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FINA Rapport du Comité

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Opinion dissidente —
Parti conservateur

En présentant son Plan d’équité fiscale le 31 octobre 2006, le gouvernement du Canada a pris les choses en main afin de rétablir l’équité dans le régime fiscal. Le 7 novembre 2006, la Chambre des communes a manifesté son soutien au Plan en adoptant la motion de voies et moyens no 10, et le Comité permanent des finances a appuyé la motion en décidant de tenir des audiences sur le Plan d’équité fiscale.

Le Parti conservateur est d’avis que le gros des témoignages présentés au Comité appuyaient de façon massive le Plan d’équité fiscale et justifiaient la décision du gouvernement. Alors que ce n’était pas à son avantage politiquement parlant, le gouvernement a fait montre de leadership en décidant d’égaliser les règles du jeu sur le plan fiscal. La décision des libéraux et du Bloc de profiter de ce rapport pour prôner un ensemble de recommandations radicalement différentes, à notre avis, n’est pas fondée sur les témoignages ni ne vise le bien de l’ensemble de la collectivité.

LE POIDS DES TÉMOIGNAGES

Le rapport des libéraux et du Bloc ne reflète pas la majorité des témoignages entendus par le Comité. Le Parti conservateur estime que le rapport accorde trop d’importance à certains témoins qui se sont prononcés contre le Plan (comme Gordon Tait, analyste chez BMO Capital Markets) par rapport à ceux qui le défendent (comme David Dodge, gouverneur de la Banque du Canada). Les recommandations des libéraux et du Bloc font fi des faits présentés par la grande majorité des analystes indépendants et des représentants du public, dont le très éminent juricomptable Al Rosen, tous les ministres des Finances provinciaux et les représentants du ministère fédéral des Finances.

Qui plus est, le rapport comprend des énoncés qui sont à la fois inflammatoires et non fondés. Nous regrettons que le rapport libéral/bloquiste ait choisi de les inclure.

Nous souhaitons déclarer que, à notre avis, les délibérations du Comité ne fournissent aucune base aux recommandations des libéraux/bloquistes.

OUVERTURE ET TRANSPARENCE

Dans son témoignage devant le Comité, le ministre des Finances a fourni des données détaillées sur les revenus que le gouvernement fédéral aurait perdus en raison des fiducies de revenus (ainsi que des documents explicatifs très complets).

Le témoin préféré des libéraux, Dennis Bruce, vice président, HDR/HLB Decision Economics, n’a fait que souligner l’incohérence de la position libérale. Lorsqu’ils étaient au pouvoir, les libéraux rejetaient la méthodologie de M. Bruce et affirmaient que les pertes fiscales s’élevaient à 300 millions de dollars par an. Aujourd’hui, relégués dans les rangs de l’opposition, les libéraux ont apparemment épousé des théories qu’ils qualifiaient de fallacieuses. Même le porte parole libéral en matière de finances, John McCallum, appuyait au départ le plan du gouvernement, déclarant : « C’était absolument ce qu’il fallait faire et nous nous étions engagés sur cette voie pour protéger l’assiette fiscale, pour assurer l’équité fiscale et pour favoriser la productivité du pays [1]. »

Des témoins ont présenté une solide argumentation appuyant les principes clés du Plan d’équité fiscale.

PERTES FISCALES

Le ministre des Finances du Canada, le trésorier provincial de l’Île du Prince Édouard et les mémoires provenant de tous les ministres des Finances provinciaux ont présenté des arguments convaincants au chapitre des pertes fiscales.

L’éminente analyste indépendante Diane Urquhart a signalé que l’affirmation selon laquelle il n’y avait pas de perte fiscale ne s’appuyait sur aucun fait objectif :

Le plan fiscal s’appliquant aux fiducies de revenu élimine des avantages fiscaux et, lorsque de pareils avantages existent, cela signifie, par définition, que le gouvernement perd des recettes fiscales. S’il n’y avait pas d’avantages fiscaux, il n’y aurait pas non plus cet énergétique lobby des fiducies de revenu qui cherche à convaincre le gouvernement de renoncer à son plan fiscal. Si les sociétés avaient moins d’impôts tant comme particulier que comme entreprise à payer, les fiducies de revenu s’empresseraient de se reconvertir pour en profiter [2].

C’était également l’avis du gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge :

Or, depuis l’annonce du 31 octobre, nous avons constaté une réduction de 20 milliards de dollars ou de 25 milliards de dollars dans la valeur de ces fiducies sur le marché. Cela varie, bien sûr, selon les fiducies. Qu’en déduire? Deux choses : premièrement, que cela représente la valeur actuelle de tous les impôts futurs que le gouvernement aurait perdus; et, deuxièmement, que cela représente les inefficacités créées par l’adoption de la structure de fiducies par certaines entreprises qui auraient dues être constituées en société par actions [3].

