante. Pour cette raison, il y a probablement lieu de féliciter le gouvernement pour le travail accompli et pour la façon dont l'industrie a été consultée.

• 0945

M. Bob Speller: J'ai deux questions à poser; premièrement, comment choisissez-vous vos fournisseurs de produits laitiers dans le monde? C'est un détail qui pourrait intéresser les membres de notre comité. Vous n'avez pas seulement vos usines à pizza ici, au Canada, vous en avez d'autres, n'est-ce pas? Je sais que vous en avez en Australie.

M. Arnold Park: Nous avons des usines à pizza au Canada, aux États-Unis, en Australie et en Angleterre. Je crois que nous en avons une petite en Europe centrale également, mais je n'en suis pas absolument certain.

Quant aux fournisseurs de lait, je vais demander à notre directeur des achats, Allan Walker, de vous répondre car il connaît mieux...

M. Allan Walker (directeur des achats, McCain Foods): Nous achetons environ deux millions de kilos de fromage par an, ce qui fait beaucoup de fromage. La première chose qui détermine notre choix, c'est la qualité, et par conséquent, nous cherchons des fournisseurs qui peuvent nous offrir la qualité souhaitée et respecter nos conditions. Ensuite, nous cherchons des fournisseurs qui peuvent assurer la livraison comme nous le voulons, et également qui peuvent nous offrir le service dont nous avons besoin. Ensuite, nous tenons compte du prix. Autrement dit, qualité, livraison et prix sont les critères sur lesquels sont basées ces décisions.

À l'heure actuelle, nous achetons du fromage au Québec. Nous avons deux fournisseurs dans cette province qui offrent les conditions requises. Nous leur demandons régulièrement leurs prix révisés et nous faisons des comparaisons sur la base desquelles nous prenons ensuite des décisions. Depuis quelques années, nous achetons à un fournisseur la majorité du fromage dont nous avons besoin, et à l'autre, une petite quantité.

Pour n'importe quel produit, nous avons toujours préféré nous approvisionner au Canada, qu'il s'agisse de fromage ou d'autre chose...

M. Bob Speller: Est-ce à cause de la qualité, de la disponibilité, etc.?

M. Allan Walker: La compagnie a pour principe d'acheter localement si cela nous permet de maintenir notre avantage concurrentiel. Ensuite, nous achetons dans les autres régions du Canada, et seulement après, à l'étranger. En ce qui concerne la classification laitière, nous n'avons pas tellement de choix, nous achetons au Canada.

Jusqu'à l'année dernière, nous avions une usine de fromage en Ontario qui nous appartenait. Toutefois, nous avons ensuite décidé d'acheter à une compagnie qui n'appartenait pas à McCain car elle était plus proche, elle offrait un meilleur service et elle pouvait nous donner de meilleurs prix, en partie à cause des frais de transport. Les fournisseurs avec lesquels nous traitons actuellement au Québec sont excellents. Ils savent ce qu'ils font, ils savent faire du fromage. Nous sommes convaincus qu'ils pourraient concurrencer n'importe qui, n'importe où, si leur coût de production était comparable à ceux de leurs concurrents.

M. Bob Speller: Vous pensez aux États-Unis.

M. Allan Walker: Oui, mais à coûts de production égaux, nous pensons que les producteurs de fromage du Québec pourraient concurrencer n'importe qui. Ils le prouvent d'ailleurs en étendant leurs opérations aux États-Unis et en prenant de l'expansion là-bas.

M. Bob Speller: Il y a également la valeur du dollar.

Comment sont vos relations avec des groupes comme les producteurs laitiers du Canada?

M. Allan Walker: Nos relations se font par personne interposée. Nous achetons directement aux producteurs de fromage. Nous ne commençons pas par acheter le lait pour le livrer ensuite à des producteurs. Nous traitons avec les fabricants de fromage.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Turp, vous aviez une observation?

M. Daniel Turp: En tant que parlementaires, nous devons absolument bien comprendre la question pour pouvoir faire un rapport utile au Parlement. Je tiens en particulier à bien comprendre ce que vous dites au sujet du prix des produits que vous achetez. Vous voulez acheter du fromage à des prix plus concurrentiels. C'est ce que vous avec dit dans votre exposé, monsieur Park, pour vous c'est une nécessité.

M. Arnold Park: Oui.

M. Daniel Turp: Qu'est-ce qui peut rendre les prix plus concurrentiels?

M. Arnold Park: La situation actuelle.

M. Daniel Turp: Oh, c'est déjà le cas.

M. Arnold Park: Oui monsieur.

Pour que nous nous comprenions bien, avec le système actuel où d'établissement des prix à deux volets pour les produits laitiers, les fromages canadiens sont concurrentiels. Ce qui nous inquiète, c'est qu'à la suite de la récente décision de l'OMC ce système à deux volets ne sera plus autorisé. Si c'est le cas, du jour au lendemain le fromage que nous achetons ne pourra plus concurrencer le fromage américain qui arrivera sur le marché canadien.

• 0950

Ce que nous venons vous dire, ou ce que j'ai essayé d'expliquer tout à l'heure, c'est que nous voyons un problème poindre à l'horizon. Nous vous prévenons que nous n'avons pas de solution à ce problème et pour l'instant, nous sommes tous assis ici, mais vous n'avez pas de solution non plus. Toutefois, ce n'est pas une raison pour l'ignorer. Il faut absolument que nous trouvions ensemble une solution à ce problème. C'est en partie la raison pour laquelle nous sommes ici, nous voulons participer à cet exercice.

M. Daniel Turp: Quelles seront les conséquences pour vous? Est-ce que cela veut dire que vous serez forcés, vous aussi, de chercher du fromage meilleur marché, en particulier aux États-Unis? Ou bien est-ce que cela veut dire seulement que vos concurrents auront, eux aussi, accès à du fromage moins cher et qu'ils pourront vous faire une concurrence injuste? Est-ce là...?

M. Arnold Park: Oui, c'est précisément le problème.

M. Michael Campbell: Ce que cela veut dire, c'est qu'à l'heure actuelle il ne serait pas économiquement possible pour nous d'acheter du fromage aux États-Unis, à cause du droit de douane de 200 p. 100: cela nous défavoriserait sur les marchés.

M. Arnold Park: Mais par contre, il n'y a pas de droit de douane sur le fromage qui entre au Canada, déjà sur la pizza. C'est le dilemme.

Nous ne tenons pas du tout à aller chercher notre fromage à l'étranger, et nous ne réclamons pas non plus un meilleur prix qu'à l'heure actuelle. Nous n'avons rien contre le prix actuel. Toutefois, nous pourrions devenir très vulnérables à cause de la position de l'OMC et des changements que cela pourrait provoquer.

Franchement, si cela se produisait, tout le monde y perdrait. L'agriculteur qui nous fournit actuellement en fromage y perdrait; évidemment, nous-mêmes, nous y perdrions parce que nous vendrions d'autant moins de pizza. Nos employés y perdraient parce qu'ils ne pourraient pas travailler; la balance commerciale y perdrait parce que cela nous empêcherait d'exporter.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous ne sommes pas des experts en gestion des approvisionnements, ce n'est pas notre secteur, mais nous achetons des produits qui sont fabriqués à partir de produits assujettis à la gestion des approvisionnements. Par conséquent, tout ce qui touche ces produits-là nous fait l'effet d'une gifle.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Park, j'aimerais me référer au paragraphe 11 de votre exposé; vous dites que les produits de la compagnie McCain se heurtent à des obstacles non tarifaires, par exemple à des normes arbitraires ou modifiables et également à des mesures sanitaires et phytosanitaires. Pourriez-vous développer un peu? Également, avez-vous des recommandations sur ce qu'on pourrait faire pour y remédier? Voilà la première question.

D'autre part, au paragraphe 41 vous dites que vous aimeriez participer aux négociations de la ZLEA. Pouvez-vous nous dire ce qui est important pour votre industrie, ce que vous espérez accomplir dans le cadre de la ZLEA, comment vous voyez ces négociations s'orienter, en particulier en parallèle des négociations de l'OMC?

M. Arnold Park: Attendez que je retrouve mes notes. De quel paragraphe parlez-vous?

M. Michael Campbell: Est-ce que c'est dans les points saillants, madame la présidente?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): C'est dans votre exposé préliminaire, là où vous parlez des obstacles non tarifaires, y compris les mesures sanitaires et phytosanitaires. J'aimerais savoir quels sont ces obstacles auxquels vous vous heurtez, et j'aimerais aussi que vous me disiez comment nous devons négocier pour obtenir que les choses changent. Quelles sont vos recommandations dans ce domaine?

M. Arnold Park: Plusieurs pays où nous exportons ont des règlements en ce qui concerne l'étiquetage des produits qui sont assez clairs, et ils nous passent des commandes. Mais, quand nous arrivons à la frontière les procédures réglementaires ont changé et, du jour au lendemain, nos étiquettes ne sont plus valables et on nous refuse l'entrée. Un des exemples les plus criants est celui du Venezuela, et je vais demander à mon collègue... n'est-ce pas Richard?

M. Richard Barlett (vice-président exécutif, McCain Foods): Oui. Le Venezuela en est un exemple récent. Il y a dans ce pays un nouveau gouvernement qui est en train de modifier l'enregistrement ou d'annuler les enregistrements actuellement en vigueur. Dernièrement, un conteneur a été retenu à la frontière car les responsables nous demandaient de présenter à nouveau nos enregistrements. Voilà un exemple d'abus.

• 0955

Il y a eu un autre exemple il y a quelques années où l'Uruguay exigeait un certificat relatif à la listeria. Le problème, c'est que cela ne s'applique pas à notre produit, à savoir les frites congelées. Toutefois, le gouvernement de ce pays nous a demandé de présenter un certificat relatif à la listeria, et nous avons dû nous en procurer un auprès d'un organisme qui, selon lui, était habilité à l'établir. C'est un autre exemple de ce que nous appelons obstacle commercial non tarifaire. On n'a rien à reprocher au produit. Ce n'est pas une question de payer des droits de douane. C'est simplement un obstacle, une barrière pour empêcher le produit d'accéder au marché.

Un autre exemple, peut-être pas dans la même catégorie mais qui constitue aussi un obstacle, est celui du Mexique qui, dernièrement, a exigé certains termes espagnols spécifiques pour ce pays, même si certains de ces termes ne sont pas très bien compris dans le reste de l'Amérique latine, par exemple. Ici, le terme «pie» signifie dessert. Les Mexicains qui habitent près de la frontière américaine comprennent un peu l'anglais—les gens l'appellent «spanglish»—comprennent le terme «pie». En espagnol, toutefois, le terme «pie» signifie pied. Loin de nous l'idée de vendre des pieds congelés dans les autres pays d'Amérique latine. C'est toutefois l'un des termes que le gouvernement mexicain a décidé d'utiliser dans son pays, et il est très strict à ce sujet.

Ce sont des exemples de ce que nous considérons comme des obstacles au commerce et au libre accès aux marchés qui ne consistent pas en la simple imposition de droits de douane requis pour exporter des produits dans un pays.

M. Arnold Park: Un des problèmes les plus graves, et sans doute le plus grave auquel nous allons nous heurter—et vous avez peut-être lu l'article récent dans le journal—est que, en 1996, les États-Unis ont adopté une loi établissant le genre de pesticides et de fongicides qu'on peut utiliser dans les produits d'origine nationale et les produits importés aux États-Unis. Même si cette loi a été adoptée, elle n'a pas encore été appliquée, mais nous croyons savoir que les Américains comptent la mettre en vigueur pour la campagne agricole en cours. Le problème, c'est que certains des pesticides et fongicides qui figurent sur la liste n'existent pas ou ne sont pas autorisés au Canada et dans d'autres pays. Par conséquent, lorsque nous voudrons exporter aux États-Unis, nous allons nous heurter à de sérieux problèmes car nous ne nous conformerons pas aux exigences. Cela ne veut pas dire que les pesticides et les fongicides que nous utilisons au Canada sont dangereux ou très différents de ceux que l'on utilise aux États-Unis. Toutefois, le gouvernement américain tient mordicus à certains produits, et cela va nous poser toutes sortes de problèmes. Qui plus est—et c'est là qu'on peut parler d'obstacles non tarifaires—les Américains, d'après nos renseignements, vont être beaucoup plus stricts dans l'application de cette loi à l'égard des pays qui exportent aux États-Unis qu'à l'intérieur de leurs frontières. C'est donc un excellent exemple de ce que nous avançons.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Nous reviendrons à la ZLEA.

M. Daniel Turp: Hier, en Nouvelle-Écosse, quelqu'un nous a demandé de vous poser une question à ce sujet. On nous a dit que les Américains pourraient même venir inspecter vos locaux et voir comment les choses se passent afin d'établir si vous pouvez exporter aux États-Unis. Est-ce exact?

M. Arnold Park: Je ne peux répondre qu'en vous citant un exemple. Je ne peux pas répondre précisément à votre question, mais je vais vous citer un exemple tout à fait pertinent. Au cours des deux dernières années, notre secteur d'activité et notre entreprise ont fait l'objet d'une enquête de la CCI à Washington. Nous voulions être en mesure de continuer d'exporter vers les États-Unis. Dans le cadre de cette enquête de la CCI, les délégués commerciaux américains sont venus au Canada et ont discuté avec certaines personnes, inspecté des usines, etc. Vous vous demandez peut-être pourquoi nous avons accepté de bonne grâce de genre de chose. Tout simplement parce que nous voulions avoir accès à leur marché, et les Américains ont jugé tout naturel d'être autorisés à visiter nos usines, et à discuter avec toutes sortes de gens au Canada au sujet de notre entreprise.

• 1000

Je ne réponds pas directement à votre question, mais cela vous donne une idée de la mentalité des gens dans ce domaine.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): La question portait également sur le programme d'exportation facultatif auquel participent les producteurs. Sauf erreur, on nous a dit que certaines ententes avaient été conclues avec les agriculteurs du Nouveau-Brunswick. C'est pourquoi les responsables ont dû venir rencontrer les producteurs.

M. Daniel Turp: Dans votre cas, c'est parce qu'il y a eu une plainte aux États-Unis. Est-ce que le représentant commercial américain est venu au Canada parce qu'il y a une plainte contre la société McCain?

M. Arnold Park: Il y a eu une plainte contre toute l'industrie.

M. Daniel Turp: C'est pour cette raison qu'ils voulaient faire des inspections et que vous les y avez autorisés.

M. Arnold Park: En effet.

• 1005

M. Michael Campbell: Soyons clairs. Ils ont également inspecté les installations américaines.

M. Daniel Turp: Y a-t-il eu la moindre ingérence gouvernementale dans ce processus? Le gouvernement fédéral ou d'autres paliers de gouvernement vous ont-ils dit qu'il fallait les laisser inspecter vos locaux ou les en empêcher?

M. Michael Campbell: Pendant toute cette affaire, notre gouvernement s'est fait tout petit.

M. Daniel Turp: Pour quelle raison?

M. Michael Campbell: Je ne pense pas pouvoir expliquer cette attitude. Dans notre secteur, nous avons décidé de notre propre gré de participer à l'enquête et aux audiences. Le rapport qui en a découlé était sans importance parce que, au Canada, l'industrie n'est pas subventionnée de façon exagérée.

Je ne peux pas répondre pour le gouvernement fédéral. Je ne sais pas pourquoi il n'a pas participé au processus.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): [Note de la rédaction: Inaudible]... La ZLEA et ce que votre secteur d'activité espère en retirer. Quelles devraient être nos priorités dans le cadre des négociations de la ZLEA, qui auront lieu presqu'en même temps mais qui seront distinctes des négociations de l'OMC?

M. Richard Barlett: Si je peux vous donner une réponse assez générale, je vais reprendre l'exemple qu'a cité Arnold. À l'heure actuelle, les frites surgelées constituent notre principal produit d'exportation. Il s'agit d'un secteur qui n'est pas vraiment subventionné. Nous pouvons soutenir la concurrence à l'échelle mondiale. L'entreprise McCain International dessert le monde entier. Nous fabriquons des produits à l'échelle mondiale et pourtant, la plupart de nos exportations vers les autres pays partent du Canada. Je veux parler simplement des nouveaux marchés. Je ne parle pas des États-Unis. Je parle de pays comme le Costa Rica, le Brésil, etc.

