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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 12 décembre 1995

.0834

[Traduction]

Le président: Mesdames et messieurs, la séance est ouverte.

Il y aura plus tard un vote en Chambre, ce qui veut dire que nous perdrons peut-être une demi-heure sur l'horaire prévu. Je vous demanderai donc à tous et toutes d'être brefs dans vos questions ou réponses. Je crois que nous pouvons fort bien faire tout ce qui est prévu aujourd'hui, à condition que tout le monde fasse preuve de coopération en posant les questions le plus succinctes possible, sans rhétorique. Nous allons faire le plus vite possible pour donner à tous les témoins la possibilité de bien exposer leur opinion et de répondre au maximum de questions.

Merci beaucoup.

.0835

Nos premiers témoins seront Wayne Kriz, de la Western Barley Growers Association, et Pat Durnin, de la Western Canadian Wheat Growers Association. Wayne et Pat, vous avez la parole.

M. Wayne Kriz (président, Western Barley Growers Association): Merci, monsieur le président. Je suis heureux de pouvoir m'adresser à vous ce matin.

Nous sommes essentiellement ici pour parler du plébiscite qui vient de se tenir en Alberta. Je suis originaire de Rimbey et je suis actuellement président de la Western Barley Growers Association, qui est un regroupement de céréaliers financé par ses membres. Cet été, j'ai aussi eu l'honneur, peut-être douteux, de présider le Comité directeur sur la commercialisation du blé et de l'orge, qui avait été mis sur pied en prévision du vote de novembre.

Le vote s'est tenu suite à l'adoption unanime en février dernier par l'Assemblée législative de l'Alberta de la motion 501 demandant la tenue d'un plébiscite sur la commercialisation du blé et de l'orge.

Au printemps dernier, le ministre de l'Agriculture de l'Alberta a mis sur pied un comité directeur qu'il a chargé d'établir les critères du plébiscite et de préparer la question. Les membres de ce comité étaient des représentants des groupes de producteurs de blé et d'orge de la province. Il s'agissait de 10 personnes représentant les producteurs de blé, les producteurs d'orge, la Alberta Winter Wheat Producers Commission, la Alberta Barley Commission, l'association générale des producteurs agricoles, Unifarm, la Alberta Grain Commission et le Comité consultatif de la CCB. C'était donc un comité largement représentatif.

Le comité s'est réuni pendant l'été pour élaborer les critères et rédiger la question. Nous voulions que la question soit publiée assez tôt pour que les gens aient largement le temps d'en discuter et d'en saisir les tenants et aboutissants avant la tenue du vote. Toutes les décisions du comité ont été prises par consensus, ce qui veut dire que tous les membres les approuvaient.

Je vais maintenant demander à Pat de vous donner quelques précisions sur la chronologie du vote. Nous serons brefs car nous savons que vous voulez nous poser des questions.

M. Pat Durnin (président, Western Canadian Wheat Growers Association): Merci, Wayne. Merci, monsieur le président. Je viens de Kathryn, en Alberta, à 20 milles au nord-est de Calgary, où j'exploite une ferme céréalière avec mon épouse et mes enfants.

Comme l'a dit Wayne, nous ne serons pas longs car nous savons que vous avez des questions à nous poser. Je voudrais vous donner quelques indications sur les facteurs qui sont à l'origine du plébiscite, sur les raisons pour lesquelles il y a eu un plébiscite en Alberta, sur les critères qui ont été élaborés et sur notre interprétation des résultats.

Je crois pouvoir dire que l'idée de tenir un plébiscite est venue de la manière dont a évolué la commercialisation des produits agricoles ces dernières années, par rapport à ce qu'en attendent les exploitants agricoles. Il semble que les connaissances des agriculteurs en marketing ont réussi à dépasser largement celles des responsables de la commercialisation des grains au sein de la Commission canadienne du blé.

Il faut ajouter à cela l'entrée en vigueur des nouvelles ententes commerciales globales. En outre, face à l'érosion des activités économiques traditionnelles de l'Ouest canadien, on désire vivement dans la région trouver de nouvelles activités à valeur ajoutée. Tout cela est évidemment relié à l'évolution de la réglementation du transport des grains ainsi qu'à plusieurs autres facteurs.

À l'ère de l'information et de l'éducation, les exploitants agricoles ressentent le besoin de diversifier leurs activités et ils sont prêts à mettre à l'essai de nouveaux types de cultures et de nouveaux systèmes de commercialisation, notamment du blé et de l'orge.

Toutes les enquêtes réalisées à ce sujet avaient montré que l'Alberta est favorable à un changement. En fait, la Commission canadienne du blé a mené sa propre enquête dans les Prairies, pendant le plébiscite, et les résultats concordaient avec ceux du plébiscite.

.0840

Plusieurs sondages avaient montré aussi que les agriculteurs appuyaient le principe d'un changement. Je parle ici de sondages réalisés par Angus Reid, par United Grain Growers, par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et par le groupe Dunvegan. Tous ces sondages ont produit des résultats conformes aux résultats du plébiscite.

Notre premier rôle fut d'établir des critères pour la tenue du plébiscite. Nous pensions qu'une liste électorale serait trop restrictive car elle risquait de ne pas être assez complète. Nous avons donc choisi la méthode de la déclaration individuelle, qui avait fait ses preuves lors d'élections municipales et par laquelle les électeurs et électrices admissibles sont simplement tenus de déclarer qu'ils ont le droit de vote; après avoir signé leur déclaration, on leur remet un bulletin de vote.

Nous voulions un système minimisant les risques de fraude. Certes, on ne peut pas éliminer totalement la fraude avec une telle procédure, mais nous voulions en réduire le risque le plus possible, tout en faisant participer l'électorat le plus large possible. Nous avons donc recommandé que le plébiscite se tienne sous la présidence d'une personnalité neutre afin d'en assurer l'intégrité et la neutralité, ce qui a été fait.

Pour ce qui est de la question, elle a été élaborée par consensus. Nous en avons également fait vérifier l'équité, la neutralité et la compréhension par une firme de marketing indépendante. Cette vérification, effectuée auprès d'un échantillon aléatoire d'agriculteurs de l'Alberta, a montré que72 p. 100 des répondants jugeaient la question neutre et équitable, 24 p. 100 n'ayant pas d'opinion. Ces résultats nous ont paru satisfaisants.

Le comité directeur, dont Wayne et moi-même faisions partie, se composait de personnes ayant recommandé que les groupes ayant des intérêts acquis dans le contexte de la Commission canadienne du blé restent neutres pendant tout le processus. Nous pensions en effet qu'ils ne pourraient être objectifs car ils auraient trop à gagner ou à perdre avec ce plébiscite. Nous pensions que le débat devait être mené par les exploitants agricoles eux-mêmes et par leurs groupes et associations.

En ce qui concerne la campagne, les organisations commerciales dont je viens de parler se sont dans l'ensemble dispensées d'y participer. La seule exception a été la Commission canadienne du blé, qui a été très active. Notre impression était que sa campagne était fondée sur la peur, avec des slogans tels que «La liberté, c'est l'anarchie et le chaos». Bien sûr, ce slogan était destiné à contrer directement l'emploi du mot «liberté» dans la question plébiscitaire. Voilà le genre de campagne qu'a menée la Commission.

Pour ce qui est des sociétés céréalières, elles sont dans l'ensemble restées en dehors du débat.

De nombreuses critiques ont été formulées sur la question. La principale concernait évidemment l'emploi du mot «liberté». Lorsque nous avons discuté du texte de la question, nous avons essayé d'employer beaucoup d'autres substantifs mais c'est finalement «liberté» qui a été choisi, simplement parce qu'il est parfaitement clair. La liberté désigne en effet une situation dans laquelle il n'y a aucune restriction, et c'est précisément ce que nous voulions demander aux agriculteurs: voulez-vous que la commercialisation de votre blé et de votre orge se fasse sans aucune restriction?

La Commission canadienne du blé a elle aussi critiqué la question en disant qu'elle ne pourrait absolument pas participer à un système de commercialisation libre, même en cas de oui au plébiscite. D'après nous, cet argument n'était pas du tout fondé. Il y a eu de nombreux cas dans le passé... songeons simplement à l'expérience de marché continental de l'orge, pendant laquelle la Commission canadienne du blé a collaboré avec le marché libre, sans aucune difficulté. D'après nous, la Commission a fait preuve d'irresponsabilité dans une bonne part de son argumentation, laquelle ne correspondait pas du tout à la situation qui pouvait prévaloir en cas de vote favorable.

Il convient de souligner que personne n'a jamais recommandé de boycotter le plébiscite. Si la question avait été tellement faussée et injuste, pourquoi les partisans du statu quo et les opposants au changement n'ont-ils pas recommandé le boycott?

.0845

Passons maintenant aux résultats. Le président du plébiscite a organisé le vote et le décompte des voix. Nous estimons qu'il a eu un comportement absolument parfait et excellent.

En tout, 16 000 suffrages ont été exprimés.

N'oublions pas qu'il appartenait aux exploitants agricoles de faire eux-mêmes l'effort d'obtenir un bulletin de vote. À mon avis, le dernier vote valable qui se soit tenu en matière de commercialisation est celui qui s'est tenu pour l'élection des membres du Comité consultatif de la Commission canadienne du blé. À cette occasion, un bulletin de vote avait été envoyé à chaque détenteur d'un livret de permis et personne ne devait faire d'effort particulier pour obtenir un bulletin. En outre, pour voter, il suffisait de marquer le bulletin, de le mettre dans une enveloppe, de timbrer l'enveloppe et de l'envoyer. Or, la dernière élection au Comité consultatif de la Commission canadienne du blé a produit entre 10 000 et 11 000 suffrages en Alberta, ce qui est largement inférieur au taux de participation à notre plébiscite.

La répartition du vote à l'intérieur de la province a été très uniforme. En effet, environ 25 p. 100 de tous les suffrages ont été exprimés dans les parties nord-ouest, nord-est, sud-ouest et sud-est de la province, respectivement.

Il n'y a eu que 13 bulletins rejetés, ce qui est tout à fait étonnant. Sur ces 13, un seul comportait un commentaire écrit, ce qui était également tout à fait inhabituel. Si la question était tellement faussée et partiale, on aurait pu s'attendre à ce qu'il y ait beaucoup plus de bulletins annulés, et beaucoup plus de remarques sur ces bulletins. Il est donc parfaitement clair que les agriculteurs ont compris la question.

On a dit que le nombre de suffrages exprimés, 16 000, était trop faible, étant donné qu'il devait y avoir 40 000 - d'aucuns ont même dit 50 000 - électeurs ou électrices admissibles en Alberta. Toutefois, le recensement de 1991 en Alberta montre qu'il y avait cette année-là 20 158 exploitations cultivant 193 acres ou plus de blé et d'orge, ce qui représentait 83 p. 100 de la production provinciale. Autrement dit, près de 20 000 exploitants agricoles produisent environ 80 p. 100 du blé et de l'orge de l'Alberta. D'après nous, il est plus que probable que les exploitants commerciaux, les gros producteurs, ont participé au plébiscite. De fait, les participants au plébiscite représentaient probablement, et de loin, la majeure partie de la production albertaine de blé et d'orge.

J'en reste là pour que vous puissiez nous poser vos questions. Dans nos réponses, nous pourrons vous dire comment nous interprétons les résultats et ce que nous envisageons pour l'avenir.

Le président: Merci.

Monsieur Chrétien.

[Français]

M. Chrétien (Frontenac): Je vais être très bref, mais avant de formuler ma question, je voudrais avoir quelques précisions pour bien comprendre l'enjeu du plébiscite. J'aimerais que vous me répétiez la question qui apparaissait sur le bulletin de vote, le nombre d'électeurs inscrits, les résultats et, finalement, le taux de participation. Je formulerai ma question par la suite.

[Traduction]

M. Durnin: En fait, il y avait deux questions sur le bulletin de vote, une au sujet du blé et une autre au sujet de l'orge.

.0850

La question concernant l'orge était la suivante: souhaitez-vous avoir le droit de vendre votre orge à n'importe quel acheteur, y compris à la Commission canadienne du blé, sur les marchés intérieurs et étrangers?

