SCYR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité des enfants et jeunes à risque du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 22 mai 2002
¹ | 1545 |
Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)) |
M. Ghislain Picard (vice-chef régional, Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador) |
Le président |
M. Ghislain Picard |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
Le président |
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ) |
M. Ghislain Picard |
º | 1600 |
Mme Monique Guay |
M. Ghislain Picard |
Mme Monique Guay |
Mme Marjolaine Sioui (coordonnatrice à la petite enfance, Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador) |
Mme Monique Guay |
Mme Marjolaine Sioui |
M. Ghislain Picard |
Mme Monique Guay |
Mme Marjolaine Sioui |
Mme Monique Guay |
º | 1605 |
Le président |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
M. Ghislain Picard |
Mme Anita Neville |
M. Ghislain Picard |
Mme Anita Neville |
M. Ghislain Picard |
º | 1610 |
Mme Anita Neville |
M. Ghislain Picard |
Mme Anita Neville |
Le président |
º | 1615 |
M. Ghislain Picard |
º | 1620 |
Mme Marjolaine Sioui |
Le président |
M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.) |
Mme Marjolaine Sioui |
M. Alan Tonks |
º | 1625 |
Mme Marjolaine Sioui |
M. Alan Tonks |
Mme Marjolaine Sioui |
M. Alan Tonks |
Mme Marjolaine Sioui |
M. Alan Tonks |
Mme Marjolaine Sioui |
M. Alan Tonks |
M. Ghislain Picard |
M. Alan Tonks |
M. Ghislain Picard |
º | 1630 |
Mme Marjolaine Sioui |
M. Jules Picard (coordonnateur des services sociaux, Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador) |
º | 1635 |
Le président |
Mme Monique Guay |
Mme Marjolaine Sioui |
Mme Monique Guay |
Mme Marjolaine Sioui |
º | 1640 |
Mme Monique Guay |
Le président |
Mme Monique Guay |
Le président |
M. Ghislain Picard |
º | 1645 |
Le président |
M. Ghislain Picard |
Le président |
CANADA
Sous-comité des enfants et jeunes à risque du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 22 mai 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1545)
[Français]
Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Je remercie nos invités d'être venus. Je sais bien que c'est toujours compliqué de venir ici, surtout de lieux aussi lointains. Nous sommes ravis de vous revoir après tant de négociations, mais il était essentiel que vous soyez avec nous cet après-midi. Nous nous excusons à cause du vote. Les votes nous compliquent beaucoup la vie.
Nous recevons cet après-midi des représentants de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador. Nous entendrons trois personnes, dont les noms sont sur la liste. Est-ce vous, monsieur Picard, qui allez débuter? Est-ce que vous avez décidé entre vous de l'ordre dans lequel vous allez parler?
M. Ghislain Picard (vice-chef régional, Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador): Si vous le voulez, je vais faire la présentation principale, mais lorsque viendra le moment d'échanger, je pourrai demander à Mme Sioui ou à M. Jules Picard de répondre à certaines questions.
Le président: Excellent. Merci de votre mémoire. C'est très beau. J'aime bien ce dessin.
M. Ghislain Picard: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, membres du comité et invités.
[Traduction]
J'aimerais vous remercier de m'avoir invité ici aujourd'hui afin de vous faire part des progrès importants accomplis par les Premières nations du Québec en vue d'assumer la charge de la prestation des services et des programmes destinés aux membres de leurs nations, principalement les programmes destinés à améliorer la vie de nos enfants. En tant que Premières nations, nous avons insisté de façon constante pour obtenir le droit inhérent de gérer nos affaires. Nous avons affirmé que les programmes et services les plus efficaces sont ceux qui sont conçus, développés et mis en place par la communauté.
Au cours de la dernière décennie, les communautés des Premières nations du Québec ont investi des efforts considérables en vue de créer et de mettre en place des mécanismes locaux d'exécution dans plusieurs domaines. Nous avons toujours maintenu que par lui-même, aucun secteur, ni programme, ni ministère public ne pouvait résoudre les différents problèmes sociaux et économiques que connaissent nos nations. Nous croyons qu'avec ces droits, il est de notre responsabilité d'assurer que tous les programmes, non seulement satisfont les besoins fondamentaux de nos gens, mais aussi qu'ils respectent les traditions, les valeurs et les cultures particulières de chaque nation, dans chaque communauté. Au Québec, nous avons aussi créé des structures régionales pour aider, sur demande, les communautés dans l'élaboration et l'intégration des critères et des lignes directrices, ainsi que pour agir comme liens entre les communautés et les intervenants.
J'aimerais souligner qu'un document a été préparé, lequel est plus détaillé.
Il y a 10 Premières nations et les Inuits au Québec. Chaque collectivité possède sa propre langue et sa culture, ses propres traditions, son passé et ses valeurs. Au Québec, la grande majorité des communautés autochtones sont membres des Premières nations du Québec, et la grande majorité des Autochtones vivent dans leur communauté. Cela signifie, dans les faits, qu'une approche orientée sur la communauté constitue la façon la plus efficace de fournir des services.
Chaque nation autochtone est aussi différente et distincte des autres que peut l'être une nation européenne des autres. Et à l'instar des nations européennes, nous avons créé des structures régionales pour desservir nos besoins communs. Au Québec, plusieurs de ces structures ont été regroupées sous l'égide de l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador. Jusqu'à maintenant, plusieurs commissions ont été créées dans le but de faciliter la mise en place de services dans les domaines de la santé, des services sociaux et du développement des jeunes enfants, de l'emploi et de la formation, du développement économique et de l'éducation. Bien que chaque commission ait reçu son propre mandat spécifique, elles ont en commun les objectifs suivants: faciliter la création et le développement des systèmes de prestations de services dans les communautés; fournir un soutien technique et administratif dans les domaines du développement, de la formation et de la recherche; promouvoir l'échange d'idées, d'innovations et de pratiques; fournir aux personnes, aux communautés et aux nations une tribune pour faire connaître leurs préoccupations et partager leur vision; servir de lien entre les membres, les communautés et les intervenants concernés; fournir de l'aide aux intervenants et aux membres dans l'élaboration de mesures efficaces de responsabilisation et fournir un soutien technique lorsque les communautés en font la demande.
