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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 10 octobre 1996

.1533

[Traduction]

Le président: Nous avons le plaisir aujourd'hui de recevoir un grand nombre de spécialistes de l'économie qui viennent de partout au pays. Nous ouvrons aujourd'hui nos audiences sur ce qui devrait figurer dans le prochain budget de l'État.

Hier, le ministre Martin a fait connaître les chiffres de la dernière année et les objectifs du déficit pour les prochaines années.

Nos témoins sont M. Leo de Bever, vice-président à la recherche et à l'économie du Conseil du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario; M. David Laidler, professeur d'économie à l'Université de Western Ontario.

[Français]

Nous recevons aussi, de Lévesque, Beaubien, Geoffrion Inc., M. Clément Gignac, économiste en chef et stratégiste et, de l'Université du Québec à Montréal, M. Pierre Fortin, professeur d'économie.

[Traduction]

Mme Maureen Farrow, vice-présidente exécutive et directrice de l'économie et de la stratégie en matière d'équité chez Loewen, Ondaatje, McCutcheon Ltd; M. Tim O'Neill, économiste en chef de la Banque de Montréal; M. Josh Mendelsohn, économiste en chef et premier vice-président de la Banque canadienne impériale de Commerce ainsi que M. Al Hatton, directeur exécutif des Organisations nationales volontaires.

Je vous remercie d'être ici.

Nous avons besoin de vos conseils sur trois points importants.

.1535

Premièrement, les hypothèses retenues par M. Martin dans sa mise à jour de la situation économique sont-elles prudentes? Je pense en particulier aux taux d'intérêt, à la croissance et au revenu. Dans la négative, quelle devraient-elles être pour l'année qui vient?

Deuxièmement, quel devrait être le ratio de la dette au produit intérieur brut? Nous avons déjà posé la question au vérificateur général qui, dans son rapport de 1995, a recommandé à la classe politique et aux citoyens d'accorder une plus grande attention non seulement au déficit mais aussi à la dette publique. À cela vient se greffer une question connexe: est-il possible ou opportun de réduire les impôts ou les taxes?

[Français]

Troisièmement, il s'agit de notre politique monétaire. Cela a été abordé par M. Pierre Fortin. Il dit que notre taux d'inflation est trop bas et qu'on pourrait créer beaucoup plus d'emplois au Canada avec un taux d'inflation plus élevé.

Je vais commencer par la première question.

[Traduction]

Je serais donc heureux d'entendre vos opinions sur les hypothèses économiques de M. Martin. Vous semblent-elles prudentes et quelles devraient-elles être au cours de l'année qui vient?

Qui prendra la parole en premier?

M. Leo de Bever (vice-président, recherche et économie, Conseil du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario): J'imagine que lorsqu'on est ministre des Finances on n'y gagne jamais à poser des hypothèses économiques. Si vous retenez ce que le milieu des affaires jugerait être une estimation prudente, on vous accusera de truquer les livres. Si, après coup, on voit que vous vous êtes trompé, on vous accusera d'être incapable de faire des prévisions qui se tiennent.

Il est certain que la situation des bonds du Trésor augure beaucoup mieux qu'on ne s'y attendait. Si le vent peut tourner en six mois, il est tout aussi possible qu'il se mette à souffler dans l'autre direction dans 12 mois. C'est pourquoi, lorsque l'on fait des prévisions, il faut selon moi avoir une estimation prudente et une autre un peu plus audacieuse en ce qui concerne les taux d'intérêt des bonds du Trésor pour les 12 prochains mois.

Il en va de même pour les obligations de 10 ans. Elles se situent environ à 7,5 p. 100 et l'estimation que l'on retrouve ici est de 8 p. 100. Je pense que c'est prudent. Les estimations de la croissance s'accordent avec la plupart des prévisions du secteur privé pour les pays de l'OCDE. Je crois qu'elles peuvent effectivement servir à la préparation du budget.

Le président: Merci, monsieur de Bever.

Monsieur Laidler.

M. David Laidler (professeur, Faculté d'économie, University of Western Ontario): Je n'ai pas grand-chose à ajouter à cela, sauf peut-être une chose qui n'a pas été mentionnée et qui, je crois, devrait l'être.

À la veille de l'Union monétaire européenne en 1999, je crois que les Européens vont se retrouver coincés. Deux choses peuvent se produire. Ou bien ils reportent l'échéance, ce qui aura des retombées sur les places financières internationales, y compris sur le continent nord-américain, ou bien ils iront de l'avant. Dans le deuxième cas, ils devront édulcorer passablement les conditions exigées et prendre le risque d'aboutir à une devise douteuse. Cela comporte aussi des risques d'agitation sur les marchés financiers internationaux.

Il y a trop de magouilles en Europe pour que cela n'ait pas d'effet sur les marchés de capitaux internationaux. C'est pourquoi j'essaierais discrètement de parer à cette éventualité.

Le président: En quoi l'agitation à la Communauté européenne pourrait-elle compliquer la situation au Canada?

M. Laidler: On se précipitera pour vendre certaines devises et en acheter certaines autres. L'incertitude sur les marchés financiers fera grimper les taux d'intérêt véritables dans l'économie internationale. On assistera à la même turbulence que l'on a vue lorsque la Grande-Bretagne et l'Italie ont été expulsés du mécanisme de change européen.

Le président: Merci, monsieur Laidler.

Monsieur Josh Mendelsohn, à vous la parole.

M. Josh Mendelsohn (économiste en chef et premier vice-président, Banque canadienne impériale de commerce): Pour faire suite aux propos de M. Laidler, j'aurais deux observations à faire. Les prévisions elles-mêmes ne me dérangent pas, puisqu'elles sont très prudentes. Pour faire suite à ce que disait M. Laidler, ces chiffres vont peut-être s'avérer être très prudents. Si la situation est mouvementée en Europe et si le système monétaire européen ne décolle pas, il y aura un mouvement de capitaux en faveur du Deutschmark, ce qui aura des conséquences ici. Et si certains pays trafiquent leurs chiffres, ce sont ceux que l'on pensera irréprochables qui en profiteront. Il pourrait même y avoir un mouvement de capitaux vers l'Amérique du Nord ce qui pourrait faire baisser nos taux d'intérêt en deçà de ce qui avait été escompté.

.1540

Pour le moment, notre hypothèse de travail, c'est que les enjeux politiques de l'Union monétaire européenne sont trop grands pour qu'elle ne voie pas le jour, quelles que soient les conditions dans lesquelles cela se fera. Mais si elle devait avorter, je prévois certains mouvements de capitaux vers l'Amérique du Nord, ce qui pourrait être avantageux pour les taux d'intérêt.

Mme Maureen Farrow (vice-présidente exécutive et directrice de l'économie et de la stratégie en matière d'équité; Loewen, Ondaatje, McCutcheon Limited): Ce que Josh vient de dire est très important. Revenons à l'épisode précédent l'agitation; nous étions aussi aux prises à de sérieux problèmes ici. Le déficit et la dette ne cessaient d'augmenter et nous étions accaparés par nos débats politiques. Cela nous a paralysés. Puis est survenue la crise mexicaine. La situation était très agitée.

David a tout à fait raison: en pareil cas, il est très difficile de mesurer ces retombées et de deviner où elles vont se faire sentir. Mais comme nous avons mis beaucoup d'ordre dans notre situation financière, nous allons essuyer ces tempêtes beaucoup mieux et il nous sera plus facile d'attirer les capitaux.

Le président: Merci, Maureen Farrow. Tim O'Neill.

M. Tim O'Neill (économiste en chef, Banque de Montréal): Nous allons avoir l'air d'une bande de perroquets, mais vu la prudence des hypothèses et le genre de débat qui a eu lieu jusqu'à présent il est probable que nous ferons mieux que ce qui est prévu.

Ce qu'il faut comprendre, surtout en ce qui concerne ce qu'a dit David Laidler, c'est que les données fondamentales de l'économie canadienne paraissent et sont en fait nettement différentes de ce qu'elles étaient il y a un an ou deux lorsque l'on a connu cette agitation. Quant à savoir si le taux d'inflation est trop bas, il est certain qu'il est inférieur à celui de notre principal partenaire commercial et à celui de la plupart des pays avec lesquels nous voulons commercer. Nous bénéficions aujourd'hui d'un excédent de la balance commerciale. On n'arrivera sans doute pas à le maintenir, en moyenne, pour toute l'année, mais on y arrivera sans doute l'an prochain. Et partout au pays, et pas seulement au niveau fédéral, les gouvernements se sont donné un programme budgétaire crédible.

Ajoutez à cela la compétitivité de notre structure de coûts, et vous aboutissez à une économie très séduisante pour l'investisseur, qu'il soit canadien ou étranger. Elle est très propice aux investissements. Nous en connaissons déjà les effets, puisque la vigueur des données fondamentales de l'économie dont je viens de parler a renforcé le dollar ces dernières semaines.

Mme Farrow: Il y a aussi eu une importante arrivée de capitaux sur le marché des actions canadiennes cet été. Cet afflux se poursuit et va se maintenir.

Me permettez-vous de finir, que je réponde à la première question?

Le président: Oui, je vous en prie, madame Farrow.

Mme Farrow: En ce qui concerne les hypothèses, je ne pense pas qu'on puisse faire des reproches au ministre des finances. Il a appris sa leçon. Il faut être prudent lorsque l'on fait des hypothèses économiques. Cela signifie que les taux d'intérêt qu'il prédit seront supérieurs aux prédictions de tout le monde. Vous avez beaucoup de marge de manoeuvre et vous prévoyez une croissance moins forte, de sorte que vos recettes n'ont pas l'air excessives par rapport à votre budget.

Nous pourrions en débattre toute la journée pour savoir si le chiffre devrait être de 3, 2,9 ou3,2 p. 100, et ce serait en pure perte. Dans ce budget, les deux chiffres les plus importants dont vous avez parlé vont sans doute être plus favorables. Les taux d'intérêt vont vraisemblablement être plus bas et la croissance va vraisemblablement être plus forte. C'est excellent, parce que cela signifie que nous allons surpasser encore une fois les objectifs.

Il est très important, je crois, que le gouvernement continue de réduire les dépenses et n'abandonne pas la partie avant d'avoir gagné. C'est le début du XXIe siècle que nous préparons actuellement.

.1545

Sur tous les tableaux de l'économie, nous affichons des progrès considérables. Les investisseurs étrangers avec qui je parle tous les jours voient dans le Canada un phoenix qui renaît de ses cendres. C'est fascinant. Je parle du déficit - je reviendrai à la dette dans un instant, c'est important - le compte courant, l'inflation maîtrisée, la compétitivité globale, la restructuration du secteur de l'exportation. Nous avons conquis d'énormes parts de marché dans tous nos marchés d'exportation, surtout en Asie, à l'exception du Japon.

Pour ce qui est de l'économie intérieure, tous les secteurs reliés à la population sont en cours de restructuration, qu'il s'agisse du gouvernement, des finances ou de la vente au détail. Une fois que tout cela sera réglé, vous verrez monter la confiance des Canadiens.

Les taux d'intérêt baissent et l'investisseur étranger est sur le point de redonner à notre économie une autre dose de confiance grâce à ses placements directs ici et non seulement sous forme d'actions ou de titres à revenu fixe. Cela va aussi nous donner la chance de faire quelque chose. Il est très important dans ce budget pour le gouvernement de faire le point sur nos préparatifs en vue du XXIe siècle après que les gouvernements auront préparé les plans d'activité comme ils le font aujourd'hui. De nos jours, les gouvernements agissent comme des entreprises et doivent non plus se donner des horizons de 1, 2 ou 3 ans, mais prévoir les besoins du pays pour l'avenir. C'est crucial pour notre planification sociale, notre situation démographique et notre compétitivité, si nous voulons garder cette compétitivité et miser sur elle. Au lieu de parler de réduction d'impôts, on devrait plutôt parler de réforme de la fiscalité et s'y attaquer.

Le président: Avant d'en discuter, je voudrais régler la question des hypothèses. A-t-on oublié quelque chose? Devrait-on être plus prudents ou l'est-on trop, ce qui, d'après vous, semble être une excellente chose.

Al Hatton.

M. Al Hatton (directeur exécutif, Coalition des organisations nationales volontaires): Merci, Jim. Comme tout semble baigner dans l'huile, nous ne resterons pas longtemps ici.

Le président: Il y a beaucoup de choses dont il faut discuter. Nous avons tout le temps qu'il faut.

M. Hatton: Ce qu'on vient de dire sur l'économie est tout à fait juste. Pour ce qui est des hypothèses, nous nous accordons aussi pour dire que le moment n'est pas venu de réduire les impôts.

Je représente un autre secteur que celui que l'on vient d'entendre. Je peux vous dire que nous assistons à une reprise de l'économie sans relance d'emplois. Oui, les principaux indicateurs économiques favorisent certaines entreprises et certaines couches de la société, mais il y a tout un banc de la société qui se trouve de plus en plus marginalisé. Si l'on en croit ceux qui examinent une dimension seulement de la situation, le budget comporte effectivement de bonnes nouvelles, comme tout ce que l'on vient d'énumérer, et nous sommes en faveur de cela. Il y a par contre le revers de la médaille que l'on passe sous silence. Je sais que c'est difficile pour le Comité des finances de s'en occuper. Par contre, si on veut être équilibré et voir les effets positifs pour le gouvernement et l'économie et une partie du milieu des affaires en terme d'indicateurs économiques et des réalisations du Comité des finances et du ministère, c'est excellent.

Du côté social, par contre, il y a des conséquences imprévues, et beaucoup de structures sociales, au niveau local, doivent s'adapter, qu'il s'agisse de formation, d'aide pour les enfants, de soins différents de ce qu'il y a dans le système médical, les hôpitaux et toute la structure reliée aux soins communautaires... Il y a toute une autre série de problèmes.

Tous les grands ministères qui sont censés s'occuper de la question sociale subissent des compressions. Ils sont en train de changer, mais il n'y a pas de plan de transition. On ne se soucie que de l'interne: comment licencier et comment faire des économies?

Il y a donc toute une autre série de choses dont il faut s'occuper.

Le président: Je suis d'accord avec vous. Nous aurons aussi beaucoup de temps pour nous pencher sur ces questions, qui ont autant d'importance pour nous.

Je voulais seulement que l'on réponde à nos questions standard sur les hypothèses économiques, parce que M. Martin nous a demandé de vous poser directement la question. Si vous le voulez bien, j'aimerais que l'on revienne aux hypothèses économiques. Par exemple, sont-elles réalistes et, dans la négative, que devraient-elles être?

.1550

Ensuite nous pourrons volontiers passer aux questions que vous venez de soulever.

Clément Gignac.

[Français]

M. Clément Gignac (économiste en chef et stratégiste, Lévesque, Beaubien, Geoffrion, Inc.): Je trouve un peu drôle de m'exprimer ainsi, mais cette fois-ci, je trouve les hypothèses économiques de M. Martin trop conservatrices. Je pense qu'elle sont quasiment trop prudentes. Je m'explique.

En ce qui a trait aux taux d'intérêts, ses prévisions économiques prévoient un taux de 8 p. 100 l'an prochain pour les obligations de 10 ans, soit presque 125 points de base au-dessus de ce qu'on voit aujourd'hui.

Comme les Canadiens le savent, les prévisions économiques faites par des économistes canadiens devraient être prises avec un grain de sel dans la mesure où on est perçus comme une succursale des prévisionnistes américains.

La différence qu'on observe maintenant au Canada, c'est que les taux d'intérêt sont en deçà de ceux des États-Unis et que les réserves officielles de la Banque du Canada continuent à augmenter. En fait, et cela a été mentionné par des participants auparavant, avec un compte courant en équilibre, pour la première fois en 12 ans, les Canadiens financent eux-mêmes leur déficit.

Donc, nous sommes devenus souverains au plan financier et cette souveraineté financière nous permet d'avoir des hypothèses un peu plus réalistes puisque actuellement, les hypothèses économiques du ministre au plan des taux d'intérêts sont très, très, très prudentes, très conservatrices.

Dans la mesure où on a une réserve de trois milliards de dollars pour les éventualités, a reserve for contingencies, on peut se demander si le ministre devrait conserver des hypothèses de taux d'intérêt de ce type, puisque actuellement, avec des taux d'intérêt de 125 points de base inférieurs à ce que le ministre avance, nous avons encore les taux réels les plus élevés au sein du G-7.

Avec tout ce qui se passe au plan international et au Canada, j'inviterais le ministre à se demander, dans le cadre de la préparation du prochain budget, si une telle prudence, qui pourrait amener des choix politiques en ce sens, est de mise. Il veut reporter à beaucoup plus tard des baisses d'impôt. On a exagéré le pessimisme et la prudence du côté des taux d'intérêt.

En ce qui a trait aux taux d'intérêt, il y a quatre ans, lorsque le ministre avait consulté les économistes, nous lui avions suggéré - je l'avais suggéré moi-même - d'utiliser des hypothèses prudentes. Nous avions toujours suggéré 50 points de base de plus que le secteur privé, mais je constate qu'actuellement, le ministre va plus loin que l'approche de bon père de famille qu'on lui avait recommandée à l'époque.

Le président: Merci, monsieur Gignac.

[Traduction]

Monsieur O'Neill et M. Mendelsohn, si vous le voulez bien.

M. O'Neill: Sauf votre respect, les budgets des 30 dernières années au Canada montrent que lorsque l'on retient des hypothèses relativement optimistes, on risque d'avoir de vilaines surprises. Je pense qu'on a raison d'être prudent.

Pour ce qui est des prévisions de croissance - et je vous ai remis un document que vous pourrez consulter à loisir - je ne pense pas qu'elles soient particulièrement prudentes; elles sont modestes. La prudence apparaît plutôt en ce qui concerne les taux d'intérêt. Vu notre expérience des quatre ou cinq dernières années, et la fébrilité que nous avons vue, ce n'est pas une mauvaise chose.

C'est vrai, nos taux d'intérêt réels sont encore trop élevés et ils pourraient baisser encore. Je pense qu'ils vont baisser. Dans notre propre prévision, nous nous attendons à ce que le bon du Trésor de trois mois et l'obligation de 10 ans soient de 2 p. 100 inférieurs à ce que l'on voit ici. Mais je vous rappelle que l'influence de l'économie et des marchés financiers américains ne doit pas être sous-estimée.

Il est tout à fait possible - je ne m'y attends pas, mais le risque existe - que la Federal Reserve resserre le crédit, peut-être de façon assez importante, entre les trois et six prochains mois. Dans cette éventualité, il nous serait très difficile de résister tout à fait aux conséquences ici. La prudence est donc de mise.

S'il y a resserrement du crédit, on pourra s'attendre à un ralentissement marqué de l'économie aux États-Unis, ce qui freinera nos exportations et fera planer des doutes sur la croissance annoncée.

.1555

Je n'ai rien à redire aux chiffres, qui d'après mes propres prévisions pêchent un peu par excès de prudence. C'est ce qui convient.

Le président: Merci.

Monsieur Mendelsohn.

M. Mendelsohn: Tim O'Neill a dit beaucoup de ce que j'allais dire, mais j'aimerais ajouter quelque chose.

L'idée que les chiffres sont trop prudents et que nous avons donc une marge de manoeuvre... Je pense que c'est nous exposer à la fébrilité et aux risques que nous voulons éviter.

Nous avons passé deux ans à consolider notre situation financière. Nous avons connu plus de20 ans de déficit, de promesses non tenues. Au moment où les Européens s'efforcent de répondre aux critères de l'union monétaire, nous risquons de voir augmenter la prime de risque sur les taux d'intérêt si nous faisons mine de marche arrière. Si nous nous engageons dans cette voie, je préconiserais un taux d'intérêt encore plus prudent, sans quoi nous nous exposons à devoir payer à nouveau cette prime de risque.

Tout va extrêmement bien aujourd'hui. Rares sont ceux qui ont cru que l'on pourrait avoir un écart de 150 points de base en moins sur les bonds du Trésor de trois mois, et que ça dure. Nous nous attendons à ce que cela se maintienne, à peu près, jusqu'en 1998 et peut-être par après.

Si nous faisons marche arrière, nous allons en payer le prix. Il faut en tenir compte et si nous nous engageons dans cette voie, je dirais qu'il faudrait sans doute augmenter ces tarifs.

Le président: Merci beaucoup.

Pour terminer, sur la question des hypothèses, monsieur Fortin.

[Français]

M. Pierre Fortin (professeur d'économie, Université du Québec à Montréal): Cette question des hypothèses économiques est assez importante. Il me semble que les hypothèses que le ministre fait vont clairement dans la direction de la prudence et que c'est comme cela qu'il devrait agir. Je ne prends pas sa prévision de croissance de 3 p. 100 du PIB comme étant trop prudente. Il faut utiliser les principes de base d'Économique 101 pour comprendre que les trois plus importants facteurs qui influent sur la croissance économique au Canada sont la croissance économique américaine, la pression sur les dépenses publiques au Canada et, troisièmement, le niveau des taux d'intérêt au Canada. Donc, si on compare 1997 à 1996 à cet égard, on perçoit une possibilité qu'il y ait un léger ralentissement, au moins aux États-Unis, par comparaison à 1996, comme vient de le souligner Tim O'Neill.

Deuxièmement, si on regarde les prévisions budgétaires des gouvernements fédéral et provinciaux, il semble assez clair qu'en 1997, les compressions budgétaires sur les dépenses vont être aussi considérables qu'en 1996. Les dépenses baissent en termes réels et absolus de 1,5 p. 100 cette année et on prévoit la même chose pour l'année prochaine.

Ces deux facteurs n'ajouteront pas à la pression favorable à la croissance l'année prochaine. Cela ne signifie pas qu'on s'oppose au redressement des finances publiques et à la lutte au déficit. C'est simplement qu'à court terme, si on prend une prévision de croissance, il faut tenir compte de ce facteur.

Troisièmement, le ministre pose une hypothèse de taux d'intérêt moyen de 5,3 p. 100 pour l'année 1996-1997, et je pense que c'est assez prudent. Il me semble assez clair que la pression négative des deux autres forces que je mentionne sur l'économie, sera encore forte et que la banque centrale sera amenée à maintenir une politique d'argent relativement bon marché pour toute l'année 1997.

Dans ce sens-là, je m'attends beaucoup plus à un taux d'intérêt moyen de moins de 5 p. 100, quoi qu'il arrive au taux d'intérêt américain à court terme. Je ne serais pas surpris que le 3 p. 100 du ministre, qui semble très prudent à beaucoup de mes collègues, soit effectivement ce qu'on atteigne, étant donné les forces négatives autres que la politique monétaire qui agissent sur l'économie canadienne. Le seul facteur vraiment fort sur l'économie à l'heure actuelle, ce sont les taux d'intérêt.

.1600

Donc, d'un point de vue stratégique, le ministre est dans la bonne voie. Je pense que ses hypothèses pourraient même être atteintes dans le cas du PIB et que le taux d'intérêt sera peut-être un peu plus bas que ce qu'il prévoit.

Le président: Merci. Monsieur Gignac, s'il vous plaît.

M. Gignac: Pour ce qui est de mon intervention concernant les taux d'intérêt au niveau de la croissance économique, je suis très à l'aise avec le ministre. M. Fortin a déjà mentionné que, du côté des taux d'intérêt, nous recommandons une stratégie prudente, mais nous ne recommandons pas au ministre d'être plus prudent qu'il ne l'est depuis trois ou quatre ans. Nous lui recommandons d'utiliser la moyenne du secteur privé plus 50 points de base.

Ce que j'ai voulu mentionner dans mon intervention précédente, c'est que j'avais le sentiment qu'il utilisait maintenant un coussin beaucoup plus confortable, beaucoup plus important qu'au cours des trois dernières années, étant donné certains changements qui ont été mentionnés précédemment, dans la mesure où cette décision pourrait priver les Canadiens de baisses d'impôts ou, du moins, priver l'économie canadienne de connaître une croissance s'il y avait un ralentissement aux États-Unis. Je ne fais que lui recommander la méthode qu'il suit depuis trois ans. J'avais simplement constaté hier qu'il se créait un bas de laine additionnel que nous n'avions jamais recommandé par le passé.

[Traduction]

Le président: Madame Farrow.

Mme Farrow: J'aimerais revenir sur les 3 p. 100. Je dirais que cela n'est plus adhérer à la règle de la prudence.

D'ordinaire, les documents du budget utilisent un pourcentage de croissance d'un demi-point inférieur à la moyenne des prévisions courantes. La prévision courante est de 3,1 p. 100 d'après le document et le chiffre ici est de 3 p. 100.

Le risque dans ce budget, si vous me passez l'expression, c'est que même si le chiffre du taux d'intérêt est très prudent, on n'est peut-être pas assez prudent en ce qui concerne la croissance de l'économie, le véritable volet de l'économie.

Je pense qu'il faut s'en préoccuper, parce que le cycle a été très long. Nous espérons que le cycle soit allongé aux États-Unis. Nous espérons que nos exportations vont se maintenir dans le monde et que le consommateur canadien va se mettre à dépenser. Tout cela comporte des risques. Le bilan financier des Canadiens n'est pas reluisant.

Beaucoup d'entre nous pensent que l'élan de la croissance va se maintenir. Ici, j'aurais aimé voir un chiffre autour de 2, quelque chose: 2,5 ou 2,7. Les hypothèses me conviennent tout à fait.

Le président: Merci.

Quelqu'un veut-il poser des questions à nos témoins sur les hypothèses économiques ou doit-on passer à la prochaine question?

Monsieur Bélisle.

[Français]

M. Bélisle (La Prairie): Ma première question s'adresse à M. Mendelsohn. Vous avez dit que le taux d'inflation prévu sera plus faible que celui de notre principal concurrent, les États-Unis. Le président vous a demandé si on devait laisser monter ce taux d'inflation pour stimuler la demande et la croissance économique. Quelle est votre opinion là-dessus?

