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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 11 mars 1999

• 0914

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Nous allons débuter. Réunir ici les représentants de l'agriculture équivaut à tenter de faire rentrer les animaux dans la grange. Impossible de les faire bouger.

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Ce matin, nous accueillons la base.

• 0915

Le président: Prenez place, s'il vous plaît. Je tiens à vous remercier tous d'être venus.

Je m'adresse maintenant aux témoins. Le comité tient une série d'audiences sur la prochaine ronde de l'OMC, dans l'hypothèse où une ronde débutera à Seattle en novembre. Ces audiences permettront au comité de donner des conseils au ministre quant à la position que nous devrions adopter dans le cadre de ces négociations. Pour ce faire, nous devons présenter notre rapport en juin de cette année.

J'aperçois le sénateur Whelan, ce qui indique qu'il s'agit d'une rencontre agricole importante. C'est la preuve que nous sommes bel et bien dans le domaine de l'agriculture.

Je crois comprendre que nous allons commencer par la Fédération canadienne de l'agriculture.

Monsieur Friesen, auriez-vous l'amabilité de donner le coup d'envoi? Nous tentons de limiter les interventions des témoins à environ dix minutes, ce qui donne aux membres du comité beaucoup de temps pour poser des questions.

M. Robert Friesen (président, Fédération canadienne de l'agriculture): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. C'est avec plaisir que je participe à la présente table ronde. Je suis particulièrement heureux de constater que vous êtes parvenu à attirer une audience aussi nombreuse. Voilà qui dénote un intérêt sincère pour l'agriculture et ce que nous avons à vous dire aujourd'hui.

Pour brosser un bref tableau de l'agriculture au Canada, je ne puis bien sûr passer sous silence le fait que l'agriculture et l'agroalimentaire au Canada génèrent des recettes de plus de 85 milliards de dollars par année. L'agriculture et l'agroalimentaire comptent pour environ 9 p. 100 du PIB du Canada, en plus de fournir du travail à un travailleur sur quatre. L'apport du secteur à l'économie canadienne est donc considérable.

Je suis également très fier de préciser que la FCA représente bien plus de 200 000 agriculteurs et que nous comptons parmi nos membres dix organisations agricoles générales provinciales ainsi que les groupements nationaux de producteurs spécialisés. Nous sommes tout particulièrement heureux d'avoir accueilli l'année dernière deux nouveaux membres: AgriCorp—né, naturellement, de la fusion du Syndicat du blé du Manitoba et de l'Alberta Wheat Pool—ainsi que le Conseil canadien du porc.

À la table du Comité des affaires commerciales de la FCA, nous procédons par consensus. Nous travaillons d'arrache-pied, si bien que, lorsque nous dégageons un consensus, nous sommes assurés et confiants qu'il représente le point de vue d'un très important échantillon du monde canadien de l'agriculture, un très important échantillon de l'ensemble des biens produits au Canada, ainsi qu'un bon échantillon régional et géographique.

Voilà ce qu'on trouve à la base de l'énoncé de politique commerciale de la FCA que je vais vous présenter brièvement aujourd'hui. Bien sûr, je n'entrerai pas dans les détails. On vous a remis des trousses d'information, et vous trouverez dans la nôtre plus de renseignements concernant notre position dans le domaine. Je me bornerai à faire ressortir quelques questions particulièrement importantes.

Même si un consensus a été dégagé à la FCA, je dois préciser que le présent énoncé de politique commerciale continuera bien entendu d'être amélioré, au fur et à mesure que nous perfectionnerons notre compréhension de la dynamique de la négociation commerciale à venir et de la position des autres pays. Je suis très heureux de souligner que, pas plus tard qu'il y a deux semaines, soit à l'occasion de l'assemblée annuelle de la FCA, nous avons une fois de plus réalisé des progrès considérables à cet égard.

Dans mon exposé, je vais aborder quatre questions principales: les subventions des exportations, l'accès aux marchés, le soutien national et les effets des barrières non tarifaires. Une fois de plus, je tiens à souligner que, tandis que nous nous affairons à la mise au point d'une position de négociation en prévision de la prochaine ronde, il importe de comprendre que la position en question devra être bonifiée graduellement, au fur et à mesure des progrès accomplis. Inutile de prendre les devants et de laisser filtrer volontairement toutes sortes d'information concernant la position du Canada. Il est très important de fixer des buts et des objectifs pour l'agriculture canadienne. En prévision des négociations, il importe de nous doter des outils dont nous aurons besoin pour réaliser les objectifs en question.

À l'approche des négociations, la FCA poursuit deux objectifs principaux. Le premier tient à l'amélioration de l'accès aux marchés; l'autre, à la nécessité de veiller au maintien de la stabilité et de la viabilité de nos intérêts stratégiques nationaux. Nous ne devons pas oublier non plus qu'on retrouve au Canada des biens dépendant des importations. C'est dans le contexte de ces deux objectifs que s'inscrit mon exposé d'aujourd'hui.

• 0920

À nos yeux, ces deux objectifs ne s'excluent pas mutuellement. En fait, il suffit d'observer la situation d'autres pays pour constater que chacun poursuit les mêmes objectifs. Au fur et à mesure que les négociations évoluent, ce constat s'impose à nous chaque jour davantage, et nous réfutons l'argument selon lequel ces objectifs s'excluent mutuellement. Nous n'acceptons pas l'argument selon lequel ils ne constituent pas une position de négociation crédible. Nous nous croyons donc plutôt fondés à demander qu'on cherche à améliorer l'accès aux marchés tout en prenant des mesures pour assurer la préservation de nos intérêts nationaux, comme le font tous les autres pays à l'OMC.

Permettez-moi d'abord de dire un mot au sujet des subventions des exportations. Naturellement, la FCA est favorable à l'élimination complète et totale de ces subventions. Du même souffle, nous devons cependant veiller à ce que les subventions des exportations ne soient pas déguisées en crédits aux exportations et en aide alimentaire. Nous devons donc nous concentrer sur ces questions. Par ailleurs, nous devons nous opposer à toute modification de la définition des «subventions des exportations» susceptibles de nuire à l'efficacité des offices de mise en marché agricoles du Canada.

Il est intéressant de noter que, au terme de la dernière ronde de négociation, on s'est engagé à réduire de 36 p. 100 la valeur et de 21 p. 100 le volume des subventions des exportations. Dans sa sagesse, le Canada s'est toutefois doté d'une politique intérieure visant à ramener à 0 p. 100 ses subventions des exportations. Tandis que le Canada a réduit à 0 p. 100 ses subventions des exportations, d'autres pays commencent en fait à y recourir de nouveau. À la fin de la dernière ronde de négociation, bien entendu, la situation paraissait avantageuse dans la mesure où le prix des produits était élevé.

Aujourd'hui qu'ils sont bas, des organismes comme l'UE invoquent la disposition de reconduction. Si, au cours des quelques années qui ont suivi la dernière ronde, ils ont réduit ou évité d'utiliser les subventions des exportations, ces dernières sont de retour en force. Bien entendu, cette situation a des répercussions nuisibles pour notre agriculture, aussi bien que pour le fait que, selon notre politique intérieure, nous ne subventionnons pas du tout les exportations.

Je veux maintenant dire un mot de la question de l'accès aux marchés. L'accès aux marchés est devenu un problème très particulier dans la mesure où les autres pays s'attaquent de front au problème des négociations commerciales. Ils semblent disposés à négocier des engagements. Ils semblent disposés à mener à bien des négociations commerciales. Une fois les négociations terminées, ils trouvent des moyens uniques de contrevenir aux engagements qu'ils viennent de contracter ou encore d'entraver l'accès aux marchés.

Depuis la fin des dernières négociations, le Canada, en ce qui concerne l'accès aux marchés, joue franc-jeu. À la suite de la dernière ronde, on dénombrait environ 13 070 contingents tarifaires, et le Canada n'était responsable que de 21 d'entre eux. En moyenne, le Canada remplit 85 p. 100 de ses contingents, tandis que notre contrepartie américaine n'a rempli qu'environ 54 p. 100 des siens. Lorsqu'on songe à l'accès aux marchés minimal de 5 p. 100 convenu dans le cadre de la dernière ronde, on constate que le Canada a joué franc-jeu en permettant à d'autres pays de bénéficier d'un tel accès. Relativement à certains de nos produits, l'accès à nos marchés est en fait nettement supérieur au minimum de 5 p. 100.

Relativement aux autres pays, nous constatons trois problèmes précis, et probablement bien plus que je pourrais en énumérer. L'un d'entre eux a trait à l'administration des contingents tarifaires, et je vais vous donner un exemple. Au terme de la dernière ronde, les Philippines ont alloué leurs quotas d'importation aux producteurs porcins du pays. Bien entendu, les producteurs porcins n'étaient nullement intéressés à encourager les importations, de sorte que ce pays, en agissant de la sorte, a réduit ses engagements concernant l'accès minimal.

Le président: Pardonnez-moi. Je ne suis pas certain que nous avons tous compris ce que vous voulez dire. Moi-même, je n'ai pas très bien compris. Êtes-vous en train de nous dire que, aux Philippines, le gouvernement, plutôt que d'administrer lui-même le système de contingents tarifaires, a cédé cette responsabilité à l'organisme même qui a intérêt à freiner les importations? Est-ce bien là ce que vous nous dites?

M. Robert Friesen: Oui.

Le président: D'accord. Le phénomène s'observe également dans d'autres pays?

M. Robert Friesen: Oui.

Le président: Il s'agit donc d'une forme de barrière non tarifaire... une forme opaque, quoi que cachée, de barrière tarifaire?

M. Robert Friesen: Exactement.

Le président: D'accord. Merci. Je pense que tout le monde peut comprendre.

• 0925

M. Robert Friesen: Le deuxième exemple que j'aimerais donner tient à l'insistance de certaines régions pour maintenir des tarifs qui respectent les contingents qui soient très élevés. Naturellement, la FCA, à l'occasion de son assemblée annuelle, a intégré dans son énoncé de politique commerciale une déclaration selon laquelle les tarifs qui respectent les contingents devraient être ramenés à zéro. Dans d'autres pays, on est parvenu à maintenir des tarifs qui respectent les contingents très élevés, à telle enseigne qu'ils limitent la portée de l'accès minimum.

Mon troisième exemple concerne la réunion des lignes tarifaires. Une fois de plus, je me référerai à l'exemple du porc. Dans le cadre des dernières négociations, vous vous rappellerez que le Canada espérait obtenir un accès nettement amélioré à l'UE pour ses porcs. Suivant son interprétation de l'accord signé, l'UE s'est crue autorisée à inclure différents types de viande dans un seul et même calcul de l'accès. À titre d'exemple grossier, et peut-être un peu exagéré, l'UE a ainsi augmenté l'accès prévu pour la viande, disons, pour quelque chose comme... j'ai entendu quelqu'un utiliser l'exemple de la viande de pigeon. Je ne sais pas s'ils importaient vraiment de la viande de pigeon, mais ils avaient la possibilité d'inclure divers produits dans un seul et même calcul et donc d'accroître l'accès prévu pour la viande de pigeon tout en ne permettant qu'un accès très limité à la viande de porc, de sorte que nous avons pu exporter environ 75 000 tonnes de porc vers l'UE, tandis que nous escomptions en exporter, si je ne m'abuse, quelque chose comme dix fois plus.

Le président: Il suffit alors de découper le porc pour qu'il ressemble un peu à un pigeon, en y ajoutant quelques plumes ou quelque chose du genre...

M. Robert Friesen: Je vais vous laisser le soin de proposer cela aux représentants de l'industrie du porc, qui interviendront plus tard.

Le président: D'accord.

M. Robert Friesen: Voilà donc trois exemples de l'interprétation que d'autres pays ont données au dernier accord commercial et aux limites qu'ils ont imposées à l'accès minimum, tandis que le Canada s'est véritablement employé à jouer franc-jeu.

À propos de l'accès aux marchés, je voulais également dire que nous devrions continuer à tenter d'obtenir le meilleur accès possible pour nos exportations agricoles, sans pour autant, comme je l'ai indiqué plus tôt, sacrifier nos intérêts nationaux.

Pour garantir aux produits agricoles un meilleur accès, nous pourrions également tenter d'assurer un accès paritaire aux produits concurrents de même qu'aux formes primaires et transformées d'un seul et même produit. À titre d'exemple, le canola devrait bénéficier d'un accès égal à celui de la fève de soja, et les produits dérivés du canola devraient bénéficier d'un accès égal à celui du canola lui-même.

Dans notre énoncé de politique commerciale, nous avons indiqué qu'il convient de donner aux secteurs canadiens intéressés par des négociations double zéro la possibilité d'aller de l'avant tout en veillant à ce que nos tarifs en excès du contingent soient maintenus à un niveau qui permette aux contingents tarifaires canadiens de garder une certaine crédibilité.

Dernier point concernant l'accès aux marchés, nous devons chercher à obtenir l'élimination des mesures sanitaires et phytosanitaires ainsi que d'autres mesures non tarifaires injustifiées utilisées par d'autres pays. Bien entendu, ces mesures sont nombreuses, et je n'en retiendrai que quelques-unes: nous devons incontestablement obtenir des accords sans ambiguïté concernant les normes qui s'appliquent aux vétérinaires et aux inspections; certains groupes environnementalistes adoptent des normes commerciales irréalistes, ainsi que le démontrent les négociations relatives au protocole sur la biosécurité en cours; les changements soudains de normes...

Je suppose que je fais ici office d'ami de l'industrie porcine. Je m'empresse d'ajouter que, sur ma propre ferme, j'ai atteint l'équilibre canadien parfait dans la mesure où j'élève des dindes et des cochons, ce qui me confère peut-être une certaine légitimité quand j'évoque la production de porc et celle de volaille. Certes, certains chargements d'os à viande de porc destinés à Taïwan se sont heurtés à un problème avec le gouvernement de ce pays. En effet, ce dernier a, dans sa sagesse, pris la décision soudaine de modifier les critères applicables au pourcentage de viande qui devait être présent sur ces os. Bien entendu, on a par la suite eu du mal à trouver un marché pour ce produit.

Nous avons de plus été confrontés à certains problèmes relatifs aux produits génétiquement modifiés. L'UE, bien entendu, a décrété un embargo sur de tels produits. À l'avenir, la biotechnologie, inutile de vous le dire, constituera un enjeu très important.

En ce qui concerne l'accroissement de l'accès aux marchés, nous devrions de plus revendiquer l'élimination d'allocations réservées à des pays particuliers. Comme vous le savez, il s'agit de la disposition qui autorise des pays à n'ouvrir leurs marchés qu'à des pays précis. Ce faisant, ils empêchent d'autres pays de bénéficier d'une part de ces marchés ou même d'y livrer concurrence.

• 0930

J'aimerais également dire un mot de la question du soutien national. Comme vous le savez, l'agriculture canadienne a vu le soutien national diminuer de 60 p. 100 au cours des quatre ou cinq dernières années, tandis que, dans le cadre de la dernière ronde du GATT, nous ne nous étions engagés qu'à le réduire de 20 p. 100. Une fois de plus, nos agriculteurs ont dû composer avec une diminution nettement supérieure à celle que nous devions effectuer en raison des engagements contractés dans le cadre de la dernière ronde.

À l'examen des mesures de soutien national, il apparaît parfois légèrement redondant de négocier des accords commerciaux fondés sur l'avantage concurrentiel et l'avantage comparatif lorsque, en réalité, nos producteurs sont aux prises avec le trésor du gouvernement d'autres pays. Je pourrais vous citer quelques exemples en me fondant sur les engagements contractés et les réductions effectuées dans d'autres pays.

En ce qui concerne le soutien «orange», le Canada est à 15 p. 100 des engagements contractés. Quant aux États-Unis, ils en sont à 27 p. 100. L'UE, en réalité, en est à 60 p. 100. S'ils respectent les limites imposées, ces pays n'en sont pas moins à un niveau beaucoup plus élevé que le nôtre. Lorsqu'on compare le soutien national à titre de pourcentage de la valeur de la production, on constate que l'agriculture canadienne ne reçoit que 16 p. 100. Aux États-Unis, si on tient compte de l'aide alimentaire intérieure, les agriculteurs reçoivent 32 p. 100; au sein de l'UE, le chiffre peut s'élever jusqu'à 42,5 p. 100. Au Japon, le soutien intérieur en pourcentage de la valeur de la production demeure à 61 p. 100.

Si, une fois de plus, nous entendons participer à des négociations commerciales, nous devons d'une façon ou d'une autre harmoniser notre politique commerciale et notre politique intérieure de façon à établir une certaine forme d'équité entre les producteurs canadiens et ceux d'autres pays. S'ils doivent livrer concurrence au trésor très considérable d'autres pays, nos producteurs sont bien entendu victimes d'un désavantage concurrentiel considérable. Nous devons donc à titre prioritaire obtenir un engagement national ou encore l'imposition d'une forme ou d'une autre de plafond sur le soutien national en pourcentage de la valeur de la production accordée par d'autres pays à leurs producteurs.

J'insiste également sur le fait que nous devons continuer d'améliorer l'accès aux marchés, tout en préservant notre droit de maintenir des structures de marketing ordonné dans la mesure où nous en avons besoin au Canada. Nous disposerons ainsi d'industries stables et viables dans des secteurs qui en ont besoin. Nous devons également préserver le droit de maintenir la Commission canadienne du blé dans son état actuel parce que, naturellement, tel est le souhait des producteurs.

Nous savons parfaitement bien que les États-Unis continueront d'exercer des pressions incroyables, notamment sur la Commission canadienne du blé et sur les structures de marketing ordonné. Dans ce domaine, nous devons chercher à conclure des alliances afin d'assurer la préservation de ce droit.

En conclusion, monsieur le président, j'aimerais revenir sur le fait que le Canada, plutôt que de se commettre de façon précoce dans le cadre de ces négociations commerciales, doit très tôt dans le processus fixer des buts et des objectifs pour son agriculture. Nous devons articuler notre politique commerciale autour de ces buts et de ces objectifs. Nous devons établir notre politique commerciale de telle façon qu'elle nous dote des outils dont nous avons besoin pour réaliser les buts et les objectifs qui s'appliquent à tous les produits que nous avons au Canada.

Une fois de plus, j'insiste sur le fait que la FCA, en plus d'avoir des intérêts considérables dans le domaine des exportations, produit plus de denrées sensibles aux importations. Je tiens à souligner une fois de plus que, au Comité des affaires commerciales de la FCA, les secteurs et les industries ont dégagé de nombreux consensus pouvant déboucher sur l'établissement d'une position crédible dans le dossier du commerce.

À mon avis, nous assistons aujourd'hui à la naissance d'une position commerciale qui permettra au gouvernement fédéral de se présenter la tête très haute aux prochaines négociations. Il me semble que nous représentons un échantillon suffisamment important des produits agricoles et des régions géographiques, je le répète, pour que notre position dans ce dossier soit acceptée. Il est très, très difficile de s'y opposer.

L'agriculture est donc un secteur très, très important pour le Canada. Nous apportons une contribution considérable à l'économie du Canada. Veillons à ce que nos objectifs soient établis de telle manière que l'industrie agricole puisse continuer à prospérer. Élaborons ensuite ces outils et cette politique commerciale autour des objectifs en question, de telle façon que ces derniers puissent être réalisés. Je vous remercie beaucoup.

• 0935

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Friesen. Un mot avant que vous ne vous retiriez. Vous avez présenté le rapport de production établi en fonction de la valeur totale de la production d'un pays. Pourriez-vous nous répéter ces chiffres? Au Japon, c'était 61 p. 100. Et vous nous avez également donné des chiffres pour l'Europe, les États-Unis et le Canada.

M. Robert Friesen: Au Canada, le soutien national à titre de pourcentage de la valeur de la production est de 16 p. 100; aux États-Unis, ce chiffre est de 32 p. 100, si on tient compte de l'aide alimentaire intérieure; en Europe, il est environ de 42,5 p. 100; au Japon, il est de 61 p. 100.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Nous allons maintenant entendre M. Asnong, de l'Alliance des exportateurs agroalimentaires.

[Français]

M. Edouard Asnong: (président, Conseil canadien du porc, Alliance des exportateurs agro-alimentaires): Merci, monsieur le président.