La deuxième question était: souhaitez-vous avoir le droit de vendre votre blé à n'importe quel acheteur, y compris à la Commission canadienne du blé, sur les marchés intérieurs et étrangers? Environ 16 000 personnes ont exprimé leur opinion au cours du plébiscite. De fait, j'ai le chiffre exact ici: 15 847 bulletins exprimés au sujet de l'orge, 15 591 au sujet du blé. La question concernant l'orge a produit 10 452 oui, soit 66 p. 100 du total. Celle concernant le blé a produit 9 701 oui, soit62 p. 100 du total.

Pour ce qui est de la liste électorale, on estime qu'il y a environ 40 000 exploitants agricoles en Alberta. De fait, je laisserai à Wayne le soin de vous répondre car il a des chiffres précis provenant du recensement.

M. Kriz: Selon le recensement de 1991, il y avait cette année-là 29 158 agriculteurs de l'Alberta disant cultiver du blé ou de l'orge. Par ailleurs, comme l'a précisé Pat, environ 20 000 d'entre eux cultivaient plus de 193 acres de blé ou d'orge. Cela répond-il à toutes vos questions?

[Français]

M. Chrétien: J'arrive à ma question. Depuis que je siège à la Chambre des communes, soit depuis deux ans et quelques mois, je remarque constamment que les députés du Parti réformiste - et leur présence en grand nombre ce matin témoigne de l'intérêt de l'agriculture, notamment en Alberta - intervenaient souvent pour réclamer des changements majeurs au sein de la Commission canadienne du blé alors que les députés au pouvoir défendaient avec beaucoup d'acharnement la Commission.

Après un certain nombre d'années, je suis bien conscient que la Commission canadienne du blé devrait subir une cure de rajeunissement et s'adapter, car on sera bientôt en l'an 2000.

Or, vos agriculteurs ont voté très majoritairement pour le oui, résultat que j'aurais souhaité le30 octobre dernier au Québec, bien sûr.

Des voix: Ah, ah!

M. Chrétien: Vous m'avez lu les deux questions, tant pour le blé que pour l'orge. Je ne m'y connais pas beaucoup et je ne suis pas directement impliqué, mais je peux vous dire que j'aurais, moi aussi, voté oui, parce que dans les deux questions, on donnait à peu près tout aux producteurs agricoles; on leur offrait presque la lune. Ils pouvaient conserver la Commission canadienne du blé et obtenir une liberté totale pour disposer de leurs récoltes. Alors, j'aurais voté oui, à moins qu'on m'ait prouvé le contraire avec de bons arguments. Mais à prime abord, j'aurais penché vers le oui.

Vous avez donc voté pour le changement. Pouvez-vous m'énumérer quelques changements majeurs que vous souhaiteriez voir dans la commercialisation du blé et de l'orge?

[Traduction]

M. Kriz: Le changement que nous souhaitons est que le recours à la Commission canadienne du blé puisse être purement volontaire. Si vous dites que vous auriez voté oui en réponse à la question, voulez-vous dire que celle-ci avait été spécialement conçue pour produire un oui? J'aimerais comprendre votre argument.

.0855

[Français]

M. Chrétien: Je pourrais peut-être préciser. Vous disiez: Acceptez-vous d'obtenir le droit de vendre votre récolte comme bon vous le semble, y compris à la Commission canadienne du blé? Donc, le producteur qui aurait voulu continuer à faire affaire avec la Commission canadienne du blé aurait pu le faire et celui qui aurait voulu vendre directement sa récolte aurait pu le faire advenant un résultat positif au plébiscite. Était-ce le sens de la question?

[Traduction]

M. Kriz: C'est exact. La question est donc simplement celle-ci: les deux systèmes peuvent-ils coexister? À notre avis, parfaitement.

Je discutais de cette question il y a deux étés de cela avec un commissaire de la Commission canadienne du blé qui participait à un barbecue dans la province. C'est à ce moment-là qu'avait été créé le marché continental de l'orge. Notre discussion visait à dresser la liste des facteurs qu'il faudrait respecter pour permettre à la Commission de coexister avec un marché libre, dans l'intérêt des agriculteurs. Donc, oui.

Le président: Monsieur Hermanson.

M. Hermanson (Kindersley - Lloyminster): Merci, messieurs, d'être venus devant notre comité.

J'ai quelques questions très importantes à vous poser. Premièrement, vous dites qu'il y a eu un consensus des 10 organisations agricoles au sujet de la question, ce qui n'est certainement pas l'impression que nous avons. Des opposants à la question nous ont dit que celle-ci avait été concoctée par un petit groupe d'organisations agricoles ayant comploté pour essayer de détruire la Commission canadienne du blé. Ce n'est pas ce que vous nous avez dit ce matin. Pourriez-vous donc me dire si le Comité consultatif de la Commission canadienne du blé et Unifarm ont participé à la rédaction de la question et en ont approuvé le texte?

M. Kriz: Oui, il y avait un membre du Comité consultatif de la CCB au sein du comité directeur.

Nous pensons que le comité était largement représentatif. De toute façon, à part des membres d'organisations de producteurs de blé et d'orge, et d'organisations agricoles générales, comme la Alberta Grain Commission, qui d'autre aurait dû faire partie du comité? Ce sont ces personnes-là qui devaient y participer, et cela a été le cas.

M. Hermanson: Mon autre question concerne le financement du plébiscite. Nous avons souvent entendu dire que le plébiscite aurait été financé par le gouvernement de l'Alberta, ou que les organisations favorables au oui auraient été financées par le gouvernement, alors que les partisans du non manquaient d'argent. Si je vous ai bien compris, vous affirmez que le gouvernement de l'Alberta n'a pas financé les partisans du oui, ou n'a pas financé les organisations favorables au oui, alors que la Commission canadienne du blé a participé activement à la campagne du non, même si c'était un acteur crucial dans toute cette affaire.

M. Durnin: Évidemment, c'est le gouvernement de l'Alberta qui a financé le comité directeur, le président du plébiscite, ainsi que la tenue du vote et le décompte des voix. Par contre, il n'a absolument pas financé ce que vous pourriez appeler le comité du oui. Tous les fonds qu'ont utilisés les groupes que Wayne et moi-même représentons, pendant la campagne, provenaient de producteurs individuels, de dons des exploitants. Il n'y a donc eu aucun financement du gouvernement de l'Alberta à ce sujet.

En ce qui concerne la Commission canadienne du blé, il est exact qu'elle a envoyé des employés participer à des réunions pour présenter les arguments en faveur du statu quo.

M. Hermanson: Je sais que des questions avaient été posées au sujet du vote postal pour le Comité consultatif de la Commission canadienne du blé. En effet, on a dit que les producteurs qui ne voulaient pas participer au vote auraient pu jeter leur bulletin de vote au panier, dans le bureau de poste, et que quelqu'un d'autre aurait pu prendre les bulletins se trouvant dans le panier et s'en servir à plusieurs reprises. Cela n'aurait-il pas été possible avec votre système de vote postal pour le plébiscite, et y a-t-il eu des cas de personnes ayant voté deux fois, soit une fois dans leur propre district et une fois dans un autre, ou une fois dans un bureau de vote et une autre fois par la poste?

M. Kriz: Non, car il fallait prendre l'initiative de demander un bulletin de vote en téléphonant à un numéro 1-800. L'autre option consistait à se rendre en personne au bureau de district pour exprimer son suffrage personnellement.

Sur les 16 000 personnes ayant voté, 13 000 l'ont fait dans un bureau, en personne, et 3 000, par la poste. Les personnes ayant voté par la poste devaient avoir demandé un bulletin de vote et avoir rempli un formulaire déclarant qu'elles étaient admissibles à voter. De ce fait, si une personne avait voté deux fois, le bulletin aurait été rejeté.

M. Hermanson: J'ai également entendu dire que le nom de chaque personne recevant un bulletin figurait sur celui-ci ou pouvait être associé au bulletin. Que pouvez-vous dire à ce sujet?

.0900

M. Kriz: Évidemment, la personne recevant un bulletin devait signer un formulaire déclarant qu'elle cultivait du blé ou de l'orge. Cependant, en ce qui concerne le vote lui-même, c'était comme une élection et aucun nom n'était associé aux bulletins de vote.

M. Hermanson: En ce qui concerne le sondage effectué par Western Opinion Research pour la Commission canadienne du blé, on dit que les résultats ont été très différents de ceux du plébiscite parce que la question n'était pas la même.

Autrement dit, avec une question similaire à la vôtre, 68 p. 100 des agriculteurs de l'Alberta auraient répondu oui mais, à la question suivante, qui était «Auriez-vous quand même voté oui si cela avait entraîné l'abolition de la Commission canadienne du blé?», 29 p. 100 des producteurs de blé auraient toujours voté oui, et un pourcentage encore plus élevé pour les producteurs d'orge, soit 36 p. 100, ce qui m'a beaucoup étonné.

Cela montre en tout cas que l'attitude des producteurs de l'Alberta a beaucoup changé. Les gens doivent certainement avoir beaucoup d'inquiétude au sujet de la Commission canadienne du blé s'il y en a un tel nombre qui seraient prêts à voter oui même si cela devait entraîner son abolition. Dans votre plébiscite, cependant, vous parliez d'un système de commercialisation à deux volets.

Que pouvez-vous dire du changement d'attitude à l'égard de la Commission, et pensez-vous que les chiffres du sondage de la Commission canadienne du blé soient exacts?

M. Durnin: Les résultats du sondage sont très conformes à ceux du plébiscite. De fait, je pense qu'ils sont même un peu plus forts. N'oubliez pas cependant que le sondage a été réalisé avant le début de la campagne et avant que la Commission canadienne du blé n'ait présenté ses arguments.

Bien que les résultats du plébiscite lui-même soient un peu plus faibles, ils sont tout à fait conformes à ceux du sondage. En fait, nous sommes très intéressés de voir que 30 p. 100 de producteurs sont prêts à renoncer complètement à la Commission canadienne du blé, comme le montre le sondage.

Cela n'avait pas du tout été envisagé dans notre plébiscite puisque nous parlions de la possibilité de vendre «y compris à la Commission canadienne du blé». Notre question concernait donc la possibilité d'offrir un choix à l'agriculteur, pas d'abolir la Commission.

Le président: Monsieur Breitkreuz.

M. Breitkreuz (Yellowhead): Merci, monsieur le président.

Je dois d'abord vous féliciter de votre exposé. Comme de vrais Albertains, vous avez été brefs et vous êtes allés directement au sujet. Vous tirez sans dégainer. Je vous félicite aussi du travail que vous faites au sein de vos organisations, et du rôle que vous avez joué pendant le plébiscite.

Vous avez parlé de la campagne menée par la Commission canadienne du blé avant la tenue du vote lui-même. D'après vous, quelle en a été la conséquence? Quel effet cette participation a-t-elle eu sur le résultat?

M. Durnin: Nous ne pouvons probablement exprimer que des avis personnels à ce sujet.

D'après moi, cela a eu très peu d'effet. Les agriculteurs savaient très bien sur quoi ils votaient; ils comprenaient la question.

Considérant le petit nombre de bulletins rejetés et le taux de participation élevé, on peut penser que cette campagne de la Commission a eu très peu d'effet, à peine quelques points de pourcentage, et que les agriculteurs savent très bien ce qu'ils veulent.

M. Kriz: Je suis d'accord. Je ne pense pas que cette campagne ait beaucoup changé la situation en Alberta. De toute façon, le résultat du plébiscite est conforme à ce que nous constatons depuis plusieurs années et à ce que des sondages antérieurs avaient révélé.

Je crois que l'on aurait eu exactement le même résultat s'il n'y avait pas eu de campagne.

M. Breitkreuz (Yellowhead): À votre avis, que pense la majeure partie des membres de vos organisations respectives de ce qu'a déclaré le ministre fédéral de l'Agriculture au sujet du plébiscite - c'est-à-dire qu'il ne va pas tenir compte du résultat, lequel n'exprimerait qu'un aspect de ce que pensent les producteurs?

M. Kriz: Ce que je trouve le plus désolant dans sa déclaration est l'idée que le plébiscite a été un exercice purement théorique, sans aucune validité. Il a contesté le processus, entre autres.

À mes yeux, ce fut un exercice parfaitement démocratique. La question était claire, le taux de participation l'a confirmé.

C'est ce que j'ai trouvé le plus désolant dans ses remarques.

.0905

Le président: Merci beaucoup.

Mme Cowling, très brièvement, puis M. Easter, très brièvement aussi. Si vous pouvez faire vite, je donnerai également très brièvement la parole à M. Benoit. J'essaie de nous limiter à 35 minutes, pour donner à peu près le même temps de parole à chaque groupe de témoins.