Le président: J'avais l'impression que c'était la troisième question qu'on avait posée aux experts concernant - c'était la thèse de professeur Fortin - le taux d'inflation et la création d'emplois. Avec votre permission, on pourrait peut-être prendre...

M. Bélisle: D'accord, monsieur le président. Si vous me le permettez, je poserai une autre question. L'un de nos témoins est sorti un peu des sentiers battus par rapport aux autres témoins et a parlé d'une dimension que je trouve très intéressante. C'est M. Hatton.

Il nous disait quelque chose de bien intéressant. Ici, je pense qu'il s'agit plutôt d'une reprise sans création d'emplois. Il nous a dit également qu'il y avait tout un volet dont on ne parlait pas et qu'il ne fallait pas oublier toute la dimension sociale. La question que je pose à M. Hatton est la suivante. Pourriez-vous nous décrire plus en détail ce que, d'après vous, le ministre des Finances a oublié jusqu'ici, soit toute cette dimension à laquelle vous faisiez allusion?

.1605

[Traduction]

Le président: Brièvement, monsieur Hatton, parce que nous allons revenir sur le problème de l'emploi après.

M. Hatton: Dans ce cas, je veux bien attendre. Si nous allons en discuter, faisons-le à fond et ne nous contentons pas d'effleurer la question. C'est mieux ainsi. Je vais répondre à votre question, monsieur le député.

[Français]

M. Bélisle: Monsieur le président, je pense que je vais vous laisser poursuivre la réunion. J'ai deux ou trois autres questions en réserve et vous me dites qu'on va les aborder un peu plus tard. Je vous laisse aller.

[Traduction]

Le président: J'aimerais qu'on en reste là à propos de la première question que nous avons posée à nos experts sur les hypothèses économiques. Nous passons ensuite à la deuxième question, la dette et les réductions d'impôt, puis on discutera de la question soulevée par M. Fortin, la politique monétaire et son effet sur l'emploi. Nous passerons ensuite aux autres points dont vous voudrez discuter.

Pour résumer, on nous a dit que la mise à jour de M. Martin se caractérise par sa prudence. Un certain nombre d'éventualités menacent du côté de la communauté européenne. Il y a aussi l'augmentation du taux d'intérêt aux États-Unis, la réduction de notre accès au marché américain et l'effet modérateur des réductions de dépenses au Canada sur notre économie, y compris le fait que la croissance risque de ne pas atteindre 3 p. 100. Les hypothèses sont donc prudentes mais il y a lieu d'être vigilants.

Passons donc maintenant à la prochaine question, qui a été soulevée par le vérificateur général en 1995. Il a conseillé aux parlementaires et aux citoyens d'accorder plus d'importance au montant de la dette et non seulement au déficit. Le ratio de la dette et du PIB est extrêmement élevé, l'un des plus forts des pays du G-7. Seule l'Italie nous devance. Pendant combien de temps encore peut-on vivre ainsi? Conviendrait-il d'étudier cette question lors de nos délibérations? Quelles sont les conséquences? Que penserait-on de réductions d'impôt maintenant?

Josh Mendelsohn.

M. Mendelsohn: Les arguments sont je crois bien connus. Il y a des arguments à long terme et à court terme en faveur de la réflexion sur la dette. Toute la question du déficit tourne autour de la nécessité de stabiliser le ratio de la dette pour le réduire. Les principales questions à long terme sont les transferts intergénérationnels et le fardeau de cette dette.

Si cette dette avait été accumulée et l'était encore pour nous doter d'immobilisations permettant aux générations futures d'être plus productrices et de jouir d'un meilleur niveau de vie, j'accepterais volontiers parce qu'il appartient aux générations futures d'en assumer une partie du coût. Mais la quasi-totalité de cette dette a été accumulée pour maintenir la consommation actuelle. Ce que nous faisons, c'est imposer le fardeau de notre dette aux générations futures. De fait, nous l'imposons même aux générations actuelles, parce qu'une partie de la génération X, la génération post-baby-boom et même les derniers baby boomers paient une partie du prix que représente le coût des études ou les suppressions de services effectuées pour stabiliser la situation.

Deuxièmement, ici comme dans tous les pays industrialisés, on parle beaucoup du vieillissement de la population. Elle exercera des pressions énormes sur les pouvoirs publics et sur la population active; il faudra s'occuper des pensions, des soins de santé et d'autres problèmes reliés au vieillissement. Tous ces facteurs risquent de faire gonfler la dette si nous n'agissons pas aujourd'hui pour la réduire de façon considérable de manière à nous préparer à y faire face dans l'avenir.

Troisièmement, on a déjà rappelé ici qu'il peut se produire un événement malheureux, comme la crise mexicaine. On s'interroge par exemple sur le crédit de la Malaysia à cause de ses comptes courants, de son endettement, etc. L'Indonésie est un autre cas. C'est déjà arrivé avec le Mexique, et le Canada a été emporté dans la tourmente à cause de son endettement. Il y a aussi d'autres choses.

.1610

Je pense donc que même à long terme la cause est entendue. Il faut corriger le problème car c'est cela le vrai problème. Mais même à court terme, je pense qu'il faut s'en occuper à cause du risque que cela présente: il se pourrait que nous tombions dans le piège où sont tombés d'autres pays et que nous perdions notre crédibilité.

Enfin, pour ce qui est d'une réduction possible d'impôt, supposons un instant que nous nous trompions tous, que l'économie va au contraire connaître une croissance de 4 p. 100 et que les taux d'intérêt vont baisser. À mon avis, nous avons nettement accepté des coûts pour en arriver à ce résultat et nous avons mis bien du temps à nous en occuper. Il y a des coûts à assumer.

Qui plus est, si nous pouvons stabiliser la situation, il vaut mieux le faire rapidement, pendant que nous avons encore l'appui du public. Par la suite, nous pourrons voir plus loin et examiner les possibilités de réduction d'impôt et de certaines autres mesures, vu que nous sommes en train de réduire le ratio d'endettement. À mon avis, ce serait préférable de procéder de cette façon.

Pourquoi faire traîner les choses si nous pouvons contrôler la situation plus rapidement?

Le président: Merci, monsieur Mendelsohn.

Si je puis vous interrompre, trois autres experts viennent de se joindre à nous. Nous accueillons donc, de l'Organisation nationale anti-pauvreté, la directrice exécutive, Lynne Toupin; de la Banque Royale du Canada, le vice-président senior et économiste en chef, M. John McCallum; et de l'Institut Fraser, le directeur, M. Michael Walker.

Bienvenue et merci d'être venus.

John McCallum, je vous ai vu lever la main.

M. John McCallum (vice-président senior et économiste en chef, Banque Royale du Canada): Tout d'abord, monsieur le président, je m'excuse d'être en retard. J'étais à Québec ce matin et je me suis rendu compte que la seule façon de me rendre à Ottawa était de conduire. C'est ce que j'ai fait, mais je suis arrivé un peu en retard.

Je voudrais très rapidement dire trois choses à ce sujet. D'abord, il me semble que nous n'aurions pas eu les réductions très importantes des taux d'intérêt que nous avons connues depuis environ un an sans le plan central financier du gouvernement fédéral.

Comme nous le signalons dans un rapport que je vous ai fait circuler, ces taux d'intérêt plus faibles vont sans doute entraîner la création de centaines de milliers d'emplois au cours des quelques prochaines années. Il ne faudrait donc pas compromettre ces centaines de milliers d'emplois permanents en instaurant un stimulant fiscal qui ne pourrait permettre, au mieux, que de créer quelques dizaines de milliers d'emplois.

Deuxièmement, pour ce qui est d'avoir des réductions d'impôt permanentes plutôt que temporaires, il me semble qu'une réduction marquée et permanente des impôts constituerait un revirement complet pour le plan budgétaire général du gouvernement et que cette notion devrait donc être rejetée.

On pourrait peut-être, cependant, réduire un peu et de façon provisoire l'impôt sur le revenu, mais le problème, c'est que bon nombre d'études notent que les réductions provisoires d'impôt sur le revenu sont les mesures les moins efficaces qui soient pour ce qui est de créer des emplois.

Donc, si la priorité du gouvernement est de créer des emplois, une réduction d'impôt ne serait pas très efficace et ce serait peut-être préférable d'opter pour une réduction des cotisations à l'assurance-chômage.

Mon troisième et dernier point a trait à l'argument du conflit des générations. C'est la génération d'après-guerre et les personnes de l'âge d'or qui ont le plus profité de l'accumulation de la dette. Nous ne pouvons même pas dire encore que nous avons commencé à la réduire. Les membres de la génération d'après-guerre ont maintenant atteint l'apogée de leur carrière et ce sont eux qui profiteraient le plus d'une réduction importante de l'impôt.

Il me semble donc quelque peu malséant que ces Canadiens plus âgés incitent le gouvernement a réduire considérablement les impôts puisque cela serait dans leur propre intérêt, alors qu'ils ont déjà profité de l'accumulation de la dette.

Si nous options pour cette solution, nous risquerions de ne pas rabaisser suffisamment le ratio d'endettement et de laisser les Canadiens plus jeunes encore plus dans le pétrin. Il me semble que dans cinq ans ou plus, à mesure que le ratio d'endettement baissera, nous aurons bien le temps d'instaurer des réductions d'impôt abordables pour les jeunes qui seront à ce moment-là au milieu de leur vie de travailleur.

Il me semble donc essentiel de réduire le ratio d'endettement. Je crois aussi que toute réduction marquée et permanente des impôts irait à l'encontre de l'objectif visé non seulement dans l'intérêt de la justice intergénérationnelle, mais aussi parce que cela risquerait d'être un revirement total dans le plan budgétaire du gouvernement, qui est un facteur critique pour maintenir les taux d'intérêt plus faibles.

Le président: Merci, John McCallum.

Michael Walker.

.1615

M. Michael Walker (directeur exécutif, Fraser Institute): Merci beaucoup, monsieur le président. Malheureusement, mon document n'est pas encore arrivé. Je l'ai envoyé de l'avion par télécopieur, mais il faut maintenant le photocopier et il devrait être prêt d'ici peu.

Certaines des choses que je voudrais dire seraient plus évidentes si nous avions sous les yeux les tableaux et le graphique auxquels je vais me reporter. Je pense donc que je vais attendre d'avoir reçu les documents avant de présenter l'un de mes arguments parce que ce serait impossible de bien le faire sans le graphique.

Par ailleurs, pour ce qui est du sujet dont nous discutons maintenant, si j'ai bien compris - quelles sont les normes qui nous permettent de mesurer le comportement financier - il me semble que, ce que le ministre des Finances nous demande à nous et au comité de faire, c'est de discuter des normes qui permettent d'évaluer la position globale du gouvernement.

Cela nous amène à nous demander comment on peut évaluer la situation du gouvernement à l'heure actuelle, avant même de commencer à discuter de ce qu'on pourrait faire pour établir des normes pour l'avenir.

Il importe de se rappeler que ce n'est pas vraiment parce que le Canada se tire tellement bien d'affaire en termes absolus sur le plan financier qu'il fait belle figure en 1996. C'est simplement parce qu'on nous compare à la piètre performance du Groupe des 7. Notre performance semble relativement bonne si nous la comparons à celle des autres pays du G-7 et, certainement, si nous la comparons à notre performance passée. Ce n'est cependant pas très reluisant si nous nous servons d'autres normes. Par exemple, notre performance n'est pas très bonne par rapport à celle des pays membres de l'OCDE qui se classent au premier rang. Elle n'est pas très bonne par rapport à celle de la Nouvelle-Zélande. Elle n'est même pas très bonne par rapport à celle d'un pays qui a eu autant de problèmes que le Chili.

Notre performance semble bonne par rapport à celle des pays du Groupe des 7 et c'est ce que nous devons nous rappeler. Il y a une vieille expression au marché de la bourse qui dit qu'on ne doit pas confondre un marché à la hausse et un coup de génie. Dans une certaine mesure, nous paraissons bien uniquement à cause de la piètre performance d'autres pays.

Le deuxième fait à signaler, c'est qu'il y a une chose bien évidente à laquelle nous pourrions comparer la position financière actuelle du gouvernement fédéral, soit la performance des provinces. Bon nombre des provinces sont en bien meilleure posture financière que le gouvernement fédéral.

Au Fraser Institute, nous établissons un indice des dépenses, un indice du revenu et un indice du déficit et de la dette. Nous avons publié ces données il y a quelques semaines. Du côté des dépenses, le gouvernement fédéral se classe au troisième rang. Du côté du revenu, c'est-à-dire la mesure dans laquelle le gouvernement a réussi à augmenter ses recettes pour atteindre ses objectifs de réduction du déficit, on constate que le gouvernement fédéral se classe bon dernier sur 11 gouvernements. Du côté de l'indice du déficit et de la dette, le gouvernement fédéral est avant dernier.

Dans l'ensemble, par rapport aux gouvernements des provinces, le gouvernement fédéral se classe troisième avant-dernier du côté de sa performance budgétaire.

Si nous voulons répondre à la demande du ministre de lui fournir des conseils sur le genre de normes qu'il faudrait respecter, nous ne devons donc pas simplement nous satisfaire de calculs arithmétiques. Nous devrions plutôt établir des normes exigeantes qui nous permettront de bien évaluer la performance fédérale.

Quand nous nous demandons ensuite quel genre de calcul il faudrait faire, il y a certaines choses que nous pourrions proposer à titre d'économistes au ministre et au comité.

Il y a environ 18 mois, le Fraser Institute a publié ce que nous avions appelé les comptes générationnels du Canada. Ce rapport vise à examiner, simplement sur le plan arithmétique, les conséquences futures des positions financières actuelles, y compris la dette, les promesses de payer certains montants dans le cadre de divers programmes sociaux et les fardeaux fiscaux que cela entraîne. Cet exercice comptable nous a menés à une conclusion assez horrible, soit que simplement pour maintenir le système actuel, il faudrait augmenter les impôts de 68 p. 100.

.1620

Ces résultats ont été plus ou moins confirmés récemment dans une autre étude semblable à celle faite par l'Institut de recherches en politiques publiques, fondée également sur le modèle des comptes générationnels.

Je dirais que les calculs vraiment innovateurs que votre comité pourrait envoyer au ministre, pour sa gouverne, consisteraient non seulement à inclure les chiffres réels et estimatifs pour quatre ou cinq ans, mais aussi à proposer que le gouvernement commence à examiner ce que j'appellerais les implications réelles de la situation financière actuelle.

Je mentionnerais que le gouvernement lui-même a déjà commencé sur cette voie puisqueM. Dussault, l'actuaire en chef du gouvernement, a calculé la valeur actuarielle escomptée de nos obligations futures dans le cadre du régime de pensions du Canada et des divers programmes de sécurité sociale.

Le président: Merci, monsieur Walker.

David Laidler, je vous en prie.

M. Laidler: Tout à l'heure, certains ont mentionné que les éléments fondamentaux étaient en place. Je ne pense pas que ce soit le cas, car à mon avis c'est le ratio d'endettement par rapport au PIB qui est l'élément fondamental qui doit servir à évaluer la politique budgétaire.

À mon avis, ce ratio indique surtout jusqu'à quel point il nous serait possible d'emprunter à des fins de stabilisation la prochaine fois qu'il y a un ralentissement de l'économie. Je dirais que c'est beaucoup plus urgent que le fardeau qui pourrait revenir aux générations futures.

À cet égard, les chiffres ne sont pas très encourageants. J'ai quelques données de l'étude de la Banque du Canada de l'été. Si l'on additionne les données du gouvernement fédéral et des provinces, pour 1995-1996, le ratio d'endettement représente 103,3 p. 100 du PIB et on prévoit 103,1 p. 100 du PIB en 1997-1998.

Si l'économie américaine connaît un ralentissement au cours des quelques prochaines années et s'il y a en même temps une période de turbulence monétaire en Europe, il n'est pas clair qu'avec un tel ratio d'endettement, nous pouvons nous attendre à des entrées de capital qui permettraient d'abaisser nos taux d'intérêt. Je pense donc que nous sommes dans une situation des plus précaires.

En outre, comme l'a dit Mike Walker, il faut tenir compte des provinces tout autant que du gouvernement fédéral lorsque l'on examine ces ratios et le ratio d'endettement des provinces se situe entre 29 et 30 p. 100 du PIB canadien.

Je sais que ce n'est pas le moment d'entrer dans les détails, mais j'ai de graves réserves en ce qui concerne la politique économique de l'Ontario. Celle-ci me semble des plus laxistes. Le ratio d'endettement par rapport au produit provincial continue à augmenter à cause des réductions d'impôt, malavisées, à mon avis.

Je ne peux m'empêcher de penser que cette politique va fort probablement miner la crédibilité des instruments d'emprunt canadiens sur les marchés internationaux et que si jamais il y a ralentissement aux États-Unis, c'est l'Ontario qui sera le plus durement touché.

J'en viens donc à la conclusion qu'il n'est absolument pas possible de réduire les impôts pour l'instant. De toute manière, je ne préconise pas de réduction d'impôt lorsque l'économie est en expansion et continuera sur cette voie, d'après les prévisions. J'attendrais plutôt que l'économie ralentisse et alors je pourrais me permettre une marge de manoeuvre financière un peu plus grande. Je commencerais à m'inquiéter des générations futures lorsque le ratio d'endettement sera de 70 ou 60 p. 100, ce qui est très loin encore.

Le président: Merci, David Laidler.

Lynne Toupin.

Mme Lynne Toupin (directrice générale, Organisation nationale anti-pauvreté): J'aimerais faire un commentaire et poser une question. Tout d'abord, je crois que c'est très clair, du point de vue de notre organisme et de nombreux autres, que nous sommes tout à fait d'accord avec ce que M. Martin a dit hier, c'est-à-dire qu'il ne voulait pas réduire les taux d'imposition.

Je pense qu'il avait parfaitement raison hier lorsqu'il a déclaré que cela entraînerait une réduction des recettes, et quels programmes allons-nous alors couper?

Je veux simplement déclarer publiquement que nous sommes tout à fait en faveur d'exclure une réduction d'impôt à cause de l'incidence qu'une telle mesure aurait sur les recettes et par conséquent sur les programmes - ainsi qu'à cause de son incidence disproportionnée sur les différentes classes.

.1625

Ma question porte plutôt sur l'endettement. J'aimerais savoir comment il faudrait procéder si nous voulons commencer à réduire notre endettement. À mon avis, la baisse des taux d'intérêt ne suffit pas. Il faut donc chercher songer à sabrer encore dans les programmes.

Il importe que nous sachions si vous regardez plus loin que la réduction du déficit pour vous attaquer à l'endettement. Je présume que nous voudrons réduire les programmes, et j'aimerais savoir à quel moment... quels sont les types de programmes que nous devrions envisager de réduire si nous voulons aller jusque-là. Que reste-t-il au gouvernement fédéral... si nous voulons continuer à gruger la dette?

Le président: Voilà une question très importante. Nous, de ce côté-ci de la table, aimerions beaucoup connaître la réponse.

Tim O'Neill.

M. O'Neill: J'aimerais revenir sur ce qui a été dit au sujet de l'importance du ratio d'endettement par rapport au PIB. Je ne sais pas quel est le chiffre à retenir; peut-être n'est-ce pas la moyenne des «horribles sept». Nous aimerions certainement éliminer l'Italie du calcul, mais nous voulons garder le Japon.

Clairement, vu un ratio d'endettement quatre fois supérieur à celui du Japon et de 50 p. 100 encore supérieur à celui des quatre autres membres - excluant l'Italie, nous-mêmes et le Japon... Même si cela ne sert que de point de départ, nous avons manifestement beaucoup de chemin à parcourir, selon les chiffres de David, si l'on additionne l'endettement de tous les gouvernements au Canada.

Lorsque l'on dépasse les 100 p. 100, cela devient une position intenable. En fait, je vous rappelle à tous qu'il n'y a pas si longtemps, lorsque nous étions réunis en groupes comme celui-ci, on nous demandait non pas si mais quand le Canada arriverait au bout de son rouleau.

Je me suis rendu à New York, il y a environ trois ans, et j'y ai rencontré des gens de Wall Street. On ne demandait pas si cela allait se produire, mais simplement quand. C'est un rendez-vous que nous avons réussi à repousser considérablement.

Tout comme David, je pense que l'élément fondamental de la politique budgétaire, c'est le ratio d'endettement par rapport au PIB. Mais par éléments fondamentaux, j'entends plutôt ce qu'il faut pour maintenir une certaine stabilité sur les marchés financiers, mais faudra s'attaquer à cette question pour le long terme.

Il ressort clairement que l'un des coûts de maintenir ce ratio d'endettement élevé prend la forme de taux réels à long terme supérieurs à ce qu'ils seraient autrement. Pour qu'il y ait changement à ce niveau, une réduction considérable est absolument nécessaire, quels que soient les moyens adoptés pour y parvenir.

Ensuite il y a les coûts du service de la dette qui mangent environ 35 à 36 p. 100 des recettes. Donc si le gouvernement souhaitait à un moment donné une plus grande marge de manoeuvre - que nous soyons ou non d'accord sur l'opportunité d'entreprendre de nouveaux programmes de dépenses, des réductions d'impôt ou le remboursement de la dette - à l'heure actuelle, ces options ne s'offrent pas à nous. Comme l'a dit David, nous n'avons pas la marge de manoeuvre qui nous permet d'adopter des politiques budgétaires anticycliques. Est-ce souhaitable - nous pourrions en débattre - mais pour l'instant, ce n'est tout simplement pas possible.

En ce qui concerne l'aspect fiscal, je suis persuadé que le débat est loin d'être terminé. Toutefois, en dernière analyse, l'objectif, c'est de nous attaquer au ratio d'endettement par rapport au PIB.

Quant à un budget équilibré, nous avons parcouru environ la moitié du chemin, si nous comparons la situation actuelle à ce qu'elle était il y a trois ans lorsqu'au palier fédéral le déficit dépassait 40 milliards de dollars. Selon les prévisions qu'on nous donne maintenant, à la fin de la présente année financière, nous serons à mi-chemin de l'objectif.

Si l'on court un marathon, on ne voit pas la ligne d'arrivée. On sait où elle est et on sait ce que c'est mais on ne peut la voir. On n'est pas sûr de la météo qui risque de déranger sa stratégie. On ne s'arrête pas pour déjeuner.

Je dirais qu'une réduction d'impôt est exactement une pause rafraîchissements qui n'est pas à mon avis nécessaire dans le programme financier. Il est très clair qu'il nous faut au moins parvenir à un point où nous aurons équilibré le budget.

Ensuite, savoir ce que l'on peut faire du dividende financier... On n'en a pas encore, quand on a un déficit de plus de 20 milliards de dollars et, cette dernière année, de près de 30. Nous n'avons aucun dividende à dépenser ou utiliser; loin de là.

Le président: Merci, monsieur O'Neill.

Josh Mendelsohn, s'il vous plaît.

.1630

M. Mendelsohn: Tout d'abord, ce que j'entends ici renforce ce que j'essayais de dire, à savoir que, si nous avons la chance de pouvoir accélérer le processus parce que l'économie est plus forte, ou pour toute autre raison, c'est tant mieux. N'abandonnons pas tout de suite.

J'aimerais vous faire part de deux indicateurs non scientifiques. Cela répondra peut-être un peu à la question de Lynne Toupin à propos du ratio de la dette au PIB. Faudra-t-il sabrer encore dans les programmes?

D'après ce que l'on voit dans le reste du monde, ce n'est pas nécessairement le cas. Je vais vous donner deux exemples qui viennent l'un et l'autre du rapport annuel de 1996 de la Communauté économique européenne.

Celui du Danemark d'abord, et permettez-moi de vous citer un petit paragraphe:

L'Irlande se trouve dans une situation similaire. Considérez la Nouvelle-Zélande aussi.

Selon la conjoncture, c'est peut-être plus difficile dans les premières années que dans d'autres. Mais, de façon générale, lorsque les éléments fondamentaux sont bien établis, si l'on ne s'emballe pas, on parvient à relancer l'économie. En définitive, si l'on veut accroître et améliorer le bien-être de la population, la seule façon d'y parvenir est l'expansion. Mais il faut que les piliers nécessaires soient bien ancrés si l'on veut aboutir à quoi que ce soit. C'est tout ce que voulaient prouver ces exemples.

Le président: Merci, monsieur Mendelsohn.

Maureen Farrow.

Mme Farrow: Je voulais revenir sur un certain nombre de ces points. Tout d'abord la dette est le gros problème, pour toutes les raisons que David et d'autres ont données.

Le gouvernement et tous les Canadiens doivent montrer qu'ils sont prêts à tenir le cap et à faire baisser le ratio de la dette au PIB.

À la page 10 du document d'hier, on trouve la dette nette fédérale en pourcentage du PIB de 1946 à aujourd'hui. Nous en sommes maintenant autour de 70 p. 100, comme l'indiquait David, au palier fédéral, et entre 20 et 30 p. 100 au palier provincial.

Au palier fédéral - et c'est ce qui nous intéresse surtout ici - , il faut viser ce que nous avions à la fin des années 70 ou au début des années 80, à savoir environ 40 ou 50 p. 100 du PIB.

Maintenant, je ne veux pas dire qu'il faille le faire par des coupures parce que je crois que ce que disaient Tim et Josh est tout à fait vrai: lorsque nous aurons de bonnes bases économiques, l'économie va se développer. On ne va pas tout d'un coup aller gaspiller tout cet argent - aller le dépenser à tort et à travers - ou envisager des réductions d'impôt générales qui n'auraient aucun sens.

Nous constaterons que le ratio diminue lentement. C'est très important pour deux raisons. D'une part, parce qu'il y aura d'autres récessions. Dans une économie planétaire, il va falloir procéder à d'autres restructurations au cours des 20 prochaines années. Nous pensons peut-être que c'est terminé mais il n'en est rien. Il y a aussi la question inter-génération.