En guise d'introduction, j'aimerais vous dire que l'Alliance des exportateurs agro-alimentaires apprécie la démarche proactive du gouvernement fédéral, qui a entrepris les présentes consultations en vue du prochain cycle de négociation de l'OMC. Nous sommes des plus satisfaits de l'engagement qu'a pris le gouvernement de fournir des renseignements exacts à toutes les parties concernées et, grâce à des tribunes telles les audiences exploratoires d'aujourd'hui, de leur offrir la possibilité de contribuer à la définition du rôle du Canada. Une telle démarche a permis de susciter le débat et la discussion dès les premières étapes du processus et permettra d'assurer l'élaboration fructueuse d'une position canadienne réaliste.

L'Alliance canadienne des exportateurs agro-alimentaires est composée de 18 membres représentant pratiquement tous les secteurs de production et de transformation axés sur l'exportation. Nous nous sommes réunis afin de démontrer au Canada et au monde entier que la survie d'une partie importante de l'industrie agro-alimentaire canadienne dépend essentiellement du marché international. Ensemble, nos membres ont un chiffre d'affaires qui dépasse les 30 milliards de dollars, dont plus de 20 milliards de dollars sont constitués d'exportations, soit plus de 7 p. 100 du total des exportations canadiennes. De 40 à 80 p. 100 de la production des membres de l'alliance est exportée. En outre, ses membres représentent des centaines de milliers d'emplois au Canada.

Notre alliance repose sur les objectifs communs que constituent le développement, les débouchés d'exportation et l'élimination des pratiques commerciales déloyales. Lors du prochain cycle de négociation, le Canada doit réaliser des progrès importants relativement à l'accès au marché et à l'élimination des subventions à l'exportation, afin de permettre un accroissement réel des exportations agro-alimentaires dans un large éventail de secteurs.

Le Canada doit jouer un rôle de chef de file et continuer d'exiger des réformes lors des futures négociations multilatérales. Pour être efficace, le Canada doit toutefois être perçu comme un interlocuteur crédible et arriver aux discussions avec une stratégie de négociation qui soit cohérente et réaliste.

Je passerai maintenant à nos commentaires généraux sur la stratégie de négociation du Canada. Les négociations devraient porter sur un nombre de domaines assez élevé pour inciter réellement les membres de l'OMC à négocier une libéralisation du marché qui soit importante et constructive. Avec le cadre de disciplines agricoles actuellement établi, la prochaine série de négociations doit renforcer les méthodes de négociation selon des principes ou des formules et, dans toute la mesure du possible, éviter les compromis.

La prochaine série de négociations doit permettre d'obtenir une meilleure prévisibilité en ce qui concerne la libéralisation des échanges commerciaux agricoles. Pour y parvenir, il faudrait prévoir des exigences précises pour l'élimination progressive des obstacles et la suppression de l'approche globale des produits, c'est-à-dire l'établissement de lignes tarifaires, ainsi que d'autres mesures qui permettraient de rendre le processus de libéralisation plus transparent et plus objectif. Finalement, les futures négociations devraient permettre d'obtenir des résultats significatifs dès le tout début du processus.

[Traduction]

M. Martin Rice (directeur général, Conseil canadien du porc; Alliance canadienne des exportateurs agroalimentaires): Bien que les exportateurs agroalimentaires aient affiché une forte croissance tout au long des années 90, l'activité liée à l'amélioration des marchés ainsi que les gains potentiels ont été limités par quelques facteurs, y compris des tarifs en excès du contingent prohibitif, la réunion des niveaux d'engagement, l'administration inefficace des mesures frontalières et la transparence limitée de l'administration des contingents tarifaires. Les négociations futures doivent se solder par des réductions tarifaires marquées qui favoriseront la pénétration des produits et l'ouverture effective des marchés mondiaux.

L'alliance est d'avis qu'il faudra obtenir une augmentation considérable des engagements liés à l'accès des produits, pris un par un, obtenir les réductions les plus importantes possible des tarifs en excès du contingent, restreindre le recours à la progressivité tarifaire et réduire au minimum les tarifs qui respectent les contingents, dans les cas où des pays assurent la protection de leur marché intérieur au moyen de contingents tarifaires.

• 0940

Au-delà des tarifs et des engagements relatifs à l'accès minimum, on note la présence d'un certain nombre d'autres problèmes liés à l'accès aux marchés qui continuent d'entraver nos initiatives dans le domaine de l'exportation. Pour s'attaquer à ces problèmes, le Canada doit procéder comme suit: négocier des procédures d'administration transparentes et prévisibles, élaborer un système de réallocation des quotas non remplis et veiller à ce que certains pays n'exploitent pas la sécurité des consommateurs ni les préoccupations environnementales en imposant des barrières sanitaires et phytosanitaires injustifiées pour limiter les importations.

Dans le dossier des subventions aux exportations, on devra réaliser des progrès. Non seulement les exportations canadiennes demeurent-ils vulnérables au sein des marchés mondiaux, mais en plus les subventions continuent d'avoir un effet à la baisse sur les niveaux de prix, ce qui a directement pour effet de réduire le rendement des producteurs canadiens et de conférer un avantage injuste aux importations. Dans le cadre des futures négociations, on doit impérativement obtenir l'élimination et l'interdiction totales de toutes les subventions aux exportations, en plus d'établir des mesures disciplinaires efficaces relativement à l'utilisation des crédits aux exportations agricoles. On doit permettre à l'industrie agroalimentaire du Canada de se saisir des occasions qui s'offrent à elle de réagir aux forces du marché sans avoir à subir le fardeau concurrentiel de produits massivement subventionnés.

Le Canada devrait également tenter de négocier des limites applicables à l'utilisation des restrictions à l'exportation, lesquelles ne visent souvent que l'exportation de matières premières, ce qui confère un avantage relatif au coût aux transformateurs étrangers qui s'approvisionnent en matières premières.

En ce qui concerne le soutien intérieur, les négociations futures devraient déboucher sur des réductions marquées des niveaux de soutien agricole intérieur qui ont pour effet d'altérer la production ou d'influer sur le commerce. On devrait voir dans les dépenses relatives à la catégorie bleue une mesure transitoire, puis les supprimer carrément.

Le président: Vous allez devoir nous dire ce que vous entendez par une mesure relative à la boîte bleue.

M. Martin Rice: On a créé la boîte bleue à la fin du cycle d'Uruguay. Si je ne m'abuse, c'est l'Union européenne qui a créé le concept en reconnaissance de certaines réformes de la politique agroalimentaire interne. Pour favoriser l'acceptation d'un ensemble de réformes de la politique agricole commune, on a introduit certaines mesures transitoires qui, foncièrement, devaient permettre de gagner l'appui de l'industrie agricole. La mesure visait à faire une place à ces mesures de réduction du soutien national ou encore à obtenir leur acceptation politique. Pour exempter les subventions en question des engagements généraux relatifs à la réduction des subventions, on a créé la catégorie de la boîte bleue.

La mesure devait être transitoire. Elle devait permettre l'utilisation de ces fonds dans l'intention de gagner des appuis à l'interne. Après un certain temps, ces subventions ne devaient plus pouvoir être exemptées de la mesure globale applicable aux subventions. Pour se conformer à leurs engagements en matière de réduction des subventions, les Européens auraient alors dû soumettre ces subventions ou encore les éliminer. Il s'agissait donc d'une exemption spéciale. Je pense que les États-Unis ont aussi utilisé la même catégorie à l'égard de certains de leurs programmes, une fois de plus pour mieux aligner leur industrie sur les principes du marché libre ainsi que pour éliminer certaines des subventions antérieures.

Le président: Ce que vous dites, c'est qu'il devait s'agir d'une mesure temporaire, et que personne n'a encore envisagé d'y mettre fin. Est-ce bien ce que vous nous dites? Certaines subventions qui auraient dû être éliminées sont toujours visées par la boîte bleue. Est-ce...

M. Martin Rice: Oui.

Le président: D'accord.

M. Martin Rice: Nous arrivons à la fin de la période où la mesure est acceptable, du moins dans le contexte de l'intention initiale, de sorte que toutes les subventions devraient être visées par la mesure globale.

Le président: Je vois.

M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.): Il y a aussi des boîtes vertes et orange.

Le président: M. Speller nous dit qu'il y a aussi des boîtes vertes et orange. Je vis dans une ville où les boîtes bleues sont des récipients dans lesquels on place ses bouteilles et ses boîtes de conserve. Dans la boîte grise, nous mettons le papier. S'il existe d'autres boîtes, vous allez devoir nous en parler.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Vous auriez intérêt à visiter le Canada rural.

Le président: Exactement. Nous y allons. C'est la raison pour laquelle nous y allons.

M. Martin Rice: J'ignore s'il en va de même chez vous, mais, chez nous, il arrive parfois que les boîtes bleues disparaissent. Or, c'est précisément ce que nous demandons, c'est-à-dire que les programmes liés à la boîte bleue disparaissent ou encore qu'ils soient ramenés sous... La catégorie orange a trait aux programmes qui sont acceptés, et qui font partie de ceux qu'un pays s'est engagé à réduire. À la fin du cycle d'Uruguay, les parties étaient tenues de réduire d'un pourcentage préétabli les subventions internes et le soutien national total. Les programmes visés par la catégorie verte sont considérés comme n'exerçant pas de distorsion sur le commerce. Il s'agit notamment de la recherche, de l'éducation et de l'inspection des aliments. On considère qu'ils n'exercent pas de distorsion sur le commerce de sorte qu'ils ne font pas partie des programmes gouvernementaux totaux qui doivent être réduits.

• 0945

Le président: Il s'agit donc des catégories de subvention rouge, verte et orange. C'est une forme de catégorisation qui permet de déterminer les progrès réalisés relativement à la légitimation ou à l'interdiction d'une zone grise.

M. Martin Rice: Oui, vous avez raison.

Le président: Je pense que nous avons compris.

M. Martin Rice: Pour notre part, nous aimerions que les subventions aux exportations deviennent rouges, c'est-à-dire totalement interdites.

Le président: Oui, je comprends. Je vous remercie beaucoup.

M. Martin Rice: Tandis que les formes de soutien découplées exercent des distorsions sur le commerce—en fait, les mesures découplées n'exercent pas de distorsion sur le commerce—dans une industrie capitalistique comme l'agriculture, ces injections de capital auront tôt fait d'exercer une influence sur les décisions futures en matière de production. Dans le cadre des négociations futures, on devra étudier la mesure dans laquelle ces formes de soutien altèrent le marché mondial, et en tenir compte.

Dans cette catégorie de programmes, enfin, le Canada doit également s'attaquer aux problèmes touchant le soutien national dans le contexte de la compétitivité internationale, et tout en s'efforçant de maintenir les droits compensateurs actuels ainsi que l'exemption antidumping applicable aux programmes de la catégorie verte.

Je laisserai à M. Asnong le soin de conclure.

[Français]

M. Edouard Asnong: En plus de ces questions, les négociations multilatérales fournissent l'occasion d'aborder d'autres questions que notre alliance considère très importantes, notamment: la nécessité d'obtenir un renouvellement des engagements à ce que les mesures de protection sanitaire et phytosanitaire reposent sur des données scientifiques, et la garantie que ces restrictions techniques ne deviendront pas des barrières commerciales visant à empêcher les importations ou à remplacer les mesures douanières qui restreignaient auparavant l'accès au marché; et travailler à assurer que les données scientifiques soient la seule raison en vertu de laquelle les pays évaluent si les organismes modifiés génétiquement, les OMG, et leurs produits sont acceptables et que les exigences en matière d'étiquetage ne représentent pas des obstacles non douaniers aux échanges commerciaux.

Récemment, les ministres de l'Agriculture ont convenu de travailler avec le secteur pour doubler les exportations agro-alimentaires du Canada et atteindre l'objectif de 4 p. 100 des ventes agro-alimentaires mondiales d'ici l'an 2005. Pour réaliser à l'avenir son plein potentiel de croissance économique et de création d'emplois, le Canada doit arriver aux prochaines discussions de l'OMC sur l'agriculture avec une position de négociation qui soutienne une industrie agro-alimentaire concurrentielle à l'échelle internationale.

Nous approuvons pleinement le rôle que le Canada joue au sein du Groupe de Cairns et l'occasion qui lui a été donnée de présider les discussions sur le libre-échange en Amérique. Toutefois, s'il veut capitaliser sur cette lancée, le Canada doit être considéré comme un participant crédible lors de ces discussions. Par conséquent, il importe que ses représentants arrivent aux réunions avec une stratégie de négociation qui soit cohérente et réaliste.

Nous apprécions que vous nous ayez invités à donner notre opinion sur les documents de consultation publique et nous espérons participer activement aux consultations ultérieures. Je vous remercie beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Asnong. Je donne maintenant la parole au représentant des Producteurs laitiers du Canada,

[Traduction]

des Producteurs laitiers du Canada, M. Core.

M. John Core (vice-président, Producteurs laitiers du Canada): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Joan Core. Je suis vice- président des Producteurs laitiers du Canada et président des Producteurs laitiers de l'Ontario. En outre, je suis moi-même producteur laitier dans le comté de Lambton.

Nous avons fait distribuer aux membres du comité deux énoncés de politique aussi bien qu'une déclaration que je vais lire ce matin. Le premier est l'oeuvre des Producteurs laitiers du Canada. Il a été adopté au moment de la conférence annuelle sur la politique laitière, tenue en janvier 1999.

Le second a été adopté par ce que nous appelons le GO5, c'est- à-dire le regroupement des cinq organisations nationales représentant les producteurs assujettis à la gestion de l'offre. Ces organisations sont l'Office canadien de commercialisation des oeufs d'incubation de poulets à chair, l'Office canadien de commercialisation des oeufs, l'Office canadien de commercialisation du dindon, les Producteurs de poulets du Canada et les Producteurs laitiers du Canada. Le GO5 représente quelque 30 000 agriculteurs dont la valeur totale de la production est de plus de 6 milliards de dollars par année, à savoir 21 p. 100 des revenus tirés de la production agricole primaire ici au Canada.

L'énoncé de politique commerciale des Producteurs laitiers du Canada est le plus détaillé des deux. Même si les producteurs laitiers y proposent de nouvelles politiques, il importe de souligner qu'on y retrouve néanmoins toutes les positions adoptées par le GO5 en matière de politique commerciale, positions auxquelles souscrivent les PLC. Puisque ma comparution devant votre comité ne doit durer que quelques minutes, je me concentrerai sur quatre éléments principaux de cet énoncé et j'attirerai aussi l'attention du comité sur un autre point. Je dois souligner que mes propos seront très semblables à ceux de M. Friesen, de la FCA.

• 0950

La position des Producteurs laitiers du Canada repose sur quatre principes fondamentaux. Le premier concerne les subventions à l'exportation financées par l'État. Le deuxième concerne le fait que nous insistons sur un système fondé sur des règles, particulièrement en ce qui concerne les questions liées à l'accès aux marchés. Troisièmement, nous croyons qu'il faut maintenir les tarifs qui s'appliquent aux importations se situant à l'extérieur des engagements. Quatrièmement, nous croyons qu'il faut fixer un maximum au soutien interne et le réduire par ailleurs dans tous les pays.

Le premier élément consisterait à éliminer toutes les subventions à l'exportation financées par l'État. Collectivement, les États-Unis et l'Union européenne sont à l'origine de plus de 90 p. 100 de toutes les exportations agricoles subventionnées. L'Union européenne en revendique la plus grande part—je veux insister là-dessus—, mais dans le cas de certains produits, la part des États-Unis est également importante. Dans le cas du beurre, par exemple, 94,4 p. 100 de toutes les exportations subventionnées sont le fait des États-Unis. Cette proportion grimpe à 95,6 p. 100 dans le cas du fromage et à 99,4 p. 100 dans celui de la volaille. Il serait donc bon, avant d'élargir la liste des nouveaux sujets à aborder dans le cadre du prochain cycle de négociations, d'obtenir d'abord des principales parties concernées, celles qui y exerceront le plus d'influence—les États-Unis et l'Europe—pour qu'elles s'engagent vraiment à cesser de subventionner leurs exportations.

Le deuxième principe évoqué dans notre énoncé, c'est que le système devrait être fondé sur des règles. Cela peut vous paraître étonnant, car tout le monde nous dit maintenant qu'il y a un système fondé sur des règles, mais ce n'est pas le cas. Dans les faits, les accords issus du cycle d'Uruguay ne sont pas entièrement fondés sur des règles. Les pays étaient tenus de prendre des engagements dans trois grands domaines: les subventions à l'exportation, l'accès aux marchés et le soutien interne. L'accord sur l'agriculture, cependant, ne réglemente que la réduction des subventions à l'exportation. Les engagements relatifs à l'accès aux marchés—ce qui comprend la réduction des tarifs douaniers, l'établissement d'un accès minimal et le calcul des équivalents tarifaires—et au soutien interne—ce qui comprend la réduction de la mesure globale du soutien, ou MGS—ont donc été fondés sur des modalités et des directives qui ne figuraient pas dans l'accord. Certains pays ont observé ces modalités, d'autres les ont ignorées ou encore les ont interprétées à leur avantage. Par conséquent, l'ampleur des engagements pris par les différents pays n'est pas du tout du même ordre.

À titre d'exemple, jetons un coup d'oeil sur l'accès minimal offert. Nous aimerions tous croire que chaque pays a proposé un accès équivalant à 5 p. 100 de sa consommation intérieure d'ici à l'an 2000. Or, nous savons tous que ce n'est pas le cas. En ce qui concerne le secteur laitier, le Canada a offert un accès global à son marché qui avoisine les 4 p. 100, les États-Unis, environ 2,7 p. 100, et l'Europe 3 p. 100.

Ce n'est ni comparable ni équitable. Les pays n'ont pas joué franc-jeu. Le moment est donc venu d'établir des règles afin que nous sachions, lors de l'examen des offres, que toutes les parties ont observé les mêmes règles et déposé des offres comparables, et que les concessions faites sont réciproques et équitables.

Le troisième principe dont procède notre énoncé de position stipule qu'il faut maintenir à leurs niveaux actuels les tarifs qui s'appliquent aux importations se situant à l'extérieur des engagements d'accès, aussi appelés des équivalents tarifaires. La transposition des mesures non tarifaires en tarifs ne signifie pas qu'il n'est plus justifié de continuer à protéger certains secteurs de production en l'absence de règles du jeu équitables sur les marchés mondiaux. Le secteur laitier est un bon exemple d'une industrie où le gros du commerce mondial fait encore l'objet de subventions à l'exportation. Des 36 pays qui ont participé aux négociations sur le commerce des produits agricoles pendant le cycle d'Uruguay, 34 ont établi des contingents tarifaires applicables aux produits laitiers.

Les tarifs hors quota, qui varient entre 100 p. 100 et 350 p. 100, sont le reflet des niveaux tarifaires que chaque pays estime nécessaires pour se procurer une protection «équivalente» contre des exportations lourdement subventionnées. Les propositions visant à normaliser l'établissement de ces tarifs, en les fixant par exemple à 100 p. 100, évacuent l'idée originale d'«équivalence» et, si elles étaient adoptées, ne ferait qu'élargir le fossé entre les pays, laissant certains d'entre eux moins bien protégés que d'autres contre les importations.

Qui plus est, l'un des principes fondamentaux de l'OMC consiste à instaurer une prévisibilité et une stabilité afin de favoriser les investissements et la création d'emplois. Au Canada, les programmes de gestion de l'offre procèdent du même principe. Ainsi, la réduction de ce que nous appelons les équivalents tarifaires produirait tout simplement un effet contraire à l'effet recherché.

Si l'objectif du premier cycle de négociations de l'OMC est d'élargir l'accès aux marchés, alors il faut mettre de l'ordre dans nos affaires. Assurons-nous que chaque pays a proposé un niveau d'accès équivalant à 5 p. 100 de sa consommation intérieure et que ce niveau d'accès est effectivement réalisable et offert. Assurons- nous aussi que les exportations ne sont plus tributaires des dépenses de l'État. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Les subventions à l'exportation demeurent une réalité.

• 0955

L'accès minimal offert par la plupart des grands pays ne découle certes pas de l'observation de règles du jeu équitables. Si le Canada a pour objectif de favoriser les échanges commerciaux, il doit d'abord privilégier l'élimination de toutes les mesures ayant des effets de distorsion sur le commerce et de toutes les inégalités qui caractérisent encore l'accès minimal offert par les membres de l'OMC, plutôt que de s'employer à abaisser les niveaux des tarifs hors quota.