L'élément essentiel de ce système est la reconnaissance formelle que chaque nation, chaque communauté possède le droit inhérent de déterminer ses propres besoins et priorités, le droit de maintenir son autonomie sur les questions liées aux programmes, et ceci inclut le droit de ne pas être membre d'aucune des commissions. J'aimerais cependant souligner le fait que nos commissions ont connu beaucoup de succès en regroupant plusieurs des communautés des Premières nations. Elles ont encouragé la mise en place d'un réseau de soutien mutuel ainsi que la création d'une nouvelle compétence qui respecte les particularités de chaque communauté et de chaque nation. Leur compétence et leurs innovations ont été confirmées et acclamées par plusieurs ministères et représentants du gouvernement.
Dans le domaine des programmes spécifiques destinés aux enfants et à leurs familles, plusieurs progrès et innovations ont été réalisés. Je citerai les exemples de l'intégration des programmes d'aide à l'enfance et Bon départ aux Centres de la petite enfance du gouvernement provincial; le développement de programmes de prévention adaptés à la culture dans les domaines de la santé et de l'éducation; la création de services en enseignement spécial dans le cadre d'un projet pilote; et l'accroissement de la recherche, de la formation et de la mise en valeur du potentiel pour les travailleurs et les membres des communautés.
¹ (1550)
[Français]
Ce ne sont là que quelques-uns des progrès réalisés. Il y a plusieurs autres services et innovations qui ont été mis en place. Malheureusement, et c'est souvent le cas, plusieurs initiatives sont financées en tant que projets-pilotes à court terme et, bien qu'elles se soient avérées être des réussites reconnues par les fonctionnaires du gouvernement, elles sont souvent abandonnées parce qu'on ne peut les financer dans le cadre de programmes nationaux existants. La rigidité des critères et le manque de fonds continuent d'être l'une des principales constatations lors des consultations, des enquêtes et des évaluations. Nos évaluations et consultations ont aussi révélé que les points suivants sont communs dans plusieurs secteurs et services.
Le processus résultant de l'exercice, par les premières nations, de leur droit inhérent à gérer les services et les programmes prévus est celui qui répond le mieux aux intérêts de leurs membres.
On ne peut mettre en place une protection mur à mur par l'intermédiaire d'une structure nationale; les principes importants demeurent la flexibilité, le contrôle local sur la mise en place de la prestation du service, le regroupement régional des responsabilités administratives partagées, et la mise au point d'outils d'évaluation et de formation adaptés aux réalités locales.
Le processus réel de l'intégration et de la prestation des services s'effectue au niveau local et au niveau de la communauté; cette intégration implique plusieurs partenaires autres que les ministères fédéraux.
De nouvelles stratégies novatrices sont aussi élaborées au niveau de la communauté et sont souvent particulières à une communauté ou à une nation.
Les principes de flexibilité et de mise en place de programmes soutenus par des principes directeurs et des objectifs clairs et cohérents, sous l'impulsion et la conduite de la communauté, se sont révélés très efficaces au Québec. Cela a permis plus d'intégration entre plusieurs secteurs et la création de partenariats entre les ministères des gouvernements fédéral et provincial. Cela a été reconnu par plusieurs fonctionnaires du gouvernement fédéral au Québec.
Les compétences et les gains qui ont été acquis par les premières nations au Québec doivent être maintenus et incorporés dans un nouveau cadre. En termes simples, ne jetez pas le bébé avec l'eau du bain.
Il existe un besoin d'harmoniser les critères et les façons d'établir les rapports entre les ministères fédéraux, tout en maintenant les principes directeurs et les objectifs nationaux.
Le processus de transfert de responsabilités signifiait une réduction des coûts pour les gouvernements fédéral et provincial. Malgré tout, les niveaux de financement des services sont demeurés les mêmes, alors que notre population, la demande et l'inflation ont continué de croître. Ceci est une situation inverse de celle des services et programmes existants pour les organismes non autochtones et non gouvernementaux tels que les centres d'aide à l'enfance. Le principe de passer ces réductions de coûts aux premières nations doit être étudié davantage.
Plusieurs des innovations et des solutions aux défis rencontrés par les premières nations viendront d'une approche orientée sur la communauté qui respecte et qui soutienne les capacités de chaque communauté, ainsi que sa vision et ses besoins particuliers.
Des fonds supplémentaires doivent être disponibles pour assurer des services d'évaluation de tout enfant ou famille aussitôt qu'on a identifié le besoin de services spécialisés ou dès qu'on a déterminé que l'intégrité du développement de l'enfant ou de la famille est à risque.
Nous ne prétendons pas affirmer que nous avons trouvé une panacée pour les défis de taille auxquels nous devons nous attaquer en tant que nations. Cependant, nous maintenons que des étapes importantes ont été franchies dans la mise en place de structures et de systèmes qui s'avéreront efficaces à long terme pour permettre aux personnes de reprendre leur vie en main et d'améliorer non seulement leurs conditions de vie, mais aussi le bien-être de leurs enfants et de leur famille.
Pour plusieurs premières nations du Québec, les 40 dernières années ont été une période de grands changements. Ces changements ont souvent été suscités par des stratégies et des initiatives qui abordaient un problème particulier d'une façon telle que de nouveaux problèmes étaient créés.
En terminant, j'aimerais simplement mentionner que des changements aux ententes, programmes et services existants doivent être évalués non seulement pour leurs avantages à court terme, mais aussi en ayant à l'esprit leurs impacts à long terme. Avant tout, ces changements doivent être faits en partenariat et négociation avec les premières nations et dans l'intérêt commun de nos générations futures. Merci beaucoup.
¹ (1555)
Le président: Merci bien. Je ne sais pas si M. Jules Picard et Mme Marjolaine Sioui ont des choses à ajouter ou s'ils répondront tout simplement aux questions. C'est comme vous le voulez.
Donc, commençons tout de suite avec Mme Guay.
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais vous remercier d'être venus nous rencontrer ici, au comité. Veuillez nous excuser du léger retard. Cela arrive de temps à autre.
