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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 035 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 septembre 2014

[Enregistrement électronique]

  (1300)  

[Français]

    À l'ordre, s'il vous plaît. J'aimerais avoir l'attention de tout le monde.
    En ce 30 septembre 2014, je vous souhaite la bienvenue à la 35e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.

[Traduction]

    Conformément au Règlement, nous allons étudier la persécution des minorités religieuses en Irak. Nous accueillons pour ce faire le révérend Majed El Shafie qui est fondateur et président de l'organisation One Free World International. Le révérend El Shafie a déjà comparu devant notre comité pour discuter d'une variété d'enjeux liés à la liberté de religion dans différentes parties de ce que nous pourrions sans doute appeler le monde islamique. Il va nous entretenir d'une question qui préoccupe beaucoup bien des gens, soit la situation en Irak. Je crois qu'il s'inspirera notamment de visites qu'il a effectuées là-bas cet été en compagnie de certains députés.
    Révérend El Shafie, je vous invite maintenant à nous faire votre déclaration préliminaire. Nous passerons ensuite comme à l'habitude aux questions des membres du comité. Nous verrons combien il nous reste de temps pour déterminer la période allouée à chacun.
    Merci beaucoup.
    Monsieur le président et honorables députés, je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous concernant la situation en Irak, et tout particulièrement au Kurdistan, et les répercussions des attaques récentes de l'EIIS sur la population irakienne.
    Je suis le révérend Majed El Shafie. Je suis fondateur et président de One Free World International, une organisation de défense des droits de la personne. C'est justement pour avoir lutté en faveur des droits de la personne que j'ai déjà été incarcéré dans une prison égyptienne et torturé en raison de mes croyances chrétiennes.
    Le simple fait que je sois encore en vie pour m'adresser à vous aujourd'hui tient du miracle. J'estimais extrêmement important de vous livrer ces renseignements en guise d'introduction pour que vous compreniez bien que l'homme en complet assis devant vous fait partie de ces minorités dont les membres sont emprisonnés, torturés, voire assassinés en raison de leurs croyances.
    One Free Word International est une organisation de défense des droits de la personne qui est basée à Toronto. Nous avons maintenant des succursales dans 20 pays du monde. Nous nous employons principalement à lutter contre les persécutions religieuses, quelles qu'en soient les victimes. Qu'il s'agisse d'hindous, de sikhs, de chrétiens, de musulmans ou d'adeptes de n'importe quelle autre religion, quelles que soient leurs origines, nous défendons les minorités victimes de persécutions en raison de leurs croyances religieuses un peu partout sur la planète.
    Pour ce qui est plus particulièrement de l'Irak, One Free World International a piloté deux délégations qui se sont rendues dans ce pays. Il y a eu une première visite en septembre 2011 avec le député John Weston et le sénateur Don Meredith. Ils nous ont accompagnés en tant qu'observateurs. Nous avons alors pu rencontrer différents membres du gouvernement irakien. Nous avons aussi pu rencontrer des victimes. Nous avons pu voir certains lieux de culte qui ont été la cible d'attaques comme l'église Notre-Dame-du-Salut.
    L'autre délégation que nous avons pilotée en Irak s'y est rendue tout récemment, soit du 30 août au 1er septembre de cette année. Trois députés m'ont alors accompagné à titre d'observateurs encore une fois. Il y avait d'abord celui que je considère comme un ami très cher et un champion des droits de la personne, M. Brad Butt, ici présent, ainsi que MM. Russ Hiebert et Leon Benoit. Nous avons pu observer la situation sur le terrain en Irak, et surtout dans le nord du pays en nous rendant à Erbil au Kurdistan et à Dohuk, ville voisine de Mosul. Nous avons visité trois camps de réfugiés; un pour les chrétiens, le deuxième pour les yézidis, et le troisième qui accueillait à fois des musulmans, des chrétiens, des yézidis et d'autres minorités.
    Pour bien jauger la situation au Kurdistan, il faut savoir qu'au moment où l'on se parle, il y a plus de 1,6 million de réfugiés dans cette partie du pays. Ces gens-là fuient tous la torture et les sévices qui ont eu cours lorsque l'EIIS a attaqué la région. Dans l'un de ces trois camps, il y avait plus de 500 enfants de moins de trois ans.
    En rencontrant ainsi directement les réfugiés, nous avons appris des choses... Une fillette nommée Rahama avait huit ans lorsqu'elle a perdu sa mère et son père tués par une explosion à Mosul. J'ai aussi été vraiment été touché par les témoignages des yézidis. L'une des victimes avait trouvé refuge sur le mont Sinjar. Lorsque l'EIIS a lancé son attaque, plusieurs membres de la communauté yézidie, plus de 50 000 selon les estimations, ont fui vers le mont Sinjar.

  (1305)  

