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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 13 février 1997

.0914

[Traduction]

Le président: Chers collègues, la séance est ouverte. Nous ne voulons pas donner à M. Strong, lui qui s'emploie activement à réformer les Nations Unies à New York, l'impression que nous sommes moins efficaces que lui.

Nous commençons peut-être en retard, monsieur Strong, mais il arrive que le comité siège à l'heure de Winnipeg, si vous voulez. C'est en l'honneur de M. Hanson que nous sommes un peu en retard.

Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos distingués visiteurs ce matin. Nous recevons M. Maurice Strong, qui est accompagné par M. Bezanson du CRDI; M. Hanson, de Winnipeg, de l'Institut international du développement durable; le professeur Gross Stein, de l'Université de Toronto; et M. Culpeper, de l'Institut Nord-Sud. Vous avez tous, peut-être à l'exclusion de M. Hanson, si mon souvenir est exact, témoigné souvent devant notre comité. Bienvenue de nouveau.

.0915

Je vous remercie vivement d'avoir pris le temps de venir nous faire connaître votre opinion sur votre rapport intitulé En prise sur le monde, qui a été remis aux membres du comité. Certains d'entre nous ont eu l'occasion de le parcourir. Pour commencer, je tiens à vous féliciter pour le travail qui a été fait. Je pense que c'est un texte très important. On amène ici les Canadiens à reconnaître le lien qu'il y a entre la politique intérieure et la politique étrangère ainsi que la nécessité, à l'heure où nous nous apprêtons à entrer dans le XXIe siècle, d'envisager de nouvelles techniques opérationnelles qui permettront à notre société de se développer tant sur le plan global que local, et ce, d'une manière coordonnée, cohérente, qui nous permettra à tous de vivre dans un monde meilleur. Étant donné que vous avez tous joué un rôle important dans cette initiative, nous vous savons gré d'avoir participé à la rédaction de ce rapport.

[Français]

Sans plus attendre, je demanderais à M. Bezanson de présenter le sujet et ensuite je donnerai la parole à M. Strong et à Mme Gross Stein.

M. Keith Bezanson (président, Centre de recherches pour le développement international): Cela me fait plaisir d'être ici. Vous avez remarqué que plusieurs d'entre nous sont venus comparaître à titre de témoins à plusieurs reprises. C'est ma deuxième présentation devant ce comité et, comme vous le savez, monsieur le président, c'est notre dernière comparution ici. Donc, cela nous fait spécialement plaisir d'être avec vous ici aujourd'hui.

[Traduction]

Je tiens à dire quelques mots d'introduction afin de vous expliquer la genèse de ce rapport. Tout a commencé il y a à peu près un an et demi, lorsque le CRDI, cette organisation aussi bien canadienne qu'internationale, a fêté son 25e anniversaire.

Comme nous allions fêter notre quart de siècle, j'ai demandé à notre bon ami, l'honorable Maurice Strong, d'assister à cette fête et de nous faire connaître ses réflexions sur l'avenir, sachant que le monde des années 90 et du XXIe siècle sont très différents du monde dans lequel le CRDI a vu le jour, à l'initiative du Parlement du Canada, en 1970.

J'ai demandé à Maurice, qui a été l'un des architectes du CRDI et l'un des architectes de l'internationalisme canadien, de nous parler de cette question, qui est fondamentale et profonde. Si vous n'aviez aucun antécédent, lui ai-je demandé, si vous n'aviez pas d'institutions ayant une histoire, des attentes, des exigences et une clientèle, que bâtiriez-vous aujourd'hui pour le XXIe siècle? Que diriez-vous au CRDI, à cette organisation, pour relever le défi de l'édification du XXIe siècle? C'est une question élémentaire, mais très profonde.

Dans son discours au conseil d'administration et à nos invités lors de cette célébration, il y a un an et demi, Maurice a fait état du monde modifié dans lequel nous nous trouvons et du fait que nous devions changer nous-mêmes radicalement et profondément si notre organisation voulait conserver sa pertinence dans l'ordre mondial très différent qui a émergé et qui continue d'émerger. Je ne vais pas lui couper l'herbe sous le pied en répétant exactement ce qu'il a dit, mais qu'il suffise de dire qu'il a lancé à notre institution le défi de passer à un programme différent, mais en nous appuyant sur nos points forts et sur nos réalisations, qui, je crois, sont bien connus de votre comité.

Le sujet était trop important pour nous arrêter là, et c'est pourquoi j'ai demandé ensuite à Maurice s'il accepterait d'aller un peu plus loin en formant un petit conseil de Canadiens éminents qui examinerait cette question plus avant et qui ferait connaître au conseil d'administration du CRDI les résultats de ses réflexions. Mais la question était tellement importante pour nous et pour d'autres que c'est en discutant avec nos organisations soeurs, l'Institut Nord-Sud et l'Institut international du développement durable, que nous avons formé un partenariat étroit sur cette question. Et voilà pourquoi, comme vous le savez, ces organisations ont parrainé la rédaction de ce rapport, En prise sur le monde, de concert avec le CRDI.

.0920

[Français]

Quand nous avons commencé le processus de réflexion de ce conseil sous la présidence de Maurice, nous avons pensé à un conseil qui pourrait représenter notre conseil de directeurs. À partir du processus, il était tout à fait clair que les implications de ces réflexions étaient plus importantes. Donc, M. Axworthy, à un certain moment, a été renseigné et a décidé d'écrire l'introduction pour indiquer son point de vue, à savoir que les implications étaient beaucoup plus vastes que celles des trois organisations impliquées dans le sponsorship de ce rapport.

[Traduction]

Il est également devenu évident, même hors de l'entourage du ministre, qu'on s'intéressait vivement à ce que votre comité disait. Monsieur le président et membres du comité, nous avons été ravis de la réaction des universités, des groupes de réflexion, des organisations internationales, du Globe and Mail et du public canadien. Nous sommes honorés d'avoir été associés à cette démarche.

Cette introduction étant faite, j'aimerais maintenant céder la parole à Maurice Strong, à Janice Gross Stein et à nos collègues. Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Bezanson.

J'aurais peut-être dû dire aux membres du comité qui ne le savent peut-être pas queM. Bezanson est le président du CRDI ici à Ottawa, mais qu'il va nous quitter dans deux semaines pour aller s'établir à Londres, où il deviendra le directeur de l'Institute of Development Studies du Royaume-Uni. Il est le premier citoyen non britannique à avoir l'honneur d'être nommé à ce poste. Nous allons donc le perdre pour le bénéfice de la communauté mondiale.

Et lorsque vous serez là-bas, monsieur Bezanson, vous pourrez peut-être corrompre cet institut en lui infusant ces bonnes idées canadiennes que vous avez.

M. Bezanson: Vous allez me mettre un boulet au pied, Bill.

Le président: Ce sera un boulet bien léger, j'en ai la certitude, mais ce sera bien que nous gardions le contact.

Monsieur Strong.

M. Maurice F. Strong (président, Groupe de travail sur la recherche et les politiques pour le développement international): Merci beaucoup à vous, monsieur le président, et aux membres éminents de votre comité. Je suis heureux d'être des vôtres ce matin afin de vous communiquer quelques réflexions et de répondre à vos questions et à vos préoccupations quant à la teneur de notre rapport.

Évidemment, je ne vous en expliquerai pas la teneur, sauf pour répondre aux questions que vous aurez, mais j'aimerais faire ressortir un point de vue qui a été l'une de nos principales hypothèses de travail, à savoir que ce qui était suffisant pour le Canada d'hier et le monde d'hier ne sera pas suffisant pour l'avenir qui nous attend. Je pense que c'est parfaitement évident - ce n'est pas une idée neuve - mais les ramifications de cette idée n'ont pas encore pénétré complètement nos processus d'action.

Le savoir, comme nous le savons, n'est pas un mot vide de sens comme il y en a tant. C'est la source primaire de richesses, de valeur ajoutée, d'avantages compétitifs, dans notre village global. Les pays qui savent le développer, l'utiliser et le déployer sont ceux qui se trouveront à l'avant-garde des pays du monde au XXIe siècle.

