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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 21 novembre 1995

.0943

[Traduction]

Le président: Mesdames et messieurs, nous avons avec nous aujourd'hui M. Roger Larson, directeur de l'Institut canadien des engrais, et M. Barry Clarke, consultant à l'ICE également. M. Mike Chorlton s'est excusé de ne pouvoir être parmi nous ce matin, car il est malade. Si nous trouvons nécessaire de le faire comparaître plus tard, nous pourrons certainement le faire venir dès qu'il le pourra, à sa convenance. C'est une possibilité à garder à l'esprit.

Pour commencer ce matin, la meilleure chose serait peut-être de laisser la parole à Roger. Il pourrait, avec son collègue, nous donner une idée des méthodes de distribution et d'établissement des prix des engrais et présenter un peu le point de vue général de l'Institut canadien des engrais.

M. Roger Larson (directeur, Institut canadien des engrais): Merci, monsieur Pickard.

J'aimerais d'abord donner des précisions au sujet de M. Clarke. Barry est membre associé de Fertecon International, une organisation membre de l'Institut canadien des engrais et une firme d'experts-conseils de réputation internationale. Elle fournit des services de consultation à l'Association internationale des producteurs d'engrais et aux ministères canadiens de l'Industrie et des Ressources naturelles.

Je ne vous lirai pas notre mémoire ce matin. Je prendrai cinq minutes environ pour présenter mon sujet et je répondrai ensuite à toutes vos questions.

Les fluctuations qu'a connues le prix des engrais ces derniers temps au Canada ne sont pas un phénomène propre à notre pays. Les engrais sont une denrée qui se transige dans le monde entier, et ses variations de prix au Canada sont à l'image de ce qui se passe partout ailleurs. Le prix des engrais est déterminé par de nombreux facteurs internationaux, tout comme les marchés mondiaux influent sur les cours du maïs ou du blé. Comme n'importe quelle denrée, les engrais obéissent à la règle de l'offre et de la demande.

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Les coûts des produits de base peuvent servir de point de départ à l'établissement du prix des engrais, mais ils ne déterminent pas le prix de vente proprement dit. Le prix des engrais a augmenté, comme cela s'est toujours produit et comme nous l'avons vu ces derniers temps, quand la demande a été forte et que l'offre a été faible. C'est le rapport entre l'offre et la demande qui est à l'origine de la nature cyclique du prix des engrais. Si la demande est forte et l'offre faible, le prix augmente. Par contre, si la demande chute ou qu'une nouvelle quantité trop importante arrive sur le marché, le prix plonge.

Les prix d'aujourd'hui sont supérieurs aux prix, effondrés, d'il y a quelques années, mais ils ne sont pas supérieurs aux sommets qu'ils ont connus à certaines périodes du cycle. De fait, si l'on tient compte de l'inflation, les prix d'aujourd'hui sont inférieurs, et même très nettement inférieurs, à ceux d'il y a quinze ans.

Quand la demande pour les produits agricoles est plus forte, celle pour les engrais l'est aussi. La demande alimentaire augmente parce que la population mondiale continue de croître et qu'il y a plus de bouches à nourrir, et aussi parce que l'on recherche une meilleure alimentation. C'est ce qui explique l'épuisement des stocks mondiaux de grains ces dernières années. Compte tenu du pourcentage d'utilisation, ils n'ont jamais été aussi bas depuis la crise alimentaire de 1972-1973. L'augmentation de la demande alimentaire a poussé le prix des grains à la hausse et forcé les pays à intensifier la production agricole.

Elle a aussi relancé l'utilisation des engrais dans de nombreuses régions du globe, y compris le Canada. La Chine, qui est le plus grand importateur d'engrais au monde, domine à nouveau le marché. Ses exportations de grains ont fortement chuté, ce qui signifie qu'elle doit accroître sa production intérieure de produits alimentaires. La Chine veut et peut maintenant offrir un niveau de vie plus élevé à sa population, comme la plupart des pays d'Asie en développement. Il leur faudra absolument recourir aux engrais pour y arriver.

En ce qui concerne le marché intérieur des États-Unis, on s'attend à ce qu'il y ait une forte demande pour les engrais parce que les prix versés pour les récoltes créent un contexte favorable. De plus, comme les réserves de maïs sont basses et que des pressions s'exercent sur le gouvernement pour l'obliger à comprimer ses dépenses, le programme de réduction des superficies cultivées risque d'être mis en veilleuse. On ne prévoit donc pas cette année de réduction des surfaces consacrées à la culture du maïs. Ce facteur aura lui aussi un effet positif sur l'utilisation des engrais.

On s'attend également à ce qu'il y ait une forte demande pour les engrais au Canada le printemps prochain. Leur utilisation était à nouveau à la hausse le printemps dernier malgré les conditions climatiques généralement mauvaises au moment des plantations. Il est probable aussi que la demande demeurera forte parce que les prix versés pour les récoltes sont supérieurs à ceux de l'an dernier.

La production mondiale d'engrais, quant à elle, est restée plus ou moins la même ces dernières années. Le prix des engrais, qui demeure bas depuis le milieu des années 80, n'incite pas à construire de nouvelles usines, d'autant plus que les coûts d'investissement sont relativement élevés et que le secteur a enregistré peu de profits depuis 1984, voire des pertes certaines années. Il n'y a donc aucun intérêt, sur le plan financier, à construire de nouvelles usines. De vieilles usines ont dû fermer leurs portes et bon nombre d'autres usines sont devenues moins fiables à cause du resserrement des budgets d'entretien.

Il y a également le fait que les pays de l'ex-Union soviétique ont commencé à se donner une économie de marché. Du coup, le prix du gaz naturel qui alimente les usines de fabrication d'engrais azotés a augmenté en Russie et a rejoint les prix mondiaux. Les coûts de fabrication s'en sont ressentis et leur augmentation s'est répercutée sur le prix des engrais azotés à l'exportation.

À l'échelle mondiale, alors que la capacité de production d'engrais stagnait et même baissait dans certains pays, leur utilisation croissante a fini par amener la demande à rejoindre l'offre, ce qui a fait augmenter les prix.

Les producteurs d'engrais ont réagi à la rareté de l'offre. Les usines du Canada et des États-Unis fonctionnent à pleine capacité, et certaines vieilles usines qui avaient fermé ont été remises en activité. La production d'ammoniac s'est ainsi accrue de 225 000 tonnes par année au Canada.

Pendant l'année qui vient de s'écouler, les membres de l'ICE ont également annoncé la mise en oeuvre de plusieurs autres projets. Ils feront des investissements qui totaliseront 275 millions de dollars canadiens et produiront 775 000 tonnes de plus d'ammoniac ou d'urée.

Pour ce qui est de l'avenir, nous devons insister sur le fait que notre compétitivité dépend du transport. Par leur volume qui dépasse 50 millions de tonnes, les céréales et les engrais exportés par le Canada occupent respectivement les première et troisième places parmi les produits transportés par les chemins de fer canadiens. Les changements proposés dans le projet de loi C-101 seront lourds de conséquences pour les expéditeurs, car ils auront un effet sur leur capacité de se prévaloir des dispositions concernant l'accès aux autres transporteurs ferroviaires qui sont prévues dans la -Loi de 1987 sur les transports nationaux actuellement en vigueur.

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L'ICE presse le Comité permanent de l'agriculture et de l'agro-alimentaire de soumettre cette question au Comité permanent des transports, au ministre des Transports et à celui de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Hermanson, voudriez-vous commencer la période de questions?

M. Hermanson (Kindersley - Lloydminster): Merci, messieurs, de comparaître devant nous aujourd'hui.

Je voudrais revenir rapidement à certains points concernant le rôle de l'ex-Union soviétique comme fournisseur d'engrais. Vous ai-je bien compris lorsque vous avez dit que les pays de l'ex-Union soviétique ne sont plus aussi compétitifs qu'autrefois et qu'il ne fallait plus compter sur l'Europe ni sur ces pays pour nous fournir des engrais parce qu'ils ne sont plus assez compétitifs pour combler les besoins de l'Amérique du Nord? Est-ce bien ce que vous dites ou au contraire jouent-ils encore un rôle comme fournisseurs d'engrais? Se pourrait-il qu'ils jouent un rôle comme concurrents de l'industrie nord-américaine des engrais?

M. Larson: Je crois savoir qu'à mesure que ces pays se donneront une économie de marché, leurs producteurs feront face à des coûts élevés qui n'existaient pas auparavant, notamment le prix du gaz naturel pour ce qui est des engrais à base d'azote et de phosphates, les coûts de transport et certains coûts reliés aux services portuaires. Il y a maintenant plusieurs pays qui se font concurrence vous savez, comme l'Ukraine et la Russie.