    Ils nous ont dit qu'en raison du manque de nourriture et d'eau, de 45 à 60 enfants yézidis n'ont pu passer la première nuit...
    Une mère a presque perdu son enfant. Pour le maintenir en vie, elle s'est coupée au doigt afin que l'enfant puisse boire son sang. Nous avons pu rencontrer cette femme et c'était vraiment bouleversant. C'est comme ça que les choses se passent là-bas.
    Nous avons vu des chrétiens être crucifiés par l'EIIS. Nous avons vu de jeunes enfants être attaqués et violés. Nous avons vu un groupe de femmes être kidnappées et vendues aux combattants de l'EIIS à 20 $ chacune. Ils les vendent comme esclaves pour le bon plaisir de leurs propres guerriers.
    Cette persécution de la minorité chrétienne en Irak, aujourd'hui aux mains de l'EIIS, ne date pas d'hier. Les chrétiens sont victimes de persécution en Irak depuis une dizaine d'années et davantage — soit depuis l'invasion américaine. Les chrétiens se trouvent malheureusement pris entre deux feux avec, d'un côté, les extrémistes sunnites et, de l'autre, les extrémistes chiites. La persécution des chrétiens n'est donc pas un phénomène nouveau. Il en va de même de la persécution des yézidis. On en parle davantage aujourd'hui du fait que l'EIIS a lancé son attaque et que l'on peut voir cette persécution prendre beaucoup d'ampleur. Voilà 10 ans que notre organisation et la communauté irakienne dénoncent les persécutions qui ont cours dans ce pays, et le reste de la planète n'a jamais réagi. C'est la vérité.
    Nous avons aussi pu visiter le centre médical. Nous avons parlé à quelques-uns des médecins qui doivent gérer la situation là-bas. Nous avons appris que le manque de médicaments est l'un des leurs principaux problèmes. Au bout du compte, à la lumière de ce que nous avons pu voir...
    Je suis allé également sur le front. Les députés ne m'ont pas accompagné, tout simplement parce que cela aurait été trop dangereux. Aux premières lignes, j'ai pu rencontrer les peshmergas, les combattants kurdes sur le front. L'un d'eux avait 65 ans. Lorsque je lui ai demandé ce qu'il faisait là à un âge aussi avancé, il m'a répondu: « Je dois défendre mon pays. Nous sommes persécutés en tant que Kurdes depuis de très nombreuses années, et je dois rester ici pour protéger mon pays ». Il a 65 ans et il est aux avant-postes de combat.
    La situation actuelle en Irak présente tous les signes d'un début de génocide. Sans notre intervention, la région, et l'Irak tout particulièrement, risque de perdre totalement sa minorité chrétienne, sa minorité yézidie et ses autres minorités comme les mandéens. C'est déjà arrivé en Irak. Ce n'est pas la première fois. Certains parmi vous soutiennent qu'il n'est jamais arrivé que l'on puisse ainsi expurger un territoire de toutes ses minorités, mais c'est pourtant le cas. En 1941, il y a eu en Irak un massacre des juifs que l'on a appelé le Farhoud. Entre 200 et 700 juifs ont été tués à cette occasion et 2 000 autres ont été blessés. De 1948 à 1951, on a assisté à un exode des juifs et, à ce que je sache, il n'y en a plus un seul aujourd'hui en Irak.
    Mme Noga Abarbanel, l'une des victimes de ce massacre est assise derrière moi.
    Je vous présente maintenant mes recommandations. Notre gouvernement canadien — et je lui en suis très reconnaissant — a offert une aide totale de 28 millions de dollars à l'Irak depuis le début de 2014.

  (1310)  

    Le 10 août, une aide humanitaire de 5 millions de dollars a été suivie d'un soutien militaire supplémentaire de 15 millions de dollars, soit 10 millions pour du matériel militaire non létal destiné aux troupes combattant l'EIIS et 5 millions pour appuyer les efforts de la région visant à limiter le déplacement des combattants étrangers en Irak et en Syrie. Il y a eu 7 millions de dollars en nouvelle aide humanitaire, soit 5 millions pour des abris d'urgence et du matériel de secours, et 2 millions pour les soins d'urgence dans la région.
    Notre première recommandation concernant l'aide offerte serait de viser une meilleure reddition de comptes. Nous apportons de l'aide à des pays sans demander de comptes à leur gouvernement. Il nous est donc impossible de nous assurer que l'aide parvient vraiment jusqu'aux gens qui en ont besoin.
    Voici comment les choses se passent. Lors de mon premier voyage en Irak, j'étais accompagné de M. John Weston et du sénateur Don Meredith qui pourront confirmer ce que je vais vous dire. Nous avons rencontré le vice-président de l'Irak, le vice-premier ministre irakien, le ministre des affaires étrangères et le ministre responsable des droits de la personne. Le Canada avait alors déjà fourni une aide de plus de 300 millions de dollars au gouvernement central irakien. Lorsque nous leur avons demandé où étaient passés ces 300 millions de dollars, les représentants du gouvernement ont dit qu'ils ne le savaient pas. Ils ignorent où cet argent est allé. Ils ne savent pas ce qu'on a fait avec l'argent des contribuables canadiens.
    Lorsque nous offrons une aide semblable au Kurdistan ou à l'Irak, nous devons demander des comptes. Il nous faut savoir comment l'argent est utilisé et nous assurer que l'aide va vraiment à ceux qui en ont besoin.
    Par ailleurs, l'aide offerte doit être assortie d'une condition. « Nous allons continuer de vous aider si vous protégez les droits de la personne dans votre pays, si vous préservez les droits des femmes, si vous améliorez la situation des droits de l'homme. » On ne peut pas simplement offrir de l'aide sans imposer de conditions.
    Je dis juste que si nous offrons de l'aide, nous devons nous assurer non seulement que cette aide parviendra à ceux qui en ont vraiment besoin, mais aussi que le gouvernement kurde ou le gouvernement central irakien sera en mesure de protéger les droits des femmes, les droits de la personne et la liberté de religion. La liberté de religion est le fondement de la démocratie. Sans elle, il n'y aurait aucune démocratie possible, car si on prive les hommes et les femmes de leurs croyances, on ne leur laisse plus rien.
    Nous devons cibler notre aide en nous assurant d'offrir des médicaments et des abris. L'hiver arrivera dans quatre semaines à peine et ces gens-là vivent dans des tentes. Il leur faut des abris dès maintenant sans quoi ils seront nombreux à mourir de froid. C'est dans quatre semaines seulement.
    Passons à nos recommandations concernant les frappes aériennes et la participation militaire canadienne. Les frappes aériennes sont un outil précieux pour protéger les minorités, repousser l'EIIS et arrêter sa progression. On ne peut toutefois pas gagner une guerre en misant uniquement sur les frappes aériennes. Dès l'instant où nous lancerons les premières frappes, et le processus est en cours, et que l'effet de surprise cessera d'agir, je peux vous garantir que les combattants de l'EIIS commenceront à se fondre dans la population civile. Il deviendra alors pratiquement impossible de s'en prendre à eux par la voie des airs sans toucher en même temps des civils. Les frappes aériennes revêtent une importance capitale, mais elles ne permettront pas de régler une fois pour toutes le cas de l'EIIS.
    Comment pouvons-nous défaire l'EIIS, surtout en Irak? Il y a deux choses à faire.
    Premièrement, nous devons couper les vivres à l'EIIS du point de vue financier. L'EIIS est appuyé par différents gouvernements dont ceux de l'Arabie saoudite, du Qatar, du Koweït et de la Turquie. Nous devons punir les gouvernements qui soutiennent l'EIIS en lui fournissant du matériel ou des fonds. En outre, ces gouvernements achètent aussi le pétrole de l'EIIS. Ces revenus pétroliers atteignent près de 2 à 3 millions de dollars par jour. Il faut mettre fin à tout cela. Je sais que les Américains ont commencé à prendre pour cible les puits de pétrole en Syrie et en Irak pour contrer ces échanges.