Le Canada dispose de plusieurs actifs importants à cet égard, actifs qui ont été créés tranquillement au fil des ans et dont certains sont à peine connus, encore moins appréciés, dans notre propre pays. Un vrai danger nous menace, à l'heure où nous procédons à des compressions qui sont parfois très nécessaires, à l'heure où nous réduisons nos budgets et nos déficits... Et je suis d'ailleurs en accord complet avec cette nécessité, mais il y a danger que ces structures institutionnelles qui n'ont pas toujours été visibles, qui ne sont pas dotées de grandes clientèles, et qui pour cette raison ne sont peut-être pas appréciées à leur juste mesure, soient victimes de ce processus.

.0925

Si nous voulons développer le genre de relations fondées sur le savoir avec nos partenaires du monde en voie de développement et nos partenaires des autres régions du monde que ce rapport décrit, nous devrons nous appuyer sur les institutions que nous avons. Les trois institutions qui ont parrainé ce rapport ne sont pas les seules dans cette structure institutionnelle, mais elles en sont à l'avant-garde.

C'est pourquoi je crois, monsieur le président, qu'il s'agit là d'actifs très précieux. Tout comme les instituts d'orientation et les instituts de savoir qui existent dans notre milieu universitaire et dans le milieu qui se charge d'articuler les politiques gouvernementales, ces instituts sont des actifs sous-estimés. Il nous en a coûté très cher au fil des ans pour les bâtir, et ils sont devenus aujourd'hui notre arme la plus précieuse si l'on veut éviter que le rôle du Canada dans le monde ne diminue en termes quantitatifs... Je vous rappelle que si les économistes et la Banque mondiale ne se trompent pas dans leurs projections, le Canada ne comptera même pas parmi les 15 économies dominantes du monde. D'ici à l'an 2020, neuf des 15 plus grandes économies du monde seront ce qu'on appelle aujourd'hui des pays en voie de développement. Le Canada ne comptera pas parmi ces 15 pays dominants.

Il est cependant inutile de s'en désespérer. Nous sommes parfaitement capables de conserver par de nouveaux moyens le rôle que nous avons joué au cours de la Seconde Guerre mondiale et après, à l'époque où l'initiative canadienne était accueillie chaleureusement dans le monde entier.

Monsieur le président, en ma qualité d'internationaliste qui se compte heureux d'être Canadien - dans la vie internationale, il y a beaucoup d'avantages à être Canadien - permettez-moi de vous dire que le crédit international que nous avons acquis dans la période qui a suivi la dernière guerre mondiale est sur le point d'être épuisé. Nous ne pouvons plus vivre uniquement de ce crédit.

Nous avons besoin d'initiatives nouvelles et nous avons besoin de fondations pour ces nouvelles initiatives, et je dirai simplement que votre comité doit soutenir vigoureusement la mise en oeuvre de ce rapport, et non pas se contenter de dire simplement que ce rapport est digne de son attention.

Notre rapport, monsieur le président, membres éminents du comité, ne fait pas longuement état de sa mise en oeuvre, mais sa mise en oeuvre est essentielle, et nous avons bien sûr des réflexions à vous communiquer à ce sujet.

J'aimerais maintenant que nous passions à la phase où nous allons concrètement mettre au point un réseau axé sur le savoir pour le développement au Canada, où nous allons faire le pont entre les institutions canadiennes qui sont des sources de savoir - parce que certaines d'entre elles sont des sources - et celles qui ont la capacité d'utiliser le savoir pour produire des politiques et un dialogue interne et externe, et la communauté commerciale et industrielle du Canada, qui n'est pas seulement une source de savoir important, mais aussi une consommatrice de ce savoir, et qui peut être un partenaire extrêmement important dans le développement de ce réseau.

Enfin, monsieur le président, je tiens à vous rappeler que nous ne sommes pas seuls. Nous ne sommes pas les seuls à penser que le savoir est une force motrice essentielle dans notre société. Plusieurs autres en pensent autant.

Permettez-moi de vous raconter une petite histoire qui s'est produite il y a un peu plus d'une semaine à Davos, en Suisse, au Forum économique mondial. À une rencontre privée entre chefs de gouvernement, à laquelle assistaient certaines personnalités de l'industrie, dont Bill Gates, les dirigeants gouvernementaux se demandaient comment réglementer cette technologie de l'information et comment en suivre l'évolution. Ils parlaient tout particulièrement des satellites de bas niveau. À la fin, M. Gates a dit tranquillement: «Messieurs, sauf tout le respect que je vous dois, permettez-moi de vous dire qu'à l'heure où nous discutons de réglementation, ces satellites sont déjà en orbite.»

Il y a aujourd'hui des limites au pouvoir que les gouvernements détenaient traditionnellement. Ces gouvernements continuent d'exercer ces pouvoirs, mais ils ne peuvent plus le faire avec autant d'efficacité.

Le Canada n'est pas un pays homogène. Nous nous sommes souvent enlisés dans un débat à ce sujet qui nous affaiblit tous, mais c'est un fait. Il y a des régions importantes de notre pays - dont le Québec est l'exemple le plus important - qui sont nettement distinctes. Cette diversité ne doit pas être tenue pour une faiblesse, mais, au contraire, pour un avantage. La diversité même du Canada, la diversité des sources d'expérience - car l'expérience n'est pas la même d'une région du Canada à l'autre - ne peuvent que favoriser l'essor du Canada et l'interaction avec d'autres pays.

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Nous n'avons pas besoin de projeter une culture homogène, une expérience homogène. La diversité même de notre expérience est l'un de nos principaux actifs, et cette diversité d'expérience doit faire partie intégrante du rôle que nous allons jouer dans cette révolution du savoir.

Monsieur le président, je vais résister à la tentation d'aller plus loin. Il me tarde d'échanger avec vous, et je vous sais vivement gré de l'intérêt que les membres de votre comité portent à cette question.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Strong. Peut-être que lorsque nous passerons aux questions... je sais que vous êtes essentiellement ici pour discuter de votre rapport, mais vous pourrez peut-être répondre aux questions que les membres auront sur ce qui se fait aux Nations Unies en ce moment. La presse nous a donné à croire que vous disposez de quelques renseignements privilégiés. Monsieur, je vous remercie beaucoup de vous être joint à nous aujourd'hui.

Madame Gross Stein.

[Français]

Mme Janice Gross Stein (membre du Groupe de travail sur la recherche et les politiques pour le développement international; professeur en gestion de conflits et en négociation, Université de Toronto): Malheureusement, ce n'est peut-être pas la dernière fois que je dois comparaître devant vous.

Le président: Heureusement.

Mme Gross Stein: Malheureusement, mais merci pour l'invitation.

[Traduction]

Je ne veux pas prendre trop de temps, étant donné que M. Strong est avec nous, mais permettez-moi de faire trois ou quatre remarques qui font suite à ce que M. Strong a dit, et qui à mon avis peuvent nous servir de base de discussion et d'interrogation.

L'une des questions qui ont été posées aux membres du groupe de travail était la suivante: donnez-nous des exemples concrets de réseaux axés sur le savoir dont les Canadiens ont pris l'initiative. Nous avons apporté des textes détaillés sur trois d'entre eux, je crois, qui illustrent la force de ces réseaux - il y a les réseaux sur le commerce et le développement durable; il y a ensuite le GCRAI, un réseau international axé sur le savoir, et nous avons de la documentation sur ce réseau pour les membres du comité; et enfin, il y a le Consortium international pour la recherche économique en Afrique subsaharienne, où les Canadiens ont joué un rôle dominant.

Il y a ces trois-là, mais il y en a plusieurs autres. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité sur des exemples concrets de la façon dont les Canadiens ont joué ce genre de rôle.

Soit dit en passant, permettez-moi de souligner ce que M. Strong a dit... Bon nombre d'entre nous qui oeuvrent à titre individuel dans ces réseaux axés sur le savoir sont très estimés en grande partie parce qu'ils sont Canadiens. Mais nous vivons de plus en plus à crédit, je crois - c'est ce qu'on nous dit. Nous voilà donc parvenus à un point tournant dans la restructuration de nos ressources si nous voulons que les Canadiens continuent de jouer ce rôle de chef de file.