Marlene.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Merci, monsieur le président.

Je voudrais avoir des précisions sur ce qu'a dit M. Hermanson au sujet des producteurs jetant leur bulletin de vote dans le panier du bureau de poste. À mon avis, la plupart des agriculteurs sont beaucoup plus sérieux et je crois que cet argument n'a aucune valeur.

M. Hermanson: Il y a eu 40 000 bulletins de vote...

Mme Cowling: Monsieur le président, des producteurs céréaliers de ma région m'ont adressé beaucoup de questions et m'ont exprimé leur inquiétude au sujet du vote qui s'est tenu en Alberta. À leur avis, le résultat ne correspond pas à l'attitude réelle des agriculteurs envers la Commission canadienne du blé.

Ma question sera très claire et très brève. Dites-moi simplement oui ou non. Si la question posée au plébiscite avait été très claire, c'est-à-dire «Appuyez-vous la Commission canadienne du blé, oui ou non?», quel aurait été le résultat à votre avis?

M. Durnin: Cette question suggère l'abolition complète de la Commission. Ce n'est pas ce nous voulions demander. Notre question à nous était: «Êtes-vous en faveur du choix?»

Je suppose que ma réponse est non.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Easter.

M. Easter (Malpèque): Merci, monsieur le président.

Vous avez dit que le Comité consultatif de la Commission canadienne du blé était représenté au comité directeur. Je crois que ce représentant était M. Cutforth...

M. Durnin: C'est cela.

M. Easter: ...qui est la seule personne élue la dernière fois qui n'était pas favorable à la Commission. Ce monsieur participait-il au comité directeur avec l'autorisation du Comité consultatif?

M. Durnin: Je dois dire que non. C'est le Ministre qui lui avait demandé de faire partie du comité.

M. Easter: Donc, ce n'était pas le représentant du Comité consultatif au sein du comité directeur?

M. Durnin: Il en faisait partie à titre individuel, avec deux responsabilités, je suppose. Il représentait à la fois la Alberta Grain Commission et le Comité consultatif de la Commission canadienne du blé.

M. Easter: La question... À mes yeux, il y a des similitudes entre cette question et celle du Québec.

Des voix: Oh!

M. Easter: J'ai l'impression que c'est une question à laquelle il aurait été difficile de répondre par la négative, même pour quelqu'un comme moi. C'est en effet le genre de question qui offre à peu près tout à tout le monde. Avait-elle été mise à l'essai avant d'être publiée officiellement?

M. Kriz: Oui.

M. Easter: Avait-elle été mise à l'essai de manière à produire la réponse que vous vouliez, c'est-à-dire un oui?

M. Kriz: Non.

M. Easter: Non?

M. Kriz: Elle avait été mise à l'essai pour en évaluer l'objectivité, la compréhension et l'équité. L'échantillon était de 25 personnes, ce qui veut dire qu'il n'avait aucune validité statistique. Il s'agissait simplement de vérifier que les gens la comprenaient bien. C'est tout.

M. Easter: Qui s'est chargé de ce travail?

M. Kriz: Une firme de communications.

M. Durnin: C'est le groupe Aspen.

M. Easter: Était-ce FWJ?

M. Kriz: Oui, c'était FWJ.

M. Easter: Ce groupe vous a-t-il également conseillés au sujet des trois points que je vais mentionner? Pour gagner le vote, avez-vous dû employer une stratégie en trois points: premièrement, discréditer la Commission canadienne du blé; deuxièmement, discréditer les politiciens fédéraux qui pourraient participer au processus; troisièmement, attaquer la Commission mais ne rien proposer pour la remplacer? Le groupe vous a-t-il également recommandé cette stratégie?

M. Durnin: Non.

M. Easter: Non? Bien. Il me reste une seule...

Une voix: [Intervention inaudible]

M. Easter: Je tiens cela d'une source assez fiable.

En ce qui concerne les sommes consacrées à la campagne, j'ai sous les yeux la revue Pro-Farm publiée par Western Canadian Wheat Growers. En la lisant, j'ai certainement le sentiment que les auteurs penchaient vers le «oui», même si je n'irai pas jusqu'à dire qu'il s'agissait de propagande. Or, je crois comprendre que cette publication a été adressée à tous les producteurs d'orge.

.0910

Je voudrais faire deux remarques. La première concerne les statistiques que vous nous avez données sur le nombre d'exploitations agricoles, en réponse à l'argument que le taux de participation était faible. Puisque vous nous avez indiqué le nombre d'exploitations agricoles, pouvez-vous nous dire s'il n'y a eu qu'un votant par exploitation?

M. Kriz: Non, quiconque possédait un intérêt financier en la matière pouvait voter.

M. Easter: Donc, vous avez comparé des torchons et des serviettes. Le nombre d'exploitations agricoles n'indique absolument pas le nombre réel de producteurs qui ont pu voter?

M. Kriz: Je pense que le chiffre reflète... Je ne pense pas qu'il y ait eu beaucoup plus de personnes ayant voté que le nombre d'exploitations agricoles.

M. Easter: Je vous pose cette question car je crois comprendre que cette publication - et vous me corrigerez si je me trompe - a été envoyée à environ 40 000 personnes. J'oublie le chiffre exact.

Je crois comprendre par ailleurs que la distribution en a été financée par la Alberta Barley Commission.

M. Kriz: La Commission a certainement consacré de l'argent à la campagne.

M. Easter: Il y a donc de l'argent qui a été dépensé par des organisations.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Easter.

Monsieur Landry.

[Français]

M. Landry (Lotbinière): Vingt-neuf pour cent des producteurs souhaitent la disparition de la Commission canadienne du blé. Donc, il y a sûrement de graves malaises. Pourriez-vous m'en nommer quelques-uns?

Comment pouvez-vous affirmer que la Commission canadienne du blé pourrait vivre conjointement avec la liberté de mise en marché?

[Traduction]

M. Kriz: À mon avis, la raison est que les agriculteurs de l'Alberta ont compris que la Commission canadienne du blé n'est tout simplement pas équipée pour faire tout ce qu'elle devrait faire, et qu'ils ont donc aussi besoin d'un système de commercialisation privé. À l'heure actuelle, bon nombre de marchés ne sont pas exploités. La Commission du blé a des problèmes d'approvisionnement, notamment en orge. Voilà pourquoi beaucoup de producteurs veulent tout simplement l'abolir.

Le président: Monsieur Benoit.

M. Benoit (Vegreville): J'ai assisté à l'une des réunions qui se sont tenues pendant la campagne, où il y avait un employé de la Commission canadienne du blé.

Un groupe m'avait demandé de participer à plusieurs réunions dans le nord-est de l'Alberta mais j'ai refusé en disant que c'était à mon avis les agriculteurs partisans de chaque thèse qui devaient présenter eux-mêmes les arguments, et qu'ils en étaient fort capables. Pourquoi diable aurais-je dû participer à cela? Certes, je suis toujours un exploitant agricole, mais je suis aussi un politicien. Je croyais comprendre que la Commission du blé ne participerait pas à la campagne. Lorsque je suis allé à la réunion, j'ai vu qu'il y avait un agriculteur pour présenter les arguments du oui et l'employé de la Commission pour présenter ceux du non. Je crois qu'il s'appelait Harvey Brooks, et je dois dire que 90 p. 100 de ses déclarations n'avaient strictement rien à voir avec le thème du débat. Je crois qu'il employait une tactique de peur, ce dont j'ai été fort mécontent.

Certaines des remarques que j'ai entendues à la réunion étaient que les agriculteurs n'étaient pas satisfaits...

Le président: Monsieur Benoit, pourriez-vous poser une question, s'il vous plaît?

M. Benoit: ...du fait que la Commission canadienne du blé consacrait de l'argent à appuyer l'une des thèses. Avez-vous entendu dire la même chose? Après tout, ce sont tous les producteurs de céréales qui paient le salaire de cet employé de la Commission canadienne du blé.

M. Durnin: Nous avons entendu des agriculteurs dire la même chose. Ils étaient déçus que leur argent serve à financer les employés de la Commission pour qu'ils aillent défendre la thèse du statu quo. À leur avis, seuls des agriculteurs auraient dû participer au débat.

Cela dit, il n'y avait rien de nouveau dans ce débat. Il portait sur des informations qui sont connues depuis des années et dont nous discutons depuis des années. Nous pensions cependant qu'il était temps que les agriculteurs engagent eux-mêmes le dialogue pour décider de ce qu'ils veulent.

Le président: Merci beaucoup, Pat et Wayne. Nous vous remercions sincèrement d'avoir fait ce voyage pour venir témoigner devant notre comité.

Nous allons maintenant accueillir Tom Molloy, du Western Grain Marketing Panel.

.0915

Tom, dès que vous êtes prêt, nous vous donnons la parole.

M. Tom Molloy (chef, Western Grain Marketing Panel): Je vous remercie beaucoup de me donner la possibilité de m'adresser à votre comité pour parler de ce que fera le Western Grain Marketing Panel dans les prochains mois.

Comme vous le savez, ce comité a été nommé en juillet de cette année. Son rôle est de faire une analyse exhaustive de toutes les questions de commercialisation des céréales de l'Ouest, dans le cadre d'un large débat avec tous les exploitants agricoles et toutes les organisations d'agriculteurs des Prairies. Nous estimons que notre rôle est de proposer des options au ministre de l'Agriculture et de l'agroalimentaire pour la mise sur pied d'un système de commercialisation dynamique, efficient, efficace et adapté aux besoins des agriculteurs et des autres parties prenantes.

Le but général de notre comité, selon ses membres, est de fournir les analyses et les renseignements qui permettront à l'industrie céréalière d'engager un débat franc et éclairé sur toutes les questions de commercialisation des céréales de l'Ouest. En outre, par des analyses, des consultations et des audiences publiques, il nous appartiendra de proposer des solutions pour l'instauration d'un système de commercialisation des céréales de l'Ouest permettant à l'industrie céréalière canadienne d'atteindre son plein épanouissement.

Nous avons plus particulièrement l'intention de nous fixer les objectifs suivants: évaluer l'opinion de nos clients sur nos produits et services, eu égard à leurs besoins; évaluer la compétitivité actuelle et future du Canada sur chaque marché céréalier; déterminer ce qu'attendent les industries à valeur ajoutée du système de commercialisation des céréales, et la contribution globale de l'industrie à l'économie canadienne; évaluer l'infrastructure actuelle de commercialisation des grains de l'Ouest; et évaluer l'incidence financière des divers systèmes de commercialisation, du point de vue de leur attrait pour les investisseurs, de la prestation de crédit et de l'incitation à une bonne gestion du risque.

Le comité a été invité à remettre son rapport au Ministre d'ici à juin 1996. Nous avons l'intention de décrire dans le rapport les résultats complets de notre processus de consultation. Sur les questions ne faisant pas l'objet d'un large consensus, nous proposerons des options, en exposant le pour et le contre, afin d'établir un système de commercialisation des grains répondant aux besoins de l'Ouest canadien à l'aube du XXIe siècle.

Notre secrétariat se trouve à Winnipeg et il est géré par Murray Cormack, notre directeur général, qui est aussi de Winnipeg. Murray a occupé plusieurs postes supérieurs dans le secteur agricole, notamment celui de sous-ministre de l'Agriculture du Manitoba, de directeur général des Manitoba Pool Elevators, et de président et directeur général de Agro Company of Canada, une filiale de CanAgro.

Après avoir ouvert nos bureaux, notre première tâche a été d'analyser les questions sur lesquelles nous devions nous pencher. Nous venons de publier une brochure de 16 pages dont j'espérais avoir des exemplaires à vous remettre. Je veillerai à ce que l'on vous en envoie.

Cette brochure marque le lancement de nos audiences publiques. Nous en avons produit250 000 exemplaires. La semaine dernière, elle a été distribuée par le truchement de Grain News, Western Producer et The Manitoba Co-Operator. Elle sera en outre distribuée aux membres de la Western Grain Elevator Association.

Nous allons donc entreprendre nos consultations. Nous allons offrir aux agriculteurs, aux organisations agricoles, aux entreprises et à toutes les parties prenantes plusieurs méthodes pour y participer. Nous avons prévu une série de débats publics dans 15 collectivités du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta entre le 8 janvier et le 26 janvier. Nous espérons que ces réunions permettront l'échange d'informations entre les membres du comité et les participants, et que ces derniers en profiteront pour exposer leur point de vue sur les questions de fond et pour communiquer des informations au comité. Nous avons invité à y participer des représentants de la Commission canadienne du blé, du Winnipeg Commodity Exchange, de la Commission canadienne des grains, ainsi que des expéditeurs et des exportateurs, de façon à pouvoir obtenir des réponses à toutes les questions techniques qui risquent d'être posées pendant les débats.

