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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 2 décembre 1996

.1536

[Traduction]

Le président: Bonjour. Nous allons débuter la réunion en souhaitant la bienvenue à M. Haber, de COSEPAC, mais je m'empresse de souligner que la séance n'ouvrira officiellement qu'une fois qu'un membre de l'opposition se sera présenté. Cependant, étant donné que des votes ont été prévus pour 17 h 30, nous ne voulons pas faire attendre nos témoins. Nous avons un autre témoin à entendre après M. Haber. Nous allons donc commencer et prendre bonne note de ce que M. Haber aura à nous dire. Nous aurons, bien sûr, une bonne période de questions, et nous poursuivrons ensuite avec le reste de notre programme.

Monsieur Haber, bienvenue parmi nous. Si vous pouviez nous faire une petite mise à jour au sujet de ce que vous pensez du projet de loi, cela nous serait très utile.

M. Erich Haber (président, COSEPAC): Merci. J'ai en effet comparu devant le comité le31 octobre, mais il ne s'agissait à l'époque que de vous fournir des renseignements supplémentaires. Je n'avais pas vraiment eu le temps d'éplucher le projet de loi.

J'ai pu en discuter avec d'anciens présidents de COSEPAC, dont un en particulier, et j'ai également moi-même parcouru le document. Dans le texte que je vais vous lire, je traite de cinq points. Ce texte a été traduit à votre intention. Je viens cependant de faire un petit ajout au texte anglais, mais celui-ci n'a pas été traduit. Cependant, cela pourra, au besoin, être fait d'ici quelques jours.

J'aimerais, avec votre indulgence, passer ce document en revue avec vous. Les différentes questions sont exposées de façon relativement succincte. Je vais donc lire le texte et vous pourrez m'interrompre à tout moment pour me poser des questions.

Le premier point que j'aimerais aborder est la définition de «espèce sauvage». Ceci est bien sûr très important pour le projet de loi tout entier. À l'heure actuelle - et je vais vous en lire une partie - la définition dit:

Ce que je propose ici, c'est un changement afin que la définition se lise comme suit: «espèce, sous-espèce, variété ou population significative au niveau national d'animaux, de végétaux...» et ainsi de suite. La déclaration supplémentaire au paragraphe b), contenue dans cette définition, devrait elle aussi être modifiée, ainsi que le sommaire du projet de loi.

Quant aux raisons pour ce changement, la première est que l'actuelle définition n'inclut pas la catégorie «variété» de plantes. COSEPAC a toujours désigné des variétés, et il y a en fait deux variétés de plantes qui sont sur la liste nationale de plantes vulnérables. Le terme «sous-espèce» n'est pas synonyme de «variété», alors il n'y a aucune confusion à ce niveau-là. Il y a des espèces, des sous-espèces et des variétés. En fait, dans le domaine végétal, il y a également des formes. Comme je viens de le dire, nous avons désigné des variétés. Il semble donc qu'il y ait eu ici, au moins dans le cas des variétés, une omission commise par inadvertance. Les variétés devraient y figurer, car autrement, elles ne seront pas couvertes.

La deuxième raison - et celle-ci est peut-être encore plus importante - est que COSEPAC ne désigne comme espèces sauvages en péril que celles qui sont importantes au niveau national, y compris des populations géographiquement distinctes. Le libellé actuel laisse entendre que COSEPAC désigne n'importe quelle population géographiquement distincte. Or, tel n'est pas le cas.

Ce changement correspondrait à l'accord national dans lequel il est reconnu que COSEPAC peut désigner les espèces en péril au niveau national. Une explication détaillée des populations qui sont significatives au niveau national figure dans le rapport annuel 1995 de COSEPAC, qui dit clairement qu'il est question de populations importantes au niveau national.

.1540

Le deuxième point que j'aborde concerne l'article 15, qui dit: «Le COSEPAC tient une réunion au moins une fois par semestre». J'estime qu'un éclaircissement s'impose ici. Il n'est pas clair, dans le texte de l'article, si le but est de signifier l'intention de désigner le statut tous les six mois. À l'heure actuelle, la désignation est faite à la réunion annuelle en avril, mais la possibilité de faire des désignations de statut dans le cas de circonstances exceptionnelles est prévue. Par ailleurs, dans le texte français, le verbe «tient» devrait être remplacé par l'expression «doit tenir», afin de correspondre au texte anglais.

Ma recommandation est qu'étant donné le lourd fardeau qui revient aux présidents de sous-comités et, dans une moindre mesure aux membres des sous-comités, COSEPAC devrait ne désigner le statut qu'une fois par an, mais se réunir deux fois l'an pour faciliter la conduite des affaires des comités.

Le projet de loi contient déjà une disposition en vue de la désignation de statut en cas de circonstances exceptionnelles. La raison pour laquelle je fais cette recommandation est que selon l'accord national, COSEPAC continuera de désigner toutes les espèces d'importance nationale, comme nous le faisons, y compris celles qui ne se trouvent pas sur des terres fédérales.

Les membres des sous-comités font la quasi-totalité du travail de préparation des rapports en vue de la désignation d'espèces par COSEPAC. Presque tout ce travail est fait volontairement. À l'heure actuelle, c'est un engagement considérable, surtout de la part des présidents de sous-comité. Les membres des sous-comités sont quant à eux poussés par leurs institutions pour consacrer moins de temps aux activités de COSEPAC et pour se concentrer davantage sur les responsabilités premières qui leur reviennent dans le cadre de leurs fonctions habituelles.

Le travail des membres de sous-comités augmentera une fois le projet de loi adopté, surtout si la fréquence des désignations est augmentée. Un financement suffisant pour venir en aide aux présidents des sous-comités ou une lettre d'entente avec les organismes d'attache encouragerait ceux-ci à permettre à leur personnel de participer au travail de COSEPAC.

Vous penserez peut-être qu'une fois le COSEPAC créé en vertu de la loi ce sera davantage une question d'organisation interne, dont celui-ci pourra s'occuper, mais il est important de souligner ici que le travail des sous-comités - et il y en a six, qui s'occupent des oiseaux, des mammifères, des poissons, des plantes, etc. - effectué par les présidents et les autres est exclusivement bénévole et est soumis au bon vouloir des institutions qui accordent à ces personnes le temps nécessaire. À l'heure actuelle, ces personnes, poussées à faire davantage dans le cadre de leurs responsabilités premières - et cela prend souvent la forme de travail de recherche dans des universités et des musées - sont fortement encouragées à consacrer moins de temps aux activités de COSEPAC.

Si nous allons devoir faire des désignations de statut deux fois par an, il faudra que ces comités scientifiques et techniques fassent beaucoup plus de travail pour que tout soit fait rapidement et dans les temps. Il importerait donc d'établir clairement selon quelle fréquence il faudra que le COSEPAC fasse des désignations de statut.

Comme je l'ai dit dans mon introduction, le texte anglais dit «COSEWIC must meet», tandis que le texte français dit tout simplement «tient une réunion». Il y a donc une différence fondamentale dans le sens.

Mon troisième point concerne l'article 16. La première partie dit: «Le COSEPAC peut créer des sous-comités, consultatifs ou autres...». J'aurai un nouveau libellé à proposer: «Le COSEPAC créera des sous-comités de spécialistes pour la préparation et la révision scientifique des rapports de situation au sujet des espèces sauvages en péril et peut créer des sous-comités, consultatifs ou autres, chargés de le conseiller ou de l'assister, ou d'exercer les pouvoirs et fonctions qu'il leur délègue».

Ce que je propose ici, et cela est critique, est que le projet de loi stipule que COSEPAC établira des sous-comités spécialisés en vue de la préparation de l'examen scientifique des rapports de situation. Ce changement a pour objet de traiter des difficultés énoncées à l'article 15, dont je viens de faire état. La crédibilité des désignations de COSEPAC est fonction du travail effectué par les botanistes, les zoologistes et les spécialistes de la faune qui siègent aux sous-comités et qui examinent tous les rapports. Les présidents et les membres de ces sous-comités sont des professionnels d'organismes fédéraux et provinciaux ainsi que d'organismes non gouvernementaux, notamment musées et universités.

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D'une certaine façon, je reprends le même point, mais en ce qui me concerne, cela est extrêmement important. Il est essentiel que ces sous-comités soient créés si l'on veut que le COSEPAC puisse fonctionner de façon efficace, étant donné surtout les exigences accrues qui lui seront imposées par le projet de loi. L'inclusion de l'établissement de sous-comités dans le projet de loi... et l'objet est d'avoir des sous-comités de comités techniques, mais cela n'est pas stipulé dans le texte du projet de loi. C'est ce qui me préoccupe. L'inclusion des études dans le projet de loi reflète leur importance. Ce changement indiquera aux organisations participantes que le travail effectué par leur personnel relativement au COSEPAC est une contribution nationale appréciable et une activité professionnelle essentielle, ce qui n'est à l'heure actuelle pas reconnu par ces institutions, dont proviennent ceux et celles qui siègent aux comités techniques.

Le point quatre traite de l'article 27. Celui-ci dit:

J'aimerais proposer un éclaircissement. L'article 20 - c'est un article précédent, et nous nous intéressons ici à l'article 27 - exige qu'un rapport de situation soit préparé pour toutes les décisions de désignation et de classification du COSEPAC. L'article 27 devrait par conséquent être modifié, pour que ce soit clair, par l'ajout de: «une telle révision prendrait la forme d'un rapport de mise à jour». D'autre part, le verbe «révise» devrait être remplacé par l'expression - dans la version française - «doit réviser», afin que le texte soit compatible avec la version anglaise.

En ce qui concerne les raisons pour la clarification, ces révisions devraient être fondées sur des rapports de progrès, parce qu'ils sont l'examen le plus exhaustif des données récentes et parce que ces rapports sont également examinés par les sous-comités scientifiques. Cela n'est pas clair dans le libellé actuel de l'article 27, qui dit tout simplement «révise». Bien sûr, une révision pourrait être n'importe quel genre d'examen par un panel, par le maximum de neuf membres de COSEPAC, mais ce que je propose ici c'est que cette révision prenne véritablement la forme d'un rapport de progrès, car ceux-ci sont acheminés aux comités scientifiques, aux comités techniques, pour un examen scientifique en bonne et due forme. Le statut fait alors l'objet d'une désignation ou d'une révision à la hausse ou à la baisse, selon le cas.

Mon cinquième point traite de deux légères inexactitudes que j'ai relevées dans la traduction française. Étant donné les divergences entre les versions anglaise et française que je viens de soulever, dans le contexte de l'objet du projet de loi, je recommande que le texte intégral du projet de loi soit révisé de façon à veiller à ce qu'il n'existe pas ailleurs de divergences semblables, car il y a une différence entre «doit» et le simple fait de faire quelque chose. Les textes anglais et français doivent tous les deux insister de la même façon sur ce qui constitue une véritable exigence.

J'ai dans ma déclaration liminaire en langue anglaise une observation supplémentaire que j'aimerais faire. Il s'agit du nom donné au comité dans les versions anglaise et française du projet de loi. Je m'interroge sur l'opportunité de renvoyer au comité avec des noms différents dans les deux langues. Le Committee on the Status of Endangered Wildlife in Canada a été traditionnellement connu, en français, sous le nom de Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada. Cela se rapproche pas mal de l'anglais, l'expression «espèces menacées de disparition» rendant assez bien l'expression «endangered species», de sorte que la version française fait, tout comme la version anglaise, état d'espèces menacées.

Le texte du projet de loi maintient le nom retenu en anglais pour ce qui est de l'acronyme mais change et le nom et l'acronyme en langue française. Le titre en français fait maintenant état d'espèces en péril, alors que le texte anglais parle d'espèces menacées. Ces deux concepts ne sont pas identiques. Je conviens néanmoins que le nom du comité et que ses activités se trouvent mieux saisis dans le nom français.

Les rapports de situation sur les plantes qui ont récemment été envoyés pour examen par le Sous-comité des plantes ont été baptisés Status Report on Plants at Risk in Canada, étant donné que cela correspond mieux à nos activités. Nous n'évaluons pas uniquement les espèces qui sont considérées comme étant menacées.

.1550

Voici donc ma proposition: je propose que l'on conserve le nom et l'acronyme français, mais que le nom et l'acronyme anglais soient remplacés par Committee on the Status of Species at Risk in Canada, ce qui donnerait, comme sigle, COSSARC.

Cela refléterait plus exactement les activités du comité et fournirait un nom parallèle à celui qui a été proposé en français. Cet acronyme serait également parallèle à son analogue ontarien au niveau du comité national. En effet, le comité provincial a été appelé Committee on the Status of Species at Risk in Ontario, ou COSSARO. L'Ontario est l'une des quatre provinces à avoir déjà adopté une loi visant les espèces menacées.

La suppression, dans le nom, du mot «wildlife» éliminerait par ailleurs toute confusion dans l'esprit de certains qui conçoivent peut-être la faune dans le contexte des anciennes dispositions, antérieures aux changements effectués en 1990. À l'époque, le terme «wildlife» n'englobait que les vertébrés, soit oiseaux, mammifères, poissons, amphibiens et reptiles. Tous ces organismes sont maintenant couverts par la nouvelle politique des espèces sauvages pour le Canada.

Une autre solution moins appropriée - je vous propose donc une solution de rechange, même si je n'y serais pas particulièrement favorable - serait de suivre l'exemple de l'Union mondiale pour la nature, toujours connue sous son ancien sigle, soit UICN, correspondant à Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources. L'ancien acronyme du COSEPAC pourrait toujours être utilisé, mais le nom pourrait être remplacé par Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada.

Le remplacement des noms du comité, en anglais et en français, par des noms plus appropriés et plus similaires est très indiqué étant donné la nouvelle structure organisationnelle du comité et sa reconnaissance officielle en vertu du projet de loi.

Voilà les quelques points que j'avais tenu à expliquer au comité. Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Heureusement que vous aviez cette observation supplémentaire à nous soumettre. En avez-vous d'autres, monsieur Haber?

M. Haber: Pas que j'aie couchés sur papier. Je vous ai exposé les points essentiels, pour le moment.

Le président: L'explication que vous venez de nous donner est extrêmement importante. Il nous faut la comprendre pleinement et décider.

Je suis certain que Mme Guay voudra entamer la période des questions, suivie par M. Forseth, puis par M. Adams.

Madame Guay.

[Français]

Mme Guay (Laurentides): Bonjour, monsieur Haber. J'aimerais obtenir un peu d'information sur le COSEPAC et son fonctionnement. Vous êtes président du COSEPAC?

[Traduction]

M. Haber: Oui, je le suis.

[Français]

Mme Guay: J'aimerais savoir combien de personnes en font partie, comment vous fonctionnez avec les sous-comités et si vous avez toutes les ressources nécessaires pour appliquer un projet de loi comme celui-ci.

[Traduction]

M. Haber: À l'heure actuelle, le COSEPAC est un comité national auquel siègent quantité de représentants. Nous avons des représentants de tous les ministères provinciaux et territoriaux responsables de la faune. Nous avons quatre représentants fédéraux de quatre organismes fédéraux, notamment le Service canadien de la faune, Parcs Canada, le Musée de la nature et le ministère des Pêches. Nous avons également trois représentants d'organismes environnementaux nationaux, soit le Fonds mondial pour la nature, la Fédération canadienne de la nature et la Fédération canadienne de la faune.