Je voudrais laisser Barry Clarke répondre à cette question. Il s'y connaît beaucoup mieux que moi dans ce domaine.

M. Barry Clarke (consultant, Institut canadien des engrais): Avant l'éclatement de l'Union soviétique, la production des engrais dans cette région du monde obéissait à l'offre et les usines étaient construites en fonction de plans quinquennaux ou décennaux. Elles ne s'intéressaient pas à la demande venant des agriculteurs. Un grand nombre d'entre elles se sont tournées vers l'exportation et ont commercialisé leurs produits sur le marché mondial. Or, leurs coûts de base n'avaient rien à voir avec ceux qu'assumaient les producteurs des autres régions au monde. En Union soviétique, le gaz coûtait moins cher, les coûts du transport n'étaient pas ce qu'ils auraient dû être et les coûts rattachés aux services portuaires n'étaient pas réalistes. L'arrivée des engrais des pays de l'Est sur le marché mondial a fait baisser les prix et ces prix sont demeurés très bas par la suite.

Bien entendu, les agriculteurs n'ont plus reçu d'engrais quand le pays a éclaté. Le produit est alors arrivé en plus grande quantité encore sur les marchés des pays de l'Ouest.

En même temps, les usines ont commencé à fonctionner en tenant davantage compte du marché et à ne produire que ce qu'elles pouvaient écouler dans les pays du Bloc de l'Est ou de l'ex-Union soviétique. Elles ont donc réduit leur capacité de production. La production de phosphate est passée de dix millions à deux millions de tonnes par année. Les pays de l'ex-Union soviétique importent aujourd'hui des denrées alimentaires et des engrais à l'étape de produits finis pour combler leur demande. Elles en exportent très peu.

M. Hermanson: Le Canada ou les États-Unis ont-ils dressé des barrières commerciales pour empêcher les engrais de pénétrer sur le marché nord-américain? Est-ce la raison pour laquelle les pays de l'ex-Union soviétique ont réduit leur production?

M. Clarke: Je crois que des facteurs internes les ont obligés à réduire leur production, mais il y a eu aussi les barrières commerciales. Le dumping de certains produits a suscité des controverses dans la Communauté européenne et en Amérique du Nord.

M. Hermanson: Mais il n'y a plus lieu de penser à des mesures antidumping?

M. Larson: Il n'y en a pas eu au Canada.

M. Clarke: Il y en a eu un peu en Amérique du Nord et un peu aussi dans la Communauté européenne. En ce moment, il n'y en a plus, je crois.

M. Larson: Il y a à peine deux ans, je crois que près de la moitié des importations canadiennes de monophosphate d'ammonium provenaient de Russie. On en a importé environ 100 000 tonnes.

M. Hermanson: Pensez-vous qu'il y avait déjà alors des pratiques commerciales déloyales? Votre association s'est-elle battue contre l'importation d'engrais de l'ex-Union soviétique ou s'y est-elle opposée?

M. Larson: L'ICE n'a entrepris aucune action. Des organisations qui importaient ces engrais faisaient partie de ses membres.

M. Hermanson: Je voudrais maintenant déplacer un peu la question et parler des barrières commerciales à l'intérieur même du Canada, entre les provinces. J'ai soulevé ce point il y a quelques semaines et j'aimerais le soulever encore une fois.

À une époque où j'essayais de me procurer de l'engrais, mon détaillant me disait qu'il pouvait acheter de l'engrais qui était produit à Brandon, au Manitoba, exporté aux États-Unis et redistribué au Canada à meilleur prix que s'il l'achetait d'une usine du Manitoba. Comment cela est-il possible? Pourquoi de l'engrais qui est acheminé par camion aux États-Unis puis réimporté au Canada coûte moins cher la tonne que de l'engrais que l'on pourrait acheter au Manitoba?

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J'habite en Saskatchewan.

M. Larson: Je ne sais pas vraiment comment répondre à cette question. L'ICE ne se mêle pas des activités de ses membres pour ce qui est de l'établissement concurrentiel des prix. Ces activités-là sont régies par la loi sur la concurrence.

Peut-être que Barrie pourrait donner quelques explications théoriques.

M. Clarke: Ma spécialité, c'est surtout le commerce international. D'après moi, le marché canadien est très petit en ce qui concerne les engrais. Les seules usines que l'on puisse construire peu importe où dans le monde sont des usines d'envergure mondiale. Il y a divers endroits au Canada où sont réunies les matières premières et les conditions de transport voulues pour construire de telles usines, mais leurs revenus d'exploitation reposent sur l'accès à de nombreux marchés, tout comme la justification de leur construction. Ces usines peuvent viser le marché intérieur, le marché outre-mer ou le marché nord-américain, mais la société qui investit voit ces marchés comme un tout.

Comme Roger, je ne connais pas les politiques d'établissement des prix de ces entreprises, mais je suppose que l'anomalie que vous signalez pourrait venir de la politique d'établissement des prix pratiquée par une ou plusieurs sociétés ayant des usines d'envergure mondiale.

M. Hermanson: Si cela vient de la politique d'établissement des prix, diriez-vous qu'elle est pertinente? Ou pensez-vous plutôt que ces sociétés réalisent en fait plus de profits qu'elles ne le devraient parce qu'elles jugent avoir un marché captif?

M. Clarke: Je n'ai pas d'opinion là-dessus.

M. Easter (Malpèque): Je suis sûr que vous avez entendu, tout comme nous, beaucoup de producteurs primaires se plaindre de l'augmentation des coûts des engrais cette année. Pour essayer de comprendre ce que s'est passé, les facteurs d'aval qui influent sur le coût des engrais au Canada, pouvez-vous nous dire ce qui a contribué à faire augmenter les prix l'an dernier? Dans votre mémoire, vous avez parlé des coûts des matières premières, les phosphates et l'azote notamment. Y a-t-il d'autres facteurs, le transport ou autre chose? Quelle est la principale raison pour laquelle le prix des engrais a augmenté autant?

M. Larson: Je crois qu'il serait juste de dire, comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, que ce sont l'offre et la demande, et non les coûts de production comme tels, qui détermineront les prix cette année et l'année prochaine, comme elles l'ont fait dans les années passées.

C'est ainsi que fonctionne en partie le marché d'un produit donné. Quand on investit gros - la construction d'une usine d'engrais azotés par exemple coûte aujourd'hui au-delà de 450 millions de dollars canadiens - on court un risque parce que l'on ne sait pas si l'investissement sera rentable. C'est le comportement du marché du produit dans les années qui suivront qui le dira.

M. Easter: Parmi les investissements effectués par le secteur des engrais, celui réalisé en Saskatchewan comporte une bonne part de fonds publics.

Êtes-vous en train de dire que les prix demandés par le secteur n'ont rien à voir avec les coûts de production? Vous parlez de marché, d'offre et de demande, mais vous me dites que les prix demandés ne sont pas liés aux coûts?

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M. Larson: Non, je crois que ce que nous avons dit dans notre mémoire, c'est qu'il y a un lien entre les prix et les coûts. Quand les prix baissent au point de rejoindre le coût effectif de la production, on a des prix plancher. À part cela, c'est l'offre et la demande qui situent les prix.

M. Easter: Pour notre part, et au gouvernement à coup sûr, ce que les producteurs nous disent notamment, c'est qu'ils ne comprennent pas pourquoi les coûts ont autant augmenté. Ils ne veulent pas par ailleurs que les fabricants d'engrais réalisent des marges de profit au-delà de ce qui est nécessaire aux dépens du secteur agricole, dont certaines parties sont d'ailleurs soumises à des contraintes financières.

Dans ma propre province, l'Île-du-Prince-Édouard, ce qui me frappe toujours quand je magasine pour acheter des engrais et que je vais voir trois entreprises différentes, c'est de retrouver pratiquement chaque fois les mêmes prix. Je ne dirais pas qu'il y a fixation des prix ou collusion entre les sociétés, mais comment se fait-il qu'il ne semble pas y avoir de véritable concurrence de prix entre elles quand elles vendent leur produit aux entreprises agricoles?

M. Larson: Pour en revenir à ce qui était, je crois, votre première question, il n'y a pas eu d'augmentation marquée des prix des engrais; il y a eu relèvement important de ces prix. Selon l'indice des prix de Statistique Canada, le prix de détail des engrais est aujourd'hui d'environ 18 p. 100 supérieur à ce qu'il était au Canada en 1981. Or, entre 1981 et aujourd'hui, l'indice des prix à la consommation a augmenté de quelque chose comme 77 p. 100, et les prix des entrées dans l'agriculture ont augmenté de plus de 40 p. 100.