Le gouvernement actuel a utilisé la même méthodologie que l’ancien gouvernement libéral en 2005. Ajoutez 70 milliards de dollars de conversions en 2006 et toute remise en question de l’existence de fuites fiscales, maintenant 500 millions de dollars par an au niveau fédéral, tient davantage à une attitude consistant à poser pour la galerie et à de l’opportunisme qu’à une analyse objective.

PÉRIODE DE TRANSITION

De nombreux témoins, notamment tous les gouvernements provinciaux, se sont dits en faveur de la période de transition de quatre ans.

Lorsque Andrew Teasdale, Total Asset Management Research & Investment Rights Consultancy, a été prié d’expliquer l’avantage ou le désavantage que représente la prolongation de la période de transition au delà des quatre années prévues, il a répondu « Je ne peux vraiment pas y voir d’avantage [4]. »

Finn Poschmann, de l’Institut CD Howe, a également défendu la période de transition de 4 ans :

La lune de miel (période de transition) […] est en grande partie la période où l’on fixe les limites et exerce son jugement. Je pense qu’il n’y a pas moyen de l’éviter. Il serait raisonnable de prévoir une période de quatre ans pour permettre aux sociétés et aux fiducies touchées de se réorganiser. Si nous laissons les choses traîner, nous laisserons inutilement le problème s’envenimer [5].

Le Bloc, de même que les libéraux, a adopté une position qui est contraire aux intérêts des Québécois. Comme l’a déclaré le ministère des Finances :

Si la période de transition est portée de quatre à dix ans, le Trésor fédéral perdrait environ trois milliards de dollars, sans compter les pertes des provinces. Ainsi, l’Alberta perdrait plus de deux milliards de dollars et le Québec, des centaines de millions. J’aimerais donc demander au député de Joliette s’il est d’accord pour puiser des centaines de millions de dollars dans les poches des contribuables québécois afin de porter la période de transition à 10 ans [6].

Le gouvernement du Québec a clairement expliqué que de telles mesures seraient tout à fait nuisibles pour la capacité fiscale de la province : « La prolongation de la période transitoire ne pourrait qu’accroître les pertes fiscales des gouvernements et faire perdurer l’iniquité du régime fiscal applicable aux entreprises [7]. » Les membres conservateurs du Comité félicitent le gouvernement fédéral d’avoir pris conscience des préoccupations des provinces, notamment du Québec.

Les recommandations formulées dans le rapport représentent un retour à l’incertitude et à l’indécision. Changer les règles serait injuste pour les investisseurs qui ont fondé leurs décisions d’investissements sur le Plan d’équité fiscale.

LE BESOIN D’UNE ACTION DÉCISIVE

Le paysage des fiducies de revenu a beaucoup évolué en 2006 comme en témoigne l’augmentation rapide du nombre et de la taille des conversions. Le Comité a appris de témoins que des sociétés se convertissent pour des raisons fiscales plutôt que commerciales, ce qui a nécessité une action décisive pour uniformiser les règles de jeu. Le plan des libéraux et du Bloc, fondé sur un impôt de 10 %, instituerait à jamais un désavantage fiscal pour les sociétés et continuerait d’alourdir le fardeau fiscal des particuliers. La plus récente politique sur les fiducies de revenu des libéraux, leur troisième en deux ans, a déjà été qualifiée de « maelstrom politique » [8].

Comme le gouverneur de la Banque du Canada l’a fait remarquer :

Pour que le secteur des fiducies de revenu puisse favoriser l’efficience des marchés en rendant ceux ci plus complets, il est absolument essentiel que le régime fiscal assure l’égalité des chances pour tous les acteurs […] cette mesure vise à égaliser les chances pour tout le monde, et […] c’était absolument un pas dans la bonne voie [9].

Il est clair que la structure des fiducies a commencé à donner lieu à des conséquences involontaires et imprévues en 2006. Les conséquences n’étaient pas réjouissantes selon Domenic D’Alessandro de Manuvie :

Avec le temps, si rien n’est fait, le secteur des fiducies de revenu finirait par englober complètement le noyau de notre économie, et je ne crois pas que ce serait une bonne chose pour le Canada. […] Je félicite le gouvernement d’avoir agi dans ce dossier important [10].

Jeffrey Olin, directeur général de l’Ontario, chef des Services bancaires d’investissement, Desjardins Securities Inc., a ajouté :

La structure d’une fiducie ne convient peut-être pas tellement à beaucoup d’entreprises commerciales, mais celles ci peuvent être tentées d’adopter cette structure simplement pour économiser de l’impôt. Il en résulte que les fiducies ont peut-être moins de capitaux internes disponibles pour des initiatives de croissance ou de réinvestissements. Cela peut être très nuisible à long terme aux intérêts de l’entité ou de l’économie dans son ensemble [11].