Dans votre discours, vous avez parlé de projets-pilotes. Vous dites qu'il y a des projets-pilotes qui sont intéressants, mais qu'il faudrait qu'il ne s'agisse pas seulement de projets à court terme, bien que certains se soient avérés très rentables. Pouvez-vous nous citer des exemples de tels projets?
Le but du comité était peut-être d'évaluer certains projets-pilotes possibles. Cela va nous indiquer une direction à prendre dans notre rapport en ce qui concerne les enfants de 0 à 6 ans.
M. Ghislain Picard: Je vais permettre à Mme Sioui ou à M. Picard d'aborder la question de cette clientèle particulière. Un exemple que je pourrais citer est celui de l'éducation spéciale pour les enfants, qui concerne une partie de la clientèle à laquelle vous faites allusion. Le Conseil en éducation des Premières Nations travaille depuis 1992 à un projet qui vise à donner aux étudiants et étudiantes de nos communautés qui ont des besoins spéciaux des services adaptés à leur réalité. Il nous a fallu travailler de 1992 à 1997 pour faire accepter au ministère fédéral des Affaires indiennes qu'il existait des besoins, après avoir fait une comparaison de ce qui existe dans le milieu non autochtone et dans le milieu autochtone.
Après un projet-pilote de trois ans au niveau de ces services, on s'est engagé dans un processus national visant à étendre les services spécialisés en éducation à l'ensemble des communautés autochtones. On avait fait tous les travaux possibles pour prouver qu'il était nécessaire de financer ces services. Finalement, on a pu présenter des chiffres démontrant combien tout cela allait coûter. Donc, on est arrivés avec des chiffres et finalement, lors du dernier budget, on nous accordé un montant de 60 millions de dollars sur deux ans, soit 30 millions de dollars par année pour les deux prochaines années, alors que les estimations qu'on avait faites étaient de l'ordre d'un minimum de 150 millions de dollars par année.
Quel sera le résultat? On aura créé un service et on l'aura financé pendant une période de trois ou quatre ans en tant que projet-pilote, et le résultat sera qu'on aura des services sous-financés.
º (1600)
Mme Monique Guay: Et donc moins efficaces.
M. Ghislain Picard: La démographie au niveau de nos communautés nous démontre autre chose.
Mme Monique Guay: Madame Sioui.
Mme Marjolaine Sioui (coordonnatrice à la petite enfance, Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador): Voici un autre exemple qu'on peut donner. On a annoncé des nouveaux budgets de 185 millions de dollars pour les besoins spéciaux reliés au syndrome d'alcoolisme foetal et pour les projets du PAPA. De nouvelles initiatives ont été créées. Je siège à un comité pour la région. On n'a pas encore déterminé à quoi vont servir les montants qui ont été annoncés. Les trois ministères, DRHC, Affaires indiennes et Santé Canada, sont encore en train de déterminer la façon dont sera utilisé cet argent.
Dans le cadre du PAPA, au niveau des projets-pilotes qu'on voudrait faire, on a établi des outils d'évaluation. On a déterminé, selon les régions, les projets-pilotes qui pourraient servir à évaluer ces outils d'évaluation et on va les mettre en place.
Cependant, si on regarde les budgets qui sont alloués, on voit déjà qu'il y a un besoin criant en matière de nouvelles infrastructures. On a des listes d'attente énormes dans les communautés, et on nous donne des budgets qui sont encore limités et dont on ne sait même pas encore à quoi ils vont servir. De quelle façon sera-t-on capables de soutenir ces projets-pilotes par la suite, lorsqu'on va vouloir les implanter? C'est un autre exemple qu'on peut citer.
Mme Monique Guay: Est-ce que le gouvernement du Québec vous donne aussi de l'argent pour cela?
Mme Marjolaine Sioui: Au niveau du gouvernement du Québec et des centres de la petite enfance, les communautés ont l'autonomie nécessaire pour implanter chez elles cette initiative. Cependant, dans notre région, on ne veut pas obliger les communautés à se tourner vers ces choses-là. C'est un choix qui leur est donné dans le cadre de leur autonomie et elles peuvent faire ce choix si elles le veulent.
Quand on va vers la province, cela occasionne d'autres choses au niveau des lois qui sont en place et entraîne certaines différences au niveau des communautés et de leur façon de gérer les choses. C'est un processus qu'on est en train d'examiner. Les communautés y ont accès, parce que cette initiative a été rendue disponible pour tous les gens et toutes les communautés.
En ce qui concerne les services de garde, au niveau national, les budgets qu'on reçoit présentement représentent entre 3 000 $ et 5 000 $ par enfant. Dans le cadre du programme qui a été créé dans la province de Québec, on investit environ 10 000 $ par enfant. L'écart est grand, et il faut étudier cela.
M. Ghislain Picard: Si vous me le permettez, je compléterai la réponse à la question que vous avez posée. Pour beaucoup de communautés, en principe, on fait affaire avec le fédéral, mais il faut savoir que pour beaucoup de communautés, lorsqu'on frappe à la porte de la province, cela facilite un peu trop le désengagement du gouvernement fédéral quant à ces services.
Mme Monique Guay: Monsieur Picard, vous parlez des centres de la petite enfance. On offre à vos communautés la possibilité d'en bénéficier ou d'appliquer ces programmes. Est-ce que vous diriez que c'est un succès, que ça fonctionne bien?
Mme Marjolaine Sioui: À la prochaine assemblée des chefs, au niveau régional, on va soumettre une offre de services. On est en train d'évaluer l'impact qu'ont, au niveau des communautés, les services qu'offre la province. Présentement, quand les communautés choisissent d'accepter du financement de la province pour les centres de la petite enfance, elles se soumettent aux mêmes lois qu'une autre ville. Cela a un impact important qu'on n'a pas étudié avant de mettre cela en place. C'est pour cela qu'on est en train d'étudier la situation avec le ministère de la Famille et de l'Enfance.
Mme Monique Guay: Vous avez quand même une certaine autonomie. Je sais que le gouvernement du Québec a l'esprit assez large à cet égard et ne vous serre pas à la gorge. Lorsqu'on arrive dans des réserves, on n'arrive pas avec nos gros sabots. Je pense que le but ultime, c'est que vous soyez autonomes dans tous les domaines et dans tous les programmes possibles. Je vous comprends un peu. Quand on a à choisir entre un service où on donne 10 000 $ par enfant et un autre où on donne de 3 000 $ à 5 000 $, et que vous êtes représentés par le gouvernement fédéral, ça devient un peu problématique. Je peux très bien comprendre cette situation.