Permettez-moi aussi de dire que ce rapport, En prise sur le monde, s'insère dans ce vaste débat que vous tenez. Il est intimement lié à ce que nous appelons aujourd'hui la notion de «pouvoir parallèle», ou de «puissance souple». J'ai la certitude qu'on vous a déjà dit, parce que nous ne sommes pas les premiers à vous le dire, que l'avantage que les Canadiens détiendront dans l'avenir sera de plus en plus tributaire des pouvoirs parallèles plutôt que des pouvoirs bruts - l'équipement militaire et autres équipements - et c'est un véritable avantage pour notre pays, parce que, dans cette période d'après-guerre dont nous avons parlé, les actifs militaires étaient essentiels, et nous ne pouvions concurrencer qui que ce soit sur ce point. Mais dans un monde où le pouvoir parallèle est de plus en plus un actif essentiel, les Canadiens, s'ils jouent bien leur jeu, peuvent réussir encore mieux que dans le monde qui a suivi la guerre froide. Le groupe de travail est d'avis qu'il y a là une belle occasion à saisir, si nous pouvons canaliser nos ressources de la façon la plus constructive qui soit.

Enfin, les membres du groupe de travail tiennent à faire savoir qu'ils ne sont nullement idéalistes quant aux défis qui les attendent. De toute évidence, personne ne s'attend à ce que ces nouvelles technologies de transformation dont nous parlons vont régler tous les problèmes, et personne ne croit non plus que ces solutions ne coûtent rien. M. Strong a eu bien raison de dire que nous avons beaucoup investi par le passé dans certains actifs essentiels qui vont désormais intervenir dans ce monde axé sur le savoir.

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Nous ne disons donc pas que c'est là une panacée technologique peu coûteuse pour les problèmes canadiens ou pour le rôle plus grand que nous voulons jouer sur la scène internationale. Ce que nous demandons au comité aujourd'hui, ainsi qu'au gouvernement, c'est de prendre l'initiative à trois niveaux importants.

Premièrement, pour ce qui est du suivi, le groupe de travail a refusé délibérément de parler de mise en oeuvre, comme l'a dit M. Strong. Mais il était évident dans notre esprit à tous qu'il faudrait qu'il y ait mise en oeuvre, et votre comité, nous l'espérons vivement, jouera un rôle important, dans la mesure où il saura inviter à la table des partenaires qui joueront un rôle crucial dans les réseaux axés sur le savoir au Canada.

Deuxièmement, en conséquence du suivi, le comité peut jouer un rôle en déterminant clairement les priorités, dans la mesure où les investissements dans les réseaux axés sur le savoir permettront au Canada de maintenir et même de rehausser sa réputation dans un monde axé sur le savoir; et troisièmement, en offrant des lignes directrices et des incitatifs qui encourageront les Canadiens dans tous les secteurs à investir plus visiblement et plus massivement dans les réseaux axés sur le savoir.

Voilà qui résume, en un sens, les vastes enjeux que nous vous proposons ce matin. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, madame Gross Stein.

Monsieur Hanson et monsieur Culpeper, vous êtes ici pour répondre à nos questions, mais pas nécessairement pour nous faire une allocution liminaire? Comme nous en avons terminé avec les allocutions liminaires, je vais céder la parole aux membres.

Je tiens seulement à rappeler aux membres du comité, cependant, et je vais peut-être profiter de ma qualité de président pour commencer, qu'ils peuvent poser à nos invités des questions précises au sujet de l'Arctique et des réseaux axés sur le savoir que vous avez mentionnés... Vous savez peut-être que nous venons d'entreprendre une étude importante sur l'Arctique. Plusieurs membres du comité se sont rendus en Europe et ont rencontré nos partenaires du Conseil de l'Arctique.

Nous en sommes en ce moment à la rédaction du rapport, et nous espérons que ce sera un rapport très complet. Madame Gross Stein, nous croyons que nous tenons là la possibilité d'inscrire dans notre rapport le genre de réflexions que vous venez précisément d'exprimer. Si vous n'avez pas le temps de tout nous dire ce matin, vous pourrez certainement communiquer vos réflexions à nos recherchistes. Nous serons heureux de profiter de vos connaissances.

Par exemple, lorsque nous étions en Russie, nous nous sommes rendus à Saint-Pétersbourg, où nous avons vu qu'il y avait là un projet conjoint unissant l'Université de Calgary, une société privée ainsi qu'un institut russe. Ce projet visait à cartographier tout l'océan Arctique à des fins d'exploration et autres - les banquises, etc. C'est le genre de choses qui nous intéressent, nous qui ne sommes pas des experts dans ces domaines, car nous ne comprenons pas exactement quelles initiatives de collaboration supplémentaires peuvent être mises de l'avant si nous voulons créer des synergies et en profiter au maximum.

C'est le genre de choses où vous pourriez nous aider considérablement - si vous avez des observations à nous faire au sujet de l'Arctique. Je ne vous demanderai peut-être pas de relever ce défi aujourd'hui, mais j'aimerais que nous en discutions, si vous avez la possibilité de le faire lorsque vous répondrez aux questions de nos membres.

Monsieur Paré.

[Français]

M. Paré (Louis-Hébert): Dès le départ, je veux vous assurer que le contenu du rapport nous convient. Je pense que c'est une réflexion importante à ce moment-ci de l'histoire du monde. On sait que, pendant longtemps, le Canada a été un exportateur de matières premières, mais on a dépassé cette phase-là depuis longtemps. Nous entrons dans une phase où les connaissances vont jouer un rôle extrêmement important. Donc, d'entrée de jeu, je vous dis: aucun problème quant au contenu.

Cependant, en tant que porte-parole du Bloc québécois pour l'aide aux pays en voie de développement, il y a un certain nombre d'aspects qui me donnent un peu la chair de poule. C'est surtout là-dessus que je vais intervenir.

Je vais vous poser une série de questions. La base de mes questions est que, dans le rapport, vous proposez que désormais, au moins 15 p. 100 de l'aide publique au développement canadienne soit attribuée à l'exportation des connaissances.

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Pourquoi avoir relié l'exportation du savoir à l'aide publique canadienne et non pas au ministère de l'Industrie, qui chapeaute Sciences et Technologie ainsi que les Communications, ou au Commerce international, qui a déjà un important organisme d'exportation? Cet organisme pourrait aussi exporter le savoir.

Deuxièmement, comment l'exportation du savoir par les technologies de pointe comblera-t-elle les besoins humains fondamentaux des pays en développement? Je me permets d'en rappeler un certain nombre: l'éducation de base, la santé primaire, l'approvisionnement en eau potable, le soutien aux femmes, etc. Comment l'exportation du savoir par les technologies de pointe contribuera-t-elle à réduire la pauvreté? C'est le premier objectif de l'aide publique canadienne au développement.

Je vais utiliser un exemple. On a démontré que le problème du génocide au Rwanda avait été lancé et alimenté, non pas par les technologies de pointe, non pas par les moyens modernes de communication, mais par des postes de radio. Or, au Rwanda, on évalue qu'il y a 14 000 téléphones par rapport à 500 000 postes de radio. Lequel des deux moyens est le plus efficace pour rejoindre la population? Il me semble que ce ne sont pas les technologies de pointe.

Au Zaïre, dernièrement, le Haut-Commissariat aux réfugiés proposait de donner aux réfugiés des postes de radio pour qu'on puisse leur communiquer de l'information. On est loin des ordinateurs et d'Internet.

Je ne mets aucunement en doute l'importance des notions que vous avez cernées, mais il me semble qu'attribuer une part plus importante de l'aide publique au développement à tout ce qui gravite autour des connaissances nous mène vers un non-respect des devoirs du Canada à l'endroit de la communauté internationale.

Il m'apparaît qu'au Canada, nous pourrions disposer d'autres sources de financement. Au fond, il faut être conscient que ce que vous traitez est sûrement porteur d'un développement économique important, même au Canada. Pourquoi aller puiser à l'intérieur de l'aide publique au développement, alors que des spécialistes nous disent que le Canada ne consacre que 25 p. 100 de son aide publique à la satisfaction des besoins fondamentaux et que c'est nettement insuffisant?

Le Centre canadien pour la coopération internationale dit que cette part de l'aide devrait être de 50 p. 100 et d'autres disent qu'elle devrait aller jusqu'à 70 p. 100. Peut-on prendre une part de l'aide publique pour assumer...