Pendant les 15 dernières années, l'indice des prix des engrais est longtemps demeuré à plus de 90 p. 100 inférieur aux prix de 1981. Je crois que nos membres ont perdu 170 millions de dollars en 1987-1988. Dans ce sens donc, non, il n'y a pas de lien entre les coûts et le prix. C'est la situation de l'offre et de la demande dans le monde qui a décidé des prix sur le marché canadien.

M. Easter: Laissons cela de côté un instant et passons à une fusion survenue aux États-Unis dans le secteur des engrais. Le Financial Post en a parlé le 14 novembre. Deux grandes sociétés de Chicago, IMC Global Inc. et Vigoro Corp., ont fusionné. C'est, je crois bien, un autre pas vers la concentration des fournisseurs de produits bruts dans cette industrie.

Ma question s'adresse probablement à M. Clarke. On doit craindre là-bas que la concentration qui survient dans le secteur des engrais poussera les prix à la hausse, que les quelques rares fournisseurs détiennent trop de pouvoir. Quel effet, le cas échéant, cette situation aura-t-elle à votre avis sur les prix des engrais, au Canada en particulier?

M. Clarke: Tout d'abord, la situation dont vous parlez est celle des États-Unis. La fusion est survenue aux États-Unis. D'après la tendance observée, les producteurs d'engrais se retirent du secteur après avoir connu, pendant un certain temps, des prix de vente inférieurs aux coûts effectifs de production. Il y a donc eu beaucoup d'usines d'engrais en vente aux États-Unis. Elles ont été mises en vente parce que la situation du marché était mauvaise depuis le milieu des années 80.

Je crois que l'on assiste aujourd'hui et que l'on a assisté avec la fusion IMC-Agrico ou avec une opération de ce type, à une tentative de consolidation en vue de garantir la poursuite des activités.

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Exception faite du Wyoming, aucune usine d'engrais n'a été construite aux États-Unis depuis la fin des années 70. Or, les Américains vont débloquer la production dans l'année qui vient, en 1996, en ouvrant deux usines de phosphates. Ils s'efforcent donc de relancer la production de ce produit pour satisfaire à la demande. Mais pour cela, il leur faut des sociétés solides, et c'est dans ce sens à mon avis que s'inscrit la tendance à la concentration. Il fallait vraiment que l'industrie des phosphates investisse pour accroître sa capacité de production future.

M. Easter: Oui, mais ce qu'il faut savoir ici, c'est jusqu'à quel point doivent-elles être solides? Je suis moi-même producteur et je sais que lorsqu'on finit par devoir produire en-dessous des coûts de production, ce qui semble arriver trop souvent, on nous dit d'être plus efficaces.

Ce qui m'inquiète, c'est qu'à mesure que les sociétés se concentrent et accroissent leur emprise sur le marché, elles risquent d'imposer des prix prohibitifs pour la collectivité agricole et, en même temps, d'élargir leurs marges de profit de façon substantielle et sans nécessité réelle.

M. Clarke: Je ne crois pas qu'elles veuillent fabriquer un produit dont le prix serait prohibitif. Elles ne sont pas là pour cela. Elles sont là pour fabriquer des engrais et pour fournir des engrais aux agriculteurs.

M. Easter: Dans le dernier paragraphe de votre mémoire, vous parlez du transport et du projet de loi C-101 qui sont, j'en conviens avec vous, d'une importance cruciale pour l'agriculture, dans l'ouest du pays surtout.

Avez-vous comparu devant le comité des transports?

M. Larson: Oui, monsieur.

M. Easter: Je suppose que je pourrais aller lire la transcription de votre exposé, mais quels changements demandez-vous précisément d'apporter au projet de loi pour qu'il réponde à vos demandes?

M. Larson: Nous demandons que les paragraphes 27(2) et 34(1) et que l'article 113 soient supprimés et n'apparaissent pas dans la nouvelle Loi. Nous demandons aussi que l'on ajoute une formulation qui garantirait aux expéditeurs la possibilité de se prévaloir sans difficulté de certaines dispositions de la Loi de 1987 sur les transports nationaux. Il s'agit des dispositions qui concernent l'accès aux autres transporteurs ferroviaires à un lieu de correspondance entre une ligne de chemin de fer provinciale ou une nouvelle ligne ferroviaire secondaire, d'une part, et une ligne de chemin de fer fédérale ou une ligne de chemin de fer de catégorie 1, d'autre part. Ces dispositions traitent de prix de ligne concurrentiels, d'interconnexion et d'arbitrage.

Voilà les deux changements que nous avons demandés à maintes reprises. De notre côté, nous avons appuyé un grand nombre de changements proposés par le gouvernement qui laisseraient aux compagnies de chemin de fer la liberté de gérer leurs coûts. Comparez les données concernant les coûts ferroviaires aux États-Unis et les coûts des lignes de chemin de fer de catégorie 1 au Canada. Bon nombre d'experts ont déclaré que les compagnies de chemin de fer avaient un problème de coûts et non de revenus. Nous croyons donc vraiment que ce n'est pas à la situation des revenus qu'il faut s'attaquer, et nous pensons que les deux paragraphes et l'article cités en particulier ouvrent à nouveau la possibilité d'un monopole pour l'établissement des prix de ligne.

M. Easter: Je comprends vos craintes. La plupart des exposés présentés par des personnes de l'Ouest reprennent d'ailleurs les mêmes points. Mais nous sommes le Comité permanent de l'agriculture et de l'agro-alimentaire et c'est le Comité permanent des transports qui examine le projet de loi C-101. Toutefois, ce sont les producteurs à qui nous rendons compte qui auront à affronter les effets du projet de loi. Avez-vous des suggestions sur la façon dont nous pouvons surmonter cette situation? Cela ne m'ennuie pas du tout. Je me débats contre cette situation et je ne voudrais pas accuser le comité des transports de ne pas avoir été aussi juste peut-être qu'il aurait dû l'être - je crois qu'il a été juste, notez bien - pour ce qui est de comprendre le problème de l'Ouest.

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Avez-vous des suggestions à faire à notre comité sur la façon dont nous pourrions traiter ce problème, puisque le comité des transports semble faire la sourde oreille?

M. Larson: Je ne suis pas un expert en stratégie politique, monsieur Easter.

Nous espérons - nous écrivons d'ailleurs aujourd'hui même au ministre de l'Agriculture Ralph Goodale, à la ministre des Ressources naturelles Anne McLellan et au ministre des Ressources humaines Lloyd Axworthy, trois ministres de premier plan de l'ouest du Canada - que le comité examinera les conséquences qu'aura le projet de loi en dehors du secteur des chemins de fer lui-même, qu'il y réfléchisse du point de vue de la compétitivité de l'industrie canadienne dans le monde et de ce qui est bon comme politique gouvernementale pour le Canada. L'industrie des engrais est celle du libre-échange. Elle livre concurrence sur le marché international. Elle s'est attaquée sans ménagement à ses coûts ces dix dernières années et n'a pas encore obtenu un rendement de capital raisonnable.

Le rendement de capital pendant cette période a été, je crois, de 7,1 p. 100 avant impôts dans le secteur de l'azote, et de 7,7 p. 100 avant impôts dans le secteur de la potasse et cela, même si nos membres ont procédé à des restructurations et réduit leurs coûts. Notre industrie de base compte en fait 25 p. 100 moins d'employés qu'il y a 10 ans, tandis que la production est passée de 14 à 20 millions de tonnes. La plus grande partie de cette production a été exportée, et le secteur se heurte à une concurrence internationale impitoyable.

Le président: J'aimerais faire une observation relativement à votre question, monsieur Easter, parce que l'on a beaucoup travaillé en coulisses, je crois, pour faire valoir les préoccupations du secteur de l'agriculture. M. Goodale, le ministre dont nous relevons, M. Vanclief et moi-même avons rencontré le président du comité des transports et le secrétaire parlementaire afin de clarifier les points amenés par le comité de l'agriculture, les mêmes sur lesquels votre sous-comité du transport des grains s'est penché... et aussi pour analyser les préoccupations exprimées par les représentants du ministère. Je crois en toute honnêteté que nous avons présenté des arguments très solides au comité des transports et que nous sommes peut-être en train de juger des choses d'avance. Mon opinion est qu'il y a plutôt eu des discussions assez vives au comité.

À vous, monsieur Reed.