  (1315)  

    Il est très important d'examiner la situation des gouvernements qui appuient l'EIIS. Il faut se demander pourquoi deux otages américains et un otage britannique ont été décapités alors que 49 otages turcs ont été relâchés le lendemain. Quelle entente a été conclue entre la Turquie et l'EIIS pour que les Turcs soient protégés? Les otages turcs ont été libérés, mais les Américains et le Britannique n'ont pas eu cette chance. Nous devons punir les gouvernements qui collaborent avec l'EIIS. C'est la première solution pour venir à bout de l'EIIS.
    Il faut aussi se réconcilier avec le gouvernement irakien. Je dois vous dire quelque chose de très important. Je ne sais pas si on en a traité dans les bulletins d'information, mais c'est la vérité. L'EIIS est arrivé en Irak avec des troupes de 1 500 à 1 800 soldats. Il est impossible avec des effectifs aussi réduits de prendre le contrôle en quelques jours à peine de 40 % du pays, y compris sa deuxième plus grande ville, Mossoul. C'est inconcevable. L'EIIS n'a pas pu y parvenir sans le soutien des tribus sunnites arabes. Après des années et des années de persécution aux mains du gouvernement chiite de Maliki, les sunnites ont décidé que cela avait assez duré et qu'ils étaient prêts à collaborer, même avec le diable en personne. Il ne faut pas en conclure que les sunnites sont à blâmer. C'est simplement qu'ils ont été forcés de coopérer avec l'EIIS. Ils en avaient marre des mauvais traitements et des persécutions du gouvernement chiite de Maliki. Cela ne venait pas de l'ensemble des chiites, mais bien du gouvernement de Maliki.
    C'est en amorçant cette réconciliation que l'on pourra venir à bout de l'EIIS en Irak. Il faut établir de nouveaux liens avec le gouvernement irakien en intégrant toutes les minorités — sunnites, chrétiens, yézidis, shabaks, kaka'i et toutes les autres — et en leur accordant le droit à l'autonomie gouvernementale, au besoin, pour assurer leur protection.
    Une fois que les choses auront été réglées, il faudra faire intervenir les troupes internationales de maintien de la paix pour protéger les minorités et permettre à ces gens-là de rentrer chez eux en toute sécurité.
    Monsieur le président, j'ai terminé mes observations préliminaires. Auriez-vous l'obligeance de m'accorder les deux dernières minutes de la séance, après la période des questions, pour ma conclusion?

  (1320)  

    Nous pouvons certes essayer d'acquiescer à votre requête.
    Comme je crains que nous manquions un peu de temps, je demanderais aux membres du comité de ne pas trop se formaliser si nous poursuivons au-delà de l'heure prévue. Nous allons peut-être terminer un peu après 14 heures. Tout dépendra de l'efficacité de chacun dans sa gestion du temps imparti pour les questions, et pour les réponses également.
    Soyons donc brefs dans nos observations. Nous avons assez de temps pour accorder six minutes à chaque intervenant.
    Espérons que nous pourrons ainsi finir assez tôt pour vous laisser les deux minutes demandées à la fin de la séance, Révérend El Shafie.
    Merci, monsieur le président.
    Nous commençons avec M. Sweet.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais d'abord faire moi-même une brève déclaration. Je considère inacceptables et répugnants les titres d'État islamique de l'Irak et du Levant, ou d'État islamique de l'Irak et de Syrie, ainsi que la notion même voulant que ce groupe terroriste soit un État islamique. Je voulais m'assurer que cela soit consigné.
    Deuxièmement, je sais que ce n'était pas l'intention visée par le révérend El Shafie qui parlait plutôt au sens large, mais je veux dissiper toute ambiguïté possible par rapport à la position du gouvernement ou à mon point de vue personnel. Les actes terroristes dont nous sommes témoins ne peuvent être justifiés par quelque persécution que ce soit. À ce titre, il est intéressant de noter que le révérend El Shafie a mentionné que les chrétiens et les autres minorités subissaient des persécutions en Irak depuis de nombreuses années. Malgré tout, jamais des actes semblables n'ont été posés auparavant. On ne saurait jamais être justifiés d'enlever des gens innocents pour ensuite les décapiter ou les crucifier, des gestes inconcevables d'une barbarie sans précédent.
    Révérend, je tiens d'abord à vous remercier d'avoir eu le courage de vous rendre là-bas pour nous rapporter certaines informations qui sont non seulement pertinentes du fait qu'elles ont été recueillies sur le terrain, mais aussi tout à fait à jour.
    J'ai une question au sujet du marquage des portes des chrétiens.
    Mais j'aimerais d'abord m'enquérir de la situation des musulmans pacifiques et modérés en Irak. Sont-ils actuellement victimes de mauvais traitements aux mains des éléments extrémistes?
    Le dernier camp de réfugiés que nous avons visité était mixte, ce qui nous a permis de rencontrer également quelques familles musulmanes. Je peux vous confirmer que les musulmans modérés qui veulent la paix sont aussi affectés, car l'EIIS ne semble pas faire de cas des religions. C'est vraiment ce que je crois. Le fait que l'EIIS livre actuellement bataille au gouvernement kurde ou au Kurdistan, qui compte une majorité de musulmans sunnites — comme eux, ce ne sont pas des chiites — montre bien qu'ils ne se soucient pas vraiment des croyances religieuses. Il y a toutefois une chose qu'il faut bien comprendre. Le plus grave problème qui touche actuellement l'islam en tant que religion et croyance n'est pas la montée des extrémistes, mais le silence des musulmans modérés. J'estime que ceux-ci devraient maintenant jouer un rôle plus actif dans la lutte contre ces extrémistes et montrer au monde en quoi consiste le véritable islam. Je dois malheureusement constater que les musulmans modérés au Canada, en Irak, aux États-Unis et ailleurs, sont très discrets. J'y vois un manquement important de leur part.