Voici mon dernier élément. Vous avez fait allusion, monsieur Strong, au fait que le ministre Axworthy avait écrit la préface de votre rapport. Je pose la question suivante, et ce sera ma dernière. N'y a-t-il pas une certaine confusion d'objectifs entre ceux que vous poursuivez et ceux que le ministre des Affaires étrangères poursuit? J'ai même l'impression qu'il a récupéré en partie les objectifs et les conclusions de votre rapport pour les rendre à la saveur de sa nouvelle vision de la politique de communications internationales.

Je me permets en terminant de lire un extrait d'un article paru dans Le Devoir en décembre dernier et intitulé: La nouvelle politique canadienne de communications internationales: Pour branchés seulement!. Le titre du paragraphe que je vais vous lire est: «Information libre ou propagande?»

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Encore une fois, j'insiste pour dire qu'en ce qui a trait à votre rapport, je n'ai rien à redire, sauf en ce qui a trait au lien dangereux, d'après moi, que vous faites avec l'aide publique canadienne et la récupération que le ministre des Affaires étrangères en fait. Merci.

[Traduction]

M. Strong: J'ai la certitude, monsieur le président, que certains de mes collègues sauront répondre à ces questions importantes. Je vais vous dire très brièvement en quoi consiste ma propre perspective.

Pour ce qui est de l'aide publique au développement, il y a toute une gamme de domaines où les informations et le savoir vont circuler. Certains sont limités strictement au commerce et à nos intérêts commerciaux, et ces domaines devraient être bien financés à partir de ces sources. Mais les 15 p. 100 que nous avons identifiés pour l'aide publique au développement visaient précisément à financer l'acquisition et la diffusion du savoir qui avait une pertinence directe avec les besoins des pays en voie de développement.

Autrement dit, nous ne voulions pas que l'aide publique au développement serve à financer les autres genres d'informations - parfois la distinction est à peine visible - qui sont reliées à nos intérêts commerciaux.

De même, en réponse à l'autre question de M. Paré, au sujet de la différence entre la propagande et des informations authentiques et utilisables pour le développement, bien sûr les mêmes technologies servent à les diffuser, mais ce ne sont pas les mêmes informations. Les objectifs sont différents, et c'est pourquoi les crédits liés à ces informations devraient être différents aussi. Il ne faut pas confondre la diffusion du savoir et l'allégement de la pauvreté, et nous ne saurions utiliser les besoins en matière de développement pour projeter du Canada une image favorable, même si c'est un désir bien compréhensible. Ce sont deux choses différentes. Je comprends donc pourquoi M. Paré trace cette distinction.

Quant à l'autre question, comment la haute technologie peut réduire la pauvreté, et au sujet du Rwanda, etc., je suis d'accord pour dire que c'est un problème important. Mais permettez-moi de vous dire que, ayant dans une période précédente passé deux ans à soulager la pauvreté à l'époque de la famine africaine, de 1984 à 1986, nous n'aurions rien pu faire - des millions de gens seraient morts - sans les technologies de communication que nous avions à ce moment-là. Le problème, c'est que les pauvres n'ont pas les moyens de capter ces technologies.

Il ne faut donc pas dire que tout le monde doit avoir accès à ce savoir ou que tout le monde doit avoir son propre ordinateur, mais même les pays les plus pauvres disposent, et ont besoin, davantage de points d'accès qui leur permettront de remédier efficacement aux problèmes de la pauvreté en ayant accès à ce genre de savoir - par exemple, pour améliorer leur rendement agricole, comme cela se fait au sein du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale; pour réduire les risques pour la santé; dans une foule de domaines.

La technologie tangible n'est qu'un véhicule. Le vrai problème, c'est de savoir comment donner accès aux technologies les plus pointues aux plus pauvres, d'une manière telle qu'ils pourront s'en servir pour améliorer leur sort.

C'est un défi, mais ce serait commettre une erreur que d'aller à l'autre extrême et de dire qu'à cause de cette difficulté il faut leur nier l'accès aux technologies qui amélioreront leur sort. Je suis donc d'accord avec ce que M. Paré disait en posant sa question. Mais cela ne fait que montrer que ce problème n'est pas simple. Il y a des défis complexes ici, mais je crois qu'il y a lieu de les maîtriser.

Enfin, au sujet de la question concernant le ministre Axworthy, je pense qu'il peut fort bien lui-même énoncer ses propres objectifs. Nous sommes heureux qu'il ait donné son accord à l'orientation fondamentale de notre rapport, mais nous ne croyons pas qu'il ait avalisé toutes les idées du rapport, et notre propre groupe de travail ne dit pas ce qu'il pourrait faire de ce rapport.

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Le président: Voulez-vous ajouter quelque chose, madame Gross Stein?

Mme Gross Stein: Je répondrai très brièvement à ce qui constituait un ensemble de questions très importantes; vous avez parlé du Rwanda et avez demandé dans quelle mesure nos recommandations ont un rapport avec le génocide au Rwanda et les problèmes qui se posent là-bas. Je vais vous donner un exemple.

Un Canadien a pris l'initiative de former un réseau axé sur le savoir qui s'appelle le Forum pour la détection et l'intervention rapide, qui réunira des experts du Burundi, du Rwanda et d'autres régions de l'Afrique orientale, et qui va former un réseau permettant d'intervenir rapidement, réseau que nous n'avions pas avant le génocide d'avril au Rwanda.

Donc, d'un point de vue très concret, très pratique - et bien sûr cette initiative va faire intervenir des Rwandais et des Burundais; ce n'est donc pas une intervention uniquement extérieure - on va relier des experts mondiaux de ces pays, et on va constituer un réseau qu'aucun de ces pays n'aurait eu les moyens de s'offrir, avec des gens de tous ces pays, qui véhiculeront des informations opportunes si l'on a de graves raisons de s'inquiéter. Voyez le coût de ce réseau, qui pourrait bien sûr coûter cher, et comparez-le au coût de l'échec de la communauté internationale - qui a clairement échoué au Rwanda - et ce qu'il en a coûté pour s'occuper des réfugiés; c'est un investissement extrêmement efficace qui permettra aux Africains de suivre l'évolution de leur propre société, et cela favorisera une intervention internationale rapide.

Le président: Merci.

Monsieur Flis.

M. Flis (Parkdale - High Park): Merci.

Quand j'ai dit au début qu'il était «honteux» que M. Bezanson nous quitte pour la Grande-Bretagne et que nous assistions à un nouvel exode des cerveaux canadiens... nous lui souhaitons bonne chance, parce que je crois que non seulement c'est un internationaliste canadien, mais qu'il va aussi favoriser l'essor de cet internationalisme canadien, et j'espère qu'il reviendra devant notre comité pour nous faire part du savoir qu'il aura acquis.

Mme Gross Stein a dit au début que, malheureusement, ce ne serait pas la dernière fois qu'elle témoignerait devant notre comité. Je tiens à dire qu'heureusement ce ne sera pas la dernière fois que vous allez témoigner devant notre comité.

Le président: Mme Gross Stein est souvent des nôtres lorsqu'il y a guerre ou conflit à l'étranger. Nous devrions peut-être l'inviter moins souvent, parce que c'est une experte des conflits.

M. Flis: Toute cette affaire est stupéfiante, mais j'aimerais commencer par une question à l'intention de M. Strong.

Vous avez parlé de la diversité des expériences; d'une certaine façon, le Canada s'est développé avec cette idée que la diversité fait la force. En effet, les Canadiens sont venus de toutes les parties du monde, et ils ont apporté de grandes réserves de connaissances, d'expériences, etc. Est-ce que nous n'avons pas déjà cette diversité d'expériences? De quel genre d'expériences parlez-vous quand vous dites que c'est ce qui donnera au Canada une place prépondérante?

Les autres personnes pourraient vouloir répondre en même temps que M. Strong.

M. Strong: Monsieur le président, la diversité de nos expériences est le prolongement de notre expérience physique. Par exemple, le président a mentionné l'Arctique. Il se trouve que j'ai vécu dans l'Arctique quand j'étais plus jeune. L'expérience acquise dans ces régions de l'Arctique prend de plus en plus d'importance pour nos intérêts internationaux. En fait, monsieur le président, je me dis souvent que tout comme nous avons l'ALENA avec nos voisins du Sud, nous devrions avoir un ALEA, un accord de libre-échange dans l'Arctique pour échanger des informations et des connaissances.