Je vais laisser ma collègue vous poser quelques questions et je reviendrai tout à l'heure.
º (1605)
[Traduction]
Le président: Madame Neville.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Je regrette, mais je ne parle pas le français.
Merci d'être venu aujourd'hui, et merci pour votre exposé. Il semble que ce que vous faites fonctionne bien, que vous parvenez à faire une différence dans votre communauté.
J'ai été frappée de vous entendre dire que le véritable processus d'intégration des services s'effectue au niveau local et au niveau de la communauté, et que de nombreux partenaires y participent, à part les ministères fédéraux. J'aimerais en savoir un peu plus sur le processus. Je voudrais en savoir plus sur ce qui se fait à l'échelle communautaire. De plus, quel rôle, le cas échéant, le gouvernement fédéral joue-t-il dans la planification et la prestation des programmes et services?
M. Ghislain Picard: Je peux vous donner l'exemple de l'intégration des services de garde et du programme Bon départ. C'est probablement un programme unique au pays, dans les communautés autochtones, né de ce que les communautés ont exprimé: pourquoi déployer des efforts parallèles quand nous pouvons nous unir et être plus efficaces? Nous pensons que le gouvernement fédéral doit être là pour appuyer ce genre d'initiative, mais aussi il doit être conscient que quels que soient les programmes que l'on crée, il faut tenir compte du contexte de la communauté et concevoir les programmes de manière à répondre aux réalités qui peuvent s'exprimer de façon différente dans les communautés autochtones. C'est pourquoi nous pensons que l'approche globale ne peut pas fonctionner, parce qu'il y a des régions spécifiques qui ont des façons spécifiques de fonctionner.
Je dis ceci avec tout le respect que je dois aux processus nationaux. C'est quelque chose en quoi nous croyons, et chaque fois que l'opportunité se présente, nous avons le devoir, en tant que représentants d'une région, d'être présents et de contribuer aux démarches nationales qui sont entreprises. Mais en même temps, je pense qu'il nous faut de la flexibilité afin de pouvoir adapter les programmes, et la façon dont ils sont déployés dans les régions, aux contextes régionaux.
Mme Anita Neville: Que serait, selon vous, celui de vos programmes qui est le plus réussi, et quel serait votre plus grand besoin en matière de développement de programmes?
M. Ghislain Picard: C'est une question difficile, mais néanmoins très intéressante. L'une des réponses que nous donnons le plus souvent lorsque, par exemple, on nous demande nos priorités, c'est qu'il est difficile de choisir une priorité parmi tant d'autres.
Mme Anita Neville: Nous devons pourtant tous le faire.
M. Ghislain Picard: Oui, je peux le comprendre, mais étant donné la quantité de travail que nous faisons au niveau régional, dans le but réel d'accroître la capacité de la communauté, ma réponse devrait être que tout ce que nous faisons, dans n'importe quel domaine, a besoin de soutien. C'est pourquoi nous mettons beaucoup d'efforts et un accent marqué sur l'approche intégrée, parce que ce que nous faisons dans le domaine de la santé aura des répercussions sur l'éducation, ce que nous faisons en éducation aura une incidence sur le développement des ressources humaines.
Avec la flexibilité appropriée, la capacité appropriée, nous pouvons faire beaucoup plus, mais nous devons aussi tenir compte du fait que le défi est beaucoup plus grand pour nous que pour nos confrères et consoeurs non autochtones. Les données démographiques sont, d'une certaine façon, en notre faveur, mais en même temps, elles ne le sont pas parce que les ressources sont limitées. Alors, nous pensons que si les ententes que nous concluons avec le gouvernement peuvent avoir la flexibilité voulue, peut-être aurons-nous plus de moyens pour faciliter notre approche collective, étant donné les mandats particuliers que nous avons au niveau régional.
º (1610)
Mme Anita Neville: Je suis impressionnée par le fait que vous composiez de façon holistique avec les problèmes communautaires—nous avons parlé ici d'approche horizontale. Quel conseil donneriez-vous aux autres communautés, tant celles des réserves que des villes, sur la manière de coordonner l'approche entre les ministères et les régions, parce que vous avez tout à fait raison, c'est la bonne manière de procéder?
M. Ghislain Picard: Comme je l'ai dit dans mon document, et c'est quelque chose en quoi nous croyons profondément, c'est qu'il y a dans notre pays une grande variété de peuples autochtones et de nations. Nous avons cette même diversité au Québec, où vivent une dizaine de nations différentes, mais je pense, si vous voulez cerner cet unique objectif commun, que plutôt que d'envisager 12, 15 ou 20 différents objectifs, on se facilite la tâche en essayant d'atteindre cet objectif unique. C'est ce que nous avons tenté de faire.
En même temps, je pense qu'il est très important de ne pas créer d'institutions régionales qui sont plus importantes ou qui ont plus de ressources que ce qui existe au niveau communautaire, parce que nos démarches au niveau régional ont une durée de vie fixe, à moins que les communautés nous disent qu'à leur avis nous avons trouvé quelque chose, une espèce de recette pour, peut-être, une autorité régionale, ce qui n'est pas le cas actuellement. La situation actuelle, c'est que nous avons réellement le devoir d'accroître la capacité des communautés par la formation, l'éducation et le renforcement de leurs fondations, constituées par leurs membres. C'est le genre de travail que nous faisons, c'est le genre de principes dont partent nos démarches à l'échelle régionale.
Nous n'avons donc pas de conseil à donner. Nous pouvons expliquer ce que nous faisons dans notre région, et si cela peut s'appliquer à d'autres régions, tant mieux.
Mme Anita Neville: Je vous remercie.
Le président: Merci.
Je voudrais souhaiter la bienvenue à M. Tonks. Je sais quelle question il va poser. Je vais le laisser poursuivre la lecture du mémoire pour qu'il puisse poser sa question sur le Québec—je sais exactement ce que c'est et je ne voudrais pas lui gâcher son effet. J'ai moi-même une question à poser, en attendant.