Lors de notre réunion annuelle, il nous arrive d'inviter des gens de temps à autre, mais ces représentants dont je viens de parler sont les principaux membres votants, aux côtés des présidents de sous-comité. Nous avons six sous-comités, comme je l'ai déjà expliqué, qui s'occupent des oiseaux, des poissons, des mammifères marins - je pourrai vous expliquer cela dans un instant - et des reptiles, des amphibiens et des invertébrés. Le travail du sous-comité sur les invertébrés est limité, dans ce sens qu'il ne s'occupe que de mollusques - clams, par exemple - et d'espèces très en vue comme les papillons et les papillons de nuit. Nous avons également un comité des plantes dont le travail porte à l'heure actuelle sur les plantes à fleurs et les plantes vasculaires et, depuis environ un an, sur les mousses et les lichens.

.1555

J'ai fait allusion à cela sous deux rubriques différentes dans ma déclaration, lorsque j'ai fait état du travail effectué par les sous-comités. Les présidents des sous-comités doivent veiller à ce que ceux-ci aient une liste de travail d'espèces candidates en vue de la préparation de rapports, espèces dont la désignation doit être envisagée. Les présidents et coprésidents de ces sous-comités veillent à ce qu'il y ait une liste d'espèces à être examinées. Dans l'esprit de ces professionnels, ce seront là les espèces les plus en danger au Canada.

Les présidents, avec l'aide des membres des sous-comités, trouvent des auteurs pour des rapports sur ces espèces désignées pour l'année - un ou plus - et l'on recourt à une lettre d'entente. Nous utilisions autrefois des contrats, passés avec les auteurs. Le financement est assuré de diverses façons.

C'est le Fonds mondial pour la nature qui était le principal organisme responsable du financement pour le compte du COSEPAC, mais le Service canadien de la faune a toujours assuré le secrétariat et des montants d'argent considérables à l'appui de tout le travail effectué par celui-ci. Il a également versé environ 10 000 $ au titre du financement de rapports de situation. Le Fonds mondial pour la nature, grâce à ses mécanismes de financement, a versé des fonds de contrepartie supplémentaires, ce de façon à nous permettre de réaliser un nombre raisonnable de rapports chaque année.

Emboîtant le pas au Fonds mondial pour la nature, la Fédération canadienne de la faune s'est occupée de faciliter la négociation des contrats et le financement, et elle verse des fonds supplémentaires à l'appui de la préparation de rapports de situation.

Récemment, par suite de changements survenus chez ces deux organisations, le Service canadien de la faune a pris en mains le financement, mais nous tentons en même temps d'obtenir des fonds de contrepartie auprès d'autres organisations.

L'important quant aux deux points que j'explique dans ma déclaration, est que la quasi-totalité du travail... En plus de l'important travail fait par le ou les auteurs du rapport de situation... Ce sont le président, les coprésidents et les membres du comité qui trouvent cette personne et qui font un examen critique et scientifique de son rapport. La crédibilité scientifique du contenu du rapport relève du comité. Tous les membres du comité - sauf moi, depuis quelques années, car le Musée de la nature passe depuis quelque temps des contrats avec moi pour que je le représente au sein du COSEPAC - travaillent essentiellement comme bénévoles, les diverses institutions autorisant le don de leur temps et versant des fonds pour couvrir les photocopies, les appels interurbains et tout le reste, afin que les sous-comités puissent fonctionner.

Un important travail est effectué par les groupes de spécialistes. Et maintenant que nous avons devant nous un projet de loi en vertu duquel le COSEPAC deviendra une entité juridique - et que la désignation des espèces pourra peut-être même se faire deux fois par an... on ne sait toujours pas très bien - les pressions exercées sur ceux et celles qui font ce travail bénévole vont augmenter de façon très marquée. Nous perdons des gens du fait des pressions qui sont exercées sur eux au sein des institutions pour lesquelles ils travaillent. Ils se retirent ou bien ne peuvent pas faire autant de travail.

[Français]

Mme Guay: Dans votre commentaire sur l'article 15, dans la raison pour la recommandation, vous dites:

Ici, on entre carrément dans des compétences qui ne sont pas fédérales, mais bien provinciales. Vous savez que cela va soulever des contestations au niveau de certaines provinces qui ont déjà des lois sur la protection des espèces menacées, notamment le Québec.

Une entente avait déjà été signée entre le ministre fédéral et les provinces à Charlottetown, l'année dernière. On s'était entendu pour dire qu'on allait éviter tous les chevauchements et dédoublements possibles entre les deux paliers de gouvernement dans l'application des lois. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus.

.1600

[Traduction]

M. Haber: Ai-je bien compris que ce qui vous préoccupe c'est ce problème de chevauchement entre les deux lois?

Nous abordons ici une question un peu plus difficile et que je trouve quelque peu délicate, en ce qui concerne l'aspect juridique. Le projet de loi dit clairement qu'il y a une responsabilité conjointe. Vous comprenez cela.

Vous dites qu'il existe des lois dans certaines provinces. L'Ontario, par exemple, a une loi en la matière depuis quelque temps déjà. Il me faut présumer qu'à cause de l'accord national, il faudra que certains changements soient apportés, afin qu'il y ait compatibilité dans la façon dont fonctionneront les lois provinciales et la loi fédérale en matière de désignation. Le projet de loi, s'il est adopté, nous permettra, cela est clair, de nous occuper d'espèces qui ne se trouvent pas sur des terres fédérales, car...

Je suis en train de m'empêtrer un petit peu ici. Je trouve difficile de répondre à votre question. Il serait peut-être plus opportun que vous la posiez aux auteurs du projet de loi, qui se sont occupés de tous les détails, et pour qui il serait peut-être plus facile de répondre. Excusez-moi. Je trouve cela difficile.

[Français]

Mme Guay: Ce n'est pas une question de s'opposer ou pas. Il s'agit simplement de voir comment on va gérer les deux. Lorsque cette loi sera appliquée, il va falloir trouver le moyen de gérer ces situations. Il ne faudra pas mettre en péril des espèces parce qu'on ne s'entend pas sur le plan juridique. Il faudra probablement que la loi dont nous sommes saisis ait une certaine flexibilité face aux autres lois qui existent déjà et qui sont déjà appliquées.

[Traduction]

Le président: Une brève réponse, je vous prie.

M. Haber: Encore une fois, je ne suis pas certain de pouvoir répondre à cette question précise. À l'heure actuelle, mon interprétation de... n'ayant pas participé au véritable travail de rédaction du projet de loi, je ne peux pas vous fournir de réponse détaillée là-dessus. Excusez-moi.

Le président: C'est bien.

Allez-y, monsieur Forseth.

M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Merci.

Pensez-vous vraiment que le COSEPAC va changer fondamentalement son mode de fonctionnement, surtout sur le terrain, en ce qui concerne ses sources de renseignements? Vous avez une expérience de travail dans le contexte de la loi ontarienne et relativement aux sources de renseignements sur, mettons, là où un oiseau a été aperçu, s'il a un nid dans la région, dans quel rayon il se déplace, etc. pour en arriver à des conclusions. N'y a-t-il pas un oiseau appelé pie-grièche migratrice, ou quelque chose du genre? On l'a retrouvée dans certaines parties de l'Ontario, mais on l'a désignée espèce en voie de disparition. Vous pourriez peut-être nous expliquer comment vous obtenez les renseignements sur le terrain, puis ce qu'il en advient au fur et à mesure que cela remonte dans la hiérarchie.

M. Haber: Les renseignements sur le terrain sont en fait compilés par le ou les auteurs du rapport de situation. Voici ce qu'ils font. Dans le cas des vertébrés, et des animaux en particulier, ils recourent à toutes les références bibliographiques et à tous les ouvrages disponibles. Ils communiquent avec les ministères de la faune pour obtenir auprès d'eux les renseignements dont ils disposent. Ces renseignements sont toujours communiqués aux auteurs. Nous n'avons que très rarement eu des problèmes à cet égard. L'auteur est donc tout à fait en mesure d'obtenir tous les renseignements à jour qui sont disponibles. Pour ce qui est des oiseaux, ils utilisent également les recensements de Noël et les relevés de nidification... il y a toutes sortes d'initiatives dont les résultats sont publiés dans différentes revues spécialisées.

Les auteurs des rapports compilent tous ces renseignements dans un format bien particulier qui permet de préciser l'habitat, les nombres, la fluctuation des nombres, les menaces présentes et évidentes ou les menaces implicites qui sont peut-être présentes. Voilà quelques-unes des questions critiques dont doit faire état un rapport de situation. Celui-ci doit notamment comporter tout renseignement sur l'évolution du chiffre de population d'une espèce, de son importance et des menaces auxquelles elle est exposée. Nous exigeons que ces différents éléments figurent dans les rapports de situation afin d'être en mesure d'en arriver à des décisions fermes sur la désignation ou non de certaines espèces. Il nous faut être convaincus de disposer de renseignements scientifiques adéquats.

.1605

M. Forseth: Dans le contexte de ce que vous venez de décrire, pensez-vous que dans le cadre du nouveau système de désignation du COSEPAC il y aura des éléments de ce dont vous venez de nous parler qui vont changer, ou bien va-t-on continuer de faire plus ou moins le même genre de compilation de données?

M. Haber: Ce sera exactement pareil, et ce sera contrôlé d'encore plus près, il me semble, étant donné les actions en justice qui pourront s'ensuivre.

M. Forseth: J'aimerais maintenant revenir sur l'application de la loi ontarienne. Vous avez dit que des citoyens bien intentionnés sortent et font un inventaire de Noël des oiseaux qu'ils voient. N'est-il pas vrai que le COSEPAC s'appuie largement sur de petites tribunes qui sont le fait de simples citoyens, de clubs d'observateurs d'oiseaux, etc., qui se promènent dans la nature pour faire des repérages? Je pourrais caractériser la situation en disant qu'une part importante des données rassemblées et présentées comme étant très scientifiques pourraient être recueillies par un enfant de 12 ans qui pense que ce qui est assis sur le toit d'une grange ou sur une branche... ce ne sont pas du tout des ornithologues. Ce sont tout simplement des clubs d'observateurs d'oiseaux bien intentionnés. Ils envoient leurs formulaires et tout cela est compilé et des cartes sont produites. Il n'existe en vérité aucune méthode extérieure de vérification ou de contrôle de ce qui a été vu ou pas vu, et il y a donc lieu de douter de l'exactitude de nombre des données.

M. Haber: Non, je m'oppose fermement à ce que vous venez de dire. Selon ceux et celles qui ont participé à ces expéditions de recensement d'oiseaux, il s'agit de personnes qui savent très bien de quoi elles parlent. Les organisateurs de ces relevés connaissent très bien les gens qui leur fournissent des renseignements et ils savent que ce sont des personnes tout à fait à la hauteur de la tâche.

Les renseignements recueillis sont résumés par des personnes très bien formées, qui sont tout à fait en mesure de savoir si telle ou telle fiche est juste ou non. Il y a moyen de vérifier auprès d'autres personnes. Vous pouvez demander: «Avez-vous vu cela? Cela est-il vrai?»

Par ailleurs, il y a d'importants ouvrages qui sont réalisés, par exemple l'atlas des oiseaux pour l'Ontario et d'autres atlas, qui montrent où les différentes espèces ont été repérées. Ces ouvrages sont le fait de professionnels, qui travaillent aux bureaux des ministères, qui examinent ce genre de données pour vérifier qu'elles sont solides et qu'il ne s'agit pas de faux renseignements.

Cela ne veut pas dire - et ce que vous avancez est tout à fait valide - qu'il ne vous parvient pas de temps à autre des renseignements quelque peu étranges. Mais nous avons des professionnels qui examinent les données et qui les vérifient pour voir s'il ne s'agit pas de données peu habituelles. Si les données sont considérées comme étranges, elles font l'objet d'une vérification plus serrée par des spécialistes, qui déterminent s'il est possible que tel oiseau ou animal a pu être aperçu dans telle région.

M. Forseth: Vous avez donc des chercheurs qui se rendent sur place et qui se promènent dans le bois pour trouver le nid?

M. Haber: Il y a des professionnels - des spécialistes de la faune, des biologistes - dans tous les ministères dont le travail est de veiller à ce que les renseignements fournis par les données compilées pour les espèces importantes en particulier, comme celles considérées comme étant en péril, soient justes. Il existe à l'heure actuelle dans plusieurs provinces des centres de données de conservation qui sont chargés de se renseigner pour savoir exactement où se trouvent les espèces en péril et de tenir à jour des bases de données sur ces espèces et sur leurs habitats.

M. Forseth: Je suis très préoccupé, car j'ai entendu des témoignages qui contestent la façon dont l'actuelle loi ontarienne est appliquée et la véracité des données ainsi obtenues. Vous venez de me dire que vous n'entrevoyez pas dans la nouvelle situation de changements particuliers ou d'améliorations du système en ce qui concerne les sources des données. Avec les pouvoirs accrus dont sera doté le COSEPAC, je me demande où sera l'équilibre, si les propriétaires des terres visées ou d'autres peuvent contester ce qui est dit sur ce qui se trouve ou ne se trouve pas sur leurs terres. Il me semble qu'il s'agit là d'un pouvoir énorme. Peut-être que des bénévoles, des particuliers bien intentionnés... Il se pourrait même que quelqu'un veuille se joindre à un club pour utiliser la loi à des fins perverses, par exemple pour bloquer le lotissement d'une propriété adjacente. Et il n'y a aucun moyen de revenir à ce processus de récapitulation par voie de formulaires, de collectes de données et de contestations.

.1610

Je vous demande de vous pencher sur cette question, car il s'agira à l'avenir d'examiner de plus en plus près la façon dont les données sont ramassées. Vous avez parlé de la production d'un atlas. Je sais combien de temps il faut pour produire un atlas. Il faut en gros prévoir deux ans entre le dépôt des données brutes et l'impression de l'atlas.

La question de la fiabilité des renseignements originaux recueillis sur le terrain, tout particulièrement en ce qui concerne les oiseaux, est extrêmement importante. Je crains qu'en l'absence d'améliorations par rapport à ce qui existe à l'heure actuelle dans le cadre du système ontarien, tout l'objet de ce que nous faisons ici sera remis en question.

M. Haber: Je ne suis pas aussi pessimiste que vous semblez l'être à cet égard, car je suis convaincu, du fait des relations que j'ai eues avec les présidents des sous-comités et de ce que je sais de la façon dont ils traitent avec les membres des sous- comités, ainsi qu'avec les spécialistes, qui sont en contact avec les différents groupes qui fournissent les renseignements, que les données présentées sont assez solides.

Vous avez évoqué les oiseaux vertébrés en particulier. J'aimerais également souligner au comité, étant donné que les plantes sont si souvent oubliées dans toute cette discussion sur la faune, qu'en ce qui concerne les rapports de situation sur les plantes que nous avons exigés, depuis que nous avons commencé à produire de ces rapports sur les plantes, la seule façon pour nous de produire un tel rapport est d'obtenir que l'auteur aille sur le terrain et vérifie autant d'emplacements que possible. Sans cela, nous n'aurions pas de renseignements sur les menaces, ni sur la taille des populations. Par conséquent, pour les plantes en particulier, les auteurs sont tenus de repérer les emplacements, de déterminer les niveaux des populations, etc., et il s'agit là de personnes très capables et qui ont la formation requise.