Les régions de l'Arctique représentent un des éléments les plus importants de la structure écologique de notre planète. Elles auront une importance considérable pour notre avenir, une importance tout à fait disproportionnée avec le nombre de gens qui habitent ces régions. Nous sommes une puissance l'Arctique, et l'expérience que nous avons acquise du développement et de la protection de ces régions est un élément majeur de l'ensemble des connaissances canadiennes. On utiliserait l'expérience canadienne d'une façon particulièrement utile en développant un réseau de connaissances avec les autres puissances de l'Arctique. Et pourtant, il y a une grande différence entre l'expérience que nous avons de l'Arctique et l'expérience des institutions éducatives et culturelles du Québec. C'est un ensemble d'expériences considérables qui ne correspond pas, par exemple, aux expériences que nous avons eues dans l'ouest du Canada.

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Ainsi, dans le domaine culturel, dans le domaine du développement de nos régions urbaines... Montréal et Toronto sont généralement reconnues comme étant deux des meilleures villes du monde, et c'est la raison pour laquelle nous devons partager l'expérience que nous avons acquise dans ce domaine. En effet, nous avons acquis dans divers domaines de l'expérience qui pourrait être utile à d'autres, de l'expérience dont d'autres pourraient profiter, et de notre côté nous pouvons compléter cette expérience et la développer grâce aux échanges que nous avons avec toutes ces autres parties intéressées.

M. Flis: Monsieur Bezanson, vous avez quelque chose à ajouter?

M. Bezanson: Non.

M. Flis: Nous avons traversé la période de la guerre froide avec deux superpuissances. Aujourd'hui, il n'y a plus qu'une seule superpuissance. Dans l'avenir, le pouvoir sera fondé sur la connaissance, sur des éléments logiciels. Pensez-vous que de nouvelles superpuissances vont se développer, et est-ce que cela ne représente pas une menace pour l'avenir de notre planète?

M. Bezanson: C'est une question très profonde. Quelqu'un a dit, comment était-ce?... Le diable rit de ceux qui essayent de prédire l'avenir. Vous venez de me demander de prédire l'avenir.

Jesse, je vais vous donner un exemple très anecdotique. Je rentre d'un voyage en Asie; je suis allé dans six pays, entre autres, en Chine, à Singapour et en Thaïlande. On a peut-être tort de parler de «superpuissance», car cela suggère une configuration géopolitique qui correspondait à l'État-nation. Par contre, il est à peu près certain que des centres de pouvoir sont en train d'émerger, et ces centres vont exercer un pouvoir considérable. Il s'agit de villes, et non plus de pays entiers. Il s'agit parfois de certaines parties de certaines villes. Mais je pense pouvoir dire sans exagération qu'on assiste à l'émergence de nouveaux marchands de pouvoir qui auront une influence sur les événements internationaux, une influence qui aurait semblé inconcevable il y a 10 ou 15 ans à peine.

Nous assistons actuellement à des glissements géopolitiques considérables. Je ne suis pas le premier à le dire, bien sûr, mais je pense, tout comme Toffler, qui parlait dans son livre de déplacements de pouvoir, que nous allons assister à des déplacements de pouvoir massifs, et qu'il ne s'agira plus forcément de pays ou d'États-nations, mais bien d'individus et de groupes.

Mme Gross Stein: J'aimerais répondre aussi à cette question particulièrement intéressante; il ne faut pas oublier non plus la façon dont les connaissances nouvelles s'élaborent, la façon dont elles sont transmises, et la façon dont elles sont partagées. La contribution du Canada, et c'est la raison pour laquelle je suis tellement certaine que le Canada va jouer un rôle de premier plan, cette contribution, c'est une détermination à partager la connaissance, à élargir la base, et à utiliser cette connaissance à certaines fins. Dans la mesure où nous intervenons tôt, dans la mesure où nous influençons les normes qui régissent le processus et où nous jouons un rôle actif, nous aurons une influence disproportionnée sur la solution des problèmes qui vous inquiètent...

Une voix: Et qui inquiètent M. Paré.

Mme Gross Stein: ... et qui vous inquiètent.

Le président: Monsieur Culpeper.

M. Roy Culpeper (président, Institut Nord-Sud): J'aimerais ajouter une chose.

À mon avis, le pouvoir fondé sur la connaissance évolue en direction inverse du pouvoir traditionnel, du pouvoir militaire. Le pouvoir fondé sur la connaissance permet de diffuser le pouvoir. Pour reprendre l'ancienne devise du CRDI, qui existe toujours, et qui est «s'affranchir par le savoir», c'est une façon de faire participer les citoyens et la population à la prise de décisions de l'autorité.

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Ce genre de choses permettent de s'écarter des principaux centres de pouvoir. Il n'y a qu'à considérer les derniers événements en Serbie, l'influence des médias de communication. Une telle chose aurait-elle été possible jadis, lorsque les communications et la diffusion de la connaissance étaient moins libres?

À mon avis, c'est au coeur même de cet oxymoron qu'est la puissance souple.

M. Strong: Puis-je ajouter quelque chose?

Le président: Allez-y.

M. Strong: C'est quelque chose de tellement important. Notre rapport part du principe que le Canada peut effectivement devenir une de ces puissances. Le mot «superpuissance» n'est peut-être pas bien choisi, mais nous pouvons devenir une puissance majeure dans le domaine de la connaissance. Par contre, dans le domaine militaire ce n'est pas possible, et sur le plan économique nous perdons du terrain. Nous devons donc essayer de devenir une puissance fondée sur la connaissance, mais nous y parviendrons seulement si nous avons l'engagement et la détermination politiques nécessaires.

Le président: Monsieur Hanson.

M. Arthur Hanson (président, Institut international du développement durable): J'aimerais établir un rapport entre les notions de puissance et d'influence. À l'institut, à l'IIDD, nous avons essayé de favoriser l'ouverture en révélant mieux ce qui se passe dans les négociations, celles du système des Nations Unies et celles de l'Organisation mondiale du commerce.

Ce qui m'impressionne surtout, c'est la nature compétitive de tout ce secteur de l'information, c'est l'agressivité dont il faut faire preuve pour jouer un rôle. D'un autre côté, il est possible de le faire d'une façon très rentable, de se ménager et de conserver une position sur la scène mondiale grâce à l'Internet et à ce genre de technologie.

Par exemple, nous avons une publication qui s'appelle Bulletin des Négociations de la Terre, une nouvelle façon de sauvegarder l'intérêt public en faisant le compte rendu des activités quotidiennes. À l'heure actuelle, il y a ici même à Ottawa des pourparlers sur les produits chimiques toxiques. Nous avons une équipe sur place. Nous avons aussi une équipe à New York qui produit des rapports pour les Nations Unies sur les progrès du groupe intergouvernemental sur les forêts.

Ces informations sont publiées tous les jours sur Internet. En l'espace de trois ou quatre ans, nous avons mis sur pied une base de ressources d'un million de dollars, un système payé par les organismes internationaux de divers pays. Tous ces pays jugent très utile d'avoir des informations précises, de les recevoir rapidement, car cela leur permet d'influencer les négociations, et en particulier cela permet aux pays en voie de développement et aux pays industrialisés de se concerter.

Nous ne devons pas perdre de vue cette notion d'influence.

Le président: Monsieur Flis, après quoi les autres intervenants essayeront de s'en tenir à cinq minutes.

M. Flis: Un ingénieur de Toronto voyage dans le monde entier et prend la parole à des conférences internationales sur l'environnement, etc. C'est M. Adler, qui essaye de faire accepter la notion de piste cyclable surélevée dans les pays en voie de développement, dans les grandes villes, etc.

La Banque mondiale a exprimé de l'intérêt pour ce projet, et je tiens à remercier M. Strong pour ses efforts pour faire connaître ce concept véritablement canadien. Malheureusement, il se cogne la tête sur un mur de briques, et pour cette raison j'aimerais faire appel à l'ensemble du comité, vous demander d'exercer votre influence auprès de la Banque mondiale et également d'exploiter vos relations internationales pour continuer à faire connaître cette idée authentiquement canadienne. Il s'agit non seulement de développement durable, mais dans ces pays en voie de développement c'est aussi une idée qui exploite la connaissance et la technologie, qui permet de réduire le nombre des automobiles et de protéger notre environnement, et qui en même temps est bonne pour la santé de tous ceux qui vont travailler en bicyclette au lieu de suffoquer dans leur limousine.