Ce que je vais demander fait, en réalité, une sorte de suivi. Je remarque dans votre document, qui est très utile, que vous parlez, M. Picard, de choses qui ont déjà été entreprises avec les ministères fédéraux, mais vous avez demandé une plus grande harmonisation des programmes fédéraux, et aussi avec leurs bureaux régionaux. Comme Mme Neville, j'ai été très encouragé d'entendre qu'il y a quelque chose qui se fait déjà en ce sens. Vous avez cité l'excellent exemple du programme Bon départ, qui vient de Santé Canada, et de programmes d'aide à l'enfance, qui sont l'oeuvre du ministère du Développement des ressources humaines. Est-ce que ce sont des relations spéciales avec des communautés particulières? Comment cela fonctionne-t-il? Où le gouvernement du Québec intervient-il là-dedans? De toute évidence, il faut plus de ces programmes, auxquels participeraient Santé Canada, DRHC et les Affaires indiennes, au moins, et nous voudrions qu'ils aillent dans le sens de l'attribution de plus d'autorité et de pouvoir de décision à l'échelle locale. Cependant, pouvez-vous nous donner une petite idée de ce qui existe? Est-ce que ce sont des arrangements ad hoc, communauté par communauté, dans le cadre d'une collaboration entre deux ou trois ministères? Comment cela fonctionne-t-il?
º (1615)
M. Ghislain Picard: Probablement le mot clé est-il harmonisation. Autre chose à quoi je pense, c'est le fait que les communautés se montrent très disposées à collaborer. Un des exemples que nous pouvons donner, dans notre région, c'est le fait qu'il y a des communautés très bien structurées, qui ont la population de base suffisante pour pouvoir dire nous n'avons pas besoin de participer à des initiatives régionales, nous pouvons nous débrouiller seules. Et pourtant, il règne cet esprit qui fait dire aux gens, je pense que nous pouvons certainement quelque chose à donner, mais aussi quelque chose à recevoir des plus petites communautés.
Quant à notre perspective de notre place dans nos opérations régionales, avec le gouvernement du Québec, rien n'est imposé, mais nous devons aussi comprendre qu'il y a des situations où il nous faut coopérer et collaborer avec le gouvernement du Québec. Quoique nous pensions, nous vivons au Québec. Parfois, nous devons entretenir cette relation avec la province, mais cela doit se faire dans le respect de ce que nous sommes et des réalités de nos communautés autochtones.
Ces arrangements ne sont pas, à mon avis, ad hoc. Je pense que c'est plus qu'un simple arrangement ou un simple programme. Je crois que les communautés, lorsqu'elles s'unissent, s'efforcent réellement de réaliser quelque chose qui leur sera bénéfique à long terme. Comme je l'ai dit tout à l'heure, notre espérance de vie, en tant qu'organisation régionale, est assez précise, dans le sens où nous ne pouvons continuer d'exister que si les communautés que nous desservons décident que nous devons continuer d'exister. C'est ainsi que nous fonctionnons et il n'y a rien à dire contre cela.
En même temps, je crois que les communautés ont aussi tendance à mesurer leur propre développement et leur évolution à l'étalon de l'efficacité avec laquelle ils peuvent renforcer leurs propres institutions des Premières nations. Ce n'est qu'en s'unissant, particulièrement étant donné la relation fiscale et administrative avec le gouvernement fédéral, qui doit être améliorée pour que nous puissions parvenir à un équilibre dans les programmes qui nous sont fournis et dans la manière dont nous gérons ces programmes.
Je vais laisser Marjolaine poursuivre.
º (1620)
[Français]
Mme Marjolaine Sioui: Au niveau des communautés, on parle de la façon dont on crée des liens. Il y a deux ans, lorsqu'on a réuni les deux secteurs pour former un secteur de la petite enfance pour les programmes liés aux enfants, on a beaucoup mis l'accent sur la création de liens au sein de la communauté. Comme vous le savez, il y a les autres initiatives comme Grandir ensemble, le PCNP et le FAS/SAF. Toutes ces initiatives sont reçues au sein de la communauté. Pour donner un meilleur service, lorsqu'on veut mettre toutes ces initiatives ensemble, on peut créer des outils ou mettre en place des façons d'aider les familles et les enfants des communautés.
Le problème de tout cela, lorsqu'on reçoit en plus un montant de la province, c'est qu'on augmente le travail dans les communautés, alors qu'on a toujours des ressources financières ou humaines limitées. Cela entraîne un surcroît de travail au sein de la communauté, surtout dans les petites communautés. Comme Ghislain le disait tout à l'heure, il y a des communautés qui, à cause de leur population, sont capables de s'offrir plus de choses et de livrer les services différemment d'une petite communauté d'environ 400 personnes.
Également, on a un surcroît de rapports à faire. Quand on parle d'harmonisation, il y a beaucoup de rapports administratifs à faire. C'est très lourd parce qu'on doit refaire le même travail. Qu'il s'agisse d'une initiative de 5 000 $ ou d'une initiative de 300 000 $, on doit faire le même travail au sein de la communauté. On cherche des façons d'alléger les critères ou les façons de faire des ministères. On cherche une façon de mettre tout cela ensemble et d'alléger la tâche pour tout le monde, surtout pour les communautés qui ont un besoin plus grand de ce côté-là. Ce sont toutes des choses qui sont à revoir et à réévaluer, parce que présentement, pour ces petites communautés, ça ne fonctionne pas nécessairement bien. Il leur est plus difficile de donner les mêmes services que les autres.
[Traduction]
Le président: Thank you.
Monsieur Tonks, êtes-vous prêt?
M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.) Je vous remercie pour votre députation. Je m'excuse, il fallait que je sois à un autre comité.
Dans votre document, vous dites que plusieurs commissions ont été créées. Vous parlez notamment des programmes que les commissions examinent. Vous dites aussi que beaucoup de ces programmes manquent de financement. À la page 5, au sujet des services de garde, vous parlez du nombre de places qui ont été créées. Il y a 27 communautés qui exploitent des services de garde, et au total 38 services qui intègrent le programme Bon départ des Premières nations. Est-ce que ce programme Bon départ ne peut pas financer le maintien de ces services? Je ne comprends pas l'anomalie. Il y a de toute évidence 27 communautés qui ont des garderies, et cependant, il y en a 38 qui ont intégré le programme Bon départ. Où est la différence?