Notre quatrième principe a trait au soutien interne. Les deux principales parties n'ont pas beaucoup réduit la valeur du soutien qu'elles consentent à leurs producteurs agricoles, même si elles ont toutes deux respecté leurs engagements de réduction en diminuant la valeur de leur mesure globale du soutien, c'est-à-dire les programmes s'inscrivant dans la catégorie «orange». Nous voici revenus aux couleurs.

Par ailleurs, au même moment, en Europe, on constate un élargissement considérable des catégories «verte» et «bleue». Aux États-Unis, la valeur des programmes de la catégorie «verte» a doublé. Au Canada, la situation est fort différente. Il y a eu une réduction considérable du soutien global consenti aux agriculteurs. Bref, peu importe la couleur des programmes, les industries agricoles dépendent tout autant qu'avant du soutien gouvernemental, partout dans le monde, sauf au Canada.

Lorsque nous comparons la situation dans différents pays, nous examinons d'abord celle qui prévaut dans l'Union européenne. Que constate-t-on? En 1995, la valeur du soutien interne y totalisait 42 p. 100 de la valeur totale de la production agricole, chiffre qui correspond à ceux de M. Friesen. Aux États-Unis, ce pourcentage était de 32 p. 100. Au Canada: 16 p. 100.

Si nous voulons instaurer une concurrence juste et équitable, alors les gouvernements devront se rendre à l'évidence qu'il leur faudra soit être concurrentiels les uns par rapport aux autres et offrir le même niveau de soutien à leurs industries respectives, soit plafonner ce soutien, peu importe qu'il s'inscrit dans la catégorie verte, orange ou bleue.

Or, comme nous estimons que le Canada n'a pas les moyens de soutenir directement la concurrence des autres trésors publics, nous recommandons de plafonner, outre les engagements de réduction du soutien interne (MGS), le soutien total exprimé en pourcentage de la valeur totale de production.

Voilà les quatre grands principes qui sous-tendent notre position. J'aimerais maintenant prendre quelques minutes pour aborder un dernier point.

Pour sortir les parties de l'impasse dans laquelle elles se trouvaient au terme de plus de sept années de pourparlers, les négociateurs ont accepté, lors du cycle d'Uruguay, que les pays se livrent à différentes manigances aux fins de la préparation de leurs offres. Puisque personne n'était arrivé à s'entendre sur les règles à appliquer, les pays ont présenté des offres de valeur inégale. Comme vous pouvez le constater à la lumière de la position que nous avons adoptée, notre stratégie consiste à faire en sorte que les pays mettent de l'ordre dans leurs affaires et souscrivent à un seul jeu de règles valables pour tous. Cette stratégie exige une grande transparence. Je sais que le ministre Marchi a toujours pris fait et cause pour la transparence et je suis persuadé que votre comité est prêt à en faire autant.

À l'heure actuelle, le processus de préparation du prochain cycle de négociations et les données de base du cycle d'Uruguay demeurent confidentiels, ce que nous estimons carrément inacceptable. Depuis plus d'un an, le Comité de l'agriculture de l'OMC se prépare en vue du prochain cycle de négociations de l'OMC qui commencera en décembre. Le processus emprunté à cette fin est un processus d'analyse et d'échange d'informations. Un grand nombre de documents, déjà plus d'une quarantaine, ont été déposés par différents pays, dont le Canada, au sujet de concepts et d'idées, de problèmes et de solutions qui pourraient être débattus durant les prochaines négociations.

De toute évidence, cette information aura une grande influence sur l'orientation des négociations. Et pourtant, elle demeure confidentielle. Comment pouvons-nous, en tant que participant de l'industrie, arriver à élaborer une position sans avoir accès à toute cette information? De plus, même si les engagements de chaque pays ont été rendus publics à la fin du cycle d'Uruguay, le mode de calcul de ces engagements demeure confidentiel.

Ces calculs se trouvent à l'Annexe IV des offres déposées par chaque pays et ils n'ont pas été rendus publics. L'Annexe IV contient, entre autres, les données sur la consommation à partir desquelles les pays ont calculé leur accès minimal de 5 p. 100.

Nous savons qu'en levant le voile de la confidentialité, nous lèverons également le voile sur les manigances auxquelles s'est livré chaque pays, y compris le Canada. Cependant, puisqu'il faut mettre de l'ordre dans nos affaires, il est essentiel de rendre ces annexes accessibles et publiques. Nous devons entamer les prochaines négociations non pas en nous fondant sur notre perception des réalisations qui sont issues du dernier cycle, mais plutôt en nous fondant sur la réalité, sur des faits concrets.

Je vous prie donc de faire jouer votre influence en vue de convaincre le Canada de prendre les moyens qui s'imposent pour qu'à l'aube des prochaines négociations, toute l'information essentielle à la transparence du processus soit réellement accessible, que tombe enfin le voile de la confidentialité.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Core.

J'ai une question à poser. Je tiens pour acquis que la majeure partie de ce que vous avez dit s'applique globalement, à tous les produits agricoles, et que la plupart de vos observations concernant le système et le problème que posent les subventions dans d'autres pays et ainsi de suite montrent qu'il s'agit d'une difficulté qui n'est pas propre au seul secteur laitier.

M. Joan Core: Non.

Le président: Cela s'applique à toutes les questions agricoles?

M. Joan Core: J'ai soulevé des questions qui concernent précisément le secteur laitier, mais nous croyons que les questions dont nous traitons s'appliquent à l'agriculture dans son ensemble.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

J'invite M. Proulx, le représentant de l'Union des producteurs agricoles du Québec, à prendre la parole.

• 1000

M. Yvon Proulx (économiste principal, Union des producteurs agricoles du Québec): Merci, monsieur le président. Ma présentation sera très brève parce que j'ai cru comprendre que dans le cadre de votre processus de consultation, vous vous déplacerez en province et que nous aurons alors l'occasion de vous présenter de façon plus détaillée la position de l'Union des producteurs agricoles du Québec sur cette question.

Le président: Comme on dit en anglais, you get two bites of the cherry.

M. Yvon Proulx: D'autre part, elle sera brève parce que notre position, qui n'a pas encore été présentée au gouvernement du Québec, rejoint de très près celle de la Fédération canadienne de l'agriculture. Vous savez que nous sommes membres de cette fédération et que notre président en est le vice-président. Par conséquent, nos positions sont très similaires. Je ne répéterai donc pas chacun des éléments précis de la négociation qu'a soulevés le président de la Fédération canadienne de l'agriculture.

J'aimerais surtout insister sur quelques principes fondamentaux qui me paraissent incontournables à l'approche de ce nouveau cycle de négociation. Le point de départ de ma réflexion sur ces questions ce matin sera de vous rappeler qu'il y a à peine deux semaines, entre 25 000 et 50 000 producteurs agricoles européens ont marché sur Bruxelles pour exprimer leur opposition formelle à une réforme de la politique agricole concoctée ou mijotée dans le processus de négociation commerciale. Ils se sont mobilisés pour s'opposer à une réforme qui aurait pour objet de réduire les prix des produits agricoles de 15 à 30 p. 100 et, par conséquent, de réduire et de rendre aléatoires les revenus des producteurs et productrices agricoles européens. Je crois que leur démarche nous donne une leçon extrêmement claire ici.

L'objectif qu'il faut poursuivre, lorsqu'on aborde une nouvelle négociation commerciale, devrait être la recherche de résultats positifs, non seulement pour la société dans son ensemble, mais aussi pour toutes les personnes touchées par une réforme. Les producteurs et productrices agricoles québécois et canadiens n'accepteraient pas plus que les Européens qu'on entreprenne cette négociation avec l'idée de leur imposer, par idéologie ou pour quelque raison que ce soit, des réformes qui auraient pour objet de réduire ou de déstabiliser leurs revenus. Les prochaines négociations commerciales doivent absolument avoir pour objectif de maintenir et augmenter le niveau, la sécurité et la stabilité des revenus des producteurs et productrices agricoles québécois et canadiens.

Cette position visant à rechercher des résultats positifs devrait prévaloir pour tous les secteurs de production. Par conséquent, il faut entreprendre ces négociations commerciales en se rappelant qu'on ne doit d'aucune façon être amené à faire des concessions qui utiliseraient un secteur de production comme monnaie d'échange pour obtenir des gains dans un autre secteur. La négociation doit rechercher des résultats positifs pour l'ensemble des secteurs de production; c'est un principe absolument incontournable.

Le deuxième principe incontournable sur lequel je voudrais insister, c'est qu'il faut maintenir les systèmes de mise en marché collective qu'on a développés ici, au Canada. Vous savez qu'une des spécificités de l'agriculture québécoise et canadienne, dans l'environnement commercial mondial, est l'importance accordée aux systèmes de mise en marché collective et à la gestion de l'offre, en particulier comme instrument pour, d'une part, permettre aux producteurs d'obtenir une plus grande part de leurs revenus sur le marché sans coûts pour le Trésor et, d'autre part, pour améliorer le niveau et la stabilité des revenus.

Rappelons que le maintien et la protection de cette capacité de gérer collectivement nos affaires a été le premier et principal objet de revendication et la source des combats qu'ont livrés les producteurs et productrices agricoles québécois et canadiens au cours de toutes les négociations commerciales qui ont eu lieu au cours des 10 dernières années, y compris celles qui ont mené à l'ALE et à l'ALENA et la dernière ronde de négociations de l'OMC.

• 1005

Nous tenons absolument à la protection et au maintien de ces systèmes par lesquels nous avons le pouvoir d'intervenir sur nos marchés pour les discipliner. C'est une autre question incontournable. Le point de vue des producteurs et productrices agricoles n'a pas changé depuis cette dizaine d'années au cours desquelles on a mené des négociations. Ils jugent absolument prioritaire que la capacité du Canada de maintenir ces systèmes en existence et de leur permettre de fonctionner efficacement soit maintenue. Le conviction des producteurs et productrices agricoles a été très fortement renforcée au cours de ces dernières années par la crise importante qui s'est produite sur le marché de deux productions importantes au Canada, soit les céréales et le porc, qui ont connu des baisses de prix épouvantables qui se sont traduites par de très graves problèmes au niveau de leurs revenus. Dans les secteurs où il y a gestion de l'offre, on réussit à prévenir et à contrôler ce genre de crise. Ces accidents survenus sur des marchés agricoles importants ont renforcé la nécessité de maintenir des pouvoirs de discipline sur un certain nombre d'autres marchés.

Le prochain principe qui nous semble incontournable, à l'aube des prochaines négociations, est le maintien de la capacité du gouvernement canadien d'intervenir pour soutenir et stabiliser le revenu des producteurs et productrices agricoles. Comme je l'indiquais tout à l'heure, toute négociation commerciale doit avoir pour but de rechercher des résultats positifs en termes de maintien, de protection et de promotion du revenu des producteurs agricoles. Il faut absolument entreprendre la négociation avec l'idée qu'on va maintenir la capacité de notre gouvernement d'intervenir pour sécuriser et stabiliser le revenu des producteurs agricoles.

Il y a une coïncidence intéressante. Il y a à peine deux semaines, à Washington, le secrétaire d'État à l'Agriculture, en déclarant ouverte la conférence sur les perspectives de l'agriculture américaine, avouait assez candidement que le gouvernement américain s'était trompé, en 1996, lorsqu'il avait adopté le Farm Bill, qui a affaibli de façon draconienne la capacité du gouvernement américain de soutenir et de stabiliser les revenus des producteurs et productrices agricoles. Il disait qu'on avait adopté cette loi dans la perspective que les marchés seraient toujours excellents, que la consommation et la demande à l'exportation seraient toujours importantes et qu'il y n'y aurait, par conséquent, plus de problèmes de revenu agricole. Mais la situation qu'on a vécue en 1998 et celle qu'on prévoit vivre en 1999 démentent de façon extrêmement formelle cette perspective trop optimiste. Le secrétaire d'État à l'Agriculture américain a profité de la circonstance pour annoncer que son gouvernement avait été obligé de prendre des mesures en vue du déboursement de 10 milliards de dollars pour pallier l'affaiblissement de la sécurité du revenu des producteurs à la suite de cette loi adoptée en 1996. Cela nous donne une bonne leçon. D'ailleurs, le secrétaire d'État a avoué que ces interventions ad hoc, tout comme la mesure que le gouvernement canadien a été forcé de prendre récemment, ne sont pas la bonne manière de procéder.

Je crois donc qu'il faut entreprendre ce cycle de négociation en cherchant à protéger la capacité du Canada de continuer à intervenir sur son marché pour stabiliser et sécuriser le revenu des producteurs et productrices agricoles canadiens. Si on ne part pas de ce principe, on rencontrera sûrement les producteurs agricoles sur notre chemin.

Je ne parlerai pas davantage des divers éléments de la négociation au niveau de l'accès aux marchés et de l'abandon des subventions à l'exportation. Il est clair que notre position concorde avec celle de la Fédération canadienne de l'agriculture sur la question de l'élimination des subventions à l'exportation et sur le maintien des tarifs au-dessus des contingents tarifaires. Notre position correspond en tous points à celle de la Fédération canadienne et des cinq organisations nationales sur la gestion de l'offre.

Au niveau du soutien interne, comme vous avez pu le constater en écoutant les remarques que j'ai faites précédemment, il est évident que nous allons insister pour que le gouvernement canadien étudie les formes de soutien qu'accordent les autres pays à leur secteur agricole et pour qu'il soit concurrentiel comparativement à ce qui se fait ailleurs. On a souvent demandé et rappelé aux producteurs et productrices agricoles québécois et canadiens d'être concurrentiels par rapport à leurs collègues des autres pays. Nous demandons à notre tour à nos gouvernements québécois et canadien d'être concurrentiels et de nous offrir des avantages semblables à ceux que les autres gouvernements accordent à leur secteur agricole afin de le soutenir.

Je vous remercie, monsieur le président.

• 1010

Le président: Merci beaucoup, monsieur Proulx. Votre intervention a été très intéressante. Je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il ne faut pas oublier de tenir compte de l'expérience des autres pays.

[Traduction]

Monsieur Miner.

L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Monsieur le président, à titre de renseignement, disons que les remarques que vient de formuler M. Proulx me font penser qu'il serait peut-être utile de disposer d'un tableau comparatif des pays en question, pour que nous puissions voir les cas où la différence est défavorable au Canada et pour que nous puissions écouter les témoins et prendre part au débat d'une façon plus transparente et éclairée. Les recherchistes pourraient peut-être s'occuper de cela.

Le président: Je crois que nous allons travailler là-dessus. Vous remarquerez que, dans la documentation sur la production laitière qu'on nous a fournie, il y a bel et bien un tableau qui montre...

Mme Sheila Finestone: Oui, je le sais.

Le président: ... les 42 p. 100, les 16 p. 100 en soutien intérieur et tout cela. Mais je suis d'accord avec vous.

Mme Sheila Finestone: Oui, mais cela diffère d'un pays à l'autre, et nous avons d'importants marchés... là où se trouvent nos principaux marchés.

Le président: Oui, quels sont les obstacles qui se présentent là?

Mme Sheila Finestone: Yes. Non seulement est-ce le cas, mais aussi nous avons d'importants marchés qui ne sont pas les trois dont il est question ici. Je crois que c'est important.

[Français]

M. Odina Desrochers: On a déjà ces renseignements au sujet du Canada.

Mme Sheila Finestone: Pour tous les marchés, incluant ceux où oeuvrent les producteurs que représente M. Proulx?

M. Odina Desrochers: Oui.

Mme Sheila Finestone: Merci.

M. Odina Desrochers: Il l'a dit d'ailleurs.

Mme Sheila Finestone: C'est au moins transparent.

M. Odina Desrochers: Puisqu'il a dit que son opinion correspondait à celle de ses collègues, je crois que c'est clair.

Mme Sheila Finestone: Je vous remercie de ces précisions.

[Traduction]

Le président: Par ailleurs, pour reprendre le fil de votre pensée, je crois qu'il nous faudra aussi, à un moment donné, accueillir des témoins étrangers qui nous parleront de la situation là-bas. Nous réglerons les détails à ce sujet aussi.

Monsieur Miner.

M. William M. Miner (associé principal de recherche, Centre des politiques de commerce et de droit): Merci, monsieur le président. C'est un honneur pour moi d'avoir été invité à assister à la séance du comité et à examiner les questions agricoles aussi bien que nos intérêts dans le prochain cycle de négociations à l'OMC. Je m'attacherai à l'accord sur l'agriculture ainsi qu'à la façon dont il aide notre secteur à réagir à ce qui se passe autour de nous dans le monde. Je crois aussi qu'il importe, monsieur le président, d'examiner tout de même les autres accords de l'OMC dans le contexte de l'agriculture, particulièrement l'accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires, aussi bien que les accords de commerce régionaux comme l'ALENA—pour concevoir notre approche à l'OMC, étant donné les liens qui existent entre les accords en question.

Comme il fait partie du marché nord-américain et qu'il dépend davantage que ses autres partenaires de l'ALENA du commerce agroalimentaire, le Canada doit recourir à l'OMC, selon moi, pour faire valoir ses intérêts régionalement aussi bien qu'à l'étranger. Les pays membres de l'ALENA ont certains différends, par exemple l'utilisation de subventions agricoles et le commerce d'État, qui ne sauraient seulement se régler par la voie de négociations multilatérales. Pour régler les problèmes liés aux subventions à l'exportation ou encore éliminer les obstacles au commerce dans un secteur donné, par exemple les oléagineux, il faut une approche multilatérale, à mon avis. Tout de même, une position commune à tous les pays de l'hémisphère occidental renforcerait grandement l'approche canadienne à l'Organisation mondiale du commerce.

Il importe aussi d'étudier, selon moi, le nouveau contexte dans lequel nous aurons à élaborer nos positions et à procéder aux négociations. Pour la gouverne du comité, j'ai proposé que ma dernière analyse du dossier soit mise à la disposition des membres. Je crois que vous y trouverez un examen attentif de questions précises relevant de ce contexte, dont bon nombre sont de bon augure et devraient préparer le terrain à une négociation fructueuse du point de vue de l'agriculture. En même temps, je dois reconnaître le fait que la volonté politique nécessaire pour en arriver là dans le contexte actuel demeure une chose nécessaire.

Pour aborder ce travail, je crois qu'il importe d'étudier les tendances qui se manifestent dans les politiques conçues partout ailleurs et non seulement au Canada. Les réformes importantes dont nous avons été les témoins depuis un certain temps, dans plusieurs pays, sont susceptibles de se poursuivre. C'est certainement un phénomène planétaire qui touche toutes les régions. Cela conduit à une évolution de la structure des marchés d'alimentation et des procédés de production, aussi bien que des opérations agricoles, à mon avis, et cela se poursuivra, car la technologie et la demande du consommateur nous pousseront sur cette voie.

La tendance actuellement observée—le commerce des denrées au sens classique du terme cédant le pas aux constituants alimentaires semi-transformés et aux aliments prêts à être consommés—se maintiendra à mon avis. Les réformes visant le marché semblent être devenues une partie intégrante de l'approche de la plupart des pays dans l'environnement commercial moderne.

• 1015

Malgré le recul enregistré récemment dans l'économie de plusieurs régions, je crois que le mouvement des investissements et des échanges commerciaux continuera à prendre de l'ampleur, car c'est un élément vraiment essentiel de la croissance économique et du développement rural dans les nouvelles économies du monde.

Ces tendances, à mon avis, ont imprimé une direction au dernier résultat du GATT. Il s'agissait d'abord et avant tout d'entamer une démarche qui, par la voie d'un programme multilatéral, réduirait progressivement la façon dont l'agriculture est soutenue. Il en allait de même de la protection accordée dans ce secteur.

Cela me paraît jeter les fondements du prochain cycle de négociations. Je crois que le cadre où s'insèrent les règles adoptées en ce moment pour la plupart des questions et des engagements touchant l'ensemble des secteurs devrait servir de point de départ à la création d'un comité, à la conception d'une approche. Autrement dit, le processus entamé avec la conception de l'accord en place est susceptible de se poursuivre.

L'accord en place a permis de faire des progrès notables pour ce qui est d'établir ce que nous appelons un système axé sur le marché, mais il faut reconnaître—et les observations déjà formulées nous le laissent entrevoir—le fait que les améliorations concernant l'accès dans des cas précis se sont révélées modestes. De bons progrès ont été enregistrés du point de vue des subventions, particulièrement les subventions à l'exportation, et de celui de l'élaboration de normes techniques ayant une assise scientifique, mais nombre de difficultés demeurent, et, bien sûr, le nombre de différends qui existent continuera à miner gravement ce secteur.