Ce que nous devrions chercher à obtenir avant tout, c'est la suppression de ces obstacles commerciaux non tarifaires. Je dois dire que c'est l'exception qui confirme la règle, mais le gouvernement doit se montrer très diligent et continuer à s'y opposer chaque fois que ce genre de problème surgit, en collaboration avec l'industrie. J'ajoute que lorsque nous avons demandé de l'aide au gouvernement canadien, nous l'avons obtenue. La plupart du temps, il faut attendre un certain temps—des mois, parfois un peu plus—pour que le problème soit résolu. En général, les choses s'arrangent, mais c'est exaspérant et cela nous empêche de commercialiser notre produit.

L'autre question sans doute plus grave est celle des droits de douane qui seraient tout simplement trop élevés. Sans connaître le chiffre exact, je dirais que dans le monde entier, les frites gelées sont assujetties en moyenne à des droits de douane de 20 à 25 p. 100. Nous en citons des exemples dans notre mémoire. Cela se trouve au bas de la première page du résumé. L'Islande impose des droits de douane de 78 p. 100, l'Inde, de 40 p. 100, le Costa Rica de 40 p. 100, le Pérou de 26 p. 100 et la Corée de 25 p. 100. Les trois premiers sont des pays qui n'ont pas vraiment d'industrie nationale à protéger. Les droits de douane sont excessivement élevés. Tout d'abord, cela limite nos possibilités de commercialiser notre produit de manière plus efficace. En second lieu, des droits de douanes élevés—même s'il ne faut pas généraliser—favorise la corruption. Ils incitent les gens à falsifier les documents relatifs à la valeur des marchandises entrant dans le pays, de façon à éviter les droits de douane et à obtenir un avantage concurrentiel. Nous ne faisons pas ce genre de chose.

• 1010

La réalité, c'est qu'il existe certains pays dont les droits de douane sont élevés et où ce genre de choses se pratique; lorsque le montant des droits de douane diminue suffisamment, disons à moins de 15 p. 100, à mon avis, ce genre de corruption disparaît parce que cela ne vaut plus la peine. Le risque de se faire prendre dans ce genre d'activité est trop important pour l'avantage concurrentiel qu'on pourrait en retirer.

M. Daniel Turp: Voulez-vous dire... [Note de la rédaction: Inaudible]?

M. Arnold Park: Non, je fais simplement un commentaire d'ordre général. Je dis simplement qu'avec des droits de douane moins élevés, on résout le problème de la corruption. Par ailleurs, on permet du même coup au produit d'avoir un effet maximal sur le marché.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Speller.

M. Bob Speller: Je voudrais répondre sur quelques sujets. En ce qui concerne l'étude sur les pesticides aux États-Unis, les responsables canadiens de la lutte antiparasitaire et le ministre canadien de la Santé en sont parfaitement informés. J'en ai du reste parlé la semaine dernière avec le ministre et il est en contact avec les Américains, tout comme notre ambassade aux États-Unis, pour se renseigner sur les conséquences de cette étude pour le Canada.

Depuis un certain nombre d'années, nous essayons de mettre en place au Canada un système qui nous permette d'utiliser les données américaines et de recourir aux mêmes pesticides—en fait, de les rendre plus rapidement disponibles. D'après les recommandations recueillies jusqu'à maintenant, il est inconcevable qu'on nous interdise du jour au lendemain d'exporter aux États-Unis. En fait, les Américains sont prêts à collaborer avec le gouvernement canadien et les industriels canadiens pour faciliter les choses. Évidemment, nous mettrons tout en oeuvre pour vous aider.

En ce qui concerne la décision de l'OMC, nous procédons actuellement à des consultations, notamment auprès de vous-mêmes, des producteurs laitiers et des autorités provinciales. D'après la tendance actuelle, tout le monde semble considérer que nous devons porter cette décision en appel. Nous avons la possibilité de le faire, du moins pour quelques mois encore. Il faut espérer que dans l'intervalle, les producteurs laitiers et vous-même allez trouver un terrain d'entente pour mettre en place une formule qui, dans le cas où nous perdrions en appel, nous permettra de continuer à commercialiser notre produit de la même façon.

M. Michael Campbell: Voilà qui soulève une question pour nous, monsieur Speller, et pour le reste du comité. Vous avez un avantage sur nous puisque vous avez vu la décision. Est-ce que vous pouvez nous en parler? Nous avons vu certaines choses dans les journaux et nous avons entendu certains propos. Mais si la décision est maintenue, est-ce qu'elle risque de nous empêcher de vendre à un prix compétitif au Canada, est-ce qu'elle risque de pénaliser uniquement nos exportations, ou pourrait-elle même avoir ces deux effets à la fois?

M. Bob Speller: En ce qui concerne la décision, il faudrait que vous en preniez connaissance. Je crois que M. Turp est parti en faire des copies. Je suis étonné que vous ne l'ayez pas reçue, car je sais que les producteurs laitiers l'ont reçue. Des copies de cette décision circulent. La Commission canadienne du lait l'a reçue et j'étais persuadé que vous la connaissiez. Vous devrez tout d'abord en prendre connaissance, mais à première vue, elle n'a d'effet que sur une des catégories, et sur rien d'autre.

• 1015

Il va falloir que nous étudiions la question de près, que nous consultions des groupes comme le vôtre, pour voir comment nous allons devoir réagir. Je sais que je n'ai pas grand-chose à vous proposer, mais le mieux que vous puissiez faire, c'est encore d'étudier la décision vous-même et de nous en faire rapport.

M. Daniel Turp: Nous avons votre copie.

M. Arnold Park: Vous comprenez pourquoi nous sommes nerveux, car il y a déjà eu un certain nombre de différends, en particulier avec les États-Unis. Les Américains se montrent très agressifs vis-à-vis de notre économie, y compris l'agriculture.

Cette situation dure depuis un certain nombre d'années, en particulier dans notre domaine, mais jusqu'en 97, elle n'était pas bien grave, alors qu'on peut dire qu'actuellement, on sent une plus grande nervosité. Ce n'est pas encore la panique, évidemment, mais nous nous inquiétons de plus en plus d'un différend commercial qui nous empêcherait de poursuivre nos exportations vers les États-Unis ou vers un autre marché. La situation s'envenime et c'est notamment ce qui nous inquiète; lorsqu'on voit des différends comme celui qui portait sur le fromage, nous en saisissons immédiatement le gouvernement—évidemment, c'est pour nous le meilleur recours—sans attendre d'avoir tous les détails.

M. Bob Speller: Oui. Le rapport final doit être publié en avril, mais je veillerai à ce que vous soyez bien informés de son contenu.

M. Arnold Park: Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Très bien.

M. Daniel Turp: Merci beaucoup. J'ai parcouru votre mémoire très rapidement. Il contient une information très détaillée, et notre comité est toujours très heureux de recevoir de l'excellente information comme celle-là.

[Français]

Je voudrais aussi vous féliciter de votre entreprise, dont on entend beaucoup parler parce qu'on consomme vos produits et qu'ils sont dans nos congélateurs. Je voudrais en particulier vous dire notre appréciation, en tant que Québécois, de la confiance que vous faites aux producteurs québécois. Je crois que cela mérite d'être souligné. D'ailleurs, nous avons toujours prétendu que si jamais le Québec devenait un pays, McCain aurait tout intérêt à maintenir ses relations commerciales avec les bons producteurs de lait québécois.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Au nom du comité et de mes collègues, je tiens à vous remercier d'avoir été des nôtres. Merci beaucoup de vos exposés et de vos recommandations.

Comme je l'ai dit à tous nos témoins précédents, nous sommes actuellement au début de nos consultations. Nous vous invitons à rester en contact avec nous. Si vous avez d'autres craintes à nous faire part pendant que nous rédigerons notre document, n'hésitez pas à les remettre au greffier, qui nous les transmettra. Nous sommes ici pour nous renseigner auprès de vous, pour vous consulter, pour cerner vos problèmes et, si possible, pour trouver des solutions avec vous. Il est important que nos consultations se poursuivent de façon que nous puissions travailler en partenariat pour résoudre les difficultés qu'éprouve votre secteur industriel.

Merci beaucoup.

M. Arnold Park: Merci.

• 1019




• 1024

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Toner et monsieur McLaughlin, soyez les bienvenus. Nous sommes enchantés de vous accueillir aujourd'hui. Je vous invite à présenter votre exposé, après quoi, nous passerons aux questions.

M. Conrad Toner (membre du Conseil national du Syndicat national des cultivateurs—Conseil de district du Nouveau-Brunswick): Merci.

Le Syndicat national des cultivateurs, région 1, district 2 du Nouveau-Brunswick, est heureux de pouvoir exprimer les opinions des cultivateurs de Nouveau-Brunswick devant le Comité permanent de la Chambre des communes sur les affaires étrangères et le commerce international.

Le SNC est le seul regroupement national des cultivateurs au Canada qui repose sur le bénévolat et sur une participation directe de ses membres. Il s'agit également du seul organisme agricole constitué en vertu d'une loi du Parlement datant du 11 juin 1970. Notre syndicat, qui n'adhère à aucun parti, prône l'établissement de politiques économiques et sociales permettant de préserver les fermes familiales en tant qu'unités de production alimentaire de base au Canada.

• 1025

Dans cette optique, le SNC et ses membres s'emploient à mettre sur pied, développer et protéger des méthodes de commercialisation et de gestion de l'offre ordonnées, à favoriser l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques gouvernementales de soutien aux cultivateurs, à faire en sorte que la nourriture produite au Canada soit saine, nutritive et disponible pour toutes les personnes qui en ont besoin, et à favoriser des pratiques agricoles de nature à préserver et à améliorer l'environnement. Les négociations de l'Organisation mondiale du commerce en 1999 auront des implications cruciales sur la possibilité, pour le SNC et les Canadiens, d'atteindre ces objectifs. Par conséquent, ces négociations revêtent une importance primordiale pour des centaines de milliers de familles de cultivateurs, de même que pour tous les Canadiens, qu'ils habitent à la ville ou à la campagne.

À l'instar de l'ensemble des Canadiens, les cultivateurs du Nouveau-Brunswick exploitant une ferme familiale veulent bénéficier d'une rétribution juste et suffisante en échange de leur travail, d'un rendement raisonnable pour les investissements, d'un milieu rural dynamique et d'un environnement sain et durable. En tant que cultivateurs, ils souhaitent également produire de la nourriture saine et nutritive, et faire en sorte que les terres fertiles continuent à être cultivées et demeurent entre les mains d'entreprises familiales. Bien que ces aspirations soient modestes, la production agricole, les modes de commercialisation, la distribution et les mécanismes de commerce ne leur permettent de les satisfaire.

En ce qui concerne les négociations de l'OMC de 1999, la question qui se pose est la suivante: la libéralisation accélérée du commerce alimentaire nous rapproche-t-elle ou nous éloigne-t-elle de ces objectifs? Plus précisément, l'issue probable des négociations, soit un commerce facilité et accéléré, un rôle plus restreint pour les gouvernements et la «mise au pas» des organismes de commercialisation agricole, fera-t-elle progresser ou freinera-t-elle nos efforts en faveur d'un secteur agricole et d'un milieu rural sains et durables? Ou corollairement, si les autorités canadiennes désirent sincèrement atteindre les objectifs indiqués précédemment, quelle politique devraient-elles poursuivre en matière de commerce agricole?

Pour répondre à ces questions, les cultivateurs et les politiciens canadiens doivent d'abord examiner les aspects qui fonctionnement bien et ceux qui clochent. Tout comme le reste du monde, le Canada est aux prises avec la pire crise des revenus agricoles depuis les années 1930. La figure 1 ci-dessous montre que les revenus nets par exploitation sont retombés aux mêmes niveaux que durant la grande Crise.

Je m'excuse mais ce chiffre n'est pas sorti de l'ordinateur et nous ne pouvons donc pas vous le donner. Nous sommes désolés.

Il est troublant de constater que cet effondrement survient malgré une diversification accrue, le recours à de nouvelles techniques, l'agrandissement des exploitations et l'augmentation des exportations de produits agroalimentaires. Les fermiers cultivent des terres plus étendues en utilisant des techniques ultramodernes, produisent des variétés de plantes et de bétails exotiques vendus à de meilleurs prix, et exportent quatre fois plus qu'il y a une vingtaine d'années. Mais en récompense de leurs efforts et de leurs investissements, ils encaissent les plus bas revenus nets à la ferme depuis les années 1930. De toute évidence, il est grand temps de revoir toutes nos conceptions et nos connaissances à propos de l'agriculture, du commerce et de la prospérité rurale.

Pour les cultivateurs du Nouveau-Brunswick, de l'ensemble du Canada et du monde entier, la politique de stimulation du commerce à tout prix a échoué. Par ailleurs, la déréglementation de l'agriculture de même que l'affaiblissement ou le démantèlement des offices de commercialisation des produits agricoles qui, selon bien des gens, devaient stimuler le commerce ont entraîné plusieurs conséquences négatives pour les cultivateurs. La figure 2 ci-dessous donne une comparaison des exportations de produits agroalimentaires du Nouveau-Brunswick par rapport aux revenus nets enregistrés durant la période de 1988 à 1998.

• 1030

M. Darrill McLaughlin (membre, Syndicat national des cultivateurs, district du Nouveau-Brunswick): En 1989, les gouvernements fédéral et provinciaux ont pris la résolution de doubler nos exportations agroalimentaires. Les responsables affirmaient alors que cela entraînerait de nombreux avantages, entre autres, une hausse des revenus nets à la ferme des cultivateurs.

Le graphique indique que les cultivateurs du Nouveau-Brunswick n'ont absolument pas profité de l'essor des exportations agroalimentaires. Bien que celles-ci aient presque triplé l'année dernière, les revenus nets ont diminué.

Malgré le progrès des exportations, les règles du marché n'ont pas permis aux cultivateurs d'obtenir des recettes justes et suffisantes. Ce phénomène n'est pas récent ni propre au Canada. Durant la campagne agricole actuelle, le gouvernement américain versera directement à ses cultivateurs 22 milliards de dollars en subventions tandis que les pays européens distribueront des sommes se situant entre 50 et 70 milliards de dollars. Les gouvernements sont obligés de subventionner les agriculteurs parce que les revenus engendrés par le marché ne suffisent pas à assurer leur subsistance.

Le message est on ne peut plus clair: les cultivateurs et les éleveurs sont systématiquement incapables de tirer du marché des bons revenus, une réalité qui s'observe dans tous les pays, et il semble que le commerce n'a contribué en rien à corriger cette situation.

Il existe toutefois des solutions. Bien qu'il ne suffise pas d'accroître les exportations pour permettre des revenus agricoles convenables, le maintien d'un milieu rural prospère ainsi qu'une production durable et respectueuse de l'environnement, certaines mesures donnent de bons résultats. Si on laisse faire le marché, les cultivateurs ne réussiront jamais à obtenir des revenus convenables, que les exportations augmentent ou non; par contre, une mise en marché ordonnée combinée à des mécanismes de gestion de l'offre permet d'accroître et de stabiliser les revenus des cultivateurs.

Il est étonnant de voir que malgré cette crise des revenus agricoles à l'échelle mondiale, les producteurs canadiens de lait, d'oeufs, de poulet et de dindon ont été relativement épargnés. Le système canadien de gestion de l'offre a prémuni nos éleveurs contre l'instabilité et la diminution des revenus, tout en garantissant aux consommateurs un approvisionnement stable en nourriture saine et nutritive à des prix équivalents ou inférieurs à ceux payés aux États-Unis.

Au lieu d'être une entrave au commerce mondial, la formule de gestion de l'offre pourrait servir de modèle à cet égard. Quand les cultivateurs demandent pourquoi les prix sont aussi bas, on leur répond invariablement que c'est à cause des excédents dans la production mondiale. Or, s'il y a une surproduction chronique dans le monde, il faudrait accorder la plus grande priorité aux mécanismes de gestion de l'offre afin de prévenir les excédents, lors de tous les pourparlers internationaux sur le commerce.

D'autres aspects ressortent de la crise actuelle des revenus agricoles: les répercussions négatives sont proportionnelles dans une certaine mesure à la dépendance du secteur en cause envers les exportations. Les cultivateurs de céréales et d'oléagineux, qui misent beaucoup sur les exportations, ont été frappés de plein fouet. De même, les éleveurs de porc, eux aussi tributaires des marchés extérieurs, ont été très éprouvés, d'autant plus que l'intensification de la production porcine aux fins d'exportation et l'effondrement parallèle des marchés extérieurs ont fait dégringoler les prix du porc à des niveaux plancher, obligeant ainsi de nombreuses exploitations familiales à renoncer à cette forme d'élevage.

Par contre, à l'autre bout du spectre, les producteurs de lait, d'oeufs et de poulet, qui approvisionnent presque exclusivement le marché intérieur, n'ont pas vu leurs revenus baisser. Apparemment, la production destinée à l'exportation rend les cultivateurs et éleveurs vulnérables face aux prix mondiaux qui fluctuent considérablement à court terme et diminuent inexorablement à long terme, et face à des marchés qui, bien souvent, s'effondrent souvent et soudainement.