Mme Marjolaine Sioui: Pour donner une précision, dans le premier paragraphe, si vous regardez la première phrase, 27 communautés exploitent des services de garde sous l'égide de la Commission de la santé et des services sociaux des Premières nations du Québec et du Labrador, qui est l'une des commissions. Cependant, il y a d'autres communautés qui ont des accords distincts avec DRHC. Il n'y que 27 communautés représentées au sein de cette Commission. Pour les autres, elles n'ont pas de garderie, comme la communauté crie, mais elles sont représentées par la CRA, la Cree Regional Authority. Voilà votre explication. Les 38 communautés englobent les communautés cries.
M. Alan Tonks: D'accord.
Est-ce que l'Initiative Grandir ensemble, un programme fédéral, je crois, est financée séparément?
º (1625)
Mme Marjolaine Sioui: Oui, par Santé Canada.
M. Alan Tonks: Que l'on fasse partie ou non de ces communautés qui sont assujetties aux lignes directrices fédérales ou provinciales, tout le monde a accès au programme Grandir ensemble, n'est-ce pas?
Mme Marjolaine Sioui: Oui, dans les communautés, oui.
M. Alan Tonks: Alors, personne n'est exclu parce qu'il fait partie de la commission?
Mme Marjolaine Sioui: Non.
M. Alan Tonks: C'est universel.
Mme Marjolaine Sioui: Oui.
M. Alan Tonks: D'accord.
Vous avez des commissions pour la santé, les services sociaux, les services à l'enfance, l'emploi et la formation, le développement économique et l'éducation. Je pense que nous serions tous d'accord pour dire que dans tout programme communautaire, ce sont les objectifs de service essentiel. Dans toutes ces communautés, est-ce que vos commissions se rencontrent sous un même toit? Est-ce qu'elles sont une organisation holistique et multi-service? Est-ce qu'elles peuvent s'organiser ensemble, ou est-ce trop compliqué?
M. Ghislain Picard: Ce n'est jamais trop compliqué, il faut seulement du temps. Comme je l'ai dit plus tôt, le manque de ressources pour ces commissions régionales est, selon nous, très évident et il faut changer les choses. Comme on l'a dit plus tôt, nous adoptons l'approche horizontale dans presque toutes nos initiatives sous l'égide de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador qui est le guide politique de toutes ces commissions régionales administratives aux différents mandats très précis. Elles ont toutes leurs assemblées respectives et leurs membres viennent des communautés. Notre tâche consiste vraiment à favoriser le regroupement de toutes les compétences des communautés.
Nous espérons mieux réussir un jour à jeter une passerelle entre les secteurs de l'éducation, de la santé, de la formation et du marché du travail. Nous n'en sommes pas encore là. Nous espérons être en mesure d'y parvenir très bientôt, mais je crois que le mémoire que nous vous avons remis témoigne de ce que nous pouvons faire collectivement étant donné qu'on y expose nos préoccupations dans les domaines de l'éducation, de la santé, des services sociaux, du marché du travail et de la formation. Il s'agit d'un seul exemple, mais je crois que si on nous donne la tribune et les moyens appropriés, nous pourrons faire encore davantage.
M. Alan Tonks: Je serais certes d'accord avec ce que vous dites après une simple lecture très rapide de votre mémoire. Avez-vous des données qui supporteraient l'impact? Par exemple, en ce qui a trait aux statistiques que vous avez utilisées pour la moyenne nationale relative au chômage, pouvez-vous les rattacher au chômage dans les réserves et à l'extérieur des réserves?
M. Ghislain Picard: Nous ne sommes pas encore en mesure de rassembler des données collectivement en tant que commissions régionales, mais chaque commission fait son travail et recueille ses propres données, par exemple, dans le domaine des soins spéciaux, de l'éducation afin de convaincre le gouvernement fédéral que des fonds sont nécessaires pour répondre à ces besoins. Nous remarquons qu'au moins 52 p. cent de notre population étudiante a des besoins spéciaux spéciaux. Dans le domaine de la formation, nous avons convenu avec le gouvernement fédéral qu'i y a des objectifs qu'il nous faut atteindre pour démontrer que les ententes que nous signons sont efficaces. Au cours des quatre dernières années, à tout le moins, nous avons réussi à atteindre ces objectifs.
Mais il faut aussi dire qu'il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir si nous voulons parvenir à redresser la situation des peuples autochtones. Réduire à 25 p. cent le taux de chômage dans une communauté constituerait pour nous un grand accomplissement. Un taux de 25 p, cent à Terre-Neuve, par exemple, serait probablement désastreux, mais compte tenu de la situation très précise des communautés autochtones d'un bout à l'autre du pays, il s'agit là du genre d'objectifs que nous nous fixons. Si nous parvenons à donner de l'emploi à des jeunes Autochtones au cours de n'importe quelle année donnée pour réduire ce pourcentage, c'est un grand accomplissement. Mais je le répète, en raison des limites, nous ne pouvons de rassembler de données à intervalles réguliers, ce qui, je suppose, favorise cette coopération entre les commissions dont vous parlez.
º (1630)
Mme Marjolaine Sioui: Qui dit différentes commissions, dit différents programmes de sorte que si vous examinez le secteur de la santé, vous aurez... Vous êtes probablement au courant de l'enquête régionale sur la santé qui remonte à 1997. Nous sommes sur le point d'entreprendre la deuxième étape, c'est-à-dire l'enquête longitudinale, au coursde laquelle nous recueillerons de nouveau des données. Ces données nous ont permis de revenir à la charge auprès du gouvernement fédéral et de prouver que ces besoins existaient et qu'il fallait mettre au point de nouveaux programmes. La preuve a été faite. En ce qui concerne la petite enfance, l'évaluation régionale est terminée pour les services de garde dans la province de sorte que le programme sera offert. Un dernier rapport sera transmis à DRHC, au niveau national et au niveau régional. Nous en sommes aussi à la toute fin de la troisième année du Programme Bon départ et nous venons à peine de terminer une évaluation à cet égard dans notre région. Je sais que Jules veut vous en parler. En ce qui concerne les services sociaux, des données ont aussi été rassemblées sur la pauvreté dans les communautés des Premières Nations.