Le Comité de l'agriculture procède à un examen de la situation et étudie des approches possibles, et j'aimerais traiter d'un certain nombre de questions précises qui semblent se dégager, qui apparaissent pour ainsi dire dans le domaine public.

Premièrement, et c'est une chose sur laquelle on a déjà insisté, un meilleur accès aux marchés est essentiel pour en arriver à un résultat fructueux du point de vue de l'agriculture. Cela veut dire qu'il doit y avoir une solide négociation tarifaire. Le succès de la chose tient non seulement à une réduction générale, mais aussi, selon moi, à une baisse marquée des tarifs maximaux atteints. Dans les cas extrêmes, ils ont tendance à avoisiner les 100 à 200 p. 100, ou 500 p. 100 et plus, et cela ne serait guère nécessaire pour protéger raisonnablement un secteur.

Dans le cas de nombreuses denrées agricoles, les tarifs sur les produits à valeur ajoutée représentent une cible particulière pour le Canada, et je suis d'accord avec ceux qui affirment que le résultat final était associé à une trop grande tendance au regroupement et qu'il faudra la prochaine fois une approche nettement plus fine. Dans le contexte, j'ajouterais que le cycle d'Uruguay s'est échelonné sur un si grand nombre d'années qu'il est resté, à la fin, trop peu de temps pour se pencher sur les offres précises et les calendriers d'exécution que les pays ont proposés à la toute fin. Il faut du temps pour mener à bien une négociation rigoureuse de ces positions, pour en arriver à l'équilibre jugé nécessaire selon certains observateurs.

Par contre, pour ce qui touche la négociation des tarifs, à mon avis, nous ne devrions pas permettre que certains secteurs soient forcés d'attendre avant d'instaurer les réductions prévues parce que d'autres secteurs ne sont pas prêts à avancer très loin ou très rapidement. Autrement dit, je crois que, dans le cas des oléagineux, pour prendre un exemple, le Canada devrait militer fortement pour une approche zéro-zéro, ce qui signifie l'élimination des subventions et des obstacles au commerce dans le secteur. De fait, j'aurais tendance à recommander que le Canada envisage d'appliquer cette approche à plusieurs de nos principaux secteurs d'exportation, par exemple les céréales et la viande rouge, pour progresser dans cette direction mondiale dans un délai négocié.

Le malheureux problème des contingents tarifaires me paraît découler de la façon dont les négociateurs du cycle d'Uruguay ont converti des obstacles non tarifaires en sortes de tarifs. À mes yeux, les contingents tarifaires ne sauraient se justifier que si les tarifs hors quota sont prohibitifs. Par conséquent, si on abaisse les tarifs hors quota, les contingents tarifaires ne seront plus nécessaires, mais s'il faut les conserver, il faut mettre de l'ordre dans ces régimes de contingents tarifaires, comme on l'a déjà dit. Ils doivent fonctionner ouvertement selon le principe de la nation la plus favorisée, sans discrimination entre les fournisseurs sur le marché mondial. Dans le contexte de la négociation des modalités d'accès, je crois que les monopoles d'État sur l'importation doivent être assujettis à la même discipline. C'est déjà le cas sur le plan théorique, mais, concrètement, cela ne se fait pas, comme on l'a déjà souligné. Il doit donc y avoir des façons de s'assurer que ces monopoles ont un fonctionnement suffisamment ouvert pour que l'on puisse voir que les règles et les disciplines sont respectées.

• 1020

Les subventions à l'exportation continuent d'exercer un effet de distorsion extrêmement important sur le commerce, particulièrement dans l'environnement actuel. La décision de les éliminer à terme me semble être la seule solution satisfaisante.

Cela soulèvera toutefois la nécessité d'appliquer un code de discipline aux pratiques adoptées du point de vue de la concurrence à l'exportation. La question des crédits à l'exportation a été mentionnée. Il faudrait inclure les formules à prix multiples du côté des exportations. Il sera aussi question du recours au commerce des monopoles d'État pour les exportations, je crois, durant les négociations visant à réduire les subventions à l'exportation.

Les organismes commerciaux d'État ou les entités para- étatiques et les monopoles privés doivent être en mesure de démontrer qu'ils observent les règles commerciales applicables à l'importation aussi bien qu'à l'exportation. Cela vaut particulièrement si l'on envisage le fait que la Russie, la Chine et certains pays de ce genre ont présenté une demande de dépassement.

Le président: Pourriez-vous nous donner un exemple d'un monopole privé? Selon vous, Cargill est-il un monopole privé?

M. William Miner: Je ne songeais pas à la question dans ce contexte. Ce genre de monopole serait normalement assujetti au droit de la concurrence dans le pays où il se trouve. Je songeais davantage à une situation où l'État accorde à une entreprise du secteur privé les droits exclusifs d'importation, ou, de fait, d'exportation, concernant un bien particulier.

Le président: Merci.

M. William Miner: Personne n'a mentionné ce matin les taxes à l'exportation, les embargos et les sanctions, mais ce sont des mesures qui perturbent le commerce et qui ne sont pas vraiment compatibles avec l'ouverture des marchés et l'amélioration de la sécurité alimentaire. Je suis donc d'avis qu'ils devraient obtenir une certaine attention durant le prochain cycle. Ce sera probablement le cas d'ailleurs.

Quant au soutien intérieur qui prend la forme d'un soutien des prix à la consommation ou de transferts du gouvernement, il faut bien sûr les réduire tout en diminuant la protection et en éliminant les subventions à l'exportation. L'accord conclu au dernier cycle à propos des formes de soutien intérieur qui ne sont pas considérées comme perturbant le commerce—et c'est ce qu'on appelle les politiques de la «boîte verte»... cela a fait régner une discipline notable sur le jeu des subventions. Toutefois, il existe encore d'éventuels effets de distorsion sur le marché, et cela a été soulevé par certaines des personnes qui ont pris la parole. Ce qu'il nous faut, à mon avis, ce sont des règles plus claires et peut-être plus rigoureuses pour ce qui est de savoir quel genre de dépense est considéré comme acceptable.

À mon avis, il faut résister aux pressions européennes et japonaises selon lesquelles il faut insister sur la nature multifonctionnelle de l'agriculture et élargir les critères à l'égard de ces programmes, car cela aura tendance à miner l'utilité des mesures en question.

La boîte verte est associée à une «clause de paix», qui protège les programmes considérés comme n'ayant pas d'effet de distorsion sur le commerce contre l'application de droits compensateurs et antidumping. C'est là une protection de durée limitée, qui disparaîtra en 2003 à moins qu'elle ne soit renouvelée.

Nous savons bien au Canada que les droits compensateurs et les mesures antidumping peuvent perturber énormément le commerce, et elles représentent souvent une autre forme de protection. Soit que les pays doivent négocier des règles efficaces pour éviter de tels abus, et c'est une chose qui se révèle très difficile, soit que le nouvel accord devrait reprendre l'immunité accordée dans le cas des programmes de la catégorie dite verte.

Pour ce qui est des normes sanitaires, environnementales et techniques, il nous faut clairement aller quelque peu plus loin que nous l'avons fait pour nous occuper des questions épineuses. À mon avis, l'approche scientifique est la seule qui puisse vraiment s'utiliser, et nous avons probablement besoin de critères quelque peu plus rigoureux et peut-être d'une jurisprudence sur laquelle fonder les accords futurs.

Les négociations à l'OMC me semblent être l'occasion de régler dans les formes un grand nombre des questions restées en suspens entre le Canada et les États-Unis, à la suite des négociations aboutissant à l'ALENA et avec ce qui s'est passé à l'OMC. En examinant les résultats commerciaux, on constate que les accords de libre-échange aident l'industrie agroalimentaire canadienne à concurrencer, et ce, avec un succès toujours plus grand, sur le marché nord-américain avec encore une valeur ajoutée au produit, ce qui est très encourageant.

Comme l'a fait remarquer récemment le ministre Goodale, je crois que nous devrions travailler en vue de concevoir une approche commune au Canada et aux États-Unis sur ce plan. De fait, j'aurais tendance à appliquer cette observation à tous l'hémisphère occidental, car dans la mesure où nous, dans les Amériques, pouvons en arriver à une position commune, je crois que notre approche à l'OMC serait d'autant plus forte et fructueuse.

• 1025

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Miner.

Messieurs les témoins, nous vous remercions. Passons maintenant à la période de questions. Vous pouvez commencer par parler des hormones bovines et des bananes, monsieur Penson.

M. Charlie Penson: Il y a de nombreuses questions à se mettre sous la dent ce matin, monsieur le président. Je profiterai de l'occasion pour souhaiter la bienvenue aux témoins ici présents.

Je vais commencer par parler un peu du contexte. Le cycle d'Uruguay, comme on l'a dit, s'est étalé sur sept ans. Le résultat n'a probablement pas été aussi bon pour l'agriculture que bien des gens l'auraient souhaité. On a vu là un premier pas dans une démarche qui amènerait pour la première fois l'agriculture sous la coupe des règles du commerce.

Les attentes sont élevées: on croit que le prochain cycle permettra d'accomplir des progrès substantiels, surtout pour ce qui est d'éliminer les subventions à l'exportation et de garantir l'accès aux producteurs céréaliers, aux producteurs d'oléagineux et aux producteurs de boeuf, par exemple. Essentiellement, il n'y a ni tarif ni subvention chez eux. Ils souhaitent avoir accès aux marchés, surtout aux marchés de l'Union européenne, ce qu'on leur refuse en ce moment.

Le fait que nous n'ayons pas eu cela a remis le Canada sur la voie de la subvention des exportations. Nos subventions, encore une fois, représentent une dépense de 900 millions de dollars pour le gouvernement en place depuis deux ans. C'est une situation qui durera peut-être, à moins que nous obtenions l'accès dont il est question. C'est une information que je vous donne pour établir le contexte.

Ce matin, je suis déçu. Je peux comprendre la position des producteurs laitiers. Je peux comprendre que les producteurs agricoles du Québec souhaitent préserver la situation qui existe. Cela fonctionne pour eux. Quoi qu'il en soit, il ne m'apparaît pas très réaliste de préconiser le statu quo à l'aube d'un autre cycle.

Je ne peux comprendre la position de la FCA, qui essaie de jouer sur les deux tableaux, dont les conseils nous disent que nous pouvons manger à tous les râteliers. Pour le compte des producteurs d'oléagineux et de céréales, nous pouvons obtenir l'accès aux marchés, mais nous n'avons pas à renoncer à quoi que ce soit du point de vue de la gestion de l'offre, qui nous donne des tarifs de l'ordre de 300 p. 100.

M. Friesen se demande si nous devrions autoriser un accès aux marchés qui représente 4 ou 5 p. 100. L'Union européenne est collée à 3 p. 100. Elle a besoin d'augmenter cela à 5 p. 100. C'est sans conséquence dans l'ordre global des choses. On nous dit que les sommes des tarifs hors quota sont essentiellement les mêmes. Par exemple, cela se situe autour de 300 p. 100 dans le cas du beurre au Canada. Nous prendrons l'accès minimal allant jusqu'à 5 p. 100. Voilà une excellente manoeuvre. Cela ne fera rien pour légitimer la position des producteurs agricoles canadiens durant le prochain cycle. Cela me préoccupe.

Je crois que ce qu'il y a eu de constructif ici ce matin, on le doit à M. Miner. Il a affirmé qu'il nous faut une position crédible à l'aube du prochain cycle. De nombreux producteurs agricoles du Canada déclarent justement cela. N'optons pas pour cette position dite équilibrée qui ne nous mène nulle part. Le Canada doit montrer le chemin cette fois. Nous devons avoir une position crédible. Je me tourne donc vers M. Miner pour obtenir des idées sur la façon dont nous pourrions nous adapter, si notre secteur de gestion de l'offre est atteint. Je crois qu'il est tout à fait possible que les tarifs fassent l'objet d'une baisse marquée.

Si nous sommes atteints, quels sont les obstacles à notre industrie que l'on permettrait encore? Quels sont les obstacles à l'entrée aux États-Unis? Par exemple, le programme de dîner subventionné pour les écoliers et le programme de l'État dont il est question... que pouvons-nous faire à la table de négociation pour essayer de mieux accéder au marché américain? Je suis d'accord pour dire que si nous réussissons à adopter une position commune avec les États-Unis, cela renforce grandement la position de négociation du Canada. Il semble que ce soit du côté de l'Union européenne qu'il nous faut principalement encourager le mouvement des denrées, c'est-à-dire l'accès pour les producteurs de céréales, d'oléagineux et de boeuf, et c'est là que nous connaissons des moments très difficiles.

Monsieur le président, je pourrais peut-être m'arrêter là et jauger la réaction des gens.

Le président: Devrions-nous commencer par M. Friesen, puis donner la parole à M. Miner?

M. Charlie Penson: Ce serait correct.

M. Robert Friesen: Merci beaucoup, monsieur le président. Les observations de M. Penson, bien sûr, n'ont rien d'étonnant. Nous reprenons essentiellement la discussion là où nous l'avons laissée dernière fois, à Singapour. Notre position a évolué considérablement, et si les éléments en question ne sont pas reconnus, il nous faudra peut-être les passer en revue encore une fois.

Tout de même, notre position commerciale, d'abord et avant tout, devrait faire valoir que l'OMC représente le principal moyen d'en arriver à négocier des règles commerciales justes et équitables.

• 1030

Deuxièmement, notre position, c'est qu'il faudrait accroître l'accès aux marchés au maximum dans tous les cas où nous pouvons le faire au nom de nos sociétés exportatrices, et nous devrions continuer à tenir compte des denrées qui posent des difficultés du point de vue de l'importation. Je le dis sans aucune gêne, et je le dis sans aucune gêne pour plusieurs raisons. Aborder les prochaines négociations en essayant de faire ce que M. Penson propose, à mon avis, serait tout à fait naïf. Je vais vous donner quelques exemples pour expliquer pourquoi je suis de cet avis.

D'abord et avant tout, si on regarde l'Union européenne—et nous avons parlé des subventions, et nous avons parlé de l'élimination de la catégorie «bleue». Pour avoir entendu parler d'un représentant de l'Union européenne à notre réunion annuelle, je peux vous dire que les Européens n'ont pas du tout l'intention de se défaire de la «boîte bleue». De fait, si on étudie leur programme pour l'an 2000, on voit qu'ils ont tout à fait l'intention de maintenir les subventions exorbitantes au même niveau que durant les dernières années. Ce serait stupide de notre part de nous engager ainsi dans les négociations si nous sommes tout à fait conscients du fait que les autres pays ne sont pas prêts à acquiescer.

Permettez-moi de vous donner un autre exemple. En 1995, les États-Unis ont signalé officiellement le soutien accordé dans la catégorie dite «bleue». En 1996, ils n'ont rien signalé de tel, mais, quelle surprise, les sommes en questions se sont retrouvées du côté de la catégorie «verte». Il y a quelques jours à peine, nous avons constaté encore que les États-Unis annoncent leur intention d'édifier, pour la première fois, un programme global de stabilisation des revenus des éleveurs de bétail «par denrée». Appelés à dire si cela mettait en péril leur position à l'OMC, les Américains ont dit que le jeu en valait la chandelle. Il y a donc d'autres pays qui ne jouent pas franc jeu.

Quant à notre propre énoncé sur le commerce, nous envisageons l'élimination entière des tarifs intra-contingent. Pour les secteurs qui ont un intérêt dans les exportations, nous proposons la négociation «double zéro». En même temps, nous faisons valoir que nos industries ont besoin de règles plus rigoureuses pour que nous puissions protéger leurs intérêts.

Lorsque nous discutons de ces questions autour de la table de la FCA, nous retrouvons des exportateurs de céréales, nous retrouvons des exportateurs de viande rouge, et il y a les gens qui s'occupent de la gestion de l'offre autour de la table. Lorsque nous discutons des questions litigieuses, aucun des membres ne dit: «Voilà votre position, voici la nôtre», et c'est tant pis. Les gens s'entraident réellement et essaient d'en venir à une solution.

M. Charlie Penson: C'est l'AgriCorp dont vous avez parlé?

M. Robert Friesen: Oui, AgriCorp et le syndicat de blé de la Saskatchewan à la fois. Maintenant, j'aimerais...

M. Charlie Penson: Puis-je poser une question à ce sujet?

M. Robert Friesen: ... poursuivre en disant tout d'abord, monsieur le président, que durant la dernière réunion sur les négociations commerciales, nous avons approuvé cet énoncé commercial. Nous avons aussi souhaité la bienvenue, comme je l'ai déjà dit, au Conseil canadien du porc, au conseil d'administration de la FCA. Certaines préoccupations ont été exprimées. Cela se trouve à l'ordre du jour de la prochaine réunion du Comité du commerce. Nous allons discuter de cela, et nous allons en discuter encore jusqu'à ce que nous trouvions une solution. Cela continuera à renforcer notre énoncé commercial, qui, permettez-moi de l'ajouter, tient compte de l'avis d'un échantillon représentatif des producteurs de denrées dans leur ensemble au Canada.

M. Charlie Penson: Monsieur Friesen, j'ai un fils qui est cultivateur. Il traite avec AgriCorp, de sorte qu'il a acquitté son droit d'adhésion de 10 $ pour qu'il puisse acheminer là son grain. Parlez-vous donc en son nom?

M. Robert Friesen: Tout à fait, il s'agit de membres de plein droit de la FCA.

M. Charlie Penson: Ce serait donc là un des membres dont vous parlez, AgriCorp? J'oserais dire que vous ne parlez pas au nom de nombreux cultivateurs avec qui je discute dans ma circonscription. Lorsque vous dites qu'au départ l'Union européenne ne bougera pas... et, par conséquent, pourquoi s'efforce d'obtenir l'accès à ce marché et pourquoi s'efforcer de présenter une position crédible, car il n'y aura pas de mouvement de toute façon?

Le président: Monsieur Friesen, monsieur Penson, ce sont là des questions fascinantes, et je n'aime pas interrompre les gens, mais il ne vous reste que quelques minutes. Je crois que nous devrions entendre aussi la réponse de M. Miner à votre question.

Vous pourriez peut-être vous pencher là-dessus, monsieur Friesen. Je suis convaincu que les autres voudront revenir à cette question, car c'est une question dont nous entendons parler depuis bien des années—le défi qui consiste à en arriver à une position cohérente qui concilie les deux réalités de l'agriculture au Canada, si je peux parler ainsi. Il me semble que tout le monde essaie d'en arriver là.

M. Robert Friesen: Monsieur le président, ce que j'ai proposé, c'est d'adopter une position comme le font actuellement les autres pays. Le Canada devrait prendre soin de ne pas renoncer à des choses que les autres pays n'ont aucunement l'intention de négocier. Prenez par exemple ce qui s'est passé au début du dernier cycle, lorsque le Canada a présenté très tôt une position, de fait, avant même qu'il ne comprenne la dynamique de la négociation en cours.

De fait, plus tard, d'autres pays ont présenté des offres nettement inférieures à celle du Canada. Il nous faut donc établir nos objectifs tôt, puis travailler à partir de notre politique commerciale et de nos règles commerciales, au fur et à mesure que nous élucidons la dynamique de la négociation et ce que vont offrir les autres pays.

• 1035

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Miner.

M. William Miner: Monsieur le président, en réponse aux questions soulevées, il est difficile de répondre à celle qui demande comment on doit s'adapter, car c'est en fait une question qui relève de l'industrie et que je ne saurais aborder.

Pour ce qui est de l'approche dite équilibrée, je crois qu'il faut reconnaître le fait que si on s'engage dans les négociations sans être prêt à discuter d'une question, on se fera écarter et peut-être coincer au bout du compte. Selon moi, il faut donc aborder une négociation en étant prêt à discuter de tous les secteurs en jeu, non pas forcément de manière égale, mais tout au moins du point de vue de leurs intérêts. Autrement dit, tout est négociable. Il nous faut alors être sûr, je crois, de pouvoir progresser à partir du secteur dont il est question, particulièrement si c'est un secteur exposé, et savoir où nous ne pouvons le faire, bien sûr, puis orienter les négociations en ce sens.

Je ferais valoir aussi, tout de même, qu'une position générale ne saurait convenir à mes yeux à tous les secteurs industriels. Autrement dit, à mon avis, pour ce qui touche les secteurs d'exportation, plus ont fait ouvrir les marchés, mieux on sen porte à long terme. Il faut tout de même s'assurer de prendre en considération les biens transformés aussi bien que les marchandises en vrac classiques.