Je répète au comité que nous ne pouvons nous permettre des réductions d'impôt immédiatement. Notre pays ne peut non plus se permettre d'envisager des réductions d'impôt sans tout d'abord réfléchir très sérieusement au genre de régime fiscal que nous voulons offrir à notre société.

Il y a toutes ces questions inter-génération. Il y a aussi une série de questions concernant la compétitivité sur lesquelles il faut se pencher pour continuer à faire tourner l'économie. Il ne s'agit pas simplement de savoir où vont les dépenses; il s'agit de savoir ce qu'il va nous falloir dépenser en fonction de la démographie de l'avenir. Autrement, nous ferons exactement ce que nous avons fait au début des années 70. Adoptons des programmes - nous n'avons pas de déficit - et nous nous retrouvons finalement avec un ratio de la dette au PIB qui n'est plus de 100 p. 100 mais de 200 p. 100.

Le président: Merci, Maureen Farrow.

Mme Farrow: C'est très important.

Le président: Clément Gignac.

[Français]

M. Gignac: Comme j'oeuvre dans les milieux financiers, les gens ne seront pas surpris de m'entendre dire que leurs grandes préférences sont qu'on ait un plan match et cible quant au ratio de la dette par rapport au PIB, donc qu'on vise une réduction de l'endettement.

.1635

Lorsqu'il a été élu, voilà quatre ans, le gouvernement s'était donné une cible de 3 p. 100 du PIB. À ce moment-là, on pensait surtout à Maastricht et on oubliait de mentionner l'autre partie de l'équation, soit la dette en fonction du PIB. Je suis donc ravi qu'on s'en occupe maintenant. Si le ministre veut se donner une nouvelle cible, je lui suggérerais de viser 60 p. 100 du PIB, comme l'Europe.

Bien que je sois économiste, je me pose aussi une question d'ordre moral et je pense qu'il n'appartient pas qu'aux économistes d'être consultés par le comité à ce sujet. Je m'explique. Il y aura un trade-off à faire entre le ratio de la dette et du PIB qu'on vise à atteindre au cours des cinq ou dix prochaines années, et la compétitivité du point de vue fiscal, les réductions d'impôt. Il est évident que réduire les impôts dans le prochain budget n'est pas vraiment nécessaire pour favoriser l'expansion économique dans le moment. Cependant, je crois que le comité nous consulte sur un horizon de trois à cinq ans, donc pour une période qui va au-delà des six prochains mois.

Dans un contexte où le taux de chômage est de 9,5 p. 100, comparativement à 5 p. 100 aux États-Unis, un contexte où les primes du Régime de pensions du Canada devront être augmentées, où les primes d'assurance-chômage restent élevées et devront aussi augmenter - à l'exception de la mesure symbolique adoptée aujourd'hui par le ministre - , donc dans un contexte où le coût de l'emploi est de plus en plus élevé pour l'employeur alors que le coût du capital est le plus faible jamais observé en 30 ans, je m'interroge. N'y aurait-il pas lieu de tenir un débat important pour savoir si nous ne devrions pas, d'ici un an ou deux, lorsque les besoins d'emprunt du gouvernement auront été éliminés, restaurer notre compétitivité sur le plan fiscal, c'est-à-dire combler le fossé qui existe entre le fardeau fiscal américain et le nôtre?

[Traduction]

Je résumerai en disant qu'évidemment nous jugeons qu'il est bon d'avoir un plan d'action pour réduire le ratio de la dette ou PIB, mais en attendant nous avons un compromis. Est-il préférable d'atteindre d'abord cet objectif ou, étant donné que 40 p. 100 de l'économie canadienne va aux États-Unis, d'avoir une situation financière plus compétitive, car nous n'avons jamais vu ce genre de situation? Il y a un gouffre énorme dans le taux de chômage, le coût de la main-d'oeuvre est très élevé et le coût du capital est très faible.

Peut-être que le ministre devrait consulter d'autres groupes. Peut-être que d'ici à un an et demie ou lorsque nous aurons éliminé nos besoins d'emprunt... Il est mieux d'attaquer d'abord le ratio de la dette au PIB. Une première étape pourrait être... de réduire notre fardeau financier par rapport au coût de la main-d'oeuvre américaine puisque 40 p. 100 de notre économie se trouve aux États-Unis et que nous avons le libre-échange.

Donc l'Europe, bien sûr... mais notre principal partenaire est très important... Nous devons être plus compétitifs.

Pour conclure, le marché financier n'est pas contre les réductions d'impôt; le marché financier est contre le gaspillage. Nous pensons que si vous maintenez un plan très sérieux de dépenses, un gouvernement très économe et que vous réduisez le double emploi, le marché ne va pas vous pénaliser parce que vous diminuez d'abord les impôts pour devenir plus compétitifs avec les États-Unis et que vous atteignez ensuite 60 p. 100 comme Maastricht.

Merci.

Le président: Merci.

Michael Walker.

M. Walker: Monsieur le président, il est peut-être réconfortant d'avoir quelqu'un de l'Institut Fraser qui soit d'accord avec tout le monde sur l'importance de la dette mais je crois qu'il y a le danger que nous manquions l'une des raisons principales pour lesquelles nous sommes inquiets de la dette et inquiets du niveau des dépenses gouvernementales.

Si vous voulez bien vous reporter au document qui vous a été distribué. Il y a un tableau qui indique la croissance économique par habitant au Canada entre 1931 et 1991. C'est la courbe la plus irrégulière. La deuxième qui va directement vers le coin droit indique la part du gouvernement dans l'économie.

Il est important de se pencher là-dessus car nous ne voudrions certainement pas, en tant qu'économistes, dire que si nous avons un excédent de, par exemple, 5 milliards de dollars, et que le secteur gouvernemental continue à représenter 50 p. 100 de l'économie, ce serait la même chose que si, par exemple, nous avions un petit déficit et que nous réduisions du même coup la part du gouvernement dans l'économie de 50 à 45 p. 100.

.1640

Notre objectif doit évidemment être de diminuer la part du gouvernement dans l'économie. Si la croissance a été tellement faible au Canada c'est parce que le gouvernement est tellement omniprésent. L'équilibre du budget ne fait qu'assurer que les dépenses gouvernementales qui sont très élevées seront financées par des impôts également très élevés. Ce n'est pas ce qu'il faut souhaiter. Notre objectif - et la politique du gouvernement - doit être de réduire la part du gouvernement dans l'économie, sinon, nous ne parviendrons pas à obtenir un dividende de croissance. Nous ne réussirons finalement pas à faire descendre le ratio de la dette au PIB parce que nous n'aurons pas une économie suffisamment forte pour diluer notre endettement passé.

Le président: Vous demandez-nous de réduire dès maintenant les impôts?

M. Walker: Je dis qu'une réduction des impôts, des coupures binaires dans les impôts et les dépenses, seraient une excellente politique.

Je ne veux pas dire qu'il faille abandonner l'objectif fixé pour le déficit, mais si vous considérez ce graphique et que vous réfléchissez à la raison pour laquelle le gouvernement est d'abord intervenu, vous devez reconnaître que c'était pour limiter le fardeau fiscal qui freinait le secteur privé.

Il n'y a aucune théorie économique qui laisse entendre qu'il suffirait de changer la façon dont nous finançons les dépenses gouvernementales pour obtenir des résultats. C'est le niveau des dépenses gouvernementales, ou l'importance de ces dépenses dans l'économie, qui a un effet négatif et non pas la façon dont nous finançons ces dépenses, qu'il s'agisse d'impôts ou d'impôts reportés.

Le président: C'est intéressant. Il va y avoir une petite controverse ici.

M. Walker: Je l'espère.

Le président: Il y a maintenant quelqu'un qui préconise une réduction d'impôt et je suis sûr que Lynne Toupin va demander quel genre de coupures parallèles cela va entraîner dans les programmes de dépenses.

John McCallum.

M. McCallum: Dans un sens, j'estime que l'on est peut-être un peu trop pessimiste autour de cette table. Je suis tout à fait d'accord qu'il faut donner une grande priorité à la diminution du ratio de la dette ou PIB et je suis absolument contre toute réduction majeure d'impôt pour le moment.

Toutefois, pour répondre à la question de Lynne Toupin, je ne pense pas qu'il faille couper des programmes pour faire baisser ce ratio. Si nous gardons le cap actuel, d'après les projections conservatrices du gouvernement, d'ici à l'année 1998-1999, nous aurons un excédent d'exploitation par rapport au PIB de 4,8 p. 100. C'est énorme.

L'arithmétique de la dette suivra. Même en prenant des chiffres assez conservateurs, si l'on maintient le niveau des dépenses et des impôts à ce pourcentage par rapport au PNB, avec un tel excédent d'exploitation, le ratio diminuera. D'ailleurs, si l'on considère le siècle prochain, non seulement il ne sera pas nécessaire de diminuer les dépenses mais elles pourront même augmenter ou les impôts pourront diminuer, selon la politique choisie.

Dernier point. En 1998-1999, les dépenses de programmes du gouvernement fédéral sont prévues à 12 p. 100 du PIB, soit le taux le plus faible depuis 1950. Donc, si nous gardons le cap... Bref, ne réduisez pas les impôts maintenant parce que sinon il n'y aura pas de dividende financier.

Si nous ne continuons de garder le cap, le cercle vicieux deviendra un cercle vertueux. Le ratio de la dette au PIB descendra et au cours des dix ou vingt prochaines années, cela rapportera d'importants dividendes financiers. On pourra alors débattre de la question de savoir si l'on utilise cela pour réduire les impôts, pour augmenter les dépenses de programmes ou pour les deux.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Ou pour rembourser la dette.

M. McCallum: Mais est-ce que cela diminue? Comme les paiements d'intérêt sur la dette vont diminuer, cela va libérer des ressources.

Le président: Beaucoup veulent intervenir. Lynne, c'est vous qui aviez soulevé une partie de cette question.

Mme Toupin: Je voudrais simplement demander un éclaircissement à John.

En partant de cette supposition, dites-vous aussi que pour le budget de l'année prochaine, nous devrions encore opérer des coupures dans les programmes ou pensez-vous au contraire que si nous gardons le cap, si les différents éléments ne changent pas, d'autres coupures ne seraient pas forcément nécessaires l'année prochaine?

M. McCallum: Je pars du principe que nous procédons à toutes les coupures prescrites...

Mme Toupin: D'accord.

M. McCallum: ...jusqu'ici par le gouvernement fédéral, mais pas plus.

M. Laidler: Cela inclut des coupures l'année prochaine.

Une voix: C'est cela!

M. Gignac: Cela exclut les gouvernements provinciaux...

Le président: Les trois précédents budgets ont précisé toutes les coupures qui devaient être faites si les projections de M. Martin s'avéraient.

Monsieur de Bever.

M. de Bever: Ce débat sur les réductions d'impôt, c'est un peu comme si l'on venait de débarquer sur les plages de Normandie et que l'on déclarait déjà que la guerre était finie. Il y a encore 25 milliards de dollars de déficit.

.1645

Notre autre argument contre la réduction des impôts est que le gouvernement peut se retrouver dans la situation dans laquelle se sont retrouvées beaucoup d'entreprises privées. Si l'on crée un impôt ou que l'on accorde une réduction d'impôt, il va falloir opérer des coupures correspondantes pour atteindre les objectifs. Les coupures contraintes et forcées ne sont pas la façon la plus efficace de procéder. Ce qui s'est produit dans le secteur privé, c'est que beaucoup des coupures qui ont été faites se sont révélées rétrospectivement inefficaces.

Je suggère donc que nous essayions de poursuivre sur la voie annoncée. Faisons les choses comme prévu et ne commençons pas à vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué, tout simplement parce que le ministre semble à certains égards avoir obtenu de meilleurs résultats que prévu. Il a déjà donné l'impression que le problème est réglé, or il ne l'est pas.

Le président: Merci.

Pierre Fortin.

[Français]

M. Fortin: Je voudrais revenir, pour commencer, sur le principe de la réduction du poids de la dette dans le revenu national. C'est la première question que vous avez posée.

Le principe est fondé sur le fait que la croissance économique est d'abord et avant tout stimulée par l'épargne qu'on a dans une société, que plus on prend une fraction importante de notre épargne pour aller financer les déficits du secteur public, moins il en reste dans le secteur privé pour faire croître l'économie. Ou bien notre économie pourra quand même croître, mais nous serons obligés de nous endetter à l'étranger et, à ce moment-là, ce seront les étrangers qui s'enrichiront et non pas nous. Nous travaillerons pour enrichir les étrangers.

Selon ce principe de base, ce qui justifie une attaque en règle contre le fardeau de la dette, c'est-à-dire une attaque visant à le réduire progressivement et inlassablement, c'est le besoin de faire augmenter l'épargne dans notre économie. Je ne pense pas que qui que ce soit puisse nier que ce soit là un objectif fondamental que doit poursuivre le gouvernement.

Votre deuxième question est une question pratique. Quelle cible précise devrait-on se fixer comme fardeau de dette à éliminer, ou comme ratio dette-PIB? On peut se donner toutes sortes d'objectifs très compliqués - et il ne manque pas de personnes autour de la table pour vous dire des choses très compliquées - , mais je dirais que viser un déficit zéro serait la règle la plus simple, la plus universellement facile à comprendre. C'est donc celle que je recommanderais au gouvernement de suivre.

Avec un déficit zéro, sur le plan fédéral ou provincial, à chaque année, si la croissance du PIB nominal était de 5 p. 100, soit 3 p. 100 de croissance réelle et 2 p. 100 d'inflation, on serait capable de réduire le fardeau de la dette de 70 à 66, à 62 puis à 58 p. 100, année après année, et au bout de10 années de déficit zéro, on en serait rendu à 40 p. 100.

Donc, pratiquement, pas seulement théoriquement, je suggère qu'on tende le plus rapidement possible au déficit zéro et qu'on s'y maintienne de la façon la plus stable possible. Cela ne sera pas possible de le faire chaque année, car il arrive des imprévus. Il peut y avoir des perturbations internationales et toutes sortes de phénomènes qui font qu'on peut rater la cible. Il faut se donner une certaine flexibilité, mais fondamentalement, il faut que le gouvernement soit keynésien, c'est-à-dire qu'il adopte l'objectif de déficit zéro de façon à réduire progressivement le fardeau de la dette, à mon avis.

Il est sûr qu'il faudra aussi, dans la mesure du possible, pour que cela fasse le moins mal possible à nos concitoyens, à la fois en termes de fardeau fiscal et en termes de coupures de dépenses publiques, s'assurer qu'on ait la reprise la plus rapide et la plus complète possible au Canada.

.1650

À l'heure actuelle, dans le cadre de notre économie, on utilise très peu nos ressources, ce qui fait qu'au moins 10 milliards de dollars du déficit fédéral actuel sont dus au fait que l'économie canadienne est encore dans un marasme profond. Si on avait une reprise qui ramenait le taux de chômage aux environs de 7 ou 6,5 p. 100, parce que le chômage structurel a diminué étant donné qu'on a réduit l'assurance-chômage de 40 p. 100 depuis cinq ans, ce serait assez facile, à mon avis, sans qu'il y ait d'autres coupures budgétaires.

Quel devrait être notre fardeau fiscal? À l'heure actuelle, il est d'environ 37 p. 100 comparativement à 30 p. 100 aux États-Unis. Au Canada, on s'est imposé des dépenses qui ne font pas l'unanimité. M. Walker voudrait avoir un État minimal, alors que Mme Toupin voudrait peut-être, sans avoir un État maximal, maintenir au moins les acquis que nos grands-parents ont mis 40 ans à construire. On peut faire un arbitrage en tenant compte du principe que Clément Gignac a posé tantôt, à savoir qu'il fallait faire très attention à notre position concurrentielle dans notre système fiscal au niveau mondial. Je suppose que le Comité Mintz va faire des propositions au gouvernement sur la fiscalité des entreprises au moins de ce côté-là.

Donc, visons le déficit zéro le plus tôt possible, sans changer les choses au-delà de ce qui est déjà prévu dans le programme actuel de réduction des dépenses. Ensuite, maintenons le fardeau fiscal et ajustons-le dans une certaine mesure, mais de façon sélective, exactement comme le ministre l'a dit. Dans ce sens-là, je suis parfaitement d'accord avec lui. À mon avis, la stratégie du Québec et celle du gouvernement fédéral, qui consistent à attendre d'atteindre le déficit zéro avant de commencer à songer aux impôts, sont beaucoup plus sages que la stratégie ontarienne, qui repose plutôt sur ce que j'appellerais un «supply side-ism» attardé, un peu «crackpotisme» des années 1980, qui nous amènerait dangereusement exactement là où Reagan a laissé le budget américain à la fin des années 1980, c'est-à-dire dans un marasme très dangereux.

[Traduction]

Le président: Merci, Pierre Fortin.

Al Hatton.

M. Hatton: Merci, monsieur Peterson. Je voudrais simplement revenir au graphique de Michael Walker et aux observations qu'il a faites. Peut-être que je ne comprends pas bien mais il me semble que cela implique que le gouvernement ne peut jouer qu'un seul rôle et que ce rôle n'a rien à voir avec l'économie. Je trouve que c'est un peu trompeur. Je remarque d'autre part que le graphique ne va pas plus loin que 1991. Je ne sais pas si c'est simplement parce qu'il n'a pas été mis à jour. Je dirais que maintenant cela commence à redescendre et que l'autre va commencer à monter.

Je remarque aussi qu'en fait le rôle du gouvernement évolue et que le gouvernement essaie de comprendre et de préciser beaucoup mieux son rôle. Dans un sens, ce graphique semble indiquer que les courbes continuent indéfiniment dans le même sens. En 1991, c'était vrai; en 1996, c'est très différent. Peut-être y a-t-il quelque chose que je comprends mal, mais je ne voudrais pas que le comité reste sur l'impression que... Cela semble presque vouloir dire que s'il y a un problème économique, c'est de la faute du gouvernement.

Le président: Michael Walker est absolument ravi que vous ayez mentionné son nom car ça lui donne la possibilité de reprendre la parole. Nous attendrons quand même une seconde, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

David, souhaitez-vous...?

M. Laidler: J'aimerais revenir sur certaines observations de Mike. Il a dit que selon l'analyse économique, peu importait la façon dont étaient financées les dépenses gouvernementales. Il y a en effet des modèles semblables - les modèles ricardiens - dans lesquels il n'y a pas de coûts marginaux à la majoration d'impôt. Ces modèles présentent certaines lacunes. C'est pourquoi la façon dont le gouvernement finance ses dépenses peut changer les choses, que ce soit par les impôts ou par l'emprunt et c'est la raison pour laquelle nous nous préoccupons du ratio de la dette au PIB.

La deuxième chose que j'aimerais dire est qu'il me semble extraordinairement trompeur de prendre un chiffre - 50 p. 100 - pour exprimer la part du gouvernement et du revenu national. Qu'est-ce que c'est? S'agit-il de recettes? S'agit-il de sorties de liquidités nettes pour le gouvernement? S'agit-il des dépenses gouvernementales sur les produits et services? S'agit-il des dépenses gouvernementales sur les produits et services plus des transferts aux particuliers? Tous ces programmes ont des effets différents sur l'économie.

.1655

Il semble que certains soient d'avis - j'en ai entendu beaucoup en dehors de cette salle - que nous devons avoir un régime fiscal compétitif par rapport à celui des États-Unis. Si nous voulons un régime fiscal compétitif mais que nous n'aimons pas les déficits, il va nous falloir être également compétitifs dans nos programmes sociaux. Ce n'est pas ici que nous devons débattre de cette question mais j'avais le choix lorsque j'ai immigré et j'ai décidé d'immigrer ici. J'avais une bonne raison de le faire.

Le président: Michael, vous pouvez répondre tout de suite.

M. Walker: Merci, monsieur le président.

Pour revenir à la question du graphique... Tout d'abord, il ne va que jusqu'à 1991 parce que cela a été fait dans l'avion où je n'avais pas les autres données nécessaires. Elles seraient peut-être légèrement différentes, mais pas tellement, si l'on considère l'impression générale que cela donne.

Ces données invitent à la prudence, à l'instar de pratiquement tous les théoriciens et les empiristes qui s'intéressent actuellement à la croissance économique. Les modèles de croissance économique les plus récents introduisent des variables comme celles-ci pour essayer d'expliquer, en plus de la formation de la population et des investissements et de la technologie appliqués à l'économie, que les activités du gouvernement semblent représenter une variable cruciale qui explique les éléments résiduels que ces modèles économiques n'avaient pas réussi à expliquer jusqu'à ce que ce genre de variables soient prises en considération. On les appelle habituellement les variables de liberté économique ou quelque chose du genre. Toutes les écoles de pensée que je connaisse s'entendent pour dire que c'est en fait une variable très importante.

Si vous vous préoccupez du taux de croissance économique et du niveau final de nos revenus au Canada, vous devriez vous préoccuper de la taille du gouvernement parce que cela a une incidence très forte.

David, quels sont les chiffres du graphique? Ce sont des chiffres que les gens tels que Bob Barro, Jeff Sachs, etc., qui analysent actuellement la croissance économique, utilisent dans leurs modèles pour essayer de comprendre l'effet du rôle du gouvernement dans l'économie.

M. Laidler: Oui, mais que sont-ils? Qu'est-ce que ce 50...?

M. Walker: C'est juste le total des dépenses plus les transferts.

M. Laidler: Cela inclut-il les dépenses et intérêts sur la dette publique?

M. Walker: Cela inclut toutes les dépenses du gouvernement, plus les transferts. C'est une mesure du degré auquel les ressources de l'économie sont siphonnées par l'intermédiaire du secteur public, quelque chose qui devrait tous nous préoccuper si les résultats des analyses sur la croissance et de nos propres analyses sont exacts.

J'estime que ne pas tenir compte de ce graphique sous prétexte que le gouvernement a un rôle important à jouer dans l'économie... Je ne veux pas du tout dire que le gouvernement n'a pas un rôle important à jouer. Je dis simplement que les incidences sur la croissance de la participation du gouvernement dans l'économie sont réelles.

Par exemple, je rentre à peine de Scandinavie où j'ai été invité à parler de nos travaux sur ce genre de mesures dans un contexte plus large dans lequel nous avons mesuré la performance de103 pays. Je puis vous dire qu'ils se préoccupent beaucoup de la taille du gouvernement en Scandinavie. En Suède, ils s'inquiètent beaucoup du fait que cela atteint 60 p. 100. L'économie suédoise est nettement plus touchée que la nôtre et les perspectives d'amélioration n'existent tout simplement pas.

Si nous faisons peu de cas du niveau auquel nous sommes parvenus dans notre pays et oublions le fait que cela a des implications réelles, je crois que cela va nous coûter très cher. Nous n'obtiendrons pas la croissance dont parlait Pierre Fortin qui nous permettrait de liquider notre dette avec le temps. Nous n'obtiendrons pas les dividendes magnifiques dont parlait John McCallum pour éliminer nos problèmes.

Le président: Merci, Michael.

Maureen Farrow, et ensuite Josh Mendelsohn.

Mme Farrow: J'aimerais revenir sur une question dont parlait Pierre et à laquelle nous ne consacrons pas suffisamment de temps lors de ces rencontres. Il s'agit de la fonction de l'épargne et du rôle de l'épargne. Je crois que nous devrions y réfléchir davantage, pour toutes les raisons que Pierre a données, et sur lesquelles je ne reviendrai donc pas.

.1700

Cependant, nous devons également chercher des moyens d'inciter les Canadiens à l'épargne. Puisque nous sommes voisins des États-Unis, nous avons l'illusion d'épargner beaucoup, mais notre taux d'épargne est à la baisse. Également, nous épargnons nettement moins qu'on ne le fait dans d'autres pays. Puisque nous nous penchons sur le budget, nous devrions commencer à chercher des moyens de doter progressivement notre économie d'une épargne beaucoup plus vigoureuse.

J'aimerais également formuler un bref commentaire sur les compressions fiscales sélectives. Je ne souhaite pas être en désaccord avec le ministre, puisque j'approuve certaines des initiatives qu'il a prises à l'occasion du dernier budget en matière de compressions et de crédits d'impôt. Il s'agit, selon moi, d'un moyen de soutenir certains groupes dans l'optique de la sollicitude qui doit caractériser notre société dans la mesure du possible. Cependant, je ne favorise pas les réductions d'impôt sélectives d'une façon générale.

Je pense que les mesures de réforme fiscale que nous avons appliquées durant les années 80 nous ont fait peur. Nous avons beaucoup réfléchi et nous avons ensuite fait un gâchis dans l'exécution de l'ensemble de mesures en les divisant en deux composantes, avec l'interposition des provinces, etc. La mise en oeuvre de la réforme fiscale a été complètement ratée. Je préférerais donc de beaucoup que, cette fois-ci, nous n'ayons pas recours aux réductions d'impôt, ou aux crédits - c'est du pareil au même - mais que nous commencions sérieusement à réfléchir à ce qui serait souhaitable comme régime fiscal, tant sur le plan de la compétitivité que sur celui, très important, des types de programmes dont nous avons besoin compte tenu de l'évolution de la société et des tendances démographiques.

Nous en sommes au point où il faut réfléchir à cette question, il me semble opportun de la signaler à votre attention. Si nous nous laissons entraîner dans l'engrenage des réductions d'impôt sélectives, nous allons très rapidement, encore une fois, modifier les régimes sans même nous en apercevoir.

Le président: Nous pourrions peut-être aborder cette idée de l'évolution démographique et des répercussions du processus budgétaire lors de notre dernière séance d'aujourd'hui.

Josh Mendelsohn.

M. Mendelsohn: Maureen a très bien situé le débat. Il n'est pas facile de plonger dans la mêlée après une demi-douzaine d'intervenants. Certains proposent de réduire la taille du gouvernement et, à l'autre extrême, d'autres prétendent que les programmes vont pouvoir être maintenus lorsque la situation sera sous contrôle. Or, il me semble que l'aspect clé, comme le disait Maureen, c'est que chaque programme, tout comme chaque élément du régime fiscal, doit être réévalué en permanence.