M. Reed (Halton - Peel): Merci, monsieur le président.

J'ai deux questions fondamentales à poser. La première a trait à la consommation d'énergie.

Je reviens ici à la question des coûts des intrants dans l'industrie des engrais. Pouvez-vous nous expliquer un peu quelles sortes d'énergies et combien d'énergie de chaque sorte il faut pour produire une tonne d'urée ou une tonne de nitrate d'ammonium par exemple? Je suppose que la matière première utilisée par les usines d'engrais est essentiellement le gaz naturel. Il y a ensuite certains procédés de fabrication qui exigent beaucoup d'électricité - si ces procédés sont encore employés. Je voudrais que le comité sache à quel point le prix des différentes énergies utilisées influe sur le produit fini qui est vendu.

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M. Larson: Je crois que l'on estime à 24 000 pieds cubes environ la quantité de gaz nécessaire pour produire une tonne métrique d'ammoniac. Il faut aussi ajouter l'électricité. Voilà pour ce qui est de la matière première. C'est d'elle qu'est tirée l'hydrogène nécessaire à la fabrication du NH3, c'est-à-dire de l'ammoniac.

La quantité de gaz naturel utilisée dépend de l'efficacité énergétique de l'usine. La quantité peut varier entre six et sept mille pieds cubes pour les usines d'envergure mondiale les plus modernes et les plus efficaces sur le plan énergétique, et elle est probablement d'environ dix mille pieds cubes pour les usines les moins efficaces. Les usines canadiennes d'engrais azotés font partie de celles qui utilisent le moins d'énergie au monde parce qu'elles figurent généralement parmi les plus modernes.

La moyenne se situe donc probablement quelque part à l'intérieur de cette fourchette. Si j'avais une calculatrice, je pourrais vraisemblablement vous sortir les chiffres. Je crois que la production d'ammoniac a été de 4,1 millions de tonnes l'an dernier et la consommation d'énergie, de 165 millions de gigajoules. Il suffirait de faire la division pour connaître la consommation d'énergie moyenne par tonne d'ammoniac produite.

M. Reed: Je suppose que l'on pourrait dire qu'en ce moment, les intrants coûtent relativement peu cher à l'industrie des engrais, surtout pour ce qui est du gaz naturel, mais que d'ici deux ou trois ans, on pourrait assister à un revirement de la situation.

M. Clarke: Les producteurs d'azote profitent probablement du coût peu élevé des intrants, mais ce n'est pas le cas des autres producteurs d'engrais ou alors ils consomment d'autres formes d'énergie. Vous avez fait allusion à l'électricité. J'imagine que le secteur de la potasse en est un gros consommateur. Le secteur des phosphates, quant à lui, est probablement un producteur net d'énergie pendant la fabrication. Pour chaque élément nutritif, le profil de consommation d'énergie est différent.

M. Reed: Merci de nous éclairer sur ce point. J'ai une deuxième question. Combien de producteurs d'engrais nord-américains dominent le marché d'Amérique du Nord?

M. Larson: Je ne crois pas qu'il soit juste de dire qu'ils dominent le marché nord-américain. Ce sont peut-être des producteurs sur ce marché-là, mais, comme je l'ai déjà dit, notre industrie est axée sur le libre-échange et, non seulement elle livre concurrence sur le marché international, mais encore elle affronte la concurrence mondiale. J'ai mentionné que du monophosphate d'ammonium produit en Russie arrivait sur le marché de l'est du Canada, tout comme l'urée, qui vient de différents pays. Même si nous sommes d'importants exportateurs d'urée, une bonne partie du marché de l'est du Canada est approvisionné à bon prix par des entreprises internationales.

M. Reed: Manifestement, avec les économies d'échelle et l'importance des investissements que l'industrie doit effectuer, ce secteur d'activité n'est pas fait pour des amateurs. Combien de sociétés nord-américaines produisent actuellement des engrais?

M. Larson: Il y a une demi-douzaine de producteurs d'azote au Canada et autant de producteurs de potasse. Je ne...

M. Clarke: Mais l'Amérique du Nord est beaucoup plus grande...

M. Reed: Retrouve-t-on les mêmes sociétés au Canada et aux États-Unis?

M. Clarke: En grande partie, non. Elles...

M. Reed: Elles se font concurrence.

M. Larson: Il est exact de dire que les sociétés canadiennes sont présentes sur le marché des engrais des États-Unis, qui est beaucoup plus vaste. Mais les sociétés américaines ne sont pas toutes fortement implantées au Canada.

M. Reed: Je pense, par exemple, à une société comme Cyanamid. C'est une société transfrontalière qui fait affaires au Canada et aux États-Unis. De toute évidence, elle ne se fait pas concurrence à elle-même.

M. Clarke: Il y a probablement une centaine de principaux producteurs d'engrais en Amérique du Nord qui sont régis par la loi.

M. Reed: Sont-elles distinctes les unes des autres? N'y a-t-il pas de liens entre elles? Autrement dit, sont-elles en situation de concurrence les unes par rapport aux autres?

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M. Clarke: Leur nombre est de l'ordre que je vous ai donné. Il y en a beaucoup. Dans le secteur des phosphates, par exemple, on compte au moins trente producteurs qui se font concurrence.

M. Reed: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Reed.

À vous, monsieur Benoit.

M. Benoit (Végréville): Merci, monsieur le président.

Avant de poser mes questions, je voudrais dire que je trouve intéressante l'observation que le président a faite au sujet des discussions qui se déroulent en coulisses à propos du projet de loi C-101. Je pense qu'il serait vraiment bénéfique de laisser le comité faire son travail et de le laisser bien le faire. Je comprends les inquiétudes de M. Easter au sujet de la façon dont le comité examine le projet de loi.

Je crois que vos inquiétudes sont semblables à celles exprimées par tous les expéditeurs qui ont comparu devant ce comité. Elles tournent toutes autour des paragraphes 27(2) et 34(1) et de l'article 113. Je voudrais simplement vous poser une question au sujet de l'arbitrage, pour éclaircir ce point. Je n'ai pas compris ce que vous avez dit là-dessus.

M. Larson: Je ne pense pas avoir dit grand-chose à propos de l'arbitrage. J'ai simplement indiqué qu'à notre avis, il était important d'avoir une formulation dans laquelle on reconnaîtrait l'existence des nouvelles compagnies de chemin de fer secondaire ou régies par les provinces. Les dispositions actuelles concernant l'accès aux autres transporteurs ferroviaires - celles qui traitent de prix de ligne concurrentiels, d'interconnexion et d'arbitrage - et qui s'appliquent si les producteurs sont desservis par le CN ou le CP, à leur usine ou à leur mine, doivent encore s'appliquer au lieu de correspondance entre une ligne de chemin de fer secondaire et le transporteur de catégorie 1 si un tronçon de la voie ferrée devient la propriété d'une compagnie de chemin de fer secondaire.

M. Benoit: Avant de revenir aux engrais, je voudrais poser une question au sujet de l'arbitrage. D'après vous, la méthode d'arbitrage qui est prévue dans la LTN de 1987 et proposée dans le projet de loi est-elle bonne pour régler les différends? Selon cette méthode, une des parties - l'expéditeur - présente son offre et l'autre partie - la compagnie de chemin de fer - décide de l'accepter ou non. On n'a pas affaire ici à la méthode à double anonymat qui est normalement utilisée pour l'arbitrage.

M. Larson: Ce n'est probablement pas la forme classique de l'arbitrage que vous ou moi avons en tête, j'en conviens.

M. Benoit: Cette méthode n'a pas été tellement employée et les expéditeurs ne s'en sont donc pas beaucoup préoccupés. J'ai cependant le sentiment qu'elle sera beaucoup plus utilisée quand la nouvelle loi sera adoptée.

Préféreriez-vous voir utiliser pour l'arbitrage la méthode à double anonymat, dans laquelle chaque partie présente sa meilleure offre et l'arbitre choisit l'une ou l'autre des deux offres?

M. Larson: À mon avis, ce serait une amélioration par rapport à la Loi actuelle. Au moment de notre témoignage devant le Comité permanent des transports, on nous a demandé si nous serions prêts à abandonner les autres dispositions concernant l'accès aux autres transporteurs ferroviaires - l'interconnexion, l'interconnexion au-delà de la distance prévue dans la Loi, les prix de ligne concurrentiels - et à accepter une nouvelle forme d'arbitrage, meilleure que l'ancienne, qui reposerait vraiment sur le principe du double anonymat.