M. Forseth: Mais si j'ai bien compris, il n'en va pas de même dans le cas des oiseaux.

M. Haber: En fait, dans le cas de la plupart des groupes de vertébrés, l'on s'appuie sur des données publiées, sur les chercheurs qui s'occupent du travail d'évaluation au sein des comités et sur leurs recherches particulières sur certaines espèces en péril. Il y a donc une vaste gamme de sources de renseignements. L'on ne se contente pas de s'appuyer sur les renseignements au bas de l'échelle, par exemple ceux fournis par les observateurs d'oiseaux dont vous avez parlé. Il existe beaucoup de données très solides qui proviennent des ministères de la faune. Il y a les recensements, les différentes récapitulations de données sur les changements de populations, qui sont effectuées par les ministères des différentes provinces, etc.

M. Forseth: Je vais conclure avec cette observation. En gros, ce que vous présentez, c'est un système dans le cadre duquel quelqu'un sur le terrain rapporte quelque chose à quelqu'un d'autre. Ils trouvent un formulaire, qui est résumé, qui dit autre chose, qui est rapporté à quelqu'un, et ainsi de suite à tous les niveaux de la hiérarchie. Au fur et à mesure que cela remonte, cela acquiert de plus en plus une aura de véracité scientifique, étant donné la réputation de la personne qui transmet. Or, le renseignement original n'est peut-être rien de plus qu'un bout de papier. Ce que je vous dis, c'est que si la situation ne s'améliore pas par rapport à ce qui existe à l'heure actuelle, nous allons avoir énormément de problèmes.

M. Haber: Il me faut de nouveau dire que je ne suis pas aussi méfiant que vous quant à la validité des renseignements. Nous avons été très satisfaits des types de renseignements que nous obtenons. En fait, lorsque nous n'avons pas de renseignements adéquats - et cela est déjà arrivé - nous désignons l'espèce comme étant dans une situation indéterminée, ce parce qu'en dépit du fait que c'était une personne compétente qui compilait les renseignements, nous jugions qu'il n'y en avait pas suffisamment sur l'organisme concerné pour établir son statut.

M. Forseth: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci. Permettez-moi d'ajouter, monsieur Haber, que M. Forseth n'est pas le seul parlementaire à avoir l'impression dont il vient de vous saisir.

Monsieur Adams, allez-y, je vous prie.

M. Adams (Peterborough): Merci, monsieur le président.

Monsieur Haber, je commencerai peut-être par dire quelques mots au sujet des questions posées par M. Forseth, tout particulièrement relativement aux recensements des oiseaux et à l'hypothèse voulant que, parce que des erreurs peuvent être faites par des observateurs sur le terrain, le système tout entier va s'effondrer.

La vérité est tout le contraire. Imaginons que nous ayons, mettons, 200 spécialistes des oiseaux très bien formés, capables de parcourir le pays pour vérifier quels oiseaux se trouvent où, et qu'ils ne se trompent jamais. Il vous faut admettre que pour couvrir un pays comme le Canada... et supposons qu'ils travaillent 365 jours par an et qu'ils peuvent chaque année se déplacer sur un site différent. L'échantillon serait pathétique, car vous auriez identifié telle espèce à tel endroit, tel jour, mais l'oiseau en question s'est peut-être envolé dès le lendemain pour s'installer ailleurs. Par conséquent, deux cents personnes très bien formées, chargées de couvrir tout le Canada toute l'année, vous fourniraient une base de données très insatisfaisante. Vous n'auriez tout simplement pas la couverture requise, ni dans le temps, ni dans l'espace. Ces relevés saisonniers des oiseaux fournissent une très large base.

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M. Forseth a cependant raison de dire qu'il y a des gens qui font des erreurs. Mais le cheminement de ces bouts de papier que vous décrivez est le suivant. Premièrement, ils sont vérifiés quelque part au niveau local. Dans certains cas, s'il s'agit d'une espèce très courante, il n'y a pas grand-chose à vérifier, car si les gens savent qu'il y a des moineaux dans telle région à tel moment de l'année, alors ils ne vont pas s'en préoccuper beaucoup. Mais si quelqu'un a vu une autruche dans le ciel le jour de Noël, ou, mieux encore, la veille du Jour de l'An - c'est peut-être le bon moment - alors on aura des doutes. Les gens diront: allons vérifier si cette autruche est vraiment passée par là. Voilà le genre de correction qui se fait.

Mais là - et il y a, j'imagine, un élément humoristique dans tout cela - au fil des ans, dans le cadre de ce relevé, le contrôle de la qualité intervient au fur et à mesure que le papier passe d'un niveau à l'autre. Le contrôle de la qualité ne s'appuie pas sur les compétences des observateurs d'oiseaux. Il s'appuie sur les connaissances préalables relativement à la saison, à l'endroit, etc. Cela franchit les différentes étapes, et s'il est des éléments qui accrochent dans le cadre du système - et l'on ne parle pas ici de personnes - alors des gens vérifieront et demanderont s'il est vraiment juste que telle espèce s'est trouvée à tel endroit à tel moment, etc. À l'heure actuelle - et cela se fait depuis des années - , le contrôle de la qualité fait partie intégrante du système, et est dans une large mesure automatique. Il ne devrait pas y avoir d'autruche ici à telle époque, alors on va vérifier et on verra si c'est bel et bien le cas. Mais l'on vérifiera.

J'arguerais donc qu'à l'heure actuelle, en attendant que l'on ait un satellite qui puisse identifier chaque oiseau, les recensements d'oiseaux sont le seul moyen pour nous d'obtenir des échantillons statistiques fondamentalement sains.

Il y a eu beaucoup de discussions au sujet du COSEPAC et du projet de loi. D'aucuns ont dit que dans le cadre du nouveau régime, les décisions seront davantage politiques et moins scientifiques. Soit dit en passant, nous avons entendu des arguments en faveur de cela, et j'ai moi-même argué à un moment donné, tout comme M. Forseth, que les chercheurs peuvent se tromper comme tout le monde. Mais, monsieur Haber, que pensez-vous du nouveau processus, de la façon dont le COSEPAC va s'y intégrer et du rôle des politiciens, et tout particulièrement du Cabinet, dans la prise de décisions finales? Avez-vous le sentiment que cela va devenir, mettons, davantage politique? Voilà ma première question. Puis, si c'était le cas, serait-ce une mauvaise chose?

M. Haber: Le COSEPAC a toujours maintenu qu'il est une autorité scientifique qui s'appuie sur les meilleurs renseignements disponibles. Nous examinons les données et nous faisons la désignation de statut. Nous avons des gens de toutes les provinces et de diverses organisations. Ils ont peut-être des programmes légèrement différents avec leur province, des idées différentes au sujet de certaines choses, mais lorsqu'ils viennent au COSEPAC pour s'occuper de désignation de statut... Nous n'avons eu que très peu de problèmes quant à obtenir des gens qu'ils examinent les données de façon très objective. Le COSEPAC essaie de désigner en fonction des renseignements qui sont véritablement là. Le système a très bien fonctionné.

Il y a une chose qui me préoccupe relativement à ce que vous disiez. Il y aura un comité pouvant réunir jusqu'à neuf membres qui décideront du statut de diverses espèces. Il y aura un rapport de situation qui sera examiné par un sous-comité, et une recommandation sera par la suite transmise à ce panel composé de jusqu'à neuf membres. Toutes ces personnes seront formées, avec spécialisation dans divers domaines de la biologie, etc. Cela est reconnu.

Il n'est pas clair, dans le libellé actuel du projet de loi, que seront, par exemple, présents des présidents et vice-présidents de sous-comités capables d'expliquer le menu détail, les nuances des problèmes d'une espèce en particulier. À l'heure actuelle, lors de la réunion annuelle, se réunissent ensemble les représentants des divers territoires et provinces, organismes environnementaux et organismes fédéraux. Nous discutons des problèmes potentiels. Les présidents de comité fournissent des compléments d'information afin d'aider tout le monde à mieux comprendre la situation d'une espèce donnée. Cela n'est peut-être pas évident dans le rapport.

C'est souvent ce que je fais relativement à certains aspects des habitudes de reproduction d'une espèce. Est-ce qu'elle se propage non seulement par voie sexuelle, mais par voie végétative? Cela signifie quelque chose. Il s'agit de déterminer si une espèce peut se maintenir de cette façon. À l'heure actuelle, à l'occasion de la réunion annuelle, nous avons une discussion très vaste avec tous les intervenants, et il y a tout un échange qui s'opère et certains membres sont amenés à faire des concessions ou à changer carrément d'avis.

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Il vous faut comprendre que chacun des membres participe à un vote de paille. Ils lisent les rapports chez eux et envoient leurs commentaires et leurs recommandations en matière de statut. Leur avis peut correspondre à ce qui a été recommandé par le sous-comité et par l'auteur, mais il peut également être différent. L'auteur peut recommander un certain statut et le sous-comité peut en changer, et cela a d'ailleurs souvent été le cas.

Lors du vote final, le COSEPAC, en tant qu'organe, peut changer la recommandation, optant pour un statut qu'il juge plus approprié en s'appuyant sur un consensus parmi les gens présents. Il peut y avoir eu des discussions dirigées par le président du comité pour l'espèce concernée, en vue de faire ressortir un point de vue particulier ou une interprétation devant servir à faire mieux comprendre les différentes nuances des problèmes particuliers à l'espèce concernée. Cela peut arriver si, par exemple, le panel de neuf membres peut faire venir les présidents des comités pour lui faire une séance de breffage sur le statut de l'espèce et pour en discuter ensemble.

Dans un tel cas, cela ressemblerait à ce que nous avons maintenant en ce sens que nous pouvons influer sur la compréhension scientifique de la situation d'une espèce de la part de ceux qui vont prendre les décisions. Dans le cadre de ce nouveau système, il n'y aura ostensiblement que neuf personnes qui pourront décider du statut final au nom du COSEPAC, après quoi le dossier sera transmis à un autre palier.

M. Adams: Cela vous préoccupe-t-il?

M. Haber: Dans la mesure où j'aimerais que les présidents de sous-comité puissent avoir ces discussions avec ce panel avant que celui-ci ne fasse la désignation finale. Je n'ai pas fait état de cela dans le texte que j'ai préparé, mais cela me préoccupe.

M. Adams: Cela me va très bien. Merci beaucoup.

Le président: J'aurai quelques questions à vous poser.

Monsieur Haber, je suis heureux que vous ayez proposé une définition plus large de faune. La question que j'aimerais maintenant vous poser est la suivante: êtes-vous satisfait de la définition donnée à «habitat essentiel»?

M. Haber: Il y a deux aspects qui interviennent dans la notion d'habitat essentiel. Tout d'abord, il y a le processus de rétablissement, là où un plan de rétablissement a été préparé. Le rapport de situation indiquera quel est l'habitat essentiel. En fait, le COSEPAC n'a, à l'heure actuelle, pas de désignation claire de ce qu'est un habitat essentiel. Dans le projet de loi, il est question de la protection du nid ou de la tanière d'une espèce en particulier. Si j'ai bien compris, c'est très précisément limité à cela.

Dans le cadre des plans de rétablissement, l'habitat essentiel pour l'espèce visée serait indiqué. Il s'agit là d'une question beaucoup plus vaste qui englobe tout le système de soutien de la vie qui est requis, ainsi que l'habitat qui est nécessaire. À l'heure actuelle, cela n'est pas clair, car il n'y a pas de définition d'«habitat essentiel» dans ce sens-là.

Le président: Oui, alors pourriez-vous essayer de répondre à ma question?

Si vous lisez la définition de «habitat essentiel» à la page 2 du projet de loi, cela vous satisfait-il? Est-elle suffisamment précise, exhaustive et vaste? Servira-t-elle les fins visées ou bien est-elle trop vague pour être utilisée comme il se doit dans le sens prévu par le projet de loi?

M. Haber: Excusez-moi un instant. Je regarde l'article 24.

Le président: À mon sens, c'est trop vague, car pour définir un habitat essentiel, on utilise le mot essentiel, qu'on répète. Ce n'est pas une définition très utile.

M. Haber: Je suis d'accord avec vous là-dessus. On ne peut pas définir un terme en utilisant ce même terme.

Le président: Que signifie «essentiel»?

M. Haber: Je peux vous donner une réponse générale, sans vous fournir une définition précise. L'habitat essentiel est celui qui couvre un espace suffisamment grand pour l'animal visé pour que celui-ci puisse y trouver la nourriture dont il a besoin. Une étude très spécialisée est nécessaire pour chaque espèce. Cela varie selon la taille de l'animal, selon la plante, etc.

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Le président: Permettez-moi donc de vous poser la question que voici: à la ligne 28 de la version anglaise, au lieu du terme «critical» ne serait-il pas préférable d'avoir «essential» ou «vital» ou un autre adjectif encore?

M. Haber: Je pense que les termes «vital» ou «essential» refléteraient mieux la définition. Cela resterait cependant ouvert, car cela ne vous fournirait pas une interprétation exhaustive de ce que c'est qu'un habitat «critical», mais ce serait une amélioration, en ce sens que cela n'aide pas beaucoup d'utiliser le même mot dans le cadre de la définition. Je suis d'accord avec vous là-dessus.

Mais l'aspect qui est critique ou essentiel n'est bien sûr pas établi ici. Cela varie selon l'organisme dont il est question. Vous ne pouvez pas faire une déclaration générale. Il faut donc qu'il y ait une certaine ouverture dans le cadre de la question, mais je comprends qu'il est vrai qu'on ne définit pas le terme «critical» en reprenant ce terme-là dans la définition, dans la version anglaise, pas plus qu'on ne définit le terme «essentiel» en reprenant ce même terme dans l'explication fournie dans la version française.

Le président: Étant donné que nous ne disposons pas de suffisamment de temps pour approfondir encore cette question, seriez-vous disposé à examiner la définition d'habitat essentiel donnée dans la Indigenous Species Act des États-Unis, à faire connaître vos impressions aux membres du comité, quant à savoir si ce serait une amélioration d'emprunter cette définition-là, et à nous saisir de toute autre observation que vous auriez à faire en vue de l'amélioration de cette définition? Cela vous serait-il possible?

M. Haber: Oui.

Le président: La question suivante a trait aux réexamens dont il est question dans le document très intéressant que vous avez préparé à notre intention. Il y a sept radiations de la liste sous la rubrique des réexamens de statut. Il peut y avoir quantité de raisons, mais pourriez-vous nous dire ce qui se passe selon vous lorsqu'une décision de radier une espèce de la liste est prise?

M. Haber: Que je sache, toutes les radiations se font sur la base d'une mise à jour de rapport de situation. Le rapport de mise à jour porte sur les renseignements les plus à jour sur les nombres, les changements et les menaces à une espèce en particulier. Pour radier une espèce de la liste des espèces menacées ou pour l'inscrire dans une autre catégorie, il faut qu'on ait constaté que les populations ont augmenté et qu'elles sont éparpillées.

Comme vous pourrez le comprendre, il arrive qu'il n'y ait qu'une toute petite région présentant le genre d'habitat dont a besoin une espèce menacée en particulier. Il survient un dilemme lorsqu'il n'y a que deux ou trois régions du genre et qu'elles se trouvent toutes proches l'une de l'autre. Vous pouvez y augmenter les nombres de l'espèce et c'est là un signe positif. Mais ce qui est mieux encore, c'est d'avoir différents endroits, qui sont géographiquement éloignés les uns des autres, où les populations augmentent en importance et où les menaces, du fait de lois provinciales ou autres protégeant l'espèce figurant sur la liste... Nous pouvons voir qu'il y a moins de risques si les nombres ont augmenté; il y a moins de risques qu'un événement naturel ou qu'un accident anthropique produit par l'homme puisse avoir un effet drastique sur l'espèce concernée.