J'ai dû en perdre des bouts à un moment donné puisque, si j'ai bien compris l'intention du ministre des Finances lors du dépôt du premier budget et puis du deuxième budget, il ne s'agissait pas de simplement réduire le déficit et d'alléger le fardeau de la dette. Il s'agissait également d'étudier comment cela allait être fait et comment nous allions restructurer le gouvernement pour que l'ensemble de l'économie fonctionne de façon plus efficace, et plus efficiente. Pour moi, ce dernier aspect est indissociable de la démarche, mais nous ne cessons pourtant de ne considérer que les chiffres.

Ce que dit Michael Walker mérite certainement qu'on s'y attarde. Dans bon nombre de pays où la taille du gouvernement est considérable, il y a également une forme de stagnation qui est attribuable en quelque sorte à une fossilisation du processus. J'ose donc croire que nous allons parler de dollars et de cents mais que nous allons également traiter de la structure des programmes et du régime fiscal. J'espère que ce dernier aspect ne va pas nous échapper et que nous n'allons pas nous laisser obnubiler par les chiffres.

Le président: D'autres participants souhaitent-ils commenter brièvement ce sujet? Il se peut que des députés souhaitent vous interroger à cet égard.

M. Walker: Monsieur le président, puis-je proposer une observation empirique. Tout le monde connaît le cas de la Nouvelle-Zélande et tout le monde suppose que dans ce pays, on a tout d'abord réduit la dette. Ce n'est pas le cas. On a tout d'abord réduit de 20 p. 100 la taille du gouvernement, et puis ensuite on s'est attaqué à la dette. La dette a même augmenté au cours des cinq premières années suivant la transformation. Je ne propose pas une augmentation de notre dette, mais il importe de ne pas perdre de vue que les pays qui ont connu des transformations d'envergure ont tout d'abord réduit la taille du secteur public de manière à accroître celle du secteur privé.

Le président: Tim O'Neill.

M. O'Neill: La Nouvelle-Zélande a également pris d'autres initiatives, notamment celle d'ouvrir son économie. Notre économie est beaucoup plus ouverte que ne l'était à l'époque celle de la Nouvelle-Zélande. Les deux réalités ne sont donc pas nécessairement comparables.

.1705

Évidemment nous pourrions débattre sans fin au sujet des chiffres qui représentent bien la part de l'économie qui revient au gouvernement et de la façon de la mesurer. Mais évidemment un tel chiffre ne donnerait pas nécessairement une indication du degré de contraintes réglementaires qu'exerce sur l'économie tel ou tel type de gouvernement. Le carcan réglementaire ne ressortirait pas nécessairement dans les chiffres, mais il pourrait influer sur l'évolution de l'économie de diverses façons. C'est un aspect qui ne ressort pas des chiffres que nous avons.

M. Walker: La valeur est d'environ 80 milliards de dollars au Canada, selon un rapport que nous avons publié il y a deux semaines.

M. O'Neill: Pour ce qui est de ce graphique, je crois que vous constateriez une progression similaire de la croissance du revenu par habitant pour à peu près n'importe quel pays industrialisé au cours de la même période.

Évidemment, après le début des années 70, la nette baisse de croissance de la productivité a été un facteur important. On l'a constaté dans tous les pays industrialisés. Il s'agit du principal facteur de la croissance du revenu par habitant. Lorsque nous portons deux séries de chiffres sur un graphique, et que les lignes se croisent, il ne faut pas supposer qu'il y a là un sens profond à tirer du rapport. Il convient d'être prudents à ce sujet. D'autres facteurs importants entrent en ligne de compte.

Le président: Merci, Tim O'Neill.

[Français]

On va passer aux questions avec Nic Leblanc, s'il vous plaît.

M. Leblanc (Longueuil): J'ai entendu beaucoup de choses. C'est un beau portrait de la situation actuelle. Tout le monde est d'accord qu'il faut réduire la dette à zéro le plus rapidement possible. Il ne faut pas augmenter les impôts parce qu'on en paie déjà suffisamment ni les programmes parce qu'on n'en a pas les moyens.

J'aimerais surtout que vous me disiez comment on peut augmenter la croissance économique. On a mentionné tantôt qu'il fallait augmenter d'abord l'épargne si on voulait arriver un jour à stimuler l'économie.

Le président: Excusez-moi de vous interrompre, mais cette question sur les moyens d'obtenir la croissance économique sera abordée plus tard. J'aimerais qu'on en finisse avec la deuxième question posée par M. Martin dans le livre qu'il a publié hier sur le ratio de la dette par rapport au PIB.

M. Leblanc: D'accord, je vais poser une question sur le PIB et la dette. Le ministre des Finances dit par exemple que le déficit ne doit pas dépasser 2 p. 100 du produit intérieur brut. Si un pays a beaucoup plus de dettes qu'un autre, on ne doit pas comparer le déficit et le PIB.

Vous avez mentionné tantôt que la plupart des pays de l'Europe avaient une dette d'environ60 p. 100 par rapport à leur PIB. Ici, au Canada, on sait que c'est environ 100 ou 105 p. 100 quand on inclut les provinces. Est-ce que le ratio ne serait pas plutôt -2 p. 100 du surplus du déficit par rapport au PIB? Il me semble qu'il y a une relativité qu'on oublie souvent. Il faut peut-être penser aussi à notre dette par rapport au déficit qu'on devrait ou qu'on ne devrait pas faire.

M. Fortin: J'ai dit que mon chiffre était zéro. Ce n'est pas deux; c'est zéro. Le gouvernement fédéral, tout comme le gouvernement du Québec, a déjà annoncé son intention d'avoir une loi sur le déficit zéro. il devrait viser ce niveau-là, avec un peu de flexibilité pour la conjoncture.

Il faut distinguer deux choses au sujet de la croissance. D'une part, il faut rattraper le niveau de production qu'on est capable de faire, mais qu'on sous-utilise à l'heure actuelle. Seulement de 92 à 95 p. 100 de nos ressources sont utilisées dans notre économie et cela se reflète par un taux de chômage très élevé, qui est au-dessus de 9 p. 100 au Canada.

.1710

Une fois que le taux de chômage sera redescendu à un niveau beaucoup plus raisonnable, par exemple 7 ou 6,5 p. 100, on pourra songer à des procédés beaucoup plus efficaces pour accélérer la croissance et la mise en disponibilité de l'épargne du fait que le gouvernement va avoir moins à emprunter.

C'est ce que je préconisais comme étant l'outil central dont le gouvernement dispose pour encourager la croissance économique. La croissance vient des nouvelles idées qui sont imbriquées dans les nouvelles technologies, dans la nouvelle organisation du travail; mais cela exige des investissements qui sont financés par l'épargne. Donc, l'investissement, c'est la Mercedes et l'essence, c'est l'épargne. Si on en a plus, on va aller plus loin.

M. Leblanc: À quel moment pensez-vous qu'on va arriver à aller plus loin?

M. Fortin: Dans un horizon de cinq ans, on sera capables de réduire notre déficit à zéro et, si on est assez intelligents pour maintenir les taux d'intérêt à un niveau très modéré, d'avoir une reprise complète de l'économie. Vous allez voir que ce sera une Formule 1. Le Canada, ce sera Villeneuve qui, on le sait, va gagner le Grand prix du Japon la semaine prochaine.

Le président: Merci, monsieur Fortin. Monsieur Gignac.

M. Gignac: L'approche prise par le ministre Paul Martin depuis quatre ans est excellente. Trop souvent, dans le passé, nous avons vu des gouvernements qui avaient des cibles utopiques. On avait des horizons de trois ou cinq ans et on n'atteignait jamais la cible.

Cette approche mobile de deux ans, et là on on a annoncé 1 p. 100 du PIB, est l'approche la plus crédible. Ayant déjà travaillé dans une banque, je peux vous dire que la crédibilité est importante. C'est la même chose pour les investisseurs financiers.

Donc, je crois personnellement que dans deux ans, et non pas trois, quatre ou cinq ans, le gouvernement fédéral aura ramené son déficit à zéro. Il est préférable d'avoir fonctionné comme l'a fait M. Paul Martin. Lorsqu'il est arrivé au pouvoir, les taux d'intérêt étaient beaucoup plus élevés qu'aux États-Unis, et pourtant cela faisait déjà un certain temps que l'inflation était inférieure à celle des États-Unis. Ce qui fait que maintenant nous avons des taux d'intérêt inférieurs à ceux des États-Unis, c'est la crédibilité du gouvernement en place aux yeux des investisseurs internationaux. Donc, il fait bien de fonctionner avec des cibles et, comme M. Fortin l'a dit en terminant, d'avoir une cible précise qui tend vers zéro. C'est ce qu'il y a de plus crédible et nous l'appuyons.

Le président: Merci, monsieur Leblanc.

[Traduction]

Madame Whelan, s'il vous plaît.

Mme Whelan (Essex - Windsor): Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Vous pourriez peut-être accorder à Mme Whelan la chance de poser une question et après, vous pourrez poser autant de questions que vous le voudrez.

[Traduction]

Mme Whelan: J'aimerais revenir sur ce qu'à dit M. McCallum un peu plus tôt. Pour ce qui est de la dette, je me demande si on s'est penché sur ce qui risque de se passer à plus long terme, dans 5 ou 10 ans, lorsque les baby-boomers auront commencé à prendre leur retraite et lorsque nous serons passés d'une période d'expansion à une période de contraction. Il se peut qu'il y ait moins de gens sur le marché du travail, et je suppose que nous allons également envisager une baisse des impôts dans5 ou 10 ans. Est-il réaliste de réduire les impôts au moment où nous avons besoin de réduire le niveau d'endettement.

Il est beaucoup plus important de réduire l'endettement du Canada à un niveau raisonnable. Je me demande tout simplement s'il sera suffisant de maintenir le cap dans 5 ou 10 ans, au moment où, me semble-t-il, de grands changements se produiront.

M. McCallum: Je crois que si nous pouvons maintenir le cap, nous aboutirons essentiellement à un bon résultat.

Il y a deux façons de maintenir le cap. Tout d'abord, il s'agit d'atteindre le déficit zéro, mettons, dans trois ans, et de maintenir le déficit à zéro en moyenne par la suite. Ainsi, le coefficient d'endettement va baisser assez considérablement. De plus, avec le temps, cela veut dire également, que, à mesure que le coefficient d'endettement baissera, on dégagera progressivement un dividende fiscal qui pourra servir à réduire les impôts, à accroître les dépenses de soins de santé si la génération vieillissante le nécessite, ou à diverses autres fins.

Une autre façon d'y parvenir serait d'avoir un excédant d'exploitation de 4,8 p. 100 en 1998-1999, de maintenir ce niveau et de laisser les dépenses et les impôts évoluer de façon parallèle à l'économie. Le coefficient d'endettement diminuerait plus rapidement de cette façon.

.1715

Peu importe comment vous procédez, le coefficient d'endettement baissera, par exemple à40 p. 100 en dix ans, ce qui permettrait de libérer des ressources assez importantes.

J'aimerais terminer par une mise en garde. Nous commençons déjà à parler de réductions permanentes de l'impôt alors que nous n'avons même pas encore atteint le coefficient d'endettement optimal.

Toutes les belles prévisions que Pierre Fortin et moi vous présentons dépendent de la capacité de maintenir le cap. Si on procède dès aujourd'hui à d'importantes réductions des impôts, le coefficient d'endettement évoluera dans la mauvaise direction.

Mme Farrow: Nous avons parlé des facteurs démographiques il faut se rappeler que dans environ dix ans les baby-boomers en arriveront à ce stade critique.

Les premiers membres de cette génération ont eu 50 ans le 1er janvier 1996; vous disposez donc de dix ans. Si vous faites ce que Pierre propose, vous ciblez un déficit de zéro. Il faut le maintenir à zéro à chaque cycle économique. Vous pouvez alors rembourser la dette, comme le dit John, ou en rembourser une bonne partie et arriver à un ratio de la dette au PIB de 40 à 50 p. 100.

C'est une occasion unique. Si vous ne saisissez pas cette occasion pour adopter les politiques appropriées, nous aurons de graves problèmes lorsque nous discuterons à nouveau avec vous de la question dans cinq ans, parce que cette occasion aura été ratée. C'est très important. C'est pourquoi j'ai parlé des facteurs démographiques.

M. Walker: Je tiens à vous remercier d'avoir soulevé la question, madame Whelan, parce que c'est justement ce dont je parlais lorsque j'ai mentionné les comptes générationnels et que j'ai signalé qu'il ne fallait pas oublier l'augmentation importante des dépenses et des impôts.

Nous n'avons pas mentionné qu'il y a une augmentation implicite énorme du fardeau fiscal associée aux programmes actuels simplement en raison du vieillissement de la population.

À cet égard, à la page 52 du document du ministre, on compare les dépenses de programmes dans l'ensemble du secteur public et canadien à celles des pays du G-7. Ces dépenses sont pratiquement tombées au niveau des pays du G-7. Mais il s'agit là d'une comparaison un peu faussée, parce que la majorité des pays du G-7 ont déjà connu le vieillissement de la population. Ces pays ont déjà augmenté leurs dépenses dans le domaine de la sécurité sociale et de la santé. En fait c'est le cas de la majorité des pays européens, par exemple, alors que nous n'avons pas encore pris de mesures en ce sens.

L'OCDE a effectué une étude et s'est penché sur l'impact qu'aurait l'augmentation des dépenses sur le taux d'imposition dans l'avenir. On a constaté que si l'on place le Canada et les pays de l'UE sur un pied d'égalité, par exemple, les taux d'imposition du Canada étaient déjà plus élevés que ceux des pays de l'UE de 1 point de pourcentage. Comme je l'ai dit, nous n'avons pas encore attaqué le problème du financement des dépenses accrues dans les secteurs de la sécurité sociale et de la santé.

À mon avis, la chose la plus importante pour le gouvernement est de commencer à faire ces comptes générationnels à chaque année et de se pencher sur l'impact que cela pourrait avoir sur les nouvelles orientations de la politique économique.

M. Laidler: J'aimerais faire un commentaire sur les facteurs démographiques. Lorsque ces questions sont soulevées, je ne comprends vraiment pas pourquoi les gens ne considèrent pas la politique d'immigration comme mécanisme qui permettrait de régler le problème démographique. Il faut se pencher sérieusement sur la question.

M. Grubel: Cela ne fonctionne pas.

Le président: Je suis heureux que vous ayez soulevé cette question.

M. Grubel: M. O'Neill a dit que nous ne devrions pas parler du niveau optimal des dépenses. M. McCallum aime clairement le niveau actuel des dépenses de programmes, soit 106 milliards de dollars, et il croit qu'il s'agit là du niveau optimal.

Si nous éliminons le déficit en deux ans en utilisant les suppositions prudentes de l'Université de Toronto au chapitre de la croissance des recettes et des taux d'intérêt, nous devrions réduire les dépenses au titre des programmes de 95 milliards de dollars par année. D'après mes calculs cela ramènerait ces dépenses à un ratio au PIB du même niveau que celui qui existait avant queM. Trudeau ne se lance dans ses folles dépenses.

.1720

Il faut se demander où nous pouvons trouver un autre 10 milliards de dollars. Le fait est, comme je l'ai appris hier après avoir posé une question au ministre, que dans le domaine des dépenses des programmes, outre les transferts aux provinces, le gouvernement, par ses réductions de dépenses extraordinaires, n'a réduit ses propres dépenses que de 2 milliards de dollars par année, soit de moins de 2 p. 100. Je crois qu'il y a beaucoup de gens qui se rendent compte qu'il y a encore beaucoup de dégraissage à faire à Ottawa. Ces 10 milliards de dollars qui nous ramèneraient à un déficit zéro en 1998-1999 pourraient être trouvés assez facilement.

Le président: Je crois que Lynne Toupin voulait vous offrir un ou deux milliards de dollars, Herb.

Mme Toupin: Nous parlons de la dette et de la réduction de la dette depuis déjà un bon moment. Je voulais quand même vous mettre en garde; il faut commencer à étudier l'impact de la réduction des déficits aux niveaux provincial et fédéral sur la population. Ce n'est pas négligeable. Si vous voulez de plus amples renseignements sur ces incidences, il suffit de consulter les études préliminaires préparées par divers groupes. Nous ne pouvons pas continuer ces efforts de réduction des dépenses sans tenir compte des impacts qu'ils ont sur la population.

C'est la seule mise en garde que je voulais faire. Nous parlons de la question et nous reconnaissons qu'il faut assainir les dépenses publiques ici et à tous les autres paliers de gouvernement, mais il faut quand même se poser deux grandes questions: À quel prix voulons-nous réduire les dépenses? Jusqu'où voulons-nous aller?

Le président: Je vous encourage donc de demander aux auteurs de ces rapports de nous faire part de leurs conclusions lors de notre étude prébudgétaire. Nous rencontrerons sans doute un grand nombre d'entre eux lorsque nous nous déplacerons dans toutes les régions du pays. Nous avons hâte de discuter de la question avec eux.

John McCallum.

M. McCallum: Mon intervention est en quelque sorte un rappel au règlement. Mon ami et mon ancien collègue M. Grubel dit qu'il est évident que je crois que le niveau de dépenses de 1998-1999 est le niveau optimal. Je ne sais pas comment il en est venu à cette conclusion, parce que je n'ai jamais dit ça.

Tout ce que j'ai dit c'était qu'en appliquant les politiques actuelles, si nous maintenons le cap, nous pourrions avoir une réduction du coefficient d'endettement sans prendre d'autres mesures que celles annoncées dans les budgets de M. Martin. Puis j'ai dit que la réduction du coefficient d'endettement s'accompagnerait d'un excédent qui pourrait être utilisé pour réduire les impôts ou accroître les dépenses du gouvernement, ou même pour réduire les dépenses du gouvernement et réduire encore plus les impôts.

Je crois que l'utilisation de l'excédent financier est une question politique. Je disais simplement que si l'on maintient les plans proposés, il y aura un excédent. C'est aux responsables politiques qu'il revient de décider ce qu'on fera de cet excédent, soit augmenter les dépenses ou réduire les impôts. Je ne me prononce pas là-dessus.

M. Grubel: Sauf votre respect, il faudra prendre une décision politique à ce moment rêvé pour établir le niveau des dépenses de programmes. Je suis d'accord avec vous. Il faudra prendre une décision, un jour ou l'autre, que ce soit en l'an 2001 comme vous l'avez proposé ou deux ou trois ans plus tôt. Vous ne pouvez pas dire qu'il s'agit là de choses peu importantes. Il y a d'importantes dépenses de programmes, il y a des chevauchements de compétence dans le domaine des pêches et des forêts par exemple, et si l'on éliminait ces chevauchements nous pourrions atteindre le niveau visé sans toucher aux programmes qui intéressent tout particulièrement Lynne Toupin.

M. McCallum: Je voulais simplement faire ce commentaire technique. Nous étudions d'ailleurs actuellement la question, Herb, et je vous ferai parvenir une copie du rapport lorsqu'il sera disponible.

M. Grubel: Nous aussi nous étudions la question de très près.

Le président: John, je peux répondre à votre question très clairement. Herb pensait que votre commentaire, tacite peut-être, selon lequel les chiffres étaient au niveau optimal, est attribuable au grand respect qu'il a pour vous, l'économiste de renommée.

Mesdames et messieurs, il y a déjà 1 h 55 minutes que nous étudions la question. C'est à vous qu'il revient de décider comment vous voulez procéder. Il y a des rafraîchissements dans la salle et vous voudrez peut-être prendre une brève pause avant de poursuivre.

.1725

Nous pourrions mettre fin rapidement à cette étape portant sur la dette et le déficit puis revenir et discuter de l'avenir, des politiques monétaires et de la création d'emplois. Je m'en remets à vous.

Monsieur Leblanc.

[Français]

M. Leblanc: Tantôt, on a parlé des effets de l'inflation par rapport à la dette relative et d'aller un peu plus rapidement au niveau de la population pour ce qui est de la dette par rapport au PIB.

Le président: La question de l'inflation sera abordée plus tard par M. Pierre Fortin.

M. Leblanc: Le président exerce un contrôle pas mal serré.

Le président: Excusez-moi, monsieur Leblanc, mais j'ai dit au début qu'il y avait trois questions et que la question de l'inflation serait traitée par M. Pierre Fortin.

M. Leblanc: Je vais donc parler des taux d'intérêt. Je sais que les taux d'intérêt sont très bas et que c'est une bonne chose. On a tendance à penser qu'il faudra encore les abaisser. Mais les taux d'intérêt actuels, même réduits encore plus, n'amélioreront pas la croissance économique. Cela ne semble pas avoir eu d'effet sur la croissance économique depuis quelque temps.

J'ai vécu moi-même l'expérience ici à Ottawa, en 1989, au moment où les conservateurs ont augmenté un peu les taux d'intérêt et où l'économie s'est arrêtée carrément en l'espace de quelques mois. Est-ce qu'il n'y a pas un certain danger à trop réduire les taux d'intérêt? Si, par la suite, on les augmentait tout à coup de 1 ou 2 p. 100, il y aurait peut-être une réaction des consommateurs et des investisseurs qui serait aussi dramatique que celle qu'on a vécue en 1989. Cela m'inquiète un peu.

M. Fortin: Il n'y a aucune controverse à travers le monde sur l'effet majeur qu'une politique monétaire expansionniste ou restrictive peut avoir sur la croissance de l'économie à court terme par rapport au potentiel de l'économie, c'est-à-dire faire augmenter ou diminuer l'écart entre le potentiel et la réalisation de ce potentiel.

Il peut y avoir des divergences sur les mécanismes par lesquels la politique monétaire arrive à influer sur l'économie, et vous en mentionnez une qui est pleine de bon sens; c'est-à-dire qu'il se peut que l'économie réagisse plus vite à une hausse de taux d'intérêt et prenne plus de temps à réagir à une baisse de taux d'intérêt. Il y a des possibilités d'effets asymétriques de la politique monétaire.

Je dirais qu'à l'heure actuelle, la raison principale pour laquelle l'économie semble tarder à réagir aux baisses du taux d'intérêt depuis un an à 15 mois, c'est qu'il y a en même temps un ralentissement de l'économie provoqué par les coupures budgétaires elles-mêmes. C'est comme si on était sur un tapis roulant. Pour l'instant, c'est le tapis qui gagne.

Évidemment, quand le train de coupures budgétaires va être passé, vous allez voir que les effets des taux d'intérêt favorables au retour du plein emploi vont se faire sentir très fort. On l'a vu d'ailleurs en 1994. On avait des taux d'intérêt inférieurs à 4 p. 100, on avait en même temps une croissance économique très forte aux États-Unis, et les coupures budgétaires n'avaient pas encore pris effet. L'économie est repartie très fort en 1994.

À l'heure actuelle, la raison pour laquelle ce n'est pas encore clair, c'est qu'il y a des facteurs qui contrebalancent l'effet favorable de la politique monétaire. Vous ne devriez pas avoir de problème avec l'idée que la baisse des taux d'intérêt encourage le retour de l'économie vers le plein emploi. C'est une proposition vraiment incontournable.

Le président: Ça va, monsieur Leblanc?

Merci beaucoup.

[Traduction]

Quelqu'un veut-il faire d'autres commentaires avant la pause? Dans la négative, nous pourrions prendre une pause d'une quinzaine de minutes puis discuter ensuite de l'avenir.

.1730

En guise de conclusion à cette étape de nos discussions, on semble s'entendre pour dire que le niveau de la dette actuelle aura un impact certain sur l'avenir économique du Canada. On a signalé que le Canada est encore bien loin de son objectif de 50 p. 100 qui lui permettrait de participer à un programme de monnaie commune; après tout, la dette fédérale et celle des provinces représentent quelque 103 p. 100 de notre produit intérieur brut et chaque année nous payons quelques 50 milliards de dollars au service de la dette, ce qui est plus de deux fois plus élevé que le montant que nous consacrons à notre programme de dépenses le plus important.

Certains ont dit, à l'exception de Michael Walker, que nous ne pouvons pas nous permettre en ce moment de réduire des impôts. M. de Bever l'a dit de façon catégorique car il a signalé que le débarquement en Normandie vient à peine d'avoir lieu et que nous ne pouvons pas crier victoire.

Sauf le respect que je dois à M. Walker, il a dit que le gouvernement devrait réduire les impôts et réduire encore plus les dépenses. Dans la discussion qui suivra la pause, les intéressés voudront peut-être nous proposer des façons pour le gouvernement d'apporter ces réductions. Nous serions très heureux de recevoir vos conseils.

Pouvons-nous prendre une pause de quinze minutes? Merci.

.1731

.1758

Le président: Pouvons-nous reprendre nos travaux? Nous en sommes maintenant au troisième volet; ce n'est pas nécessairement le dernier, mais tout au moins l'avant-dernier volet de nos discussions.

J'ai demandé à M. Pierre Fortin de lancer la discussion. Je ne sais pas si le document a été publié, mais j'ai vu une copie de son rapport sur la politique monétaire du Canada. Il a établi un lien direct entre une politique monétaire resserrée et la perte d'emplois. Il soutient que nous devrions accroître le taux d'inflation ou tout au moins assouplir notre politique monétaire au Canada pour créer un plus grand nombre d'emplois. Le comité a l'esprit ouvert et est toujours prêt à accueillir de nouvelles idées.

Monsieur Fortin, vous m'avez dit que vous aimeriez disposer de 7 ou 8 minutes pour présenter votre théorie. Puis nous passerons à la discussion.

J'invite également les autres témoins à faire des commentaires sur ce que le gouvernement devrait annoncer dans son prochain budget ou dans ses prochains budgets, pour bâtir notre pays.

.1800

Il est maintenant 18 heures. Nous pourrions essayer de terminer au plus tard à 19 h 30. Je m'en remets cependant à vous, parce que je sais qu'il y aura quand même beaucoup de questions.