  (1325)  

    Révérend, le marquage des portes des chrétiens est particulièrement préoccupant. Avez-vous rencontré de ces gens dont la porte avait été marquée et qui fuyaient... Je ne veux pas répondre à votre place, mais qui cherchent-ils à fuir exactement si leur porte a été marquée d'un symbole chrétien en arabe par ces terroristes?
    Permettez-moi de vous expliquer rapidement. On inscrit sur les portes la lettre nun, l'initiale de Nasrani, l'équivalent arabe de « chrétien ». Nous avons bien sûr rencontré certaines de ces personnes, surtout dans le premier camp de réfugiés à Erbil où nous avons visité l'église catholique. Cela nous a un peu rappelé l'holocauste alors que l'on se servait d'une croix de David pour identifier les juifs. C'est essentiellement le même concept. On marque votre porte en vous laissant trois options possibles. Soit vous allez être tué, soit vous payez un impôt supplémentaire qu'on appelle jizya, soit vous vous convertissez à l'islam. C'est ce qui arrive lorsque votre porte est ainsi marquée.
    Vous avez dit être allé au Kurdistan. Combien y a-t-il de camps de réfugiés au Kurdistan, et est-ce que les forces kurdes les protègent? Est-ce qu'ils gèrent et protègent ces camps?
    Je ne sais pas exactement combien de camps de réfugiés il y a là-bas. Ce ne sont pas tous des camps de réfugiés. Ils peuvent se trouver dans des immeubles vides en construction, dans des églises et parfois, même, dans des maisons, dans des cours ou dans la rue. Il n'y a pas moyen de savoir exactement combien il y a de camps de réfugiés.
    Il ne s'agit pas de camps de réfugiés sophistiqués comme ceux des Nations Unies. Ce sont des installations de fortune où des gens se regroupent pour se protéger.
    Absolument. Nous sommes allés à des camps de réfugiés établis par l'UNHCR. Nous les avons visités tous les deux, mais je peux vous dire qu'on met tout simplement les gens là où il y a de la place, et on les garde là. Au moins, ils ont un endroit pour dormir.
    Je m'excuse. Quelle était la deuxième partie de la question?
    C'était principalement au sujet du Kurdistan...
    Merci beaucoup.
    Monsieur Marston, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous souhaite à nouveau la bienvenue. Vous êtes venu témoigner plusieurs fois, au sujet de divers endroits dans le monde où vous êtes allé à des fins humanitaires. C'est très intéressant pour moi, car vous confirmez aujourd'hui certains des renseignements obtenus par l'opposition officielle concernant la situation là-bas. Après le départ des États-Unis, le premier ministre al-Maliki s'est retourné contre le peuple qui appuyait Saddam, d'après ce que je comprends. De plus, en gros, les membres de l'armée n'étaient pas convenablement payés, et, comme vous l'avez indiqué, quand 1 800 à 2 000 personnes ont traversé la frontière pour les envahir et que cinq régiments ont déposé leurs armes...
    C'est juste.
    Ces cinq régiments auraient pu mettre un terme à cela à ce moment-là...
    Absolument. C'est juste.
    ... si ce n'avait été, d'après moi, de la distorsion politique qui s'est produite entre ce moment et celui où les Américains sont partis.
    Ils ont remplacé ce premier ministre, et il est à espérer que les choses vont s'améliorer sur ce front.
    Vous avez parlé de l'aide et de la nécessité d'apporter une aide immédiate. Évidemment, notre groupe sera content d'entendre le mot « responsabilité », car c'est une des choses qui nous préoccupent beaucoup — la façon dont les dollars qui s'en vont là-bas seront dépensés. En période de crise, peu importe dans quel pays, l'argent pourrait être détourné vers l'armée, même si nous voulons qu'il serve à l'aide humanitaire, alors il faut trouver le moyen de s'en assurer.
    Le Canada aura des ressources limitées à consacrer à cela, qu'il s'agisse d'aide militaire ou humanitaire. D'après vous, l'aide humanitaire est-elle plus importante que l'aide militaire à l'heure actuelle?
    Je dirais, honnêtement, sans prendre parti, que les deux volets se complètent.
    La réalité, c'est que s'il n'y a pas de sécurité sur le terrain, l'aide humanitaire ne donnera rien. Si les réfugiés ne sont pas en sécurité, si les frontières ne sont pas sécurisées, si la sécurité n'est pas assurée au Kurdistan, comme pays et comme nation, il ne sera pas possible d'aider 1,6 million de réfugiés et de personnes déplacées.
    Ce que je dis en réalité, c'est que vous ne pouvez pas les séparer complètement. La sécurité et l'aide humanitaire doivent se conjuguer et se compléter.

  (1330)  