.0920

La deuxième phase sera celle des audiences publiques, qui se tiendront en mars de l'année prochaine. Nous y accueillerons des représentants des producteurs agricoles et des diverses organisations concernées pour leur permettre d'exposer officiellement leur opinion au comité plénier sur ce que devrait être le système de commercialisation des grains. Cela permettra à tous les participants de présenter leurs arguments pour ou contre telle méthode de commercialisation, afin que nous puissions procéder à l'examen exhaustif de la question et permettre un contre-interrogatoire des parties concernées.

Un certain nombre de personnes et d'organisations nous ont dit ne pas souhaiter participer à nos débats publics ni à nos audiences, mais elles aimeraient quand même exprimer leur opinion. Nous allons donc inviter quiconque souhaite s'exprimer de cette manière à le faire en adressant directement un mémoire au comité.

Le comité disposera de certaines ressources pour commander des recherches et des études sur les questions importantes relatives au système de commercialisation, lorsque cela lui semblera nécessaire. Les problèmes en question seront déterminés par le comité à mesure qu'il avance dans son travail. Notre directeur de recherche sera M. John Heads, qui était jusqu'à la fin de ce mois directeur de l'Institut des transports et professeur d'agroéconomie à l'Université du Manitoba à Winnipeg.

Je tiens à souligner que le comité désire absolument recueillir toutes les opinions pertinentes sur la commercialisation des grains de l'Ouest canadien. Il va donc annoncer le plus largement possible les collectivités dans lesquelles il tiendra des débats publics ou des audiences, en précisant que son travail portera sur les systèmes de commercialisation des céréales, des oléagineux et des cultures spécialisées. Nous espérons que cet exercice favorisera la compréhension du système de commercialisation dans toutes les Prairies et permettra en fin de compte d'accroître le succès du Canada dans la commercialisation des céréales.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Molloy.

Monsieur Chrétien.

[Français]

M. Chrétien: Monsieur Molloy, vous êtes le chef du panel qui doit remettre en juin 1996 un rapport qui, je présume, sera conciliateur. Évidemment, il vous reste encore sept mois pour ébaucher votre rapport, mais lors de votre étude, vous allez sûrement tenir compte des résultats du plébiscite qui s'est tenu récemment en Alberta. Je suppose que vous allez également tenir compte du sondage auquel mon collègue a fait allusion plus tôt, où 29 p. 100 des producteurs souhaitaient la disparition de la Commission canadienne du blé.

Comment une double commercialisation pourrait-elle être efficace, et comment la Commission canadienne du blé pourrait-elle continuer à jouer son rôle dans de telles circonstances? Le témoin qui vous a précédé disait que la Commission canadienne du blé ne possédait pas tous les moyens nécessaires pour jouer efficacement son rôle du début jusqu'à la fin. Comment pourriez-vous concilier une certaine liberté donnée aux producteurs - et je trouve totalement justifiable que le producteur soit libre jusqu'à un certain point de disposer comme bon lui semble de sa récolte - et une mainmise de la Commission canadienne du blé?

[Traduction]

M. Molloy: Tout d'abord, comme je l'ai dit, en l'absence d'un consensus évident sur la problématique - et je ne dirai rien d'autre là-dessus tant que nous n'aurons pas commencé notre travail - le rôle du comité sera d'exposer les options qui lui sont présentées, ainsi que le pour et le contre de chacune. Ensuite, il appartiendra au Ministre et au gouvernement de choisir parmi les options.

Le président: Madame Cowling.

.0925

Mme Cowling: Merci, monsieur le président.

Je constate que vous tiendrez des réunions publiques dans tout le pays, et même dans ma ville de Grandview. Je voudrais savoir qui pourra y participer. Quelle procédure avez-vous adoptée pour veiller à ce que toutes les personnes concernées puissent le faire?

M. Molloy: L'annonce des réunions sera largement diffusée, et celles-ci seront ouvertes au public. Il y aura deux membres du comité à chaque réunion, ainsi que des animateurs. Nous n'avons pas encore pris de décision définitive sur la manière dont les réunions se tiendront mais nous prévoyons qu'il n'y aura chaque fois qu'une brève présentation, après quoi les participants pourront se répartir en groupes de discussion pour analyser certaines questions qui leur seront soumises par les membres du comité. Ils pourront aussi choisir spontanément de débattre d'autres questions.

Mme Cowling: Le plébiscite de l'Alberta aura-t-il une incidence quelconque sur le processus de consultation?

M. Molloy: Le plébiscite s'est tenu mais je ne veux porter aucun jugement sur ce qu'en pensent les membres du comité. Nous n'avons pas encore eu la possibilité d'en discuter. Pour le moment, nous avons consacré presque tout notre temps à définir notre méthode de travail plutôt qu'à discuter de questions précises, sauf en ce qui concerne la préparation de notre documentation.

Mme Cowling: Comme je suis agricultrice, j'espère que mes homologues de l'ensemble du pays pourront participer au processus. Avez-vous prévu quoi que ce soit pour assurer la participation d'organisations d'agricultrices, de productrices céréalières et de femmes qui s'intéressent à l'agriculture?

M. Molloy: Comme je l'ai dit, nous allons faire la publicité de nos réunions dans toutes les Prairies. Il est évident que nous en profiterons pour encourager à y participer toute personne qui le souhaite, surtout si elle a une opinion précise sur la question.

Le président: Monsieur Hoeppner.

M. Hoeppner (Lisgar - Marquette): Merci, monsieur le président.

Monsieur Molloy, je m'intéresse à ce que vous avez dit sur les industries à valeur ajoutée. Elles sont très importantes pour le pays. Avez-vous fait des recherches quelconques ou êtes-vous en mesure de nous donner des indications sur la raison pour laquelle nous avons quasiment cessé d'être un pays exportateur de farine? En outre, les producteurs de pâtes alimentaires se plaignent plus ou moins de discrimination à leur égard. Avez-vous des faits ou des chiffres quelconques sur ce phénomène et sur ses causes?

M. Molloy: Pas encore. Pour le moment, nous identifions les thèmes de notre travail et nous cherchons les informations disponibles, mais il est certain que les membres du comité vont s'intéresser à cette question de valeur ajoutée.

M. Hoeppner: Lorsqu'il est venu témoigner devant notre comité, M. Whelan nous a dit que nous exportions un million de tonnes de farine à l'époque où il était ministre de l'Agriculture. Nous en sommes aujourd'hui à 60 000 ou 70 000 tonnes. Je dois vous dire que cette information m'a profondément choqué.

M. Molloy: C'est certainement l'une des choses sur lesquelles nous allons nous pencher.

M. Hoeppner: Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Hoeppner.

Monsieur Easter.

M. Easter: Merci, monsieur le président.

Je suppose que la grande question est de savoir comment diffuser les informations de manière équilibrée, afin que les producteurs puissent prendre une décision éclairée. Vous avez entendu notre discussion sur le vote qui s'est tenu en Alberta, où les partisans de chaque thèse ont le sentiment que les informations diffusées par leurs adversaires n'étaient pas nécessairement exactes.

Je dois dire tout de suite que j'ai examiné la brochure qui est en cours de distribution. C'est peut-être parce que je suis favorable à la Commission canadienne du blé mais je dois vous dire que je suis déçu de voir que celle-ci n'y est pas présentée de manière plus exhaustive. En effet, c'est notre principal organisme de commercialisation des céréales, pour qui les questions de transport ont une importance capitale, mais on ne la présente pas du tout dans votre brochure. Cela me pose un problème.

En ce qui concerne vos réunions publiques et vos audiences, savez-vous comment ont été organisées les audiences relatives aux questions de transport, il y a environ six ans?

M. Molloy: Oui, nous avons reçu des informations à ce sujet.

M. Easter: Comme j'y ai beaucoup participé, je crains que votre processus ne soit conçu de la même manière. La principale question, je suppose, est de savoir comment décider en fonction de ce que l'on a entendu. Au sujet des questions de transport, la manière dont les décisions ont été prises avait suscité beaucoup de mécontentement. Si je ne me trompe, on avait demandé à un consultant d'analyser les audiences et de prendre des décisions.

.0930

Comment allez-vous vous y prendre pour déterminer ce que les producteurs veulent vraiment, suite à vos audiences?

M. Molloy: C'est précisément l'une des questions dont le comité va discuter pendant cette fin de semaine. Pour le moment, je ne vous ai donné qu'un aperçu général de nos travaux mais, en ce qui concerne le format définitif des réunions, nous espérons le fixer cette fin de semaine.

M. Easter: Pour ce qui est de la diffusion des informations dans la population, les diverses personnes qui participeront aux réunions publiques - de la Commission canadienne du blé, du Winnipeg Commodity Exchange, etc. - vont-elles faire un exposé officiel ou devront-elles se contenter de répondre aux questions techniques?

M. Molloy: Elles seront là pour répondre aux questions techniques. Nous ne pensons pas leur demander de faire un exposé officiel.

M. Easter: Je me demande si votre méthode est la bonne. Considérant les informations erronées qui circulent, je me demande s'il ne serait pas utile, à une certaine étape du processus, d'inviter les partisans de chaque thèse à exposer officiellement la manière dont ils travaillent, afin de dissiper tout malentendu.

M. Molloy: Je suppose que cela se fera lors des audiences publiques. L'une des questions que nous nous sommes posées à cet égard était de veiller à ce que les agriculteurs participent vraiment aux débats. Si l'on invite les divers participants à faire un exposé officiel, on risque de priver les agriculteurs eux-mêmes de la possibilité d'engager directement un débat fructueux. Il n'y a qu'un certain nombre d'heures dans la journée et nous avons pensé qu'il serait plus important de faire participer les agriculteurs que d'inviter chaque partie à exposer sa thèse.

M. Easter: Une dernière remarque, monsieur le président.

Je suis parfaitement d'accord avec vous au sujet de la participation des producteurs. Je crois cependant que vous devriez commencer par vous assurer que les informations relatives aux divers mécanismes de commercialisation, actuels ou proposés, sont clairement exposées et diffusées. J'espère que vous y veillerez.

Le président: Monsieur Hermanson.

M. Hermanson: Merci, monsieur le président. Merci de votre présence, monsieur Molloy.

Il m'est un peu difficile de vous poser ma première question, mais soyez sûr que je ne le fais ni par malice ni par mauvaise foi. Il ne s'agit pas non plus pour moi de remettre en cause, de quelque manière que ce soit, votre caractère ou vos aptitudes, mais c'est quelque chose qui préoccupe les agriculteurs.

On s'inquiète en effet, monsieur Molloy, du fait que vous ayez des liens assez forts avec le Parti libéral - par le truchement de contributions financières, peut-être, ou de votre adhésion au parti, je n'en suis pas sûr. On laisse entendre que vous seriez un ami et une personne de confiance du Ministre. Si tel est le cas, comment l'agriculteur moyen pourra-t-il avoir la conviction qu'il n'y aura pas de manipulation ministérielle dans vos conclusions? Je sais que votre comité n'est pas invité à formuler des recommandations - et c'est peut-être une erreur - mais plutôt à présenter les options qui s'offrent au Ministre.

Je comprends que votre comité soit très diversifié mais je me demande, puisqu'il n'y aura pas de recommandations précises émanant de votre groupe, si le Ministre ne va pas dire, à la fin de vos travaux: «Le président, M. Molloy, a dit ceci ou cela», en laissant entendre ensuite que c'est l'avis de tout le comité, c'est-à-dire que vous avez exprimé l'avis de tout le groupe - ce qui ne sera peut-être pas nécessairement le cas étant donné vos connexions apparentes avec le Parti libéral et avec le Ministre.

M. Molloy: Je crois que c'est seulement après coup que vous pourrez juger de mon indépendance d'esprit. Je pourrais vous dire que je suis parfaitement indépendant, mais vous pourrez évidemment en juger après coup.

.0935

Je ne suis d'ailleurs pas seul. Il y a huit autres personnes qui participent avec moi à chaque décision du comité. C'est le comité dans son entier qui a approuvé la teneur du document que nous avons produit, et c'est le comité tout entier qui participera à la rédaction de notre rapport final. S'il y a un désaccord, je suis sûr qu'il sera exprimé dans le rapport.