Quant à la question de l'adaptation, j'ai un seul argument à avancer, et mon expérience du monde commercial remonte assez loin. Je travaillais au Royaume-Uni au moment où nous exportions 30 millions de livres de fromage.

Je crois que nous pouvons être concurrentiels sous certains aspects, même dans le cas de nos secteurs exposés. Il nous faut alors travailler à des ententes qui nous permettent de déplacer notre produit sur le chemin de la transformation, pour ainsi dire. Je vois aujourd'hui que certains des groupes de céréaliers français reconnaissent désormais l'utilité de s'aligner sur les prix mondiaux: ils croient pouvoir être concurrentiels, et ils ont peut- être raison. Je crois que cela vaut aussi pour certains segments des secteurs dits vulnérables ici, et nous devrions aborder la négociation en ayant à l'esprit l'idée de se renforcer, même dans les secteurs les plus protégés.

Merci.

Le président: Merci.

[Français]

Excusez-moi, monsieur Proulx, mais il faut passer à la prochaine question. Je crois que nous aurons l'occasion de revenir à votre intervention. Monsieur Desrochers, vous avez la parole.

M. Odina Desrochers: Tout d'abord, je permettrai à M. Proulx d'ajouter tout de suite son complément de réponse et je poserai ensuite mes questions. Monsieur Proulx, veuillez compléter si vous le voulez.

Le président: C'est un soft lob.

M. Yvon Proulx: Je voulais seulement ajouter

[Traduction]

et je le répéterai ensuite en anglais,

[Français]

que notre position sur la question posée par M. Penson n'est aucunement différente de celle des 38 pays du monde qui ont déposé, dans leur liste de notification, des équivalents tarifaires sur 1 366 produits.

[Traduction]

À propos de la question très précise que vous avez soulevée, je tiens à dire que notre position au Canada n'est pas différente de celle des 38 pays dont il est question dans leur liste de notification des équivalents tarifaires se rapportant à 1 366 produits. C'est le cas des États-Unis. Les secteurs de l'arachide, du sucre et des produits laitiers aux États-Unis font l'objet d'importantes mesures de protection, et je soupçonne que les Américains ne sont pas prêts à abandonner cela. C'est la même chose au Japon et dans l'Union européenne. Cette position équilibrée est donc la même dans tous les pays. Nous n'avons pas à être gênés de l'affirmer.

[Français]

M. Odina Desrochers: Monsieur le président, j'ai tout d'abord une question à vous poser.

Vous savez que le Comité permanent de l'agriculture s'est penché sur la question de l'OMC du mois de septembre au mois de décembre et qu'il a présenté un rapport. Est-ce que dans le cadre des consultations que vous menez aujourd'hui, vous avez pris connaissance de ce rapport? Dans un deuxième temps, est-ce que vous avez pris connaissance également des mémoires qui ont été présentés?

• 1040

On a discuté de cette question en profondeur lors de ces rencontres. Je dis cela de façon à ce que vous ayez une information plus complète. Je le dis également par respect pour mes collègues du Comité permanent de l'agriculture de même que pour les témoins qui sont venus faire entendre leur position sur cette question-là. Je suis d'accord sur le principe de la consultation, mais je crois aussi qu'il faut regarder les documents qui sont déjà disponibles avant de s'engager dans une nouvelle ronde de négociations. Je ne voudrais pas qu'on répète deux fois le même processus.

Le président: D'accord. Monsieur Desrochers, je vous avoue que je ne suis pas certain que nous ayons ce rapport. Il faut que je me renseigne. On me dit que nous ne l'avons pas.

[Traduction]

M. Bob Speller: Le comité permanent n'a pas encore fait rapport.

[Français]

M. Odina Desrochers: Au Comité de permanent de l'agriculture, on a abordé les choses sur deux fronts. On a parlé de l'OMC et aussi de la sécurité du revenu. Le ministre s'est inspiré de ce document pour annoncer son programme de 900 millions de dollars.

Je présume que, quelque part, il doit y avoir des bribes en ce qui concerne les éventuelles négociations de l'OMC. Si votre rapport ne reflète pas ce qui a été entendu, vous pourriez peut-être consulter les gens qui ont comparu pendant ces quatre mois-là.

Le président: J'ai parlé au président du Comité permanent de l'agriculture et nous ferons notre possible pour que vos travaux soient incorporés aux nôtres, pour que tous les témoignages que vous avez entendus soient donnés à nos recherchistes lorsque nous ferons notre rapport. Cela, je puis vous l'assurer. Toutefois, nous voulons nous-mêmes entendre beaucoup de témoins pour que nous puissions avoir de l'expérience personnelle dans le domaine. Donc, on va répéter un peu votre travail, mais on va essayer quand même de profiter du travail que vous avez fait.

M. Odina Desrochers: Parfait, je suis rassuré. Au moins, vous communiquez. Merci beaucoup.

Le président: Il y a de la communication entre les deux comités. Il n'y a pas de problème à ce niveau-là.

M. Odina Desrochers: J'aimerais poser une question aux témoins de ce matin. J'ai pu constater, lorsque j'ai participé à une mission—je me suis rendu aux États-Unis il y a deux semaines et j'étais également là lorsqu'on a participé au congrès de la Fédération canadienne de l'agriculture—, que le Canada, dans le respect des engagements qu'il avait pris lors des ententes et des négociations de l'Uruguay, avait largement réduit ses subventions à l'exportation. On assiste à une diminution des mesures de soutien interne et on va davantage sur le marché. Vous en avez d'ailleurs fait largement état.

Les statistiques que nous avons, soit celles de 1995-1996—nous allons bientôt prendre connaissance de celles de 1998—, nous indiquent que les autres pays ont énormément de rattrapage à faire. Lorsqu'il y a des négociations, il y a une entente et des signatures. Ne pensez-vous pas que le Canada devrait prendre comme position de départ de demander à ses partenaires commerciaux de respecter les ententes qu'ils avaient prises avant d'amorcer les futures négociations? J'aimerais vous entendre à ce sujet.

M. Yvon Proulx: C'est à moi?

M. Odina Desrochers: Ma question s'adresse à tous les témoins.

M. Yvon Proulx: C'est très évident que la première position de négociation est d'analyser de façon extrêmement attentive les engagements qui ont été pris par les différents pays et de déterminer jusqu'à quel point chacun s'est conformé à ceux-ci. Il est absolument nécessaire que ce soit une priorité absolue dans le processus de négociation. Il faut vérifier de façon constante la façon dont les pays ont respecté leurs engagements.

Maintenant, comme on l'a expliqué dans une intervention antérieure, pour ce qui est du niveau d'engagement pris par les pays, les règles n'ayant pas été absolument claires et absolument contraignantes pour tout le monde, il y a eu toutes sortes de niveaux d'engagement qui n'étaient pas nécessairement équitables. Je crois qu'un point de départ extrêmement important de la prochaine négociation sera de voir à ce que les règles sur les engagements concernant l'accès au marché, par exemple, soient équitables et contraignantes pour tout le monde. Si on s'engage à donner accès à 5 p. 100 de notre marché intérieur, il faut que ce soit une règle claire, précise, nette et que tous les pays fassent de même. Autrement, comme la dernière fois, alors que la règle, semble-t-il, n'était pas absolument claire, précise et contraignante, il y aura des pays qui offriront 1 p. 100 de leur marché. Nous avions offert 5 p. 100 de notre marché alors qu'un autre pays, par exemple, n'en avait offert que 2,5 p. 100. Ce n'est évidemment pas équitable.

Une des premières positions de négociation est de faire en sorte que ces règles soient précises et qu'elles soient identiques et équitables pour tout le monde.

M. Odina Desrochers: Est-ce que d'autres témoins veulent ajouter un commentaire sur ce que devrait être la position du Canada?

[Traduction]

M. John Core: Je suis tout à fait d'accord avec Yvon. Nous devons nous assurer que les pays respectent leurs engagements, mais le deuxième point qu'il a soulevé est plus important. Les engagements ne sont pas les mêmes, et si nous voulons un système fondé sur des règles—et tout le monde dit que c'est ce que l'OMC doit être—alors les mêmes règles d'accès aux marchés doivent s'appliquer à l'ensemble des marchandises et être appliquées équitablement, pour que les pays ne jouent pas déloyalement avec l'accès aux marchés qu'ils sont censés offrir. Si cela doit être 5 p. 100, alors ce sera 5 p. 100 mondialement sur tous les produits, pour que tous les pays bénéficient de cet accès, sans qu'une faveur ne soit accordée à un pays particulier. Je suis donc entièrement d'accord avec cela. Il faut d'abord savoir si les pays respectent leurs engagements. Ensuite, organisons-nous pour que ces engagements soient les mêmes. Cela serait très important.

• 1045

[Français]

M. Odina Desrochers: D'accord.

Vous avez parlé de l'accès aux marchés, mais que dites-vous de la réduction des subventions à l'exportation? Celles-ci ont presque été éliminées par le Canada. Par contre, on constate que l'Union européenne subventionne largement et qu'aux États-Unis—selon la remarque de M. Proulx—, cela a coûté tellement cher qu'ils vont sans doute tenter de faire du rattrapage lorsqu'ils vont revenir négocier. Donc, là encore, il y a une distorsion entre la position canadienne et celle des autres pays.

Vous parlez de l'accès aux marchés. On parle de la réduction des subventions à l'exportation et de la diminution des mesures de soutien interne. Il faudra, lorsqu'on s'assoira pour négocier, que le Canada dise vraiment où il en est rendu et à quoi il s'attend de ses autres partenaires face aux ententes qui ont été conclues lors des dernières négociations.

M. Yvon Proulx: Là-dessus, notre position est claire, notamment sur la question des subventions. On demande que ces subventions soient éliminées ou tout au moins réduites. De façon réaliste, il ne faut pas s'attendre à ce que ces subventions soient éliminées complètement du premier coup. Un processus de changement dans ce domaine ne peut pas survenir du jour au lendemain de façon extrêmement radicale.

Il est clair que les Européens ne sont pas prêts. Ils sont incapables d'abandonner complètement leurs subventions à l'exportation du jour au lendemain. C'est un processus de changement graduel. On peut avoir comme position de départ l'élimination de l'ensemble des subventions à l'exportation, mais il est clair qu'on n'arrivera pas à ce résultat.

Demander aux Européens d'abandonner cela du jour au lendemain serait leur demander de prendre une position qui entraînerait des coûts importants pour leurs producteurs agricoles. Je suis prêt à leur concéder que ce soit un processus lent et graduel. C'est clair que l'idéal serait que les subventions à l'exportation, particulièrement celles qui sont financées par le Trésor public et non celles qui sont financées par les producteurs, soient éliminées. C'est un objectif ultime, mais on n'obtiendra pas cela du jour au lendemain.

M. Odina Desrochers: J'ai une dernière question, monsieur Proulx, si vous me le permettez, monsieur le président.

Que pensez-vous de la position du Canada qui s'associe au Groupe de Cairns, qui est beaucoup plus à droite?

M. Yvon Proulx: Nous sommes certainement à l'aise devant une position de départ consistant à demander l'élimination des subventions à l'exportation. Toutefois, on sait très bien que les Européens ne sont pas rendus là. On peut probablement obtenir, lors de la prochaine négociation, que ces subventions soient réduites de 36 p. 100, comme la dernière fois. Je serais étonné qu'on obtienne beaucoup beaucoup plus que ça.

M. Odina Desrochers: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Desrochers. Vous reviendrez au deuxième tour, si vous le voulez.

Madame Bulte.

[Traduction]

Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci, monsieur le président.

Ma question s'adresse à M. Miner. Vous avez affirmé que les Amériques pourraient se donner une position commune. Comme les négociations sur l'établissement d'une zone de libre-échange commenceront bientôt, et comme M. Friesen croit que l'OMC est l'instance indiquée à cet égard, ne serait-il pas possible, durant ces négociations, d'avoir les discussions techniques en guise de préparation au cycle de l'OMC? Monsieur Friesen, est-ce que votre groupe participerait à cela?

M. William Miner: Je vais répondre rapidement à votre question au sujet des liens qui existent entre l'établissement de la zone de libre-échange et l'Organisation mondiale du commerce. Je crois qu'il existe certaines questions où nous pourrions élaborer une position hémisphérique ou nord-américaine commune, et cela se ferait dans le contexte des pourparlers sur l'établissement de la zone de libre-échange. Autrement dit, ils considèrent les subventions comme une question difficile dans le contexte. À mon avis, ils pourraient assez facilement éliminer les subventions à l'exportation, mais les dispositifs connexes pourraient représenter une difficulté du point de vue de la concurrence. Mais je crois qu'une position commune à l'hémisphère sur ce plan serait tout à fait possible.

• 1050

S'il fallait aborder d'autres domaines, ce serait moins probable. Tout de même, je crois que, par exemple, pour ce qui est du secteur des oléagineux, les pays de l'hémisphère occidental se donneraient une approche semblable. Le Brésil est très actif sur ce point. Par conséquent, je crois qu'on pourrait en arriver à une approche commune à la suite de la négociation de l'établissement d'une zone de libre-échange pour les Amériques, peut-être, mais ce serait certainement une approche concertée à l'OMC, et cela vous donnerait une influence nettement plus grande pour ce qui est d'arriver à ce que vous souhaitez dans le contexte.

Le président: Monsieur Friesen, puis monsieur Rice.

M. Robert Friesen: Merci, monsieur le président.

D'après les consultations que nous avons tenues auprès des représentants du monde commercial qui participent à la négociation d'une zone de libre-échange des Amériques, cette négociation ne déboucherait pas sur des règles commerciales que le Canada n'est pas déjà prêt à assumer à l'OMC.

Le président: Monsieur Rice.

M. Martin Rice: J'ai assisté récemment à une conférence où il y avait plusieurs Latino-Américains qui indiquaient que les pays du MERCOSUR—c'est-à-dire le Brésil, l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay—sont sur le point de s'engager dans des discussions avec l'Union européenne en vue de conclure une sorte d'entente bilatérale dont l'agriculture serait probablement, selon eux, exclue.

Cela nous effraie un peu: s'il faut qu'il y ait des discussions bilatérales qui font exception du secteur agroalimentaire en Europe pour l'adoption de règles commerciales moins contraignantes, cela pourrait créer un précédent qui est susceptible de s'appliquer aux discussions sur la zone de libre- échange des Amériques. Je crois que nous allons essayer de faire en sorte que le Canada s'oppose à tout accord commercial qui commence à faire de certains secteurs des exceptions. Dans un tel cas, nous serions nettement moins en mesure de faire en sorte que l'Europe libéralise les échanges commerciaux beaucoup plus que c'est le cas à l'heure actuelle.

Le président: Je pourrais poser une question, puis céder la parole à M. Sauvageau.

Je ne veux pas me perdre en divagations, mais je dois dire que c'est si compliqué, cette espèce de match d'échecs multidimensionnel qui se joue. J'imagine que cela ne diffère pas des autres règles commerciales.

Il me semble, d'après ce que j'observe depuis quelques années et à entendre les témoignages dans ce domaine, que le système mondial—et, monsieur Miner, vous l'avez fait valoir dans votre mémoire—est en train de s'aligner sur les forces du marché. Nous sommes donc en train de délaisser les systèmes nationaux fermés où les consommateurs appuient leurs cultivateurs, peut-être au moyen de prix différenciés, au profit d'un système qui est plus ouvert et d'un environnement commercial à caractère mondial.

L'hypothèse, c'est que si nous devons renoncer à protéger notre base, il nous faut avoir accès à ces marchés mondiaux, sinon on crève de faim. M. Proulx fait valoir que nous ne pouvons créer un système qui, en fait, a pour effet de mettre en faillite ou de faire crever les cultivateurs, car personne ne va accepter cela et que ce ne sera à l'avantage de personne.

La théorie—du moins ce que je saisis de la théorie des échanges commerciaux—c'est que si tout le monde se plie aux règles adoptées, ce serait ouvert, et notre sort à tous serait meilleur, car nous aurions le marché mondial plutôt que nos marchés locaux, de sorte que nous pourrions renoncer à notre protection. C'est la même chose que pour tout autre système. Toutefois, ce que je ne comprends pas à propos de la position dans le domaine agricole, c'est que...

Selon les conseils que j'ai sollicités, pendant que nous formulons des doléances au sujet de l'accès aux marchés américain, européen, etc., de fait, les Européens et les Américains s'acquittent plus ou moins des obligations que leur impose l'OMC. Si tel est le cas, vers quoi nous dirigerons-nous dans ces négociations? Comment ouvrir ces marchés?

En dernière analyse, quels conseils nous donneriez-vous? Nous allons devoir parler au ministre à ce sujet. Qu'adviendrait-il, selon vous, si nous revenons insatisfaits du résultat sur nombre de ces points? Nous n'allons pas gagner sur toute la ligne. Ce n'est jamais le cas lorsqu'il y a des négociations. Allons-nous quitter la table? Le monde agricole nous dit-il qu'il nous faudrait quitter l'OMC, ou encore nous dit-il: «Regardez, nous devons être là à l'OMC et accepter le fait que le monde n'est pas parfait et travailler à l'intérieur de cela, même si nous n'obtenons pas tout ce que nous voulons»? Selon l'impression que j'en ai, ou selon ce qu'on m'a dit, même s'il existe actuellement des problèmes—il y a le cas de l'hormone bovine, il y a les bananes; nous savons qu'il y a des différends—, de façon générale, le niveau de protection a baissé et, quelqu'aient pu être les objectifs de la négociation la dernière fois, tout le monde est à peu près où il devrait être.

• 1055

Ma première hypothèse est-elle erronée, et pourriez-vous m'aider à élucider la seconde? Vous, qui représentez le monde agricole, nous dites-vous...? Faut-il rester à l'OMC et travailler à l'intérieur de ce système et continuer à s'y appliquer, ou encore, à un moment donné, faut-il reconnaître que cela ne fonctionne pas du tout?

Monsieur Core.

M. John Core: On ne se trompe pas en disant que le système de l'OMC est le seul que nous ayons. Qui souhaite pratiquer des échanges commerciaux à l'échelle internationale et disposer d'une tribune pour conclure des ententes et régler des différends traitera avec l'OMC. C'est notre avis.

Quant à savoir si les pays respectent bel et bien leurs engagements, c'est ce que nous essayons de dire. Oui, ils le font, mais les engagements sont tous différents. Les règles ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre.

Ils ont proposé des engagements en ce qui a trait aux modalités. Ils ont proposé un certain degré d'accès, par exemple. Ils ont proposé des réductions tarifaires. Ils ont fait des offres. Oui, ils respectent leurs offres, mais ce ne sont pas là les mêmes offres à base de règles que d'autres pays ont faites. Nous disons qu'il faut revenir à ce dont il était question au début des négociations de l'Uruguay Round de l'OMC.

Ils ont dit: nous allons créer un système fondé sur des règles. Nous allons tous offrir un accès aux marchés représentant 5 p. 100. Nous allons réduire nos tarifs de x p. 100. Nous allons réduire nos subventions à l'exportation de x p. 100. Toutefois, cela ne s'est concrétisé que dans le cas des subventions à l'exportation. Cela n'a pas été le cas de l'accès aux marchés. C'est ce que nous essayons de faire valoir, la nécessité de mettre en place les mêmes règles. Nous essayons de dire qu'il faut négocier; c'est cela que nous devrions négocier. Ne parlons pas de la façon de libéraliser les échanges commerciaux. Revenons aux choses concrètes qui font que les biens circulent partout dans le monde—l'accès aux marchés. Les biens circuleront si les pays offrent un accès aux marchés de l'ordre de 5 p. 100, s'ils ne peuvent protéger cela.

Le président: Puis-je vous arrêter là?

À propos des subventions, discutons des subventions à l'exportation dans le cas de l'Europe. Cela fait des années que nous entendons parler des subventions à l'exportation. Le problème résidait, bien sûr, dans l'accès aux marchés tiers. Vous dites donc que les difficultés à ce chapitre commencent à s'atténuer par rapport à l'Europe et que l'on peut maintenant envisager un meilleur accès aux pays d'Europe eux-mêmes, plutôt que de les voir «fausser» notre accès aux marchés tiers.