[Français]

M. Fortin: Je vais commencer par expliquer pourquoi, au départ, je me suis posé la question de la relation entre le taux de chômage et le taux d'inflation. Ça vient de l'observation de la performance économique américaine par comparaison à la performance économique canadienne au cours des30 dernières années.

Dans les 20 années qui ont précédé 1990, le taux d'emploi, c'est-à-dire la proportion de la population totale qui a un emploi dans les deux pays, a été à peu près le même; elle a augmenté dans les deux pays et la performance d'emploi a été la même dans les deux pays. Tout à coup, dans les années 1990, on a observé une récession aux États-Unis. Oui, le taux d'emploi aux États-Unis a baissé de 3 p. 100 de 1990 à 1993, mais dès 1995, il y a eu une reprise qui les a ramenés au niveau où ils étaient en 1989-1990. Et même à l'heure actuelle, on parle de surchauffe aux États-Unis, ce qui, à mon avis, n'est pas loin d'être la situation, avec un taux de chômage qui est entre 5 et 5,5 p. 100.

Au contraire, au Canada, notre taux d'emploi a baissé de 7 p. 100 de 1990 à 1993, ce qui veut dire qu'en 1993, notre économie fonctionnait à 7 p. 100 en-dessous de sa capacité.

En 1994, il y a eu une reprise assez bonne, mais elle a duré seulement un an. On est remontés à6 p. 100 en-dessous de notre niveau d'emploi du début de 1990, mais on est retombés en stagnation de croissance depuis 1994. Donc, on se retrouve encore, en 1996, à 6 p. 100 en-dessous du taux d'emploi de 1989-1990 alors que les Américains sont remontés à 100 p. 100. La question qu'on se pose est: why?.

Par la même occasion, on observe que le taux de chômage et le taux d'inflation aux États-Unis sont respectivement de 5 p. 100 et de 3 p. 100. M. Greenspan, au lieu de viser un taux d'inflation de1 p. 100, a visé un taux de 3 p. 100 et, en même temps, il a réussi à faire reprendre l'économie américaine et à la ramener près d'un taux de chômage de 5 p. 100, ce qui est pratiquement le plein emploi dans cette économie-là. Si on descend en bas de 5 p. 100, il y a aura très probablement une accélération inflationniste importante.

De notre côté, on a visé 1 p. 100, mais on a été incapables de faire descendre le taux de chômage, depuis quatre ans à quatre ans et demi, en-dessous de 9 p. 100. Donc, l'hypothèse que je pose, c'est qu'il y a une relation entre le taux d'inflation de 3 p. 100 aux États-Unis et leur capacité d'amener l'économie au plein emploi, et notre taux d'inflation de 1 p. 100 et notre incapacité de ramener notre taux de chômage en bas de 9 p. 100.

Alors qu'en 1989, l'estimation de la banque centrale, la mienne ou celle de beaucoup de chercheurs était que le taux de chômage minimum de plein emploi qu'on pouvait se permettre était de 7,5 p. 100 à 8 p. 100, on a coupé cumulativement les paiements d'assurance-chômage de 40 p. 100 au Canada, ce qui a réduit le taux de chômage structurel au Canada d'un autre point de pourcentage.

Donc, le taux de chômage qu'on pourrait atteindre en situation de plein emploi au Canada se situe sans doute en-dessous de 7 p. 100 à l'heure actuelle.

Pourquoi y a-t-il cette relation-là? La raison pour laquelle c'est un phénomène imprévu, c'est qu'on n'a jamais essayé d'avoir un taux d'inflation en bas de 3 p. 100 au Canada dans une période où le taux de croissance de la productivité était aussi faible que 1 à 1,3 p. 100.

.1805

On a réussi, dans les années 1950 ou 1960, à obtenir cela, mais la productivité croissait tellement rapidement qu'on avait des taux de croissance de salaires annuels de 5 p. 100. C'était, comme on dit en anglais, unchartered territory. C'était comme si notre banque centrale avait joué et perdu.

Je me suis donc demandé pourquoi le fait de viser 3 p. 100 d'inflation donnait un taux de chômage de 7 p. 100 ou moins au Canada, alors que viser 1 p. 100 ne permettait pas de descendre au-dessous de 9 p. 100. Je pense avoir trouvé la réponse en observant le comportement des entreprises.

Dans une année normale, il y a toujours des entreprises qui font mieux que les autres et des entreprises qui font moins bien que les autres.

Si le taux d'inflation dans l'économie est de 5 p. 100, les entreprises qui font mieux peuvent donner des augmentations de salaire de plus de 5 p. 100, alors que les entreprises qui font moins bien sont obligées de donner des augmentations de moins de 5 p. 100. C'est normal. C'est comme ça que les marchés fonctionnent.

Quand vous donnez une augmentation de salaire de 2 p. 100 à vos employés alors que le taux d'augmentation moyen des salaires est de 5 p. 100, cela fait une différence de 3 p. 100 mais vous n'êtes pas obligé de couper leur salaire de façon absolue. Mais si vous n'avez qu'un taux moyen d'augmentation des salaires de 1 p. 100 et que vous voulez vous ajuster de la même manière par rapport à la moyenne et conserver la différence de 3 p. 100, vous serez obligé de couper les salaires de 2 p. 100.

Or, les entreprises ne veulent pas couper les salaires de façon absolue parce qu'elles craignent qu'il y ait un backlash des employés sur le plan de la productivité et que cela affecte le moral de leurs employés. Les entreprises craignent également que cela affecte le roulement de leur main-d'oeuvre et que leurs meilleurs employés les quittent.

Dans ces circonstances où on a un taux d'inflation très bas, les entreprises ne voudront donc pas, sauf en cas de détresse financière extrême, couper les salaires. Elles vont payer des salaires trop élevés et, pour survivre financièrement, elles vont être obligées de mettre beaucoup de gens à pied. Ainsi, si on maintient l'inflation à 1 p. 100, on va avoir beaucoup plus de chômage que si on maintient l'inflation à 3 ou 4 p. 100. C'est le raisonnement de base.

En regardant les données des conventions collectives au Canada, j'ai remarqué qu'on avait des augmentations de salaire très douces et très normales, au Canada, lorsque le taux d'inflation était de l'ordre de 5 ou 6 p. 100, mais que lorsque le taux d'inflation était comme dans les années 1993 ou 1994, et je pense seulement au secteur privé, la moitié des conventions collectives gelaient les salaires.

Il y avait donc une compression absolument gigantesque de la distribution des variations de salaires à zéro. Il y avait un pic à zéro. C'était la preuve formelle qu'il y avait cette énorme résistance des entreprises à couper les salaires de façon absolue.

Cet argument n'était déjà pas nouveau. C'est un argument qui a été développé dans l'allocution de président de James Tobin en 1971, qui a été publiée en 1972 dans l'American Economic Review. À ce moment-là, cependant, c'était simplement une conjecture puisque l'on n'observait pas des taux d'inflation aussi bas. C'est encore une conjecture parce qu'il y a encore beaucoup de recherche économique là-dessus.

Ma conclusion est qu'il faut, dans toute la mesure du possible, maintenir le taux d'inflation au niveau le plus bas possible, mais au niveau le plus bas qui permette de maintenir le taux de chômage au niveau le plus bas possible de façon soutenable et permanente. Ça me semble d'ailleurs être le cas si on regarde la situation américaine où le taux d'inflation - je n'ai pas de chiffres extrêmement précis - me semble être autour de 3 p. 100 comme au Canada.

Si on insiste pour maintenir le taux d'inflation à 1 p. 100, on aura chaque année un déficit de 500 000 emplois au Canada, indéfiniment.

.1810

Ce n'est pas l'idée de the costs behind us are past, present and future. On aura constamment un déficit de 500 000 emplois et notre taux de chômage sera de 2 ou 3 p. 100 au-dessus de son niveau de 6, 5 ou 7 p. 100, qui est le chômage structurel actuel.

Tel est l'argument. C'est un argument qui est conjectural, mais qui commence à être fondé sur des observations, à la fois canadiennes et américaines, de la situation. Ce que je propose n'est donc pas une chose qui va être contraignante immédiatement pour le gouvernement canadien et pour la Banque du Canada puisqu'à l'heure actuelle, le taux d'inflation est très bas. On était même en déflation au premier trimestre de cette année. On voit qu'à cause de cela, la banque centrale est intervenue pour maintenir le taux d'intérêt beaucoup plus bas.

Le danger sera dans deux ans, au moment où le taux de chômage sera peut-être passé à 8 ou8,5 p. 100 et où le taux d'inflation sera d'environ 2 p. 100. Le risque est qu'à ce moment-là, la banque centrale panique et remonte les taux d'intérêt de 4 à 8, 9 ou 10 p. 100 pour empêcher l'inflation de remonter, alors que notre taux de chômage sera encore à 1,5 p. 100 au-dessus de ce qu'on est capable d'avoir avec un taux d'inflation permanent de 3 p. 100. C'est mon argument. Il est simple.

Ma proposition est que la fourchette du taux d'inflation de 1 à 3 p. 100 actuelle, qui est en vigueur jusqu'à la fin de 1998, soit portée à 2 à 4 p. 100. Il ne s'agit pas d'hyperinflation pour demain matin. C'est tout simplement un ajustement aux réalités qui font que le coût en pertes d'emplois pour les Canadiens est incommensurable par rapport aux avantages de maintenir l'inflation à 2 p. 100 plutôt qu'à 3 p. 100.

Le président: Merci, professeur Fortin. La question du chômage est très importante pour tous les députés autour de cette table et pour tous les Canadiens et Canadiennes. Il n'est peut-être pas juste de demander l'opinion des autres experts ici parce qu'ils n'ont pas eu l'occasion d'étudier en profondeur votre proposition, mais je vais la leur demander.

[Traduction]

David Laidler.

M. Laidler: J'ai lu le message annuel du président présenté par Pierre et j'ai lu l'article paru dans Brookings Papers on Economic Activity, qui a d'ailleurs fait couler beaucoup d'encre, rédigé par George Akerlof, George Perry et un troisième auteur dont le nom m'échappe. J'ai également lu l'article de Paul Krugman dans The Economist et bien d'autres articles, parce que je m'attendais à ce qu'on soulève la question cet après-midi.

Voici ce que j'en pense. Nous avons parlé avant la pause des principes fondamentaux de la politique macro-économique canadienne et de la fragilité de ces principes. Une des choses qui est assez encourageante, ce sont les coûts d'emprunt. Les taux d'intérêt nominaux sont très bas, si on les compare à la tendance historique. Ils ont baissé dans tous les secteurs. J'ai lu le Financial Post ce matin et j'ai constaté que pour que les taux d'intérêts nominaux au Canada soient plus élevés que ceux des États-unis, il faut que l'amortissement d'un prêt se fasse sur une période de plus de sept ans. C'est un revirement extraordinaire.

Je crois que cette situation est attribuable au fait que les marchés des capitaux perçoivent la politique macro-économique canadienne comme étant de plus en plus crédible. Cela découle en partie de notre politique budgétaire, mais également de notre politique monétaire. Nous avons établi des objectifs pour l'inflation et la Banque du Canada a démontré qu'elle peut respecter les paramètres qui avaient été établis, chose dont doutaient nombre d'économistes il y a quelques années.

Comme M. Fortin l'a signalé, ces objectifs doivent être révisés en 1998. Je crois que c'est une bonne chose. On devrait discuter en détail de ce que cette expérience nous a appris. Puis, nous devrions décider quelle devrait être la politique monétaire au cours des quatre ou cinq prochaines années, soit un contre trois, soit zéro contre deux, deux contre quatre ou peu importe.

.1815

Si nous changeons ou en fait augmentons ces objectifs plus tôt que prévu, nous pourrions miner la crédibilité de la politique macro-économique canadienne et perdre assez rapidement les faibles taux d'intérêt; à moins que nous ayons une très bonne raison de le faire, une raison que la Banque du Canada pourrait expliquer aux marchés des capitaux. Il faudrait évidemment que ces derniers acceptent cette raison.

M. Fortin a parlé du piètre rendement du marché du travail canadien en comparaison avec le marché du travail américain. Je ne m'oppose pas à ces commentaires. Nous devons tous reconnaître que le marché du travail canadien n'a pas eu un rendement très encourageant au cours des cinq ou six dernières années. C'est très étrange. L'explication que M. Fortin a donné est fondée sur certaines conjectures qu'avait faites James Tobin il y a 25 ans; comme M. Fortin l'a signalé, il est impossible de vérifier si ces hypothèses étaient fondées. Les conjectures de M. Tobin portaient sur la façon dont une économie se comportait lorsqu'il y avait des taux d'inflation faibles. Nous n'avons pas eu de taux d'inflation faibles depuis 25 ans.

Je m'inquiète du fait que M. Fortin ne peut trouver qu'une cause au piètre rendement du marché du travail canadien. Je peux vous donner toute une liste de raisons pour lesquelles le marché du travail canadien éprouve des problèmes en ce moment. Tout d'abord, même si j'ai félicité la Banque du Canada, je l'ai déjà par le passé accusée d'être trop obsédée par son désir de faire baisser le taux d'inflation, trop rapidement, et de maintenir ce taux au niveau le plus bas possible, trop souvent, parce que je suis convaincu que cela a eu un impact sur le taux de chômage au Canada.

De plus, comme l'a déjà dit Pierre dans certains de ses rapports, qu'il n'a pas mentionnés aujourd'hui, je suis convaincu que si vous vous attaquez au marché du travail et que vous faites grimper le taux de chômage de façon marquée et de façon rapide, vous ferez changer temporairement le TCIS. Pour reprendre un terme technique, je crois qu'il y a une hystérèse partielle sur le marché du travail canadien.

Cela veut dire que si une de vos tactiques est d'avoir une politique monétaire très resserrée - je ne parle pas de stratégie mais bien de tactique - vous ralentissez la rapidité avec laquelle vous pouvez permettre au taux de chômage de s'adapter à la baisse de l'inflation. Je crois qu'une erreur tactique au chapitre de la politique monétaire au Canada a eu un impact sur le comportement du marché du travail par le passé. Je ne dis rien de nouveau. Je l'ai dit à plusieurs reprises auparavant.

Nous pouvons également parler de la crédibilité de la politique budgétaire. La politique budgétaire canadienne n'est devenue crédible que tout récemment, et cela a eu un impact sur les taux d'intérêt. La situation au Québec a certainement eu un impact à la hausse sur les taux d'intérêt. Je ne blâme pas uniquement l'économie du Québec dans cette affaire, mais je signale simplement que cela a eu un impact sur l'ensemble de l'économie canadienne car tout emprunt par le Canada était assorti d'un coefficient de risque.

Nous avons procédé à la réforme de l'assurance-emploi et du programme de soutien du revenu, et cela aide un peu, mais ces réformes sont toutes récentes. Je peux expliquer le piètre rendement du marché du travail canadien de toutes sortes de façons sans avoir recours à l'explication de M. Fortin.

Le président: Merci.

M. Laidler: Je n'ai pas fini, si vous permettez. J'aimerais revenir à l'explication fournie.

Pierre mentionne les chiffres illustrant le marché du travail canadien. Bill Robson, un collègue à moi à l'Institut C.D. Howe, a repris les données de M. Fortin et les a décomposées. J'ai ici quelques tableaux que je devrais peut-être faire circuler.

Les données dont parle Pierre ont trait aux règlements salariaux et non pas aux salaires en général, dans l'économie canadienne. Or, les règlements salariaux en question sont dominés par ceux du secteur public. En effet, environ 60 p. 100 des règlements salariaux de l'échantillonnage de M. Fortin se rapportent à des règlements du secteur public, alors que seulement 20 p. 100 de la main-d'oeuvre canadienne travaillent dans le secteur public.

.1820

De plus, 90 p. 100 des gels de salaire, en chiffres ronds, sont constitués de gels de salaire dans le secteur public, au cours de la période de 1992-1994, à l'époque où le contrat social ontarien a été instauré.

Les chiffres de M. Fortin sont très intéressants et sans doute les meilleurs que nous ayons; toutefois, je crois qu'ils ne sont pas représentatifs du marché du travail moyen au Canada.

Un dernier point au sujet des autres documents cités en référence. L'étude dont tout le monde parle est celle de Akerlof et Perry et d'un troisième auteur; cette étude a été distribuée un peu partout. D'ailleurs, un ou deux journalistes m'ont appelé là-dessus. Ils avaient lu l'article, mais pas les commentaires. J'ai donc pris sur moi de faire des copies des commentaires.

Si je l'ai fait, c'est parce que deux des commentateurs sont Robert J. Gordon et Greg Mankiw, deux membres en règle de la mafia Brookings-Keynésienne, si vous voulez. Appelez-les ce que vous voulez, sauf des monétaristes ou des défenseurs de la Banque du Canada. Ils sont extrêmement critiques des conclusions du rapport Akerlof et ses collègues. Laissez-moi vous lire quelques citations. Voici ce que dit Gordon, page 62:

La critique de Lucas, c'est une autre façon de dire que si l'environnement est propice à une inflation faible, il faut s'attendre à ce que les prévisions et les institutions s'ajustent en temps et lieux, et il est très risqué d'interpréter un environnement à partir d'un autre et de s'attendre à ce que le comportement reste immuable.

Voici ce que dit Greg Mankiw, un Keynésien en règle du MIT, à la page 69

Monsieur le président, je pourrais poursuivre indéfiniment. Je n'essaie pas de vous convaincre que Pierre Fortin a tort, ni même que George Akerlof a tort. Je tiens simplement à vous signaler si elle ne manque pas d'intérêt, que leur thèse est certainement loin d'être prouvée et ne nous fournit pas de justification rigoureuse pour modifier de façon prématurée nos objectifs de politique anti-inflationniste au Canada, pour l'instant en tout cas.

Le président: Merci, monsieur Laidler.

M. Laidler: Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Fortin, est-ce que vous aimeriez répondre à M. Laidler?

M. Fortin: Je voudrais tout simplement dire qu'il y a beaucoup de points qui méritent une attention particulière, mais comme la discussion dégénère en séminaire de département d'économie, je vais demander à M. Laidler d'attendre une semaine avant que je lui donne une réponse plus définitive.

Quant aux critiques qui sont venues à la suite de l'article de notre collègue George Akerlof, elles disent essentiellement que l'analyse de l'économie américaine et de l'inflation aux États-Unis est fondée sur des conjectures en ce qui concerne l'évolution des salaires aux États-Unis si on avait une politique d'inflation zéro ou de près de 1 p. 100.

C'est le cas pour les données américaines, mais ce n'est pas le cas pour les données canadiennes. Le problème est qu'ils disent qu'aux États-Unis, on n'observe pas l'inflation zéro ou l'inflation à1 p. 100. Donc, Akerlof, a peut-être fait des conjectures qui ne seront pas vérifiées quand l'économie américaine sera à 1 p. 100. On l'a ici au Canada et on peut observer une très forte concentration des augmentations de salaires.

.1825

Le deuxième point que je veux soulever est une question factuelle. J'ai repris les données sur la feuille qu'a distribuée le professeur Laidler seulement pour les années 1993 et 1994 et j'ai pris seulement le secteur privé. De 45 à 50 p. 100 des conventions collectives du secteur privé prévoient des gels de salaire, alors que les données qu'il rapporte comprennent beaucoup de conventions collectives du secteur public négociées en 1992. J'ai nettoyé ça et j'arrive exactement à la même conclusion. Je le remercie d'ailleurs de le souligner. C'est très gentil de sa part et ça m'a permis de faire cette distinction-là.

Le président: David Laidler.

[Traduction]

M. Laidler: J'ai une question au sujet des chiffres de 1994-1995. Si j'ai bien compris ce qui se trouvait dans votre premier document, les contrats qui imposaient un gel de salaire, d'après vous, incluaient les contrats pluriannuels au cours desquels seuls les salaires de la première année étaient gelés. Est-ce encore vrai dans l'échantillonnage de 1994-1995?

M. Fortin: Oui.

Le président: Tim O'Neill.

M. O'Neill: Cela me rappelle mes 16 années d'enseignement universitaire. J'ai l'impression de participer à un séminaire.

Le président: Vous voulez dire que vous avez compris, monsieur O'Neill?

M. O'Neill: Je dois l'admettre.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Cela fait partie du syndrome de Lucas.

M. O'Neill: Vous voulez dire de la critique de Lucas; c'est un syndrome différent.

Personne ne conteste le fait qu'une politique monétaire restrictive, comme l'a dit M. Laidler, aura une conséquence négative sur l'économie. Nous sommes tous d'accord. La question est de savoir si cette incidence sera permanente ou transitoire, surtout lorsque l'inflation est très faible. Lorsque l'inflation est élevée, on ne se demande pas s'il est possible de réduire les profits réels ou les salaires réels que reçoivent les travailleurs. Il suffit d'obtenir une augmentation nominale du salaire qui soit moindre que le taux d'inflation. Personne ne suppose au départ que les travailleurs comprennent mal ce qui arrive en réalité. Toutefois, lorsque l'inflation est faible, il existe une rigidité. Au fond, il faut comprendre que c'est un phénomène permanent et immuable en soit.

J'espère que je n'ai pas simplifié à outrance, monsieur Fortin.

M. Fortin: Vous avez joliment simplifié.

M. O'Neill: La difficulté c'est que si le taux d'inflation n'a pas été faible suffisamment longtemps, vous ne saurez jamais si vous avez bien saisi le comportement des employeurs et des employés au moment de la négociation des contrats.

Deuxièmement, les chiffres que nous donnent les règlements salariaux nous informent sur ce qui se passe dans le cas des règlements de salaire les plus importants, mais ne nous informent aucunement sur ce qui se passe chez ceux qui ont perdu des emplois, qui ont déménagé ou qui ont trouvé des emplois à salaire moindre. Il y a des tas de gens qui ont accepté une diminution de salaire, et je suis sûr que Mme Toupin et M. Hatton peuvent nous en parler longuement.

Le fait est que rien ne nous prouve actuellement que le problème soit plus que transitoire lorsque la politique monétaire est resserrée. Or, cela n'a strictement rien à voir avec le fait que la Banque du Canada soit intervenue trop rapidement ou de façon trop musclée ou avec le fait qu'elle ait fixé des objectifs trop bas. Cela, on peut toujours en débattre. Le grand enjeu, aujourd'hui, comme le dit Krugman et les autres dans leurs travaux, c'est qu'il faut se demander si une fois que nous avons réussi à juguler l'inflation, il nous faut maintenant la laisser remonter à 3 ou à 4 p. 100. C'est toute une autre paire de manche. D'après M. Fortin, il le faudrait, car le problème est permanent. Moi, je prétends le contraire, que rien ne nous le prouve encore.

Il faut maintenant se demander si on peut en tirer quelques avantages. Pierre a parlé des coûts. Une inflation faible nous rapporte-t-elle quelque chose? David a parlé de la crédibilité. L'un des avantages de la crédibilité, c'est qu'advenant un choc intempestif qui causerait temporairement une hausse de l'inflation, les Canadiens ne supposeraient pas nécessairement d'emblée que le taux d'inflation doit se mettre à monter à nouveau au Canada, ce qui obligerait à payer des primes à l'inflation dans les taux d'intérêt. Grâce à la crédibilité des autorités monétaires, les Canadiens sauraient que cela ne se produira pas.

.1830

Un grand sujet de préoccupation est ce qui arrivera si on décide que la Banque du Canada doit faire remonter les taux d'inflation. La crédibilité dont parle David pourrait être sérieusement entachée, et cela pourrait entraîner à nouveau une certaine instabilité telle que celle que l'on a vue plus tôt sur le marché financier.

Mme Farrow: Je vais commencer par dire que j'appuie sans réserve les observations de Tim O'Neill. Il a tout à fait raison de dire que nous ne savons pas si le problème est permanent et ancré. On va pouvoir en tirer certains avantages, instamment fameux dividende inflationniste tant attendu.

Nous perdrions toute crédibilité si nous laissions dériver nos objectifs en matière d'inflation. On a parlé de deux à quatre ou de trois à cinq, par exemple. Il faut maintenir le cap du côté financier tout comme on vise à le faire du côté monétaire. Les objectifs en matière d'inflation sont déjà fixés, ils doivent être maintenus et il ne faudrait pas nous en éloigner. Si on commence déjà à en parler, les Canadiens s'attendront à ce que l'inflation soit automatique.

J'aimerais revenir à quelque chose qui me semble bien.

Je n'ai évidemment pas les diplômes universitaires qu'ont MM. Fortin et Laidler, mais...

M. Fortin: Mais vous avez suffisamment de bon sens.

Mme Farrow: ...j'ai les deux pieds sur terre, et c'est ainsi qu'on constate qu'il existe en réalité deux économies en Amérique du Nord. Ces deux économies ont deux visages très différents, pour ce qui est du chômage, dont parlait M. Fortin.

J'aimerais faire valoir que la diminution du chômage ou la grande création d'emplois aux États-Unis n'est pas due nécessairement à cette différence dans le taux d'inflation mais est peut-être attribuable à un autre phénomène. Je crois que c'est parce qu'au milieu des années 1980, les États-Unis ont décidé de substituer massivement leurs propres produits aux importations. Les États-Unis ne dépendent donc plus des exportations pour assurer le bien-être économique de leur population. Ils survivent en empêchant l'entrée des importations.

Dans les années 1980, au moment de cette érosion, les Américains ont dû se demander sérieusement ce qu'ils devaient faire pour rester concurrentiels dans leur propre économie. Ils ont donc été obligés de se restructurer de fond en comble à la fin des années 1980. Or, les résultats se sont fait sentir très rapidement, parce qu'il s'agissait d'une restructuration généralisée.

Aujourd'hui, ils sont les premiers dans le secteur de l'automobile. En 1987, au moment où nous discutions de libre-échange, les Américains risquaient de perdre le marché de l'automobile. En fait, ils l'avaient déjà perdu.