Si donc les nombres sont suffisamment importants et si les populations sont suffisamment éloignées les unes des autres, alors le risque pour l'espèce va décroissant. C'est ce que nous cherchons dans ces rapports de mise à jour.

Pour passer à une catégorie supérieure, il nous faut montrer et constater dans le rapport que les tailles des populations ont sensiblement reculé. Peut-être que l'animal ou que la plante ne se trouve plus dans certaines régions. Sur cette base, nous évaluons la gravité du problème pour décider si l'espèce passe de la catégorie des espèces menacées à la catégorie des espèces en voie de disparition. Dans certains cas, certaines espèces auront au départ été classées dans la catégorie des espèces disparues, ce qui veut dire qu'on n'en trouve plus.

Le président: Et ici, vos connaissances s'appuient sur quoi?

M. Haber: Cela peut varier, car la dernière désignation remonte à il y a peut-être dix ans, ou peut-être que la désignation originale a été faite cinq années auparavant. Nous nous appuyons sur la documentation la plus actuelle, et dans le cas de quelque chose de très critique, il y a de fortes chances que le document n'ait pas encore un an. Dans le cas de certains des vertébrés que l'on connaît très bien, l'on surveille de près leurs populations. Différents comités de gestion les surveillent très attentivement.

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Le président: Votre dernière observation officielle est extrêmement importante pour déterminer la façon d'évaluer la situation de l'espèce.

M. Haber: Il y a peut-être un petit quelque chose qui m'échappe dans ce à quoi vous voulez en venir.

Le président: Ce n'est pas très petit.

M. Haber: Il faut que ce soit aussi récent que possible. Je comprends cela.

Le président: Non, quelle que soit votre dernière désignation, qu'elle soit récente, ancienne ou très ancienne, elle est d'une importance énorme pour déterminer si une espèce doit être radiée de la liste ou inscrite dans une catégorie plus à risque ou moins à risque. Votre dernière observation sur le terrain est d'une importance extrême pour déterminer dans quel sens aller.

M. Haber: Oui, c'est exact.

Le président: Et les précédentes le sont aussi, si l'on veut établir un certain cycle?

M. Haber: Lors de la première désignation, vous vous serez peut-être appuyé sur des renseignements remontant à l'époque de la traite des fourrures: par exemple, des dossiers sur le nombre de fourrures qui étaient disponibles et sur la baisse du nombre de bêtes attrapées, etc. La première désignation s'est peut-être appuyée sur une longue histoire, comprenant des renseignements aussi récents que possible, de préférence datant des quelques dernières années.

Le président: Je songeais principalement aux mollusques et aux lichens et aux mousses et autres choses du genre. Je ne songeais pas aux vertébrés. Mais votre réponse me satisfait.

Enfin, passons à l'article 30 qui, de l'avis de plusieurs témoins, est plutôt faible. La critique faite à l'égard de cet article est que la décision finale pour ce qui est de la liste des espèces en péril reviendra au gouverneur en conseil et non pas au COSEPAC. Ce que les gens disent - et je suis certain que vous êtes au courant de ce genre de commentaires - c'est que le COSEPAC, étant indépendant des pressions politiques, devrait avoir le dernier mot, et qu'au-delà du COSEPAC, il ne devrait pas y avoir un autre palier de compétence susceptible de venir modifier les recommandations émanant du comité. Auriez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Haber: Je serais d'accord avec vous là-dessus. Le COSEPAC a toujours fonctionné ainsi.

Le président: Conviendriez-vous de cela?

M. Haber: Je conviens qu'il doit y avoir pour le COSEPAC un moyen objectif de désigner une espèce. J'aimerais pour ma part voir une situation où le COSEPAC pourrait tout simplement faire des désignations.

Le président: Mais l'article 30 ne prévoit pas cela.

M. Haber: Je n'ai pas participé à la rédaction de cet article.

Le président: Si vous aviez participé à sa rédaction, quelles seraient vos recommandations?

M. Haber: C'est ce que je dis. Si je pouvais faire comme bon me semble, je maintiendrais le statu quo. En d'autres termes, un groupe national de représentants feraient les désignations. Comme je l'ai déjà expliqué, dans le cadre de ce processus, il y a un va- et-vient. Il y a une entente globale, un consensus, lors de la réunion annuelle quant au statut. Puis ce statut est désigné au nom de toutes les parties intéressées.

Le président: Merci, monsieur Haber.

Pourrait-on avoir un rapide deuxième tour avant de passer au témoin suivant, s'il y en a que cela intéresse? Allez-y, monsieur Forseth.

M. Forseth: Peut-être que nous pourrions examiner ces choses dans mon bureau à un autre moment, car c'est la question tout entière qui m'intéresse. Nous sommes, bien sûr, préoccupés par ce que décide le COSEPAC, mais le public est également très préoccupé par la question de savoir qui prend les décisions.

Vous avez parlé un petit peu des différentes sources de financement du COSEPAC par le passé. Je me demande également ceci: si l'argent arrive et que vous achetez votre vote à la table, les différentes organisations vont tout naturellement chercher à poursuivre leurs propres programmes. Comment voyez-vous les changements de financement changer la direction du COSEPAC?

M. Haber: Je dois avouer que cette question n'a jamais été abordée dans le cadre de nos réunions. Si un organisme provincial a versé des fonds à l'appui d'une espèce en particulier, seul ou avec d'autres... cela n'a jamais été une pomme de discorde quant au statut dont nous décidons.

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Comme je l'ai déjà dit, il y a une discussion franche et ouverte, et l'on en arrive à un consensus. Il n'est pas question qu'une personne d'une province en particulier exprime un point de vue qui l'emporte sur tous les autres.

M. Forseth: Qui décide de la participation à tous ces comités?

M. Haber: Vous voulez parler des comités scientifiques et techniques?

M. Forseth: Je veux dire ces comités-là, ainsi que le comité central.

M. Haber: Les principaux représentants sont les ministres de la faune et leurs représentants. Leurs représentants, pour tous les territoires et provinces, par exemple, siègent à l'heure actuelle au COSEPAC. Ce sont les ministres de la faune eux-mêmes qui décident quels représentants vont participer. Il s'agit en général de biologistes ou de professionnels oeuvrant pour les ministères qui sont des spécialistes dans un domaine particulier de la biologie; ce sont eux qui assisteront aux réunions en tant que représentants de leur ministère.

M. Forseth: Dans le cadre de l'application de la nouvelle loi, à qui le COSEPAC devra-t-il rendre des comptes à long terme, et à quelle source le COSEPAC devra-t-il s'en remettre quant à la vérification de la validité de ses désignations? C'est une question d'équilibre. Encore une fois, c'est cela qui occupe le public: qui va prendre les décisions, et sur quoi celles-ci porteront-elles? Qu'il s'agisse d'un quelconque tribunal administratif ou de la Cour suprême ou d'autre chose encore, l'on s'inquiète toujours de savoir ce que représente la personne.

Vous avez parlé de gens à la table qui ont contribué de l'argent au fonctionnement du COSEPAC. Ceux-là ont bien sûr des intérêts à défendre. Si c'est ainsi que vont les choses, alors pourquoi l'Association des éleveurs de bovins ou d'autres n'auraient-ils pas leurs représentants scientifiques? Ils contribueront de l'argent et influeront sur les orientations choisies par le COSEPAC.

J'aimerais revenir sur cette question. Dans l'exécution de la loi, comme vous l'envisagez pour l'avenir, qui sera en train de regarder par-dessus l'épaule du COSEPAC pour défendre l'intérêt public?

M. Haber: Ce que vous venez de dire est très important.

M. Forseth: Le problème, c'est que je ne vois cela nulle part dans le projet de loi. Je ferai une analogie. C'est un petit peu comme les décrets du Vatican. Il y a des gens qui tiennent de grands discours à huis clos et qui finissent un jour par ressortir et par annoncer leurs décrets. Ce sont les seuls experts et les seuls détenteurs de connaissances. Ce sont eux qui vont nous dire ce qu'il est convenable de faire.

Est-il prévu de rendre les discussions du COSEPAC plus ouvertes et d'assurer une certaine reddition de comptes, au lieu que toutes ces données soient renfermées à l'intérieur de cette organisation, qui finit par sortir et par faire des déclarations que personne ne peut vérifier?

M. Haber: Non, mais le processus est ouvert. N'importe qui peut demander qu'on se penche sur une espèce, par exemple. Si quelqu'un est tout particulièrement préoccupé par une espèce qui a été désignée, il ou elle peut demander de venir en tant que visiteur. Les réunions ne se tiennent pas à huis clos. Nous accueillons des visiteurs. Il y a toutes sortes de personnes qui y assistent. Il s'agit tout simplement pour elles de demander à assister, si elles ont des compétences qui sont intéressantes dans le cadre du dossier de désignation concerné.

Quant à votre question originale de savoir d'où viennent les principaux membres du COSEPAC, par exemple, le projet de loi établit, de façon très générale, que des spécialistes ayant des antécédents différents - scientifiques, spécialistes dans le domaine de la faune - seront choisis. Il n'est nullement précisé dans le projet de loi d'où ces gens proviendront. Ce qui est prévu, c'est une vaste représentation, et c'est ce que nous faisons au sein des sous-comités, par exemple.

J'ai neuf personnes - et il n'y en a peut-être plus que sept aujourd'hui - au sein de mon sous-comité, et elles sont venues de partout au Canada. Leurs compétences, qui seront peut-être plus solides, pour un groupe donné, dans les Prairies, par exemple, interviennent dans le cadre du processus décisionnel relativement à l'examen de certaines espèces.

Au sein de notre sous-comité, donc, nous avons un vaste échantillon de personnes aux compétences diverses, qui passent en revue ces rapports. Personne ne les achète. Ce sont des spécialistes oeuvrant dans des musées et des universités, ainsi que dans des ministères de la faune, etc. et des organismes environnementaux.

Le président: L'article 30, dans son libellé actuel, prévoit une certaine reddition de comptes - pour en revenir à une observation antérieure - car c'est le bras politique qui doit rendre des comptes. Ceux qui surveillent ce qui est en train d'être décidé sont, au bout du compte, les électeurs canadiens.

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M. Forseth: Je comprends que toutes les opérations internes du COSEPAC ne peuvent pas être esquissées dans un texte de loi fédérale, mais avez-vous établi un protocole et un manuel de procédures qui soient à la disposition du public? Menez-vous vos affaires courantes en fonction d'un ensemble de règles qui comportent des poids et contrepoids, etc.? Et le public peut-il examiner tout cela?

M. Haber: Oui, tout à fait. Nous avons le manuel d'organisation et de procédures du COSEPAC. J'ai ici une ébauche de 1994, par exemple. C'est le document le plus récent. Nous avons eu un manuel pendant très longtemps et il a été révisé et remanié au fur et à mesure. Il s'y trouve des règles précises en matière de quorum, etc.

M. Forseth: Très bien. Je ne voudrais pas que vous ayez, à tort, l'impression que je suis particulièrement contradictoire, mais vous comprendrez que ce qui s'annonce c'est une nouvelle situation où l'on ajoute des pouvoirs judiciaires à un organe qui... De plus en plus, il y a des gens dans la communauté qui posent les mêmes genres de questions que celles que je pose aujourd'hui, et le COSEPAC va être contesté, et tout le reste. Il vaut mieux aborder tout cela maintenant et tout passer en revue plutôt que d'avoir à y revenir plus tard. Il y aura des contestations, etc., non seulement sur la question de ce qui est décidé, mais également sur celle de savoir qui décide, et tout le reste. Il importe que cela soit clairement explicité.

M. Haber: Oui.

Le président: Le paragraphe 30(1), de la page 13 du projet de loi, dit ceci:

Voilà où intervient la reddition de comptes. Le projet de loi prévoit un palier au-dessus du COSEPAC. Il s'agit du ministre.

M. Forseth: Oui, et peut-être que cela paraît bien sur papier, mais, comme nous le savons, c'est la même chose que surveiller le gouvernement ou autre. Vous direz peut-être que les sous-fifres fournissent tous les renseignements et toutes les données. À qui d'autre que le COSEPAC le gouvernement va-t-il s'adresser pour obtenir des renseignements? C'est le vieil argument...

Le président: Peut-être aux prochaines élections. C'est là que tout aboutira.

M. Forseth: Oui. Mais je ne fais que soulever la question générale. C'est le principe général dans l'esprit du public. Ceux qui, à l'avenir, ne seront peut-être pas satisfaits de certaines désignations, si cela a une incidence sur leur gagne-pain, sur leurs investissements, ou autre... Il se pourrait très bien qu'une décision soit prise par le COSEPAC, que le gouvernement s'y plie, qu'il y ait des pertes financières ou des changements en matière d'investissements à cause de cela et qu'il y ait contestation, au sujet non seulement de ce qui est décidé, mais des décideurs eux- mêmes. Je pense qu'il vaut mieux aborder cette question maintenant plutôt qu'après coup.

Le président: Auriez-vous quelques observations finales à faire?

M. Haber: À l'heure actuelle, nous avons un ensemble de spécialistes, toutes sortes de personnes qui... Je ne fais que répéter ce que j'ai déjà dit. Ces personnes se trouvent partout au pays et elles s'occupent de fournir des opinions quant au statut, et cela varie sensiblement. Mais...

Le président: En d'autres termes, vous êtes satisfait du réseau qui existe à l'échelle du pays.

M. Haber: Oui, car ce sont des professionnels très compétents qui font l'évaluation initiale du statut.

Le président: Merci, monsieur Forseth.

Y a-t-il d'autres questions? Dans la négative, nous vous remercions beaucoup d'être venu et de nous avoir fait votre présentation, qui nous a été extrêmement utile.

M. Haber: Merci.

Le président: Le témoin suivant représente l'Ontario Federation of Anglers and Hunters. Vous avez la parole, monsieur Quinney.

M. Knutson (Elgin - Norfolk): Une petite question d'information, monsieur le président. Si j'ai bien compris, il n'y aura pas de vote ce soir. Nous avons voté à 13 h 30.

M. Forseth: Oui, cela a été fait.

Le président: Je vois.

M. Knutson: Lorsque le vote de 12 h 30 a été repoussé à 13 h 30, le vote prévu pour 15 h 30 a lui aussi été déplacé à 13 h 30.

Le président: Très bien. Cela avait donc été prévu au départ pour 18 h 30, et il ne... Merci.

Monsieur Quinney, vous avez la parole. Vous avez déjà comparu devant le comité, alors j'espère que vous vous sentirez bien à l'aise.

M. Terry Quinney (coordonnateur provincial des services, pêche et nature, Ontario Federation of Anglers and Hunters Inc.): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci encore de nous avoir invités à comparaître cet après-midi devant votre comité.

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Je pense qu'il vaut la peine de préfacer les vues de l'Ontario Federation of Anglers and Hunters sur ce projet de loi sur la protection des espèces en péril au Canada en commençant par décrire certaines de nos réussites sur le plan du rétablissement de la faune, car nous pensons que ces exemples démontrent ce qui peut être accompli lorsqu'on amène le public et les gouvernements à collaborer volontairement pour la conservation de la faune, et ce sans législation et administration nouvelles et sans contentieux juridique. L'OFAH est fière de contribuer au rétablissement d'espèces, telles que le dindon sauvage, le cygne trompette, l'élan, le colin de Virginie, l'omble de fontaine aurora, et de soutenir financièrement les efforts de recherche et de conservation intéressant quantité d'autres espèces de poissons et d'animaux terrestres.