Je ne suis que l'un des neuf membres du comité, et vous pouvez être certain que tous les membres du comité sont parfaitement capables d'exprimer clairement leur opinion.

M. Hermanson: Est-il vrai que vous vous attendez à ce qu'il ne puisse pas y avoir d'accord ou de consensus et que c'est pour cette raison que vous ne formulerez pas de recommandations mais présenterez simplement des options? Je dois vous dire que beaucoup d'entre nous connaissons déjà bien les options.

M. Molloy: Le document portant création de notre comité et exposant notre mandat indique clairement que nous sommes invités à identifier les options, avec le pour et le contre de chacune, en l'absence de consensus clair sur la problématique.

M. Hermanson: On a déjà vu bien des organismes tenir des audiences publiques, et celles-ci sont parfois utiles mais elles peuvent aussi être détournées de leurs fins par des groupes d'intérêt. Comment allez-vous empêcher qu'une réunion qui se tient à Rosetown, en Saskatchewan, soit accaparée par, disons, le SNC, les Canadian Wheat Growers, qui étaient ici tout à l'heure, les sociétés céréalières ou le Comité consultatif de la Commission canadienne du blé? Comment vous assurerez-vous que les débats sont équilibrés?

M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): Ou par le Parti réformiste.

Des voix: Oh!

M. Hermanson: Il y a eu un plébiscite et nous savons au moins que tout le monde a pu voter, sans intimidation. En ce qui concerne vos réunions publiques, vous risquez de rencontrer des groupes locaux désireux d'intimider les participants et de prendre le contrôle des débats. Cela s'est déjà vu. Quelles mesures allez-vous prendre pour éviter cela?

M. Molloy: J'ai déjà dit que nous envisageons de répartir les participants en petits groupes. De même, nous examinons différentes méthodes de composition des groupes. Nous sommes parfaitement conscients de ce que vous dites. Nous croyons cependant qu'en divisant les participants en petits groupes de travail, personne ne pourra prendre le contrôle des débats car tout le monde aura la possibilité de s'exprimer. Bien des gens hésitent à prendre la parole en public devant une grande salle mais peuvent se sentir beaucoup plus libres d'exprimer leur opinion en petit groupe. Voilà donc les mesures que nous allons prendre pour faire face à ce problème.

M. Hermanson: Ma dernière question est très brève: quel est votre budget? Combien tout cela va-t-il coûter?

M. Molloy: Pour le moment, on estime que cela coûtera environ de 1,5 à 1,6 million de dollars.

Le président: Monsieur Benoit.

M. Benoit: Merci, monsieur le président.

Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Molloy. Vous avez une tâche extrêmement importante. Si votre comité fonctionne bien et qu'il permet vraiment à tous les groupes concernés par l'industrie céréalière de s'exprimer, et si le Ministre écoute attentivement ce que vous aurez à lui dire, votre comité aura joué un rôle précieux.

Je voudrais vous interroger d'abord sur la manière dont le plébiscite de l'Alberta risque d'influer sur l'analyse du problème de commercialisation des céréales par les membres de votre comité. Les agriculteurs de l'Alberta ont décidé de commercialiser leurs grains en vertu d'un double système de commercialisation - cela a été décidé - et vous allez donc être confrontés à une réalité différente de ce qu'elle était au moment où votre comité a été constitué.

Il y a une partie des exploitants agricoles des Prairies - ceux de l'Alberta - qui a décidé de fonctionner dans le cadre d'un certain système, alors que ceux de la Saskatchewan, du Manitoba et de la région de Peace River, en Colombie-Britannique, n'ont pas encore eu la possibilité de s'exprimer. Comment allez-vous tenir compte de cela pendant vos audiences publiques?

M. Molloy: Nous allons faire le point sur la réalité concrète et sur les options disponibles mais, en ce qui concerne plus particulièrement le plébiscite de l'Alberta, c'est le comité dans son ensemble qui devra décider, pas moi individuellement.

.0940

M. Benoit: Certes, mais le comité devra bien admettre qu'il existe un système de commercialisation différent en Alberta, ou qu'il y en aura un dès qu'on aura pu le mettre sur pied. La décision a été prise de fonctionner avec un double système. Les agriculteurs auront le choix d'expédier directement à leurs clients ou de passer par la Commission.

M. Molloy: Je suppose que nous nous pencherons sur la question lorsque les changements seront vraiment entrés en vigueur.

M. Benoit: Pour moi, la décision a été prise.

Vous dites que vous avez un certain budget à consacrer à des recherches. À mon avis, l'une des questions qu'il faudrait analyser est celle de l'efficacité éventuelle de la Commission canadienne du blé lorsque ce double système de commercialisation se répandra dans l'ensemble des Prairies. Avez-vous l'intention de vous intéresser à cette question, et pensez-vous qu'elle soit importante pour votre comité?

M. Molloy: C'est l'une des choses que nous examinons actuellement. Comme je l'ai dit, nous n'avons encore pris aucune décision quant à la portée des recherches que nous devrons commander. Pour l'heure, John Heads analyse les informations disponibles, les études qui ont déjà été réalisées, car nous ne voulons pas refaire ce qui a déjà été fait. S'il y a déjà des informations qui nous semblent crédibles, nous nous en servirons.

J'essaie de ne pas répondre à votre question parce que nous n'avons pas encore pris de décision en matière de recherche. Cela dit, je ne nie pas que votre question soit très importante.

M. Benoit: Pour qui est de votre méthode de travail, vous dites que vous n'avez pas encore décidé de la manière dont le comité organisera et tiendra ses réunions. Vous avez dit qu'il y aura deux membres du comité à chaque réunion mais que le format définitif n'est pas encore fixé.

M. Molloy: C'est exact. C'est ce que nous espérons faire cette fin de semaine.

M. Benoit: Vous êtes-vous penchés sur la manière dont l'Alberta a organisé ses groupes de travail, ces dernières années, lorsqu'il a consulté les agriculteurs? Je ne veux pas dire que ce soit la seule méthode possible mais il faudrait peut-être l'examiner.

M. Molloy: Je ne peux pas dire que nous nous soyons penchés sur cette méthode en particulier. Nous avons réfléchi à diverses options, mais je ne sais pas si l'une d'entre elles était celle dont vous venez de parler. Je devrai vérifier.

M. Benoit: Je crois que cela vaudrait la peine car il y a peut-être là des éléments que vous pourriez adopter.

Merci.

Le président: Monsieur McKinnon.

M. McKinnon (Brandon - Souris): Bonjour, monsieur Molloy.

M. Molloy: Bonjour.

M. McKinnon: Je viens du Manitoba et j'aimerais vous poser quelques questions car je m'intéresse depuis toujours aux questions d'agriculture.

Votre comité pourra-t-il tenir compte de l'incidence des questions de transport sur la commercialisation des céréales? Nous avons l'impression qu'il y a actuellement certaines préoccupations concernant les transports, notamment la répartition des wagons. Je voudrais savoir si votre comité pourra se pencher sur ce problème avant d'entreprendre ses réunions publiques, éventuellement en commandant des recherches sur les options disponibles en matière de répartition des wagons.

M. Molloy: Cette question fait partie de celles qui ont été identifiées comme devant retenir notre attention. Quant à savoir si nous pourrons effectuer des recherches précises à ce sujet avant les réunions publiques, je n'en sais rien, étant donné notre échéancier.

M. McKinnon: Vous convenez cependant que c'est fondamental.

M. Molloy: Je répète que cela fait partie des questions qui ont été identifiées.

M. McKinnon: L'idée d'un double système de commercialisation suscite de vives controverses dans diverses régions des Prairies, et de plus en plus vives d'ailleurs à mesure qu'on s'éloigne de la frontière américaine. J'ai le sentiment que l'on a de plus en plus d'hésitation à se lancer dans cette voie, dans ma province. Par contre, le plébiscite de l'Alberta montre clairement que l'on y voit dans cette province une option tout à fait valable. Il faut cependant, à mon avis, que le comité soit très prudent en ce qui concerne la crédibilité d'un vote, quel qu'il soit, et de la terminologie employée.

.0945

Je voudrais aussi parler de votre stratégie de communications. J'ai l'impression que vous avez déployé beaucoup d'efforts pour préparer le document qui a été distribué. Y aura-t-il cependant d'autres brochures avant le début des réunions publiques dans les Prairies?

M. Molloy: Non, pas avant. Il se peut que d'autres documents soient distribués pendant les audiences publiques, mais nous n'avons pas prévu de distribuer autre chose dans toute la région des Prairies avant le début des audiences.

Le président: Merci beaucoup. Je vous remercie sincèrement d'être venu devant nous aujourd'hui.

Votre témoignage nous sera certainement très utile pour comprendre l'évolution de la situation, et vous pouvez être certain que nous suivrons attentivement vos travaux. Merci beaucoup.

Le prochain témoin est M. Hehn, commissaire en chef de la Commission canadienne du blé.

Monsieur Hehn, vous avez la parole.

M. Lorne Hehn (commissaire en chef, Commission canadienne du blé): Merci, monsieur le président. Je vous présente d'abord mon collègue, M. Robert Roehle, chef de nos services de communications.

Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui. Il y a beaucoup de choses dont nous pourrions parler, et dont nous devrions peut-être parler.

Comme vous le savez, la Commission canadienne du blé célèbre cette année sa soixantième année d'existence. En règle générale, ce genre d'anniversaire est mis à profit pour faire le point sur les succès accomplis - et peut-être aussi sur les défis futurs à relever. Je ne doute pas que c'est ce que nous ferons dans un instant.

Je n'ai pas l'intention ce matin de m'exprimer longuement sur les succès accomplis par la Commission canadienne du blé depuis 1935. Je me contenterai de mentionner que nos ventes cumulées de blé au cours des 60 dernières années représentent des recettes globales largement supérieures à 100 milliards de dollars, et que celles d'orge dépassent 15 milliards de dollars.

La Commission canadienne du blé est aujourd'hui le premier exportateur mondial de blé et d'orge. Pour la campagne 1994-1995, que nous venons juste de terminer, nous avons exporté du blé dans 63 pays, du blé durum dans 25, et de l'orge dans 11. Notre part du commerce mondial - cela va vous intéresser - a été pour l'année qui vient de se terminer de 21 p. 100 en ce qui concerne le blé, de 48 p. 100 en ce qui concerne l'orge de brasserie, et de 71 p. 100 en ce qui concerne le blé durum.

Sur le plan intérieur, il est difficile de mesurer les progrès réalisés mais on peut néanmoins souligner que nos minoteries fonctionnent actuellement à plus de 90 p. 100 de leur capacité, contre environ 75 p. 100 en 1990. Pour ce qui est de nos exportations de farine, elles sont passées de 15 000 tonnes en 1990 à plus de 175 000 tonnes pour l'année qui vient de s'achever.

En ce qui concerne l'orge de brasserie, les malteries du Canada avaient en 1990 une capacité de 810 000 tonnes, laquelle est passée à 1 019 000 tonnes en 1994-1995, ce qui représente une hausse de 34 p. 100. Selon nos informations, les malteries fonctionnent à près de 100 p. 100 de leur capacité, en grande partie pour l'exportation d'orge de brasserie.

Pour l'avenir, nos analystes prévoient que les importations mondiales de blé atteindront125 millions de tonnes d'ici à l'an 2005, contre environ 93 millions de tonnes pendant chacune des deux dernières années.

.0950

Nous prévoyons que le commerce d'orge passera de 16 millions de tonnes à environ17,5 millions. Cette croissance s'explique à la fois par un quasi-doublement du commerce mondial de l'orge de brasserie et par un léger fléchissement de l'orge fourragère. Vous le voyez, du point de vue de la commercialisation, notre avenir et celui de notre industrie semblent très prometteurs.

Il est clair cependant que nous sommes actuellement en pleine période de transition, à de nombreux égards. Et cela vaut pour bon nombre des entreprises du Canada. Du point de vue des idées, de l'information, de la technologie, du capital et d'un nombre croissant de biens et de services, il n'y a plus de frontières nationales. Pratiquement tout ce que nous faisons aujourd'hui est réexaminé en fonction de cette nouvelle réalité.