M. John Core: À propos des subventions à l'exportation, la règle adoptée disait qu'il y aurait une réduction. Les subventions à l'exportation de certains pays sont ici. Celles d'autres pays sont là. Nous convenons tous de les réduire du même pourcentage. Si vous les réduisez du même pourcentage, cela baisse, mais l'écart est toujours là.

Le président: C'est la même chose que nos contingents tarifaires de 350 p. 100.

M. John Core: Non.

Le président: Nous pourrions les réduire, mais à quoi?

M. John Core: À propos de la question des subventions à l'exportation, la seule façon d'être concurrentiel sur ce marché, c'est de ramener les subventions à l'exportation à «zéro». Aucun pays ne saurait recourir à des subventions à l'exportation, à des subventions gouvernementales, point final. Cela élimine tout à fait le problème. Si on ne fait que les réduire de 20 p. 100, de 30 p. 100 ou de 50 p. 100 de plus, il y a encore tout cet effet de distorsion sur le marché.

L'accès aux marchés fait intervenir trois éléments. Le premier est le contingent tarifaire. Cela donne 5 p. 100, 4 p. 100, ou encore autre chose. Ensuite, il y a les tarifs sur la production contingentée. Nous disons: réduisons cela à «zéro». Cela nous donne un accès garanti à ces marchés de 5 p. 100.

Les tarifs sur la production excédentaire visent à reconnaître l'effet de distorsion qui existait avant les négociations d'Uruguay. On les a mis en place en disant: «Regardez, cela permettra d'accomplir deux choses.» On les retrouvera parce que les règles du jeu ne sont pas équitables en ce qui concerne les subventions à l'exportation, l'accès aux marchés et ainsi de suite. Et puis, une fois les règles du jeu uniformisées, si jamais cela se fait, on pourrait commencer à réfléchir à ces tarifs élevés.

Tout de même, l'autre chose que l'accord du GATT devait nous donner, c'était la prévisibilité, et pour ce qui touche les marchandises qui sont frappées des tarifs élevés dans le cas d'une production excédentaire, cela leur donne une certaine prévisibilité.

Nous sommes tout à fait d'accord pour que les secteurs intéressés adoptent la situation du «zéro pour zéro» dans le cas des tarifs sur la production excédentaire. Si certains secteurs sont favorables à cela, voilà qui est bien, mais reconnaissons que dans certains cas... comme je l'ai dit, 34 des 36 pays appliquent ces tarifs élevés sur la production excédentaire dans le cas des produits laitiers, car c'est la réalité sur le marché des produits laitiers. Si ce n'est pas la même chose pour les céréales, ce n'est pas la même chose pour les céréales. Si le secteur des céréales souhaite une politique qui favorise la réduction des tarifs sur la production excédentaire, nous allons les appuyer sans réserve.

Le président: L'industrie laitière entrevoit-elle un potentiel d'exportation énorme dans le cas de l'Europe?

• 1100

M. John Core: Pour les pays qui veulent exporter des produits laitiers, si on pouvait obtenir un accès de l'ordre de 5 p. 100 au marché européen, sans tarifs imposés sur la production contingentée avec l'accès garanti pour certains pays, cela susciterait un certain intérêt.

Le président: Non, ma question est pour vous, ici, au Canada. Croyez-vous pouvoir exporter beaucoup de vos produits vers l'Europe, exception faite...

M. John Core: Si on peut écarter les subventions à l'exportation, si on peut réduire le soutien accordé à l'intérieur du pays, de sorte que la concurrence se fait de cultivateur en cultivateur, les objectifs de circulation des produits seront peut- être atteints. À court terme, il y a un certain mouvement des produits, mais ce n'est pas en Europe, car c'est là un environnement protégé.

Le président: Je vais devoir m'arrêter, car d'autres gens attendent, mais je ne comprends toujours pas. Vous devez nous aider à comprendre. Si je saisis bien, une subvention à l'exportation en Europe ne gênera pas l'accès aux marchés en Europe. Ce sont seulement des subventions à l'exportation pour les exportations européennes, ce qui gêne notre accès aux marchés tiers.

M. John Core: S'il y a une subvention à l'exportation en Europe, la somme que touche le producteur laitier européen est plus élevée qu'elle le serait en temps normal. Je n'obtiens pas pour moi-même des subventions à l'exportation du gouvernement au Canada. Cette source de soutien gouvernemental ne figure pas parmi mes sources de revenu. Il y a là tout un effet de distorsion sur ma capacité de concurrencer le producteur laitier européen, à cause des subventions à l'exportation.

Le président: C'est une explication utile. Je comprends cela. C'est ce dont les Américains se plaignent pour ce qui touche certains de nos fromages et tout le reste.

Si tout cela se règle donc, votre industrie envisage-t-elle que les producteurs laitiers canadiens puissent expédier leurs produits en Europe? Voilà ma question; c'est une question toute simple. Je comprends pourquoi nous aurions l'idée de pénétrer le marché américain. J'essaie seulement de comprendre s'il y a vraiment la possibilité d'aller en Europe et d'y vendre nos produits.

M. John Core: Si jamais il y a réellement des règles du jeu équitables, sans intervention gouvernementale dans l'industrie laitière, partout dans le monde, cette possibilité existerait.

Le président: D'accord, merci. Nous allons devons céder la parole à d'autres. Peut-être pouvons-nous y revenir.

Monsieur Sauvageau, et puis Monsieur Penson à nouveau.

[Français]

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Ma première question est très générale et rejoint un peu celle de M. Penson lorsqu'il demandait à M. Friesen s'il représentait l'ensemble des producteurs agricoles. À la fin de ces consultations, on va peut-être avoir une levée de boucliers de la part de l'opinion publique et, entre autres, des producteurs agricoles qui vont dire qu'il ne faut pas négocier sur telle question ou qu'il faut négocier sur tel aspect.

Ma première question porte sur la transparence et les consultations. Pensez-vous que les producteurs et les productrices se sentent consultés, concernés et informés par ces rondes de consultations? Est-ce que ces consultations sont suffisamment nombreuses?

Le comité compte voyager. Le Comité permanent de l'agriculture l'a fait également. Est-ce qu'on invite suffisamment d'intervenants pour bien prendre le pouls des producteurs et des productrices pour ce qui est de l'ensemble des produits? Est-ce que les délais sont suffisants? Est-ce que les provinces sont également suffisamment consultées?

[Traduction]

M. Robert Friesen: À la FCA, nous consultons nos membres, bien sûr. Comme je l'ai déjà dit, notre fédération compte dix regroupements agricoles provinciaux. Il y en a un pour chacune des provinces. En Saskatchewan, le syndicat de blé provincial est membre de la FCA. Puis, il y a AgriCorp, qui regroupe les syndicats de blé de l'Alberta et du Manitoba. Nous avons le groupe GO5. Il y a aussi à bord le Conseil canadien du porc et l'industrie de la betterave à sucre.

Tous les autres secteurs nationaux au Canada qui ne sont pas directement représentés le sont tout de même par l'entremise de l'association agricole générale de la province. L'association des éleveurs de bétail ne fait pas partie de la FCA. Toutefois, par l'entremise des regroupements agricoles généraux des provinces, nous représentons aussi les producteurs de boeuf dans bien des cas.

Nous les consultons grâce à un mécanisme tout à fait transparent, et lorsqu'un problème se présente, nous ne cherchons pas à les éviter. Un groupe n'use pas de coercition pour persuader l'autre de se rallier à sa position. Nous discutons des choses et les réglons, et c'est une expérience très gratifiante de travailler avec ce comité.

Il appartient par ailleurs à ces organisations de donner un écho de nos travaux aux personnes qu'elles représentent. Je sais que les diverses organisations ont mené pas mal de consultations concernant les échanges commerciaux. Certaines provinces ont leur propre politique en matière d'échanges commerciaux. Certes, du côté de la FCA, le fait que les consultations soient ouvertes, transparentes et équitables pour tous nous met à l'aise.

• 1105

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Merci. Dans un des mémoires qui nous ont été présentés et dans l'ensemble de vos positions, on souligne que le Canada doit arriver —cela est évident—avec une position réaliste lors des négociations. Est-ce que cette position réaliste doit être prise avec ou sans consultation avec les Américains? Je vous demande cela parce que lors du Cycle de l'Uruguay, le tout s'était terminé par une confrontation Europe-États-Unis, si on peut s'exprimer ainsi. Est-ce que le Canada doit adopter une position convergente afin d'être en mesure de la défendre face au gouvernement américain et au gouvernement européen, ou y aller de façon indépendante? Je crois que c'est davantage devant les Américains qu'on doit défendre notre position.

[Traduction]

M. Robert Friesen: Je crois qu'il importe pour nous de façonner les outils commerciaux qu'il nous faut pour réaliser les objectifs que nous visons pour l'agriculture canadienne. En réponse à ce qui a été mentionné plus tôt—et peut-être est-ce lié à ce que vous dites en ce moment—, je sais que nous avons fait valoir à plusieurs reprises que c'est par l'OMC que doit passer d'abord et avant tout la négociation de règles justes et équitables en matière commerciale.

La fois où j'ai demandé à l'ancien ministre du Commerce, Art Eggleton, de quelle façon on allait aborder une certaine question commerciale avec les Américains, qui disaient qu'ils n'avaient pas l'intention d'en parler, le ministre a affirmé à propos de l'OMC que les Américains doivent parfois y parler de choses dont ils ne veulent pas parler.

La consultation des Américains et l'élaboration d'une position commerciale commune constituent un dossier qui est encore très présent dans notre esprit. Il suffit de remonter quelques mois seulement dans le passé: certains des sous-gouvernements aux États- Unis se sont défiés tout à fait des engagements contractés par leur gouvernement national à l'OMC et ont causé une détresse considérable au Manitoba et en Saskatchewan à propos du grain et du porc.

Encore une fois, donc, les États-Unis entendent bien faire comme bon leur semble. Dans de nombreux cas, ils ne se soucient pas des engagements qu'ils ont contractés, et ils ne se soucient pas de ce qui arrive à d'autres pays. Encore une fois, je tiens à souligner que nous devons réaliser les objectifs que nous nous fixons pour ce qui touche l'agriculture au Canada.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Mon dernier commentaire porte sur une position réaliste. Vous me permettrez de citer un document qui nous a été remis par notre service de recherche. Je vais citer le passage en question:

    Au Canada, il semble que le débat concernant le clivage entre les secteurs ouverts au commerce, comme les céréales, le porc et les bovins, et les secteurs plus sensibles aux importations, comme le lait et la volaille, ne finit pas de perdurer. Pourtant, à peu près tous les pays ont des secteurs agricoles plus sensibles à l'ouverture des marchés et presque partout on arrive à réconcilier cette vision.

    Fait intéressant à noter concernant ce clivage entre deux types d'agriculture, les groupes d'agriculteurs semblent avoir trouvé un terrain d'entente, tandis qu'au niveau politique le débat piétine.

Pour en arriver à une position réaliste et commune, peut-on régler ce conflit qui semble, si on se fie à la note, exister entre l'Est et l'Ouest ou entre les secteurs ouverts et les secteurs dits sensibles?

[Traduction]

M. Robert Friesen: Permettez-moi de proposer une réponse à cela. Je ne tiens certainement pas à dominer cette période de questions-réponses. Il y a quelque temps, j'ai assisté à une réunion de consultations sur le commerce organisée par le MAAARO, à Guelph. J'y ai présenté un exposé, tout comme l'a fait Mike Gifford.

Par la suite, Mike Gifford s'est fait poser la question suivante: «Jusqu'à quel point cela vous a-t-il gêné, ou encore étiez-vous très gêné, et dans quelle mesure la position que vous avez présentée au cours des dernières négociations a-t-elle nui au Canada?» Je me rappelle ses observations. Je ne le cite pas directement, mais il a dit: «Cela ne m'a pas gêné. C'était tout à fait légitime. Nous n'avons pas agi autrement des autres pays. Nous n'avons rien perdu en demandant ce que nous avons demandé pour les organisations représentant nos secteurs de denrées.»

Le président: Mike Gifford était notre négociateur?

M. Robert Friesen: Oui.

Le président: D'accord, merci.

[Français]

Monsieur Proulx, je crois que vous voulez ajouter quelque chose.

M. Yvon Proulx: Oui, je voudrais ajouter une seule chose là-dessus. Comme vous avez pu le constater et comme le texte que vous nous avez lu le dit, les organisations agricoles canadiennes ont réussi à trouver ce terrain d'entente entre elles. Si, au niveau politique au Canada, on n'a pas réussi à le trouver, les politiciens vont devoir le faire, et cela rapidement, sinon ils vont nous trouver sur leur chemin.

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Penson, et puis monsieur Calder.

• 1110

M. Charlie Penson: J'aimerais faire suite à la discussion que le président vient d'avoir, simplement pour récapituler. Les règles commerciales n'ont pas visé l'agriculture jusqu'à maintenant. Nous avons adopté des règles commerciales après la Seconde Guerre mondiale pour ce qui touche de nombreux produits, puis nous avons appliqué cela à des services et à d'autres choses, mais le cas de l'agriculture s'est révélé très difficile. On n'a pu le faire entrer dans les règles pour différentes raisons dans différents pays—car ce sont des secteurs délicats, si vous voulez. Il y a eu un début, un espoir, au moment des négociations d'Uruguay. Mais tout ce qui a pu être accompli, c'est un premier pas modeste. Je crois que vous avez fait allusion, monsieur Core, au fait qu'il y a eu des problèmes même durant les négociations d'Uruguay, mais qu'au moins nous avons mis les choses en marche.

Ce que je souhaite souligner, c'est que, oui, il y a eu des problèmes par le passé. Essayons de les régler et essayons de progresser pour réaliser certains des objectifs que nous nous donnons et non pas forcément susciter des affrontements au sein de l'industrie canadienne elle-même. Vous dites, monsieur Core—et veuillez bien me le signaler si j'ai tort—que votre industrie ne s'oppose pas à offrir l'accès au marché canadien si vous pouvez obtenir l'accès aux marchés qui permettra à votre industrie de survive dans l'Union européenne, aux États-Unis, et ainsi de suite. Si c'est le cas, ne devrions-nous pas nous concentrer sur ces choses mêmes?

Vous les avez cernées dans certains cas, j'imagine. Les subventions à l'exportation—je suis d'accord avec vous, elles ont un effet de distorsion sur le marché. Nous vivons avec le problème des subventions nationales, surtout dans l'Union européenne, qui ont aussi un effet de distorsion sur le marché. Tout de même, n'est-ce pas là où nous devrions vraiment nous appliquer, mettre notre énergie à essayer de régler les problèmes qui nuisent à notre capacité d'accéder au marché? Si d'autres secteurs ont pu démontrer que cela était avantageux, pour eux, pour l'industrie, pour les services, pour toutes sortes d'autres secteurs, avec un accroissement du commerce et ainsi de suite, le sort des Canadiens ne s'en trouve-t-il pas amélioré, n'est-ce pas vraiment ce que nous cherchons à faire? Ne s'ensuivrait-il pas que le système fermé que nous avons ici, où nous restreignons l'accès aux marchés—dans la mesure où nous pouvons accéder au marché ailleurs, nous pourrons survivre, et, de fait, offrir peut-être une concurrence assez solide, si nous parvenons à atténuer certains des problèmes dont vous avez traité, n'est-ce pas ce que nous cherchons à faire?

M. John Core: C'est ce que j'ai essayé de dire. J'ai pris l'exemple de l'industrie laitière, où l'accès aux marchés représente 4 p. 100. Aux États-Unis, c'est 2,7 p. 100. Nous avons proposé que si tous les pays convenaient de mettre la barre à 5 p. 100, c'est là une position que le Canada pourrait mettre sur la table. Cela aurait une incidence sur l'industrie laitière et une incidence sur d'autres industries qui ne permettent actuellement pas que 5 p. 100 du marché soient accessibles. Tout de même, nous disons que si la barre est fixée à 4 p. 100, alors organisons-nous tous pour que ce soit 4 p. 100, ou encore que si la barre est fixée à 2,7 p. 100, comme c'est le cas aux États-Unis, fixons tous la barre à 2,7 p. 100.

M. Charlie Penson: Et si c'était ouvert, monsieur Core?

M. John Core: Mais ce n'est pas ouvert.

M. Charlie Penson: Non, non, je sais que ce n'est pas ouvert. Je suis conscient des problèmes connus par le passé. Mais nous essayons de progresser. Nous essayons de discuter de façons d'améliorer les choses. Je vous demande: et s'il n'y avait aucun pourcentage, si c'était un système ouvert, comme c'est le cas dans d'autres secteurs?

M. John Core: Mais ce n'est pas un système ouvert, et ce ne le sera pas... Non, je ne cherche pas à m'obstiner. J'énonce simplement un fait. Ce n'est pas ouvert. Si nous étions tous assujettis aux mêmes règles, même si c'était proche, vous pourriez commencer à conjecturer là-dessus, mais vous devez vous fixer un objectif réaliste. Un objectif réaliste serait un accès de l'ordre de 5 p. 100. L'objectif réaliste pourrait être l'élimination totale des subventions à l'exportation. L'objectif réaliste pourrait être de faire plafonner le soutien «national» à 20 p. 100. Ce sont là des objectifs réalistes. Pour dire les choses simplement: c'est bien beau de dire que nous voulons tout ouvrir sans aucune entrave, mais ce n'est pas viable. Les autres pays ne le permettront pas.

Pourquoi le Canada mettrait-il sa tête sur le billot et dirait-il qu'il est prêt à faire cela, alors qu'il est évident que les Européens et les Américains n'ont pas du tout l'intention de procéder ainsi? Ce qu'il faut faire, c'est de proposer des objectifs réalistes. Si vous parvenez à les atteindre, voilà qui est bon, vous progressez sur le chemin que vous jugez souhaitable, mais tant que ces objectifs ne sont pas atteints, cela ne sert à rien d'en demander trop. Bob a signalé plus tôt qu'on ne va pas offrir quelque chose que personne d'autre n'offrira, pour être ensuite pris avec cela au bout du compte, étant le seul pays qui a voulu offrir cela. C'est insensé.

M. Robert Friesen: Puis-je aussi apporter un élément de réponse? On semble être mal à l'aise à l'idée que nous ne proposerons pas d'améliorations par rapport aux dernières négociations commerciales. Très brièvement, s'il n'y avait pas les produits regroupés en Europe—bien sûr, j'ai déjà mentionné ce que cela ferait à l'industrie du porc. On a déjà parlé de ce que ce dossier de l'accès aux marchés visait à faire, de savoir si cela ferait une différence ou non pour notre industrie.

• 1115

Je peux vous dire que notre commission provinciale du porc, ici au Manitoba, serait favorable si l'accès au marché européen était décuplé et si nous pouvions en obtenir une bonne part.

L'autre mesure que nous demandons maintenant, dans notre énoncé sur le commerce, c'est l'élimination des allocations attribuées à des pays précis. Un pays libre-échangiste par excellence comme la Nouvelle-Zélande, si les allocations attribuées aux pays particuliers étaient éliminées—et l'industrie laitière connaît certainement cela plus que moi. Certaines des industries d'exportation s'effondreraient, car elles dépendent très, très fortement des allocations attribuées à des pays précis. Si nous parlons d'éliminer entièrement les contingents tarifaires, les tarifs, l'industrie des grains nous dit que, pour le seul cas du Japon, l'élimination des contingents tarifaires donnerait 120 millions de dollars supplémentaires par rapport à ce qui est actuellement exporté au Japon. C'est ce que nous demandons dans notre énoncé sur le commerce. Nous proposons donc des améliorations, mais ce sont des améliorations conditionnelles, car il nous faudrait certainement, au départ, attendre pour voir comment les autres pays se positionnent.

Permettez-moi de vous donner un autre exemple. J'ai déjà dit que le Canada a été très transparent pour ce qui touche l'accès aux marchés. Eh bien, vous devez savoir que dans l'ALENA, une industrie comme celle du poulet en donne beaucoup plus que les 5 p. 100 pour lesquels on s'est engagé à l'OMC. L'accès aux marchés que nous demandons représente donc une amélioration, et notre énoncé sur le commerce représente une amélioration. Ce n'est pas encore un document parfait. Cela ne donne pas encore forcément la position de négociation parfaite, mais cela donne une amélioration et cela fait progresser les choses. Fait encore plus important, cela profite à tous les secteurs de denrées que nous représentons.