À la lumière de ces considérations, la tendance des gouvernements à privilégier une agriculture axée sur les exportations paraît malavisée. Et leur volonté apparente de sacrifier les mécanismes de gestion de l'offre et les organismes de commercialisation au profit des sacro-saintes exportations paraît encore plus incohérente. Tout indique que la multiplication des échanges commerciaux nous éloigne des objectifs indiqués au début de ce mémoire, alors que des mécanismes ordonnés de commercialisation et de gestion de l'offre nous permettent d'aller dans cette direction. Le gouvernement ne doit pas renoncer à ces acquis en échange d'exportations accrues.

• 1035

Il n'y a pas lieu de s'étonner que les cultivateurs soient parmi les perdants dans un marché mondial déréglementé, complètement décloisonné, avec des structures agroalimentaires visant à stimuler le commerce. Dans ce contexte, le rôle des cultivateurs et éleveurs consiste à fournir de la matière première à prix modique aux exportateurs, transformateurs et marchands. La mondialisation de l'économie fait que les producteurs agricoles doivent désormais rivaliser avec un plus grand nombre de producteurs dans des pays encore plus éloignés. Le commerce mondial permet aux transformateurs et aux exportateurs de jouer sur la rivalité entre les producteurs des divers pays. Les entreprises agroalimentaires ayant une envergure internationale disposent d'un avantage écrasant par rapport aux exploitations familiales, qui sont limitées à des cultures, des champs, des espèces animales et des voisins spécifiques.

Pour subsister malgré la baisse constante des marges bénéficiaires, certains cultivateurs et éleveurs ont décidé de miser sur les économies d'échelle en augmentant leur production. Or, cette solution exige de gros investissements. Une telle expansion profite aux banques, aux vendeurs de fournitures et aux fabricants de machinerie, mais elle met en péril la prospérité des fermiers aux alentours, des localités rurales et des institutions locales telles que les offices de commercialisation et les associations agricoles, en plus de nuire à l'environnement et, au bout du compte, à l'approvisionnement alimentaire de tous les Canadiens.

• 1040

Outre les répercussions économiques et sociales, l'explosion du commerce a pour effet d'accroître les distances de transport et de rompre les liens entre les producteurs et les consommateurs, sans compter les méfaits pour l'environnement. Cette intensification de la production alimentaire et l'accélération incessante du commerce, en plus de lessiver les exploitations familiales, les cultivateurs voisins et les localités rurales, réduisent la fertilité de nos terres dont dépend notre subsistance.

En stimulant les exportations de nourriture, il faut se poser la question: Qu'est-ce qui est exporté? Quand on produit et exporte des aliments pour un montant inférieur au coût réel de production, cela revient à dilapider les ressources canadiennes et les revenus des exploitations familiales fruits d'un dur labeur, sans obtenir de compensations suffisantes en retour. L'exportation de nourriture revient également à exporter les nutriments de nos terres. Avant de chercher à maximiser les exportations et la production, nous devons tirer les leçons du fiasco de la pêche à la morue sur la côte Atlantique. La sagesse et la prudence dictent peut-être des limites à l'exploitation des ressources, limites qui se situeraient en deçà de l'idéal économique. Par ailleurs, étant donné que la maximisation de la production ne permet pas de toute manière aux cultivateurs et éleveurs d'obtenir des revenus raisonnables et stables, il conviendrait peut-être d'envisager des seuils de production inférieurs au rendement maximal, à des niveaux moindres que les capacités d'exportation maximales.

Il est désolant de constater qu'au Canada, la plupart des chefs politiques et des leaders économiques refusent de voir les signaux écologiques indiquant que notre rapport avec la nature est faussé. Les indicateurs environnementaux habituels, soit l'érosion du sol, la contamination des nappes phréatiques par les engrais et pesticides, etc., s'ajoutent désormais à de sérieuses menaces sociales: le démantèlement des exploitations agricoles, l'affaiblissement des populations rurales et l'exode des jeunes hors des campagnes. Faute d'une sagesse et d'une volonté ferme pour s'attaquer à ces problèmes au sein même du gouvernement canadien, comment pourrions-nous traiter avec quelque espoir de succès dans le contexte de la mondialisation du commerce?

Si on envisage le commerce sous l'angle du développement durable, il paraît évident que l'explosion et la mondialisation du commerce agroalimentaire sont incapables d'assurer un épanouissement constant au plan économique, social ou environnemental. Cela ne permet de préserver les exploitations familiales, la vie rurale ou la fertilité des sols. Il faudrait que le gouvernement adopte immédiatement une politique plus dynamique dans ce sens. Et à cette fin, il faudrait éclairer la population quant à la façon dont fonctionnent les mécanismes de production, de commercialisation, de distribution et de commerce des denrées.

• 1045

Le Syndicat national des cultivateurs recommande au gouvernement fédéral du Canada de collaborer avec les cultivateurs et éleveurs, les habitants des campagnes et l'ensemble des citoyens dans le but d'instaurer au Canada et ailleurs dans le monde des formes de production, de commercialisation, de distribution et de commerce qui garantiront à tout le monde la disponibilité d'aliments nutritifs et sains, en quantité suffisante; favoriseront le maintien des moyens de production entre les mains des paysans, des exploitations de petite et moyenne tailles et des populations locales; permettront aux producteurs agricoles d'obtenir des revenus justes et suffisants en échange de leur travail; favoriseront la sécurité et la prospérité dans les régions rurales grâce à la richesse ainsi créée; entraîneront l'adoption de règles et de pratiques respectueuses du milieu naturel; permettront à l'ensemble des pays d'adopter toutes les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs évoqués; et, enfin, feront en sorte que le commerce international de l'alimentation réponde aux objectifs sus-mentionnés.

Respectueusement soumis par le Syndicat national des cultivateurs.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur McLaughlin et monsieur Toner.

J'aimerais savoir ce que chacun de vous produit.

M. Conrad Toner: Je produis des pommes de terre de semence ici, à Grand Falls, dans la vallée du Haut Saint-Jean, et je produis aussi de l'orge et du trèfle à des fins de rotation.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur McLaughlin.

M. Darrill McLaughlin: Moi aussi, je produis des pommes de terre de semence, si j'ai la bonne fortune de pouvoir les vendre comme semence. Quand je ne peux pas les vendre sur le marché des semences, je les vends sur le marché des pommes de terre de consommation à la toute fin de la saison. En règle générale, nous attendons toutefois de voir si nous ne pouvons pas d'abord les vendre sur le marché des semences. Nous ne produisons pas de grain à des fins de rotation depuis six ans. Nous sommes plutôt passés aux cultures fourragères vertes à cause du prix déprimé du grain ces derniers temps.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Stinson.

M. Darrel Stinson: Je suis désolé, mais je n'ai jamais entendu parler du Syndicat national des cultivateurs. J'aimerais donc que vous me parliez de vos membres.

M. Darrill McLaughlin: Nous sommes une organisation nationale, mais je ne peux pas vous dire combien de membres nous avons. Monsieur Toner, savez-vous combien nous en avons?

M. Conrad Toner: Non, je ne sais pas combien de membres nous avons. Nous sommes une organisation nationale. Nous avons des sections dans la plupart des provinces canadiennes, à l'exception du Québec, mais nous travaillons avec certains producteurs au Québec. Nous n'avons pas de section en Nouvelle-Écosse pour le moment et nous n'en avons pas non plus à Terre-Neuve.

M. Darrel Stinson: Si je devais prendre votre document tel qu'il est sans autres précisions, devrais-je en conclure que vous êtes contre l'exportation de produits agricoles en général?

M. Darrill McLaughlin: L'exportation de produits agricoles soulève des préoccupations importantes. Du point de vue écologique, dès qu'on exporte des aliments, on exporte aussi des nutriments. C'est quelque chose dont nous commençons tout juste à nous rendre compte. Certains des pays d'Europe commencent à examiner d'un peu plus près les moyens de fermer la boucle des nutriments. Si nous sommes préoccupés par la pollution du sol due aux pesticides et aux nitrates, comment faire pour empêcher que les nutriments qui sont ainsi retirés du sol puissent y être remis? Il serait très important de pouvoir ainsi fermer la boucle. Le commerce à sens unique des nutriments, des produits agricoles et de la richesse agricole ne répond pas à l'intérêt supérieur de la communauté agricole. À force de produire et de vendre à un prix inférieur aux coûts de production, nous sommes en train de saigner les familles agricoles. Ce genre de commerce ne sert donc pas l'intérêt des agriculteurs canadiens.

M. Darrel Stinson: Cela vaudrait-il aussi pour le commerce interprovincial? Vous êtes-vous penchés sur cet aspect-là?

M. Darrill McLaughlin: Il y a des différences entre les différentes régions du pays, mais il est bien plus facile d'assurer la sécurité de l'approvisionnement alimentaire à l'échelle nationale qu'à l'échelle régionale. L'approche agricole régionale serait toutefois l'idéal du point de vue de l'environnement. Il est essentiel que le prix obtenu soit toujours supérieur au coût de production et il est aussi essentiel de reconnaître quel est le véritable coût de production des différentes denrées.

• 1050

M. Darrel Stinson: Comptez-vous beaucoup d'agriculteurs biologiques dans votre organisation? Est-ce là une nouvelle voie dans laquelle nous nous engageons?

M. Darrill McLaughlin: Nous en avons certains, mais ils ne pratiquent pas exclusivement l'agriculture biologique. Nous devenons toutefois de plus en plus sensibles à ces questions, tout comme les consommateurs du Canada et du monde.

M. Conrad Toner: Pour ce qui est des agriculteurs biologiques, le nombre de nos membres qui pratiquent ce type d'agriculture a augmenté considérablement ces dix dernières années.

Pour ce qui est toutefois de votre première question, si vous vous reportez au graphique de la page 7, je crois qu'il nous faut aussi déterminer à qui profitent toutes ces exportations. Si vous vous reportez à ce graphique, vous constaterez que les exportations ont augmenté considérablement ces dix dernières années, de 1988 à 1998, mais que chaque année ou presque le revenu agricole continue à baisser. Il faut donc voir à qui profitent ces exportations et décider s'il en vaut vraiment la peine que l'ensemble des Canadiens exportent une bonne part des nutriments qui se trouvent dans notre sol et tout le reste à d'autres pays alors que nous n'en retirons rien.

M. Darrel Stinson: Très bien.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Notre attaché de recherche me dit qu'un de nos collègues, Wayne Easter, a déjà été à la tête du Syndicat national des cultivateurs. Nous pouvons donc demander à M. Easter...

Monsieur Turp.

M. Daniel Turp: Pouvez-vous nous en dire un peu plus là-dessus, au sujet du fait que ce ne sont pas vraiment les agriculteurs qui bénéficient de ce marché mondial élargi? Pourriez-vous aussi nous parler des problèmes qu'il y a à ce que les petites exploitations familiales participent à cette nouvelle tendance que constituent les exportations?

J'ai bien aimé par ailleurs votre recommandation selon laquelle la production alimentaire devrait demeurer entre les mains des paysans, des producteurs de petite et de moyenne tailles et des populations autochtones. Vous pourriez peut-être aussi nous parler des populations autochtones. Que pourriez-vous nous apprendre au sujet des populations autochtones et de l'agriculture?

M. Darrill McLaughlin: Je répondrai à votre dernière question en premier.

Notre organisation regroupe des producteurs de petite et de moyenne tailles. Ce sont là nos membres. Nous faisons aussi partie de Via Campesina, organisation internationale d'agriculteurs paysans. Nous sommes ainsi devenus très conscients des problèmes qu'ont les populations autochtones dans beaucoup de pays en raison de l'accroissement des échanges, de l'effet délétère de cet accroissement des échanges sur leurs économies locales, de l'importation chez eux de produits bon marché de l'étranger... Les gens d'ici s'imaginent que nous nourrissons les habitants de ces pays, alors qu'en réalité nous ne faisons qu'accroître leur dépendance. Ces marchés, malgré leur petite taille, sont d'une importance vitale pour l'économie des paysans et des populations autochtones.

C'est donc là une des préoccupations auxquelles il faudrait s'intéresser en priorité selon nous: Quelles sont les conséquences accessoires du commerce mondial? Quel est l'impact? Si nous devons examiner tout ce qui se trouve sur la table, il faudrait s'assurer d'examiner aussi ce qui est peut-être tombé par terre, et le reste. Il faut s'assurer que nos paramètres permettent de tout englober.

En ce qui a trait à la deuxième question à savoir si les agriculteurs bénéficient des échanges, je crois que le graphique est très révélateur. Je ne suis pas amateur de chiffres, mais j'estime que le graphique montre bien quelle est la réalité. La situation serait toutefois encore plus dramatique si nous faisions abstraction des produits assujettis à la gestion de l'offre. Si nous faisions abstraction du lait, du fromage, des oeufs et de la volaille pour déterminer l'évolution des revenus agricoles au cours des 10 dernières années, la situation serait encore plus dramatique qu'elle ne le paraît d'après ce graphique.

• 1055

Dans notre région en particulier—et je vais vous parler très franchement de la situation—, les agriculteurs qui ont pris de l'expansion dans l'espoir de pénétrer ce nouveau marché mondial ont couru des risques énormes. Beaucoup d'entre eux ne sont pas membres du SNC; ce sont des individualistes, et ils souscrivent entièrement au principe de la libéralisation des échanges. Leur situation financière s'est considérablement détériorée, si bien que c'est le comté tout entier, la localité tout entière, qui en souffrirait énormément si ces agriculteurs faisaient faillite. Beaucoup des petits agriculteurs traitent avec eux sous une forme ou une autre, ils ont investi des sommes énormes, qui ne rapportent pas.

Il est donc très inquiétant de voir évoluer cette situation qui ne semble pas s'améliorer. Au contraire, elle semble plutôt se détériorer.

M. Daniel Turp: Vous étiez là quand les gens de McCain nous ont parlé. Quelle a été votre réaction? C'est manifestement à eux que vous pensiez quand vous disiez que certains profitaient des nouvelles règles et des nouvelles exportations. Ils nous ont dit qu'il y avait pour 5,5 milliards de dollars de marché ici, en Alberta, et partout. Quelle a été votre réaction à leur façon d'envisager les exportations et le commerce?

M. Darrill McLaughlin: Au Canada, quand nous nous rendons dans l'Ouest, on s'imagine que nous vivons dans l'Extrême-Orient. En Extrême-Orient, tout repose sur le yin et le yang, et cela décrit parfaitement la situation dans laquelle nous nous trouvons étant appelés à prendre la parole après McCain. Nous représentons un point de vue très différent à cause de ceux que nous représentons, et ils ont leur propre façon d'envisager les choses.

C'est nous qui fournissons ces transformateurs en produits bruts. Ils essaient de les obtenir à meilleur marché, et nous disons que, si nous les leur donnons à meilleur marché encore... Les agriculteurs en paient déjà le prix. Nous n'avons pas les moyens de maintenir les pratiques agricoles sur nos terres. Avec chaque nouvelle avance technologique, nous faisons de notre mieux pour toujours soutenir la concurrence, mais nous perdons des agriculteurs, nous perdons de notre communauté, en cours de route, et la sécurité continue à nous échapper.

M. Daniel Turp: Quelle devrait être, selon vous, l'attitude du gouvernement dans les négociations étant donné que, comme vient de le dire M. Assadourian, nous avons là une entreprise qui crée des milliers et des milliers d'emplois, mais qui exerce en même temps tellement de pressions sur votre communauté que vous perdez des emplois ou que vous n'êtes pas en mesure de faire le travail que vous voudriez faire? Comment le gouvernement pourrait-il s'y prendre pour concilier ces intérêts?

M. Conrad Toner: Je vais vous donner un exemple. Vous êtes du Québec. Voyez ce qui se passe dans le cas de la Coopérative fédérée, avec les grèves qui frappent certaines de ses usines et tous les autres problèmes. Maple Leaf a réglé la grève à son usine de Brandon, si je ne m'abuse. Elle a été frappée par une très importante grève dans une de ses usines de transformation du porc il y a environ un an; c'était dans l'Ouest, au Manitoba. Je crois qu'elle a réduit le salaire de ses travailleurs d'environ 10 $ l'heure, et elle a pu faire cela en leur versant un certain montant forfaitaire, de l'ordre de 10 000 $.