Comme vous le savez, l'industrie céréalière des Prairies fait également l'objet d'un examen extrêmement attentif depuis déjà quelque temps. Pratiquement chaque aspect de nos activités fait l'objet d'une remise en question cruciale. Pouvons-nous devenir plus efficaces? Pouvons-nous devenir plus efficients? Pouvons-nous rendre de meilleurs services aux agriculteurs? Pouvons-nous réduire nos coûts, accroître nos revenus et devenir plus compétitifs sur le marché mondial?

Par ailleurs, les agriculteurs remettent en question l'efficacité et l'efficience de leurs agences de commercialisation, ce qui est parfaitement légitime. Comme l'a dit le témoin précédent, ils auront l'occasion d'exprimer leur avis à ce sujet devant le comité qui vient d'être établi.

À la différence de la plupart des autres pays, le Canada a la ferme conviction qu'il appartient aux agriculteurs de décider eux-mêmes de la manière dont leurs récoltes doivent être commercialisées, et qu'ils devraient le faire au moyen d'un processus démocratique. Cela est évidemment très sain et je ne connais personne dans notre industrie qui souhaite autre chose. Ma préoccupation, cependant, à titre de commissaire en chef de la Commission canadienne du blé et d'ancien agriculteur possédant encore une exploitation, et à titre aussi, ce qui est peut-être encore plus important, de Canadien fier de l'être, c'est que le débat des années 1990 sur la commercialisation des céréales soit fondé sur des facteurs économiques plutôt qu'idéologiques et émotifs. Or, très franchement, je dois dire que l'idéologie et l'émotion ont largement pris le pas sur l'économie ces dernières semaines.

Lorsque nous arriverons à la conclusion de ce débat public, il sera important que les agriculteurs prennent leurs décisions de manière réfléchie, les yeux grand ouverts, en ayant parfaitement conscience de toutes les options qui leur sont offertes. Avec ou sans la Commission canadienne du blé, on continuera de cultiver de grandes quantités de céréales dans les Prairies pour l'exportation. Cela nous est imposé par notre petite population, par notre climat rigoureux et par l'immensité de notre territoire.

Pour moi, la question est donc relativement simple: quel est le système de commercialisation qui peut nous permettre de tirer le plus de valeur possible de nos 25 à 30 millions de tonnes de blé et de nos quelque 12 millions de tonnes d'orge? Est-ce un système dans lequel les agriculteurs vendront eux-mêmes leur production, sur un marché libre et dans un environnement global difficile, ou un système dans lequel ils vendront leur production dans un contexte de partenariat, en respectant la discipline et les règles de coopération d'un système de guichet unique? C'est là une question d'ordre économique, pas philosophique.

L'objectif de la Commission canadienne du blé est de devenir le leader mondial de la commercialisation de céréales. Notre mission est de commercialiser des produits de qualité, en offrant un service de qualité, pour maximiser les revenus des agriculteurs. À cette fin, il nous appartient de maximiser nos revenus et de minimiser nos coûts. Pour maximiser nos revenus, nous avons à notre disposition certains outils dont n'importe quel organisme de commercialisation aimerait disposer. Je vous pose donc cette question: si tout le monde souhaite obtenir les mêmes outils, pourquoi les Canadiens voudraient-ils s'en débarrasser?

Le premier outil est le guichet unique. C'est un avantage concurrentiel énorme que d'être le seul vendeur de produits canadiens sur le marché mondial. La plupart des entreprises internationales conviendraient sans doute - je l'ai déjà entendu dire - que la position dans laquelle nous sommes est très enviable.

Jusqu'à présent, les seules autres entreprises qui aient réussi à dominer le commerce céréalier international sont les grandes multinationales. Et je peux vous dire qu'elles sont beaucoup plus grandes que n'importe quelle société canadienne que vous et moi connaissons, pools compris. Les Toepfer allemands, les Dreyfus français, les Cargill américains - voilà notre concurrence. C'est un marché extrêmement concentré, où il n'y a qu'une poignée de concurrents de taille, connaissant un succès remarquable. Leur mission est cependant tout à fait différente de la nôtre dans la mesure où ils vendent des grains d'origines multiples dans le seul but de maximiser leurs profits. En ce qui nous concerne, nous n'avons à offrir que des céréales canadiennes, que nous vendons dans le but de maximiser nos revenus. La différence est importante.

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Croyez-moi, l'exclusivité est un avantage. Peut-être l'avons-nous d'ailleurs trop souligné jusqu'à présent car nos amis américains ont l'impression que les agriculteurs canadiens jouissent d'un avantage très net de par la manière dont ils sont organisés et structurés en matière de commercialisation.

Notre deuxième outil est le produit de qualité élevée que nous avons à vendre. Le seul autre pays qui s'approche de nous à ce chapitre est l'Australie. Notre système jouit cependant d'un avantage très net puisqu'il nous permet de distribuer des produits qui nous distinguent clairement sur un marché mondial très compétitif. Encore une fois, les Américains en sont parfaitement conscients, comme le montre cet extrait de la revue AgWeek, revue agricole du Dakota du Nord, du 23 octobre:

Des experts de la USDA et du nord des grandes Plaines ont examiné attentivement le marché mondial du blé et sont parvenus à la conclusion que l'Amérique a renoncé à beaucoup de marchés mondiaux de première qualité, au profit de concurrents qui sont prêts à jouer le jeu de la qualité. Alors que la USDA a concentré ses efforts sur les marchés EEP qui achètent essentiellement en fonction du prix, le Canada a concentré ses efforts sur les marchés de haut de gamme.

Voici ce que disait Richard Hahn, chef du Département des sciences céréalières de l'Université du Kansas, dans Kansas Wheat Scoop du 26 octobre:

Les acheteurs étrangers de notre blé sont de plus en plus sophistiqués en matière de qualité, et ils sont de plus en plus exigeants. Le Canada, l'Australie et l'Europe attachent de plus en plus d'importance au client dans leurs efforts de commercialisation internationale du blé. Nous n'avons pas fait la même chose et c'est pourquoi nous nous faisons battre sur certains des meilleurs marchés d'exportation de blé.

Notre troisième outil est la fiabilité de notre produit et de nos livraisons. Je n'ai pas grand-chose à dire là-dessus, si ce n'est que «fiabilité et livraison» veulent simplement dire qu'il faut fournir le produit «quand et là où on le veut». Comme nous sommes un fournisseur exclusif, par notre guichet unique, nous jouissons là d'un avantage crucial.

Notre quatrième outil est notre relation de partenariat avec le gouvernement. Comme vous le savez, c'est le gouvernement fédéral qui endosse les opérations financières de la Commission, ce qui permet à celle-ci et au ministère des Finances d'emprunter à des taux sensiblement moins élevés que ceux que l'on exige, par exemple, de Cargill. De fait, si vous comparez notre taux d'emprunt moyen à celui de Cargill International sur l'ensemble de l'année dernière, vous verrez que nous avons réalisé une économie annuelle de près de 40 millions de dollars. Certes, Cargill emprunte aussi en dessous du taux commercial normal, étant donné sa taille, et l'économie que nous avons réalisée l'an dernier serait donc plus proche de 60 millions de dollars si l'on comparait notre taux moyen au taux commercial normal.

En 1994-1995, nos frais administratifs totaux étaient d'environ 43 millions de dollars. Autrement dit, cette relation fédérale, cet outil que nous avons à notre disposition, conjuguée à la manière dont nous sommes structurés sur le plan du financement, couvre la totalité de nos frais d'exploitation - nos salaires, nos dépenses de voyage, notre chauffage, notre éclairage, notre téléphone, tout.

Les gens qui préféreraient un double système de commercialisation, les partisans du choix, disent qu'ils ne s'opposent pas à la Commission canadienne du blé. J'ai ainsi entendu M. Paszkowski dire ceci: «Nous ne sommes pas contre la Commission canadienne du blé. Il faut que les agriculteurs aient le choix.» Ils prétendent appuyer la Commission mais je me permets de vous dire que, si l'on prive celle-ci de l'un ou l'autre de ces outils, c'est comme si - pour employer une analogie - on enlevait une aile à un papillon en prétendant qu'il pourra continuer de voler. Non, on ne peut pas nous priver de l'un quelconque de ces outils en espérant que nous pourrons rester aussi efficaces et compétitifs sur le marché difficile et très concentré qui existe en dehors de nos frontières.

Si nous voulons rester efficaces à l'avenir, nous ne pouvons tout simplement pas nous comporter comme n'importe quelle société de négoce. Nous devons être plus que cela. Les agriculteurs veulent que nous soyons différents, et ils ont besoin que nous le soyons. Pourquoi diable voudraient-ils que la Commission continue d'exister si nous n'avions pas nos outils et si nous n'étions pas différents? Si nous n'avions pas tout cela et si nous ne pouvions pas leur donner un avantage compétitif?

En conclusion, monsieur le président, on a beaucoup parlé ces dernières semaines de structure, de responsabilité et de gestion. J'aimerais vous remettre un document - je le laisserai à votre secrétariat - que j'ai préparé à l'intention de notre comité de commercialisation. Il porte sur les questions de gestion de la Commission canadienne du blé, ainsi que sur certains des changements que nous avons mis en oeuvre depuis 1991 pour gérer nos activités et nous acquitter de notre responsabilité fiduciaire.

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L'un des éléments importants de ce document est une étude opérationnelle exhaustive qui a été effectuée par des experts-conseils indépendants de Toronto. Vous y trouverez aussi une analyse du processus officiel de planification de gestion et d'exploitation que nous avons mis en place, effectuée par des experts-conseils de Toronto, ainsi qu'un exposé du programme de vérification exhaustif que nous appliquons constamment, service par service, pour évaluer en permanence l'efficience et l'efficacité de nos activités par rapport aux meilleures pratiques adoptées par d'autres entreprises canadiennes.

C'est évidemment aux agriculteurs et au gouvernement qu'il revient de s'entendre sur la structure de contrôle de la Commission, et le comité sur la commercialisation permettra au dialogue de s'établir à ce sujet. Je peux vous dire très franchement que le commissaire arrive à point nommé.

Les débats et décisions relatifs à la future structure de la Commission devraient porter sur les facteurs suivants: premièrement, l'agriculteur en tant qu'actionnaire et partie prenante de notre organisation; deuxièmement, le gouvernement en tant que partenaire, notamment sur le plan des garanties financières; troisièmement, la complexité de notre champ d'action, notamment des relations avec nos clients dans près de 70 pays. Nous sommes une véritable multinationale qui oeuvre dans un domaine très complexe et qui brasse de très grosses sommes, ce dont il faudra tenir compte lorsqu'on voudra changer le système.

Cela met un terme à ma déclaration liminaire, monsieur le président. Je suis prêt à répondre à vos questions sur tous les aspects de nos activités.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Hehn.

Comme il ne nous reste que peu de temps, je vais limiter le temps de parole de chacun, en vous demandant votre coopération. J'essaierai d'accorder à peu près le même temps de parole à tout le monde.

Monsieur Chrétien.

[Français]

M. Chrétien: Monsieur Hehn, vous savez que le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire avait, ce matin, acquis une certaine importance puisque 14 députés étaient présents plus tôt. C'est près de 5 p. 100 de la députation totale à la Chambre des communes.

À titre de commissaire en chef, vous avez dressé un bilan très positif à l'aube du60e anniversaire de la Commission canadienne du blé et vous avez, avec beaucoup de conviction, présenté un rapport très positif. Cela m'emballe quoique je ne sois pas directement lié à la Commission canadienne du blé.

Il faut admettre cependant, monsieur Hehn, qu'il y a des malaises. Il y a à peine une heure, un témoin disait ici, dans cette pièce, que la Commission canadienne du blé manquait d'outils et de moyens pour satisfaire l'ensemble des producteurs d'orge ou de blé. Cela a été dit ici.

En tant que commissaire en chef, seriez-vous prêt à utiliser tous les moyens dont vous disposez, dans le cadre de vos budgets de fonctionnement, pour essayer de leur donner satisfaction? Il y a un malaise, évidemment.

Chaque semaine, je reçois du courrier venant de l'Ouest, et pas seulement d'organismes. Je reçois souvent des lettres de producteurs qui demandent que j'intervienne pour améliorer le travail de la Commission canadienne du blé.

Si on devait se plier aux résultats du plébiscite de l'Alberta, jusqu'où seriez-vous prêt à aller, en tant que commissaire en chef de la Commission canadienne du blé, pour permettre une double commercialisation?