Nous avons exprimé de sérieuses réserves face à un changement de ce genre. Notre argument était que le barème des tarifs d'interconnexion est publié par l'Office national des transports. Il est facile à consulter et tout se fait très vite. Un expéditeur peut décrocher le téléphone et dire qu'il voudrait que ses wagons changent de voie à tel endroit. Le prix d'un train-bloc de potasse est de 60 dollars le wagon. C'est très simple. Par contre, pour monter un dossier d'arbitrage, il faudrait engager des consultants et des avocats spécialisés dans le transport, dépenser beaucoup d'argent et investir beaucoup de temps. Nos wagons de potasse ne changeront pas de voie à temps s'il faut passer par le processus d'arbitrage.

Ce que nous avons essayé de faire valoir, c'est, je crois, que des règles faciles à interpréter impliquent peu d'interventions juridiques. Elles sont de très loin préférables dans le domaine du transport si nous voulons avoir un accès véritable aux autres transporteurs ferroviaires. Plus les règles sont nettes et précises, mieux le système fonctionnera.

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M. Benoit: L'une ne devrait cependant pas obligatoirement exclure l'autre.

En ce qui concerne les coûts de transport et les engrais - prenons le marché de l'Alberta et comme engrais, l'ammoniac anhydre et l'urée en particulier - est-ce que, dans la pratique, les coûts de transport restreignent vraiment la taille du marché? Avec les coûts de transport actuels, est-ce que le marché nord-américain est ouvert aux usines qui fabriquent de l'ammoniac anhydre et de l'urée en Alberta?

M. Larson: Une partie du marché nord-américain l'est. Je pense que nos membres ont bien délimité le marché potentiel. Il englobe surtout la partie nord des États-Unis, le nord-ouest de la région du Pacifique, le Middle-West - une sorte de treizième État américain - et les Prairies canadiennes. Oui, le transport est un facteur restrictif si l'on considère le peu d'engrais azotés que nous exportons par le port de Vancouver. Une partie des coûts de transport est rattachée aux services portuaires et à tout ce qui s'ensuit, mais le facteur déterminant, en fin de compte, c'est le coût d'expédition d'une cargaison d'urée par bateau en Chine par rapport au coût d'expédition du même produit dans le nord des États-Unis, dans l'est du Canada ou dans les Prairies canadiennes.

M. Clarke: Les expéditions mondiales d'engrais azotés proviennent d'usines côtières. Les gaz produits sont transportés par mer, le produit est fabriqué sur la côte et c'est de la côte aussi qu'il est exporté. C'est ainsi que les prix mondiaux sont fixés dans l'ensemble, et l'Alberta est donc vraiment désavantagée parce sa production doit être acheminée à Vancouver.

M. Benoit: Désavantagée sur le plan de l'importation et de l'exportation.

M. Clarke: Pour les exportations.

M. Benoit: En pratique donc, quelle est la taille du marché de l'Alberta si l'on prend, disons, 90 p. 100 de la production et les endroits où cette production est vendue? Quelles régions son marché englobe-t-il? J'essaie d'avoir une idée concrète de la taille de ce marché.

M. Larson: D'après les statistiques, la moitié de la production est vendue au Canada et l'autre moitié l'est presque toute aux États-Unis.

M. Clarke: Cela me paraît raisonnable.

M. Benoit: Est-ce que le marché s'étend dans le sud jusqu'au Kansas?

M. Clarke: Probablement pas. Il s'arrête vraisemblablement à la partie nord du pays.

M. Benoit: Je crois qu'il ne reste qu'un seul fabricant d'ammoniac anhydre et d'urée en Alberta.

M. Larson: Non. Comme ça, de mémoire, au risque de me tromper, il y en a... En fait, je vais plutôt sortir les statistiques pour être sûr de ce que je dis. En Alberta, il y a Sherritt Inc., Agrium Inc., qui s'appelait autrefois Cominco Fertilizers Inc., et Canadian Fertilizers Limited, qui appartient aux coopératives. Il y a par ailleurs Saskferco Products Inc. en Saskatchewan, Simplot à Brandon, au Manitoba, et Mitsui & Co. (Canada), un producteur d'ammoniac dont l'usine se trouve sur la côte en Colombie-Britannique et qui rivalise avec d'autres producteurs sur le marché étranger.

M. Benoit: C'est dans l'Ouest, tout ça.

M. Clarke: Vous vouliez peut-être parler de la production de phosphates. Il n'y a plus qu'une usine qui en produit.

M. Benoit: Est-ce Cominco?

M. Clarke: Non, c'est Sherritt.

M. Benoit: Sherritt? Où se trouve l'usine?

M. Clarke: Dans la région de Redwater, en Alberta.

M. Benoit: Bien. Pour en revenir à l'azote et simplement pour reprendre ce que Elwin a demandé un peu plus tôt, je suis allé dans le nord des États-Unis autrefois pour acheter mes engrais - des phosphates et de l'azote. J'ai parfois économisé beaucoup d'argent. Les engrais avaient été expédiés des usines situées près d'Edmonton dans les États du nord des États-Unis. Il me semble inconcevable que j'aie pu acheter là-bas de l'engrais produit par un fabricant d'Edmonton - j'habite à deux cents kilomètres environ de cette ville - que j'aie pu ramener l'engrais au pays et que j'aie encore été capable d'économiser de l'argent. Telle a pourtant été la réalité pendant des années.

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Comment cela se peut-il étant donné l'établissement concurrentiel des prix et le coût élevé du transport? Pourquoi le marché semble-t-il présenter une anomalie?

M. Larson: Je crois que la Fédération canadienne de l'agriculture a mentionné plusieurs facteurs quand elle a témoigné: le cours au comptant, l'achat en masse, les achats en début de saison. Je crois que des articles de journaux ont mentionné, il y a quelques semaines, que les prix sont plus bas cet automne qu'ils ne l'étaient le printemps dernier. Théoriquement, si une personne fait un achat à l'automne et que, février venu, elle constate qu'elle ne pourra pas tout vendre dans le Dakota du Nord, par exemple - il lui reste peut-être quelques tonnes achetées très tôt à un prix hors saison et elle ne peut les écouler sur le marché local - elle cherchera à trouver un acheteur, même si elle ne fait pas un profit sur ce qu'il lui reste.

Il existe un certain nombre de raisons liées à la vente au comptant et sous livraison dans un marché actif qui peuvent expliquer des anomalies. Mais je ne crois pas qu'il serait juste de laisser entendre que les données normales sur les prix publiées par Statistique Canada, par exemple, révéleraient des prix plus élevés dans les Prairies canadiennes que dans les États du nord des États-Unis. En fait, je crois que, dans une certaine mesure, c'est plutôt le contraire.

M. Benoit: En effet, pendant un bon nombre d'années et à différentes époques de l'année, j'ai constaté des économies à l'achat de l'engrais. J'aurais économisé encore davantage si le producteur avait simplement permis au camion de se rendre de l'usine de Fort Saskatchewan à ma ferme 200 kilomètres plus loin. Naturellement, les grossistes ou les fabricants ne l'auraient pas permis. Le coût du transport aurait pourtant été bien moins élevé si l'engrais n'avait pas été exporté aux États-Unis puis réexpédié au lieu d'origine.

Je considère donc nos préoccupations fondées. Je connais des agriculteurs qui ont exprimé des inquiétudes à ce sujet. Cela semble n'avoir aucun sens. Je n'ai jamais obtenu d'explications satisfaisantes.

M. Larson: Je crois qu'il importe de dire que l'on a affaire à un marché libre et que les agriculteurs ne dépendent pas que de ces usines. Ils sont libres de s'approvisionner ailleurs, et je crois que dans une économie de marché, c'est cet aspect qu'il faut exploiter pour assurer l'efficience économique. C'est de la liberté d'importer dont on parle, et elle existe.

M. Benoit: C'est très difficile pour la plupart des détaillants de changer de fournisseurs. C'est très difficile, et on ne leur permet généralement pas d'avoir plusieurs fournisseurs. Il y a des restrictions là-dessus.

Changement de sujet, je me demandais si vous trouveriez valable, du point de vue des détaillants ou des fabricants d'engrais, d'établir des contrats pour les engrais à la bourse de Winnipeg? Est-ce que cela serait utile du point de vue des fabricants d'engrais?

M. Clarke: Le phosphate diammonique et l'ammoniac sont inscrits au Chicago Board of Trade. La production de phosphate diammonique est minime; elle suffit à peine pour que le produit soit transigé. Les débuts ont été très difficiles. Il n'y a pas assez de contrats pour justifier son inscription.