M. Charlie Penson: J'ai une brève question pour M. Miner. Cela a trait au droit international de la concurrence. C'est lui qui a abordé cela dans son mémoire. Monsieur Miner, vous avez parlé de la nécessité de transparence dans le cas des entreprises commerciales d'État. Les membres de l'Organisation mondiale du commerce discutent quelque peu du droit international de la concurrence. À vos yeux, quel est le lien, surtout dans le cas où un pays comme la Chine se joindrait à l'Organisation mondiale du commerce, où les entreprises commerciales d'État sont nombreuses? Cela pourrait-il faire partie de ce cycle de négociations et être utile aux discussions?

Le président: C'est la version brève de la question?

M. Charlie Penson: Eh bien, peut-être le témoin peut-il nous donner une réponse qui sera brève.

M. William Miner: J'aimerais être optimiste et dire que les règles régissant le droit de la concurrence seront abordées sérieusement au prochain cycle. Il pourrait y avoir certains progrès, mais c'est un dossier extrêmement complexe et difficile où nous n'avons pu réaliser beaucoup de percées jusqu'à maintenant.

Si j'en parlais, c'était davantage pour évoquer le rôle des organisations commerciales d'État dans le secteur agricole. Ce que je donne à entendre, c'est que si vous étudiez la concurrence dans le domaine des exportations et envisagez l'élimination des subventions à l'exportation, du moins l'espère-t-on, d'autres formes de dispositifs d'exportation seront soumises à l'étude, ou encore ce sera des organisations comme les organisations commerciales d'État. C'est dans ce contexte que je crois qu'il pourrait y avoir certains progrès dans le domaine agricole, quant à la façon dont nous traitons les activités d'organisations du point de vue des règles. Autrement dit, nous exigerons peut-être d'elles qu'elles démontrent, que ce soit par leur mode de fonctionnement, par l'ouverture totale ou partielle, qu'elles respectent bel et bien les règles, ou encore leur système n'est peut-être pas encore suffisamment transparent pour qu'il soit évident qu'elles, de fait...

M. Charlie Penson: N'ont-ils pas besoin du cadre international, de l'OMC...?

M. William Miner: Ce sont les règles du cycle d'Uruguay lui- même, ou de l'accord sur l'agriculture lui-même. Il y a aussi un comité de l'OMC qui travaille sur le commerce d'État. Cela s'appliquerait à tous les biens, y compris ceux du domaine agricole. Encore une fois, il pourrait en ressortir quelque chose pour ce qui est des règles qui s'appliquent à l'ensemble des organisations commerciales d'État. Tout de même, je crois que cela sera probablement lié, dans le domaine agricole, à des engagements précis touchant l'accès à l'importation ou à l'exportation.

Le président: Monsieur Calder.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

De fait, Bob, l'accès à notre marché ici, dans le cas du poulet, se situe à 7,5 p. 100. C'est considérablement plus élevé que dans le cas des Américains.

Le président: Ils s'en vont tous directement à sa ferme.

M. Murray Calder: Il y a trois semaines environ, un sondeur de la société Angus Reid a posé en hypothèse que le Canada serait 10 ans en avance sur les États-Unis pour ce qui est de la réduction des subventions.

• 1120

Nous étions à Washington il y a deux semaines. Une des choses que nous avons constatées, au moment de rencontrer Larry Combest et Dick Lugar, c'est qu'ils étaient très intéressés, et presque préoccupés par ce qui se passe actuellement au sein de la Communauté économique européenne, surtout avec l'introduction de l'euro. Au moment où nous étions là, il y avait beaucoup de conjecture de leur part quant à une position commerciale nord- américaine visant à contrer la position commerciale de l'Union européenne.

J'ai aussi quelques préoccupations à ce sujet-là, car je me soucie de ce que l'agriculture canadienne soit absorbée pour ainsi dire par la politique agricole américaine, entre autres. Je me demande aussi en quoi cela toucherait la position du Canada à l'intérieur du Groupe de Cairns. Je me demande si l'un d'entre vous accepterait de s'interroger tout haut sur la possibilité d'une position commerciale proprement nord-américaine.

M. Robert Friesen: Je m'excuse, monsieur Calder, mais est-ce que vous m'adressez la question à moi?

M. Murray Calder: N'importe lequel parmi vous.

M. Robert Friesen: Je tenais à répondre à cela, simplement parce que votre commentaire à propos de l'accès, dans le cas du poulet, me laisse un peu perplexe. Ce que je voulais dire, à propos de l'accès dans le cas du poulet, c'est que l'entente que nous avons conclue à l'OMC pour un accès minimum est tributaire de la période de base.

M. Murray Calder: Oui.

M. Robert Friesen: L'entente qui fait partie de l'ALENA en ce qui concerne l'accès des États-Unis au Canada, dans le cas du poulet, repose sur la consommation enregistrée pour l'an dernier. Et comme l'industrie du poulet a connu une croissance notable depuis la période de base, l'accès accordé est plus grand.

M. Murray Calder: C'est tout à fait ce que je disais.

M. Robert Friesen: D'accord.

M. Murray Calder: Maintenant, voulez-vous vous interroger sur...? Eh bien, voilà Martin qui part. Bon.

M. Martin Rice: Nous avons nombre d'objectifs commerciaux en commun avec les Américains. Cela ne fait aucun doute. Je crois que les deux pays souhaiteraient certainement que l'accès aux marchés européen et asiatique soit plus grand.

Je ne suis pas convaincu de la profondeur de l'engagement des États-Unis quant à l'élimination des subventions à l'exportation. J'ai l'impression que l'administration tient certainement les bons propos, c'est-à-dire qu'elle dit vouloir les éliminer. Tout de même, quand je m'adresse aux organisations agricoles américaines, je ne vois pas beaucoup cet engagement. Je crois qu'elles aiment bien tirer avantage de ces instruments lorsque les prix mondiaux baissent.

Comme vous, j'étais aussi à Washington il y a quelques semaines. Il y a eu de nombreux appels en faveur du recours aux subventions à l'exportation pour que de plus nombreux produits américains sortent du pays. Je ne suis donc pas sûr que nous pourrions adopter une position aussi ferme à cet égard.

De même, sur le plan du soutien intérieur, je crois que nous sommes certainement en meilleure position qu'eux pour poursuivre une réduction notable. Je crois que le Canada a besoin d'éviter l'affrontement qui a eu lieu entre l'Union européenne et les États- Unis au moment du dernier cycle—les deux parties nous ont servi la position du «c'est à prendre ou à laisser». À la fin de l'Uruguay Round, nous n'avions plus vraiment l'occasion de travailler sur certains des dossiers dont nous avons parlé aujourd'hui, c'est-à- dire l'administration des contingents tarifaires et ainsi de suite.

Il nous faut certainement continuer à travailler dans d'autres groupes, au Groupe de Cairns, autant que possible. Mais, personnellement, je ne crois pas qu'il conviendrait pour nous de nous enraciner trop dans une position nord-américaine.

M. Murray Calder: Oui, monsieur Core.

M. John Core: Je suis d'accord avec Martin. Je crois que la politique agricole américaine est visiblement motivée par des questions intérieures. Le meilleur exemple concerne les élections au Congrès tenues l'automne dernier: subitement, 6 milliards de dollars se sont matérialisés en guise de soutien à l'agriculture aux États-Unis. Le plus gros affront dans tout cela, c'est que même si l'industrie américaine des produits laitiers affichait ses prix les plus élevés jamais enregistrés, plus élevés en fait que ceux du Canada, elle a reçu 200 millions de dollars sur les 6 milliards de dollars accordés à l'industrie en guise de soutien. Or, ce sont des considérations politiques intérieures qui ont motivé cela.

Essayez de rallier les États-Unis à une position où ils voudraient fixer un plafond au soutien intérieur ou encore éliminer entièrement les subventions à l'exportation... Je ne vois simplement pas en quoi une telle idée aurait pour ainsi dire le soutien intérieur voulu aux États-Unis. Tant et aussi longtemps que ce genre de soutien n'existera pas sur la scène mondiale, les règles du jeu seront tout à fait inéquitables. Je ne nous vois donc pas en position pour créer une telle alliance avec les États-Unis.

M. Murray Calder: D'accord. Si j'ai posé la question, c'est qu'elle m'amène en fait à poser une deuxième question, qui me paraît très importante au sujet de tout ce dossier.

Lorsque nous avons négocié cela en 1993, je crois que le raisonnement était le suivant: vendre bon marché ne marche pas pour de bon. Autrement dit, on ne peut produire à perte pendant une longue période. La banque finit par se pointer à la porte.

• 1125

Évidemment, maintenant nous constatons que les cultivateurs qui transigent sur le marché international n'en tirent aucun profit, car le prix des denrées est vraiment bas. La question qu'il faut se poser en ce moment, c'est comment nos négociateurs peuvent- ils négocier un objectif coût-avantage s'ils ne connaissent pas les retombées économiques de la chose au départ? Voyez-vous où je veux en venir? Les autres pays, en ce moment, fournissent des subventions. Ils ne les ont pas réduites, en fait. Ils subventionnent toujours. Les États-Unis ont encore leur programme de subventions aux exportations. Les Européens recourent au jeu de l'utilisation anticipée dans le cas du blé, entre autres. C'est la situation où nous nous trouvons. Tous ces problèmes sont censés être réglés au moment où nous abordons les négociations de l'an 2000. Tout est là. Rien n'a été réglé. Comment nos négociateurs procéderont-ils? Quelle serait votre recommandation?

Le président: Qui veut s'essayer?

M. John Core: Je commencerai, monsieur le président. Je crois, monsieur Calder, qu'il faut revenir aux questions fondamentales dont nous parlions aujourd'hui. Si nous n'arrivions pas là où nous croyions être arrivés grâce aux négociations d'Uruguay, alors il faut revenir aux soucis fondamentaux encore une fois, c'est-à-dire de créer un système fondé sur des règles. Martin traitait de la question de la subvention des exportations. Oui, nous avons procédé à une réduction. Toutefois, la réduction ne règle pas le problème; cela ne fait que maintenir le déséquilibre. Il faut donc viser la règle «zéro-zéro» dans le cas des subventions à l'exportation.

Pour ce qui est de la question du soutien intérieur, tant et aussi longtemps que l'Europe peut passer du vert au bleu et que les États-Unis peuvent créer des programmes qui s'inscrivent dans la catégorie verte, le soutien intérieur ne fera rien pour régler les questions liées aux prix, dont vous parliez, sur le marché mondial. On revient encore une fois aux questions fondamentales. Tant et aussi longtemps que vous ne réglez pas ces questions, vous ne pouvez pas vraiment vous attaquer aux questions plus grandes. Les négociateurs devront donc revenir à la table et dire: «Eh bien, revenons au point zéro encore une fois. Nous avons tous convenu de traiter des subventions à l'exportation, de l'accès aux marchés et du soutien intérieur.»

Voilà les questions qui se présentent. Nous avons progressé un peu, mais nous n'avons certainement pas fait le genre de progrès que nous escomptions, de sorte qu'il faut revenir et essayer de voir si nous pouvons négocier de véritables règles à propos de ces questions fondamentales.

Le président: Merci.

Monsieur Speller, je crois que vous avez une question à poser. En fait, il y a trois sénateurs ici—les témoins ne le savent peut- être pas—qui proviennent du Comité de l'agriculture. Ils ont été très patients et bien élevés jusqu'à maintenant, mais voilà que le sénateur Taylor a décidé qu'il était résolu à intervenir. Nous lui donnerons l'occasion de poser une question.

Monsieur Speller.

M. Bob Speller: Merci, monsieur le président. Je serai bref. Je dois d'abord remercier tous les personnes qui nous ont présenté un exposé aujourd'hui. Je crois que votre travail, et particulièrement le travail qu'a accompli la FCA pour réunir les divers secteurs du pays en vue de faire valoir une position unifiée... Bien entendu, la participation du conseil du porc et de l'alliance nous amène à croire, nous du gouvernement, que les négociations seront facilitées d'autant, étant donné que nous pourrons compter sur un front uni. La dernière fois, comme vous le savez, ce n'est que sur le tard que nous avons pu compter sur un front uni, et il est bon que vous vous soyez dotés cette fois-ci d'une position commune.

Monsieur Proulx, nous avons l'intention de ne présenter notre position qu'un peu avant la ronde de pourparlers qui se déroulera à Seattle. Je ne crois pas que le moment soit bien choisi pour abattre notre jeu. Certes, nos consultations se poursuivent. Le mois prochain, le ministre de l'Agriculture organise une nouvelle rencontre avec tous les groupes agricoles pour s'assurer que notre position est clairement définie. Monsieur Friesen, j'attends avec impatience le résultat de vos discussions avec M. Rice, qui ont pour but de raffiner votre position.

Monsieur Core, je tiens de la même façon à vous remercier d'avoir arrêté, en collaboration avec le groupe GO5, une position des plus fermes. Je pense qu'il s'agit d'une position réaliste, qui a incontestablement le mérite de s'attaquer à certaines des préoccupations soulevées par d'autres secteurs. Je vous remercie du travail que vous avez effectué.

J'aimerais simplement poser une question rapide. Je pense qu'on peut y répondre assez rapidement, au contraire de celle qu'a posée M. Penson. Je me demande ce que vous faites sur la scène internationale avec des organisations agricoles d'autres pays. Avez-vous une idée de l'état d'avancement de leurs réflexions dans ce domaine? Envisagez-vous de former des alliances avec ces groupes dans l'intention d'affermir votre position?

• 1130

M. Robert Friesen: Je vais répondre du point de vue de la FCA. Nous menons des consultations internationales sur deux fronts. Bien entendu, comme vous le savez, l'ex-président de la FCA, Jack Wilkinson, est le vice-président de la Fédération internationale des producteurs agricoles. Il occupe actuellement le poste de président des affaires commerciales. Il est gratifiant de constater, à la lecture de la déclaration de la FIPA en matière de commerce, la présence d'éléments de la position de la FCA.

Cette négociation ne s'est pas non plus faite sans mal. En fait, on a cru, à la veille de l'assemblée de la FIPA qui s'est tenue à Manille le printemps dernier, que le Japon allait se retirer de la démarche. À la dernière minute, on est parvenu à un consensus, ce qui, une fois de plus, représente un progrès très intéressant. Sur ce plan, la FIPA regroupe de 60 à 70 pays.

Par ailleurs, nous sommes aussi en contact avec les porte- parole d'agriculteurs européens et nord-américains, que nous avons rencontrés à San Diego en octobre dernier. Par moments, ces pourparlers sont fort intéressants dans la mesure où, malgré les différences dans les dynamiques agricoles de l'UE, des États-Unis et du Canada, l'on retrouve souvent des points communs, notamment entre l'UE et le Canada. En fait, il y a deux ans, nous avons assisté à une rencontre au cours de laquelle les États-Unis et l'UE ont abordé la question de la biotechnologie. On a un jour résumé comme suit l'art de la diplomatie: dire à quelqu'un d'aller au diable en termes tels que l'intéressé attend avec impatience le moment du départ. Les Européens se sont plutôt bien tirés d'affaire avec les États-Unis dans le dossier de la biotechnologie.

Voilà les deux fronts sur lesquels nous consultons d'autres producteurs agricoles.

Le président: Je vous remercie.

Auriez-vous l'amabilité de transmettre au comité une copie de l'exposé de principes de la FIPA? Je pense que le document pourrait nous être utile dans nos travaux.

M. Robert Friesen: Sans aucun problème.

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur. J'apprécie votre aide.

Sénateur Taylor.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (Bon Accord, Lib.): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, de nous avoir autorisés à assister à vos travaux. Les membres du comité de direction du Comité sénatorial de l'agriculture sont ici présents. Le sénateur Whelan agit comme vice-président, et le sénateur Gustafson, comme président.

Notre comité vient tout juste de passer dix jours en Europe, nommément en Angleterre, en Belgique, en France et en Italie. Certes, nous avons rencontré des producteurs et des agriculteurs, mais nous avons consacré un temps égal aux transformateurs et aux consommateurs.

Vous n'avez fait qu'effleurer cette question ici, mais nous avons la très nette impression qu'on a déjà connu là-bas une révolution qui fait son bout de chemin ici, que cela nous plaise ou non, dans les rapports avec le consommateur, qu'il s'agisse de la biotechnologie, de la modification génétique, du déplacement des hormones et tout le reste. J'ai la forte conviction que ce que disent les producteurs canadiens, mais aussi les producteurs américains, c'est: «ne rien dire, ne rien entendre», et que nous nous sommes tous laissés endormir.

Nous n'allons pas pouvoir pénétrer les marchés en question à moins de nous réveiller et de nous retrousser les manches. J'ai l'impression que nombreux sont ceux qui voudraient que vous renonciez à une bonne partie de ces marchés, mais tout tient à l'exactitude de l'étiquetage. Ce que je comprends, c'est que nous tentons toujours de vendre des aliments de 1985 à des consommateurs européens de l'an 2000.

Ma question est donc la suivante. Que recommandez-vous à vos membres et aux producteurs qui tentent de pénétrer ce marché dit plus raffiné, qui non seulement existe, mais en plus s'étend rapidement? Les consommateurs ne vont pas accepter qu'on leur fasse manger des aliments modifiés ou traités aux hormones sans savoir de quoi il s'agit. J'ai l'impression que vous espérez que le problème va disparaître de lui-même. Après la visite qu'a effectuée le comité là-bas, j'ai la certitude—je pense que le sénateur Gustafson sera d'accord avec moi—qu'il ne va pas disparaître. Qu'entendez-vous faire à ce sujet?

M. Robert Friesen: La biotechnologie touche probablement quelques secteurs producteurs de biens. La FCA étoffe toujours sa position dans le dossier de la biotechnologie. L'un des points que nous avons fait ressortir à l'occasion de rencontres est qu'il faudra très bien communiquer avec les clients éventuels et, à coup sûr, avec l'utilisateur final, à savoir le consommateur. Bien entendu, le document de l'OMC interdit le recours à des allégations et à des conjectures pour entraver l'accès à des marchés par des moyens tels que la biotechnologie et d'autres questions sanitaires et phytosanitaires. Nous voulons donc établir de très bonnes communications.

• 1135

Comme vous le savez bien, nous n'exportons plus de canola génétiquement modifié depuis un certain temps déjà. Si je comprends bien, l'UE commence à s'ouvrir quelque peu à certaines variétés. Cependant, nous avons suivi de très près les négociations du protocole relatif à la biosécurité. Comme vous le savez, il s'agit de négociations en cours aux NU qui ont pour but de compliquer grandement la tâche des pays qui souhaitent exporter des produits génétiquement modifiés. Je n'entrerai pas dans les détails, mais nous avons travaillé en très étroite collaboration avec les négociateurs chargés du dossier. Si on parvient à une entente qui respecte les principes défendus par certaines ONG, notre industrie céréalière sera une fois de plus en proie à de graves difficultés à cause de l'exportation de produits génétiquement modifiés et de la réticence de l'UE à l'égard des produits en question.

Plus tôt, j'ai fait allusion aux pourparlers qu'ont tenus l'UE et les États-Unis dans ce dossier. Bien entendu, vous avez raison de dire que, à en croire la version des Américains, nous devons aller de l'avant, qu'il est impératif de le faire et que nous devons imposer à tout prix de tels produits. Qui se soucie de l'opinion des consommateurs? Allons de l'avant de toute façon.

Bien entendu, l'UE se montre très prudente face à une telle approche en raison de certains des problèmes qu'elle a éprouvés par le passé. Sans nier les bienfaits de la biotechnologie, l'UE tient à agir prudemment et à avancer lentement. Oui, des travaux sont actuellement en cours dans certains de ces domaines également.

Le président: Je vous remercie.

Deux ou trois autres personnes ont demandé à intervenir. Nous allons maintenant passer au sénateur Gustafson.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (Saskatchewan, PC): J'aimerais simplement poser une brève question à M. Miner. Je suis heureux de voir votre déclaration concernant le traitement similaire dans les dossiers des céréales et de la viande rouge. Seulement, j'ai l'impression qu'on mélange ici les pommes et les oranges. D'une part, nous souhaitons créer un marché protégé pour l'industrie laitière, l'industrie de la volaille, etc. D'autre part, nous avons, dans l'Ouest, un marché ouvert pour les céréales et le reste. Je puis vous dire que les agriculteurs de l'Ouest ont l'impression d'avoir été sacrifiés au profit de ceux de l'Est, sur les plans politique et commercial, en raison du système de quotas et le reste. La question a été soulevée ici plus tôt par un collègue.