[Traduction]

M. Hehn: Ce sont d'excellentes questions, tout à fait pertinentes.

Au sujet de la première, je tiens à préciser que nous n'avons pas ce que l'on appelle un budget d'exploitation. Nous ne sommes pas un ministère fédéral. Toutes nos dépenses sont financées par les agriculteurs et nous fonctionnons de manière très différente d'un ministère. Le seul cas où le gouvernement puisse être appelé à intervenir, sur le plan financier, serait celui d'une situation déficitaire de l'un des pools, ce qui est très rare, vous le savez. En outre, avec les changements qui viennent d'être apportés, ce le sera encore plus à l'avenir.

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Nous fonctionnons à toutes fins pratiques comme une entreprise qui commence son année le 1er août pour fournir des services à ses parties prenantes, pour vendre leurs produits et pour engranger des revenus. À la fin d'une période de vente qui dure de 12 à 14 mois, vers la fin du mois d'août, nous soldons les comptes de l'entreprise et nous rendons tous les revenus aux agriculteurs, après déduction des dépenses, au moyen d'un paiement final. C'est comme cela que nous fonctionnons.

Pour ce qui est des préoccupations des agriculteurs et d'outils supplémentaires, je dois vous dire que c'est quelque chose que nous prenons très au sérieux. Il y a deux ans, nous avons fait une enquête auprès de nos clients internationaux et une autre auprès des agriculteurs, ce qui nous a donné beaucoup d'idées nouvelles mais nous a permis aussi de mieux comprendre certaines inquiétudes.

Après ces sondages, nous avons organisé 17 sessions de réflexion avec des agriculteurs, l'automne dernier. Lors de ces sessions, les participants pouvaient discuter de tout. Il n'y avait pas d'ordre du jour préétabli. Les agriculteurs participants ont été choisis au hasard, avec l'aide des organismes pertinents. Il y avait une vingtaine d'agriculteurs à chacune des 17 sessions, qui ont été organisées dans l'ensemble de la région et qui nous ont beaucoup appris.

La première préoccupation qui a été identifiée dans ce contexte concernait le système de paiement: pouvez-vous me donner mon argent plus rapidement? Pouvez-vous accélérer le processus de redressement des paiements? Pouvez-vous accélérer les paiements provisoires? Pouvez-vous accélérer le paiement final?

Certes, d'autres questions ont également été soulevées, concernant notamment le transport et la manutention, et nous pourrons en parler si vous le voulez. Ces questions ne relèvent pas directement de la Commission canadienne du blé mais elles nous touchent indirectement. Il s'agit de questions telles que la répartition des wagons.

Nous avons adressé un ensemble de propositions d'amendements au Ministre pour tenir compte de certaines de ces préoccupations. Ainsi, nous avons demandé des amendements pour faciliter les ventes hors-exploitation parce que l'on commence à avoir plus recours à des élévateurs mobiles et au transport par camion. À l'heure actuelle, nous ne pouvons prendre livraison des grains que dans les élévateurs ou des wagons.

Nous examinons également la possibilité de payer les dépenses d'entreposage et les dépenses connexes à même les comptes des pools. Nous préférerions, dans notre programme de contrats, avoir plus recours à la carotte qu'au bâton. Les amendements demandés nous donneraient le pouvoir de payer les frais d'entreposage et une partie des frais généraux aux agriculteurs qui sont obligés de conserver des céréales sur leur exploitation à cause d'un manque de services de transport ou d'autres difficultés.

Ce pouvoir est implicite dans la législation actuelle mais je pense qu'il serait utile de...

[Français]

M. Chrétien: Monsieur le commissaire, voulez-vous accélérer? Je vois que mes collègues du Parti réformiste ont hâte de vous interroger aussi.

[Traduction]

Le président: Je voudrais rappeler à tout le monde d'être aussi bref que possible et d'éviter les longues explications qui limitent le temps de parole de chacun.

M. Hehn: Je vais donc répondre à la deuxième question, monsieur le président, sur le plébiscite de l'Alberta.

Les agriculteurs de l'Alberta ont clairement exprimé leur avis sur la question qui leur était posée, mais c'est précisément le texte de la question qui fait problème. Les deux mots «liberté» et «choix» sont loin d'être neutres. À mon sens, la question aurait dû être formulée plus ou moins comme ceci: «Voulez-vous un marché ouvert ou un marché de la Commission canadienne du blé?» Je ne pense pas que les deux soit compatibles. Comme l'a dit notre ancien commissaire en chef adjoint, cela reviendrait à essayer de mélanger de l'eau et de l'huile.

Dans un double système de commercialisation, nous n'aurions plus de pouvoir de monopole. Le recours aux pools serait strictement volontaire. Je me demande ce que deviendraient notre partenariat avec le gouvernement et les garanties financières de ce dernier, mais j'ai déjà parlé de cela ailleurs.

Cela dit, je ne prends pas le vote de l'Alberta à la légère. Les tenants de chaque thèse auront maintenant la possibilité de présenter leurs arguments au comité sur la commercialisation qui vient d'être mis sur pied par le ministre de l'Agriculture, M. Goodale. Il s'agira là d'un processus tout à fait objectif et nous verrons bien ce qu'il en résultera.

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Le président: Merci beaucoup.

Comme je viens d'accorder environ huit minutes pour ces questions et réponses, je vais donner huit minutes aussi au Parti réformiste, que ses membres pourront se partager comme ils l'entendent. Je donnerai ensuite à nouveau huit minutes aux Libéraux.

Monsieur Hermanson.

M. Hermanson: Merci, monsieur le président.

Je vais poser mes questions très rapidement et j'espère que M. Hehn pourra y répondre rapidement aussi.

Le président: Posez-les toutes à la fois et il pourra répondre ensuite.

M. Hermanson: La Commission du blé a participé au plébiscite en relevant les prix initiaux pendant cette période et en annonçant de nouveaux PDR qui ne figuraient pas dans les plans. De ce fait, il semble qu'elle ait participé très activement à la campagne pour essayer d'influer sur le résultat.

Vous dites que l'on ne peut avoir un double système de commercialisation et préserver en même temps la Commission canadienne du blé. Pourtant, il y a deux ou trois ans, la Commission disait qu'elle pourrait très bien fonctionner sur un marché continental, parce que c'était un fait accompli. Vous n'aviez certainement pas l'intention de fermer boutique à ce moment-là. Qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis?

M. Hehn: Je répondrai d'abord à votre deuxième question. Il y a une différence très importante entre un marché continental et un marché double, vous le savez fort bien, monsieur Hermanson.

Si vous voulez parler d'un marché continental, je peux également vous dire ce que j'en pense. Toutefois, quand on parle d'un marché double, cela veut dire que n'importe qui pourrait faire de l'exportation directe, ce qui est très différent. En outre, quand nous parlons d'un marché continental, c'est pour un produit particulier, ce qui est également très différent.

Pour ce qui est des PDR et des paiements, il n'y a pas eu de PDR imprévus. Ce n'est pas vrai. Les PDR ont été publiés aux dates prévues. Pour ce qui est des paiements qui ont été effectués, ils l'ont été parce que c'était justifié. Comme je viens de le dire, nous venions juste de terminer une série de sessions de réflexion au cours desquelles les agriculteurs nous avaient dit qu'ils aimeraient recevoir les paiements le plus rapidement possible.

Cette mesure était donc parfaitement conforme à ce que nous voulions faire. Ce n'est pas parce qu'il y avait un vote en Alberta que nous devions cesser toutes nos activités. Je ne l'aurais pas permis.

M. Hermanson: Vous conviendrez qu'un marché continental est une sorte de marché mondial restreint. Il y a donc là un lien avec le marché double.

Vous avez participé aux travaux du CCS, dont vous avez appuyé les conclusions. Or, nous avons accueilli l'autre jour des représentants du Comité consultatif de la Commission canadienne du blé qui nous ont dit que vous aviez eu tort et que vous n'auriez pas dû appuyer les conclusions du CCS. Je vous demande donc aujourd'hui si vous appuyez toujours la proposition que le CCS a adressée au Ministre.

M. Hehn: C'est une question dont la réponse prendra un certain temps...

M. Hermanson: Je ne vois pas pourquoi.

M. Hehn: ...puisqu'elle concerne notre rôle par rapport au CCS. Je puis vous dire que nous appuyons toujours les conclusions du CCS mais que nous avons beaucoup de réserves au sujet de la propriété des wagons.

Les personnes ayant participé aux travaux du CCS et à ceux du groupe du 16 mai savent que les questions qui ont de profondes ramifications devaient être soumises à un nouveau débat du groupe du 16 mai. De fait, elles l'ont été au mois de novembre.

Plusieurs organisations, dont au moins une grande au départ, l'Association des municipalités rurales de la Saskatchewan, et d'autres ensuite, ont dit avoir certaines préoccupations. De fait, j'ai rencontré les membres de la SARM hier pour en parler. Cette association a des préoccupations importantes, tout comme notre comité consultatif.

Pour ce qui est de la propriété des wagons, nous gardons pour le moment une position de neutralité, en attendant de voir si ces préoccupations, que partagent les agriculteurs, seront prises en compte et résolues.

M. Hermanson: Puis-je en conclure que vous penchez petit à petit vers un retrait de votre appui?

M. Hehn: Non, nous n'évoluons pas vers un retrait de notre appui. Il devrait être possible de trouver un compromis, peut-être en donnant la propriété des wagons à l'industrie elle-même. Il y a d'autres options. Je ne pense pas qu'il faille tout abandonner à cause de ce seul problème.

Quelle que soit l'orientation choisie en matière de transport, il est très important de ne pas instaurer de régime complètement commercial car notre industrie est beaucoup trop complexe pour pouvoir dépendre uniquement des signaux du marché. Le système que nous avons réussi à concevoir dans le rapport du CCS constitue un panaché d'environnement commercial, d'environnement administré et d'environnement coordonné.

Je pense que c'est une bonne formule et nous sommes prêts à l'accepter. Il y a des éléments de cette entente qui méritent d'être conservés et c'est ce que nous devrions essayer de faire.

M. Hermanson: Selon un analyste des marchés, les cours de l'orge fourragère sont constamment de 30 $ la tonne plus élevés sur le marché libre que sur celui de la Commission canadienne du blé. Et cette différence aurait toujours existé, année après année. Que répondez-vous à cela?

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M. Hehn: Je ne pense pas devoir m'excuser parce que le marché libre est plus attrayant que le marché de l'exportation. Votre information révèle la nature du marché intérieur.

Il est bien évident que, si nous voulons faire monter les prix de la Commission, nous devons avoir des livraisons.

À l'heure actuelle, le marché japonais donne au pool un rendement largement supérieur à celui du marché libre de l'Alberta.

Cela dit, pour que le pool puisse profiter de ce meilleur rendement, il faut absolument que nous puissions prendre livraison des quantités demandées.

M. Hermanson: L'un de mes électeurs qui revenait récemment d'un séjour aux États-Unis m'a dit qu'une malterie américaine avait passé à la Commission canadienne du blé une commande de 4 millions de boisseaux d'orge Manly mais que la Commission avait déclaré ne pouvoir honorer la commande parce qu'il lui serait impossible de séparer 4 millions de boisseaux d'orge Manly du reste de ses stocks. Vrai ou faux?

M. Hehn: Je ne sais pas. Je devrai vérifier. Je n'ai pas ce genre d'information sous la main. Cela dit, je ne pense pas que nous refuserions une telle commande. S'il y avait un problème, nous en discuterions avec les membres de l'industrie; si la commande n'a pas été acceptée, cela a probablement été une décision de l'industrie et non pas de la Commission.

M. Hermanson: J'ai rencontré au début de l'année deux de vos commissaires qui m'ont dit être tout à fait disposés à faire l'objet d'une vérification de la part du vérificateur général. Évidemment, le vérificateur général n'a pas de mandat envers la Commission canadienne du blé, mais celle-ci peut lui demander d'intervenir. Allez-vous le faire?

M. Hehn: Nous ne sommes pas un ministère fédéral. Nos vérificateurs externes sont Deloitte & Touche, une firme indépendante très réputée...

M. Hermanson: Je sais.

M. Hehn: ...à l'échelle internationale. Si la Commission était un ministère, c'est le vérificateur général qui se chargerait de cette tâche.

Cela dit, je n'ai aucun problème à ce que le vérificateur général vienne faire une vérification de nos activités.

M. Hermanson: Allez-vous lui demander de le faire?

M. Hehn: Pourquoi le ferais-je? Nous avons nos vérificateurs...

M. Hermanson: Parce qu'il n'a pas le pouvoir de vérifier la Commission si celle-ci ne l'invite pas à le faire. Voilà la raison.