Comment donc le Québec et la Coopérative fédérée vont-ils s'y prendre à l'égard de ceux qui travaillent dans les usines de transformation du Québec? Je crois savoir que depuis six mois environ, on a enregistré des pertes de 25 à 30 millions de dollars. Va-t-on décider de maintenir le même nombre de travailleurs, mais de réduire leur salaire pour être compétitifs? Qui dit mondialisation dit concurrence forcément. Le contexte est profondément marqué au coin de la concurrence, de la dominance, de l'interdépendance. À mon avis, nous vivrions dans un monde bien meilleur si nous mettions plutôt l'accent sur la collaboration, la solidarité et la compassion, mais ce n'est pas le cas.

• 1100

Il y a donc deux points de vue qui s'affrontent ici. Comment pouvez-vous vous imaginer que les agriculteurs du Nouveau-Brunswick puissent négocier avec une entreprise comme McCain? C'est un peu comme les poules qui voudraient négocier avec l'éléphant. C'est tout simplement impossible. Vous le savez tous, que nous ne pouvons pas négocier avec McCain.

Elle ne cesse de nous acculer au pied du mur. Elle veut que nous accroissions sans cesse notre superficie et, pour cela, il nous faut acheter la terre de notre voisin, de son voisin à lui, si bien que nous avons une marge bénéficiaire toujours plus petite sur chaque acre que nous cultivons. Auparavant, nous pouvions survivre avec cent acres, mais il nous en faut maintenant 500. Si moi, j'ai 500 acres et que mon voisin en a aussi 500, ce n'est plus une ferme, mais 20, que nous cultivons.

À qui pourrons-nous vendre cette ferme quand nous aurons décidé de cesser de la cultiver? À qui pourrons-nous nous adresser dans un contexte d'intégration verticale où la vente du matériel agricole, des engrais, des semences et de tous les approvisionnements agricoles est contrôlée par la même entreprise, qui s'occupe aussi de la mise en marché?

C'est l'agriculteur qui prend tous les risques, ceux qui sont liés au climat et ceux qui dépendent des récoltes excédentaires ou déficitaires; s'il a une bonne année et qu'il se retrouve avec un surplus de pommes de terre, on les lui achète pour trois fois rien.

Il me semble qu'il faut discuter franchement de la situation. Il faut voir quelle est la concurrence, et les agriculteurs ne peuvent que considérer la situation d'un point de vue très pratique. Sur le marché des semences, nous avons toujours l'éléphant qui se trouve de l'autre côté de la frontière.

En tout, 60 p. 100 de nos ventes de pommes de terre de semence vont aux États-Unis. Les échanges sont censés avoir été libéralisés par rapport à la situation d'il y a dix ans, mais les Américains ne cessent de nous embêter à la frontière.

Nous envoyons un camion à la frontière et ils disent: «nous avons votre camion là. Nous devons le décharger et compter les sacs». C'est simple: il y en a 55 sur chaque palette; il y a 20 palettes dans le camion; il y a 1 000 sacs dans le camion. «Non, il faut le décharger; il faut sortir les sacs». Qui va payer pour cela? «Je suis désolé, c'est vous qui devrez payer». Combien cela va-t-il coûter? «Il vous en coûtera entre 375 $ et 600 $».

Que puis-je leur dire? Qui s'occupe de cela?

Dans d'autres cas, ils décideront d'inspecter tous les camions qui se présentent à la frontière. Nous payons 180 $ pour faire inspecter chaque cargaison ici, puis nous l'envoyons à la frontière. Ils l'inspectent de l'autre côté de la frontière, puis obligent le chauffeur à rebrousser chemin. Le camion revient à Grand Falls et nous devons payer le kilométrage, nous devons payer le chauffeur pour ses heures supplémentaires, nous devons payer pour faire faire une autre inspection, puis nous retournons le camion à la frontière et, s'ils décident de ne pas l'inspecter de nouveau, il sera peut-être autorisé à poursuivre son chemin.

C'est encore pire dans le cas des producteurs de l'Île-du-Prince-Édouard qui doivent passer par ici avant d'arriver à la frontière.

Voilà donc ce à quoi nous pensons quand nous parlons de certains de ces...

M. Sarkis Assadourian: Mais pourquoi agissent-ils ainsi? En quoi cela sert-il l'intérêt des Américains?

M. Conrad Toner: C'est tout simplement qu'ils veulent embêter les producteurs pour que nous n'envoyions plus nos produits là-bas. C'est une tactique, voilà tout.

M. Daniel Turp: Comment pouvez-vous être sûr qu'il s'agit d'une tactique? Les producteurs demandent-ils à leurs gouvernements de faire cela?

M. Conrad Toner: Ce sont sans doute les producteurs et les élus qui exercent des pressions pour qu'on fasse cela à la frontière; cela ne fait aucun doute.

Quand je fais inspecter une cargaison de pommes de terre à mon entrepôt, cela devrait suffire. Je paie 180 $ pour cette inspection. La cargaison est retournée quand elle arrive à la frontière. Nous faisons donc venir deux inspecteurs qui inspectent de nouveau la cargaison et qui l'approuvent. Elle retourne à la frontière, puis elle est acceptée.

M. Darrel Stinson: Pourquoi n'avons-nous nous-mêmes des inspecteurs à la frontière? Il ne serait pas nécessaire de retourner le camion à Grand Falls dans ce cas-là.

M. Conrad Toner: Vous voulez dire qu'il faudrait un inspecteur à l'entrepôt, un autre à la frontière canadienne et un autre du côté américain...?

M. Darrel Stinson: Pourquoi tout ne se fait-il pas à la frontière? Est-ce que cela ne serait pas utile?

M. Daniel Turp: Quelle serait la solution à ce problème? Selon les termes de l'Accord de libre-échange, les termes de l'ALENA, ils ont le droit de faire cela. L'Accord de libre-échange leur donne le droit d'inspecter le produit; cela n'a pas changé. Si toutefois ils se servent du processus d'inspection comme mesure protectionniste, il y a alors un problème. On peut déposer des plaintes.

Avez-vous déposer des plaintes à ce sujet?

M. Conrad Toner: Nous avons déposé beaucoup de plaintes à ce sujet.

• 1105

M. Daniel Turp: Qu'est-il arrivé de vos plaintes?

M. Conrad Toner: À qui pouvons-nous nous adresser?

M. Sarkis Assadourian: Combien de camions expédiez-vous chaque année?

M. Conrad Toner: Combien de chargements expédions-nous aux États-Unis chaque année?

M. Sarkis Assadourian: Oui.

M. Conrad Toner: Environ 75, je crois.

M. Sarkis Assadourian: Combien de ces chargements sont soumis aux problèmes que vous venez de décrire?

M. Conrad Toner: Combien de nos camions sont obligés de rebrousser chemin?

M. Sarkis Assadourian: Oui.

M. Conrad Toner: L'an dernier, nous en avons eu cinq ou six qui ont été retournés.

M. Sarkis Assadourian: Sans explications?

M. Conrad Toner: On nous a simplement dit qu'il fallait compter les sacs. On ne les a pas retournés, mais nous avons quand même dû payer pour cela. C'était le cas de deux de nos camions. Les autres ont été retournés pour une nouvelle inspection, et nous avons dû payer les dépenses afférentes.

M. Darrel Stinson: Vous parlez uniquement de votre exploitation à vous?

M. Conrad Toner: Non, c'est partout pareil, c'est de même depuis des années.

M. Darrel Stinson: Ces cinq ou six camions—c'est pour toute l'organisation?

M. Conrad Toner: Non, c'est uniquement pour notre exploitation.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Vous dites qu'ils retournent vos camions pour qu'ils soient inspectés de nouveau. Pour quelle raison?

M. Conrad Toner: Ils refusent de les accepter et disent qu'ils n'ont pas passé l'inspection américaine ou je ne sais trop quoi encore. Comment pouvons-nous le savoir?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): C'est arbitraire.

M. Sarkis Assadourian: [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Conrad Toner: Je ne veux pas me retrouver à...

M. Daniel Turp: C'est important, parce que vous êtes victimes de ce qui est autorisé aux termes de l'Accord de libre-échange. Il y aurait peut-être lieu de changer cela. La même chose pourrait se produire à l'échelle mondiale, si bien que l'OMC doit se pencher sur ces inspections et ces barrières non tarifaires.

Pour ce qui est de mon autre question, il est très intéressant... Je viens tout juste de me rendre compte que nous accueillons ce matin McCain et vous et que vous avez deux perspectives différentes. Comment peuvent-elles être conciliées? Nous vivons dans un monde où il y a à la fois des méga-entreprises comme McCain mais aussi des producteurs comme vous, des particuliers. Comment peut-on concilier les deux? Y a-t-il moyen de les concilier? La situation est-elle tellement tordue que nous ne pouvons même plus la corriger?

M. Darrill McLaughlin: Nous formulons des recommandations à la fin de notre mémoire. Nous demandons des prix équitables qui tiennent compte des besoins de la communauté rurale, des besoins des producteurs et aussi de l'environnement.

Si McCain adopte une approche holistique comme nous le faisons dans notre mémoire, si elle examine la situation au lieu de ne se soucier que de sa marge bénéficiaire, si elle examine les conséquences à long terme de ses activités pour nos économies locales, je pense que sa position sera bien plus proche de la nôtre qu'elle ne l'a été par le passé.

C'est un phénomène auquel on assiste dans toute l'Amérique du Nord: au fur et à mesure que les entreprises tentent de s'adapter au nouveau marché mondial, elles font bien souvent tomber des collectivités entières et des industries entières. Il n'y a qu'à voir le cas de l'industrie de la pâte de tomate en Ontario, et je suis sûr que d'autres membres de syndicats agricoles du Canada pourront vous parler de leur expérience. Si nous tenons compte des conséquences à long terme pour les collectivités—et j'estime qu'il faut tenir compte des conséquences à l'échelle, non pas mondiale, mais locale, car c'est là où les gens vivent. Il n'y en a pas beaucoup qui peuvent monter dans l'avion et se déplacer aux quatre coins du globe comme le font les entreprises. Les gens de la localité ne peuvent pas déplacer leur capital. Leur capital est investi dans l'activité locale qui leur permet de gagner leur vie.

Il faut donc distinguer entre ces intérêts. Il faut tenir compte des conséquences à l'échelle locale. C'est là où il faut mesurer l'effet des échanges, c'est là où il faut rechercher les signes; et pas seulement sur le plan social ou économique, mais aussi sur le plan environnemental, et il faut savoir interpréter les signes.

Cela me rappelle une blague du gouverneur King du Maine. Je l'abrège un petit peu.

C'était un ministre du culte dont la maison était inondée. Des gens arrivent en bateau pour lui porter secours et le trouvent les deux pieds dans l'eau au rez-de-chaussée de sa maison. Ils lui disent: «Venez avec nous, révérend, la crue continue de monter en amont.» Le ministre leur répond: «Ça va. Le Seigneur s'occupera de moi. Ne vous faites pas de souci pour moi. Allez en sauver d'autres.»

• 1110

Ils reviennent en hélicoptère et le trouvent agrippé à sa cheminée, avec de l'eau jusqu'à la taille. Ils lui jettent une corde et lui disent: «Attrapez la corde, révérend, la crue continue de monter.» Il leur répond: «Allez en sauver d'autres parce que le Seigneur va s'occuper de moi.»

Malheureusement, le révérend se retrouve bientôt devant Saint Pierre, qu'il se met à engueuler, lui rappelant tout le bien qu'il a fait pendant sa vie. Saint Pierre est perplexe. Il lui dit: «Pourquoi êtes-vous si furieux?» Le ministre répond: «Mais pourquoi le Seigneur ne m'a-t-il pas sauvé?» Saint Pierre réplique: «Qu'aurions-nous pu faire de plus? Nous vous avons envoyé un bateau, puis un hélicoptère.»

Les indicateurs ne sont pas toujours ceux que nous attendons, mais il faut avoir une vision assez large pour les voir. Voilà ce que nous demandons au gouvernement de faire quand il évaluera la situation.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Assadourian.

M. Sarkis Assadourian: Merci beaucoup. Les producteurs de l'Ouest, que ce soit du Manitoba ou de l'Alberta, ont d'immenses superficies de maïs, d'orge, ou de je ne sais trop quoi encore, et ils envoient leurs récoltes en Russie, en Chine et aux pays du tiers monde. Ils en retirent d'importantes sommes et c'est le pays tout entier qui en profite. Si nous adoptions votre recommandation no 2, ces producteurs-là ne pourraient plus continuer à exercer leurs activités, parce qu'ils exportent... Ils font exactement le contraire de ce que vous nous dites de faire à la recommandation no 2. Quels arguments pouvez-vous invoquer pour défendre votre position vis-à-vis de ces producteurs, de vos collègues de l'Ouest, qui tirent parti d'une situation qui va à l'encontre de votre recommandation no 2?

M. Darrill McLaughlin: Je crois que vous aurez l'occasion de poser la question aux producteurs de l'Ouest. Ils sont très préoccupés par l'impact de la mondialisation accrue sur les institutions sur lesquelles ils se fient depuis toujours pour obtenir un prix équitable, même si ces dernières années ils ne reçoivent pas un prix équitable pour leur produit.

Vous n'avez qu'à voir quels sont les prix du grain: ils sont extrêmement déprimés en raison en partie de la crise qui sévit dans les économies où ils ont l'habitude de vendre leur grain. Il est très important de savoir ce qui se passe à l'échelle mondiale et de pouvoir en reconnaître l'effet à l'échelle locale.

Pour ce qui est de savoir qui a vraiment profité au fil des ans de l'activité du secteur céréalier, il y a là une leçon d'histoire canadienne. Les principaux bénéficiaires ne sont qu'indirectement les producteurs agricoles, dans la mesure où ils font ce que nous décrivons dans notre mémoire, c'est-à-dire dans la mesure où ils accroissent sans cesse leurs superficies afin de réaliser des économies d'échelle qui leur assureront un revenu à même une marge qui ne cesse de faire peau de chagrin.

M. Sarkis Assadourian: L'autre chose que je tiens à dire, c'est que, quand nous exportons des produits alimentaires... certaines de vos affirmations, concernant la dégradation du sol... c'est là le prix de la prospérité. Tenez-vous compte toutefois du fait que, quand on exporte des aliments, on prévient ainsi des bouleversements dans les différentes régions du monde et les problèmes qui pourraient en découler? Ici, au Canada, nous pourrons régler les problèmes en nourrissant ces gens-là, en leur montrant comment se nourrir, en contribuant à leur économie pour qu'ils puissent rester dans leur région, dans leur pays, sans qu'ils aient à émigrer aux quatre coins du globe. La situation ne pourrait-elle pas être ainsi améliorée à long terme?

M. Darrill McLaughlin: Nous voulons que les autres populations puissent se nourrir elles-mêmes et qu'elles s'organisent pour avoir les ressources dont elles ont besoin. C'est précisément pour cette raison que nous travaillons avec Via Campesina.

Je ne suis pas sûr cependant que les Canadiens sachent comment aider les populations de ces pays à se nourrir elles-mêmes. La forme que devrait prendre l'aide canadienne ou que nous pensions qu'elle devait prendre il y a 30 ans est de plus en plus mise en doute. Ce sera aux populations de ces pays qu'il appartiendra de décider ce qu'il convient de faire. Nous avons sans doute des technologies qui pourraient leur être utiles, mais la grande majorité d'entre elles ne leur conviennent pas du tout.

M. Sarkis Assadourian: Merci.

• 1115

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): J'ai une question à vous poser.

Vous parlez dans votre mémoire, à la page 5, des subventions que les Américains reçoivent de leur gouvernement et de celles que les Européens reçoivent des leurs. Vous ne préconisez pas des subventions de la part de notre gouvernement, n'est-ce pas? Dans votre recommandation, vous parlez d'obtenir des prix équitables. Quand un gouvernement verse des subventions, c'est qu'il y voit le seul moyen d'assurer des prix équitables. Or, comment assurer des prix équitables en l'absence de subventions?

M. Darrill McLaughlin: Nous avons des mécanismes qui ont fait leurs preuves pendant très longtemps et sur de grandes distances, à savoir les systèmes de gestion de l'offre. Ce sont des modèles qui devraient servir d'exemple à d'autres pays au lieu que nous tentions de les affaiblir et de les démanteler. Certains de ces systèmes font l'envie des producteurs du monde entier, malgré les problèmes qu'ils présentent et que les producteurs visés ne cessent d'essayer de corriger.