    Maintenant, la Grande-Bretagne, les États-Unis et la France interviennent. D'après moi, c'est une action militaire plutôt considérable qui s'amorce déjà. Les forces conjuguées de ces pays dépasseraient largement toute contribution que le Canada pourrait envisager de faire.
    Ne serait-il pas préférable que nous nous concentrions sur le volet humanitaire et que nous laissions les autres pays consacrer leurs fonds et leurs efforts au volet militaire, de sorte que nous consacrions l'essentiel, sinon toutes nos ressources à l'aide humanitaire?
    Je pense que si nous le faisons de manière équilibrée, nous pouvons... Les peshmergas ont absolument besoin d'une aide et d'un soutien militaire à 100 %. Quand nous sommes allés sur le front, nous avons parlé à des membres des troupes peshmergas, et il est clair qu'ils ont besoin de cette aide.
    Je ne suis pas en désaccord avec vous concernant l'aide à donner là-bas. Je dis que les pays qui sont les mieux en mesure de le faire sont la Grande-Bretagne, les États-Unis et la France, et je pense que l'Australie vient de se joindre au groupe. Je me trompe peut-être, mais sur le plan militaire, ils sont nettement mieux équipés pour les opérations avancées dans la région, alors que le Canada ne l'est pas tant.
    La question d'y envoyer des forces terrestres n'est toujours pas réglée, même aux États-Unis.
    Pour l'immédiat — comme vous le dites, l'hiver approche —, si nous commençons les préparatifs et lançons l'aide humanitaire, et comptons sur les autres pays pour soutenir cet effort...
    Monsieur Marston, je serai honnête avec vous: je ne suis pas un expert des questions militaires. Je crains que ma réponse à la question ne reflète pas bien les besoins militaires sur le terrain.
    Ce que je conseille, c'est d'agir de manière équilibrée, de sorte que l'aide militaire et l'aide humanitaire se complètent. C'est ainsi que je vois les choses.
    C'est très censé, car il faudrait protéger ceux qui dispensent l'aide humanitaire. Dès que des gens vont chercher l'aide, ils risquent d'être attaqués.
    Absolument. En effet.
    Mais si nos ressources sont limitées, où diriez-vous qu'elles seraient le plus utiles à ce moment-ci? Y a-t-il un endroit où nous pourrions commencer à offrir de l'aide que nous pourrions cibler?
    Bien sûr, ce sont les personnes qui comptent le plus. En plus d'offrir de l'aide humanitaire, il faut veiller à la sécurité des personnes.
    Mais je vous demande où, précisément, dans le pays. Est-ce qu'un groupe a plus besoin d'aide qu'un autre, par exemple?
    Tous les groupes ont également besoin d'aide.
    D'accord. Merci.
    Nous allons entendre M. Cotler, puis nous reviendrons.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie le révérend El Shafie d'être avec nous pour nous présenter, encore une fois, un témoignage convaincant et opportun, et pour exposer l'EIIS comme une étude de cas de notre responsabilité de prévenir les atrocités massives et les actions génocidaires, et de protéger les minorités religieuses qui sont directement visées, notamment les chrétiens.
    J'ai deux questions.
    Premièrement, l'EIIS, comme vous le savez, ne se trouve pas qu'en Irak, mais aussi en Syrie. Certains d'entre nous ont dit qu'il fallait protéger les minorités et offrir de l'aide humanitaire, il y a trois ans et demi, quand les civils se sont mis à manifester en Syrie et que le régime Assad s'en est pris à eux. Nous sommes tous au courant des disparitions, de la torture et des bombes.
    On nous a dit, à la fin de la première année, alors qu'on enregistrait encore seulement » 8 000 morts — et maintenant, on en compte plus de 200 000 —, que si nous intervenions, même sans ce que soit une intervention militaire, cela causerait une guerre civile et des conflits sectaires, que cela provoquerait les djihadistes, etc. Tout ce qu'on nous a dit qui se produirait si nous intervenions s'est produit quand même, d'après moi, à cause de notre inaction, parce que nous ne sommes pas intervenus.
    Quelles options avons-nous en Syrie? Malheureusement, nous n'avons pas agi, alors est-ce qu'il y a des options raisonnables?
    Deuxièmement, l'EIIS est le visage cruel et barbare de l'intégrisme islamique — à distinguer de l'islam, je le précise —, mais ce n'est pas la seule menace. Il y a d'autres groupes islamiques radicaux, que vous connaissez trop bien: Al-Qaïda, Al-Nusra, le Hamas et le Hezbollah. Bien que l'un soit sunnite et l'autre, chiite, l'Iran les appuie tous les deux et s'est vanté de les avoir armés tous les deux, cet été. J'aimerais donc savoir, premièrement, s'il existe de bonnes options concernant la Syrie et, deuxièmement, ce qu'il faut faire du reste de la masse critique des menaces.

  (1335)  

    Je vous remercie de votre question, monsieur Cotler. Comme d'habitude, vous posez une question très simple, mais très compliquée.
    Revenons un peu sur l'EIIS et sur qui ils sont. Il faut que vous compreniez que l'EIIS est une filiale d'Al-Qaïda. Le dirigeant de l'EIIS est Abu Bakr al-Baghdadi. Le dirigeant d'Al-Qaïda, Ayman al-Zaouahiri, voulait que l'EIIS se concentre sur son territoire en Irak. Ils voulaient que le groupe Jabhat al-Nusra, une autre filiale d'Al-Qaïda, se concentre sur la Syrie. Abu Bakr al-Baghdadi n'était pas d'accord avec Ayman al-Zaouahiri et son organisation s'est séparée. Maintenant, l'EIIS est distinct d'Al-Qaïda. L'EIIS a été enfanté par Al-Qaïda, mais ils n'étaient pas d'accord au sujet des territoires qui leur revenaient.
    L'EIIS a vu le jour, et nous voyons maintenant le monstre qu'il est.
    En ce qui concerne la situation en Syrie, le monde a agi trop peu et trop tard. Maintenant, le problème nous a nettement dépassés. Nous devons lutter contre deux démons, et nous devons choisir: le régime d'Assad ou les deux groupes extrémistes.
    Notre seule façon d'avoir l'impression de régler quelque chose, de coopérer avec des groupes locaux, c'est d'avoir l'impression qu'ils sont assez modérés, qu'ils accordent une certaine importance à la démocratie ou qu'ils seront en mesure de garantir la protection des minorités. Cependant, l'histoire nous enseigne, surtout l'histoire américaine, que c'est vraiment compliqué parce que les États-Unis ont appuyé Oussama ben Laden pendant la guerre des moudjahidines, en Afghanistan, puis se sont retournés contre lui. Ils ont soutenu Saddam Hussein pendant la guerre contre l'Iran, la première guerre du Golf, et se sont retournés contre lui. Ils ont appuyé les rebelles en Libye, lesquels ont tué l'ambassadeur américain trois mois plus tard.
    La réalité, c'est que nous devons choisir la seule solution, celle de travailler avec les groupes locaux auxquels nous faisons confiance. Je ne vais pas les nommer parce que je n'ai pas confiance en eux. Nous devons travailler avec les groupes locaux pour nous débarrasser du problème en Syrie.
    C'est ma réponse simple. J'espère qu'elle répond à votre question.
    Oui. Si c'est possible, pourriez-vous parler de ce que j'ai dit à propos de la masse critique des menaces venant de l'islam radical et violent, mise à part la menace que représentent l'EIIS ou Al-Qaïda, c'est-à-dire la menace générale?
    En ce qui concerne la menace générale, c'est-à-dire la menace que représentent les extrémistes, il faut comprendre l'histoire depuis le début, à l'aube de ce qu'on a appelé le printemps arabe. Nous découvrons maintenant que le printemps arabe est devenu en réalité un hiver froid et mortel.
    Nous sommes tous contre les dictatures — s'il vous plaît, n'interprétez pas mal mes propos. Nous sommes tous contre les Moubarak, Kadhafi, Ali Abdallah Saleh et Zine el-Abidine Ben Ali de Tunisie. Nous sommes tous contre ces dictatures.
    Le problème, c'est que quand vous vous débarrassez d'une dictature, vous créez un vide politique. Qui profite de ce vide politique? Les extrémistes. C'est ce que nous avons vu se produire en Libye. C'est ce que nous avons vu se produire en Égypte, où les Frères musulmans ont pris la relève.
    Les extrémistes ne pourront être défaits que si l'État et la religion sont séparés. C'est la seule façon d'établir la démocratie au Moyen-Orient: séparer la religion et l'État, et assurer la liberté de religion aux minorités, et les protéger.
    En ce moment, à cause du vide politique qui a été créé, les extrémistes vont prendre plus de place et leur influence va augmenter pour une seule raison: l'absence d'éducation. Dans la société égyptienne, il y a 30 à 40 % d'illettrés. Ils ne savent ni lire ni écrire leur propre nom. Même si vous réformez la constitution, les Égyptiens ne savent pas à propos de quoi ils votent, alors ils vont suivre l'homme qui a du charisme et qui dit: suivez-moi et vous irez au ciel. C'est exactement ce qui s'est produit. C'est l'éducation, l'éducation et l'éducation qui nous permettra de défaire les extrémistes au Moyen-Orient.