Le Comité a entendu des témoins, tels Kevin Dancey, président directeur-général, Institut canadien des comptables agréés, qui a affirmé que le Plan d’équité fiscale était la bonne solution :

Le régime fiscal n’était pas neutre, vu qu’il existait un avantage fiscal marqué à utiliser une fiducie plutôt qu’une société par actions. En principe, la structure d’une entreprise devrait être créée et choisie pour de bonnes raisons d’affaires, non pour des raisons fiscales. […] il y avait une perte de recettes fiscales sur les unités détenues par des entités exemptes d’impôt et par des non-résidents, pertes qui allaient en grandissant. […] il reste à savoir si la solution proposée le 31 octobre était la bonne. À mon sens, c’était un pas significatif dans la direction voulue […] parce que cela égalisait les chances des sociétés par actions et des fiducies; deuxièmement, parce que cela réglait le problème des pertes de recettes fiscales [12].

Des témoins de certains partis aimeraient que les Canadiens croient qu’au pays, tout gouvernement provincial, quel que soit le parti au pouvoir, tout ministre des Finances et une grande majorité d’experts sont dans l’erreur. Nous jugeons répréhensible que les libéraux et le Bloc partagent des affirmations aussi dangereuses, et nous saluons le Nouveau Parti démocratique qui a bien fait en appuyant le Plan d’équité fiscale.

CONCLUSION

Le ministre des Finances a pris une décision difficile, mais nécessaire, le 31 octobre 2006. Le rapport des libéraux et du Bloc n’est qu’un exercice visant à faire passer de bas intérêts partisans avant les intérêts du pays et des contribuables qui travaillent fort.

La décision du gouvernement en est une de leadership et, surtout, d’équité : équité pour les contribuables canadiens qui ferait autrement les frais d’une part toujours grandissante du fardeau fiscal alors que des recettes fiscales s’envolent aux mains d’investisseurs à l’étranger; équité au sein du secteur des affaires où les règles actuelles accordent aux fiducies de revenu un avantage fiscal et fausse les décisions en matière d’investissement; équité pour les gouvernements fédéral et provinciaux qui disposeraient de moins de recettes pour maintenir des programmes importants comme les soins de santé, l’éducation, le fractionnement des pensions entre personnes âgées et, évidemment, pour régler le déséquilibre fiscal, si le ministre des Finances n’intervenait pas.

La tendance imprévue et accélérée aux conversions des fiducies s’est traduite par une distorsion de l’économie qui a nui à la croissance et à la productivité à long terme du Canada. À défaut d’être contrôlées, ces conversions priveront les gouvernements fédéral et provinciaux de milliards de dollars de recettes qui pourraient autrement être consacrées aux priorités des Canadiens et risquent de briser le lien entre le milieu des affaires et le tissu social du pays.

Recommandation
Que le gouvernement fédéral mette en œuvre le Plan d’équité fiscal tel qu’énoncé dans la motion des voix et moyens no 10 — qui prévoit un impôt de 31,5 % sur les distributions des fiducies de revenu, une période de transition de quatre ans pour les fiducies existantes et le fractionnement du revenu de pension pour les personnes âgées — adoptée le 7 novembre 2006 avec l’appui de la majorité de la Chambre des communes.

Comité permanent des finances
Diane Ablonczy, députée, secrétaire parlementaire du ministre des Finances
Dean Del Mastro, député
Rick Dykstra, député
Mike Wallace, député

[1]
« Période de questions », CTV, 5 novembre 2006.
[2]
Comité permanent des finances, Témoignages (Réunion 64, 1re session, 39e législature), 13 février 2007, p. 11
[3]
Comité permanent des finances, Témoignages (Réunion 60, 1re session, 39e législature), 1er février 2007, p. 9
[4]
Comité permanent des finances, Témoignages (Réunion 59, 1re session, 39e législature), 30 janvier 2007, p. 21
[5]
Comité permanent des finances, Témoignages (Réunion 64, 1re session, 39e législature), 13 février 2007, p. 18
[6]
Comité permanent des finances, Témoignages (Réunion 59, 1re session, 39e législature), 30 janvier 2007, p. 4
[7]
Lettres d’appui des ministres provinciaux des Finances, 25 janvier 2007.
[8]
« Politically funky stew » en anglais. Vieira, Paul, Should be “embarrassed”, National Post, 15 février 2007.
[9]
Comité permanent des finances, Témoignages (Réunion 60, 1re session, 39e législature), 1er février 2007, p. 4
[10]
Comité permanent des finances, Témoignages (Réunion 60, 1re session, 39e législature), 1er février 2007, p. 3
[11]
Comité permanent des finances, Témoignages (Réunion 60, 1re session, 39e législature), 1er février 2007, p. 5
[12]
Comité permanent des finances, Témoignages (Réunion 60, 1re session, 39e législature), 1er février 2007, p. 6