Permettez-moi de vous donner un exemple. L'Ontario Federation of Anglers and Hunters a contribué au rétablissement dans la province de l'Ontario du dindon sauvage, qui avait disparu, et ce sans le secours d'aucune désignation de cet oiseau comme espèce en péril. Le dindon sauvage a été réintroduit avec succès dans la province après une absence d'un siècle. Notre fédération, en collaboration avec les pouvoirs publics et les propriétaires terriens, a oeuvré pour réintroduire cette espèce dont la population dépasse aujourd'hui 15 000 sujets, et ce après 12 années seulement.

Il faut se demander, toutefois, ce qu'il serait advenu si le dindon sauvage avait été classé comme espèce en péril avant sa réintroduction. Si le dindon sauvage avait été classé comme espèce menacée, le rencontrerait-on en Ontario aujourd'hui? Est-ce que les propriétaires terriens, par exemple, craignant les conséquences de la présence d'une espèce en péril, auraient appuyé le programme de rétablissement? Est-ce que le public, et particulièrement les chasseurs, auraient fait des dons aussi généreux pour financer ce projet ou bien s'en seraient-ils remis aux pouvoirs publics - ces gouvernements qui nous disent aujourd'hui qu'ils n'ont plus d'argent pour la faune?

L'OFAH promeut la protection de la faune et la protection et l'amélioration de l'habitat de bien des façons. Celles-ci englobent la planification de l'exploitation forestière, des évaluations environnementales, la planification de l'utilisation des sols, des campagnes de sensibilisation aux espèces exotiques etc. Nous mettons ainsi l'accent sur la préservation de la diversité biologique en évitant que les espèces se retrouvent sur la liste de celles menacées.

Il importe donc d'avoir une législation sur les espèces en péril, mais ce n'est pas nécessairement la meilleure façon de protéger ou d'accroître la biodiversité au Canada. Un appui gouvernemental solide à des programmes de protection faisant appel à la participation du public, la sensibilisation à la conservation et la stricte application des lois existantes peuvent faire beaucoup pour éviter que des espèces ne doivent être inscrites sur les listes d'espèces en péril.

En tant qu'association vouée à la conservation dans une province qui possède de longue date une législation sur les espèces menacées et relativement peu de terres domaniales fédérales, l'OFAH craint que la nouvelle législation fédérale fasse double emploi et n'entraîne des conflits en Ontario. Il se peut que la situation soit très différente ailleurs au Canada. Là où la législation provinciale ou territoriale laisse à désirer, une législation fédérale appropriée peut être le moteur de nouveaux partenariats fédéraux-provinciaux sur le plan de la protection des espèces menacées, et ce serait très positif.

Par exemple, nous souscrivons à la création, à la composition et à la mission du Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril telles qu'elles sont prévues au projet de loi C-65. Nous souscrivons également au rôle et aux responsabilités attribués au COSEPAC à titre d'organe consultatif auprès du Conseil canadien de conservation des espèces en péril, en d'autres termes, responsable auprès des ministres membres du conseil. Nous approuvons l'intention du projet de loi de protéger l'habitat des espèces en péril sur les terres domaniales, mais nous exhortons le comité permanent à peser tout particulièrement les avis des gouvernements et des habitants des territoires à cet égard, car c'est évidemment dans les territoires que se trouvent plus de 90 p. 100 des terres domaniales fédérales.

.1650

Nous sommes également préoccupés par le risque de double emploi et de conflits éventuels entre les attributions fédérales et provinciales en matière de protection de la faune dans les provinces.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Le colin de Virginie, un oiseau indigène de l'Ontario, relève de la compétence provinciale. Il deviendrait une responsabilité fédérale dans les terres domaniales fédérales en vertu du paragraphe 3(2) de la nouvelle loi, car le COSEPAC l'a déjà inclus dans la liste des espèces menacées. Un plan de rétablissement suivra nécessairement, approuvé par le Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril. Ce pourrait être bénéfique si ce plan englobait des intéressés et des partenaires provinciaux. On peut présumer que la représentation provinciale au Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril garantirait l'adoption d'une approche plus globale dans laquelle le gouvernement fédéral sera l'un des partenaires du rétablissement.

Quoi qu'il en soit, nous craignons que la désignation même, par le COSEPAC, de cet oiseau provincial comme espèce menacée fasse plus de mal que de bien, sachant que la vaste majorité de son territoire et de son habitat canadiens se trouvent sur des terrains privés. La désignation par le COSEPAC pourrait en fait dissuader des propriétaires privés de participer à la restauration de l'habitat et au rétablissement de la population par crainte des répercussions de la présence d'une espèce menacée sur leur propriété. Dans un tel cas, donc, cette loi pourrait bien gagner la bataille de la protection de sujets individuels sur les terres fédérales, mais perdre la guerre du rétablissement de toute l'espèce, à plus grande échelle et à plus longue échéance.

La loi devrait comporter des dispositions expresses obligeant le ministre responsable à demander l'agrément des provinces pour tout plan de rétablissement ou action d'urgence pris en vertu de cette loi, particulièrement dans le cas des espèces qui occupent également des terres provinciales et privées.

L'article 36 du projet de loi ne nous paraît pas clair. Qu'est-ce qui serait exactement exempté des règlements aux fins de «protéger la santé - notamment celle des animaux et des végétaux - ou d'assurer la sécurité nationale ou du public»?

Au sujet de l'article 36, nous craignons également qu'une trop grande part soit faite à l'interprétation finale des tribunaux, plutôt que des experts de la faune.

L'Ontario Federation of Anglers and Hunters est en faveur de ces dispositions du projet de loi qui permettent au ministre de conclure des accords de gestion avec d'autres gouvernements, organisations et particuliers aux fins de la protection et du rétablissement des espèces en péril. Je songe plus particulièrement aux articles 7 et 8.

Nous savons que les propriétaires privés nourrissent une appréhension considérable face à cette législation sur les espèces en danger. La raison en est que ces propriétaires craignent d'avoir à assumer le coût financier de la protection des espèces sur leurs terres ou à proximité. C'est une inquiétude très légitime et nous voulons souligner que les projets de rétablissement d'espèces qui donnent de bons résultats font appel à une participation volontaire des propriétaires, et non exclusivement sous la contrainte du législateur, c'est-à-dire d'une réglementation.

Or, le texte du projet de loi C-65 ne précise pas que le ministre indemnisera les parties qui subiront une perte de production ou de revenu du fait d'accords de gestion de l'habitat. Nous pensons que c'est là une lacune manifeste du projet de loi.

Le nombre de propriétaires susceptibles d'être directement lésés par ce règlement fédéral sur les espèces en péril ou ces interdictions est sans doute faible. Cependant, nous pensons que ce projet de loi suscitera une opposition de principe de la part des propriétaires. Ces derniers estiment que nul particulier ne devrait avoir à supporter seul tout le coût de la responsabilité collective à l'égard de la protection des espèces. Nous partageons ce point de vue. La solution consisterait donc en une clause d'indemnisation claire insérée au paragraphe 8(2).

.1655

Nous vous prions de ne pas perdre de vue que sans l'appui des propriétaires privés, particulièrement dans le sud du pays, le Canada ne pourra préserver sa diversité biologique. La législation fédérale relative aux espèces en péril nuira à la faune, au lieu de l'aider, si les intérêts des propriétaires privés ne sont pas pris en compte.

L'OFAH approuve le processus transparent de désignation des espèces prévu dans le projet de loi et l'obligation des décideurs de rendre compte au public. La création d'un registre public des documents à l'appui de l'inscription sur la liste des espèces en péril et de la planification du rétablissement est également une mesure positive.

Si cette législation se limitait à ce que je viens de décrire, à savoir clarifier le rôle du COSEPAC, créer un Conseil canadien de conservation des espèces en péril pour coordonner l'action des ministres provinciaux, établir un modèle aux fins de la protection des espèces en danger et de la planification du rétablissement par les provinces, et offrir un gabarit pour l'organisation de partenariats entre le gouvernement fédéral, les provinces, des associations et des particuliers, alors ce projet de loi pourrait accomplir beaucoup à faible coût.

Mais nous ne sommes pas convaincus que le projet de loi tel que proposé apportera grand-chose de plus aux espèces en danger, à cause de la lourdeur bureaucratique excessive qu'exige l'administration de toutes les contraintes du projet de loi. Dans notre mémoire, nous donnons l'article 56 comme exemple de contrainte trop bureaucratique et coûteuse pour qu'elle puisse être jugée efficiente et efficace.

Ces réserves sont encore renforcées par le fait qu'il n'y aura pas de crédits nouveaux pour financer le mécanisme proposé et l'appareil bureaucratique qui l'accompagnera. On va donc ponctionner pour cela les ressources déjà restreintes actuellement consacrées aux programmes existants de conservation de la faune et de protection de l'environnement d'Environnement Canada. Nous pensons sincèrement que les programmes de protection de l'environnement actuels d'Environnement Canada souffrent déjà d'un manque de moyens criant. Donc, sans vouloir nier le rôle important d'une législation de protection des espèces en péril, celle-ci ne doit pas évincer ou amoindrir les programmes de protection de la faune et de l'environnement qui évitent aujourd'hui que des espèces deviennent menacées.

L'idéal est de ne plus avoir au Canada de liste des espèces en péril. On y parviendra tout autant en évitant que des espèces doivent être portées sur la liste du COSEPAC, au moyen de programmes proactifs de gestion de la faune et de protection de l'habitat, de campagnes de sensibilisation à la conservation et de la création de partenariats, que par une législation sur les espèces en péril qui peut être perçue comme réactive.

Nous demandons au comité de ne pas perdre de vue que les résultats du Canada en matière de protection des espèces menacées sont en fait plutôt bons, et ce non du fait d'une législation mais plutôt parce que les Canadiens se soucient de leur patrimoine naturel et parce que nous avons des programmes provinciaux et fédéraux qui protègent le poisson, la faune et les habitats et, de manière générale, un environnement sain. Cela fait que la liste des espèces en danger est relativement courte. Comme on dit, une pincée de prévention vaut une louche de potion.

Malheureusement, l'action du gouvernement en matière de conservation préventive de la faune laisse beaucoup à désirer. Par exemple, avant son élection, le premier ministre Jean Chrétien et son parti avaient promis de mener une évaluation environnementale exhaustive de l'industrie de l'élevage du chevreuil. C'est une industrie consistant à importer, élever et domestiquer des espèces non indigènes.

.1700

Cette industrie représente une menace continue pour notre faune indigène et son habitat sous forme de l'importation de maladies et de parasites exotiques, d'empiétement sur l'habitat et de pollution génétique. Une étude environnementale de l'élevage d'espèces sauvages est une mesure de conservation préventive exigée par le bon sens. Mais cela n'a jamais été fait, bien que la vie de nombreux animaux soit en jeu. Des promesses ont été faites mais non tenues.

À moins que le gouvernement n'engage des crédits additionnels pour défrayer le coût des activités administratives requises par cette législation - autrement dit, à moins que cette législation soit un surcroît venant s'ajouter aux programmes fédéraux de protection de la faune et de l'habitat existants - l'Ontario Federation of Anglers and Hunters continuera à sérieusement douter de son efficacité.

Si je puis résumer, la nécessité d'une législation sur les espèces en péril est un aveu d'échec de la société s'agissant de la protection de l'un des biens publics les plus précieux du Canada. Ce bien public est notre faune. La reconnaissance de notre échec pourrait conduire à un effort redoublé en vue de réaliser notre objectif collectif d'éviter que des espèces ne deviennent menacées. Le rôle le plus important que le gouvernement du Canada puisse jouer à l'appui de cet objectif est de donner l'exemple en finançant adéquatement les programmes visant à maintenir une faune et des habitats en bonne santé.

Merci encore de votre invitation.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Quinney. Madame Guay, s'il vous plaît.

Mme Guay: Plus tôt, j'ai posé la question au président de COSEPAC et il a eu de la difficulté à me répondre. Vous semblez avoir plus d'information à nous donner sur les fameux chevauchements entre cette loi et la loi sur la protection des espèces en Ontario. Depuis combien d'années cette province a-t-elle une loi sur la protection des espèces menacées?

[Traduction]

M. Quinney: La Loi sur les espèces en voie de disparition ontarienne existe depuis plus de15 ans.

[Français]

Mme Guay: Selon vous, est-elle efficace? Protège-t-elle vraiment bien les espèces en voie de disparition?

[Traduction]

M. Quinney: Elle a été efficace en Ontario.

[Français]

Mme Guay: C'est la même chose au Québec. Le Québec a une loi qui protège les espèces et on s'inquiète de ce que l'on veuille adopter une loi au niveau fédéral, avec tous les risques de chevauchement, de dédoublement de services, de coûts et de poursuites judiciaires que cela comporte.

Vous avez dit que certains paragraphes du projet de loi vous causaient certaines inquiétudes. Avez-vous des inquiétudes plus particulières en ce qui a trait aux chevauchements entre le fédéral et la province?

[Traduction]

M. Quinney: Non. Nous espérons que le gouvernement fédéral va coopérer non seulement avec la province de l'Ontario mais avec toutes les autres provinces pour éviter les chevauchements ou les conflits.

[Français]

Mme Guay: Vous dites qu'il faut compter sur la bonne volonté de tout le monde si on inscrit dans une loi des articles qui chevauchent une loi provinciale, mais il ne faut pas être ignorant. C'est là, c'est écrit, c'est applicable, on va s'en servir, et vous n'y êtes pour rien. Ce n'est pas une question de bonne volonté, mais plutôt une question d'appliquer une loi.

[Traduction]

M. Quinney: Je ne puis rien dire de plus sur les compétences juridiques. Mais je dirais que dans le domaine des espèces menacées et de la protection de la faune à l'échelle du Canada, il y a certainement un rôle important pour chaque palier de gouvernement et place pour une coopération entre tous les niveaux de gouvernement dans l'intérêt de la faune.

.1705

[Français]

Mme Guay: À la suite de l'entente qui a été signée à Charlottetown entre les ministres de l'Environnement, une promesse a été faite par le ministre de l'Environnement fédéral, qui a mentionné, entre autres au ministre du Québec, que ce projet de loi serait adopté en tout respect des lois déjà existantes. Cependant, on se rend déjà compte au Québec qu'il y aura des complications parce qu'il y aura chevauchement. Pourriez-vous suggérer des amendements à ce projet de loi, amendements qui seraient constructifs et éviteraient peut-être cette situation-là?

[Traduction]

M. Quinney: Oui. J'espère que dans notre mémoire écrit vous trouverez les exemples concrets que vous recherchez.

[Français]

Mme Guay: Merci beaucoup.

Le président: Merci, madame Guay.

[Traduction]

Monsieur Forseth.

M. Forseth: Merci beaucoup.

À la page 5 de votre mémoire, au deuxième paragraphe, vous dites:

Pourriez-vous nous préciser ce que vous aimeriez voir au paragraphe 8(2)? Vous pourriez peut-être même proposer un libellé. Mais vous pourriez déjà nous préciser l'esprit et l'intention générale. Jusqu'où devrait aller cette indemnisation?

Mardi, à la Chambre des communes, j'ai dit que la position de certains groupes est qu'il ne doit pas y avoir expropriation entraînant une perte financière, ou pas d'expropriation sans indemnisation. Pourriez-vous nous expliquer d'un peu plus près ce dont vous parlez ici?