M. Benoit: Je sais que cela ne fonctionne pas à Chicago. Je ne sais pas trop bien pourquoi. Vous n'y voyez pas vraiment d'avantages, de votre point de vue?

M. Larson: Il s'agit de contrats relativement récents. Je pense que la plupart des gens jugent qu'il faudra encore quelques années pour que les contrats de phosphate et d'ammoniac se développent. Ils en se négocieront jamais autant que les contrats à terme de maïs ou de blé, de toute évidence, mais certaines personnes du milieu considèrent qu'ils constituent un important mécanisme de couverture, et l'appui au développement de ce type de contrats a été assez important.

Étant donné que le taux de change fluctue dans une certaine mesure entre le Canada et les États-Unis, il y aurait là un certain risque théorique pour un agriculteur canadien qui voudrait se protéger. Cependant, les prix mondiaux des engrais sont essentiellement établis en dollars américains, de sorte que ce marché - en dollars américains - pourrait être le bon de toute manière, s'ils veulent réduire le risque associé au change.

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M. Benoit: Il y a donc une énorme quantité d'engrais qui est achetée au Canada à chaque année. Il existe un marché important, et je suppose qu'on pourrait ne jamais savoir si ça pourrait fonctionner à Winnipeg. Ce n'est pas parce que ça ne fonctionne pas à Chicago que ça ne pourrait pas marcher à Winnipeg, mais il faudrait certainement que les contrats soient de plus longue durée, et il faudrait les négocier plus longtemps à l'avance que ceux des grains pour que cela en vaille la peine. Ça ne fait aucun doute.

M. Larson: Je pense que les chances de réussite seraient meilleures à Chicago simplement parce que le marché américain est beaucoup plus vaste. Les échanges se font en devises américaines et les engrais se transigent dans le monde en devises américaines.

Je ne voudrais pas avoir l'air de dire du mal de la bourse de Winnipeg, parce que j'aimerais que cela réussisse là-bas aussi. Je veux simplement dire que le marché est peut-être trop petit pour supporter un marché en devises canadiennes aussi.

M. Benoit: Merci.

M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): Je désire revenir sur le projet de loi C-101.

J'ai fait partie du comité de privatisation du CN, et j'ai appris beaucoup de choses intéressantes. D'après ce que j'ai moi-même observé, la Loi nationale sur les transports de 1987 tendait à favoriser l'expéditeur et c'est ce qui a causé bien des difficultés aux chemins de fer. Je suis d'accord avec vous quand vous dites que les chemins de fer ont un problème à cause des dépenses. C'est en partie de leur faute et en partie de la nôtre, à cause de la façon dont les taxes municipales sont établies et tout.

Je crois maintenant que le gouvernement est peut-être en train de donner dans l'autre extrême avec le projet de loi C-101, et que les expéditeurs sont défavorisés. J'aimerais que vous me disiez ce qui serait à votre avis la solution intermédiaire. Cela m'amène à ce que vous avez dit à propos du paragraphe 27(2). Je sais que vous allez probablement me répondre que vous le trouvez trop vague. J'aimerais que vous me donniez une idée de ce que serait pour vous un libellé plus clair.

Vous avez parlé d'interconnexion aussi à ce sujet. Je sais que si la distance d'interconnexion... de sorte qu'un expéditeur ne devienne pas captif en raison de la façon dont les chemins de fer sur courtes distances sont organisés, parce que nous allons voir cela souvent dans l'Ouest. J'aimerais entendre votre avis sur la façon dont l'interconnexion peut se faire, sur la distance qui devrait être établie pour que les expéditeurs ne soient pas captifs d'un chemin de fer de catégorie 1.

M. Larson: Ce sont des questions très précises, et je ne crois pas posséder la compétence requise pour me mettre à déterminer où devrait commencer et finir une interconnexion, ou pour établir un libellé moins vague du paragraphe 27(2). Je résoudrais le problème en supprimant ce paragraphe. Ainsi, on n'aurait pas à définir ce qu'est un préjudice important. On rendrait probablement service aux tribunaux engorgés en évitant que des avocats en matière de transport viennent s'affronter au sujet de définitions étroites pour savoir si un expéditeur subit un préjudice important.

M. Calder: J'ai bien pensé que vous répondriez cela. De toute évidence, ce dont je viens de parler représentera une dépense pour votre industrie. Si c'est le cas, cela fera augmenter le coût du produit, ce qui représentera une hausse du coût des intrants pour nous, et c'est bien ce dont il est question ici.

Le secteur des engrais est-il en train d'établir sa position sur ce sujet? Je crois qu'il pourrait être intéressant pour le Comité permanent de l'agriculture et de l'agro-alimentaire de savoir quelle sera la position du secteur au sujet du projet de loi C-101 et du transport.

M. Larson: Nous avons présenté un mémoire. Je serai heureux de vous en donner une copie.

Je ne suis pas certain d'avoir compris...

M. Calder: En ce qui concerne le transport.

M. Larson: Je suis désolé. Je n'ai pas compris votre question.

M. Calder: Je parle des questions que je vous ai posées et auxquelles vous avez répondu que vous ne possédiez pas la compétence. Le secteur des engrais a-t-il établi sa position à ce sujet?

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M. Larson: Je parlerai aux membres du secteur et j'essaierai de vous obtenir une réponse. C'est là ce que je vais faire.

Dans une lettre envoyée hier au ministre Young, nous avons suggéré comme solution intermédiaire possible de supprimer les trois articles que j'ai mentionnés; d'intégrer dans le libellé des dispositions au sujet des chemins de fer sur courtes distances et de l'accès aux autres transporteurs ferroviaires dont j'ai parlé et d'obtenir des expéditeurs qu'ils acceptent que soient exclues de l'examen du projet de loi C-101, pour le moment, nos propositions de mise en application de dispositions législatives sur les droits de circulation limités. Au fond, les choses resteraient les mêmes...

Nous avons suggéré que le principe des droits de circulation, auquel les compagnies de chemin de fer se sont fortement opposées, fasse l'objet d'une tribune de discussion entre des représentants des expéditeurs, des chemins de fer et du gouvernement, et que le principe ainsi que certaines conditions et autres choses de ce genre soient discutés dans cette sorte de tribune avant d'être de nouveau envisagés dans un contexte législatif. Nous pensions qu'il s'agissait d'une solution intermédiaire juste et équilibrée, parce que le projet de loi C-101 est très favorable aux compagnies de chemin de fer pour ce qui est des coûts entre autres. Nous avions trouvé un juste milieu à notre avis.

Le président: Pour les transporteurs, les compagnies de chemin de fer secondaires et les autres, vous attendez de l'Institut canadien des engrais qu'il présente un genre d'énoncé, de politique ou de position qui établirait un équilibre entre l'efficience et le service et garantirait que l'une n'aille pas sans l'autre, parce que nous ne voulons pas que l'établissement d'un système plus efficace s'accompagne de la disparition du service pour bien des gens dans les provinces de l'Ouest.

M. Calder: La grande question, monsieur le président, c'est de savoir comment trouver le juste milieu si l'on n'entend pas les deux versions.

Le président: C'est exact.

M. Larson: Je crois qu'il est également juste de dire qu'en tant que troisième client en importance des compagnies canadiennes de chemin de fer, nous avons tout intérêt à veiller à ce que les chemins de fer canadiens soient viables. Nous ne pouvons livrer la potasse à Vancouver si les chemins de fer n'ont pas de voies et, oui, nous voulons voir des chemins de fer profitables et viables au Canada.

Nous avons donc intérêt à trouver une solution intermédiaire. Nous avons besoin de service et de frais acceptables de la part des chemins de fer, parce qu'il nous faut pouvoir accéder aux marchés au bon moment. Nous avons besoin de produits de qualité quand nous acheminons nos produits vers les marchés. L'aspect service nous importe, et une industrie qui n'est pas profitable doit se mettre à effectuer des réductions importantes.

Le président: L'un des aspects qui nous a été présentés pendant les témoignages de divers groupes, c'est que la commercialisation et la comparaison des prix ne sont pas choses aisées dans le contexte actuel. Le coût des intrants, si l'on a un type de structure qui permet aux gens d'accéder à différents prix, aux produits des différentes compagnies, à différents degrés d'accès à l'information... cela signifie qu'un fermier pourrait très rapidement comparer les prix des engrais de diverses compagnies, de divers groupes, de diverses sources d'approvisionnement. Avec la technologie que nous avons, il me semble que ce genre de commercialisation serait à l'avantage non seulement du secteur, mais aussi du consommateur parce qu'il pourrait comparer et choisir...