  (1340)  

    Merci.
    Merci. Le temps est écoulé pour ce tour.
    Nous passons à Mme Grewal.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur El Shafie, du temps que vous nous consacrez aujourd'hui. Je vous remercie infiniment de votre passion et de votre engagement dans la lutte pour les droits des minorités religieuses.
    On blâme l'ancien premier ministre d'Irak, Nouri al-Maliki, d'avoir créé les conditions propices à la formation du groupe État islamique en ostracisant la communauté des musulmans sunnites par des politiques sectaires favorisant la minorité des musulmans chiites.
    De quelle façon constatez-vous que les difficultés économiques et l'apathie politique des musulmans sunnites en Irak sont liées à la formation du groupe État islamique, et comment règle-t-on cela? Quels sont les changements politiques qui doivent se produire? Pensez-vous qu'un traitement plus favorable des sunnites annulerait leur appui au groupe État islamique?
    Si nous ne parlons que de la situation en Irak, d'après moi, parce que le gouvernement Maliki, majoritairement chiite, a maltraité les sunnites — et les autres minorités aussi —, nous constatons que les sunnites ont dû coopérer avec l'EIIS pour se débarrasser des injustices qu'ils vivent depuis 10 ans.
    D'après moi, si le gouvernement chiite se mettait à travailler à un processus de réconciliation englobant non seulement les sunnites, mais aussi les autres groupes minoritaires comme les chrétiens, les yazidis, les mandéens et les autres, quels qu'ils soient... L'une des demandes des chrétiens, par exemple dans le secteur kurde, c'est qu'ils puissent se gouverner eux-mêmes pour se protéger.
    Cela répond peut-être en partie à la question de M. David Sweet, à savoir si les troupes kurdes ont protégé les chrétiens ou pas. Il faut garder à l'esprit qu'au début, quand l'EIIS est entré au Kurdistan, de nombreuses troupes kurdes ont laissé les minorités derrière et sont parties. Elles se sont retirées sans même avertir les minorités. Les yazidis ont été laissés derrière. Les chrétiens aussi. C'est ainsi que l'EIIS a pu leur causer beaucoup de dommages, parce que les peshmergas ne les ont pas protégés pour commencer.
    Il faut travailler, en Irak, à réconcilier non seulement les sunnites et la majorité, mais aussi les autres minorités. Une fois que les choses seront retombées dans l'ordre et que nous aurons la paix et la réconciliation, ce qui est très semblable à ce qui s'est passé au Liban — l'accord de Taëf, en 1988, je pense —, quand la réconciliation aura eu lieu, là où il y a des groupes minoritaires, ils ne retourneront chez eux que s'il y a des troupes internationales présentes pour assurer leur sécurité, comme les troupes de maintien de la paix. Ils se sentiront alors en sécurité et rejetteront l'EIIS.
    Si j'ai bien compris, le nouveau premier ministre, Haider al-Abadi, est du même parti politique qu'Al-Maliki.

  (1345)  