M. Hehn: Mais pourquoi lui demanderais-je de le faire?

Parlez-en à nos vérificateurs externes. S'ils estiment qu'il y a quelque chose qui ne va pas à la Commission, ils demanderont peut-être au vérificateur général d'y mettre son nez.

M. Hoeppner: Je dis depuis deux ans que la Commission du blé court à sa perte si elle ne devient pas plus transparente et plus responsable. Au cours des 10 derniers jours, environ, nous avons appris que les commissaires de la Commission canadienne du blé ont obtenu des indemnités de départ pouvant atteindre 290 000 $.

Je vais vous lire un extrait d'un article de Agri-Week, et je vais vous demander d'y répondre, monsieur Hehn. Je vous demanderais, dans ce contexte, si nous avons raison de vous confier nos grains. Voici l'article:

Les commissaires ont toujours droit à une indemnité de départ pouvant atteindre 290 000 $, quelle que soit la raison de leur départ, même la retraite. De fait, le journaliste du Free Press est passé à côté d'informations encore plus juteuses que celles qu'il a rapportées.

En plus de leurs salaires à six chiffres, les commissaires de la Commission canadienne du blé ont droit à des primes de rendement versées à même les fonds de la Commission, à la discrétion du ministre de l'Agriculture. Les commissaires conduisent des voitures de luxe gratuites, bénéficient d'adhésions à des clubs privés et ont des forfaits de dépenses pour lesquels ils ont peu de comptes à rendre.

C'est cela que vous appelez de la responsabilité financière?

M. Hehn: Oui, monsieur Hoeppner. Et je vais vous dire pourquoi.

Les indemnités de départ de deux ans et le programme de congés trouvent leur origine dans le code des conflits d'intérêt de l'après-mandat adopté par le gouvernement fédéral au début des années 80.

M. Hoeppner: Pour les gens qui prennent leur retraite?

M. Hehn: En vertu de ce code, les commissaires n'ont pas le droit d'occuper un emploi dans l'industrie ou dans une entreprise connexe pendant les deux années qui suivent leur départ. La prime de départ est destinée à tenir compte de la perte de revenu pendant cette période.

Tout cela avait été établi par le gouvernement avant que j'accepte mon poste à la Commission du blé.

Prenons maintenant mon cas personnel. Je voudrais y consacrer une minute, monsieur le président, parce que c'est une question très sérieuse.

À l'heure actuelle, selon la Bourse de Toronto, le salaire du président de United Grain Growers est de 204 000 $. Le salaire maximum du commissaire en chef de la Commission du blé est de144 000 $. Je puis vous garantir que mon salaire ne dépasse pas cette somme.

Il se trouve, monsieur Hoeppner, que j'ai occupé ces deux postes. De fait, lorsque j'étais président de United Grain Growers, j'étais également PDG de l'entreprise et président de son conseil d'administration. J'avais donc un peu plus de responsabilités que le président actuel.

Comme j'ai occupé les deux postes, je n'ai absolument aucune hésitation à vous dire que celui que j'occupe actuellement est beaucoup plus complexe et beaucoup plus exigeant que le précédent, à tous égards, et qu'il m'oblige à rendre beaucoup plus de comptes.

Vous n'êtes pas obligé de me croire mais je vous assure que c'est mon opinion.

Le président: Très bien. Nous allons passer à quelqu'un d'autre.

Madame Cowling.

Mme Cowling: Nous venons d'entendre les représentants des Western Barley Growers et des Western Canadian Wheat Growers qui semblent avoir la conviction qu'il serait parfaitement possible d'avoir un double système de commercialisation.

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Monsieur Hehn, je reçois des appels d'agriculteurs de ma circonscription qui me disent qu'il faut avoir soit un système à guichet unique soit un double système, mais pas les deux en même temps. Que répondez-vous à cela, du point de vue économique et non pas du point de vue émotif ou idéologique?

M. Hehn: On ne peut pas avoir les deux. Croyons-en ceux qui ont une expérience concrète en la matière. M. Hetland, qui était commissaire en chef adjoint, a probablement été le meilleur vendeur de céréales au monde. Il a passé toute sa vie active à faire du marketing, depuis qu'il a commencé à vendre des semences produites par sa propre exploitation. C'est lui qui a dit que les deux systèmes se mélangeraient aussi mal que l'huile et l'eau. Un marché libre et un guichet unique sont incompatibles. «Un marché double nous donnerait le pire des deux systèmes» - c'est ce qu'il a dit dans un discours prononcé au début des années 80.

Il m'a souvent parlé de la concentration énorme du pouvoir d'achat sur le marché céréalier mondial, en me disant que l'on pourrait mettre tous les acheteurs dans une petite pièce. Il ajoutait que le rôle de l'acheteur et celui du vendeur sont très différents. L'acheteur veut beaucoup de vendeurs. C'est un principe économique très simple. Le vendeur, quant à lui, veut beaucoup d'acheteurs. L'idéal, pour le vendeur, est de se trouver seul dans une salle pleine d'acheteurs, et c'est précisément ce que nous avons avec le système de la Commission canadienne du blé.

La Commission canadienne du blé n'est pas un acheteur, c'est un vendeur. Nous sommes donc dans la position unique de pouvoir maximiser les revenus du marché. Le guichet de vente unique nous offre un autre avantage très clair dans la mesure où notre objectif est de maximiser les revenus de toute notre production céréalière. Autrement dit, lorsque la récolte est terminée et que nous connaissons les quantités et qualités de céréales produites, nous pouvons adapter nos efforts de commercialisation aux qualités que nous avons à vendre, dans le but de maximiser les revenus de toute la production.

Nous pouvons aussi tenir compte de facteurs à plus long terme, concernant des clients qui attachent peut-être plus d'importance aux quantités et aux prix.

Le président: Je précise que nous allons devoir lever la séance 10 minutes avant la tenue du vote, pour que tout le monde ait le temps de se rendre en Chambre.

Monsieur Easter.

M. Easter: Et le vote... Bien. Nous aurons peut-être besoin de plus de temps.

J'ai beaucoup apprécié votre déclaration brève et concise, Lorne, car je suis l'un de ceux qui estiment que la Commission s'est très mal fait connaître. Je pense que la situation commence à s'améliorer.

Pour ce qui est du marché double, ne peut-on dire que, lorsqu'il y a beaucoup de vendeurs, ce qui serait le cas dans un marché double, le prix s'établit au niveau du vendeur qui demande le moins? Je pense que nous en avons déjà eu un exemple lorsque la Commission du blé a perdu l'un des outils qui permettaient d'obtenir le prix maximum. Je veux parler de l'exemple japonais. Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet?

Je vous poserai ensuite une autre question.

M. Hehn: L'exemple du Japon est typique. Nous avons eu beaucoup de mal à trouver l'orge nécessaire pour répondre à la demande japonaise. En règle générale, nous signons une entente, ou un protocole d'entente, avec les Japonais garantissant une quantité donnée de blé et d'orge pour l'année civile. Cette fois-ci, nous n'avons pas pu le faire.

Je rentre juste du Japon. Nous n'avons pas pu signer de contrat avec les Japonais pour l'année civile 1996. Nous espérons que la situation s'améliorera à partir de janvier et nous avons l'intention de retourner au Japon si tel était le cas.

De fait, la situation commence déjà à se préciser. Les perspectives de rendement de la Commission commencent à se rapprocher du prix du marché hors-Commission et nous commençons donc à obtenir des contrats d'orge. Plus nous en aurons, plus nous pourrons en vendre; et plus nous pourrons en vendre, plus ces deux marchés s'équilibreront, pour que le rendement de la Commission finisse par dépasser le rendement intérieur.

Quoi qu'il en soit, je pense que la Commission est en train de se redresser et j'espère que nous arriverons à fournir aux Japonais une partie au moins de l'orge dont ils ont besoin.

Nous n'arriverons sans doute pas à leur fournir les 800 000 tonnes qu'ils voudraient obtenir pendant l'année civile 1996, mais nous pourrons peut-être leur en fournir jusqu'à 400 000 ou 500 000 tonnes. Nous verrons bien. Cela dit, nous nous privons actuellement d'un client très important qui nous achète de l'orge depuis 1970, qui exige un service satisfaisant et qui est prêt à payer une prime pour cela. De ce fait, c'est le Canada qui est le grand perdant dans cette affaire.

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Si nous ne produisions pas assez d'orge pour approvisionner notre marché intérieur, ma réaction serait différente. En effet, j'estime que le marché intérieur doit toujours être prioritaire. Nous devons veiller à approvisionner notre marché intérieur avant de nous mettre à exporter. Même si l'exportation était plus rentable, je crois que nous aurions le devoir d'approvisionner notre marché intérieur. Cela dit, toutes les statistiques nous montrent que nous produisons assez pour approvisionner notre marché intérieur et pour pouvoir vendre en plus aux Japonais.

M. Easter: À mon avis, si nous ne pouvons pas obtenir des quantités suffisantes, cela représente une perte pour l'ensemble des producteurs canadiens, ainsi que pour toute notre économie, puisque nous ne pouvons pas profiter des cours les plus élevés.

Ma deuxième question concerne le rapport du CCS. Dans une lettre que vous aviez adressée au ministre Goodale le 21 juillet, vous recommandiez que les agriculteurs deviennent propriétaires de wagons, en ajoutant que la Commission canadienne du blé serait un mécanisme efficace à cet égard. Vous savez aussi que le rapport du CCS suscite de vives controverses. Pouvez-vous me dire en quoi le fait que la répartition des wagons soit confiée aux compagnies de chemin de fer influerait sur l'efficacité de vos efforts de commercialisation?

M. Hehn: Il est peut-être plus facile de comparer l'instauration d'un environnement complètement commercial à la continuation d'une sorte d'environnement coordonné et administré. Le système idéal de demain sera probablement un système combinant les deux, mais je ne pense pas que nous puissions passer à un système strictement et pleinement commercial. Si les compagnies de chemin de fer deviennent propriétaires des wagons et assument la responsabilité de leur répartition et de leur coordination, nous aurons ce qu'on pourrait appeler un environnement pleinement commercial.

Avec 120 000 fermes; avec sept types de céréales, comportant chacun plusieurs catégories, et chaque catégorie, plusieurs niveaux de qualité, avec des paramètres de qualité dans chaque niveau, concernant par exemple la teneur en protéine et en humidité; avec 1 300 élévateurs et 900 gares; avec une capacité limitée dans le pays, une capacité de livraison immédiate de 5 millions de tonnes; avec 25 000 wagons; avec des trajets de 1 000 milles; avec 6 terminaux sur la côte ouest et 10 à Thunder Bay; avec une flotte sur les Grands Lacs; avec des centres de transfert sur le Saint-Laurent; avec 1 000 navires par an à charger, soit environ trois par jour - on ne peut s'en remettre aux signaux normaux du marché. On doit assurer une certaine coordination, une certaine administration. Notre objectif pendant ces discussions était précisément de préserver un système administré, avec une bonne coordination, de façon à favoriser la démarche de l'Équipe Canada, car c'est cela qui permet à notre industrie d'être efficiente.

Je vais vous donner un exemple précis, celui de l'accord sur le regroupement des wagons. Les compagnies de chemin de fer n'ont aucune hésitation à reconnaître que cela a produit un gain d'efficience de l'ordre de 15 p. 100 à 25 p. 100 du point de vue du transport. Et je ne parle ici que de l'accord d'échange des wagons. Or, il y a un certain nombre d'autres accords dans l'industrie qui ne sont pas imposés par les textes réglementaires mais qui favorisent l'efficience. Tant que nous aurons un mécanisme administré et coordonné, cela nous obligera à collaborer pour tirer profit des gains d'efficience et pour devenir encore plus efficients.

M. Easter: Si ce sont les compagnies de chemin de fer qui font la répartition des wagons, cela va-t-il mettre le système en péril?

M. Hehn: Oui. Si la répartition des wagons est assurée uniquement par les compagnies de chemin de fer, dans un environnement commercial, nous perdrons certains facteurs d'efficience, et c'est le regroupement de wagons qui disparaîtra probablement en premier.

Le président: Monsieur Hehn, nous vous remercions sincèrement d'être venu témoigner devant notre comité.

Je remercie tous les membres du comité de leur coopération. Je regrette que nous ayons dû abréger un peu la séance mais je dois dire que tout le monde a très bien coopéré. Je vous en remercie.

La séance est levée.

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