M. Murray Calder: Vous recevez une subvention. Nous n'en recevons pas.

Le sénateur Leonard Gustafson: Qu'est-ce qu'une subvention? Nous avons renoncé à la Subvention du Nid-de-Corbeau. Voilà à quoi nous avons renoncé. Je ne suis pas d'accord avec M. Friesen, pour qui nous n'avons renoncé à rien. L'industrie de la volaille et l'industrie laitière n'ont renoncé à rien, mais les producteurs de l'Ouest ont renoncé à la Subvention du Nid-de-Corbeau, d'une valeur de un dollar le boisseau. En fait, c'est Otto Lang qui a dit que nous aurions besoin de subventions de l'ordre de 15 milliards de dollars sur dix ans dans l'hypothèse où la Subvention du Nid-de- Corbeau serait supprimée. Qu'avons-nous obtenu? Nous avons obtenu 1,6 milliard de dollars.

Je tiens à dire quelque chose de très positif à propos du rapport.

Le président: Vous deviez poser une question très brève, et non pas faire une déclaration à saveur politique.

Le sénateur Leonard Gustafson: Récemment, le ministre Goodale a déclaré que le Canada et les États-Unis devraient s'unir dans le cadre des négociations commerciales mondiales. Selon lui, nos deux pays devraient s'allier à nos partenaires de l'hémisphère occidental pour faire avancer leurs objectifs stratégiques commerciaux dans le cadre de l'OMC. Je suis parfaitement d'accord. À mon avis, nous devrions aller trouver les Américains et leur dire: «Vous êtes au courant du problème que pose le grain à la frontière.» Pourtant, ils ne le voient pas. Dans toutes les exploitations agricoles de l'Ouest canadien, vous verrez de la machinerie de marque John Deere, de marque Case et de marque International. Le commerce va dans les deux sens.

J'aimerais entendre M. Miner sur ces questions. Je pense qu'elles occupent une place prépondérante dans son rapport.

• 1140

M. William Miner: J'accueille volontiers l'observation, et c'est manifestement ainsi que je vois les choses, bien que ma position soit peut-être un peu plus loin que certains des commentaires entendus ici.

Il me semble que le secteur agricole canadien, au même titre que d'autres, non seulement fait partie du marché nord-américain, mais aussi que nos circuits alimentaires sont en voie de s'intégrer sur le plan nord-américain. Cette dynamique va bien au-delà de nos relations avec l'Europe, même si nous entretenons indubitablement certaines relations avec cette région également. C'est dans cet esprit que, à mon avis, nous devrions adopter des positions concertées dans la mesure du possible.

Bien entendu, je ne saurais contredire les observateurs selon qui tous les groupes américains ne souhaitent pas la disparition des subventions à l'exportation. De toute évidence, c'est bien le cas.

Si, par ailleurs, nous ne bénéficions pas de l'appui des Américains dans ce dossier, nous n'allons pas non plus nous débarrasser d'eux, de sorte que nous devons, dans un dossier de cette nature, nous appuyer sur une position de départ relativement forte.

On peut faire une observation analogue dans le dossier de l'accès. Dans de nombreux domaines, nous nous entendons sur les objectifs, et, dans certains autres, nos points de vue divergent, mais de façon générale nous nous sommes engagés sur la même voie. Une fois de plus, nous n'avons pas le choix dans la mesure où nous faisons partie d'un circuit intégré, qui n'est pas encore parfaitement intégré, mais qui avance rapidement dans cette direction. À moins que nous ne modifions les règles commerciales en conséquence, nous allons continuer d'être confrontés à de graves conflits bilatéraux dans des secteurs où les négociations ne sont pas terminées.

Ma dernière observation, monsieur, c'est que, dans le domaine du soutien national, les engagements sont de nature plus générale et donc, de toute évidence, moins contraignants. En fait, il est très difficile d'obtenir des engagements fermes de la part des gouvernements quant au soutien de leur industrie. Si, une fois de plus, les États-Unis ne s'engagent pas à réduire de façon générale leurs subventions dans le secteur, nous ne parviendrons pas à nos fins. En ce qui concerne l'Europe et d'autres régions du monde, notamment le Pacifique et la Chine, nous devons adopter une position commune pour réaliser ces objectifs. Dans le cas contraire, j'ai bien peur que nous n'y parviendrons pas.

Le président: Monsieur Miner, je me permettrai peut-être de donner suite à votre réponse à la question parce que vous avez évoqué l'avènement d'un système intégré. Il suffit de penser à la guerre de la banane: les États-Unis qui ne comptent pas parmi les producteurs, luttent contre l'Europe, qui ne compte pas non plus parmi les producteurs. Il en résulte d'énormes tensions commerciales qui, par la bande, s'étendent aux producteurs de cachemire et à tous les autres.

Est-ce là la voie dans laquelle nous nous sommes engagés? Il me semble qu'on risque de voir les problèmes liés à la production agricole s'étendre à tous les autres secteurs. Jusqu'ici, on a eu affaire, selon M. Penson, à un monde distinct qui faisait sa propre affaire. L'intégration signifie-t-elle que les producteurs canadiens seront mêlés à des différends internationaux pour des motifs de propriété plutôt que de production locale? C'est la raison qui explique l'action des États-Unis dans ce dossier. Le problème, c'est que l'United Fruit Company appartient à des Américains. Les États-Unis ne produisent pas de bananes, mais des sommes importantes sont en jeu, et nous devons savoir que certaines questions liées à des contributions à des campagnes électorales sont aussi en cause.

Ce sont là des problèmes intéressants. Est-ce ce que l'avenir réserve au secteur agricole?

M. William Miner: J'hésite à utiliser l'exemple de la banane comme point de départ pour envisager l'avenir.

Il s'agit d'un très vieux contentieux, comme vous le savez tous, lié aux traitements tarifaires préférentiels qui étaient accordés et qui, à certains égards, le sont encore aujourd'hui. Nous sommes incontestablement en train de nous éloigner de ces modes de traitements tarifaires préférentiels, et je pense que c'est là la voie à suivre.

Bien entendu, les récriminations tiennent au fait qu'on favorise certains pays et certaines entreprises qui ne bénéficient pas des accords préférentiels, et par conséquent nous avons affaire à un différend. Personnellement, je suis heureux que le Canada n'y soit pas directement mêlé.

Que nous réserve l'avenir? Il est certain que nous ne serons jamais pleinement intégrés, mais, en ce qui concerne la valeur ajoutée à notre secteur agricole, même au niveau des exploitations agricoles, nous avons commencé à vendre tel ou tel type de produit donné, selon telle ou telle caractéristique précise, souvent des modes de transformation ou de ségrégation données. Il semble bien que ce soit la marche à suivre.

• 1145

De toute évidence, le phénomène, au sein du marché nord- américain, se produit dans un certain nombre de secteurs très importants de l'agriculture canadienne. Une fois de plus, je pourrai citer les secteurs des céréales et de la viande rouge à titre d'exemples extraordinaires, mais il y en a de nombreux autres. Par conséquent, j'ai l'impression que c'est là la voie sur laquelle nous nous sommes engagés. Des différends sont possibles.

Franchement, je pense que c'est la voie du droit de la concurrence qui constitue la meilleure façon de préserver l'intérêt des grandes sociétés, et je pense que nous parviendrons peut-être ici à obtenir l'adoption de certaines règles internationales.

Le président: Si, pour poursuivre votre réflexion, nous sommes engagés dans cette voie, nous aurons intérêt à axer nos efforts de négociation sur les questions phytosanitaires et sanitaires parce que, dans le nouveau flux des échanges commerciaux, c'est dans ce secteur réglementaire que les obstacles apparaîtront, plutôt que dans les tarifs, comme c'était traditionnellement le cas. Ai-je raison? S'agit-il d'un bon résumé de la situation?

M. William Miner: Je suis d'accord pour dire que les exigences techniques du marché prennent de l'importance au fur et à mesure que les barrières plus grandes sont abolies. En ce sens, vous avez raison. Je ne me concentrerai pas nécessairement sur ces seuls aspects, mais je les inscrirais assurément à l'ordre du jour.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Monsieur Friesen, je pense que vous avez été le premier à demander la parole.

M. Robert Friesen: J'ai quelques commentaires à faire, mais M. Proulx aimerait d'abord dire quelques mots.

Le président: Monsieur Proulx.

[Français]

M. Yvon Proulx: Sur cette question d'une position concertée et coordonnée avec les Américains, j'aimerais dire que lorsque je regarde ce que les Américains font et l'ensemble du harcèlement qu'ils ont fait, au cours des dernières années, avec leurs attaques contre notre secteur laitier et nos exportateurs de grains dans l'Ouest canadien, je dis oui à une position concertée avec les Américains, lorsque cela est possible. Mais, en règle générale, je crois que la position qu'on devrait adopter par rapport aux Américains serait de les attaquer bien plus souvent à notre tour. Ils sont toujours en train de nous attaquer. Est-ce qu'on les attaque? On devrait les attaquer régulièrement à notre tour et surveiller de façon extrêmement serrée tout ce qu'ils font.

Pour ce qui est des 10 milliards de dollars qu'ils ont injectés récemment dans leur secteur agricole, à cause de la crise des grains et de celle du porc, est-ce que quelqu'un, au sein de nos gouvernements, a examiné la la conformité de cet argent versé eu égard aux engagements qu'ont pris les Américains lors des dernières négociations commerciales? Si cela n'est pas conforme, pourquoi ne les attaque-t-on pas? Pourquoi? Je suis en faveur de la concertation avec les Américains, mais eux n'en veulent pas. Eux, ils nous attaquent. Il y a un vieux principe qui dit: «Si tu veux la paix, prépare la guerre». Je pense qu'on devrait leur faire la guerre bien plus souvent.

Le président: Monsieur Proulx, c'est un principe que nous avons rejeté dans notre rapport sur la dénucléarisation dans le monde. Dans le secteur agricole, vous nous proposez une chose que nous avons rejetée dans le secteur nucléaire. Il y a toujours des complications dans la vie.

[Traduction]

Monsieur Friesen.

M. Robert Friesen: Je vous remercie, monsieur le président.

Pour revenir sur certains des points soulevés par M. Gustafson, nous avons été très favorables et, en réalité, mêlés de près aux consultations menées par le gouvernement canadien auprès des États-Unis dans le dossier du différend frontalier. Nous tenions à ce que les porcs et les céréales franchissent la frontière le plus rapidement possible.

Incidemment, un camion de transport était déjà en vue de l'usine de transformation quand la police américaine l'a intercepté et lui a ordonné de faire demi-tour, de sorte que le conducteur n'a eu d'autre choix que de revenir sur ses pas. Nous sommes très favorables à ces consultations, qui visent à mettre fin à ce genre de contravention illégale.

En ce qui concerne ce que M. Goodale a dit au sujet des consultations avec les Américains, j'ai lu un discours qu'il a prononcé aux États-Unis il y a quelques mois, et c'était peut-être le même. Dans le discours, il s'est dit d'avis que la Commission canadienne du blé se conformait parfaitement aux engagements et aux règles de l'OMC. À leur demande, a-t-il dit, la Commission a été vérifiée, si je m'en rappelle bien, à environ six reprises. Il est temps qu'ils nous laissent tranquilles parce que, a-t-il dit, nous nous conformons aux règles. Il s'est montré très ferme sur ce point.

En ce qui concerne vos commentaires au sujet de la suppression de la Subvention du Nid-de-Corbeau, du point de vue de la protection de la gestion de l'offre, je ne crois pas que tel soit le cas. Certes, Mike Gifford a déclaré que ce n'était pas le cas. Puis-je vous rappeler que j'ai mentionné, plus tôt, que le Canada avait pris les devants en s'engageant à ramener à zéro ses subventions à l'exportation pour se rendre ensuite compte du fait que les autres pays ne s'étaient engagés qu'à une réduction de 36 p. 100 de la valeur et à 21 p. 100 du volume. Je pense qu'il s'est agi d'une décision nationale visant à réaliser des économies.

• 1150

M. Bob Speller: Quel est le nom de l'ancien ambassadeur des États-Unis? Il a écrit un livre et dit quelque chose au sujet de l'abandon de la Subvention du Nid-de-Corbeau par Brian Mulroney.

Le président: M. Bachand n'est pas ici, monsieur Speller.

Le sénateur Leonard Gustafson: Puis-je réagir à cette déclaration?

Le président: Non, je ne crois pas. Nous n'allons pas entrer dans ce débat.

D'accord. M. Penson et M. Sauvageau ont demandé à parler.

M. Charlie Penson: J'aimerais poser une brève question au sujet de la meilleure approche possible pour tenter d'obtenir certains déblocages dans le cadre de la prochaine ronde. Devrions- nous conserver une approche sectorielle dans le domaine de l'agriculture? Ou encore vaudrait-il mieux aborder la question dans le cadre d'une ronde générale? J'aimerais entendre les témoins sur cette question et savoir quelle est, à leur avis, la meilleure approche possible.

M. Robert Friesen: Monsieur le président, je viens tout juste de consulter mon spécialiste. Il s'agit d'une question nouvelle pour la FCA, mais je pense que nos membres viennent tout juste d'en arriver à un consensus selon lequel une ronde complète permettrait mieux d'atteindre les objectifs qu'ils poursuivent.

M. Martin Rice: Nous sommes indubitablement de cet avis. L'Europe sera beaucoup moins disposée à faire des concessions de nature à améliorer l'accès à ces marchés si elle n'obtient pas, en contrepartie, un meilleur accès pour ses services et biens manufacturés, pour lesquels elle tient vraiment à obtenir un accès plus grand. S'il ne s'agit pas d'une ronde complète, je pense que la portée des négociations sera relativement limitée.

Le président: Monsieur Miner.

M. William Miner: À ce propos, je n'aurai qu'un seul commentaire: je suis d'accord pour dire que nous avons besoin d'une ronde complète. Il ne s'ensuit pas nécessairement, cependant, que l'agriculture sera toujours traitée comme un objet de négociation distinct dans le cadre de cette ronde élargie. Dans le monde de l'agriculture, je pense que tous les secteurs feront l'objet de négociations. À mon avis, nous aurions cependant intérêt à ordonner nos objectifs secteur par secteur, enjeu par enjeu, aussi bien que de façon générale, dans le cadre d'une ronde complète. En d'autres termes, on doit s'intéresser à chaque secteur de manière à déterminer ses objectifs.

J'ajoute toutefois que, dans le cadre de la ronde générale complète, nous devrons nous intéresser, comme je l'ai indiqué dans mes propos antérieurs, à d'autres accords. Je pense notamment aux mesures disciplinaires touchant les subventions applicables de façon générale à tous les biens, qui revêtent une importance particulière, de même qu'aux aspects touchant le règlement des différends de l'OMC, très importants dans le contexte de l'agriculture. Si j'en parle, c'est que, même s'il existe actuellement des règles particulières pour l'agriculture, il m'apparaît évident, lorsqu'on interroge l'avenir, que ce secteur sera traité de la même façon que d'autres biens, dans le cadre des règles d'application générale de l'OMC.

[Français]

Le président: Monsieur Sauvageau.

M. Benoît Sauvageau: J'ai une question brève pour M. Proulx. J'aimerais avoir un complément d'information.

Si j'ai bien compris, vous avez dit que dans les négociations, il faudrait tenir compte du revenu garanti aux producteurs et aux productrices, qui visaient un revenu de base viable et intéressant. En même temps, vous avez dit que vous étiez d'accord sur l'élimination des subventions et des programmes visant à établir un prix uniforme. Peut-on faire les deux?

M. Yvon Proulx: J'ai dit que j'étais favorable à l'élimination des subventions à l'exportation, mais qu'il fallait maintenir des programmes de stabilisation et de sécurité du revenu au niveau de notre marché intérieur.

M. Benoît Sauvageau: Merci.

M. Yvon Proulx: Comme tous les pays le font d'ailleurs.

M. Benoît Sauvageau: D'accord.

M. Yvon Proulx: Nous avons fait état précédemment de données statistiques qui montrent que dans d'autres pays du monde, particulièrement dans la Communauté européenne, au Japon et même aux États-Unis, le niveau de soutien total accordé au secteur agricole et agroalimentaire est même supérieur à ce qu'il est ici.

M. Benoît Sauvageau: D'accord. Ce complément me permet de mieux comprendre.

J'ai entendu autre chose. Je ne sais pas si cela est vrai et je veux avoir une confirmation à ce sujet. J'ai entendu dire qu'aux États-Unis, le blé était transporté par les bateaux de la marine américaine. Si on élimine les subventions à certains programmes mais que c'est l'armée qui transporte le blé, on n'est pas en situation d'équivalence. Est-ce que cette information est vraie?

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M. Yvon Proulx: Je l'ignore. Toutefois, s'il est vrai que l'armée américaine transporte le grain à ses frais, c'est une forme de subvention à laquelle...

M. Benoît Sauvageau: Est-ce que d'autres personnes voudraient répondre?

[Traduction]

Le président: Monsieur Sauvageau, M. Calder nous indique être en mesure de répondre à la question.

M. Murray Calder: Les ingénieurs militaires assurent l'entretien du réseau hydrographique du Mississipi. Pour l'essentiel, les barges sont encore exploitées par des intérêts privés. Cependant, c'est un peu comme si l'armée canadienne assurait l'entretien de la Voie maritime du Saint-Laurent. Pour s'en sortir, ils disent: «Eh bien, c'est ainsi que nous assurons la formation de nos ingénieurs.»

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Ils transportent le blé parce que...

[Traduction]

Le président: Monsieur Leduc.

[Français]

M. Yves Leduc (directeur adjoint, Commerce international, Producteurs laitiers du Canada): Pour répondre à la question de M. Sauvageau, je crois qu'il y a encore beaucoup de travail à faire à ce niveau.

Cela m'amène à parler de la question des programmes d'aide aux États-Unis. On n'a pas encore toute la documentation à cet égard, mais il semble y avoir des programmes qui comportent des dispositions obligeant l'achat de biens américains par l'intermédiaire de ces structures. En ce qui nous concerne, il y a encore beaucoup de travail à faire à ce niveau. Nous allons essayer de nous renseigner sur ces programmes et ces dispositions au cours des prochains mois.

Le président: Merci, monsieur Leduc.

[Traduction]

Le moment est venu de conclure, mais, monsieur Friesen, je vais peut-être me permettre de vous poser une question rapide. Vous avez fréquemment fait référence au fait que le Canada joue franc- jeu par rapport à d'autres pays. Lorsque vous assistez à des réunions de la FIPA, vos collègues d'autres pays vous disent-ils: «Oui, vous vous tirez plutôt bien d'affaire, au contraire de nous», ou encore: «Allons donc, vous trichez vous aussi»? Vous disputez- vous avec eux? La perception que vous avez de l'attitude irréprochable du Canada correspond-elle à l'image que se font de nous les étrangers, par exemple ceux que vous rencontrez à la FIPA?

M. Robert Friesen: Si nous présentions les enjeux, les faits et les chiffres que nous avons exposés aujourd'hui, oui, ils n'auraient d'autre choix que de nous donner raison. Oui, nous abordons assurément les questions touchant à des appuis nationaux, de façon relativement ouverte. Bien entendu, des pays comme le Japon, qui ne font pas partie de l'UE—on établit des comparaisons dans ce cas également. Ces questions font l'objet de discussions relativement franches.

Le président: Eh bien, je vous remercie tous. Vos témoignages se sont révélés très, très intéressants et très utiles. Nous les apprécions beaucoup, et

[Français]

comme M. Proulx l'a dit, il y aura d'autres occasions parce que nous allons voyager à travers le pays,

[Traduction]

mais nous vous remercions beaucoup. Nous allons maintenant ajourner nos travaux jusqu'à mardi matin, à 8 h 30.

Je tiens simplement à rappeler aux membres du comité que mardi sera une journée très chargée. Nous allons devoir débuter à 8 h 30 pour pouvoir entendre nos témoins. En effet, nous accueillons le directeur général de l'OSCE. Il vient à Ottawa. Comme vous le savez, nous avons évoqué la question du Kosovo. Nous aurons ainsi l'occasion de l'entendre. Il sera donc parmi nous pendant une heure et demie, soit de 11 heures à 12 h 30. Dans l'après-midi, nous accueillerons un autre groupe de témoins. La journée sera donc très chargée. Je m'en excuse, mais nous devons mener à bien la présente étude.

Je vous remercie beaucoup.