Pour ce qui est de l'attitude à prendre vis-à-vis de ces énormes subventions que les producteurs d'autres pays reçoivent, c'est une question plus problématique quand on se limite au très court terme. Il faudra que le gouvernement fédéral s'engage à plus long terme à élargir la gestion de l'offre au lieu de la comprimer. C'est la position que nous défendons depuis 20 ans dans l'industrie de la pomme de terre. Nous avons demandé la mise sur pied d'une commission fédérale de la pomme de terre qui aurait un mandat semblable à celui de la Commission canadienne du blé. Il vaudrait peut-être mieux avoir un mécanisme de gestion de l'offre, mais si nous pouvions avoir un mécanisme de gestion de la livraison, il nous serait certainement très utile d'avoir des institutions qui nous permettraient de régler les problèmes comme ceux que M. Toner décrit.

M. Daniel Turp: Que faut-il entendre par la gestion de la livraison?

M. Darrill McLaughlin: Connaissez-vous la Commission canadienne du blé?

M. Daniel Turp: Oui. C'est un peu comme cela?

M. Darrill McLaughlin: Elle fonctionne selon un système de contingentement et de carnets de permis qui dépendent de la production annuelle des producteurs. Chacun a ainsi des chances égales de livrer son produit selon les variétés, les catégories et la qualité. Supposons que vous et moi produisons des pommes de terre de la même qualité, de la même variété. Je cultive dix acres. Vous en cultivez vingt. Votre contingent varierait selon la demande, mais il serait le double du mien.

M. Daniel Turp: Vous croyez donc que ce système de gestion de la livraison devrait être généralisé?

M. Darrill McLaughlin: Oui.

M. Daniel Turp: Ainsi, il faudrait non seulement garder la gestion de l'offre, mais avoir aussi la gestion de la livraison?

M. Darrill McLaughlin: Il serait un peu plus difficile d'appliquer la gestion de l'offre dans l'industrie de la pomme de terre que dans celle des céréales à cause des exportations de notre industrie. Quand on produit pour le marché intérieur, on peut adapter son système de production à la demande intérieure, comme cela se fait dans le cas des poulets à griller et des produits laitiers. Dans le cas toutefois de cultures d'exportation, comme les céréales et les pommes de terre, il faut être un peu plus souple. Il y aurait toutefois des avantages énormes, selon nous, à la mise en place d'un système de gestion équitable de la livraison et d'un guichet unique pour le marché des exportations.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Y a-t-il véritablement un consensus à cet égard parmi les producteurs de pommes de terre?

M. Daniel Turp: Avez-vous parlé de la gestion de la livraison dans votre mémoire? Il n'en est pas question dans votre mémoire, n'est-ce pas?

M. Darrill McLaughlin: Nous y parlons de gestion de l'offre et de mise en marché ordonnée. La mise en marché ordonnée et la gestion de l'offre sont synonymes.

M. Daniel Turp: Très bien.

M. Conrad Toner: La mise en marché ordonnée repose sur trois principes. Tout d'abord, il y a celui du guichet unique pour les ventes. Il faut que les chances de livrer le produit soient égales de façon que chacun reçoive le même prix pour un produit de la même qualité et de la même catégorie. Il faut également une mise en commun des prix. Voilà les trois principes essentiels à une mise en marché ordonnée: guichet unique pour les ventes, chance égale de livrer le produit et mise en commun des prix.

• 1120

Il y a beaucoup de marchés que nos producteurs pourraient servir. Quand un camion arrive ici et que l'acheteur veut quatre variétés différentes de pommes de terre, bien souvent, il ne pourra pas les obtenir toutes du même producteur. Ainsi, le camion qui arrive ici des États-Unis s'arrête à mon entrepôt, par exemple, pour charger deux variétés de pommes de terre, puis je dois l'envoyer 40 milles plus loin pour en charger une autre et peut-être 20 milles plus loin encore pour charger la dernière. Cela n'a pas de sens. Nous perdons ainsi beaucoup de clients. Mais chaque fois que les producteurs tentent de s'organiser, ils se heurtent à une opposition très vive.

M. Daniel Turp: De la part de qui?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): De la part de qui?

M. Conrad Toner: Je vous laisse deviner.

M. Daniel Turp: Non, dites-le-nous.

M. Conrad Toner: J'en ai déjà dit plus que je ne l'aurais dû à leur sujet, et j'en suis encore ébranlé. C'est comme s'ils ne voulaient pas que nous nous organisions. Nous avons tenu des réunions de cuisine avec des producteurs il y a de cela un certain nombre d'années; nous cherchions à organiser un système de mise en marché qui aurait été formidable. Je peux vous assurer qu'il y aurait plus de producteurs qui seraient encore là aujourd'hui si le système que nous avions envisagé avait été mis en place.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Il y a donc consensus.

M. Conrad Toner: Il y avait consensus, mais quand on devient extrêmement dépendant à l'égard d'une grande entreprise, qui vous fournit les approvisionnements agricoles, le marché et tout le reste, il faut d'abord se sortir de cet état de dépendance. Nous voulons être indépendants. Qu'il s'agisse du producteur ou de l'ouvrier, c'est la même chose. Il n'y a pas de différence.

Quelqu'un tout à l'heure a posé une question au sujet des subventions, et je crois que c'était vous.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Oui.

M. Conrad Toner: W.R. Holm, de la Colombie-Britannique, a fait une étude sur le niveau des subventions accordées par les différents pays, et il ressort de son étude que le gouvernement canadien a éliminé ses subventions bien plus rapidement que la plupart des autres pays du monde. L'étude peut être obtenue auprès de l'Association des producteurs de fruits et de légumes ou un nom comme ça en Colombie-Britannique.

M. Daniel Turp: Nous avons ces données. Gerry a préparé un document que nous pourrions vous remettre. Les données sont très claires quant à la façon dont le Canada a éliminé...

M. Conrad Toner: Le Canada a simplement éliminé toutes nos subventions, y compris les subventions vertes. Dans l'industrie de la pomme de terre, par exemple, les inspections que nous devons faire faire nous ont coûté les yeux de la tête ces dernières années. Auparavant, ces services nous étaient offerts gratuitement. Pourquoi devrions-nous payer pour ces inspections? Ce n'est pas à nous qu'elles servent, mais bien aux acheteurs de nos produits.

Tous ces services, toutes ces évaluations que nous devons maintenant faire faire sur nos pommes de terre, doivent maintenant être payés par le producteur. Pour une petite exploitation comme la mienne, cela entraîne des dépenses d'environ 25 000 $ par an, dépenses que je n'avais pas il y a 10 ans. Cela coûte très cher.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Toner, vous ne préconisez pas le recours aux subventions, vous ne dites pas que le gouvernement canadien devrait subventionner les producteurs?

M. Conrad Toner: L'agriculture canadienne a besoin d'être soutenue pour qu'elle puisse continuer à être viable. Je ne sais pas comment il faut s'y prendre pour la soutenir. Chose certaine, le Canada ne peut pas accepter que ses producteurs aient à soutenir la concurrence des producteurs américains, qui sont grassement subventionnés par leur gouvernement.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): La mise sur pied d'un système de gestion de la livraison serait un moyen de soutenir l'agriculture. C'est bien cela?

M. Conrad Toner: Dans le contexte du libre-échange, il est possible de prendre certaines mesures. Beaucoup de ces mesures tombent dans la catégorie dite de la «boîte verte», peu importe le terme qui est utilisé, et elles devraient être maintenues. Il y a aussi... le sénateur Sparrow a fait, il y a quelques années de cela, une étude sur l'érosion des sols au Canada. On a éliminé toutes les subventions, ou presque, qui soutenaient la culture en courbes de niveau et toutes ces autres techniques de rotation que nous utilisions mais que nous n'utilisons plus, et notre sol se dégrade à tel point qu'il devient impossible d'y produire quoi que ce soit. Quand nous réussissons malgré tout à y produire quelque chose, nous devons utiliser tellement de produits chimiques que la nourriture que nous consommons devient toxique.

• 1125

Si donc vous voulez manger, si vous voulez manger de la nourriture saine, vous feriez mieux de vous intéresser au sol dans lequel cette nourriture est produite parce que je vous l'assure, la nourriture que nous produisons dans un sol dégradé, qui nous oblige à utiliser plus de produits chimiques, plus d'engrais, plus d'insecticides et tout le reste parce que nos plants sont chétifs, je peux vous assurer que la nourriture que vous allez manger sera toxique.

M. Daniel Turp: Le système de gestion de la livraison que vous préconisez entraînerait une intervention plus grande de l'État, ce qui va à l'encontre de la tendance à l'OMC. Pensez-vous qu'il y ait des raisons qui puissent justifier une intervention plus grande de l'État pour assurer la mise en place d'un système comme celui-là?

M. Conrad Toner: Je ne pense pas que le gouvernement serait obligé... il faudra peut-être que le gouvernement légifère un type quelconque—c'est compliqué. Il faudrait que nous puissions nous asseoir et en discuter pendant une heure ou deux pour vous expliquer quel est le plan de mise en marché que nous aimerions voir dans le secteur de la pomme de terre.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Toner, je vous recommande ceci. Nous n'avons pas encore une heure à vous consacrer, mais si vous aviez l'obligeance de colliger toutes ces informations et de les transmettre à la greffière du comité... Notre temps est écoulé, mais, je le répète, ce n'est qu'un premier contact entre nous et votre organisation et nous voulons rester en communication avec vous.

L'intérêt est manifeste. Il semble y avoir consensus sur l'utilité de ce plan. Je vous demanderais donc de nous le communiquer et, si vos membres ont des préoccupations ou des expériences particulières dont ils veulent nous faire part, ce qui est très important, n'hésitez pas à transmettre toutes ces informations à la greffière, car la consultation se poursuit. Le processus ne prend pas fin ici, au contraire, ce n'est que le début et il y a encore beaucoup de suivi à faire.

Alors, au sujet du régime de livraison et de ces autres choses, nous serions heureux de recevoir vos remarques qui seront ensuite communiquées au reste de notre comité.

M. Conrad Toner: Nous pourrions le faire. Cela prendra un peu de temps.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Ça va. Nous avons du temps. Malheureusement, nous n'avons pas de temps maintenant. Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie beaucoup d'être venus. Merci de votre déclaration, de vos questions et de vos idées. Cela a été très intéressant; nous en avons certainement appris beaucoup aujourd'hui. Merci beaucoup.

M. Conrad Toner: Merci de m'avoir invité.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Mes chers collègues, la séance est levée jusqu'à 13 h 30.

SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

• 1301

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Cette séance du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international est ouverte; cet après-midi, nous accueillons les représentants de la Régie de mise en marché du lait du Nouveau-Brunswick. Nous sommes ravis de vous accueillir. Vos remarques tombent à point compte tenu de la décision que vient de rendre l'OMC, et vous voudrez peut-être en traiter. Je suis certaine que mes collègues vous poseront des questions à ce sujet.

C'est la première d'une série de séances publiques que nous tenons à l'échelle du pays. Notre comité s'est divisé en deux, la première moitié est au Québec et l'autre, ici, dans les provinces de l'Atlantique. Nous nous diviserons de nouveau en avril pour solliciter les vues des intéressés à l'aube des négociations de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, et de la tribune régionale sur la création éventuelle d'une zone de libre-échange des Amériques.

Je vous remercie aussi d'avoir changé l'heure de votre comparution pour rendre service à certains de nos collègues qui doivent partir plus tôt. Je demanderais à mes collègues de se présenter rapidement, puis vous pourrez nous présenter vos collègues, monsieur Speer.

Monsieur Speller.

M. Bob Speller: Je m'appelle Bob Speller, je suis député de Haldimand—Norfolk—Brant, dans le sud-ouest de l'Ontario, une région productrice de lait. Je suis secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Et auparavant...?

M. Bob Speller: J'ai déjà été président du Comité de l'agriculture.

M. Sarkis Assadourian: Je m'appelle Sarkis Assadourian. Je suis député de Brampton-Centre. Comme vous le savez, Brampton est au nord-ouest de la région du Grand Toronto. Merci.

[Français]

M. Daniel Turp: Je m'appelle Daniel Turp et je suis député de Beauharnois—Salaberry du Bloc québécois et le porte-parole aux Affaires étrangères de ce parti. Dans ma circonscription, il y a également plusieurs producteurs laitiers.

[Traduction]

M. Darrel Stinson: Mon nom est Darrel Stinson, je suis député de Okanagan—Shuswap, en Colombie-Britannique. Je suis le porte-parole adjoint du Parti réformiste en matière d'affaires internationales.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je m'appelle Sarmite Bulte, «Sam», et je suis la députée de Parkdale—High Park, à Toronto. J'ai l'honneur et le privilège de présider ces séances de notre comité dans la région de l'Atlantique, et je suis aussi présidente du Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et de l'investissement.

Monsieur Speer.

M. Robert Speer (deuxième vice-président, Régie de mise en marché du lait du Nouveau-Brunswick): Je m'appelle Speer, et je suis le deuxième vice-président de la Régie de mise en marché du lait du Nouveau-Brunswick. Je suis accompagné de Albert Neill. Il est l'un des membres originaux de la Régie de mise en marché du lait. Et voici John Schenkels et Stephen De Merchant.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous souhaite la bienvenue à tous.

Monsieur Speer, vous avez la parole. Il y aura ensuite une période de questions.

M. Robert Speer: Merci, madame la présidente, de nous donner ainsi l'occasion d'exprimer les revendications de nos producteurs avant que la Canada ne s'engage dans la prochaine série de négociations. En tant que représentants des producteurs laitiers du Nouveau-Brunswick, nous appuyons pleinement le projet de politique commerciale formulé par le SM-5, qui regroupe les gens faisant partie de l'Office canadien de commercialisation des oeufs d'incubation de poulets de chair, l'Office canadien de commercialisation des oeufs, l'Office canadien de commercialisation des dindons, de la Fédération canadienne des éleveurs de poulets et la Fédération canadienne des producteurs de lait (Producteurs de lait du Canada). Le mouvement SM-5 représente près de 30 000 éleveurs et cultivateurs dont la production dépasse 6 milliards de dollars, soit 21 p. 100 de la valeur totale du secteur agricole primaire.

Madame la présidente, étant donné que la Fédération canadienne des producteurs de lait a déjà fait part à votre comité des quatre grands principes fondamentaux que nous défendons, je me contenterai de souligner les aspects suivants à ce sujet. Comme vous le savez, nos positions sont les suivantes: élimination de toutes les subventions gouvernementales aux exportations; faire en sorte que les gouvernements établissent des règles plutôt que des lignes directrices susceptibles d'être interprétées au profit d'un pays en particulier, si bien que les engagements varient énormément selon les pays; maintenir les contingents tarifaires ou les équivalents tarifaires à leurs niveaux actuels d'ici à ce que l'on corrige les distorsions aux subventions et les inégalités présentes, de façon à créer un contexte commercial conforme à la réalité; et favoriser une concurrence loyale et équitable en amenant les gouvernements à accorder le même degré de soutien à leurs industries respectives ou à plafonner leurs subsides injustifiés selon qu'il s'agisse de produits verts, beiges ou bleus. Étant donné que le gouvernement canadien ne peut compter que sur des moyens limités, nous lui conseillons de restreindre son aide financière globale sous forme d'un pourcentage de la valeur totale de la production.

• 1305

Soulignons qu'il a été difficile pour nous d'en arriver à une telle position alors que la plus grande partie de l'information sur laquelle se basent les gouvernements pour préparer la prochaine série de négociations a un caractère confidentiel, y compris la méthode servant à calculer les montants de subventions. À cause de cette confidentialité, il s'avère difficile de déterminer l'orientation que devraient prendre les prochains pourparlers. En entamant le prochain cycle de négociations, il serait essentiel que le gouvernement du Canada rende disponible toute l'information nécessaire à un processus réellement transparent, et qu'il cesse de la garder confidentielle.

Nous désirons maintenant rappeler l'importance du secteur laitier au Nouveau-Brunswick et réitérer certaines notions qui, à notre avis, devraient orienter les positions canadiennes lors de la prochaine série de discussions sur le commerce international.

Les producteurs laitiers du Nouveau-Brunswick souhaitent que vous mesuriez pleinement l'importance du secteur laitier pour l'économie de cette province. Quand débuteront les pourparlers au sein de l'Organisation mondiale du commerce, il faudra que nos négociateurs soient bien informés de la stabilité et des retombées économiques que procure cette industrie à l'ensemble des Néo-Brunswickois.

Quelle est l'importance de l'industrie laitière pour l'économie du Nouveau-Brunswick et du Canada? Les 340 exploitations laitières familiales du Nouveau-Brunswick ont produit 130 millions de litres de lait pour une valeur de 70 millions de dollars à la ferme, ce qui place ce secteur à égalité avec celui des pommes de terre au deuxième rang des denrées produites dans cette province. L'industrie laitière représente l'épine dorsale d'un grand nombre de régions rurales et urbaines du Nouveau-Brunswick. L'avenir de ces localités dépend dans une large mesure de la prospérité future de l'agriculture canadienne.