Le Canada pour sa part a signé l'Accord de libre-échange, mais sur quoi a-t-il concentré sa restructuration? Sur le secteur des exportations. C'est assez logique, puisque 40 p. 100 de notre PNB est lié aux exportations. C'est ce qu'il fallait faire.

Ce n'est qu'au milieu des années 1990 que nous nous sommes tournés vers notre économie intérieure.

Voilà pourquoi je crois qu'il reste encore d'énormes gains à faire sur la scène de l'emploi d'ici la fin de la décennie. Comme le signalait M. McCallum, ou assistera à la création de beaucoup de nouveaux emplois.

Je ne suis pas d'accord avec M. Fortin, lorsqu'il dit qu'il faudrait parler de la courbe Phillips. Cela se justifie à certains égards, et les objectifs seront importants au moment de la redéfinition, mais n'allons pas nous imaginer que l'emploi est créé de cette façon.

M. Walker: Je voudrais préciser, M. Fortin, que seuls des gens très courageux comme vous acceptent le rôle de chef de file que vous assumez avec tous les inconvénients que cela compote et toutes les critiques dont vous êtes la cible.

Cela dit, je vais toutefois me joindre à ceux qui vous vilipendent, car je crois que toutes les critiques entendues sont exactes. Je souscris à l'argument de départ de M. Laidler, à savoir qu'il faut maintenir l'objectif monétaire.

.1835

Mais pour réagir de façon spécifique à votre document, je crois que son grave défaut, c'est qu'il définit un problème qui existait avant 1991.

Je sais que M. Grubel est beaucoup trop modeste pour se mettre en valeur, mais il faut préciser qu'en 1986, l'Institut Fraser publiait un de ses livres intitulé Why is Canada's Unemployment Rate So High? Ce livre analysait de façon très précise les raisons structurelles pour lesquelles le taux de chômage au Canada était si élevé.

A vrai dire, nous n'avions pas à l'époque le type de politique monétaire que vous tenez responsable de cet état de choses. M. Grubel signalait dans son livre que c'était pour des raisons structurelles qu'il fallait s'attendre seulement à ce que le taux de chômage au Canada soit plus élevé qu'aux États-unis, mais aussi à ce qu'il s'écarte de ce dernier avec le temps. Non seulement le problème que vous avez mentionné existait-il déjà, mais on lui trouvait une explication avant même que la Banque du Canada ne fixe sa propre politique.

Depuis la parution du livre de M. Grubel beaucoup d'événements sont survenus. J'aimerais vous en signaler un, notamment, qui a trait au niveau de dépenses du gouvernement et aux activités que nous choisissons d'effectuer dans le secteur public.

Une des différences les plus surprenantes entre la structure de l'emploi au Canada et celle des États-unis, actuellement, c'est que presque 2 p. 100 de plus de la main-d'oeuvre américaine est employée dans le secteur de la santé. Si vous ajoutez à cela que le taux d'épargne des personnes âgées aux États-unis est typiquement plus faible que pour les autres catégories d'âge, on constate que les Américains ont décidé de dépenser les épargnes accumulées dans certains cas par la population âgée et de consacrer plus de dépenses au secteur de la santé. Ce secteur représente environ 14 p. 100 du PNB américain, alors qu'il ne représente en gros que 10,5 p. 100 de notre PNB à nous. Par conséquent, le secteur des soins de la santé offre plus d'occasions d'emploi aux États-unis qu'ici.

Vous vous demandez pourquoi j'ouvre ce dossier de façon distincte. Si je le fais, c'est parce que, à moins que le Canada n'agisse pour réorganiser son système de soins de santé, il verra l'écart se creuser au fur et à mesure que notre population vieillit et l'emploi devenir de plus en plus rare dans le secteur de la santé.

Donc, sans parler des autres aspects structurels que mentionnait M. Grubel en 1986, il ne faut pas oublier ce problème de fond qui est la façon dont nous organisons un des secteurs clé de notre économie. En fait, le secteur de la santé est celui qui se développe le plus rapidement dans notre économie. Il nous faut donc nous y intéresser.

M. de Bever: M. Fortin, je vous ai entendu parler, il y a environ un mois à Kingston, du ratio emploi-population, et je me suis penché sur certains de vos chiffres.

Comme vous l'avez signalé dans votre article, il est vrai que le ratio de l'emploi au Canada et aux États-unis a divergé depuis 1990. Il est également vrai que ce phénomène s'est déjà produit au cours de tous les cycles d'affaire qui ont précédé ce moment. Ainsi, en 1970, la différence entre les deux ratios était de 3 p. 100, ce qui signifiait qu'aux États-unis on trouvait 3 p. 100 de plus de personnes avec un emploi qu'au Canada.

J'oserais dire qu'en effet, la politique monétaire a sans doute quelque chose à voir avec le fait que le ratio soit si élevé actuellement. Il est probablement tout aussi vrai que la politique financière a beaucoup à voir avec ce phénomène, car si vous regardez ce qui s'est passé entre 1975 et 1990, l'expansion du gouvernement a été très rapide au Canada, ce qui a permis à création de beaucoup d'emplois. Mais ce n'étaient pas des emplois durables. Par conséquent, en 1993, 1994 et 1995, nous avons vu un retranchement dans l'emploi du secteur privé. En fait, je crois que la différence entre la croissance totale de l'emploi et la croissance de l'emploi dans le secteur privé est d'environ 100 000 emplois cette année.

Voici où je veux en venir. Je crois que je suis en train de dire la même chose que M. Laidler. Il n'y a pas qu'une seule cause au problème. Il y a tant de facteurs qui interviennent que vous pourriez bien trouver une bonne explication pour ce qui arrive, mais il faut néanmoins faire attention à ne pas confondre corrélation et relation de cause à effet.

.1840

Je pense bien que, si je n'aime pas la théorie que vous avancez, c'est parce que vous dites ni plus ni moins qu'il faut leurrer les travailleurs à accepter des baisses de salaire réelles sous le couvert de l'inflation, au lieu de leur dire qu'il en est ainsi et qu'ils feraient mieux de s'y habituer.

Vous parlez d'illusion financière. Autrement dit, les gens ne sont pas prêts à accepter des baisses de salaire nominales, mais ils sont prêts à accepter des baisses de salaire qui, bien qu'elles soient attribuables à l'inflation, n'en sont pas moins réelles.

Le président: Merci, monsieur de Bever.

John McCallum.

M. McCallum: Merci. Je ne crois pas que ce que j'ai à dire soit en contradiction avec ce qu'a dit Pierre, même s'il ne sera peut-être pas de cet avis. Trois possibilités logiques s'offrent à la Banque du Canada en ce qui concerne ses objectifs en matière d'inflation: elle peut maintenir le taux d'inflation au même niveau, c'est-à-dire entre un et trois; elle peut l'augmenter, de telle sorte qu'il se situerait entre deux et quatre, par exemple; ou elle peut l'abaisser, le taux se situant, mettons, entre zéro et deux.

Je ne crois pas que Pierre recommande nécessairement une hausse immédiate des objectifs, mais il me semble que toute hausse des objectifs qui se produirait demain ou dans un avenir rapproché serait très mauvaise pour deux raisons. Tout d'abord, elle n'est pas nécessaire. Si Pierre a raison, le taux d'inflation se situe actuellement aux alentours de 1,4 p. 100. Nous avons un important écart de production, et la plupart d'entre nous ne pensent pas que le taux d'inflation augmentera de beaucoup d'ici deux ou trois ans.

M. Fortin: C'est ce que j'ai dit.

M. McCallum: Bon, alors, nous sommes peut-être d'accord. Nous n'avons donc pas besoin de relever les objectifs dans un avenir rapproché.

Par ailleurs, il serait vraiment contre-indiqué de laisser augmenter le taux d'inflation en raison de l'effet sur les marchés. J'ai dit tout à l'heure à quel point il était important d'avoir des taux d'intérêt faibles pour favoriser la création d'emplois. Si demain vous décidiez d'annoncer des objectifs plus élevés, il ne fait aucun doute, selon moi, que certains des taux d'intérêt augmenteraient pas mal.

Premièrement, donc, ce n'est pas nécessaire et, deuxièmement, tout relèvement des objectifs dans un avenir rapproché aurait des conséquences négatives, et je crois que nous sommes tous d'accord là-dessus.

La question est donc de savoir s'il faudrait ramener le taux d'inflation à un niveau entre zéro et deux? Certains diraient que oui. L'argument de Pierre ne permet toutefois pas de régler la question, puisque, comme vous l'avez entendu dire, nous sommes loin d'avoir fait le tour de la question, mais c'est un argument qui, s'il était avéré, militerait fortement contre une réduction semblable.

Je crois que la politique n'a guère de secret pour Pierre, et je ne pense pas qu'il croit réellement que nous aurons des objectifs plus élevés, mais son message, si les recherches plus poussées sur la question en confirment le bien-fondé, pourrait retarder l'éventualité d'une réduction graduelle des objectifs en matière d'inflation. Il me semble que c'est là la véritable question.

Le président: Merci, John McCallum.

[Français]

Clément Gignac, s'il vous plaît.

M. Gignac: Comment peut-on accepter les propos de Pierre Fortin et en même temps être en désaccord sur l'idée d'augmenter les cibles en ce moment ou un peu plus tard, c'est-à-dire donner raison à Maureen et à John, d'autant plus que je fais du covoiturage avec Pierre pour le retour à Montréal?

Je vais donc commencer par vous surprendre. Je travaille dans les milieux financiers en tant que stratégiste et économiste. Je pourrais vous dire, en espérant que cela ne nuira pas à ma crédibilité auprès des investisseurs étrangers, que si le taux d'inflation - et je vais donner des arguments à Pierre Fortin du point de vue du marché financier - au Canada était de l'ordre de 2,4 ou 2,5 p. 100 actuellement au lieu d'être de 1,3 ou 1,5 p. 100, les taux d'intérêt ne seraient pas très différents.

Je suis sûr que beaucoup de gens sont surpris. Je vais m'expliquer. J'ai été un grand défenseur de la Banque du Canada et je le suis toujours. Il ne s'est pas passé d'événements politiques majeurs dans les trois à cinq derniers mois, il n'y a pas eu de gros événements importants ou de baisses importantes du taux d'inflation dans les trois ou cinq derniers mois et pourtant, la prime de risque sur les titres de créance et les primes de risque des obligations du Canada, ou plutôt l'écart de taux d'intérêt dans les obligations sur 10 ans entre les États-Unis et le Canada a fondu. De 120 points de base qu'il était, l'écart est passé à 20 points de base aujourd'hui. On a donc eu, en moins de cinq mois, une diminution de 1 p. 100 de l'écart au niveau du coût du capital sur les titres de 10 ans ou 30 ans, entre les États-Unis et le Canada.

Une des grandes raisons de cette situation n'est pas un changement dans l'inflation, dans les perceptions d'inflation, mais plutôt le fait que, subitement, nous avons eu un compte courant en équilibre et finançons nos finances publiques nous-mêmes pour la première fois en 12 ans.

.1845

J'ai demandé aux investisseurs étrangers quelle était leur vision de l'inflation. Tous les investisseurs étrangers que j'ai rencontrés prétendent que, sur une période de 10, 20 ou 30 ans, le Canada, dont 40 p. 100 de l'économie est déterminée par les États-Unis, aura approximativement le même taux d'inflation.

Donc, sur 10, 20 ou 30 ans, les gens projettent un taux d'inflation, au Canada, à peu près similaire à celui des États-Unis, tout le monde étant d'accord que dans les trois ou cinq prochaines années, le taux d'inflation pourra être légèrement plus faible.

Cependant, quand vient le temps d'investir dans des obligations de 10, 20 ou 30 ans, nous ne prenons pas le taux d'inflation actuel par rapport aux États-Unis ou dans deux ans, mais plutôt des projections à long terme.

Si nous devions recommencer ce que nous avons fait voilà trois, quatre ou cinq ans avec le gouverneur Crow, nous l'inviterions sans doute davantage à utiliser les cibles ou à avoir une politique monétaire avec une vision d'inflation beaucoup plus similaire à celle des États-Unis, ce que la Banque du Canada vise actuellement, puisque les dividendes ne seraient pas très différents du point de vue des marchés financiers.

Cela dit, le passé est le passé. Je pense même que le gouvernement libéral s'accommode assez bien, actuellement, des cibles de la Banque du Canada. Au point de vue des marchés financiers, je crois que ce serait une erreur tactique importante qu'au moment où tous les pays du G-7 visent tant la stabilité des prix, nous lancions un message inverse.

Les recherches de Pierre Fortin sont très intéressantes au plan académique, bien qu'il y ait, évidemment, un peu de controverse sur les marchés financiers. J'ai dit en effet que, si le taux d'inflation était de 1 p. 100 plus élevé qu'il ne l'est actuellement, les taux d'intérêt ne seraient pas tellement différents. Cela serait cependant un très mauvais message à lancer en ce moment, alors que nous avons un endettement de 100 p. 100 du PIB et que nous devenons tout à coup plus laxistes en cette matière. Ce serait donc une erreur tactique stratégique importante.

Pour terminer, monsieur le président, je vous suggérerais de suivre attentivement les travaux de M. Fortin et les débats concernant la réserve fédérale. Si la réserve fédérale abaisse ses cibles à2 p. 100, on devrait actuellement, comme M. McCallum l'a proposé, continuer de cibler de 1 à 3 p. 100 avec 2 p. 100 comme médiane. On devrait maintenir cette politique monétaire tant et aussi longtemps que nous n'avons pas de développements ultérieurs du côté de la réserve fédérale aux États-Unis.

Le président: Merci, monsieur Gignac.

[Traduction]

M. Mendelsohn: Je ne passerai pas tout en revue. Je crois que je partage essentiellement toutes les critiques qui ont été faites. J'aurais toutefois une question, et il s'agit de...

Nous parlons du taux d'inflation au Canada qui serait le tiers ou la moitié du taux d'inflation aux États-Unis, mais le débat se poursuit toujours aux États-Unis, voire au sein de la banque centrale, sans parler des instituts de recherche, du Bureau des questions budgétaires du Congrès, du Comité économique mixte et du Bureau national de la recherche économique, quant à la question de savoir où se situe au juste le taux d'inflation aux États-Unis.

J'ai vu des rapports et des études selon lesquels le taux d'inflation aux États-Unis pourrait être inférieur au chiffre déclaré, l'écart pouvant se situer entre un demi-point et un point et demi de pourcentage. S'il en est ainsi, et je ne sais pas quel est le chiffre juste...mais ces travaux existent et certains sont persuadés que le chiffre réel est inférieur aux chiffres mesurés. Si le rajustement à faire est de un point ou de un point et demi de pourcentage, l'écart entre le Canada et les États-Unis n'est pas tellement important.

Par ailleurs, il est impérieux, si nous voulons favoriser une option semblable de ne pas perdre de vue la crédibilité de la Banque du Canada. La capacité de la banque a hausser encore davantage les taux, s'il devient nécessaire de le faire en raison d'un accident ou d'un événement quelconque qui exerce des pressions sur le taux d'inflation canadien, se trouve de beaucoup réduite si sa crédibilité est intacte, beaucoup plus que si les objectifs sont assez mobiles.

Je suis de l'avis de M. Gignac. Si le taux d'inflation passait à 2 p. 100 ou à 2,5 p. 100... je ne pense pas que cela changerait grand chose aux taux d'intérêt. On se trouverait toujours à l'intérieur de la fourchette acceptable. Pourvu qu'on n'aille pas dire: voilà notre nouvel objectif se situe entre2 p. 100 et 4 p. 100... Si le taux était de 2,5 p. 100, il s'approcherait de la limite supérieure de la fourchette prévue, soit de 1 p. 100 à 3 p. 100, mais cela ne poserait pas de problème, puisque la crédibilité de la banque serait intacte. Si toutefois, les objectifs étaient déplacés, nous nous retrouverions avec un autre problème.

Le président: Merci, Josh Mendelsohn.

Lynne Toupin.

.1850

Mme Toupin: J'ai deux points à soulever. Je commencerais par orienter la discussion dans une voie un peu différente, puis nous pourrons revenir à cette question.

Maureen a dit tout à l'heure qu'elle s'attendait à ce que beaucoup d'emplois soient créés, et c'est là une bonne nouvelle.

Il y a toutefois une donnée, qui, à en juger par les discussions que nous avons eues jusqu'à maintenant, hier et aujourd'hui, n'a pas été incluse dans l'équation, et je voudrais l'y inclure. Même si nous disons que 750 000 emplois ont été créés, il y a un autre chiffre qui ne figure nulle part, ce sont les 700 000 personnes de plus qui vivent sous le seuil de la pauvreté depuis trois ans.

Ce chiffre par lui-même nous amène au moins à nous interroger sur le type et la nature des emplois qui ont été créés. Manifestement, les 700 000 Canadiens de plus, qui vivent sous le seuil de la pauvreté aujourd'hui comparativement à il y a trois ans, ne sont pas tous des adultes en âge de travailler; certains d'entre eux sont des jeunes. Quand nous parlons de création d'emplois, il me semble que nous devons aussi nous intéresser à la nature des emplois qui sont créés.

Je crois que vous entendez le témoignage d'un certain nombre de personnes qui craignent un relâchement des efforts de lutte contre l'inflation. Je crois qu'il faut le répéter, le mandat de la Banque du Canada consiste à assurer, non pas seulement la stabilité des prix, mais aussi l'emploi. Son mandat est toujours le même que je sache, et il ne faudrait pas l'oublier.

Je poserais la question suivante: si nous refusons d'avancer dans la voie que propose M. Fortin et si nous écartons la possibilité de relâcher les efforts de lutte contre l'inflation comme moyen de créer des emplois, je voudrais bien savoir quels sont les autres mécanismes qui pourraient favoriser activement la création d'emplois.

Si je pose la question, c'est parce que j'estime - et quelqu'un l'a déjà dit avant moi - que le public a manifestement l'impression que le déficit a effectivement été maté. Je crois que le gouvernement a bien fait savoir qu'il s'agit là du résultat de ces efforts pour maintenir le cap. Il faudrait donc que la création d'emploi devienne dorénavant sa principale préoccupation et il devra fournir des réponses crédibles à ce sujet dans son prochain budget.

Ainsi, d'un point de vue pratique, si nous refusons de modifier ou d'assouplir la politique monétaire, quelles sont les autres mesures qui permettraient d'intervenir et de nous attaquer au problème de l'emploi au Canada?

Le président: Lynne, avant que nous ne demandions à nos experts de répondre à cette question - et je crois qu'il faut absolument leur demander d'y répondre - , nous pourrions peut-être donner à Pierre Fortin l'occasion de donner la réplique à ceux qui se disaient pour ou contre sa thèse.

M. Fortin: Ce sont de braves types.

Monsieur le président, je tiens tout d'abord à vous rappeler que, la dernière fois que j'ai témoigné devant vous, c'était en décembre 1994, le rapport était aussi de 15 contre 1 à ce moment-là. J'avais alors dit que les principes élémentaires du cours d'économie 101 m'amenaient à conclure qu'un danger énorme nous guettait du fait que l'économie américaine était en perte de vitesse, les compressions imposées au secteur public étaient en voie d'être appliquées très rapidement et que les taux d'intérêt au Canada étaient passés de 4 p. 100 à 8 p. 100 et qu'il se pourrait bien qu'en 1995, l'excellente croissance que nous avions connue en 1994 fondrait comme neige au soleil. Bien sûr, tous s'étaient moqués de moi - dans une proportion de 15 à 1 - , mais devinez qui avait raison à l'époque?

Le président: Je m'en souviens très bien, et c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous vous avons demandé de revenir devant nous, non pas seulement cette année, mais l'an dernier aussi.

M. Fortin: Mais pourquoi avez-vous demandé à ces gars-là de revenir aussi?

Des voix: Oh, oh!

Mme Farrow: Parce que vous ne voulez pas vous retrouver tout seul.

Le président: Parce que nous savions que vous n'accepteriez pas de venir à moins que vous ayez des adversaires dignes de vous.

M. Fortin: Je crois que le fait que c'est non pas l'unanimité mais l'affrontement qui favorise l'avancement et la connaissance est un excellent argument à invoquer.

J'ai deux choses à dire. Tout d'abord, je crois qu'il est très important que la banque centrale et le ministre des Finances soient crédibles à l'échelle internationale, mais qu'il est parfois nécessaire de modifier la politique. Or, si la crédibilité de la politique est indissociable de leur crédibilité à eux et que la crédibilité de ce qu'on fait devient un absolue, on ne se résoudra jamais à modifier la politique même si les circonstances l'exigent pour le bien-être de l'économie nationale.

De quelle crédibilité faut-il se soucier? Il est vrai que je suis tout à fait disposé à discuter de la stratégie et de l'opportunité de faire passer de 2 p. 100 à 3 p. 100 le taux d'inflation cible à un moment donné. Il ne faudrait toutefois pas le crier sur les toits; cela pourrait se faire de façon très discrète, sans qu'il n'y paraisse rien, grâce à une décision de notre très énergique ministre des Finances, qui...

.1855

Le président: Je sais qu'il boit vos paroles.

M. Fortin: Oui, tout à fait.

L'objectif de la politique macro-économique est à la fois d'assurer le plein emploi et de maintenir le taux d'inflation au niveau le plus bas possible. Or, je soutiens qu'à 1 p. 100 ou 2 p. 100, soit le niveau auquel nous le maintenons à l'heure actuelle, le taux d'inflation est trop bas pour nous permettre d'atteindre un taux de chômage de 7 p. 100. Si nous ne rajustons pas le taux cible à la hausse...sous réserve bien sûr d'une analyse et d'un examen plus approfondi de toutes ces idées, je crois que nous causerions un tort important à notre économie et que nous risquerions de compromettre sérieusement la vie et le bien-être de nos gens. Voilà l'essentiel de mon argument.

S'il en résultait une perturbation des marchés internationaux qui durerait un mois ou deux et une baisse temporaire du dollar qui tomberait de 77c. à 72c., il viendra un moment où l'on se rendra compte que le taux d'inflation cible au Canada est exactement le même qu'aux États-Unis. Ne venez pas me dire que l'actuelle politique monétaire des États-Unis n'est pas crédible sur les marchés internationaux.

Nous sommes crédibles à l'heure actuelle avec un taux d'inflation qui se situe entre 1 p. 100 et2 p. 100. Pourquoi ne pourrions-nous pas être crédibles si le taux chez nous était exactement le même qu'aux États-Unis? Voilà mon argument. Je me demande à quelle fin il faut être crédible et s'il faut permettre que le critère de la crédibilité l'emporte sur toute possibilité de modifier notre politique macro-économique afin d'assurer un meilleur équilibre entre l'objectif d'un faible taux d'inflation et celui d'un faible taux de chômage.

Sur le plan pratique, je crains qu'une fois le taux de chômage ramené à 8,5 p. 100 ou à 8 p. 100 dans un an ou deux, qu'après une période de faibles taux d'intérêt et qu'une fois que toutes les compressions budgétaires auront été mises en oeuvre, le taux d'inflation ne dépasse 2 p. 100. Ce qui, selon John McCallum, n'est pas une contrainte à l'heure actuelle le deviendra. Le gouvernement et la Banque du Canada devront alors décider s'il faut permettre au taux d'inflation d'augmenter au Canada pour atteindre le même niveau qu'aux États-Unis, soit 3 p. 100 environ, sans que la Banque du Canada ne soit prise de panique et hausse brusquement les taux d'intérêt pour les faire passer de4 p. 100 à 9 p. 100 comme elle l'a fait en 1994-1995. C'est exactement là ce qui doit nous inquiéter maintenant.

Je suis entièrement d'accord pour dire que mon intervention arrive tout à fait mal à propos puisque la fourchette cible n'est pas une contrainte à l'heure actuelle. On nous demande toutefois, d'une certaine façon de faire preuve de prévoyance. Je prévois que nous aurons un problème plus tard pour ce qui est de réaliser le plein emploi, qui selon moi, se situerait aux alentours de 6,5 p. 100 ou de 7 p. 100.

Soit dit en passant, Herb Grubel signalait en 1975 que le taux de chômage canadien faisait problème. C'est lui qui nous a montré à tous que l'assurance-chômage pouvait avoir pour effet de faire augmenter le taux de chômage. C'est une hypothèse qui est maintenant confirmée par les travaux de recherche récents montrant qu'elle est la principale différence entre le marché du travail américain et le marché du travail canadien. Quand les travailleurs américains sont sans emploi, ils sont bien plus susceptibles de ne pas faire partie de la population active et par conséquent de ne pas être comptés au nombre des chômeurs, alors que les travailleurs canadiens sont plus susceptibles de faire partie de la population active et par conséquent d'être considérés comme chômeurs. C'est ce qui explique la différence importante entre les deux marchés.

Il y a une corrélation étroite entre ce fait et la différence entre les modalités d'application des deux régimes d'assurance-chômage. Cette différence est presque inexistante maintenant, d'après des études récentes faites par le ministère des Finances. Le niveau de générosité du régime d'assurance-chômage canadien ne diffère guère de celui du régime en place dans l'État américain qui correspond à la médiane.

.1900

Il ne fait donc aucun doute si, par exemple, nous avions une différence structurale de deux points de pourcentage par rapport au taux de chômage américain au milieu des années 80, cette différence est maintenant effacée ou presque.

Le président: Y a-t-il d'autres participants qui voudraient aborder cette question en particulier? Je sais que M. Leblanc aimerait discuter de cette question, mais avant que nous ne mettions fin à la discussion, je sais qu'il y a aussi d'autres questions. Nous voudrons aussi revenir à ce que disait Lynne Toupin et discuter des emplois.

Michael Walker, avez-vous quelque chose à dire sur cette dernière question ou voulez-vous que nous passions à une autre question?

M. Walker: Je veux apporter une petite correction ou exprimer peut-être un point de vue qui diverge légèrement de ce que Pierre a dit au sujet des différences entre nos régimes d'assurance-chômage.