M. Quinney: Je vous remercie de la question. Au nom de l'Ontario Federation of Anglers and Hunters, nous nous ferons un plaisir d'aider le comité sur le plan de la rédaction d'une ou plusieurs dispositions d'indemnisation. J'hésite à le faire verbalement, au pied levé, mais je serais ravi d'aider le comité à cet égard.

M. Forseth: Sur le plan du fonctionnement d'une clause d'indemnisation, pourriez-vous nous donner un exemple concret, indépendamment de tout texte juridique, pour nous donner une idée de votre position à cet égard?

M. Quinney: Je peux vous donner un exemple concret d'une espèce en péril en Ontario. Elle vit non loin d'ici. On a déjà parlé tout à l'heure de la pie-grièche migratrice. Son habitat est tel que, dans le sud de l'Ontario, il se situe sur des terrains privés. Sans être expert, je peux vous dire que la pie-grièche a un besoin vital d'une certaine succession de végétation en début de saison, pour son cycle de vie. Par exemple, elle a besoin de buissons épineux qu'elle utilise une fois qu'elle a capturé des proies telles que des petits mammifères et des souris. La pie- grièche les empale sur les épines pour pouvoir les manger à loisir.

Ainsi donc, certains types de végétation ou certains buissons sont essentiels à la survie de cette espèce. On les rencontre dans des propriétés privées.

La question que la société doit se poser est la suivante. Un élément critique de l'habitat se situe en propriété privée. Un propriétaire terrien a une série d'options quant à l'utilisation de son bien. Une option peut être de continuer à fournir un habitat à cette espèce, que la société souhaite collectivement préserver. Par conséquent, à notre sens, dans le but de protéger la végétation requise pour la perpétuation de la pie-grièche migratrice, il est entièrement approprié que les organismes responsables négocient avec les propriétaires une indemnité appropriée.

.1710

M. Forseth: Il arrive que quelqu'un achète un terrain dans l'intention de le subdiviser et d'en revendre une partie pour pouvoir construire une maison avec le profit. La personne achète donc le terrain. Elle s'engage financièrement. Elle essaie ensuite de subdiviser et s'aperçoit qu'elle ne le peut pas parce que la partie sud de la propriété se situe dans la zone de migration de la pie-grièche et a été classée zone sensible. Tout le montage financier s'effondre et le terrain ne vaut plus que la moitié de son prix d'achat. Le propriétaire est endetté auprès de la banque bien plus qu'il ne le prévoyait. La banque saisit et la personne perd tout son bien. Il y a donc là une perte financière.

C'est un cas réel que je cite. Il y a bien eu saisie. C'est presque comme s'il y avait eu une servitude cachée sur ce terrain. Peut-être même l'agent immobilier pourrait-il être jugé responsable. Peut-être ne savait-il pas. Pensez-vous qu'il devrait exister une sorte de fonds provincial pour les cas de ce genre, afin qu'une personne ainsi touchée puisse demander un arbitrage public et obtenir réparation de cette perte imprévue?

M. Quinney: Désolé. J'ai beaucoup de mal à suivre un tel exemple hypothétique, pour plusieurs raisons. Dans la région que je connais le mieux - le sud de l'Ontario, par exemple - les autorités locales, municipalités ou autres, ont ce que l'on appelle des plans officiels. Ces plans décrivent aujourd'hui les caractéristiques naturelles importantes des terrains de leurs territoires.

Je suis donc désolé, mais j'ai beaucoup de mal à répondre à cet exemple hypothétique.

M. Forseth: Mais c'est une situation réelle. Il y a bien eu saisie et la personne a dit en substance qu'elle a perdu son bien à cause de la loi provinciale. C'était en rapport avec la pie- grièche migratrice.

Il y a peut-être quelques détails qui nous échappent. Peut- être d'aucuns ont-ils omis de se renseigner suffisamment, ce genre de choses. Mais c'était là la doléance initiale. Il y avait perte de valeur du terrain parce qu'il se situait dans la zone de vol de cet oiseau. De ce fait, le propriétaire n'a pu subdiviser le terrain à cause de cette protection d'un certain habitat. Mais cela est intervenu après le fait. L'intéressé avait fait ses plans financiers sans savoir qu'il en serait ainsi. Il a de ce fait essuyé une perte.

À qui s'adresse cette personne? Avec ce que vous envisagez, cette personne pourrait-elle s'adresser à un arbitre provincial pour obtenir quelque forme de réparation publique?

M. Quinney: Je vous remercie de cette précision. Le principe que nous préconisons aiderait les propriétaires dans cette situation. L'idée d'un conseil consultatif pluripartite chargé d'instruire les demandes d'indemnité potentielles mérite certainement d'être examinée.

M. Forseth: À la page 8 de votre mémoire, vous dites qu'il faut débloquer davantage de crédits publics pour rendre les programmes viables. C'est une situation que l'on retrouve un peu partout. Il y a toutes sortes de belles brochures et de cartes annonçant tout ce que les gouvernements vont faire, sur le plan du nettoyage de sites toxiques ou de choses du genre. Mais trouver l'argent pour exécuter tous ces projets est une autre histoire.

Lorsque vous réclamez davantage de crédits, pourriez-vous nous dire plus particulièrement sur quels programmes cet argent devrait être concentré pour le maximum de résultats?

M. Quinney: Certainement. Le domaine le plus important serait la protection de l'habitat et la fourniture d'habitats pour la faune à travers tout le pays, et particulièrement dans les régions du sud du Canada qui sont les plus exposées à la pression de l'homme.

.1715

M. Forseth: S'agirait-il donc pour les gouvernements provinciaux de racheter des terres, ou bien serait-ce une forme de subvention pour que des groupes de bénévoles locaux puissent présenter leurs plans au gouvernement et constituer des dossiers de demande de subvention? De quoi exactement parlez-vous?

M. Quinney: Il n'est pas indispensable que les pouvoirs publics achètent des terres pour protéger la faune ou l'habitat. Il existe une longue liste d'exemples de partenariats très réussis en vue de protéger l'habitat. Il y a énormément d'exemples. Je peux vous en donner une longue liste, qui englobe des partenariats fédéraux-provinciaux et des partenariats entre le gouvernement fédéral et des organisations comme la mienne. Il y a toutes sortes d'exemples.

M. Forseth: Dans ce cas, pourrais-je vous demander si l'Ontario Federation of Anglers and Hunters pourrait présenter une sorte de plan qui puisse être concrètement appliqué à l'échelle locale avec, mettons, des crédits fédéraux et provinciaux, pour régler un problème?

M. Quinney: Absolument.

M. Forseth: Vous demandez des crédits, mais il faut voir où et comment l'argent serait employé pour obtenir l'efficacité maximale. Vous pourriez peut-être utiliser votre propre organisation comme exemple.

M. Quinney: Absolument. Je peux vous donner une longue liste de projets montrant comment ces fonds pourraient être utilisés le plus efficacement.

M. Forseth: Nous pourrions peut-être nous voir pour cela.

M. Quinney: Ce sera avec plaisir.

M. Forseth: Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie, monsieur Forseth. Du moment que l'on ne crée pas l'impression que ce projet de loi peut être amendé de façon à y inscrire une indemnisation du type dont vous venez de parler. Les recommandations royales ne permettent tout simplement pas d'apporter un amendement à cet effet. Ce serait donc une conversation très intéressante, je n'en doute pas, mais qui restera hypothétique à cause des limitations imposées aux recommandations royales pour ce projet de loi.

M. Adams, suivi de M. Steckle, suivi de moi-même.

M. Adams: Je vous remercie, monsieur le président. Comment allez-vous, Terry?

M. Quinney: Très bien, monsieur Adams. Je vous remercie.

M. Adams: Je partage votre préoccupation, soit dit en passant, au sujet de l'élevage du chevreuil. Je pense aussi que c'est une chose à faire et qui aurait déjà dû être faite. Je suis d'accord également avec vous au sujet de l'importance de la prévention dans ces domaines. Il faut tout faire pour éviter que les espèces ne deviennent menacées, de près ou de loin. Ce doit être le but de notre action.

Mais il me semble que, dans le cas des espèces qui sont déjà sur ces listes ou en voie d'y figurer, il faut bien faire face à ces situations. Vous avez donné l'exemple de la disparition du dindon. Vous avez entrepris une action à ce sujet, mais c'était trop tard pour prévenir la disparition du dindon sauvage.

Il me semble que c'est là le but de ce projet de loi. À mon sens, il ne fait pas double emploi avec ces autres lois.

J'ai aimé votre réponse à l'une des questions de Paul Forseth - peut-être était-ce une de Mme Guay - où vous avez parlé de tous les paliers de gouvernement. Il y a une compétence locale et il y a une compétence plus générale. Ce n'est pas une question de chevauchement, à mes yeux, plutôt une question de combler les lacunes et d'établir un filet de sécurité pour les espèces au bord du gouffre, en quelque sorte.

Pour ce qui est des chevauchements, comme vous le savez, Mme Guay appartient à un certain parti, et elle vous parle de chevauchement pour une raison bien précise en rapport avec son désir de voir une province cesser de faire partie de la Confédération.

Pourriez-vous nous donner quelques exemples de chevauchement entre cette loi et d'autres que vous connaissez?

M. Quinney: Quelques exemples concrets de...?

M. Adams: S'il y a véritablement un chevauchement, ma thèse du filet de sécurité ne tient plus. Si quelqu'un fait déjà quelque chose, alors il faut voir cela de près.

M. Quinney: Monsieur Adams, nous avons donné un exemple dans le mémoire, celui de la pie-grièche migratrice dans le sud-ouest de l'Ontario, mais ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.

M. Adams: L'espèce est déjà protégée?

.1720

M. Quinney: Elle a été désignée par le COSEPAC à l'échelle fédérale, mais c'est un oiseau protégé au niveau provincial. Nous sommes donc dans une situation, dans le sud-ouest de l'Ontario, où, par exemple, l'Ontario Federation of Anglers and Hunters, en collaboration avec des propriétaires terriens locaux et la province de l'Ontario, cherche à rétablir la pie-grièche migratrice dans le sud-ouest de la province, où elle était jadis très abondante.

Si le projet de loi est adopté tel quel, pourrons-nous continuer à faire ce travail de rétablissement aussi aisément qu'à l'heure actuelle, ou bien allons-nous être confrontés à toute une nouvelle couche bureaucratique qui va tout ralentir?

M. Adams: Mais, tel qu'il est actuellement rédigé... Il se trouve que vous vivez dans une province où, comme vous l'avez dit vous-même, existe déjà la plus forte protection. Vous travaillez dans un certain cadre juridique, et quel changement va intervenir, selon vous? Pensez-vous que si la législation provinciale prévoit certaines mesures, des fonctionnaires fédéraux vont arriver et dire à la province de ne plus rien faire, qu'ils vont s'en occuper?

M. Quinney: Je vais vous donner un exemple concret. Dans un cas comme celui-ci, nous craignons un gaspillage d'effort et d'argent. De toute évidence, nul ne souhaite une situation où l'on dévalise Pierre pour donner à Paul

M. Adams: Écoutez, il y a deux Paul ici et un Pierre. Faites attention aux images que vous utilisez.

Des voix: Oh, oh!

M. Quinney: C'est précisément notre argument.

M. Adams: Je vous suis.

M. Quinney: Malheureusement, le ministre ne s'engage pas à débloquer des fonds nouveaux pour l'exécution de ce projet de loi. S'il n'y en a pas, ne va-t-on pas effectivement dévaliser Pierre pour payer Paul?

M. Adams: Pour en revenir à mon analogie du filet de sécurité, là où des mesures de protection sont déjà prises, pensez-vous réellement que le gouvernement fédéral va arriver et dire: «Voilà, nous voulons prendre en charge la protection de cette espèce, qui est déjà protégée»?

Abordons cela par un autre biais. Comme vous le dites dans votre mémoire, vous vivez dans une province qui, contrairement à beaucoup d'autres, a déjà une bonne législation. Est-ce que, dans ce cadre législatif, le plus strict du Canada, vous avez connaissance de cas où un propriétaire terrien ait été poursuivi en justice pour quelque infraction en rapport avec une espèce en péril ou menacée? Et, comme vous le dites, cette législation existe depuis de nombreuses années.

M. Quinney: Je n'en connais pas personnellement.

M. Adams: Encore une fois, j'essaie de savoir quel changement de régime vous craignez. Quelle sorte de différence ce projet de loi fera-t-il pour les propriétaires terriens de l'Ontario, comparé à cette législation très rigoureuse sous laquelle vous vivez depuis de nombreuses années?

M. Quinney: Ma première réaction, en lisant ce projet de loi, est que les propriétaires terriens vont être très inquiets. À notre avis, il faut indiquer très clairement qu'ils sont des acteurs appréciés de la conservation, au lieu que le seul message soit de dire: attention à vous, nous débarquons avec une massue si vous ne continuez pas à assurer le niveau de gardiennage que vous avez.

Dans bien des cas, il est probable que la seule raison pour laquelle diverses espèces continuent à exister dans le paysage, du moins dans le sud du Canada - par exemple, dans le sud de l'Ontario - sont les propriétaires terriens.

M. Adams: Je comprends cet argument. Comment se fait-il, à votre avis, qu'avec cette législation très stricte qui s'applique aux propriétaires ontariens depuis pas mal d'années, il n'y ait pas eu un seul cas que vous puissiez citer de poursuite en justice contre un propriétaire?

M. Quinney: C'est probablement à cause du libellé précis de la législation.

M. Adams: Par exemple?

M. Quinney: Un exemple est l'absence des termes «protection de l'habitat sur une propriété privée».

M. Adams: Je ne suis pas d'accord. Comme vous le savez, je connais assez bien la législation provinciale, ayant participé à la rédaction d'une bonne part de celle-ci.

.1725

Connaissez-vous la notion de diligence raisonnable? Vous êtes propriétaire et il y a divers scénarios de diligence raisonnable. Si, par ignorance ou par accident, il se passe quelque chose, les propriétaires sont protégés, comme nous le sommes tous dans divers domaines. Du moment que le propriétaire fait preuve de diligence raisonnable, il est à l'abri de poursuites.

Imaginons que le dernier couple reproducteur d'une espèce se trouve sur une propriété privée et que cette dernière ait été achetée en vue d'une opération immobilière, et ces gens s'aperçoivent... Ils ont fait l'investissement etc. Les encourageriez-vous à envoyer les bulldozers aplatir les deux derniers représentants d'une espèce en voie de disparition qui se trouvent vivre sur la propriété privée de quelqu'un?

M. Quinney: Bien sûr que non.

M. Adams: Je pense qu'ils ne le feraient pas. Je pense que l'on trouverait, par n'importe quel moyen, une façon d'aider quelqu'un qui a fait... C'est peut-être les économies de toute leur vie ou quelque chose du genre.

D'ailleurs, c'est parce que nous traitons de cas extrêmes, l'espèce menacée entre toutes, le petit bout de terrain dont dépend le gagne-pain de quelqu'un, que l'on a ce genre de conflits.

Je vous dirai, Terry, que vous vivez déjà en Ontario, que vos propriétaires terriens vivent déjà sous un régime aussi rigoureux que celui-ci. Il peut y avoir quelques changements par rapport à certaines espèces ou à l'égard des oiseaux migrateurs, mais déjà maintenant, à mon avis, si l'un de vos propriétaires découvrait que sa terre qu'il avait l'intention de mettre en valeur était essentielle à quelque oiseau migrateur, il ne mettrait pas cette terre en exploitation, il trouverait une assistance quelque part pour préserver cet habitat nécessaire à l'espèce.