[Français]
M. Jules Picard (coordonnateur des services sociaux, Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador): Je veux intervenir au sujet de la prestation nationale pour enfants. Vous savez qu'en ce qui concerne la prestation pour enfants, il y a des sommes économisées et aussi des projets de réinvestissement. À la suite de l'évaluation et de l'analyse de ces projets, la Commission de la santé et des services sociaux, en collaboration avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, région de Québec, a réussi, entre autres par des mesures d'employabilité, à intégrer au milieu du travail des femmes et des hommes qui n'avaient jamais travaillé. Je crois que le ministère des Affaires indiennes de la région de Québec détient beaucoup de ces données sur le nombre de femmes et d'hommes qui ont pu réintégrer le marché du travail grâce aux sommes économisées au niveau de la prestation nationale pour enfants.
La prestation nationale pour enfants est une des mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la pauvreté. Ceci a permis à un bon nombre de femmes de réintégrer le marché du travail au cours des trois dernières années.
º (1635)
Le président: Merci.
Madame Guay.
Mme Monique Guay: Je suis contente que vous parliez de cela parce qu'on est justement en train de réviser la Loi sur l'équité en matière d'emploi dans un autre comité, celui du développement des ressources humaines. On se rend compte, jusqu'à présent, que les femmes autochtones sont celles qui sont les moins bien servies par cette loi. Alors, vous pouvez être assurés que nos recommandations--j'ai d'ailleurs le rapport ici avec moi et j'y travaille--viseront à s'assurer qu'on sort les femmes de difficultés financières. Les centres de la petite enfance ont bien sûr comme objectif de sortir les femmes de la pauvreté pour qu'elles puissent travailler et mieux vivre. Elles sont souvent prises dans un cercle vicieux. En outre, on a besoin de programmes de formation.
Revenons à notre comité sur les enfants, monsieur le président.
Les témoins qui ont défilé ici ont beaucoup parlé du syndrome d'alcoolisme foetal. J'aimerais que vous nous donniez des détails sur ce phénomène, mais dans le cadre du Québec. Est-ce que le problème est aussi grave au Québec qu'il l'est dans d'autres provinces?
Mme Marjolaine Sioui: On compte présentement, parmi les travaux qui ont été élaborés, ceux du Conseil en éducation des Premières Nations. Ce dernier a fait beaucoup d'études et a reçu des fonds pour élaborer des stratégies, des programmes d'éducation, de formation et ainsi de suite. Leurs statistiques portent plutôt sur le milieu scolaire; je ne les connais pas de façon exacte, mais je pourrais vous les fournir si jamais vous désiriez les recevoir. Ce que je peux vous dire, au sujet du groupe de 0 à 6 ans et du programme préscolaire des premières nations, c'est que notre dernier recensement nous a permis d'identifier 57 enfants parmi 38 communautés qui auraient besoin de soins à cause du syndrome d'alcoolisme foetal.
Présentement, on parle des fonds qui vont être redistribués à partir des 185 millions de dollars et qui vont être consacrés au problème du syndrome d'alcoolisme foetal. Au dernier comité national, auquel j'étais présente, le commentaire général était que les montants qui sont mis à la disposition des communautés, lorsqu'ils arrivent en région, sont souvent beaucoup trop petits pour être distribués aux communautés et pour permettre à ces dernières de mettre en place des mesures, de faire du dépistage ou d'autres activités de ce genre.
On fait des campagnes de sensibilisation, et ça, c'est bien.
Mme Monique Guay: Auprès des mères enceintes, entre autres?
Mme Marjolaine Sioui: Lorsqu'on parle aux communautés, elles nous disent qu'il y a une lacune. Les fonds qui sont utilisés pour des campagnes, c'est bien, mais elles nous demandent ce qu'elles peuvent faire au niveau des communautés locales. Si elles n'ont pas d'argent, que peuvent-elles faire? Elles ne pourront rien faire et elles ne pourront pas améliorer la situation.
En ce qui a trait au syndrome d'alcoolisme foetal, on vient tout juste de réaliser une première. Je pense que cela n'a même pas encore été fait au Canada. On a fait un sondage, une évaluation des besoins auprès des enfants de 0 à 6 ans de notre région. On est tout à fait en train de la compléter. On savait qu'il y aurait des montants d'argent qui viendraient, et on voulait être prêts et élaborer un plan d'action sur le sondage qu'on aurait complété dans toutes les communautés. On visait autant les Inuits que les premières nations. Les Inuits n'ont pas participé. Ils nous ont dit qu'ils avaient déjà leur stratégie en place et qu'ils avaient leur façon de voir. Il y aura quand même un genre d'ajout juste pour donner la situation chez les Inuits. Ce sera un genre de collaboration avec eux.
Pour présenter la situation des enfants de 0 à 6 ans dans les communautés autochtones, il y aura un rapport final dans lequel on trouvera les statistiques qui seront ressorties, ainsi qu'un plan d'action qui sera élaboré pour donner suite à ce sondage. Ensuite, on se dit qu'avec le plan d'action qu'on aura élaboré, quand l'argent sera mis au profit des régions, on pourra partir de cela et on sera déjà prêts pour aller de l'avant.
Quand on regarde justement la stratégie de développement des jeunes enfants, on voit qu'il y a 185 millions de dollars. On nous a confirmé qu'il y aura des montants d'argent sur une base continue, sauf que le processus dont ils nous ont fait part--et peut-être pourrez-vous me donner plus de détails à ce sujet--devra être soumis au Conseil du Trésor et ne sera pas approuvé avant la fin de la présente année. Donc, l'argent ne sera pas redistribué aux régions et aux communautés avant le mois de janvier ou février. Or, il faut toujours que les fonds soient dépensés avant le 31 mars. C'est une grosse problématique. On est obligés de faire face à cela à chaque fois.