Au Nouveau-Brunswick, l'apport du secteur laitier équivaut au minimum à 210 millions de dollars, d'où des retombées et une stabilité économiques favorisant l'essor des autres industries.

En ce qui concerne le degré de concentration dans ce secteur agricole, plus du tiers des fermes laitières du Nouveau-Brunswick se trouvent dans la région du comté de King, où les revenus à la ferme totalisent près de 20 millions de dollars. Plus du quart des fermes laitières du Nouveau-Brunswick sont situées dans le comté de Westmoreland, où les revenus à la ferme atteignent près de 15 millions de dollars. La région de Fredericton-Woodstock compte plus du quart des fermes laitières du Nouveau-Brunswick et ses revenus à la ferme approchent les 15 millions de dollars. Les autres fermes laitières, qui rapportent des revenus de 20 millions de dollars, sont disséminées un peu partout dans la province, soit jusqu'à Saint-François au nord-ouest, en passant par Grand-Sault, Saint-Quentin, Campbellton, Jacquet River, Bathurst, Tracadie, Miramichi, Rexton, Buctouche et tous les endroits intermédiaires et au-delà.

Quant à la valeur ajoutée de l'industrie laitière, on trouve des usines de transformation dans des villes comme Saint-Jean, Sussex et Miramichi. De plus, des petites entreprises situées à Woodstock, Grand-Sault, Caraquet et Bouctouche s'efforcent de développer leurs propres créneaux. Le surcroît d'argent que ces usines injectent dans l'économie du Nouveau-Brunswick atteint au moins 100 millions de dollars.

Au sujet de l'interdépendance entre un secteur laitier prospère et les infrastructures rurales, les vendeurs de machinerie, les mécaniciens, les fournisseurs d'équipement, les réparateurs, les vétérinaires, les producteurs de graines de provende, les vendeurs de nourriture pour le bétail, les bouchers locaux, les transporteurs de bétail, les organismes bénévoles, les chauffeurs de camion, les dépanneurs locaux, les menuisiers, etc., tous ces gens profitent grandement de la stabilité attribuable à l'industrie laitière. Contrairement à d'autres secteurs ayant un caractère saisonnier, les activités de production laitière se déroulent constamment, bon an mal an, d'où une certaine stabilité qu'aucun autre domaine agricole ne pourrait leur offrir.

• 1310

Pour que les campagnes du Nouveau-Brunswick et du reste du Canada puissent demeurer dynamiques et prospères, il faut absolument que nos négociateurs commerciaux se montrent déterminés et exigent l'application de règles claires et des possibilités d'accès justes et équitables, sans compter l'élimination des subventions.

Les producteurs laitiers ont accompli de gros efforts pour adapter leurs structures et leurs méthodes d'exploitation conformément aux décisions prises durant les dernières négociations de l'OMC, ce qui n'est pas le cas pour d'autres pays concernés. Le gouvernement canadien a fixé des normes en vue de discipliner le commerce et devra pour le moins exiger que tous les autres pays participant à la prochaine ronde de négociation fassent de même.

Voici un aperçu des règles qui nous paraissent indispensables afin de garantir un contexte concurrentiel équitable pour tous les pays membres de l'OMC. En concluant des ententes commerciales, le gouvernement canadien ne doit pas se borner à supprimer toutes les barrières commerciales, quelles qu'en soient les conséquences. À cet égard, les producteurs de lait du Canada considèrent qu'il faut d'abord viser à améliorer le commerce international par des règles de fonctionnement plus efficaces, qui ne perturberont pas les marchés intérieurs, mais qui contribuent à accroître les revenus des producteurs agricoles.

Nous insistons pour que le gouvernement fédéral s'efforce d'en arriver à un équilibre pragmatique entre l'équité et la réciprocité. Celui-ci doit admettre que certains pays accordent à leur propre industrie laitière une aide financière et d'autres formes de soutien considérables. Le gouvernement canadien doit reconnaître que la concurrence sur la scène internationale est inégale, et continuer à fournir aux producteurs canadiens les moyens nécessaires à leur rentabilité, grâce à des programmes de gestion de l'offre et à d'autres mesures. Nous prônons notamment une meilleure planification de la production afin de résoudre les problèmes propres au secteur agricole qui nuisent au commerce international.

Le gouvernement canadien devrait aborder la prochaine ronde de négociation multilatérale dans le cadre de l'OMC en ayant pour objectif de défendre les intérêts des producteurs laitiers canadiens.

Les résultats des futures négociations commerciales sur l'agriculture devront contribuer à améliorer le commerce des produits laitiers tant à l'échelle internationale qu'à l'échelle nationale (commercialisation ordonnée), de même qu'à accroître les revenus des producteurs canadiens.

Il faudrait que l'instauration de règles commerciales justes et efficaces se fasse principalement sous la gouverne de l'OMC. En outre, les règles commerciales régissant le secteur laitier stipulées dans les autres accords auxquels le Canada pourrait adhérer ne devront pas aller au-delà des engagements et des contraintes acceptés devant l'OMC.

Il faut éviter de faire des compromis en troquant un secteur agricole canadien contre un autre, ou des compromis entre l'agriculture et une autre industrie. Les politiques commerciales doivent tenir compte des structures du marché propres à une forme particulière d'agriculture et à des denrées spécifiques.

En ce qui concerne le commerce laitier international, le gouvernement canadien devra rechercher de manière pragmatique un équilibre entre l'équité et la réciprocité en favorisant ou en restreignant les programmes et les organismes qui facilitent le commerce. Les contraintes quant à l'application des programmes et aux arrangements institutionnels doivent correspondre au degré de distorsion commerciale qui en résulte actuellement.

Les prochaines négociations commerciales en agriculture devront tendre surtout vers l'élimination des subventions gouvernementales à l'exportation.

Le gouvernement canadien doit obtenir une équivalence complète par rapport aux possibilités d'accès minimales réglementées.

L'administration des contingents tarifaires doit obéir à des règles permettant de concrétiser les possibilités d'accès auxquelles se seront engagés les pays participants.

Le gouvernement canadien doit s'efforcer de discipliner davantage les programmes de soutien nationaux.

Il faudrait supprimer les mesures sanitaires et phytosanitaires qui ne reposent pas sur des bases scientifiques.

Les futures négociations commerciales dans le domaine agricole devront viser principalement la suppression de l'ensemble des subventions gouvernementales à l'exportation.

Les producteurs laitiers du Nouveau-Brunswick insistent pour que le gouvernement canadien clarifie dans son énoncé de politique ce qui constitue une subvention à l'exportation en veillant à ce que la stabilisation des prix attribuable à des structures de commercialisation comme les mécanismes de gestion de l'offre et la Commission canadienne du lait n'équivaille pas à une forme de subvention, et en veillant à ce que les fusions de prix et les différences de prix entre les marchés, y compris les marchés d'exportation, soient considérées comme des pratiques commerciales normales plutôt que comme des subventions à l'exportation.

Le gouvernement canadien devrait tendre vers l'établissement de règles claires et concises relativement à l'accès aux marchés afin de garantir que tous les pays prendront des engagements équivalents à cet égard, par exemple un pourcentage fixe de la consommation intérieure.

• 1315

Il faudrait éliminer complètement les tarifs s'appliquant à un pays en fonction des possibilités d'accès accordées par le biais de l'OMC.

Nous insistons pour que le gouvernement canadien continue à prôner l'établissement de règles transparentes, efficaces et obligatoires touchant l'application des contingents tarifaires afin de garantir les niveaux d'accès convenus. Il faut éviter que les gouvernements recourent à des mesures administratives pour contourner leurs engagements touchant l'accès aux marchés. On devrait tolérer les mesures adoptées pour tenir compte des conditions et des infrastructures du marché intérieur, y compris le droit de désigner les segments du marché qui absorbent ces importations, à condition qu'elles n'entravent pas l'accessibilité convenue.

Nous prions le gouvernement canadien de viser la suppression de l'ensemble des contingents tarifaires propres à un pays de façon à ce que tous les pays membres de l'OMC aient accès aux marchés en question.

Il faudrait que les sociétés commerciales d'État aient le droit d'appliquer des contingents tarifaires, pourvu que ceux-ci n'entravent pas l'accessibilité convenue.

De concert avec le gouvernement canadien, notre association étudiera les quantités de produits laitiers auxquelles s'applique l'aide financière dans le calcul des mesures globales de soutien.

Il faudrait supprimer les programmes de boîtes bleues.

Nous appuyons résolument l'instauration par l'OMC de règles confirmant clairement le droit pour les pays concernés d'accorder à leurs régies de commercialisation le pouvoir de contrôler les quantités de produits nationaux écoulés, d'avoir un office de commercialisation centralisé et de fusionner les recettes. S'il s'agit d'une société commerciale d'État, il faudrait que ses activités respectent les principes de l'article XVII de l'Accord du GATT de 1947 et qu'elles n'entraînent aucune distorsion au plan commercial.

Il importe que les mesures sanitaires et phytosanitaires reposent sur des connaissances scientifiques solides et ne constituent pas des barrières tarifaires déguisées.

Au cas où un pays imposerait des mesures sanitaires et phytosanitaires ou des règles d'inspection qui ne se justifient pas scientifiquement, il faudrait que les parties prenantes aient le droit d'imposer provisoirement des mesures de rétorsion équivalentes par rapport aux importations en provenance de ce pays, en attendant le règlement du litige sous les auspices de l'OMC.

Les producteurs laitiers du Nouveau-Brunswick souhaitent que les futures négociations commerciales concernant le secteur laitier se déroulent au sein de l'Organisation mondiale du commerce plutôt que dans d'autres instances, comme l'Accord de libre-échange des Amériques ou l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique, qui excluent certains partenaires commerciaux importants.

Tous les problèmes ou accords en voie de négociation qui pourraient avoir des répercussions sur l'agriculture, comme le projet d'Accord multilatéral sur l'investissement, devraient faire l'objet de discussions dans le cadre des négociations de l'OMC portant sur l'agriculture afin que les intéressés comprennent bien les liens avec d'autres accords.

En guise de conclusion, madame la présidente, je tiens à rappeler que la force et l'influence du Canada sur la scène commerciale internationale reposent sur des fondements solides; cependant, on assiste à un déclin continu dans le milieu agricole depuis la signature en 1994 des accords du GATT et de l'OMC. On ne sait pas trop si ce recul résulte de la conjoncture économique ou de l'affaiblissement des infrastructures bénéficiant d'un soutien gouvernemental, mais, chose certaine, pour que notre économie rurale puisse subsister, il importe d'instaurer des règles du jeu équitables pour tous.

Merci, madame la présidente.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Speer. Est-ce que l'un ou l'autre de vos collègues voudrait aussi faire des remarques, ou pouvons-nous passer dès maintenant aux questions?

M. Robert Speer: Je crois que nous pouvons passer aux questions.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Stinson.

M. Darrel Stinson: Tout d'abord, je tiens à vous féliciter pour votre mémoire. C'est la première fois qu'on souligne les retombées économiques du secteur. Vous en parlez, et j'en suis heureux. Cela nous ouvrira peut-être les yeux sur l'incidence que peut avoir sur d'autres secteurs l'effondrement d'une industrie.

Nous négocions en vue de signer des ententes, et vous avez soulevé des points pertinents sur la clarté des règles, des remarques qui m'ont troublé. L'interprétation des règles semble l'une des principales pierres d'achoppement. Notre interprétation n'est pas nécessairement la même que celle qu'en font les autres pays.

• 1320

Ne croyez-vous pas que nous abordons peut-être trop de sujets à la fois? Ne serait-il pas préférable d'aborder un secteur à la fois et d'en venir à une entente à ce sujet avant de se lancer dans d'autre chose? Nous saurions alors ce que sont les règles, ce que sont les subventions dans ce secteur, et nous pourrions nous entendre avant d'aller plus loin.

M. Robert Speer: Cela permettrait de préciser certaines règles fondamentales, ce que j'appelle les règles fondamentales, avant qu'on entre dans les détails. Il faut s'entendre sur les conditions, sur le niveau d'accès aux marchés, sur la méthode de calcul, avant d'amorcer les véritables négociations sur l'accès aux marchés comme tel et le reste.

J'aimerais faire quelques remarques sur la décision de l'OMC. À l'issue de la dernière série de négociations de l'OMC, le Canada a modifié de façon assez considérable le traitement des produits laitiers exportés. Il y a eu appel, et une décision a été rendue. Il se peut fort bien que nous interjetions appel aussi. Je n'en suis pas certain, mais je crois que le Canada devrait au moins envisager d'en appeler de cette décision.

Nous avons tenté de nous adapter à ce que nous considérons comme un mode de fonctionnement compatible avec les règles de l'OMC. Manifestement, il y a eu malentendu, car le groupe spécial, lui, est d'avis que nous ne nous sommes pas conformés à ces règles. Votre remarque sur l'établissement de règles claires dès le départ est donc pertinente.

M. Darrel Stinson: Je remarque dans votre mémoire que vous craignez beaucoup que votre secteur ne soit forcé de faire des compromis pour permettre la conclusion d'un accord dans un autre secteur. Voilà pourquoi je demandais si nous n'abordions pas trop de choses en même temps, s'il ne serait pas préférable de n'aborder qu'un domaine à la fois afin, justement, de ne pas négocier un accord dans un secteur au détriment d'un autre.

M. John Schenkels (directeur, Régie de mise en marché du lait du Nouveau-Brunswick): Il faut que les enjeux soient bien clairs et bien distincts—le secteur laitier est distinct du secteur du blé et des autres, tels que le secteur de l'acier. Il n'y a pas un secteur qui serait heureux de faire des compromis au profit d'un autre secteur. J'espère que vous direz clairement que nous nous opposons à cela. Nous ne voulons pas faire de compromis pour les autres.

Pour ce qui est de la façon de procéder—la question de savoir si on négociera pour un secteur à la fois ou non—cela incombe plutôt à votre comité. Mais nous ne voulons certainement pas que différents secteurs agricoles ou différentes industries fassent les frais d'une entente conclue dans un autre secteur.

M. Darrel Stinson: Il s'agit de votre gagne-pain, et il faut que vous ayez voix au chapitre. Je vous pose donc la question: quel résultat escomptez-vous de ces négociations?

M. John Schenkels: Si vous me demandez si le secteur laitier est prêt à faire des compromis en échange de meilleurs tarifs pour le blé, par exemple, je vous répondrai catégoriquement non. Nous ne pouvons absolument pas envisager cela.

Pour ce qui est de savoir si le blé, les produits laitiers et l'acier feront l'objet de négociations parallèles, c'est aux négociateurs d'en décider. Mais il faut absolument que ces secteurs soient négociés séparément, qu'ils fassent l'objet de négociations distinctes.

• 1325

M. Robert Speer: Le système de gestion de l'offre qui sert à contrôler l'offre de lait intérieure du Canada assure une certaine stabilité essentielle à ce secteur. C'est un secteur où les résultats se voient à long terme, où il faut du temps pour augmenter ou réduire la production. Lors des négociations dans les autres secteurs agricoles, nous ne voudrions pas qu'on oublie ce qui est nécessaire en matière de contrôles frontaliers, de contingents tarifaires, etc., pour maintenir la stabilité de ce secteur.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): D'accord.

Monsieur Turp.

M. Daniel Turp: Vous n'êtes pas les premiers à nous dire qu'il vous faut des règles certaines et que cela ne vous plaît pas... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]... qui crée beaucoup d'incertitude dans votre secteur. Quelle serait la solution? Je vous fais une suggestion. L'OMC s'est dotée d'un organe d'examen des politiques commerciales qui peut être saisi, par un pays, d'une politique commerciale particulière. Cet organe l'examine et fait rapport au GATT de ce qui est non conforme aux traités et normes.

• 1330

Croyez-vous qu'on devrait prévoir ce genre d'examen préalable afin de réduire le recours aux groupes spéciaux, qui rendent ensuite des décisions pouvant perturber votre secteur? Est-ce que ce serait faisable, à votre avis?

M. Robert Speer: Vous décrivez là le système idéal. Pouvez-vous imaginer comment cela fonctionnerait? Est-ce que chaque pays serait tenu de faire examiner ses politiques?

M. Daniel Turp: Par exemple, lors des prochaines négociations, le Canada pourrait présenter son système de gestion de l'offre et toutes les mesures qui l'accompagnent et demander s'il est conforme aux traités existants ou à ceux qui seront négociés; ainsi, une fois ces nouveaux traités acceptés, ce genre de problèmes ne surgiraient pas. Les groupes spéciaux ne pourraient prétendre que ce système n'est pas conforme à l'entente, puisqu'il aurait été établi d'avance qu'il est conforme.