    En effet.
    En quoi donc sont-ils différents, alors? Est-ce que al-Abadi représente un changement positif pour les minorités religieuses d'Irak?
    Je ne vois pas encore de différence, honnêtement. Al-Abadi dit ce qu'il faut. Reste à voir s'il va passer de la parole aux gestes.
    La différence, c'est qu'ils apprennent. Ils ont vu l'EIIS s'approprier 40 % de leur pays. Ils ont vu Mossoul s'effondrer. Ils ont compris la leçon, et espérons qu'ils l'auront à la mémoire pour toujours, et pas juste pendant un certain temps, après quoi le gouvernement chiite répéterait ses erreurs.
    Il y a une chose à souligner. L'histoire a démontré que, souvent, les humains répètent leurs erreurs. Comment définit-on la folie? C'est répéter les mêmes gestes en espérant un résultat différent.
    Nous avons vu le gouvernement irakien répéter les mêmes folies, et j'espère que ce n'est pas le cas.
    Monsieur le président, me reste-t-il un peu de temps?
    Il vous reste une minute.
    L'État islamique a causé des déplacements massifs d'Irakiens. Pourriez-vous nous parler plus en détail des minorités religieuses qui ont dû se déplacer, notamment des chrétiens et des yazidis qui se sont enfuis vers différentes régions en Irak et qui sont maintenant à l'abri de la persécution?
    Est-ce que ces gens vivent encore dans un territoire qui est contrôlé par l'État islamique? Quelles mesures sont prises pour les approvisionner en vivres et pour leur venir en aide? Que fait le Canada dans ce domaine pour les aider?
    Évidemment, ceux qui ont réussi à s'enfuir au Kurdistan sont sous la protection du gouvernement kurde. Nous pouvons les aider sur le terrain, comme je l'ai dit, avec des abris et des médicaments, et nous pouvons assurer leur retour à la maison.
    Ceux qui demeurent sur le territoire de l'EIIS, auront trois options: se convertir à l'islam, être tués ou payer des taxes supplémentaires. S'ils ne se soumettent pas à l'EIIS, on s'empare de leurs femmes et on les vend pour 20 $ chacune. On crucifie leurs enfants. Voilà ce qu'il leur arrive à l'heure actuelle.
    Merci, monsieur le président.
    Passons maintenant à M. Benskin.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous. C'est la première fois que je vous rencontre et que j'entends ce que vous avez à dire. Vos connaissances et les renseignements que vous nous fournissez sont inestimables.
    J'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idées que mes collègues l'ont fait précédemment. Je ne suis vraiment pas un stratège militaire, mais en tant qu'ancien pratiquant d'arts martiaux, je sais que nous avons deux options: adopter une position offensive ou une position défensive.
    À mon avis, dans cette situation, la positive offensive consisterait, comme vous le disiez, à réduire le soutien financier des gouvernements qui appuient l'EIIS ou de les pénaliser en s'attaquant aux champs de pétrole et en bloquant leurs réseaux vitaux.
    À mon avis, la position défensive consisterait à faire un peu comme mon collègue, M. Marston, l'a dit, sur le plan de l'aide humanitaire. Je suis entièrement d'accord avec vous pour dire que l'aide humanitaire comporte un deuxième élément. Il faut leur prêter assistance, que ce soit sous forme de médicaments ou d'abris. Mais il faut aussi protéger cette aide pour faire en sorte que ces fournitures parviennent aux centres de réfugié, pour que les centres de réfugié soient protégés contre toute forme d'invasion, toute situation où les gens pourraient être pris en otage au moyen de viles manoeuvres.
    Pourriez-vous nous parler un peu plus du rôle que le Canada pourrait jouer sur le plan défensif, pour faire en sorte que les réfugiés soient protégés, que la nourriture et l'aide médicale dont ils ont besoin parviennent jusqu'à eux pour éviter que tout soit détruit dans ces pays?
    Premièrement, vous avez des ambassades canadiennes et des ambassadeurs. En passant, nous avons rencontré l'ambassadeur canadien là-bas, et il fait un excellent travail. Il se rend partout. En général, l'ambassadeur canadien reste planqué dans son bureau à ne rien faire. Ai-je dit cela à voix haute? Je vous présente mes excuses. Ceci va figurer au compte rendu.
    Dans ce cas-ci, l'ambassadeur canadien en Irak fait un excellent travail. Il se rend partout sur le terrain, pour assurer les communications et voir ce qui se passe sur le terrain. Il s'est rendu à Dohuk, qui est sur la frontière avec Mossoul. Il est très brave et je suis très fier de ce qu'il fait dans ce pays en tant qu'ambassadeur canadien.
    Vos ambassades doivent devenir vos yeux dans ce domaine pour veiller à ce que l'aide parvienne aux bonnes personnes. Quand vous donnez de l'aide au Kurdistan, cela va au gouvernement du pays. Je peux vous assurer que, peu importe de quel gouvernement il s'agit — qu'il s'agisse du gouvernement central de l'Irak ou du gouvernement kurde —, il y a de la corruption sur le terrain. Je vous l'assure. C'est inévitable.
    En ce qui concerne la partie qui va au gouvernement, l'ambassade canadienne et les membres du personnel de notre ambassade doivent d'abord savoir dans quel projet l'argent est censé être investi. Ensuite, ils doivent se rendre sur les lieux du projet pour voir ce qui se fait — et ils doivent le faire à l'improviste. Ils ne doivent pas annoncer au ministre qu'ils vont y aller tel ou tel jour. Ils doivent simplement prendre la voiture et se rendre sur place pour voir ce qui arrive.
    La reddition de comptes est la première priorité, et c'est l'ambassade et les membres du personnel de l'ambassade qui doivent s'en charger.
    La deuxième priorité concerne les organisations utilisées. Il existe beaucoup d'organisations canadiennes, mais il faut absolument utiliser celles qui sont sur le terrain. M. Medlum Merogi a une telle organisation, et c'est lui qui a été mes mains et mes pieds sur le terrain là-bas. Il est assujetti à la Loi canadienne, donc nous pouvons l'obliger à rendre des comptes. Voilà seulement un exemple; je ne pointe le doigt à personne. Je dis simplement que nous avons demandé à une organisation canadienne de faire le travail sur place là-bas pour qu'elle soit obligée de nous rendre des comptes. L'organisation peut avoir des employés locaux, comme cela a été le cas de l'organisation de M. Merogi, qui a un arrière-plan irakien, et nous pouvons coopérer avec eux pour veiller à ce que l'aide parvienne aux gens. Si vous remettez l'aide directement au gouvernement et que vous lui laissez le soin de s'en occuper, c'est de l'argent gaspillé.

  (1350)  

    Merci.
    En fait, j'aimerais plutôt faire une remarque. Vous avez parlé de la séparation de l'Église et de l'État. À mon avis, si nous réduisons ce concept à sa plus simple expression, il s'agit d'un problème d'intégration. Pour le meilleur ou pour le pire, tous les pays, y compris le Canada, ont été aux prises avec ce problème au cours de leur histoire.
    On voit ce problème souvent dans les pays africains, où de nombreuses minorités soi-disant ethniques cohabitent un espace donné. Les gens ne se sentent pas toujours intégrés. Cela a mené des gens à faire des choses atroces. C'est la même chose qui se produit dans ce cas-ci. Je ne suis pas en train de dire que l'EIIS est justifié. Je parle seulement, comme vous l'avez fait, de ce qui doit être fait en Irak pour opérer un revirement de la situation, pour assurer l'intégration, pour que tous les gens sentent qu'ils font partie du processus décisionnel et qu'ils ont un mot à dire concernant leur sort.
    Est-ce que mon hypothèse vous paraît raisonnable?
    Je suis d'accord avec vous.
    Quand nous entamerons le processus de réconciliation en Irak, il y aura deux issues possibles. La première, c'est que les gens organiseront une réunion pour parler de réconciliation, où ils serviront du thé et du café et prendront des photos et tout cela paraîtra dans les médias. Or, dès que les gens auront quitté la réunion, ce sera terminé. Il y aura eu une bonne réunion avec des photos, mais cela ne changera rien. Les gens choisiront des leaders parmi les sunnites, les chrétiens ou les yazidis — qui sont corrompus aussi. Essentiellement, les gens leur donneront des pots-de-vin pour qu'ils se taisent, et cela se terminera là.
    Voilà donc une des issues possibles. Nous craignons que c'est ce qui arrivera.
    La deuxième issue possible, c'est que les gens se réuniront avec d'autres pays et d'autres gouvernements sous l'égide d'un organisme international, comme l'ONU. Par exemple, disons que c'est ce qu'il faudrait leur dire: vous avez opté pour la réconciliation et voici les mesures qu'il faudra prendre sur le terrain. Si vous souhaitez réellement guérir les blessures de l'Irak et des Irakiens, peu importe qui vous êtes. Vous voyez, la religion est une affaire entre vous et Dieu, mais votre nationalité irakienne est une affaire entre vous et votre nation. L'Irak appartient à tous les Irakiens — pas seulement aux chrétiens, aux yazidis, aux chiites ou aux sunnites. L'Irak appartient à tous les Irakiens.
    Si c'est ce que les gens veulent vraiment, ils devront se mettre sous l'égide d'un organisme international et bénéficier d'une surveillance internationale, pour faire en sorte que le processus de réconciliation aient des chances de réunir. Si le gouvernement majoritaire chiite de l'Irak veut vraiment en arriver à une réconciliation, il devra collaborer avec la communauté internationale et les gens de la région.
    Merci.