Je ne vois pas de changement. Réellement pas. À moins que vous me montriez en quoi l'achat de ce terrain privé ou la mise en valeur de ce terrain privé serait menacé d'une façon ou d'une autre par cette loi, je ne vois pas. J'ai lu votre mémoire et il y a là quelques bonnes idées, comme je l'ai dit, mais pouvez-vous me donner un exemple de ce qui va changer?

M. Quinney: Désolé, monsieur Adams, mais nous savons très bien, pour être à l'écoute de la base, combien est grande l'appréhension de la province depuis des mois - en fait depuis plus que des mois - au sujet de cette loi fédérale. Les propriétaires expriment non seulement une appréhension, mais craignent d'être obligés d'endosser le fardeau de la responsabilité collective dans ce domaine.

Nous demandons simplement que cette loi reflète les préoccupations des propriétaires terriens de ce pays, car les terres en mains privées abritent une part énorme de l'habitat de la faune. Il faut que la société canadienne dans son ensemble reconnaisse les propriétaires privés comme les gardiens de cet habitat de la faune. Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de premier plan dans cette reconnaissance, par l'intermédiaire de cette loi, mais nous ne voyons rien de tel dans le texte tel qu'il se présente.

M. Adams: Je pense que ces propriétaires terriens que vous représentez sont très intéressés à protéger les espèces menacées. C'est le cas, je suis d'accord avec vous. Je me demande qui leur explique, aujourd'hui en Ontario, la région que vous représentez, qu'ils vivent déjà - et j'imagine, à l'aise - sous le régime le plus rigoureux du pays. Un citoyen peut les assigner en justice s'il le veut et les citoyens ne le font jamais. Je me demande si quelqu'un leur explique cela.

S'il s'agissait d'une autre province, sans législation... et il y en a quelques-unes; certaines autres provinces ont une législation sur les espèces menacées, mais aucune n'en a une aussi stricte que celle de l'Ontario. Peut-être un propriétaire foncier de l'Alberta, où il n'existe pas de telle loi, pourrait ressentir une inquiétude parce que ce serait quelque chose de nouveau pour lui, mais ce n'est pas le cas en Ontario. Quelqu'un leur explique- t-il que c'est le même régime qu'auparavant, mais avec quelques différences en ce qui concerne les espèces etc.? Me dites-vous qu'à l'heure actuelle, par exemple, ces propriétaires enverraient des bulldozers aplatir la végétation de ce terrain s'il ne s'agissait pas, comme vous dites, de l'oiseau emblème provincial?

M. Quinney: Non.

M. Adams: Ils ne le feraient pas.

Pour en revenir à l'emblème provincial, mon idée du filet de sécurité, par opposition au double emploi, est que les gens ne cessent de me dire que les oiseaux ne savent pas dans quelle province ils sont, pas plus que les autres espèces. Vous pourriez peut-être expliquer à vos propriétaires la situation en ces termes. S'ils approuvent cette législation au niveau provincial, et je pense que c'est le cas, et que tout d'un coup apparaît une autre espèce menacée pour une raison ou pour une autre, ne vont-ils pas être aussi en faveur de la protection de celle-ci?

.1730

M. Quinney: Monsieur Adams, la différence est que je ne pense pas que l'on ait suffisamment expliqué aux propriétaires terriens du sud du Canada les effets concrets de cette législation, afin de les rassurer.

M. Adams: Monsieur le président, si vous me permettez cette intervention, je suis d'accord avec cela. C'est un problème que nous, les législateurs, rencontrons sans cesse. Il y a des moments favorables pour prendre certaines mesures. Ceci est pour nous le moment favorable, au niveau fédéral, pour établir ce filet de sécurité que j'ai décrit. Vous avez raison, idéalement, on aurait pris plusieurs années pour débattre et expliquer etc., mais nous n'en avons pas le temps.

J'espère réellement que, dans votre magazine, vous nous aiderez à faire comprendre à vos membres que le régime pour les propriétaires terriens en Ontario restera inchangé, sauf qu'il y aura quelques espèces de plus sur la liste. Êtes-vous d'accord avec moi? En d'autres termes, il y aura quelques espèces qui vont se poser sur leur propriété qui ne sont pas protégées à l'heure actuelle mais qu'ils ne détruiraient pas de toute façon.

M. Quinney: Eh bien, monsieur Adams, le malaise est très prononcé.

M. Adams: Allez-vous leur expliquer ce que je viens de dire, à savoir qu'il n'y a pas de changement?

M. Quinney: Pour faire cela, en tant qu'organisation, il nous faudrait un texte de loi plus clair et plus rassurant, étant donné certains des reproches que nous avons exprimés à l'égard du libellé actuel.

M. Adams: Je ne vous demande pas d'apposer votre blanc seing sur le projet de loi. Je suis d'accord avec certaines des critiques que vous formulez dans votre mémoire, en désaccord avec d'autres, mais il y a quand même du bon. Mais l'essentiel, c'est que pour le propriétaire terrien de l'Ontario, ceux que vous représentez, il n'y a pas de changement fondamental excepté que certaines autres espèces pourraient se poser sur leurs terrains qu'il y aura lieu de protéger.

M. Quinney: Exact.

M. Adams: Imaginez aujourd'hui... si l'une des espèces qui n'est pas l'oiseau emblème provincial se posait sur leurs terres, ils ne détruiraient pas cette espèce. Terry, vous le savez. C'est donc la même chose que...

M. Quinney: D'accord, Peter, je pense que je vois un peu mieux le genre d'exemple que vous me demandez. Vous dites que, sûrement, le propriétaire terrien moyen qui a une espèce en péril sur sa propriété aujourd'hui, si une autre arrive la semaine prochaine, il va certainement la protéger aussi. C'est bien ce que nous espérons, nous aussi. Mais je pense que pour le propriétaire moyen du sud de l'Ontario, qui a un habitat précieux pour la faune, la liste des espèces qu'il est prêt à sauver pour le bien de toute la société n'est pas infinie, s'il espère utiliser peut-être un petit bout de cet habitat pour d'autres fins.

M. Adams: Ou bien il n'aura aucune espèce. La plupart n'en ont aucune. C'est un peu comme la loterie. Ils pourraient en avoir une la semaine prochaine. La liste est finie, monsieur le président. C'est une très courte liste d'espèces que, malheureusement, il nous faut protéger. Comme vous l'avez dit, si nous pouvions revenir en arrière et faire de la prévention, de façon à ce que la liste soit réduite à zéro, nous n'aurions pas ce débat. Mais c'est d'une liste finie dont nous parlons. Cette liste-ci sera un peu plus longue, techniquement. Mais, au plan moral, c'est exactement la même. Ces espèces ont soit besoin de protection soit n'en ont pas besoin.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie, monsieur Adams. Je pense que M. Quinney aimerait avoir le dernier mot.

M. Quinney: Non, merci, monsieur le président.

Le président: Passons donc à M. Steckle, puis à M. Knutson, puis à moi-même.

M. Steckle (Huron - Bruce): Terry, c'est encore une fois un plaisir que de pouvoir vous poser une question ou deux cet après- midi.

Je pense que nous partageons tous une certaine préoccupation au sujet de ce projet de loi, et diverses parties ont soulevé la question. M. Forseth l'a soulevée et vous l'avez fait vous-même, principalement parce que ce sont les propriétaires de terrains privés qui sont peut-être les plus directement concernés par ce projet de loi. Ils pensent qu'il va se répercuter sur leurs affaires, sur leurs droits de propriétaire, et ils se demandent quel coût cela va comporter, quelle perte de revenus ils risquent d'essuyer à l'égard de certaines terres.

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Venant de la campagne ontarienne et ayant été conseiller municipal pendant pas mal d'années, je sais quelles répercussions peuvent avoir certaines mesures de financement et comment les plans d'utilisation des sols sont touchés par les décisions des offices de protection de la nature etc... certains plans ont déjà été adoptés qui ont des répercussions en particulier sur les terrains marécageux de l'Ontario. Il n'y a pas toujours d'indemnisation. C'est là où j'ai un grief envers les organismes gouvernementaux qui promulguent ce genre de règles qui pénalisent les gens. Il y a une mentalité dans la société voulant que les ruraux, d'une certaine façon, parce qu'ils sont les propriétaires des terres dans les campagnes canadiennes, devraient être seuls à assumer ce coût.

Je pense aussi que nous avons épuisé nos moyens. Les finances du pays sont exsangues. Il faut trouver de nouvelles façons de faire les choses. Je pense que la meilleure façon de financer ce travail est de rallier tout le monde sur un objectif.

Ducks Unlimited est un bon exemple. Cette association a su lancer des programmes pour protéger certaines espèces dont les populations sont en déclin. Elle a réussi à lever de très grosses sommes que lui ont volontairement versées de généreux donateurs. Je pense que, pour faire accepter cette législation, nous devons procéder de la même façon. Nous devons devenir les partenaires de l'Ontario Federation of Anglers and Hunters, de Ducks Unlimited. Nous devons structurer cette législation de telle manière qu'elle soit comprise.

Il faut que ce soit réellement le type de législation qui serve le mieux les intérêts du Canada rural, car c'est manifestement là qu'il faut agir. Nous ne pouvons aller à Toronto et dire que les immeubles sont trop hauts et trop éclairés et que des milliers d'oiseaux se fracassent contre les vitres chaque année parce qu'on n'a pas éteint les lumières. Je pense que nous aurions un réel problème si nous voulions agir à ce niveau, car nous ne saurions même pas quelle municipalité... ou par quel bout aborder la question. C'est pourquoi nous tendons à légiférer pour le Canada rural, parce qu'il y a là moins d'habitants et parce que c'est là que l'on rencontre l'habitat et les lieux de nidification de ces espèces, du moins dans les endroits où il y a de la faune.

Je suppose que ma préoccupation c'est que, parce que nous parlons de juridiction sur les terres fédérales... et c'est quelque chose qui doit être bien compris. Nous parlons uniquement dans ce projet de loi des terres fédérales, il faut bien le voir. Et je souhaite, venant de l'Ontario rural, que nous promulguions la meilleure loi possible. Comme tout le monde au sein de ce comité et, je suppose, à la Chambre des communes, j'estime que nous devons préserver les espèces qui sont en péril. Nous sommes tous d'accord là-dessus. Le fait que l'observation des oiseaux soit au Canada le sport qui connaît l'expansion la plus rapide aujourd'hui signifie que nous avons beaucoup de sympathisants de notre côté.

J'ai beaucoup de questions, mais nous allons vite manquer de temps. S'agissant du financement, si l'on devait prélever des fonds dans un programme pour les consacrer à un ou plusieurs programmes de protection des espèces en péril, lesquels à votre avis en souffriraient? Le ministère ne va pas disposer de crédits nouveaux. Quels programmes d'importance critique risqueraient de souffrir d'une telle ponction?

M. Quinney: Permettez-moi de vous donner quelques exemples rapides. Ils se situent tous au chapitre de la protection ou de la création d'habitats.

Vous avez parlé de partenariats réussis. Le Plan nord- américain de gestion de la sauvagine est un excellent exemple de coopération entre tous les paliers de gouvernement et avec le secteur privé. Vous avez mentionné des organisations telles que Ducks Unlimited, l'Ontario Federation of Anglers and Hunters. Notre crainte est que, par suite de cette nouvelle loi, le gouvernement fédéral contribue moins au Plan de gestion nord-américain de la sauvagine qui, comme vous le savez, ne consiste pas seulement à gérer la sauvagine mais aussi à protéger et à rétablir les marécages etc. Lorsque vous protégez les marécages, vous protégez une multitude d'espèces.

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Encore une fois, nous craignons que la mise sur pied de l'appareil bureaucratique nécessaire à cette loi vienne ponctionner les crédits fédéraux pour des programmes tels que le Plan nord- américain de gestion de la sauvagine.

Voilà un exemple concret - le Plan nord-américain de gestion de la sauvagine. En voulez-vous d'autres?

M. Steckle: Eh bien, je pense que vous avez le message voulu.

Je vous demande, avec la position en vue qui est la vôtre, de nous aider, car vous êtes en mesure de faire passer le message. Je suis abonné à la revue de votre association et je sais donc quels types de renseignements et de messages vous disséminez. Je souhaite donc que vous nous aidiez à transmettre le message, car nous devons bien faire comprendre aux intéressés que nous n'allons pas promulguer des lois nouvelles qui vont lourdement pénaliser les propriétaires de l'Ontario et de tout le Canada, particulièrement dans l'Ouest, là où il n'y a pas déjà de législation de cette sorte. Je vous le demande, je vous en prie.

Mon autre question intéresse les terres fédérales dans le Nord, là où vivent nos peuples autochtones. Vous en parlez à la page 3. Quel sorte de conseils pourraient-ils nous donner dont nous devrions tenir compte?

M. Quinney: Je n'ai pas la présomption d'anticiper ce que les Autochtones du Nord diront au comité. Nous disons simplement que, bien entendu, les habitants du nord du Canada, par définition, sont les plus proches de la nature, ont des choses importantes à dire et que le comité devra certainement tenir compte de leurs avis aux fins de la rédaction de cette loi.

M. Steckle: Pour conclure, puis-je dire que toutes les lettres que nous avons reçues à ce comité - et le président les a vues également - nous donnent à penser que ce projet de loi ne va pas assez loin, n'est pas assez ferme. On trouve dans le texte beaucoup trop de conditionnels, là où il devrait y avoir des impératifs.

Je dis simplement que nos correspondants voient dans ce projet de loi une demi-mesure, alors que vous nous avez exprimé aujourd'hui la position inverse, et j'en conclus que nous avons peut-être trouvé le bon équilibre. Mais je pense que vous pouvez nous aider à faire passer le bon message, si des changements doivent être apportés.

M. Quinney: Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie. Monsieur Knutson, s'il vous plaît.

M. Knutson: En ce qui concerne le dernier point, je ne pense pas vous avoir entendu dire que le projet de loi va trop loin, comme mon collègue semble le penser. Vous avez quelques doléances spécifiques, mais vous ne considérez pas que le projet de loi, de façon générale, va trop loin.

M. Steckle: Mais c'est une inquiétude réelle.

M. Quinney: Monsieur Knutson...

M. Knutson: Vous pouvez m'appeler Gar, puisque nous ne sommes pas à cheval sur l'étiquette aujourd'hui.

M. Quinney: Je vous remercie. Tout dépend de quelle partie du projet de loi vous parlez.

M. Knutson: Je saisis bien, et je viendrai dans un instant à l'article 56, que vous donnez comme exemple, mais vous ne demandez pas que le projet de loi dans son ensemble soit retiré.

M. Quinney: Nous disons que certaines parties doivent être profondément remaniées.

M. Knutson: Très bien.

Passons à ce que j'allais dire de toute façon. Je suis d'accord avec ce que j'interprète comme la tendance générale de votre mémoire et les objections que vous avez soulevées. Plus particulièrement, en ce qui concerne l'indemnisation, je conviens qu'un propriétaire ou un détenteur d'hypothèque ne devrait pas avoir à assumer le coût d'une mesure prise dans l'intérêt général.

Si nous pouvons admettre qu'un agriculteur ou propriétaire individuel, une personne physique, s'acquitte de son devoir de gérance à l'égard de sa terre, ce n'est malheureusement pas vrai lorsqu'il s'agit d'une société de promotion immobilière ou autre. Pour reprendre l'exemple de Peter, malheureusement beaucoup de sociétés lotiraient un terrain même s'il abritait les deux derniers individus d'une espèce et on l'a vu des quantités de fois. On les a vus abattre jusqu'au dernier arbre. Ce sont habituellement des sociétés qui prennent ces décisions, non des particuliers. Je reconnais donc qu'il doit y avoir indemnisation.