Je n'ai pas le temps de parler de cette question plus longtemps, mais j'aimerais que les membres du groupe relèvent ce défi véritablement canadien. J'espère que d'ici quelques années nous verrons une piste cyclable surélevée à Bangkok ou dans une autre ville.

Le président: Monsieur Flis, moi qui affronte la circulation sur ma bicyclette à Toronto et à Ottawa, je pense que charité bien ordonnée commence par soi-même et que M. Strong devrait essayer d'obtenir un prêt de la Banque mondiale pour Toronto.

M. Flis: Voilà 50 ans que j'essaie de faire bouger les hommes politiques de Toronto, mais malheureusement ils continuent à penser en deux dimensions, et non pas en plusieurs dimensions.

Le président: Il faut les forcer à enfourcher leur bicyclette, et c'est un problème.

.1005

[Français]

Madame Debien.

Mme Debien (Laval-Est): Bon matin, madame, messieurs. J'aimerais revenir un peu sur les questions qu'a soulevées M. Paré plus tôt. Je pense qu'il a cerné la problématique essentielle. Je voudrais aussi en profiter pour remercier les personnes qui ont oeuvré à la rédaction de ce rapport et à ces pistes de réflexion que vous nous soumettez.

Je pense, tout comme M. Paré, que c'est un travail remarquable. J'apprécie aussi le travail de M. Strong et sa participation au Groupe de Lisbonne, je crois, où il a aussi commis un document qui s'appelle Limites à la compétitivité: vers un nouveau contrat mondial et dans lequel ce groupe a donné des pistes de réflexion importantes.

Sur la question du financement, j'aimerais poser une question très précise. Ne serait-ce pas les entreprises privées qui vont bénéficier des résultats de la vente de leur quincaillerie qui devraient participer d'abord au financement de ces réseaux de savoir? Il y a une quincaillerie importante en cause, des intérêts commerciaux importants en cause, et je pense que les entreprises privées commerciales qui vont vendre cette quincaillerie devraient être partie prenante au financement de ces réseaux de savoir.

Ma deuxième question s'adresse à Mme Gross Stein. Vous nous avez parlé plus tôt d'exemples de réseaux de savoir. Vous avez donné brièvement trois appellations. J'aimerais que vous nous donniez un peu de détails sur des exemples concrets de réseaux de savoir.

Le président: Qui veut répondre à Mme Debien?

Monsieur Strong.

[Traduction]

M. Strong: Je répondrai uniquement à la question qui m'a été posée, la question relative au financement. Cela comporte divers éléments. Comme vous l'avez dit, effectivement, le matériel et les services actuellement disponibles sur la scène commerciale sont un élément particulièrement important, et il importe de les financer de cette façon-là.

Il y a ensuite toutes sortes d'éléments, par exemple le développement de la connaissance et le dialogue politique avec les institutions des pays en voie de développement, la nécessité de les aider à définir leurs propres besoins en matière de connaissance, leurs propres priorités, de les aider à évaluer cette connaissance, parce que si on se contente de mettre la connaissance à leur disposition, souvent cela ne sert qu'à les désorienter. Il est certain qu'ils ont besoin d'aide.

C'est la raison pour laquelle nous devons utiliser une portion accrue de notre aide au développement pour nous assurer que les fruits de notre expérience sont véritablement adaptés à leurs priorités, et que tout cela est transmis sous une forme utilisable.

Ainsi, à cet élément important d'aide au développement vient s'ajouter un autre élément important, celui des possibilités commerciales de financement. Comme M. Paré l'a dit, il y a d'autres intérêts canadiens dans le domaine du commerce, etc., qui bénéficient de ces réseaux, et c'est la raison pour laquelle c'est eux qui devraient en assumer les frais, et non pas l'APD.

Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit, mais c'est un élément du financement parmi d'autres dont nous devons nous occuper également.

Mme Gross Stein: Merci beaucoup. J'ai mentionné deux réseaux. Le premier est un réseau qui s'intéresse principalement à la recherche agricole et à la politique alimentaire. Il s'agit d'un projet parrainé par le CRDI, - et je vais donc demander à M. Bezanson de vous en parler - tout comme le projet qui nous ramène à une question posée par M. Paré, le Consortium international pour la recherche économique en Afrique subsaharienne, qui regroupe des chercheurs et des décideurs de diverses régions d'Afrique, des gens qui affrontent tous des problèmes de pauvreté et de développement. C'est un travail qui a commencé il y a quinze ans dans l'idée très nette de développer les capacités d'action des chercheurs africains qui s'intéressaient aux problèmes de la pauvreté. Il s'agissait d'élaborer des solutions au niveau des communautés, des solutions fondées sur leurs connaissances.

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Un élément important des réseaux fondés sur la connaissance, c'est que pour élaborer de bonnes politiques on a besoin de connaissances très diverses. On a besoin du type de connaissances scientifiques qui s'attaquent à des problèmes particuliers, mais également de connaissances sur la façon dont les communautés et les institutions fonctionnent, sur tout ce qui est nécessaire pour traduire la connaissance scientifique en notions tangibles utilisables par les communautés.

Ce réseau est un succès remarquable. La meilleure preuve en est qu'il a permis de financer les recherches des Africains sur toute une série de problèmes reliés à la pauvreté. Quatre-vingt-dix-sept pour cent des recherches financées ont été étudiées par des gens de l'extérieur, et dans les trois quarts des cas on a publié en Afrique et à l'extérieur des documents qui discutent des moyens utiles de lutte contre la pauvreté.

J'ai participé à un de ces réseaux, le réseau sur la politique palestinienne. Là encore, il s'agissait d'un projet du CRDI. À un moment très crucial, à la fin des années 80, ce réseau a permis de mettre en présence des experts de la politique palestinienne qui, pour la première fois, s'interrogeaient sur le type de connaissances dont ils avaient besoin au sujet de la création de structures gouvernementales et au sujet du passage à la négociation, un exercice dont ils n'avaient pas l'expérience. Ils s'interrogeaient également sur les connaissances dont ils avaient besoin au sujet de l'eau, du développement, de l'environnement, des réfugiés.

Ce réseau a permis de mettre en présence des chercheurs palestiniens. Certains d'entre eux vivent au Moyen-Orient, d'autres à Londres, à Chicago, à Toronto, et à Ottawa. Ce réseau a permis de libérer les énergies et de les canaliser. Je peux vous parler par expérience, vous parler de ces gens qui, à un moment donné, à partir de 1993, se sont joints à la table de négociation. Les ressources, le soutien et les connaissances qu'ils ont obtenus grâce à ce réseau ont été un élément crucial de leur participation aux négociations.

Là encore, ce fut un investissement innovateur du Canada. Je voyage souvent au Moyen-Orient, et je dois vous avouer que les gens me demandent souvent d'où je viens, et je leur réponds que je viens du Canada. Je vous assure que dans cette partie du monde, c'est avant tout pour notre participation à ce réseau que nous sommes connus.

Le président: Merci.

Membres du comité, vous vous souviendrez que le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale a comparu devant notre comité l'année dernière.

Monsieur Bezanson.

M. Bezanson: Je sais que vous essayez de tirer le meilleur parti du temps dont nous disposons, monsieur le président, mais si vous le permettez, c'est une chose que Janice a suggéré et

[Français]

parce que c'est une bonne question, que c'est excellent et que cela touche le point qu'a soulevé Philippe Paré,

[Traduction]

j'aimerais vous donner un exemple concret qui devrait nous permettre de mieux cerner cet aspect. Je vais me permettre de faire une observation personnelle pour que vous compreniez sur quoi se fonde mon opinion. Il y a quelques années, j'ai vécu en Afrique pendant 10 ans. Je travaillais dans des villes et des villages, et depuis que j'occupe mon poste actuel, j'ai eu l'occasion de retourner en Afrique plusieurs fois. Je comprends donc très bien ce que Philippe Paré veut dire quand il parle d'un pays comme le Rwanda.