Comment peut-on demander aux communautés de toujours se plier à ces structures administratives et de donner des services qui sont adéquats quand elles n'ont que deux mois pour mettre en place une structure ou quoi que ce soit d'autre? On dirait que cette situation se répète. On a beau la dénoncer, mais ça continue de se faire. Pour contrer cela, on essaie d'être un peu proactifs et de se préparer à l'avance. On ne connaît pas les montants qui nous seront alloués, mais au moins, on va faire une structure. Dans notre région, on a des comités en place au niveau des premières nations et on va se faire un plan. À partir de là, quand l'argent viendra, on aura au moins une structure en place pour pouvoir arriver à faire des choses. Cependant, comme je vous le disais, on a un gros problème quand on ne peut obtenir de l'argent que de cette façon et qu'on doit toujours le dépenser avant la fin de l'année financière. On est bien pendant la deuxième année, mais il y a un problème la première année. Je ne sais pas quelles recommandations on pourrait faire pour que cela ne se répète plus. Dans les cinq dernières années, on a eu plusieurs programmes, et cela s'est répété à chaque année.
º (1640)
Mme Monique Guay: Il faudrait trouver des structures qui vous faciliteraient la tâche parce que si vous ne savez pas le montant d'argent que vous allez avoir, il vous est bien difficile de préparer une stratégie de programmes. Ça ne peut pas fonctionner. On pourra peut-être faire une recommandation à cet effet dans notre rapport.
Je vous remercie infiniment d'avoir passé du temps avec nous. Votre document est excellent. On va s'en servir dans notre rapport sur les enfants de 0 à 6 ans. Merci.
Le président: J'ai une dernière question pour vous. On retient votre observation sur les dangers des programmes-pilotes. Toutefois, nous sommes un peu tentés de voir, si j'ose dire, des communautés-pilotes. Je m'explique.
Monsieur Picard, vous avez parlé du paradis. On sait bien que ce n'est pas évident sur la terre, mais nous sommes tentés de prouver, dans quelques communautés du pays... Si on le faisait bien, si on intégrait les services comme il le faut, si on fournissait assez d'argent pendant assez longtemps dans un contexte culturel approprié à chaque communauté, par communauté, et si l'on essayait de mesurer les conséquences pour les enfants pendant cinq ans, par exemple, au lieu de distribuer de l'argent comme ça dans les communautés, est-ce qu'il y aurait un avantage à encourager les programmes universels? Si on réussissait bien, on pourrait dire que c'est ce que l'on pourrait faire avec des ressources appropriées. Si on a les ressources dans ce sens-là, étant donné que, pour l'instant, les fonds sont limités et que l'on ne peut pas parler de milliards de dollars tout de suite...
Mme Monique Guay: On a des surplus.
Le président: Est-ce que vous voyez cela comme un danger? Cela représente des défis politiques pour vous, non? C'est toujours difficile de favoriser une communauté plutôt qu'une autre. Vos conseils, s'il vous plaît.
M. Ghislain Picard: On est un peu à la merci du gouvernement, finalement. En effet, en dépit des nombreuses représentations qu'on peut faire aux niveaux gouvernemental et public, tant que la partie gouvernementale n'aura pas entendu et compris nos préoccupations et n'aura pas réagi par rapport à des domaines très précis, en l'occurrence les enfants de 0 à 6 ans, on sera forcés de vous dire qu'on va peut-être accepter ce que vous nous offrez.
Pour ce qui est de l'éducation spéciale dont je parlais un peu plus tôt, après 10 ans d'effort, on a hérité d'un budget qui représente le sixième des besoins réels au niveau des communautés de l'ensemble du pays. Que voulez-vous que je vous dise de plus?
Il y a un groupe de référence au sein du Cabinet, qui se penche sur les questions qui nous touchent. Qu'est-ce que ce groupe étudie précisément et quelles sont ses visées par rapport à toutes les questions concernant les peuples autochtones au Canada? Cela semble être le mystère total. La seule suggestion qu'on puisse faire--et c'est un peu le but de notre présentation aujourd'hui--, c'est qu'on est prêts à aller vers une approche globale qui viserait à préciser, autant que faire se peut, les programmes qui pourraient s'intéresser à la clientèle des enfants de 0 à 6 ans, dans la mesure où l'écoute serait réelle de l'autre côté.
Ça fait des années qu'on fait ce genre de démarches. On ne veut pas que ça devienne une perte de temps pour nous. Ces questions ont été examinées en long et en large par la Commission royale sur les peuples autochtones pendant une période de cinq ans et les recommandations de la commission ont été très claires. Si on repose les mêmes questions à tous les quatre ou cinq ans, on n'arrivera nulle part. Tout cela joue contre nous finalement. Notre démographie qui, malgré tout, devrait être positive, mais qui l'est peut-être un peu moins dans l'état actuel des choses, fait que notre défi de fournir des services adaptés à notre population est deux ou trois fois plus grand.
Donc, nous disons très certainement oui aux projets-pilotes, mais dans la mesure où on s'en va quelque part. Il me semble que lorsqu'on finance un projet-pilote, on le fait dans le but de trouver un financement permanent pour les services en question.
º (1645)
Le président: Je vous remercie tous pour vos sages conseils et votre expérience en la matière. Nous apprécions bien l'effort que vous avez fait soit pour venir ici, soit pour la préparation des dossiers, qui étaient excellents. Je suis tout à fait d'accord avec Mme Guay là-dessus.
Nous allons rester en contact avec vous parce qu'après la préparation d'un rapport, il est essentiel qu'on continue de consulter les gens qui ont bien voulu se présenter comme témoins. Je vous remercie pour l'effort que vous avez fait. À la prochaine.
M. Ghislain Picard: Je vous remercie également, ainsi qu'au nom des commissions régionales. J'aimerais vous laisser sur une pensée de plus en plus populaire chez nous: lorsqu'on arrêtera de réagir aux politiques et aux programmes gouvernementaux, on aura peut-être un peu plus de temps pour agir pour nos communautés.
[Traduction]
Le président: Je vais demander aux membres de rester quelques instants alors que nous offrons un peu d'aide à nos attachés de recherche.
Nous pouvons maintenant poursuivre nos travaux à huis clos.
[Note de la rédaction—La séance se poursuit à huis clos]