  (1355)  

    Monsieur Schellenberger, vous serez notre dernier intervenant.
    Monsieur le révérend, j'ai été très intéressé et heureux d'entendre votre point de vue aujourd'hui.
    Comme vous l'avez dit, les minorités sont devant trois options, mais au bout du compte, ils doivent choisir entre l'Islam ou la mort. Appelons-nous cette guerre en Irak et en Syrie une guerre de religion, ou quel terme devrions-nous utiliser pour décrire ce conflit? J'ai posé la question à d'autres témoins, et on m'a répondu que ce n'est pas une guerre de religion. Toutefois, j'en suis pas certain quand je vois une personne être décapitée au nom d'Allah.
    S'agit-il d'une guerre de religion, ou comment devrions-nous...
    Oui, c'est une guerre de religion.
    Les gens disent que ce n'est pas une guerre de religion parce qu'ils veulent être politiquement corrects.
    Un des principaux cancers dans la société canadienne, c'est la rectitude politique.
    Comment peut-on motiver un extrémiste religieux à tolérer les minorités religieuses et à leur accorder leur liberté? Est-il possible de faire cela en Irak aujourd'hui?
    Qui ferait cela au juste? Le gouvernement irakien? L'EIIS?
    Le monde entier.
    Le monde entier, pour atteindre la tolérance religieuse en Irak.
    Oui, la tolérance.
    On peut voir cette tolérance religieuse au Kurdistan, et peut-être que nous pourrions favoriser cette transformation. Je ne suis pas en train de dire que le gouvernement kurde est un ange et que tout ce qu'il fait est bien. Ce n'est pas ce que je veux dire. Il y a quelques années, à Noël, des chrétiens ont été attaqués au Kurdistan pendant quatre heures. La police kurde n'a rien fait pour les aider. Je tenais à préciser cela, parce que je ne suis pas ici pour dépeigner le pays comme étant parfait. Ce n'est pas un pays parfait.
    Toutefois, je crois que nous pourrions en arriver à la tolérance religieuse en Irak — et dans n'importe quel autre pays — de deux façons. Premièrement, par la sensibilisation. Je ne parle pas de la sensibilisation de la génération actuelle, mais de la prochaine. Jusqu'à un certain point, on peut voir un exemple de cela au Kurdistan.
    Deuxièmement, nous devrions établir un lien entre l'amélioration des droits de la personne dans ces pays et l'aide que nous leur offrons et les échanges commerciaux que nous faisons avec eux. Voilà ce que nous devrions faire. Je ne dis pas d'utiliser ces choses comme arme. Ce que je dis, c'est de les utiliser comme des mécanismes de renforcement. Je ne suis pas en train de suggérer de couper l'aide complètement. Tout ce que je dis, c'est que nous pourrions leur dire: « Nous vous assisterons davantage et nous augmenterons nos échanges commerciaux avec vous si vous améliorez les conditions sur le plan des droits de la personne dans votre pays. Si vous défendez les droits des femmes, je vous aiderai davantage et je ferai plus d'échanges avec vous. Si les droits des minorités et des enfants sont protégés, si vous combattez réellement la traite de personnes et si vous protégez réellement votre environnement... » Il s'agit de toutes ces choses.
    Si nous réussissons à établir un lien entre notre aide de même que nos échanges commerciaux et les améliorations sur le plan des droits de la personne et d'autres questions importantes dans ces pays, cela fera vraiment avancer les choses, parce que tous les gouvernements ont besoin d'aide et des échanges internationaux. Quand on touche à l'argent dans leurs poches, ils écoutent.
    Merci.
    Je vais m'arrêter là afin de vous donner l'occasion de faire vos remarques finales.
    Merci. Encore une fois, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître.
    Je tiens à reconnaître la contribution de M. Brad Butt, qui m'a accompagné en Irak; je lui en suis très reconnaissant. J'aimerais aussi remercier M. David Sweet, qui a toujours beaucoup soutenu notre cause. Je remercie aussi mon très cher ami, M. Wayne Marston. M. Irwin Cotler n'est pas présent ici aujourd'hui, mais je laisse le meilleur pour la fin. Madame Elizabeth May, je vous remercie énormément d'être venue. Je l'apprécie beaucoup.
    J'aimerais terminer en disant ceci. Peu importe nos divergences politiques — et je suis assidûment vos débats —, peu importe que nous appartenions au Parti conservateur, au Parti libéral, au Nouveau Parti démocratique ou au Parti vert: je peux vous assurer que, pour les gens là-bas, cela n'est pas important. C'est aussi simple que cela. Par conséquent, nous devons agir rapidement pour aider les gens sur le terrain.
    J'ai déjà été dans leur situation. J'ai déjà été en prison à cause de mes croyances chrétiennes, et j'en porte encore les marques sur mon corps. J'ai l'honneur de porter ces marques comme des médailles d'honneur. S'il y a une chose que je sais du Canada, en tant que personne qui est venue au pays comme réfugié, c'est que le Canada est un temple des droits de la personne. Je sais que le Canada est la voix de la conscience dans notre monde et je sais que notre monde est un endroit sombre et injuste; mais ce n'est pas parce que des gens ont fait du mal, c'est parce que des gens sont restés muets à ce sujet. En l'absence de lumière, l'obscurité triomphe. S'il y a une chose que j'ai apprise pendant que j'étais en prison en Égypte, c'est qu'on peut toujours tuer les rêveurs, mais personne ne peut tuer le rêve.
    Merci de m'avoir invité à comparaître, monsieur le président.
    Des voix: Bravo, bravo!

  (1400)  

    Merci, monsieur le révérend El Shafie.
    Cela met fin à nos travaux d'aujourd'hui, à moins que certains membres aimeraient soulever des questions d'ordre administratif. Merci beaucoup.
     La séance est levée.
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