M. Robert Speer: Nous voulons que les négociateurs canadiens s'assurent que notre régime de gestion de l'offre soit compatible avec l'entente qui découlera des prochaines négociations de l'OMC. Nous avons au Canada un régime intérieur qui nous a bien servis. Le taux d'augmentation du prix des produits laitiers est inférieur à l'augmentation de l'indice des prix à la consommation et du prix des produits laitiers à l'étranger.

Notre régime est bon pour les agriculteurs et pour les consommateurs canadiens. Alors, pendant les prochaines négociations, nous devrons nous assurer que notre régime de gestion de l'offre est maintenu. Nous ne voulons pas qu'on détermine pour nous s'il est conforme ou non; nous voulons que notre régime soit conforme au prochain accord qui sera négocié.

M. Daniel Turp: Mais à l'issue de la dernière série de négociations, ne vous a-t-on pas dit que notre régime de gestion de l'offre était compatible avec l'accord? Or, il y a quelques jours, on vous a dit le contraire. À votre avis, ne pourrait-on pas éviter ce genre de situation? Acceptez-vous avec fatalisme qu'il en sera encore ainsi à l'avenir? On vous dira que notre régime est conforme aux règles, puis un organe de règlement des différends prétendra le contraire.

M. Bob Speller: Excusez-moi, mais qui a dit avant la dernière série de négociations que notre régime de gestion de l'offre était conforme aux règles?

M. Daniel Turp: Je ne sais pas, moi, mais les gens s'imaginent que lorsqu'un gouvernement signe un accord, il signale à la population que l'accord en question est conforme à la pratique habituelle. Cela n'est jamais certain, et nous venons juste d'avoir la preuve de cela.

M. Bob Speller: Le système est apparu après la signature du dernier accord.

M. Daniel Turp: Vraiment? Même la partie qui a été contestée et déclarée ultérieurement incompatible?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): M. De Merchant demandait le micro, et peut-être a-t-il une réponse.

M. Stephen De Merchant (directeur, Régie de mise en marché du lait du Nouveau-Brunswick): J'interviens un peu à la volée ici parce que vous abordez quelque chose... J'ai fait une rapide révision et j'ai lu plusieurs pages pour essayer de garder le fil. Mais maintenant vous posez une question à laquelle je n'ai jamais réfléchi, même si je le faisais lorsque j'étais moi-même exploitant agricole. Et puisque vous êtes ici pour écouter tout ce que nous avons à dire, je voudrais aborder cela.

• 1335

Je suis peut-être un peu hors sujet en vous parlant de cela, mais c'est quelque chose dont le producteur agricole se fait une idée. En règle générale, une subvention, c'est quelque chose que le gouvernement paye aux exploitants agricoles. C'est quelque chose de local, qui ce soit aux États-Unis... Nous connaissons ce que les Américains appellent leurs programmes de bonification. S'agissant de l'appel qui va être entendu, ce qui ne plaît d'ailleurs pas plus aux Américains qu'à nous, c'est quelque chose d'incontournable. Ils nous disent que nous nous subventionnons nous-mêmes à cause de cette question du lait de catégorie spéciale. Nous devrions, disent-ils, augmenter nos prix. Mais les producteurs eux-mêmes ne l'ont pas fait.

J'ai toujours pensé que les subventions venaient des gouvernements, et non pas des producteurs agricoles. Est-ce de cela que Bob vient de parler au sujet des règles de base? Je ne vois pas cela dans les règles de base. Cela m'a interloqué lorsque j'ai entendu les Américains dire que nous nous subventionnons nous-mêmes. Si les Américains prétendent que nous devrions gagner davantage, je suis parfaitement d'accord avec eux.

M. Sarkis Assadourian: Qui subventionnez-vous?

M. Stephen De Merchant: Lorsqu'il y a des catégories spéciales, il y a également des prix inférieurs pour les utilisations du produit terminal, qui peut être de la poudre de lait par exemple, mais mettons que ce soit du beurre. Ce produit n'a aucun débouché intérieur, et il faut donc l'exporter sur le marché libre. Mais si un fabricant parvient à trouver une meilleure utilisation pour son produit et s'en débarrasse, eh bien, tant mieux. C'est cela mon entendement des catégories spéciales.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie.

M. John Schenkels: Voudriez-vous que je vous dise quelques mots pour vous expliquer les tenants et les aboutissants de cette dernière décision?

M. Daniel Turp: L'avez-vous lue?

M. John Schenkels: J'en ai lu la synthèse.

M. Daniel Turp: C'est mieux que les gens de McCain, qui n'ont pas encore eu l'occasion de la lire.

M. John Schenkels: En fait, la décision finale est un rapport d'environ 200 pages. Il n'a été rendu public que récemment, de sorte qu'il ne porte pas intégralement sur ce qui a été discuté, et il n'est pas non plus complet. Je vais simplement vous en donner un bref aperçu afin de vous familiariser davantage avec le sujet.

À la dernière ronde de négociation du GATT, l'article XI a été éliminé. Cet article portait essentiellement sur la gestion de l'offre et donnait aux pays le droit de la pratiquer. Cet article ayant disparu, il fallait donc chercher un autre système sur lequel nous puissions avoir le contrôle. Essentiellement, Les Producteurs laitiers du Canada ont jugé qu'un système de gestion de l'offre présentait toujours certains avantages et que s'il était possible de conserver ce système, nous aurions intérêt à le faire non seulement pour les producteurs, mais également pour les consommateurs.

La résultante de tout cela a été qu'il fallait exporter des excédents de lait qui représentaient en l'occurrence environ 5 p. 100 de la production destinée à l'approvisionnement intérieur, plus la fraction de cette production qui ne pouvait pas être écoulée sur le marché intérieur. Jusqu'alors, cela était subventionné à même les pénalités financières payées par le producteur, la Commission canadienne du lait se chargeant de l'exportation de cet excédent et utilisant donc l'argent provenant des pénalités pour payer les subventions. En fin de compte, le producteur touchait le même prix pour toute sa production laitière, jusqu'à concurrence de ce qu'il produisait pour le marché intérieur ou pour l'exportation. Mais les paiements de ce genre ont été interdits, de sorte que c'est le prix du produit destiné à l'exportation qui fut baissé.

En procédant de cette façon, il devenait inutile d'imposer des pénalités financières, et l'administration de la CCL put être éliminée, ce qui à notre avis était conforme aux règles du GATT. Mais cette mesure allait être récemment encore contestée par la Nouvelle-Zélande et les États-Unis. Un groupe spécial du GATT a décrété qu'il était interdit de produire du lait vendu à deux prix différents, qu'il était interdit d'avoir un système à deux vitesses.

Les producteurs laitiers du Canada croient toujours que des marchés différents appellent des prix différents. Si on veut approvisionner ces marchés, il faut parfois accepter des prix plus bas. Je pense que c'est toujours notre opinion, même si la décision en question affirme qu'en procédant ainsi nous subventionnons.

J'imagine à ce moment-ci qu'il y aurait une procédure d'appel, même si aucune décision n'a vraiment encore été prise à ce sujet. Ce qui se passe, étant donné ce qu'ont dit Bob, M. Speller et M. Turp, c'est que nous avons essayé de respecter les règles qui ont été la résultante des dernières négociations à l'OMC. Nous avons fait le maximum pour nous conformer à ces règles et, brusquement, nous découvrons que ces règles ne valent plus. Nous avons tout lieu de croire qu'il y a de nombreux autres pays qui ne respectent pas ces règles, mais il n'y a que nous qui soyons pénalisés, malgré nos efforts.

• 1340

Nous ne sommes pas sûrs d'avoir les moyens de nous en prendre à un pays comme les États-Unis, qui, nous le savons, subventionne ses exportations. Les États-Unis subventionnent davantage les exportations de produits laitiers que nous. Nous le savons à l'évidence, mais nous ne pouvons pas nous en prendre à eux parce qu'ils vont faire valoir qu'ils respectent les règles. Tout cela revient somme toute à ceci: comment donner les mêmes chances à tout le monde et comment décider quelles vont être ces chances? C'est précisément pour cette raison que les règles doivent être clairement définies et que tout le monde doit les respecter.

Alors toutes ces contestations qui fusent de part et d'autre... s'il vous était possible de mettre en place quelque chose pour l'empêcher, ce serait peut-être une solution. Il faut néanmoins avoir une scène sur laquelle tout le monde joue en respectant les mêmes règles, les règles étant les mêmes pour tous les pays.

Si notre système n'est pas protégé, le total des subventions qu'on trouve dans ces petites boîtes vertes et dans ces petites boîtes bleues, lorsqu'on va les chercher dans la petite boîte rouge pour les verser dans la petite boîte bleue... si le niveau général des subventions reste le même, cela a très peu d'effet, voire pas d'effet du tout sur l'égalisation des règles du jeu, étant donné que le producteur laitier d'un pays de l'Union européenne ou des États-Unis continue à toucher beaucoup d'argent.

Si nous éliminons les rares subventions que nous avons encore, le producteur canadien n'aura plus rien. Tout d'un coup, il pourra produire à meilleur compte, et, s'il continue à le faire, ce sera de toute manière encore une production subventionnée, et nous voulons faire en sorte que cela ne soit plus le cas non plus. C'est ce que je veux dire en parlant des boîtes vertes et des boîtes bleues.

M. Daniel Turp: À titre préventif, vous pourriez par exemple vouloir mettre en place un mécanisme qui vous permettrait de demander un avis consultatif à un groupe spécial de l'OMC. Avant d'adopter une nouvelle formule, vous demanderiez à ce groupe spécial si cette formule est conforme à l'accord. Si le groupe spécial vous dit oui, vous ne risquez donc plus d'avoir, ultérieurement, une décision qui vient perturber toute votre gestion des stocks. Si le groupe spécial dit non, vous revenez à la case départ et vous trouvez quelque chose d'autre qui soit conforme. Nous procédons de cette façon pour toutes sortes de choses... en demandant par exemple l'avis consultatif de la Cour suprême, à la Cour internationale de justice. Ce serait peut-être quelque chose à envisager sérieusement parce que cela poserait beaucoup moins de problèmes que le fait d'adopter un mécanisme pour se rendre compte quelques années plus tard qu'il n'est pas valable.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Turp.

Monsieur Assadourian.

M. Sarkis Assadourian: J'aimerais avoir une idée de l'envergure de votre industrie sur le plan national. Vous avez dit qu'au Nouveau-Brunswick vous représentez 70 millions de dollars. Quel est le pourcentage de cela que vous exportez à l'étranger? Quelle est l'importance de votre industrie au Canada? Et j'entends par industrie également le fromage, le lait en poudre, le beurre et tout ce qui est produit à partir du lait. Où exportons-nous? Quels sont nos contacts? Le lait en poudre que nous produisons, qui est un sous-produit du lait, est-il assujetti à une réglementation semblable à celle qui frappe le lait?

M. John Schenkels: Voulez-vous parler des produits à base de lait comme le fromage et le beurre?

M. Sarkis Assadourian: Oui.

M. John Schenkels: Les tarifs douaniers et les autres mesures applicables sont semblables à celles qui frappent les exportations... pour l'essentiel, dans le cas de n'importe quel produit qui contient moins de 50 p. 100 de produit laitier.

M. Sarkis Assadourian: À ce moment-là les règles changent, n'est-ce pas?

M. John Schenkels: Les tarifs douaniers sont légèrement... parce qu'évidemment il faut savoir s'il s'agit effectivement d'un produit laitier au sens strict du terme.

Pour ce qui est de nos exportations, le chiffre est de l'ordre de 5 p. 100 à 10 p. 100. Cela dépend. Il faut bien comprendre ici que nous parlons au plan national, de sorte que la production intérieure est également calculée à l'échelle nationale. Le total des exportations est calculé par rapport à la production nationale, et les recettes d'exportation sont réparties entre tous les producteurs du Canada à cause de notre système de mise en commun.

• 1345

M. Sarkis Assadourian: Ce que je voudrais savoir, c'est ce que rapportent nos exportations de produits laitiers.

M. John Schenkels: Nos exportations à nous?

M. Sarkis Assadourian: Cela représente-t-il 50 millions de dollars, 40 millions de dollars, 10 millions de dollars? Donnez-moi simplement un ordre de grandeur pour l'industrie.

M. Robert Speer: Pour ce qui est des exportations, notre système de gestion de l'offre repose sur le principe que c'est nous qui contrôlons la production pour l'aligner sur les besoins du marché intérieur. Jusqu'à très récemment encore, nous n'avions pas pour politique de favoriser une exportation à grande échelle. En effet, nous sommes ici en concurrence avec la production très fortement subventionnée de l'Union européenne, de sorte que le prix mondial est très faible.

Le Canada exporte toutefois un petit peu, comme John l'a dit, aux alentours de 5 p. 100 de sa production totale. Le lait comporte plusieurs éléments constitutifs: le gras, les protéines, le lactose et d'autres solides du lait. Il arrive que nous ayons un excédent, dont nous n'avons pas besoin, mais que nous produisons pour pouvoir produire suffisamment d'autres sous-produits.

Mais dans le cas des produits laitiers, le marché d'exportation n'est pas vraiment très important pour le Canada, même si nous exportons un petit peu.

M. Sarkis Assadourian: De sorte que les subventions dont vous parlez ne valent que pour les exportations?

M. John Schenkels: Les subventions dont nous parlons dans l'industrie laitière canadienne...? Pour nous, ce ne sont pas des subventions. Il faut bien le comprendre. Les États-Unis et la Nouvelle-Zélande estiment que ce sont bien des subventions, mais ce n'est pas notre opinion. Ce qui se passe, c'est que le lait que nous exportons, nous acceptons de le vendre à un prix inférieur à celui auquel nous le vendons sur le marché intérieur. Les États-Unis ont affirmé que cette différence de prix représente effectivement une subvention parce que nous la trouvons ailleurs.

M. Sarkis Assadourian: Est-ce du dumping?

M. John Schenkels: Les Américains disent qu'effectivement cela pourrait être une forme de dumping, même si nous sommes une compagnie.

M. Sarkis Assadourian: Si par exemple j'exporte du lait vers l'Europe et si une compagnie américaine en fait de même, quelle pourrait être la différence entre le prix du produit canadien et le prix du produit américain exporté au même endroit en Europe?

M. John Schenkels: La différence de prix pour ce produit final au point d'entrée? À cet endroit-là, probablement un ou deux cents de moins, sinon, probablement un ou deux cents de plus. C'est un marché très concurrentiel, et il faut bien comprendre que le marché mondial ne représente qu'environ 5 p. 100 de la production mondiale; c'est donc un tout petit marché. Le marché a tendance à être un marché de dumping lorsque tous les pays écoulent un peu de leur production excédentaire grâce à des subventions. L'Union européenne a des subventions. Les États-Unis aussi. C'est ce qui représente le plus gros des échanges commerciaux. La Nouvelle-Zélande est l'un des principaux pays exportateurs, et c'est essentiellement elle qui fixe le prix, et tous les autres pays subventionnent leur production pour s'aligner sur celui-ci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): M. Neill voudrait également dire quelques mots.

M. Albert Neill (directeur, Régie de mise en marché du lait du Nouveau-Brunswick): Je voudrais tout simplement dire que les subventions sont plus ou moins toutes des subventions à la consommation. Il s'agit d'une politique destinée à favoriser l'alimentation à bon marché. Le Canada est d'ailleurs l'un des chefs de file dans ce domaine. Depuis de nombreuses années, nous avons des subventions pour que nos consommateurs paient un prix raisonnable pour les produits alimentaires. D'autres pays font la même chose. C'est cela le but. Le gouvernement paie une subvention aux producteurs agricoles au lieu de leur permettre d'en augmenter le prix de vente, et c'est ce qu'on appelle les subventions à la consommation.

Puis vous arrivez avec cette notion des boîtes vertes dont on a déjà parlé. Dans le secteur en question, les subventions n'étaient pas censées être réduites, mais c'est là qu'on a commencé à les réduire. Ils sont allés voir dans les boîtes vertes et ont commencé à sabrer dans les subventions d'entrée de jeu. Mais lorsqu'elles avaient été mises en place, ce n'était pas pour les réduire plus tard. Les dernières étaient censées être là, les subventions de soutien étaient censées demeurer. Mais ce n'est pas ce qui s'est produit.