Je ne sais pas si l'Institut canadien des engrais envisage des discussions en vue de donner aux consommateurs l'accès au plus grand nombre de fournisseurs possible, mais je crois que cela contribuerait à créer un bon marché concurrentiel et un environnement stable pour les membres de la collectivité agricole lorsqu'ils cherchent des fournisseurs d'engrais.

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Comme plusieurs personnes l'on dit, quand je compare les prix, je trouve des prix différents. Je ne sais pas comment avoir accès à toute l'information disponible sans avoir à me lancer dans un long processus de recherche...

Est-il possible que votre secteur, ou votre groupe, mette sur pied un moyen de communication qui aiderait les collectivités agricoles et les agriculteurs eux-mêmes à se procurer les produits à prix concurrentiels? Je suppose que cela serait l'option la plus économique.

M. Larson: L'Institut canadien des engrais ne fait rien en matière de prix. Il oeuvre dans un secteur où la concurrence règne, et sa règle est d'éviter les questions et les discussions concernant les prix.

Je crois qu'il existe d'autres mécanismes publics qui font en partie ce que vous avez décrit, comme le Ridgetown College of Agricultural Technology. Il y a eu aussi l'Université de la Saskatchewan et Statistique Canada.

Barry.

M. Clarke: J'imagine qu'il y a ici des possibilités sur le plan de la commercialisation. Il existe des publications et des services commerciaux. C'est ce que Fertecon fait à l'échelle internationale. C'est aussi notre principale activité: fournir de l'information sur les prix internationaux aux consommateurs et aux producteurs de tous les coins du monde.

Je ne connais pas très bien le secteur de la vente au détail au Canada, mais il doit y avoir des publications et des activités commerciales qui permettent aux acheteurs d'avoir des renseignements sur les prix et la disponibilité des produits.

Le président: À notre époque où tout fonctionne par ordinateur, j'espère que nous verrons à un moment donné les agriculteurs s'asseoir devant leur clavier d'ordinateur à la maison pour obtenir les prix de divers produits, plutôt que de magasiner à n'en plus finir.

Glen.

M. McKinnon (Brandon - Souris): Je crois que M. Benoit a présenté avec plus de réserve les remarques que j'allais faire moi-même, mais il parlait des prix dans les États du nord des États-Unis.

Ma question, en fait, est la suivante: quelle influence les deux régimes ont-ils dans l'établissement du prix de ce produit? Autrement dit, le régime qui s'applique aux producteurs d'engrais aux États-Unis et notre propre système, ici au Canada - quand on est dans les États du Dakota et au Montana, il se fait une sorte d'hybridation des prix du fait des deux productions. Pouvez-vous nous dire quelque chose là-dessus?

Deuxièmement, je crois que nous sommes ici parce que le milieu agricole a des préoccupations naturelles au sujet des coûts de ses intrants, comme les combustibles, les engrais, les pesticides, etc. On s'inquiète toujours, vous savez, quand le nombre de compagnies ou de joueurs est réduit. M. Benoit avait l'impression qu'il n'y avait qu'un producteur en Alberta, et vous avez donné à entendre qu'il n'y en avait pas. Considérez-vous qu'avec la réduction du nombre de joueurs, la concurrence diminue pour ce qui est de l'établissement des prix des engrais?

M. Larson: Barry, voulez-vous répondre à la première question?

M. Clarke: Les États du nord des États-Unis, et probablement la frontière avec la Saskatchewan et le Manitoba, sont presque des lignes de démarcation entre les engrais produits aux États-Unis et qui entrent, ou peuvent entrer, au Canada, et les produits canadiens qui descendent dans ces États.

Vous verrez donc probablement des prix mixtes dans ces États limitrophes, parce que les usines américaines sont des usines d'envergure mondiale. Elles sont construites non seulement pour répondre aux besoins du marché local, mais aussi pour pousser le produit plus loin, vers le Middle-West ou vers le nord.

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M. McKinnon: Est-ce que l'usine de Brandon, l'usine Simplot, causait cela?

M. Clarke: Je ne crois pas. Le meilleur endroit pour construire ce genre d'usine est là où se trouve le marché.

M. McKinnon: Il s'agit de ma circonscription, en passant.

M. Larson: L'usine devrait soutenir la concurrence dans cet environnement, et les décisions de commercialisation devraient être prises en tenant compte de la concurrence, vu les divers facteurs qui entreraient en jeu, oui. Quand on envisage de faire l'investissement qui vient d'être annoncé, soit la construction d'une nouvelle usine d'ammoniac, il faut tenir compte de tous ces facteurs. Cela fait partie de la stratégie de commercialisation et d'établissement des prix qu'adopte chaque concurrent.

M. McKinnon: Et ma deuxième question?

M. Larson: Je ne sais trop ce que nous pouvons dire. Il est dans les statuts et dans le mandat de l'Institut de favoriser et d'encourager une industrie canadienne concurrentielle. L'investissement en capitaux très élevé qui est nécessaire aujourd'hui pour construire une usine d'envergure mondiale fait partie des facteurs qui servent à déterminer le nombre d'usines qui se trouveront à un endroit donné.

L'arrivée de concurrents qui envisageraient de construire d'autres usines dans l'Ouest canadien dépendrait de divers facteurs. Un approvisionnement sûr en gaz naturel, le caractère concurrentiel du système ferroviaire qui leur donne accès aux marchés américains et le coût du gaz canadien par rapport au gaz des pays arabes, par exemple, ne seraient pas les moindres.

On ne peut pas forcer la réalisation de choses qui n'ont pas de fondement économique. Quand on le fait, c'est habituellement le désastre.

M. Hoeppner (Lisgar - Maquette): J'aimerais revenir à l'usine de M. McKinnon à Brandon, dans une de mes questions.

M. McKinnon: J'aimerais bien qu'elle soit à moi.

M. Hoeppner: Quelle est l'importance d'Imperial Oil dans l'industrie de l'engrais?

M. Larson: Imperial Oil a modifié ses rapports avec l'industrie des engrais assez profondément ces deux dernières années. À une époque, elle possédait la plus importante usine de produits azotés, la plus importante usine de produits de phosphate sinon au monde, du moins au Canada. Elle a vendu cette usine à Sherritt il y a environ un an et demi en disant qu'elle se retirait du secteur parce qu'elle n'était pas satisfaite du rendement de l'industrie de l'engrais.

M. Clarke: Dans le monde, pratiquement toutes les compagnies de pétrole et de gaz se sont départies de leurs actifs dans le secteur des engrais. Leurs investissements ont été désastreux.

M. Hoeppner: Je ne savais pas qu'ils s'étaient retirés complètement.

M. Clarke: Pratiquement toutes les compagnies de pétrole et de gaz dans le monde se sont départies de leurs actifs dans l'industrie de l'engrais. Cela a été un investissement désastreux pour elles dans les années 70. Imperial Oil avait encore deux usines, une à Redwater et une autre au Pakistan. Elle les a vendues toutes les deux au cours des deux dernières années. Ni Imperial ni Exxon ne possèdent d'intérêts dans le secteur des engrais.

M. Hoeppner: Elles n'en ont plus depuis quelques années, mais je sais qu'elles ont joué un rôle très important. Je ne savais pas qu'elles s'étaient complètement départies de leurs usines.

M. Larson: Elles l'ont fait pour la fabrication.

M. Hoeppner: Elles n'ont conservé aucune part?

M. Larson: Pas que je sache. Imperial Oil figure toujours dans l'industrie de l'engrais en tant que détaillant. Elle est toujours membres de l'Institut et est un important détaillant dans l'Ouest canadien. Elle achète les engrais dont elle besoin auprès des fabricants d'engrais de base.

M. Hoeppner: Quel pourcentage des activités de détail contrôle-t-elle?

M. Larson: Vous me demandez là un renseignement confidentiel sur la concurrence.

M. Hoeppner: Je sais ce qui s'est passé dans notre région, alors je pose des questions pour comprendre. Comme vous représentez les détaillants, vous la représentez plus ou moins, n'est-ce pas? Est-ce que je me trompe?

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M. Larson: Il y a peut-être deux sens au mot «détaillant». Quand nous disons représenter les fabricants d'engrais de base et la plupart des principaux distributeurs et détaillants, nous parlons d'Imperial Oil par opposition aux détaillants de Portage, de Souris ou de Moosomin. Ces gens-là sont, je pense, mieux représentés par les groupements de détaillants. Je crois que Pierre témoignera devant le comité demain.

M. Hoeppner: Vous ne représentez donc pas les détaillants indépendants du pays, alors.

M. Larson: Non, nous ne les représentons pas. Nous sommes affiliés à CARE, mais nous ne les représentons pas directement.