En règle générale, la pauvreté et la misère gagnent du terrain dans toute l'Afrique. Il y a de grands territoires en Afrique pour lesquels il ne semble pas y avoir beaucoup d'espoir. Évidemment, le Canada, et en particulier vous, qui êtes appelés à prendre des décisions, vous interrogez sur ce que nous pouvons faire. Autrement dit, que pouvons-nous faire de positif à une époque où beaucoup de pays du monde tournent le dos à l'Afrique?

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C'est là que l'idée de réseaux fondés sur la connaissance et de réseaux de contacts est essentielle pour l'avenir de l'Afrique. À mon avis, Philippe, cela devrait être la raison d'être de l'APD. Des montagnes et des montagnes de connaissances, d'informations et de technologies sont nécessaires pour le développement. D'après les experts, on produit aujourd'hui plus de connaissances en l'espace de cinq ans qu'on en produisait jadis en l'espace de cinquante ans. Malheureusement, cette connaissance n'est pas à la disposition des décisionnaires africains, des dirigeants des communautés africaines, des activistes africains, des agriculteurs africains, des enseignants africains.

Je pense aux universités où j'ai enseigné en Afrique. Il n'y a pas de livres, il n'y a pas de journaux, il n'y a pas de laboratoires, tout le système s'effondre, et cela a des conséquences tragiques.

Nous nous sommes demandé ce que nous pouvions faire avec des ressources limitées; nous nous sommes demandé ce que le Canada pouvait faire de positif en Afrique.

J'aimerais parler maintenant du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale. À l'heure actuelle, nous pensons que l'une des expériences les plus importantes qui devraient être tentées, une chose qui ne se fait pas encore systématiquement, et c'est d'essayer d'utiliser les nouvelles technologies pour trier, pour filtrer l'information, parce qu'il y en a beaucoup trop. Cela fait, on devrait mettre cette information à la disposition des collectivités et des régions rurales d'Afrique, et cela, sous une forme interactive.

Je vais être très spécifique; je vais parler d'agriculture. Le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale est le système de recherche et d'acquisition de connaissances sur les pays en voie de développement le plus élaboré qui existe. Je suis fier de pouvoir dire qu'il a été mis sur pied grâce à une contribution canadienne importante. Le problème, c'est qu'on a des connaissances sur la façon de faire face aux insectes nuisibles qui surgissent de façon imprévisible, sur la façon de faire face à la sécheresse, à l'absence de pluie, lorsque cela se produit, des connaissances sur les systèmes d'entreposage que les fermiers peuvent utiliser, sur les engrais naturels et chimiques et sur les quantités à utiliser pour obtenir des résultats, et nous savons aussi comment le prix des produits évolue sur la scène internationale, mais aucune de ces connaissances ne parvient aux fermiers africains; la communication ne se fait pas.

Nous voulons donc essayer de construire des centres communautaires, comme nous avions jadis des bibliothèques dans nos propres communautés. Le centre communautaire est un lien avec le monde extérieur, un lien avec les 16 centres de connaissances agricoles qui existent dans le monde, et lorsqu'un dirigeant local et les fermiers d'une région se heurtent à un nouvel insecte nuisible, ils n'ont pas besoin de s'adresser à un intermédiaire qui n'est plus en poste; ils peuvent communiquer directement avec le centre d'excellence pour obtenir les meilleurs conseils possible. Cela fait, les personnes en question peuvent se rendre sur place et apporter de l'aide sur le plan de l'application.

J'essaie d'exprimer cela en termes concrets. C'est excessivement important. Dans toute l'Afrique nos systèmes sont en train de s'effondrer, et si nous voulons faire quelque chose d'utile, je pense que nous allons devoir nous attaquer en priorité au problème de la mobilisation de la technologie, du transfert interactif de la connaissance dont on a besoin au niveau communautaire. Faute de cela, l'Afrique va perdre de plus en plus de terrain, parce qu'il y en a d'autres qui avancent à grandes enjambées, et je pense aux observations de Bill Gates à Davos, que vous avez entendues.

À mon avis, c'est un des problèmes de développement les plus cruciaux auxquels se heurte notre époque. Le Canada pourrait montrer l'exemple en Afrique; c'est un grand défi qui s'ouvre.

Le président: Monsieur Dupuy.

M. Dupuy (Laval-Ouest): Monsieur le président, pour commencer je dois dire que c'est un privilège tout particulier d'être assis encore une fois à la même table que M. Strong et M. Bezanson. Pendant les années 70, nous nous efforcions d'élaborer la politique canadienne, et à cette époque le monde était encore un endroit assez simple. Il y avait un axe Est-Ouest, et il y avait un axe Nord-Sud. Évidemment, les choses ont changé.

J'aimerais revenir sur certaines observations de M. Flis. À l'heure actuelle, les plus grands défis en matière de développement se posent probablement dans trois pays dont l'évolution est cruciale pour l'avenir du reste du monde, à la fois sur le plan de la sécurité et sur le plan du développement. Évidemment, il s'agit de la Russie, de la Chine et de l'Inde.

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Pour un certain nombre de raisons, ces pays-là ne figuraient pas en tête de liste de la politique étrangère du Canada. Évidemment, nous considérions que la Russie faisait partie du défi Est-Ouest. Dans l'ensemble, la Chine était un pays fermé, et nous nous intéressions beaucoup plus au Japon et aux pays qui se trouvent à la périphérie de l'Asie. Quant à l'Inde, nos relations étaient colorées par certains événements regrettables dus à notre querelle nucléaire, et par conséquent elle n'occupait pas une place de premier plan dans les préoccupations canadiennes.

La question que je me pose est double; premièrement, est-ce que les instruments traditionnels que nous utilisions pour nos politiques de développement et de coopération internationale sont toujours valides, applicables, adaptés au développement économique de ces trois pays, en dépit de leur diversité? Deuxièmement, devons-nous reconsidérer notre politique envers ces pays et penser à des systèmes bilatéraux axés sur la stabilité et le développement mondial? Ou bien au contraire, devons-nous considérer que les problèmes de ces pays sont si complexes, si considérables, qu'ils échappent aux possibilités bilatérales du Canada, et dans ce cas là pouvons-nous rechercher des solutions multilatérales et internationales aux défis posés par ces trois pays?

Ce que je veux dire, c'est que sur le plan de la sécurité et du développement notre politique étrangère pourrait adopter une vision fondamentalement différente. Est-ce que c'est une bonne analyse? À votre avis, comment faut-il relever ce défi?

Le président: Monsieur Strong, avant de vous laisser répondre, je veux signaler qu'un des coauteurs du rapport vient de se joindre à nous. Sénateur Austin, s'il vous plaît, venez vous joindre à vos collègues autour de cette table. Nous vous invitons plutôt en votre qualité d'auteur qu'en votre qualité de sénateur. Ce n'est pas si souvent que nous sommes honorés par la présence de nos collègues de l'autre Chambre, mais comme vous êtes un des auteurs du rapport, nous aimerions beaucoup que vous vous joigniez à nous.

Le sénateur Jack Austin (membre, Groupe de travail sur la recherche et les politiques pour le développement international): Merci beaucoup.

Le président: C'est un plaisir de vous avoir ici.

Monsieur Strong, excusez-moi. Je vous en prie.

M. Strong: Merci beaucoup.

J'ai appris, il y a longtemps, à avoir le plus grand respect pour les questions posées par notre distingué ami, M. Dupuy, car je sais qu'elles sont toujours mûrement réfléchies et témoignent d'une longue expérience.

En fait, ces trois pays constituent des cas particuliers, comme il le sait fort bien. Pendant longtemps, nous avons fourni de l'aide au développement à l'Inde, et pendant une certaine période l'Inde et le Pakistan étaient les principaux clients de l'aide canadienne au développement. Bien sûr, ces relations ont depuis changé, pour les raisons données par M. Dupuy, mais également parce que ces nations ont évolué.

La Chine est sur le point de devenir la plus grosse entité économique du monde. L'Inde est probablement au troisième rang. Ce sont des pays que nous ne pouvons pas influencer, sinon par des moyens très spécialisés. Un de ces moyens, ce sont nos relations multilatérales avec ces pays-là. Sur ce plan-là, le Canada a appris à exercer une influence au sein du système multilatéral.