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Pour changer de sujet, vous dites à la page 6 que la procédure établie par l'article 56 est trop bureaucratique et coûteuse pour être efficiente et efficace. L'article 56 part de la prémisse qu'il pourra arriver à l'occasion qu'un ministre de l'Environnement ne fasse pas son travail et qu'une tierce partie demande au gouvernement de faire une enquête. Sur cette base, l'éventualité que le ministre ou le ministère ne fassent pas leur travail - cela n'arrive pas tout le temps, mais on peut envisager qu'un ministre de l'Environnement soit défaillant ou n'agisse pas de bonne foi - qu'y a-t-il de répréhensible dans ce processus?

M. Quinney: Il est vicié si, en fin de compte, la faune n'est pas mieux protégée.

M. Knutson: Mais, plus particulièrement, qu'est-ce...?

M. Quinney: Plus particulièrement, encore une fois, si le coût administratif, l'argent consacré à ce nouvel appareil bureaucratique serait plus utilement dépensé pour la protection de l'habitat, à notre avis, c'est là qu'il faudrait mettre l'accent.

M. Knutson: Disons que nous ayons un ministre qui ne fait pas son travail et que vous, en tant que citoyen, ou même votre groupe, l'Ontario Federation of Anglers and Hunters, réclame une enquête. Le ministre accuse réception par écrit; cela ne coûte rien. Il vous donne avis dans les 60 jours de sa décision de ne pas ouvrir d'enquête; cela ne coûte pas grand-chose. Ou il décide d'ouvrir une enquête suite à votre demande, et il vous fait savoir tous les trois mois où en sont les choses, afin qu'il y ait une certaine transparence du processus.

Si l'enquête est suspendue, on envoie un exemplaire du rapport au requérant. Ce n'est pas un gros travail administratif que de vous envoyer un exemplaire de rapport. J'ai des gens qui viennent se plaindre à moi lorsqu'un organisme gouvernemental ne peut leur procurer un exemplaire de quelque chose.

Cela me paraît donc être un processus plutôt ouvert, transparent. On informe le requérant si l'enquête est ultérieurement... La notification n'est pas un lourd fardeau administratif. Et l'on vous adresse copie du rapport final.

Si vous avez demandé au ministre d'ouvrir une enquête sur une infraction, le ministre doit vous faire savoir très publiquement s'il a ou non effectué cette enquête et, dans la négative, indiquer les raisons et, dans l'affirmative, quels en sont les résultats. Qu'y a-t-il de bureaucratique là-dedans?

M. Quinney: De la façon dont vous l'expliquez, c'est assez simple. Malheureusement, il y a l'effet cumulatif de plusieurs dispositions du projet de loi. Lorsque, comme vous dites, le ministre ne fait pas son travail...

M. Knutson: Ou la ministre.

M. Quinney: ... quel mécanisme est enclenché? Encore une fois, toutes ces ressources sont englouties dans une bureaucratie et ne vaudrait-il pas mieux, tout compte fait, les consacrer à la faune elle-même?

M. Knutson: Très bien, sauf qu'en fin de parcours, dans les cas où le ou la ministre ne fait pas son travail, si l'on veut avoir une responsabilité gouvernementale, il faut bien donner aux citoyens ou aux groupes de citoyens comme le vôtre la possibilité de se plaindre. Si, ensuite, ils ne sont pas satisfaits des suites données à cette plainte, ils devraient pouvoir se pourvoir en justice.

La dernière remarque porte sur votre désir de voir augmenter les crédits pour la préservation de la faune. Je suis d'accord de tout coeur avec vous et j'invite votre groupe à faire une campagne aussi bruyante en ce sens qu'il l'a fait dernièrement au sujet d'autres lois.

Vous pourriez peut-être m'envoyer quelques autocollants disant: «Augmentez les crédits pour la faune». J'aimerais bien recevoir.

M. Quinney: Ce sera avec plaisir, monsieur Knutson.

M. Knutson: Je vous remercie. Je termine là-dessus.

Le président: Merci.

J'ai une question. Monsieur Quinney, vous déplorez à la page 5 que le projet de loi ne prévoie pas d'indemnisation. Est-ce que, dans vos délibérations aux fins de ce mémoire, vous avez chiffré le montant des indemnités qu'il faudrait verser si une telle disposition figurait dans le projet de loi? N'oubliez pas ce que j'ai dit tout à l'heure lorsque M. Forseth vous posait ses questions, à savoir que nous ne pouvons amender le projet de loi pour y insérer une disposition d'indemnisation car cela augmenterait le coût de la mesure et que cela sort du champ de la recommandation royale.

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Avez-vous chiffré le coût de l'administration qui serait requise pour déterminer le montant de l'indemnité? Deuxièmement, avez-vous chiffré ou avez-vous une vague idée que vous pourriez communiquer au comité du montant des indemnités elles-mêmes? Troisièmement, vos membres accepteraient-ils éventuellement une augmentation d'impôt pour financer ce mécanisme d'indemnisation?

M. Quinney: Monsieur le président, pour ce qui est de savoir si l'Ontario Federation of Anglers and Hunters a quantifié les coûts de la nouvelle administration résultant du projet de loi, la réponse est non. Nous n'en avons malheureusement pas eu le temps, vu le bref préavis que nous avons eu de notre comparution devant vous. Donc, malheureusement, nous n'avons pas chiffré les coûts administratifs.

Nous n'avons pas eu le temps non plus, par exemple, d'évaluer le niveau hypothétique de l'indemnisation qu'il faudrait prévoir, par exemple en Ontario, mais nous avons conscience que dans le cas de l'Ontario, la province qui nous concerne, il n'y a que relativement peu de terres sous régime fédéral. Par conséquent, nous avons pleinement conscience que les répercussions sur les propriétaires privés de l'Ontario seront certainement moindres que dans d'autres régions du pays.

Enfin, est-ce que les membres de l'Ontario Federation of Anglers and Hunters voudraient payer une nouvelle taxe ou accepteraient une majoration d'impôt pour défrayer l'indemnisation qui devrait accompagner cette loi? La réponse, en substance, est non.

Premièrement, ils y seraient opposés parce qu'ils ne sont pas convaincus à ce stade que les priorités de dépenses du gouvernement fédéral sont ce qu'elles devraient être. Notre ferme conviction est que le gouvernement fédéral devrait consacrer davantage d'argent aux programmes de protection de la nature dans ce pays.

Le président: Je comprends.

Voyons deux implications de ce que vous avez dit. Premièrement, si le gouvernement fédéral introduisait un régime d'indemnisation, immédiatement les Canadiens touchés feraient pression sur leur gouvernement provincial respectif afin qu'il en fasse autant, et ce ne serait qu'une question de temps avant qu'il faille verser des indemnités non seulement à l'égard des terres fédérales mais aussi des terres provinciales.

Deuxièmement, considérez la liste des espèces en péril. Comme vous le savez, cela va du couguar jusqu'à la marmotte en passant par la grue blanche d'Amérique, diverses espèces de hiboux, la pie- grièche, un pinson, la fauvette orangée, la grenouille-criquet en Ontario etc.

Vous pouvez imaginer une situation où moi, en tant que propriétaire, je serais empêché d'exploiter mes boisés pour assurer cette protection. Et on demandera la même chose à mon voisin et à tous les autres sur une étendue qui, dans le cas de la fauvette orangée, pourrait aller de Kapuskasing à Niagara Falls et, dans le cas de la marmotte, une étendue est-ouest qui reste indéterminée... Collectivement, cela pourrait signifier des indemnités très importantes, qui ne se chiffreraient pas seulement en millions. Nous demanderions à être indemnisés pour ne pas faire ce que nous ferions autrement, mettons de la coupe à blanc. Nous serions contraints d'adopter une approche de gestion sylvicole différente, qui pourrait être moins profitable, parfois de ne pas couper de bois du tout, et tout d'un coup nous aurions cette réclamation légitime à présenter à la collectivité en réparation de cette perte de revenu. Ce serait une somme impressionnante, savez-vous.

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Avez-vous quelque chose à répondre à cela?

M. Quinney: Oui, monsieur le président. Ce sont des questions extrêmement difficiles.

Dans l'exemple que vous donnez, mettons un propriétaire foncier dans la région de Kapuskasing, nous avons une situation où ce propriétaire détient un patrimoine dont la société dit qu'il ne peut y toucher. En l'absence de régime d'indemnisation, nous verrons et voyons déjà des cas où ces propriétaires se diront: on va promulguer une loi sur les espèces en péril, j'ai ce patrimoine. Je vais m'en débarrasser avant que le marteau législatif ne s'abatte sur moi. Je n'aurai plus d'arbres sur ma propriété pour la fauvette orangée, je vais les couper tout de suite et ainsi, lorsque la loi entrera en vigueur, je n'aurai plus d'habitat de la fauvette orangée chez moi et la loi ne s'appliquera plus à moi. Ce sont donc des cas extrêmement difficiles...

Le président: Et le prix du bois chutera parce que tout le monde coupera ses arbres en même temps et le marché sera complètement inondé.

M. Quinney: Heureusement, en Ontario, nous avons beaucoup de forêts domaniales, monsieur Caccia. Mais ma position est uniquement axée sur ce qui vaut le mieux pour la faune dans notre pays.

Le président: C'est là-dessus que convergent toutes nos pensées et c'est ce que nous avons en commun. Le but de ma question vise réellement à déterminer si vous pouvez quantifier le coût de l'administration supplémentaire et le coût de l'indemnisation, car vous vous inquiétez dans votre mémoire d'un alourdissement des coûts et ce que vous proposez ici représente des dépenses publiques supplémentaires. Le gouvernement peut rééchelonner ses priorités, comme vous dites. Cependant, il est peu probable qu'il le fasse car d'autres pressions s'exercent en vue du maintien des priorités actuelles. Mais si vous cherchez réellement à limiter les dépenses publiques au niveau actuel, je vous fais respectueusement remarquer que vous devrez peut-être revoir votre position sur l'indemnisation.

Avez-vous quelque chose à répondre?

M. Quinney: Je répondrai que nous essaierons bien volontiers de chiffrer le coût administratif résultant de la loi. Pour ce qui est d'une indemnisation éventuelle, si vous acceptez une réponse écrite ultérieure, nous nous ferons un plaisir de vous la transmettre.

Le président: Il faudra ouvrir un bureau rien que pour examiner toutes les demandes, déterminer qui est admissible, qui ne l'est pas, si la demande d'indemnisation est justifiée, envoyer des inspecteurs. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, vous aurez tout un appareil bureaucratique.

M. Quinney: En d'autres termes, ce serait le pendant du COSEPAC, monsieur le président.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

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M. Forseth: Monsieur le président, pourriez-vous clarifier ce que vous avez indiqué tout à l'heure au sujet du mandat donné par la Chambre des communes à notre comité? Nous croyons savoir qu'il s'agit d'une motion de renvoi au comité. Il n'y a pas eu de vote en deuxième lecture, ce qui donne au comité beaucoup plus de latitude que dans le processus normal.

Le président: Sans aucun doute. Mais j'avertis simplement qu'il ne faut pas donner aux témoins l'impression que le projet de loi peut être amendé au-delà de la recommandation royale, c'est-à- dire créer des dépenses qui ne sont pas prévues dans le projet de loi lui-même.

M. Forseth: À quel stade, dans ce cas, sera-t-il possible d'amender le paragraphe 8(2) pour prévoir une indemnisation...? Il faut bien que cela puisse se faire à un stade quelconque.

Le président: Je ne pense pas qu'un tel régime d'indemnisation puisse être inséré dans le projet de loi, mais je vais laisser le greffier répondre.

M. Forseth: Je suppose que tout dépend de qui introduit l'amendement.

Le greffier du comité: Il faudra que je vérifie, mais je pense que ce devrait être fait au stade du rapport et qu'une nouvelle recommandation royale devrait être attachée au projet de loi.

M. Knutson: Il faudrait que ce soit fait à la Chambre des communes.

Le greffier: C'est juste.

M. Forseth: Je suppose que le gouvernement pourrait présenter ces amendements. Comme je l'ai dit dans mon discours reproduit dans le hansard, je vois les signes avant-coureurs d'un ouragan de protestations qui prendra naissance dans l'Ouest et anéantira ce projet de loi, à moins que nous ne réglions ce problème d'expropriation sans indemnisation.

Il y a peut-être des façons de circonscrire le problème, en prévoyant une indemnisation pour perte réelle plutôt que potentielle, mais si nous ne faisons rien, je vous avertis simplement qu'il va y avoir un tollé.

Le président: C'est très gentil de nous avertir, mais il incombe aussi aux témoins et aux membres de ce comité de faire en sorte que le projet de loi soit bien compris et qu'on ne lui attribue pas des conséquences qui dépassent sa portée réelle.

Chaque nouvelle loi suscite des craintes. Les gens s'inquiètent des répercussions et, dans 95 p. 100 des cas, les craintes ne sont pas justifiées. Néanmoins, elles existent à cause du caractère nouveau de la loi et de l'incertitude des gens quant à ses effets.

Le projet de loi est sujet à certaines limites et autant faire savoir qu'il ne peut être amendé au stade du comité pour y insérer un régime d'indemnisation, au lieu de susciter de faux espoirs. C'est tout ce que je dis.

M. Forseth: La réaction des groupes communautaires, s'ils voient que cette possibilité est exclue... Si quelqu'un est confronté à une perte potentielle, cette loi garantira l'extinction des espèces parce que certains propriétaires veilleront à ce qu'aucune de ces espèces ne soit présente sur leur terre.

Le président: On peut vous répondre que, dans le cas de l'Ontario, du Québec, du Manitoba et du Nouveau-Brunswick, les législations n'ont pas eu cet effet, que la loi fédérale n'est que le pendant des dispositions déjà appliquées au niveau provincial. On a accumulé suffisamment d'expérience, suffisamment de temps s'est écoulé depuis l'entrée en vigueur de ces lois provinciales, et on ne peut même pas dire que le projet de loi fédéral introduit quelque chose de nouveau. Il ne fait qu'appliquer aux terres fédérales ce qui existe déjà au niveau provincial.

Je pense que votre organisation a un rôle d'explication particulier à jouer, monsieur Quinney, pour bien montrer à vos membres que la loi fédérale n'est que le pendant exact de ce qui existe en Ontario depuis quelque temps, si vous me permettez de le dire.

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M. Quinney: Je répondrai à cela, monsieur le président, que l'une des raisons pour lesquelles la législation provinciale ontarienne a donné de si bons résultats, c'est qu'elle ne manie pas la matraque, parce qu'elle est assortie d'autres fonds et d'autres mesures consacrés à la faune. Si le gouvernement fédéral peut en faire autant, alors ce sera un succès.

Le président: C'est ce qu'essaie de faire le gouvernement fédéral.

M. Quinney: Malheureusement, selon notre lecture du projet de loi, nous craignons que l'administration de cette loi n'amène un détournement de fonds au détriment de bons programmes d'Environnement Canada. Que va-t-on sacrifier?

Le président: Vous pourriez peut-être nous dire quels programmes risquent de souffrir afin que nous puissions nous pencher sur cet aspect. Vous n'en faites pas état dans votre mémoire d'aujourd'hui.

M. Quinney: Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Quinney.

La séance est levée jusqu'à demain matin.

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