M. Hoeppner: Ma prochaine question est un peu du même ordre. Je suis toujours stupéfait de constater à quel point les prix des engrais sont souvent les mêmes quand je les compare. Quand je cherche une moissonneuse-batteuse ou une andaineuse, je peux obtenir des prix très différents parce que la marge sur le prix d'achat de ces machines laisse au détaillant une certaine liberté d'action. Je ne vois pas cela dans le secteur des engrais et cela me surprend parfois. Je me demande s'il y a une sorte d'arrangement pour que les détaillants ne fassent pas de vente au rabais; s'il y a des ventes au rabais, le fabricant doit en être l'instigateur.

M. Larson: C'est peut-être davantage lié à des marges de profit qui sont similaires au départ. Je n'en suis pas sûr.

M. Hoeppner: Je pose la question parce que je veux revenir à l'usine Simplot, à Brandon, dont a parlé M. McKinnon. Nous savons que si nous voulons bénéficier de ventes au rabais, nous devons aller dans les États du nord des États-Unis, et qu'il s'agit d'engrais fabriqués à Brandon. On peut facilement le prouver. Il semble que les ventes au rabais que font ces gros fabricants s'appliquent à l'extérieur de la région où ils sont vraiment situés ou là où l'on achète le produit.

Certaines années, les prix des engrais sont incroyablement plus bas aux États-Unis. D'autres années, c'est l'inverse, et les Américains viennent acheter leurs engrais au Canada. La façon dont les prix sont établis ne semble avoir ni rime ni raison.

M. Larson: Je crois qu'il est probablement juste de dire qu'il y a des anomalies et des mouvements de va-et-vient, mais je crois qu'il est normal que les prix des marchandises tendent à se rejoindre.

M. Hoeppner: Est-ce que vous appelleriez ça du dumping le fait de maintenir le prix d'un produit élevé dans la région où il est fabriqué? Si nous faisions du dumping de grains aux États-Unis, ne risquerions-nous pas de nous faire accuser?

M. Larson: Je ne crois pas que je devrais faire des commentaires sur quoi que ce soit qui traite de dumping.

M. Clarke: J'en ai l'expérience et j'ai constaté que ces compagnies sont très au courant des exigences relatives au dumping aux États-Unis.

M. Hoeppner: J'ai quelques questions difficiles à vous poser. La prochaine chose que j'aimerais que vous tentiez de m'expliquer est la suivante:

Quand je suis allé à l'usine de M. McKinnon, vers le milieu des années 70, nous avions des problèmes de transport. Comme vous le savez, la plus grande partie des engrais étaient transportés dans des sacs à l'époque. J'en avais acheté d'une certaine compagnie. Quand elle ne pouvait pas nous les livrer par train, elle nous demandait d'aller les chercher en camion à Brandon. Je n'en revenais pas. Il n'y avait pas une seule marque d'engrais qui sortait de cette usine qui ne fût inconnue dans l'industrie. Et elles sortaient toutes de la même usine. Est-ce toujours le cas avec les engrais en vrac?

Il y avait Cominco, il y avait Sherritt Gordon et il y avait des coopératives. Tout sortait de cette usine, dans des sacs portant des marques différentes.

M. Larson: Il se fait des échanges stratégiques de produits entre les entreprises concurrentes, oui.

M. Hoeppner: Alors, ça contrebalancerait certains des problèmes de transport par chemin de fer.

M. Larson: Je ne sais pas si ce serait la raison.

M. Hoeppner: Ça m'a vraiment stupéfié. Moi qui croyais acheter sur une base concurrentielle. Je cherchais les compagnies qui me feraient les meilleurs prix. Quand j'ai vu les produits de toutes les marques sortir d'une seule et même usine, j'ai été simplement sidéré.

M. Larson: C'est un produit, et...

M. Hoeppner: Alors, est-ce là que nous devons regarder en ce qui concerne les coûts et les prix? Nous avons un travail à faire et nous représentons un grand nombre d'agriculteurs qui attendent des réponses de nous. Où devons-nous regarder?

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M. Larson: Je crois que les échanges stratégiques de produits sont incontestablement avantageux pour les agriculteurs, parce qu'ils entraînent une réduction des frais de distribution et de transport. Je dirais personnellement qu'en théorie, ce devrait être un atout concurrentiel très sérieux.

M. Hoeppner: Pourquoi ne pas sortir le produit en trop hors du domaine de la concurrence?

M. Larson: Ces usines sont des installations d'envergure internationale et elles doivent soutenir la concurrence sur un certain nombre de marchés pour pouvoir survivre. Je ne sais pas s'il existe une place hors des marchés... Elles sont présentes sur tous ces marchés et elles doivent vendre à profit une partie de leur production dans tous ces domaines.

M. Hoeppner: Je me suis fait ni plus ni moins rabroué à quelques occasions quand j'ai parlé de contrôle des prix, de collusion ou de quelque chose de ce genre. On ne peut probablement pas le prouver, mais cela devient très douteux quand on voit des transferts de produits et de marques et des prix assez semblables d'un détaillant à l'autre. Si le produit est manipulé, pourquoi les prix ne pourraient-ils pas l'être?

M. Clarke: Je n'en sais pas assez sur les activités commerciales des compagnies pour faire des commentaires à ce sujet.

M. Hoeppner: Mais cela ne ferait pas partie de vos responsabilités, en tant qu'institut des engrais? Vous contribuez au mouvement des produits, n'est-ce pas?

M. Clarke: Non. L'Institut représente les fabricants d'engrais de base.

M. Hoeppner: Oui, mais ils sont là pour vendre les produits.

M. Larson: En effet, et aussi pour se faire concurrence entre eux. En tant qu'association, nous ne touchons pas aux questions de concurrence. Nous représentons l'industrie dans les domaines où il existe un avantage commun, dans l'intérêt du public - les questions environnementales, les discussions sur les politiques de transport, les relations publiques. Ce sont là les domaines où une association peut servir les intérêts de l'industrie et du public.

Si vous permettez, les questions que vous posez sont des questions très précises sur des politiques de concurrence que chaque producteur voudrait éviter de divulguer.

M. Hoeppner: Comment nous attaquer alors au problème du coût élevé des intrants?

M. Larson: Je n'y suis peut-être pas arrivé aujourd'hui, mais j'ai essayé de montrer...

Le président: Je vous demande pardon un petit moment, monsieur Larson.

Jake, je ne voudrais pas m'interposer et nous laisserons M. Larson finir, mais le comité de la santé attend. Nous avons un peu dépassé le temps qui nous était alloué.

M. Hoeppner: Je suis désolé. Je ne m'en étais pas aperçu.

Le président: Pouvez-vous faire quelque chose pour moi, Jake? J'apprécierais beaucoup que vous obteniez pour nous certaines des données sur les écarts de prix dont vous parlez. Je sais que nous avons les chiffres de Statistique Canada. Les prix sont assez constants, avec une légère tendance à être meilleurs au Canada qu'aux États-Unis. Je comprends que cela comporte une partie de généralité parce que quelques années seulement sont couvertes, mais si vous aviez des données précises, nous pourrions un peu mieux examiner la question. C'est tout.

M. Hoeppner: Je me demande, monsieur le président... À l'époque où j'étais agriculteur - fin des années 80, début des années 90 - quand nous ramenions de l'engrais d'aussi loin que de Minneapolis, je connaissais les écarts de prix. Je ne sais pas comment ils se comparent aux données de Statistique Canada. Je ne me fonde que sur mon expérience personnelle pour en parler, et il me faudrait retourner à mes livres et sortir les prix, parce que...

Le président: Oui. Les chiffres que nous avons ici partent de 1993 et vont jusqu'à 1995, alors...

M. Hoeppner: J'ai pris ma retraite en 1990. C'est cette année-là que j'ai fait ma dernière récolte, alors... Bon.

Le président: Merci beaucoup.

Je dois dire, messieurs Larson et Clarke, que nous apprécions beaucoup votre apport. Vous nous avez énormément aidés. Nous vous remercions de vos explications; elles nous aideront certainement à préparer notre rapport final, que vous allez certainement attendre avec impatience. Nous essayerons de vous le transmettre, et nous vous serons reconnaissants de toute aide supplémentaire que vous pourrez nous offrir. Merci beaucoup d'être venus, et merci pour votre honnêteté et pour la clarté de vos réponses. Nous l'avons apprécié.

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M. Larson: Merci, monsieur le président. Merci, mesdames et messieurs les membres du comité.

Le président: La séance est levée.

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