Un des grands mystères a toujours été de savoir pourquoi, quand les paramètres étaient à peu près identiques, le régime d'assurance-chômage canadien produisait des niveaux de prestations beaucoup plus élevées que le régime américain.

Quand je parle de niveaux beaucoup plus élevés, monsieur le président, je tiens à vous rappeler qu'à un certain moment, quand nos taux de chômage étaient les mêmes, le Canada consacrait au versement de prestations d'assurance-chômage 65 p. 100 de ce qu'y consacraient les États-Unis, alors que notre économie ne représente que le dixième de l'économie américaine et que la différence ne pouvait pas s'expliquer par les paramètres des deux régimes.

Il y a environ quatre ans, nous avons publié un numéro spécial du Journal of Labour Economics, dans lequel nous avons examiné attentivement le régime d'assurance-chômage en vigueur au Canada et celui en vigueur aux États-Unis

M. Fortin: Pas assez attentivement. Je vous l'expliquerai après.

M. Walker: Que voulez-vous dire?

M. Fortin: Je dis simplement que, même avec un taux de chômage identique, le pourcentage de travailleurs sans emploi qui touchaient de l'assurance-chômage était beaucoup moins élevé aux États-Unis et que cela s'expliquait principalement par le fait qu'il y avait beaucoup plus de Canadiens sans emploi qui avaient accès à l'assurance-chômage, qui répondaient aux critères, parce que nous n'exigions que dix semaines de travail alors que...

M. Walker: Mais, Pierre, c'est exactement ce que je dis.

Le président: Michael, nous tiendrons une autre séance où nous discuterons de la différence entre le taux de chômage aux États-Unis et au Canada, et je pourrai peut-être vous inviter tous les deux à revenir à ce moment-là.

M. Walker: Excellent.

Le président: Je préfère que nous n'en discutions pas maintenant.

Herb, avez-vous quelque chose à dire sur cette question?

M. Grubel: Ce que j'ai à dire fait suite à ce que disaient Pierre et Lynne.

Quand on examine l'écart entre le taux de chômage canadien et le taux de chômage américain au fil des ans, même quand on tient compte de la régression qui a rendu les paramètres moins généreux chez nous, on constate que l'écart s'accroît de façon considérable, soit de 1 p. 100 par an. J'y vois pour ma part le reflet du développement d'institutions et de normes de comportement sociales.

Or, même en modifiant les paramètres mesurables et qui ont contribué à l'édification de ces institutions et de ces normes, il est impossible de les faire disparaître du jour au lendemain. Cela revient à ce que disait Lynne.

N'oubliez pas, Lynne, que nous accordons une subvention énorme aux industries saisonnières et à d'autres industries - la pêche, l'exploitation forestière, le bâtiment et l'industrie des loisirs. Les travailleurs de ces industries reçoivent en prestations six fois plus que le montant des cotisations versées.

Imaginez un moment que ces industries ne bénéficient pas d'une subvention semblable. Elles seraient beaucoup plus petites. Ainsi, quand le recenseur viendrait frapper à votre porte, dans ce monde que je viens de décrire, et vous demanderait si vous êtes chômeur... Si ces industries n'étaient pas saisonnières, le taux de chômage serait considérablement abaissé et ce, immédiatement.

Par ailleurs, les cotisations à l'assurance-chômage seraient beaucoup moins élevées. Le coût de la main-d'oeuvre serait réduit de 7 p. 100 pour l'employeur qui doit verser ces cotisations. Nous savons que, si le coût de la main-d'oeuvre était moins élevé, les employeurs seraient beaucoup moins tentés de substituer le capital à la main-d'oeuvre et qu'il y aurait beaucoup plus de travail pour les gens gagnant le même salaire.

Vous pouvez comprendre pourquoi l'OCDE, dans un rapport d'avant-garde appelé Analyse de l'emploi, conclut qu'il y a des raisons qui expliquent que les taux de chômage en Europe sont à10 p. 100 et plus alors qu'ils se situent aux alentours de 5 p. 100 ou de 6 p. 100 aux États-Unis et que les nôtres sont quelque part entre les deux.

Je vous répondrai qu'il faudrait examiner ces facteurs dont l'OCDE dit qu'ils sont à l'origine de notre taux de chômage élevé. Si nous croyons qu'il vaut mieux que tous ces travailleurs des industries saisonnières, de la pêche et de l'exploitation forestière soient fortement subventionnés, je vous dirai que nous devrons alors accepter des taux de chômage mesurés qui sont plus élevés.

.1905

Mme Toupin: Sans vouloir vous manquer de respect, monsieur Grubel, quand vous irez frapper aux portes aux prochaines élections et que vous donnerez ça comme réponse aux gens qui sont sans travail, vous serez très mal reçu. Je crois que c'est là une question qui devra être prioritaire pour le Comité des finances dans les mois à venir. Le problème ne disparaîtra pas. Vous cherchez à l'expliquer par des causes structurelles ou par quelque autre... Je reviens toujours à ma question initiale. Quels mécanismes allez-vous mettre en oeuvre? Voilà la question qu'on vous posera.

Les Canadiens sont d'accord pour dire qu'il y a des sacrifices à faire. Mais soyons parfaitement honnêtes. La plupart de ceux qui se trouvent dans cette salle n'ont pas eu à souffrir des compressions budgétaires. Le déficit semble être maîtrisé - nous en avons déjà parlé tout à l'heure - et le moment est venu de revenir à la question de la création d'emplois.

Je regrette, mais votre réponse ne satisfera pas le travailleur saisonnier. Elle ne satisfera pas la mère seule. Elle ne satisfera pas bien des gens qui vous poseront cette question dans quelques mois.

M. Grubel: Je comprends très bien le problème, mais nous ne sommes pas ici pour nous faire élire mais pour établir les paramètres à long terme de l'orientation gouvernementale. Ce ne sont certainement pas les conseillers publics qui manquent pour nous aider à remporter les prochaines élections.

M. Campbell (St. Paul's): C'est nous remporterons les prochaines élections.

M. Grubel: Je suis ici en qualité d'intellectuel; je me sens bien plus à l'aise dans l'autre camp. Je vous dis, en réponse à vos questions, ce qu'il nous faudrait faire à long terme, au-delà des prochaines élections. Si nous nous soucions vraiment des gens dont vous vous souciez, nous ne les obligerons pas à vivre avec l'insécurité et avec tous les problèmes qui découlent des solutions que nous avons eues par le passé, parce que ce sont des culs-de-sac. Elles n'ont pas réglé le problème.

Le taux de chômage est maintenant plus élevé qu'il ne l'a jamais été. Il en résulte un niveau de dépendance qui est plus élevé qu'il ne l'a jamais été. Nous devons aborder le problème sous un angle plus fondamental.

Le président: Je crois que Nic Leblanc veut poser une question à ce sujet. Puis nous reviendrons à nos invités.

[Français]

M. Leblanc: Je vais aussi poser des questions à M. Fortin. Dans le fond, c'est basé principalement sur l'employé et l'employeur, l'encouragement et le découragement. Les salaires motivent les employés. Si les employeurs ne sont pas en mesure de motiver les employés, ils mettent plutôt des gens à pied. Je pense avoir bien saisi la base.

Il y a aussi une inflation un peu plus élevée qui permet de diminuer le chômage et d'augmenter l'employabilité. Il me semble qu'il y a autre chose. J'ai passé la plus grande partie de ma vie à investir dans les immeubles et dans l'entreprise. Il y avait autre chose qui nous motivait. On avait parfois l'impression d'être plus riches quand il y avait de l'inflation; l'année suivante, on valait un peu plus que l'année précédente. C'était déjà motivant même si ce n'était pas réel. Les gens d'affaires ne sont pas tous des économistes.

M. Fortin: On détenait des hypothèques de 4 p. 100, et l'inflation était à 10 p. 100.

M. Leblanc: Oui, c'était bien intéressant. Je suis toujours un peu accroché aux gens d'affaires. À mon avis, il y a d'autres éléments qui font en sorte que l'inflation peut stimuler la création d'emplois: on motive un peu tout le monde à investir, soit dans les entreprises, le commerce ou l'industrie, soit dans les immeubles, parce qu'on sait qu'après un certain nombre d'années, on vaudra plus par rapport à la capacité de rembourser la dette.

Quand il y a de l'inflation sur une dette à long terme, la dette devient plus facile à rembourser. Que ce soit pour l'entreprise manufacturière, le secteur résidentiel ou les immeubles à bureaux, il y a une certaine motivation à investir et à créer quand il y a de l'inflation.

C'est la même chose pour le gouvernement dans le fond. Le gouvernement qui a une dette de 600 milliards de dollars alors que l'inflation est de 3 p. 100 a plus de facilité à rembourser sa dette que si l'inflation était de 1 p. 100. Il faut calculer ça aussi.

Vous avez raison. Il faut, bien sûr, une inflation raisonnable, mais cette phobie de la vouloir à0 ou 1 p. 100 est une erreur, parce qu'il faut une certaine inflation pour qu'on puisse rembourser nos dettes à moyen et à long termes. J'ai un peu de difficulté à saisir cette phobie de la Banque du Canada de vouloir une inflation zéro.

.1910

Je ne suis pas un expert en finances et je ne connais pas tous les enjeux de cette question, mais je sais que ça décourage bien des gens. Nous ne sommes pas tous des économistes, n'est-ce pas? Il faut regarder un peu le comportement humain dans le monde des affaires pour savoir qu'en période d'inflation, bien des gens sont encouragés à faire des affaires, ce qui crée des emplois. S'il y a des emplois, il y a moins de chômage et s'il y a moins de chômage, ça coûte moins cher à l'État. Enfin, tout cela devient positif pour l'économie.

Le président: Ça va, monsieur Leblanc? Est-ce que vous aimeriez commenter ce qu'il a dit, monsieur Fortin?

M. Fortin: Ce que M. Leblanc dit est très important et très profond. Il n'est pas évident qu'il a complètement raison ou complètement tort. Il faut savoir si le taux d'intérêt augmente suffisamment pour éliminer l'avantage que l'inflation procure. Les expériences d'inflation actuelles ne rendent pas la réponse à cette question très facile. On est encore en train de vérifier cette chose-là.

Je voudrais simplement ajouter un tout petit mot

[Traduction]

à l'intention de Josh, qui baille un peu.

La question de savoir si nous mesurons l'inflation comme il convient est une question très important en soit, mais elle ne devrait pas intervenir dans la discussion de ce que devrait être le taux d'inflation cible... de ce que devrait être le taux d'inflation, que ce soit au Canada ou aux États-Unis... La raison est simple: si nous mesurons mal l'inflation aux États-Unis, il en est de même au Canada. Par conséquent, si nous rajustons le taux d'inflation américain, nous devons aussi rajuster le taux d'inflation canadien.

L'autre aspect tient au fait que, si nous voulons utiliser la véritable mesure de l'inflation... Si nous soustrayons 1 p. 100, parce que notre limite supérieure est de 1 point au-dessus du taux d'inflation tel que mesuré par l'IPC, et que nous disons que c'est là la nouvelle cible, je serais d'accord pour dire qu'une fourchette allant de 1 p. 100 à 3 p. 100 serait acceptable. Je ne verrais pas d'inconvénient à ce que la fourchette cible soit définie comme étant le taux d'inflation mesuré par l'IPC moins un. Par contre, la croissance de la productivité se ferait à un rythme d'autant plus rapide et il en serait de même pour la croissance des salaires par rapport à l'inflation.

Le président: Merci, Pierre Fortin.

Barry Campbell.

M. Campbell: Merci, monsieur le président. J'ai deux ou trois observations à faire, puis je voudrais poser une question. Tout d'abord, M. Grubel a parlé de l'analyse de l'emploi qui a été faite par l'OCDE - cette importante étude d'avant-garde - où il était effectivement question de réductions d'impôts. Si je me souviens bien, on y disait que toute réduction d'impôt devait se faire aux niveaux les plus bas afin d'encourager les gens à passer du chômage à l'emploi.

Ma deuxième observation est en fait une réponse à ce que disait Mme Toupin au sujet des emplois. Je trouve bien plus encourageant que vous les propos que j'entends autour de cette table sur cette question très importante de savoir quelles sont les conséquences de tout cela pour ce qui est de donner des emplois aux Canadiens. J'ai entendu des gens ici dire que, pour favoriser la création d'emplois, il fallait continuer dans la voie tracée et qu'on voyait déjà la lumière au bout du tunnel. Aucun de nous ne sous-estime les difficultés ou les préoccupations des gens, mais j'ai entendu bien des participants à ces discussions dire que la création d'emplois se poursuivra et que le taux de croissance de l'emploi sera encore plus grand qu'il ne l'a été par le passé. Il y a donc des résultats encourageants qui découlent des efforts qui ont été faits jusqu'à maintenant et qui continueront à en découler si nous tenons bon.

Je veux faire une dernière observation avant de poser une très courte question; il s'agit d'une réplique à la question de savoir si Paul Martin écoute effectivement. Monsieur le président, non seulement il écoute, mais le professeur Lucas devrait comprendre qu'il a déjà pris en compte tout ce qu'il croyait que les gens allaient dire et qu'il a agi en conséquence.

Des voix: Oh, oh!

M. Campbell: Je crois qu'on pourrait qualifier cette observation de critique «Lucas».

La question revient finalement à cette différence entre le Canada et les États-unis. Mes propos ne sont peut-être pas recevables, monsieur le président. Comme vous l'avez dit, nous aurons l'occasion de nous pencher directement sur cette question à un autre moment.

.1915

Il en a peut-être été question déjà, mais je me demande si quelqu'un aurait quelque chose à dire sur la question de la mobilité de la main-d'oeuvre et sur la possibilité que ce soit là une différence fondamentale. Dans une certaine mesure, la mobilité est manifestement influencée par les programmes dont nous parlions et par les différences entre ces programmes, mais elle est peut-être aussi attribuable à une différence d'ordre culturel qui serait antérieure à ces programmes. Je l'ignore. Monsieur le président, quelqu'un voudrait-il nous dire ce qu'il ou elle pense de la question de la mobilité de la main-d'oeuvre et de la principale différence entre les deux économies?

M. Walker: J'aurais quelque chose à dire, non pas sur la mobilité régionale de la main-d'oeuvre en tant que telle... Je veux vous parler d'une étude très intéressante que nous faisons actuellement à l'Institut et qui fait suite à une étude réalisée par une des banques fédérales de réserve régionales américaines. L'étude envisage l'effet que la législation dite du droit au travail, qui veut simplement dire que le marché du travail est plus compétitif, a sur le taux de chômage aux États-Unis. Il en est ressorti que 80 p. 100 de tous les emplois créés dans le secteur manufacturier américain depuis 10 ans avaient été créés dans les 21 États qui avaient une législation de ce genre.

L'expérience n'est toutefois pas unique en son genre. En Nouvelle-Zélande, pays dont nous avons déjà parlé, qui a apporté des changements énormes à ses programmes structurels et qui a rajusté le niveau des dépenses publiques pour s'attaquer à sa dette et pris toutes sortes de mesures en ce sens, ce n'est qu'après l'adoption de la loi sur les contrats d'emploi que les marchés du travail ont connu une évolution fondamentale, parce que cette loi a eu pour effet de créer des marchés du travail compétitifs en Nouvelle-Zélande. La mobilité est donc importante, mais c'est la mobilité à l'intérieur du marché du travail qui compte.

Aux États-Unis, le mouvement s'est fait depuis les États qui n'avaient pas de législation du droit au travail vers ceux qui en avaient - la tendance est bien documentée. Je crois toutefois que ce dont nous devrions nous préoccuper, c'est du fait que notre marché du travail est parsemé d'éléments qui contribuent à sa rigidité et que nous n'avons pas vraiment de secteur où la flexibilité peut s'exercer sur le marché du travail.

Le président: Je vous remercie.

Je donne la parole à David Laidler, et ensuite à Pierre Fortin.

M. Laidler: Je voudrais ajouter un commentaire à ce que disait Mike Walker, qui découle également de ce que disait Herb Grubel. Les États-unis ont moins tendance que nous à se servir du marché de la main d'oeuvre comme recours contre la pauvreté. Je pense, en effet, que si l'on essaye pour lutter contre la pauvreté, de manipuler par la législation le fonctionnement du marché du travail, on crée un chômage considérable, avec la pauvreté concomitante. Sur ce point, je suis donc d'accord avec Mike Walker et Herb Grubel.

Je crains que Lynne Toupin n'approuve pas ce que je vais dire, mais la bonne façon de procéder, à mon avis, c'est de cesser de se servir du marché du travail pour lutter contre la pauvreté. Dans le contexte canadien, on devrait utiliser le crédit pour la TPS et le crédit pour impôt pour enfants, comme impôt sur le revenu négatif, à base beaucoup plus large, qui fait appel à la redistribution des richesses pour s'attaquer au véritable problème, à savoir la pauvreté. Ce qu'on veut, à la longue, c'est moins de travailleurs à faible productivité. Cette question perdrait alors de son importance. La façon de s'attaquer à ce problème c'est certainement, par-dessus tout, au niveau des garderies et de l'école primaire.

Les enfants élevés dans la pauvreté, voilà, à mon avis, le principal problème social au Canada. Nous avons plus ou moins réussi à extirper la pauvreté chez les personnes âgées, mais nous l'imposons aux enfants. C'est là une stupidité monumentale, car les personnes âgées meurent, mais les jeunes qui sont élevés dans la pauvreté, le demeurent, une fois atteint l'âge adulte.

Le président: Maureen Farrow.

Mme Farrow: À maintes reprises, Lynne nous a posé des questions sur l'emploi, et très souvent nous nous sommes égarés dans des questions de macro-économie. À mon avis elle a bien raison de dire que la question maîtresse des prochaines élections, ce sera celle des emplois, et à juste titre.

Je suis d'accord avec ce que vient de dire David: nous avons utilisé nos mesures à mauvais escient et il y aurait beaucoup de choses à redresser, mais nous devons examiner la question sous un autre angle. Nous avons un problème aigu à court terme, qui se résorbera en partie. C'est ce dont John et moi parlions à propos de la baisse des taux d'intérêt des secteurs qui réagissent vivement aux taux d'intérêt, le secteur du logement, etc. Il va y avoir création d'emplois dans tous ces secteurs, et nous devrions donc laisser ceux-ci prendre effet.

Je peux vous dire, sans m'embarrasser de périphrases, que je n'ai aucune envie de voir un autre programme d'infrastructures. Je peux, si vous le voulez, vous donner des exemples d'échecs du précédent, mais nous y passerions la nuit.

Le président: Je vous en prie, n'en faites rien.

Mme Farrow: Nous n'avons pas besoin d'un autre programme d'infrastructures.

.1920

M. Grubel: Si, si, Madame Farrow, dites-nous!

Mme Farrow: La question suivante à examiner, c'est la série de problèmes de chômage qui sont liés à l'âge, aux compétences et à la région. Une macro-politique pour remédier à ceux-ci est vouée à l'échec; pour cibler ces problèmes, il faut que les gouvernements fédéral et provinciaux s'attellent ensemble à la tâche.

Je suis d'accord avec David, je ne comprends pas ce que nous avons fait en transférant la richesse aux personnes âgées, alors que nous avons négligé les enfants, qui sont notre avenir. La simple raison est que ces derniers ne votent pas. Nous devons changer d'orientation, consacrer plus de fonds aux garderies et à l'éducation. Ce sont les trois premières années de la vie d'un enfant, qui comptent par-dessus tout. Je parle peut-être maintenant en tant que mère et non en tant qu'économiste, mais ceci me parait essentiel.

Il faut ensuite s'occuper de la formation et de l'éducation et en parler de façon très précise. Il est question maintenant de normes, de formation, de compétences. Prenez l'exemple du Nouveau-Brunswick: en entreprenant de doter chaque maison d'un ordinateur, cette province a fait un bond en avant, elle a pris pied dans le XXIe siècle. Si vous voulez en faire autant et dépenser de l'argent, vous feriez bien d'apprendre à chaque Canadien à se servir d'un ordinateur. Cela rejoint la question de l'éducation, de l'utilisation d'un programme de formation multimédias, de la façon de changer le coût de la formation. Nous devons commencer à y songer sérieusement et le gouvernement fédéral, sans imposer pour autant des normes nationales, devrait prendre la tête de ce mouvement et examiner là un besoin très précis.

Il y a une tranche d'âge qui malheureusement, en raison des erreurs que nous avons commises en matière d'éducation, constituera peut-être un gros problème pour nous. Ce sont les jeunes qui ont «décroché», qui ont abandonné l'école et n'ont donc pas reçu de formation. Ils ne trouvent pas d'emploi dans une société comme la nôtre, mais nous ne pouvons pas leur tourner le dos. Là encore on en revient à ce que vous disiez: nous allons devoir revenir sur nos pas et voir comment remédier à cela, et le remède ne consiste certainement pas à leur verser des prestations d'assistance sociale pour le restant de leur vie.

Ce sont là certaines des questions sur lesquelles vous devrez vous pencher, mais dans une perspective à long terme. Il ne s'agit pas d'inclure un programme d'infrastructures dans le prochain budget, car nous serions loin de ce à quoi je songe. Cette question mérite mûre réflexion, et rejoint la question démographique dont je parlais tout à l'heure.

Le président: Je vous remercie, madame Farrow.

Monsieur Grose.

M. Grose (Oshawa): Je suis une personne sans prétention, et je vais donc poser des questions simples: en économie je ne connais que ce que m'a enseigné l'affaire que je mène depuis 35 ans.

Tout le monde se vante d'avoir jugulé l'inflation, depuis les gouvernements jusqu'aux banques centrales, et jusqu'au gérant de l'épicerie du coin. On peut se demander comment on fait grimper l'inflation, comment on la fait s'établir à un niveau souhaitable. Mais si on parvient à cela, qui vous voudrait s'en vanter?

M. Fortin: C'est surtout par la politique monétaire. Si vous voulez augmenter le niveau d'inflation vous faites baisser les taux d'intérêt, et si vous voulez faire baisser le niveau de l'inflation, vous augmentez les taux d'intérêt. Je vous donne là une formule rapide, mais dans la réalité c'est un peu plus compliqué.

M. Grose: Mais à l'heure actuelle ça ne fonctionne pas.

M. Fortin: Je voudrais aborder la question de mobilité de la main-d'oeuvre et là je vais peut-être vous étonner: la mobilité, il peut y en avoir trop comme il peut y en avoir trop peu. Quand elle est excessive cela crée aux entreprises de très grands problèmes de roulement de personnel car elles doivent constamment assurer la formation de nouveaux effectifs.

Je participe à la gestion d'une entreprise industrielle qui vend 80 p. 100 de sa production aux États-Unis. Nous avons cinq usines au Québec, au Canada, et deux aux États-Unis; nous avons donc acquis une expérience considérable avec la main-d'oeuvre tant américaine que canadienne. Nous constatons que les mouvements d'effectifs au Canada sont d'environ 8 p. 100, alors qu'aux États-Unis ils sont d'environ 25 p. 100. Ces chiffres ne sont pas caractéristiques du taux actuel de chômage aux États-Unis, qui est très bas mais ils étaient du même ordre lorsque ce taux de chômage était beaucoup plus élevé.

.1925

Je ne suis donc pas certain que toutes nos mesures visant à encourager la mobilité de la main-d'oeuvre... Celle-ci devrait peut-être être encouragée au Canada, mais sans perdre de vue que si les États-Unis sont en meilleure position que nous, ce n'est pas nécessairement parce que la mobilité de la main-d'oeuvre y est plus élevée. J'aimerais que, de temps en temps, on fasse l'éloge du Canada, qu'on dise ce que nous faisons mieux que les États-Unis. Par exemple, notre main-d'oeuvre est beaucoup plus stable, beaucoup plus avide d'apprendre, beaucoup plus désireuse d'être fidèle à une entreprise ce qui représente un grand atout pour celle-ci, et augmente, du même coup, les bénéfices.

L'autre point de vue que je voulais formuler, c'est que de nombreuses études ont été faites depuis trois ans. Je ne vais pas les citer toutes, mais je voudrais mentionner Riddell et Jones, Amano et Macklen à la Banque du Canada, Card et Lemieux à l'Université de Montréal, Baldwin de Statistiques Canada, et Crémieux et Van Audenrode de l'Université Laval. Toutes ces études, qui font appel à des méthodologies très différentes, en arrivent exactement aux mêmes conclusions: le niveau des coûts d'ajustement de l'emploi et la rigidité des salaires au Canada et aux États-Unis ne sont pas suffisamment différents pour expliquer un écart de plus de un centième de 1 p. 100 entre les taux d'emploi entre les deux pays.

Le président: Je vous remercie.

M. Fortin: J'exagère un peu.

Le président: Non, on vous demande d'exposer vos idées, et nous pourrions y passer plus de temps.

Vous n'avez pas tous eu l'occasion de répondre à la question que Lynne nous avait adressée à tous: comment procéder pour mettre de plus en plus de Canadiens au travail, ce qui est notre préoccupation majeure? Toutes les questions que vous avez soulevées aujourd'hui - qu'il s'agisse de politique monétaire et fiscale - ne constituent qu'un moyen de remettre plus de Canadiens au travail. Vous avez certainement encore d'autres idées sur cette question, et il serait fort bon que nous les entendions. Nous pourrions y consacrer une série spéciale de questions, ou bien je pourrais accorder deux minutes à chacun d'entre vous pour formuler ses conclusions. J'allais, tout à l'heure, donner la parole à Al Hatton, mais pendant que vous formulerez vos conclusions vous pourrez peut-être non seulement répondre à la question de Lynne, mais aborder peut-être toute autre question dont vous vouliez nous saisir. Comment voulez-vous procéder?

M. Fortin: Deux minutes à chacun.

Le président: Y en a-t-il parmi vous qui pensent qu'il leur faudrait plus de deux minutes?