• 1350

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): [Note de la rédaction: Inaudible]

Un témoin: Pour renchérir sur ce que disait M. Neill, vous trouverez dans le texte des PLC un texte qui vous a été remis, je crois, il y a deux ou trois jours, lorsque vous siégiez en comité plénier. Avant de vous scinder en petits comités à Ottawa, un groupe vous avait présenté ce texte.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): La table ronde sur l'agriculture.

Un témoin: Oui, disons qu'il s'agit du SM-5, qui vous l'avait présenté.

Dans ce document, ces témoins vous disaient que dans le cas de l'Union européenne le total des programmes de soutien intérieur représentait 42 p. 100 de la production agricole. Ainsi, 42 p. 100 du produit total de la production agricole est représenté par des subventions directes de l'État sous une forme ou une autre, qu'il s'agisse de la boîte bleue, de la boîte verte, ou que sais-je encore. Aux États-Unis, ce chiffre est de 32 p. 100, et au Canada, il n'est que de 16 p. 100. Il y a donc une grosse différence.

M. Sarkis Assadourian: Si j'ai donc bien compris, aux États-Unis ce chiffre est de 32 p. 100, c'est-à-dire le double de ce qu'il est chez nous, 16 p. 100. C'est cela?

Un témoin: C'est cela.

M. Sarkis Assadourian: Pourquoi le prix auquel les Américains vendent en Europe est-il le même que le nôtre?

M. John Schenkels: En fait, le prix mondial est un prix artificiel qui est établi par celui qui décide. En fait, ils essaient surtout de se débarrasser de leur excédent, quel que soit le prix pour celui qui l'achète. La situation de l'offre et de la demande est donc dans ce cas-là différente de ce qu'elle est sur le marché intérieur.

Si nous décidons par exemple de vendre nos excédents de production dans les pays de l'Union européenne, nous sommes en concurrence avec des Américains qui essaient de faire la même chose. Si le prix offert par les États-Unis comporte un élément de subvention aux exportations supérieur au nôtre, nous devons accepter un prix inférieur pour pouvoir écouler notre excédent. Et c'est essentiellement ce que nous faisons. Nous nous rendons compte qu'il nous est impossible de vendre nos excédents sur certains de ces marchés parce que d'autres pays subventionnent leurs exportations, de sorte que nous acceptons pour notre lait un prix inférieur pour avoir la garantie de pouvoir approvisionner notre marché intérieur.

M. Sarkis Assadourian: Pourrais-je vous poser une petite question? Il y a 340 familles de producteurs laitiers. Elles produisent pour 70 millions de dollars. Est-ce là la capacité productive maximale de l'investissement, ou serait-il possible de produire davantage avec le même investissement, ce que vous ne faites pas, faute de marché?

Un témoin: C'est exact pour l'essentiel. Il y a encore des possibilités de croissance, mais le marché des produits laitiers au Canada et dans le monde entier est probablement assez stagnant pour l'instant. Nous avons constaté une certaine amélioration avec la croissance économique mondiale, mais pour l'essentiel le marché est relativement stagnant, et la plupart des pays produisent uniquement pour le marché intérieur et pas vraiment pour l'exportation, si ce n'est peut-être des deux exceptions que sont la Nouvelle-Zélande et l'Australie.

Lorsque nous pensons à la quantité que nous pourrions produire, effectivement, il y a une possibilité de croissance pour autant que le marché exige une production accrue, mais je pense que nous avons parfaitement compris que nous gérons en fonction de l'offre ou d'une demande donnée, et c'est en fonction de cela que nous produisons. Ces 340 producteurs laitiers produisent donc un certain pourcentage du marché de la consommation canadienne.

M. Sarkis Assadourian: Si vous voulez produire davantage, vous devez également investir davantage? C'est cela que vous dites.

Un témoin: En effet, il y aurait quelques investissements supplémentaires, mais pas nécessairement aussi importants que c'est le cas pour l'instant, c'est-à-dire ce qui existe déjà, étant donné que l'infrastructure nécessaire à l'accroissement de la production est déjà là, de sorte que le surcoût serait minime.

M. Sarkis Assadourian: Ma curiosité me pousse à vous poser une question concernant... [Note de la rédaction: Difficultés techniques] Jadis, nous avions l'habitude d'exporter du lait en poudre vers les pays du tiers monde. Est-ce que nous le faisons toujours lorsqu'il y a excédent?

M. John Schenkels: Oui.

M. Sarkis Assadourian: Je vous remercie.

M. Bob Speller: Merci, madame la présidente, et merci à vous aussi, messieurs, d'être venus nous présenter votre exposé ce matin. Il est extrêmement détaillé et est le produit d'une excellente réflexion.

Nous avons entendu ce matin les représentants du groupe McCain, qui nous ont eux aussi présenté un mémoire très complet. Ils nous disaient ainsi notamment:

    [...] les propres mesures à la frontière du Canada doivent faire en sorte que McCain puisse s'approvisionner de façon concurrentielle en denrées de base nécessaires à la fabrication des produits qu'elle exporte partout au monde.

Et ils poursuivaient en disant ceci:

    [...] le temps est venu pour le gouvernement du Canada d'adopter une politique commerciale internationale qui nous permettra de faire concurrence grâce à un élargissement graduel de l'accès au marché canadien pour les produits laitiers et les volailles étrangers.

Qu'avez-vous à répondre à cela?

• 1355

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous en prie, monsieur Speer, entrez dans la mêlée.

M. Robert Speer: À l'heure actuelle, nous fournissons par exemple du lait à McCain pour la fabrication de ses pizzas. Nous avons un accord aux termes duquel nous lui fournissons le lait dont elle a besoin pour fabriquer ce produit, et nous le fournissons essentiellement au prix mondial. C'est en effet le prix auquel les concurrents de McCain peuvent se procurer leur lait. Si par conséquent McCain n'est pas concurrentielle à ce niveau-là, ce n'est pas à cause du prix qu'elle paie pour les produits laitiers dont elle a besoin.

M. Bob Speller: Avant que d'autres n'interviennent pour répondre, je pourrais ajouter que McCain nous a dit qu'à son avis la compagnie est concurrentielle, mais que si la décision finale lui donne tort... Je pense que McCain s'inspirait également de cette décision.

M. Robert Speer: Effectivement, la décision de l'OMC pourrait entrer en ligne de compte.

Un témoin: Je voudrais ajouter que nous avons une formule qui nous permet d'établir un prix de revient en fonction du système de gestion de l'offre et de régulation du marché. Cette régulation du marché existe dans tout le Canada, et chaque province a son propre prix de revient. De cette façon, on peut alimenter le marché intérieur, mais à un prix qui permet aux producteurs de s'y retrouver. Si le public, le consommateur ou le fabricant veulent voir ce qui en est, cela se trouverait à cet endroit-là. Tous les intrants sont pris en compte pour établir le prix de revient, et c'est précisément à ce niveau-là que nous déterminons notre prix. Si nous ne nous y retrouvons plus, c'est la CCL qui nous chapeaute. C'est elle qui dit: oui, vous pouvez, ou non, vous ne pouvez pas. Mais bien entendu, cela coûte quelque chose aux producteurs.

Il arrive par exemple que le consommateur dise que nous réduisons la production laitière pour hausser les prix, mais ce n'est pas de cette façon que le prix de revient est établi. Le prix de revient équivaut au coût de production. Si le coût de production augmente et si, un an ou deux plus tard, il y a un genre de ralentissement, à ce moment-là le prix augmente un peu, ou alors, inversement, il diminue, tout cela en fonction du coût de production. De cette façon, on ne peut pas nous accuser de stocker à des fins spéculatives. Le prix de revient, c'est le coût de production, et c'est le coût de production qui détermine le prix de vente.

Un témoin: Les Aliments McCain ont parfaitement le droit de réclamer un prix concurrentiel pour le lait, et je pense que c'est notre devoir de le leur donner.

Par contre, notre problème est attribuable à ces subventions à l'exportation et aux subventions internes dont bénéficient les producteurs laitiers des pays de l'Union européenne et des États-Unis par exemple. Si nous sommes effectivement subventionnés à 16 p. 100, nous devons bien admettre que 16 p. 100 représente un gros morceau du chiffre d'affaires des producteurs agricoles canadiens. Si nous passons aux États-Unis, nous constatons que ces subventions représentent 32 p. 100, ce qui est une énorme différence. Il y a donc une différence de 16 p. 100 qui influe directement sur le prix de revient relatif au Canada et aux États-Unis. Si nous essayons d'éliminer ces subventions, nous devons à ce moment-là faire un retour en arrière et nous demander comment nous pouvons fournir un produit de qualité à un prix concurrentiel alors que nous savons que d'autres pays ont toujours des mesures de soutien qui leur permettent de produire à meilleur marché même si le coût de production y est supérieur ou équivalent au nôtre.

Nous trouvons très difficile à accepter que nous soyons concurrentiels sans pouvoir vendre nos produits au prix coûtant parce que quelqu'un d'autre offre une subvention pour s'en débarrasser. C'est sans doute l'un de nos plus gros problèmes. Notre industrie est concurrentielle et continuera de l'être si les règles du jeu sont équitables. Si elles deviennent inéquitables et si nous sommes désavantagés, la lutte sera difficile. Il est très difficile d'avoir une industrie à valeur ajoutée, que ce soit McCain ou une de nos industries laitières ou usines de transformation des aliments, et d'avoir un produit concurrentiel, parce que nous ne bénéficions pas des mêmes subventions gouvernementales que dans les autres pays. C'est là un sérieux problème auquel il faut s'attaquer. Il ne s'agit pas seulement des subventions directes à l'exportation. Il faut également se pencher sur les subventions internes, les boîtes vertes et les boîtes bleues.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Neill.

• 1400

M. Albert Neill: Au cours des dernières négociations, le Canada a joué les boy-scouts et a accordé un accès beaucoup plus important que les autres pays.

[Note de la rédaction: Inaudible]... un accès plus important que les autres pays, parce qu'ils n'ont pas cédé autant que le Canada l'a fait la dernière fois. J'espère que nos négociateurs attendront de voir le résultat. Si nous n'obtenons qu'un pour cent de leur marché, ils ne devraient obtenir qu'un pour cent du nôtre, et non pas 4 p. 100 ou 5 p. 100, comme la dernière fois.

M. Bob Speller: [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Albert Neill: Oui, mais c'est parfois trop important.

• 1405

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): J'ai remarqué dans vos observations concernant la ZLEA qu'à votre avis les négociations sur le secteur laitier devraient se dérouler dans le cadre de l'OMC plutôt que de la ZLEA. Le Canada est membre du Groupe de Cairns, de même que plusieurs pays d'Amérique latine. Ne pensez-vous pas que nous pourrions nous servir de la ZLEA pour les discussions techniques afin que les questions qui vous préoccupent soient réexaminées plus tard dans le cadre de l'OMC? Voilà ce que j'avais à dire au sujet de la ZLEA.

Vous parlez ensuite de mesures sanitaires et phytosanitaires qui n'ont pas de base scientifique. Si vous pouvez me citer un exemple, cela m'intéresserait.

Troisièmement, dans la même page, vous dites que la Fédération canadienne des producteurs de lait veut que le gouvernement définisse ce qui constitue une subvention «en veillant à ce que les fusions de prix et les différences de prix entre les marchés, y compris les marchés d'exportation, soient considérées comme des pratiques commerciales normales plutôt que comme des subventions à l'exportation». C'est directement relié à cette décision de l'OMC, n'est-ce pas?

Pourriez-vous essayer de répondre à ces questions?

M. Robert Speer: Peut-être en ce qui concerne les mesures sanitaires et phytosanitaires... un exemple qui me vient à l'esprit n'est pas en rapport avec les produits laitiers, mais l'Australie autorise l'importation de poulets, en stipulant toutefois que ces derniers doivent être cuits à une température de 70 degrés Celsius, je crois, pendant deux heures et demie, avant de pouvoir entrer au pays. En fait, c'est de la semelle de botte dont elle autorise l'entrée, et cela ne constitue pas un véritable accès à son marché, étant donné que personne ne voudra du produit qui restera après ce genre de cuisson. Voilà un exemple.

Pour ce qui est de...

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je m'intéresse à la ZLEA.

M. Robert Speer: En fait, nous demandons que les engagements pris dans le cadre de ces accords n'aillent pas plus loin que ceux que nous prenons dans le cadre de l'OMC et qu'ils soient compatibles.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je comprends, mais ne pensez-vous pas qu'il est presque avantageux pour le Canada d'être membre du Groupe de Cairns, comme ces pays de l'Amérique latine, ce qui nous permet de mettre au point les choses que vous demandez ici?

M. Robert Speer: Et d'avoir des alliés quand viendra le moment de négocier.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Absolument.

M. Robert Speer: Cette stratégie me paraîtrait très certainement souhaitable si j'étais chargé des négociations.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Turp.

M. Daniel Turp: Pourriez-vous me préciser une chose qui figure dans votre mémoire? Au haut de la page 4, vous dites:

    Il faudrait que l'instauration de règles commerciales justes et efficaces se fasse principalement sous la gouverne de l'OMC. En outre, les règles commerciales régissant le secteur laitier stipulées dans les autres accords auxquels le Canada pourrait adhérer ne devront pas aller au-delà des engagements et des contraintes acceptés devant l'OMC.

Quels sont les «autres» engagements dont vous parlez, et pourquoi faites-vous cette suggestion?

M. John Schenkels: Cela nous ramène à la question précédente. Lorsque nous examinons l'Accord de libre-échange nord-américain ou le Groupe de Cairns... en fait, pour simplifier les choses, l'industrie laitière se répartit entre l'Union européenne, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et nous-mêmes. Si vous prenez la zone de libre-échange des Amériques et le Groupe de Cairns, vous avez un groupe qui est avec les États-Unis, et nous avons tendance à conclure avec un pays des accords qui ne sont pas les mêmes qu'avec les autres grands blocs commerciaux. Comme il s'agit d'un marché mondial et qu'il détermine les prix, nous voudrions qu'au lieu d'une multitude d'accords, nous n'en ayons qu'un... une politique à laquelle tous les pays adhéreront au lieu de signer ici et là des accords qui se répercuteront sur nos échanges en dehors de ce bloc.

• 1410

M. Daniel Turp: Vous parlez donc de l'ALENA et de l'accord qui sera éventuellement conclu dans le cadre de la ZLEA. Vous dites que vous préféreriez que les règles soient établies sous la gouverne de l'OMC plutôt que dans l'accord régional.

M. John Schenkels: Nous voulons des règles claires et précises auxquelles tous les pays adhéreront. En ce qui concerne l'ALENA, dans l'industrie laitière, le pays sur lequel cela a eu des répercussions, c'est les États-Unis. Plus au sud, les pays sont de moins en moins touchés, étant donné qu'ils ne produisent généralement que pour leur marché national. Mais si nous signons un accord de libre-échange nord-américain, cela se répercutera sur le commerce avec la Nouvelle-Zélande et l'Union européenne, ce qui ne nous paraît pas souhaitable. Nous voulons que tout le monde se conforme aux mêmes règles.

M. Robert Speer: Je précise que deux de nos marchés d'exportation traditionnels, où nous nous sommes débarrassés de produits excédentaires, sont le Royaume-Uni, où nous avons exporté du fromage cheddar, et la Libye, qui nous a commandé des produits laitiers. Ces pays ne sont pas signataires des autres accords. Les pays où nous avons exporté jusqu'ici du lait, y compris Cuba, doivent également entrer en ligne de compte.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup. Malheureusement, nous manquons de temps. Je sais que certains de mes collègues doivent prendre un avion et un autobus. Je tiens à répéter ce que mes collègues ont dit. Merci beaucoup pour votre mémoire et vos recommandations très détaillés. J'aurais aimé que nous disposions de plus de temps. Je suis certaine que nous pourrions poursuivre plus longtemps la discussion.

Comme je l'ai dit à tous nos témoins, ce n'est que le début de nos délibérations. Nous espérons pouvoir continuer à vous consulter régulièrement. Si certains problèmes se posent à votre organisme, et pas seulement à votre organisation nationale, ou si vos membres voudraient nous faire part de certaines de leurs expériences, nous l'apprécierions. Nous sommes également ici pour écouter et pour apprendre, et vous nous avez donné l'occasion de nous informer et de nous instruire. Restez en contact avec nous. Ce n'est pas la fin de ces discussions; ce n'en est que le début. Nous comptons continuer à collaborer avec vous. Merci encore d'être venus.

Avant de mettre fin à la réunion, je voudrais également adresser des remerciements particuliers à nos interprètes, à nos techniciens, au greffier et à l'attaché de recherche, qui nous ont accompagnés dans notre voyage. Merci beaucoup à vous tous.

La séance est levée.