Al, je vous donne la parole, et vous aurez ensuite vos deux minutes.

M. Hatton: Je vais me passer de ces deux minutes, parce que je voudrais répondre à la question soulevée par Lynne. Au début de mon intervention j'examinais le problème sous l'autre angle, à savoir celui du contrat social et c'est là, je pense, la direction que prend notre secteur. Le comité imagine peut-être que nous songeons toujours encore à récupérer l'argent perdu au cours des compressions budgétaires, mais tel n'est pas le cas. Nous acceptons le monde tel qu'il est. Depuis quatre mois je me suis entretenu avec 65 PDG et cadres supérieurs, les institutions de bienfaisance les plus importantes, bref, tout le secteur d'un bout à l'autre du pays, et j'ai pu constater un fait très intéressant: tout est en train d'être réinventé.

Je dois profiter de cette occasion pour vous dire que le gouvernement n'est pas à l'écoute, car c'est le Conseil du Trésor et le ministère des Finances qui ont mis en place la révision des programmes et les objectifs que nous avons tous évoqués. Nous acceptons ces objectifs, nous nous plions à la réalité, mais les répercussions non prévues de toutes ces mesures sur les ministères principaux - CTRH, Patrimoine, Santé, ACDI, Environnement, et j'en passe - tous s'en ressentent profondément.

Toutes les questions que vous avez soulevées, Maureen, à propos de l'éducation et de la pauvreté des enfants - mettre davantage l'accent non sur le bien-être social, mais sur la pauvreté des enfants - la nouvelle composition des familles, la politique de la santé basée sur la prévention et la promotion, l'investissement dans le secteur extérieur au système, l'action des collectivités et des volontaires qui, pour très peu d'argent, apportent une aide, dans tout le pays, au niveau local... Tout est remis en question, parce que les ministères essentiels que je citais n'ont qu'une idée en tête: faire baisser les coûts, sauver des emplois et de transférer des services aux provinces.

.1930

C'est là la réalité: ce sont là les retombées involontaires de toutes les belles initiatives dont nous avons parlé aujourd'hui. Nous sommes en faveur des objectifs que vous vous êtes fixés: il est absurde de transférer à l'étranger 35c. de chaque dollar, ou de les verser aux investisseurs, alors qu'on pourrait les réinvestir dans d'autres programmes, ou pour avantager les Canadiens. Sur ce point il y a longtemps que nous sommes d'accord avec vous.

Mais ce que nous sommes en train de perdre, c'est l'infrastructure au niveau de la collectivité. J'ai été par monts et par vaux: des organisations nationales compriment leurs effectifs tout comme le gouvernement fédéral. Les provinces disent: «Donnez-nous tout l'argent, nous nous chargerons du reste», et l'on entend la même chose au niveau local, dans le secteur des bénévoles.

C'est là un grave problème, d'autant plus que les provinces font maintenant de même: vous vous êtes déchargés sur elles de vos responsabilités, et bien, disent-elles, elles feront de même puisque tout le monde accepte si bien ce que le gouvernement fédéral leur a imposé. Mais à long terme les répercussions vont être beaucoup plus graves.

On a donc beau jeu d'évoquer la crise à laquelle est en proie notre économie - ce qui est sans doute vrai - et nous l'acceptons, et nous essayons d'appliquer les règles dans notre propre secteur, mais nous allons nous trouver bien en peine de faire tout ce qu'évoquait Maureen, qu'il s'agisse d'éducation en matière d'environnement ou de développement international, ou d'actions à mener pour lutter contre la pauvreté chez les enfants, ou pour toute autre initiative.

Excusez-moi de ressasser le sujet, mais quand je pense à l'avenir de notre pays, à l'unité nationale, à la façon dont les gens accueillent le cynisme et la perte de crédibilité des hommes politiques, il me semble que ce que nous pouvons gagner sur le plan économique, nous risquons de le perdre sur les plans social, culturel et environnemental.

Le débat, aux prochaines élections, ne portera pas que sur les emplois, il devra également porter sur l'avenir de la société. Si nous voulons avoir une vision de celui-ci, si nous voulons mener une action à long terme, si nous avons l'intention d'exploiter les dividendes de notre réforme économique, nous devons commencer par les réinvestir de façon novatrice, à savoir en créant un nouveau partenariat. Il faut que les spécialistes, les grandes sociétés et les cadres politiques coopèrent avec nous. Aidez-nous, travaillons de concert. Nous ne possédons pas la solution, mais nous avons en main certains des instruments d'accès à la collectivité. Vous, de votre part, avez en main ce qu'il faut pour nous aider, que ce soit au niveau macroéconomique ou au niveau politique. Ce n'est qu'en unissant nos efforts que nous réussirons.

Nous devons cesser de nous gargariser de belles paroles sur le partenariat. Nous avons tous un apport à faire. Ce qu'a conçu le ministère des Finances, et le Comité des finances, pour nous remettre sur les rails, il faut s'en servir également pour redresser la situation de notre société.

Le président: Je vous remercie, Al Hatton.

Nous allons poursuivre en accordant à chacun deux minutes pour résumer. Monsieur Michael Walker.

M. Walker: Je vous remercie, monsieur le président.

Si vous voulez que je résume mes idées, je dirais que je suis en faveur du maintien, par la Banque du Canada, de sa politique actuelle. Je suis en faveur de réductions bien calculées des impôts et des dépenses, afin de stimuler la croissance économique.

Quant à la question qui a été soulevée à propos des emplois, ce problème comporte, à mon avis, deux aspects: l'un, c'est la structure de notre marché du travail, qui fait face à des problèmes bien connus, bien documentés, auxquels il convient de remédier. Ils tiennent en partie à la loi cadre, et en partie aux mesures incitatives dont bénéficient les gens, et que Herb Grubel mentionnait tout à l'heure.

Ce serait nous leurrer si, au cours de nos discussions de ce soir, nous négligions le fait que le secteur gouvernemental, aux États-Unis, est de 20 p. 100 moins étendu que le secteur gouvernemental canadien, et de penser que la différence entre les performances relatives de croissance et d'emploi de nos deux pays n'ont rien à y voir. Nous continuerons à avoir les mêmes problèmes jusqu'à ce que nous ayons, systématiquement et obstinément, réduit la taille du gouvernement. D'ici 10 ans, nous pourrons alors de nouveau, lors d'une réunion semblable, discuter de la façon d'augmenter les emplois et de remettre l'économie sur les rails.

Le président: Je vous remercie, monsieur Michael Walker.

La parole est à Tim O'Neill.

M. O'Neill: Excusez-moi si je passe avant mon tour, mais je dois prendre l'avion de 20 h 30 pour Halifax, c'est le dernier de la soirée, et ce serait grave si je le manquais. J'ai ma famille là-bas, de telle sorte que...

.1935

Deux ou trois petites choses. Je ne suis peut-être pas tout à fait d'accord avec Pierre sur les cibles, peut-être pas tout à fait d'accord non plus sur la nécessité d'un taux d'inflation plus élevé pour donner à l'économie canadienne un environnement nettement plus positif mais par contre je lui concède la nécessité d'une baisse supplémentaire des taux d'intérêt. Les marges actuelles nous le permettent encore. Les taux d'intérêts réels restent toujours très élevés compte tenu tout particulièrement de notre déficit de productivité ou du manque de vigueur de la reprise.

Le problème à plus long terme, c'est-à-dire l'autre question que cela soulève, c'est qu'une fois ce déficit de productivité rattrapé, grâce au taux d'inflation jugé approprié, que faire pour améliorer la croissance de l'ensemble de la productivité de l'économie canadienne?

C'est vraiment de cela qu'il s'agit. Il s'agit d'innovation, de formation de la main-d'oeuvre. À propos du rôle du gouvernement il faut précisément se demander quel est ce rôle?

D'après nous, sur le plan de la politique financière, il faut qu'il s'en tienne à son programme de réduction totale du déficit et diminution du rapport endettement/PIB. Il est évident aussi, qu'il y a un rôle plus général dont il faut parler. Les gouvernements sont responsables de l'éducation. Ils sont responsables de la santé. Ils sont responsables des transferts. Nous avons discuté des problèmes que le bien-être social cause à l'entreprise, diverses structures de réglementation sur le marché du travail qui ont parfois des effets négatifs. Il faut régler ces problèmes.

Permettez-moi de dire deux petites choses toutes simples. Il est clair que quel que soit le rôle assumé par le gouvernement du côté des dépenses, les investissements devraient avoir la priorité sur la consommation. Ces investissements peuvent viser des infrastructures physiques, pas certaines installations de loisirs mais de vraies infrastructures favorisant la productivité. Les études sur les possibilités existantes ne manquent pas.

L'autre infrastructure encore plus critique est celle du capital humain. Comment y arriver, comment ajuster au mieux les dépenses en éducation, en recherche et développement n'est pas pour le moment, d'après moi, notre propos, mais il est évident que pour les avantages à long terme des travailleurs et employeurs canadiens il faudra certainement y réfléchir.

De plus, il faut rendre plus efficaces nos dépenses et nos programmes et un exemple criant de programme nécessitant ce genre de restructuration est celui de la santé.

Le président: Tim O'Neill, merci beaucoup. Courez attraper votre avion. Nous vous savons fort gré d'être venu.

Leo de Bever.

M. de Bever: J'aimerais consacrer mes deux minutes au problème de l'emploi.

J'ai passé la majorité de ma carrière à penser en termes macroéconomiques, mais je suis arrivé à la conclusion qu'injecter plus d'argent ou réduire les taux d'intérêt n'est pas la solution à nombre de nos problèmes d'emploi. Quand on considère le profil des sans-emploi, on s'aperçoit qu'un nombre disproportionné d'entre eux ont une très mauvaise formation et ne peuvent probablement pas être recyclés dans des délais raisonnables et pour un coût raisonnable.

Cela pose un dilemme. Encore une fois, dans sa déclaration, le ministre parle de la création d'emplois intéressants, de bons emplois mais il y a une réalité fondamentale, il est impossible de transformer des gens qui ont exercé des métiers sans avenir pendant 40 ans, en programmeurs d'ordinateur.

Le problème est le même pour les encouragements ou les programmes encourageant les capitaux à risque et la création de petites entreprises. Il y a beaucoup de gens au Canada qui ont de bonnes idées, mais beaucoup moins qui savent transformer cette idée en entreprise et la rentabiliser. C'est ça le problème. Ce n'est pas une question d'argent. C'est une question de structure, d'éducation d'un genre particulier.

Nous avons parlé de ce que le gouvernement devrait faire pour nous. Pour commencer, ce n'est pas le gouvernement, à mon avis, qui jouera le rôle principal. Il pourra vraisemblablement faire quelque chose au niveau de la formation et de l'éducation tant pour les gestionnaires que pour les simples employés ou ouvriers, essayer de trouver des emplois correspondant aux qualifications des gens en quête d'emploi. Faire autrement serait se tromper. Financer un secteur qui nécessite une main-d'oeuvre hautement qualifiée alors qu'il faut répondre au besoin d'un bassin de main-d'oeuvre peu qualifiée, ne peut que créer plus de pression sur le segment de main-d'oeuvre hautement qualifiée du marché.

.1940

Le président: Merci, monsieur de Bever.

David Laidler, je vous prie.

M. Laidler: Les principes fondamentaux macroéconomiques semblent bons mais ils sont fragiles. Donc je vous en prie, pas de réduction d'impôt, pour le moment, même pas dans le moyen terme.

Quant à la politique monétaire, il y a la date limite de 1998. Respectons-la et discutons de ce qu'il faudrait mettre en place en 1998.

Pour ce qui est la création d'emplois, au cours des 18 prochains mois la macro-économie s'en chargera, mais elle ne réglera pas le problème qui préoccupe avant tout, je crois, Lynne Toupin, qui n'est pas tant un problème d'emploi qu'un problème de pauvreté et de faible productivité. Le problème de la pauvreté et de la faiblesse de la productivité peut-être réglé dans le terme immédiat en intervenant beaucoup plus vigoureusement au niveau de la redistribution des revenus. Contrairement à Mike Walker, je considère la redistribution des revenus comme un rôle fondamental du gouvernement. Les enfants d'aujourd'hui seront les travailleurs productifs de demain à condition que l'environnement leur soit propice et nous savons ce que cela signifie.

Le président: John McCallum.

M. McCallum: Je vais me servir de mes deux minutes pour résumer très rapidement notre document et pour répondre directement à la question de Lynne même si cette réponse est partielle.

Nous nous référons très brièvement à certains problèmes structurels. Je dirais que nous sommes pratiquement d'accord avec tout ce qu'ont dit sur la question tout à l'heure David et Maureen mais nous nous intéressons plus particulièrement aux macro-leviers.

Je crois qu'il importe d'insister sur l'incidence majeure de la réduction des taux d'intérêt sur la création d'emploi. La majorité des gens réunis autour de cette table sont à peu près d'accord, mais il y en a d'autres qui prétendent que la politique monétaire et les réductions de taux d'intérêt ne donnent plus de résultats, que ce sont des coups d'épée dans l'eau. Je crois que 30 années de recherche dans plusieurs pays ont largement démontré qu'ils se trompent. C'est probablement la question qui a fait l'objet du plus grand nombre de recherches. Je pense que David n'en disconviendrait pas, ce n'est donc pas un plaidoyer. Si c'est ce que les gens vous disent, je crois qu'ils se trompent. Il importe d'insister sur l'importance de créer un climat qui permette de maintenir ces taux d'intérêt le plus bas possible pour créer les emplois de demain.

Sur le plan financier, il y a peut-être place pour quelques mesures temporaires relativement modestes. Nous avons essayé d'estimer l'impact sur l'emploi de trois d'entre elles. C'est la réduction temporaire d'impôt qui crée le moins d'emplois par dollar. C'est le programme d'infrastructure qui en crée le plus. Et entre les deux il y a la réduction des cotisations d'assurance-chômage.

Comme d'autres l'ont déjà dit, les programmes d'infrastructure posent définitivement d'autres problèmes. L'idéal, si c'était possible, et je n'en suis pas certain, serait d'associer toute idée d'infrastructure à une approche plus concentrée, un peu comme ce qu'a proposé Maureen, et, dans ce cas, on jouerait gagnant sur les deux tableaux. Arriver à créer encore plus d'emplois au cours des12 prochains mois, avant que l'impact total de ces taux réduits ne se dissipe, serait certainement positif.

Le président: Clément Gignac.

[Français]

M. Gignac: Nous félicitons M. Martin. Nous sommes heureux de l'intention du gouvernement de réduire le déficit davantage au cours des prochaines années et de son cheminement intellectuel au niveau de cette question.

À ce stade-ci, je dirais que, comme les taux à long terme canadiens sont presque au même niveau que les taux à long terme américains, l'avantage de générer des surplus budgétaires pour réduire le niveau d'endettement sera minime comme bénéfice sur les taux d'intérêt.

En contrepartie, je crois que d'ici deux ou trois ans, le dollar canadien pourra donner un avantage concurrentiel important à nos entreprises en étant très sous-évalué. Lorsqu'il se transigera à 80 ou 82 cents, ce sera beaucoup moins avantageux et, à ce moment-là, notre fardeau fiscal beaucoup plus élevé au Canada qu'aux États-Unis deviendra beaucoup plus évident.

Donc, sur le plan tactique, je recommande au ministre, vu qu'il semble annoncer les cibles avant de nous rencontrer, de s'attaquer tout d'abord, au cours des deux prochaines années, au fardeau fiscal pour le rendre compétitif avec celui des États-Unis avant de réduire substantiellement l'endettement, dans la mesure où les bénéfices sur les taux d'intérêt seront minimes.

.1945

Finalement, sur un point technique, vous aviez consulté l'année passée sur le montant de la caisse de l'assurance-chômage, et j'avais évoqué 10 milliards de dollars.

Je constate maintenant que le gouvernement veut aller beaucoup plus loin. Il serait un peu injuste à l'égard de toutes les provinces que le gouvernement fédéral constitue un bas de laine aussi important dans la mesure où, en même temps, ils doit augmenter les cotisations aux Régimes des rentes et de pensions du Canada.

On fait une taxe à l'emploi de l'assurance-chômage et du régime de retraite. On devrait faire très attention de ne pas taxer davantage l'emploi si on veut réduire le chômage. Merci.

Le président: Merci, monsieur Gignac.

Monsieur Fortin.

[Traduction]

M. Fortin: J'aimerais commencer par vous rappeler que le grand économiste américain Paul Samuelson aurait dit que le Seigneur nous avait donné deux yeux, un pour regarder l'offre et l'autre regarder la demande; les économistes borgnes n'ont aucun avenir et les pays borgnes non plus.

Un des grands problèmes est que pendant la majorité des années 60 et des années 70 nous n'avons parlé que de demande, poussant tout le temps la demande avec pour conséquence une poussée inflationniste. Pendant les 20 dernières années, nous n'avons parlé que d'offre. À mon avis, le taux de chômage élevé au Canada n'est pas le fruit du hasard. Il est très important d'avoir une vision équilibrée. Ce que je reproche à la macro-politique canadienne c'est qu'elle a penché beaucoup trop d'un côté puis de l'autre, décennie après décennie.

Il est évident qu'il est actuellement possible d'employer 800 000 Canadiens de plus faisant, descendre ainsi notre taux de chômage en dessous de 7 p. 100. C'est la raison pour laquelle il me semble urgent d'encourager la Banque du Canada à maintenir à la baisse, d'une manière stable, les taux d'intérêt pendant encore beaucoup d'années. Si notre économie tourne à 6 p. 100 en deçà de son régime potentiel, cela veut dire qu'il faudra au moins trois ans de croissance réelle à 5 p. 100 pour récupérer ce que nous avons perdu depuis 1990.

Ceci mis à part, je suis également tout à fait favorable à la multiplication des efforts du côté de l'offre, comme beaucoup d'autres. J'ai aussi une petite crainte pour l'avenir de notre filet de sécurité sociale. Malgré les chiffres du chômage actuel, nous avons déjà réduit les prestations d'assurance-chômage de 40 p. 100. Sans les déficits gouvernementaux provoqués par la crise économique et les taux d'intérêt élevés, nous n'en serions pas là.

Il est très dangereux d'emmener, d'américaniser, si vous voulez, notre société jusqu'au point de non-retour. Se décharger sur les provinces est très mauvais pour le filet de sécurité sociale. Nous avons l'expérience de la Californie qui consacre maintenant plus aux prisons qu'à l'éducation.

Ces mesures d'aide à l'offre restent très importantes, mais l'urgence est du côté de la demande - des taux d'intérêt faibles et stables et un déficit nul.

Si j'ai toujours tout le monde contre moi c'est parce que le gauche on me traite de conservateur en matière financière et droite d'expansionniste en matière monétaire.

Le président: C'est la raison pour laquelle nous vous avons fait prendre place au centre de la table. Merci beaucoup, Pierre Fortin.

Maureen Farrow.

Mme Farrow: Monsieur le président, je crois que la chose la plus importante à ne pas oublier ce soir est qu'il ne faudrait pas gaspiller les gains que nous commençons à récolter car ces gains ont coûté très cher à la population canadienne. Il est donc indispensable de tenir bon en matière de politique financière. Pas de réductions d'impôt pour le moment - je n'aimerais pas du tout voir de réductions d'impôt tant que nous n'aurons pas défini nos objectifs pour le XXIe siècle. Quels sont nos besoins? Il faut absolument les déterminer tant du point de vue de notre compétitivité que du point de vue de notre démographie sociale.

.1950

Au niveau de la politique monétaire, je crois qu'il faut que la Banque du Canada, comme Pierre vient de le rappeler avec tant d'éloquence, maintienne à la baisse des taux d'intérêt réels et stables. Je crois que pour y arriver - nous sommes sur le point d'y arriver - il faut que la Banque du Canada ne déroge pas à ses objectifs et n'effraie pas le marché international.

Il faut que notre déficit disparaisse. Ensuite il faudra nous attaquer à la réduction du rapport endettement PIB. Le pourcentage que j'avais choisi... Très bien, revenons à la fin des années 1970 au début des années 1980 quand le chiffre tournait aux alentours de 40 à 50 p. 100. Je crois que c'est tout à fait possible en quelques années.

Nous avons un créneau d'environ dix ans avant que le baby boom ne nous cause vraiment beaucoup de problèmes sur le plan financier. Mettons-nous bien d'accord sur ce que nous pouvons faire. N'exagérons pas les attentes pour ne pas décevoir la population. Aussi, soyons le plus justes possible.

Pour ce qui est de l'emploi, je crois qu'il va vous falloir donner une réponse dans ce budget. Comme Tim l'a dit, il va vous falloir pêcher par erreur en faveur des investissements. Pensez investissement. Des investissements dans les ressources humaines, dans le capital humain, sont probablement notre plus gros atout, donc n'hésitons pas. Assurons leur formation et pas n'importe laquelle.

Ne gaspillons plus notre argent dans ces programmes de mobilité régionale. Laissons les forces économiques déterminer les secteurs clé de demain. Ne nous en mêlons pas. Si nous nous en mêlons, aucune de ces petites entreprises ne créera d'emplois. À mon avis, il faudrait que vous consacriez une de vos séances au gros problème que va causer la démographie au cours des dix prochaines années et aux décisions qu'il faudra prendre. Jusqu'à présent tout le monde évite d'en parler.

M. Mendelsohn: Qu'y a-t-il de plus à dire qui n'a pas déjà été dit? Une minute devrait me suffire. Si nous avons tous ces problèmes c'est parce que nous n'avons considéré que le court terme. Nous avons attaché beaucoup d'importance aux prochaines élections et à ce que voulaient tous les groupes d'intérêt spéciaux.

Ce qu'il nous faut, comme beaucoup de gens autour de cette table l'ont dit, c'est nous concentrer sur l'ensemble de la société et son avenir. Il faut nous concentrer sur la stratégie qui permettra d'améliorer le bien-être et les perspectives d'avenir de tous les Canadiens dans une économie mondialisée où la concurrence sera de plus en plus féroce. Ce ne sont pas les six prochains mois qui doivent nous intéresser, mais les cinq ou dix prochaines années, au minimum, et nous programmer en conséquence.

Je tiens à revenir sur une des remarques d'Al Hatton. Il est très frustrant de savoir que certaines mesures qui pourraient être prises et pourraient très bien marcher dans certains secteurs ne sont pas proprement appliquées pour des raisons de querelles entre les divers paliers de gouvernement. Ce n'est même pas une question d'unité nationale. Ou bien nous unissons nos efforts pour réussir ou bien nous serons tous perdants.

Le président: Monsieur Hatton.

M. Hatton: Investissez dans notre secteur. Nous pouvons créer des milliers d'emplois supplémentaires. C'est tout.

Le président: Je rappelle à nos téléspectateurs qu'Al Hatton est directeur exécutif des Organisations nationales volontaires. Il est évident qu'il faudra tenir compte de ce que vous avez dit.

La dernière, madame Toupin.

Mme Toupin: Très brièvement, ne réduisez les impôts ni maintenant ni plus tard. Ne soyez pas aussi stricts au niveau de l'inflation. Bien que la position de M. Fortin soit loin de faire l'unanimité ici, notre proposition de budget fédéral est entérinée par une centaine d'économistes qui approuvent sa proposition.

Maintenez les taux d'intérêt à la baisse et stables. Je lance moi aussi un défi au gouvernement. Vous vous êtes fixé des objectifs de réduction du déficit et il semble que vous allez les atteindre. Il serait intéressant de voir si vous pouvez aussi vous fixer des objectifs de réduction du taux de chômage de la même manière que vous l'avez fait pour le déficit et examiner à plus ou moins long terme les uns après les autres tous les mécanismes susceptibles de vous aider à les atteindre. Je crois que ce serait un bon exercice stratégique.

Je suis heureuse que vous ayez pour le moins aborder certaines des questions liées aux programmes sociaux, à la démographie, confirmant ainsi qu'il n'y a pas que les aspects économiques qui comptent mais aussi les aspects sociaux.

Il y a une statistique qui doit sortir qui me stupéfie: il y a maintenant 44 p. 100 de familles dont le chef de famille a moins de 30 ans qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté. Les conséquences sont réelles au niveau de l'investissement. Nous avons parlé d'investissement. Je suis heureuse que ce terme ait été utilisé. Il a des conséquences.

.1955

Il faut investir dans ces enfants et dans ces familles car la perspective à long terme de n'avoir rien à faire pour pratiquement la moitié de ces jeunes familles est tout à fait consternante. Cela ne nous coûte peut-être rien pour le moment mais je suis certaine que cela va beaucoup nous coûter plus tard.

Le président: Merci, Lynne Toupin.

C'était la première de nos consultations pré-budgétaires. Nous avons délibérément invité certains des économistes les plus respectés et les plus réputés du monde universitaire et du secteur privé pour aborder les questions globales: la politique financière, la politique monétaire et le cadre macro-économique des décisions qui seront, à de nombreux égards, critiques pour notre avenir.

Mais cela ne répond pas à toutes les questions, raison pour laquelle nous avions invité des gens comme Lynne Toupin et Al Hatton. Ils nous ont rappelé que cet avenir est celui des Canadiens et des Canadiennes.

Il est évident que si nous vous avons choisi comme témoins pour ce soir, ce n'était pas pour votre unanimité d'opinions. Nous vous avons choisis pour votre grande réputation. Votre aide est incalculable.

Je tiens à vous remercier en notre nom à tous alors que nous essayons de relever ce défi incroyable: prendre en compte tout ce que nous avons accompli jusqu'à présent et le projeter sur les cinq ou dix prochaines années car nous savons que ce que nous faisons aujourd'hui aura un impact profond sur les générations futures. Grâce à votre aide, nous avons déjà peut-être fait quelques pas sur la bonne voie.

Je ne vous serais jamais assez reconnaissant. Je sais combien vous êtes occupés les uns et les autres et combien vous êtes sollicités. Au nom de tous les députés, je vous remercie.

La séance est levée.

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