Soit dit entre parenthèses, monsieur le président, cela est particulièrement vrai pour le secteur de la connaissance. La Banque mondiale et les Nations Unies élaborent également des réseaux axés sur la connaissance, et le Canada se trouve dans une excellente position pour exercer sa propre influence au sein de ce système multilatéral.

En ce qui concerne notre influence sur la Chine, l'Inde et la Russie, nous devons savoir que cette influence sera limitée, et que selon toute probabilité elle ne dépendra pas beaucoup de l'aide publique au développement. Mais s'il y a un domaine où nous pouvons avoir une influence considérable, c'est certainement le domaine de la connaissance. Si l'on sait comment naviguer dans le processus de la connaissance, cela peut devenir une grande source d'influence.

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Monsieur le président, vous avez parlé de l'Arctique; évidemment, c'est un domaine de synergie considérable entre le Canada et la Russie, et par conséquent cela offre un potentiel d'influence important, mais c'est une influence qui ne passe pas forcément par notre aide publique au développement. Elle dépendra plutôt de la façon dont nous nous comportons multilatéralement. Sur le plan bilatéral, c'est un élément important de nos relations, mais c'est en même temps un exemple particulièrement bon de la façon dont notre influence peut se multiplier grâce aux systèmes de connaissance que nous proposons.

Merci.

Mme Gross Stein: J'aimerais donner très vite un autre exemple. Sans reprendre un historique que vous devez tous connaître, le Canada a joué un rôle crucial dans la création en Chine d'un réseau axé sur la connaissance, établissant des liens entre beaucoup d'instituts qui jouent en Chine un rôle légèrement différent de celui que jouent nos instituts et nos universités. Toutefois, nous avons mis en présence beaucoup d'experts chinois, et nous leur avons permis de prendre contact avec les experts au Canada.

Lorsqu'on a ce genre de contact professionnel avec ces gens-là, ils vous disent deux choses: d'une part, cela leur permet de profiter de la connaissance, de la recherche et des politiques élaborées au Canada et ailleurs, et c'est un aspect capital. Mais en même temps il est intéressant de constater que pour eux un des véritables avantages du réseau, c'est qu'il leur permet de se parler entre eux d'une façon qui n'était pas possible jadis. Ici encore, il ne s'agit pas d'une initiative majeure, mais c'est tout de même un de nos efforts les plus réussis si l'on considère la contribution, l'impact que cela a représenté, les liens forgés avec le Canada.

Le président: Madame Gaffney.

Mme Gaffney (Nepean): Je suis heureuse d'avoir quelques minutes. Ma question est très courte.

Je vous souhaite la bienvenue au comité. Ce qui me plaît surtout dans ce rapport, c'est qu'il ne faut pas longtemps pour le lire. Les parlementaires n'ont pas le temps de lire les gros rapports, les briques, et c'est pourquoi j'apprécie tout particulièrement cela.

Monsieur Strong, dans votre déclaration d'ouverture, vous avez mentionné les victimes. Vous avez parlé des victimes des coupures budgétaires, mais en même temps vous avez reconnu que nous nous retrouvions dans une situation difficile. Vous avez mentionné certains domaines où les coupures - les coupures Environnement Canada, à l'ACDI, entre autres - entamaient sévèrement les budgets des ONG et d'autres organismes.

Nous avons surtout parlé des industries fondées sur la connaissance. Étant députée de la région d'Ottawa, une région où l'on fait beaucoup de recherche fondamentale, j'aimerais savoir ce que vous pensez. Je crois que les activités du CNRC sont fondées sur la connaissance, mais je n'en suis pas certaine, et je pense aussi à Chalk River et d'Énergie atomique. J'entends parler de chercheurs qui viennent de Chalk River ou de l'Énergie atomique et qui sont à l'avant-garde de ce qui se fait dans le monde, des gens dont les travaux sont reconnus dans le monde entier. À votre avis, ces gens-là sont-ils des victimes? Quand vous parlez des industries fondées sur la connaissance, quelle place donnez-vous à ces gens-là?

M. Strong: Je ne pensais pas tellement à un groupe de chercheurs; je pensais plutôt aux structures institutionnelles qui abritent l'expérience et l'expertise que nous avons accumulées tranquillement au cours des années. Aujourd'hui, elles font partie de nos monuments nationaux, et si on considère l'ensemble des budgets, elles ne coûtent pas si cher. Toutefois, s'il fallait un jour les reconstruire, cela exigerait des efforts et des sommes considérables. Par conséquent, si vous considérez le «Canada, Compagnie limitée», si vous me permettez de m'exprimer ainsi, il serait logique sur le plan purement commercial de ne pas entamer ou détruire ces capacités institutionnelles qui font notre force, d'autant plus que cela ne coûte pas si cher à entretenir, et que cela peut nous conduire vers le genre d'avenir que nous envisageons dans ce rapport.

Je ne suis pas un expert en matière d'énergie atomique, mais je m'y connais un peu. Pendant trois ans, j'ai dirigé Hydro- Ontario, la plus grosse compagnie qui administre des centrales nucléaires CANDU. Je sais donc à quel point l'expertise constituée au cours des années à Chalk River est précieuse, mais qu'il me suffise de dire que dans la mesure où il existe des possibilités d'avenir pour les réacteurs nucléaires CANDU, il y a peu de chance pour que ces possibilités se situent au Canada. Avec le temps, la demande en énergie électrique au Canada va augmenter quelque peu, mais à l'heure actuelle nous avons une surcapacité importante.

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Les perspectives de développement de l'industrie nucléaire canadienne, qui, dans l'ensemble, sont liées à la recherche et aux chercheurs de Chalk River, sont en réalité des perspectives internationales, et la question de l'énergie nucléaire sur la scène internationale reste une question majeure. Hier encore, j'ai eu l'occasion de rencontrer M. Hans Blix, le directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique, justement pour discuter de cette question.

À mon avis, l'énergie nucléaire a un avenir, mais reste à déterminer dans quelle mesure le Canada sera associé à cet avenir.

Lorsque j'étais à Hydro-Ontario, j'ai proposé une fusion entre Hydro-Ontario nucléaire et Énergie atomique du Canada. En effet, une industrie nucléaire fragmentée où la recherche et le développement en matière de design sont dissociés de la puissance électrique produite - qui est la véritable source d'argent - ne met pas le Canada dans une très bonne position pour étendre ses marchés nucléaires à l'échelle internationale. Notre industrie est très fragmentée, et si nous voulons lui donner un avenir, il va falloir en rassembler les divers éléments.

Cette observation répond à votre excellente question. L'industrie nucléaire n'est pas une industrie fondée sur la connaissance comme les autres. Elle est fondée sur la recherche fondamentale, mais à l'heure actuelle son avenir dépend surtout de l'emplacement des marchés.

Mme Gaffney: Puis-je poser une autre question très courte?

Le président: Je dois donner la parole à M. English, et de toute façon, votre temps est déjà écoulé.

Mme Gaffney: D'accord, je cède la parole à M. English.

M. English (Kitchener): Allez-y.

Mme Gaffney: J'aimerais que notre collègue, Len Hopkins, soit ici, car il ne cesse de parler d'isotopes médicaux. Je ne connais pas beaucoup cette terminologie et cette technologie, mais il dit que dans le domaine médical nous étions le principal fournisseur de ce produit particulièrement nécessaire, mais que nous allons perdre ce marché, qui devrait être repris par les États-Unis. Est-ce que c'est vrai?

M. Strong: Monsieur le président, c'est une des retombées de la recherche nucléaire. C'est quelque chose d'important, dans la mesure où c'est une technologie utile, mais si on considère l'ensemble de l'industrie nucléaire canadienne, cela ne sera pas un facteur déterminant pour l'avenir de cette industrie. Notre industrie nucléaire a eu plusieurs retombées importantes, entre autre cette technologie médicale, et en soi cela ne suffira pas à relancer ce secteur pour l'avenir.

Le président: Monsieur Strong, si vous me le permettez, je vais poser une question qui fait suite à ce que disait Mme Gaffney.

Notre comité est sur le point de se pencher sur la question du désarmement nucléaire en général. Nous allons faire un examen approfondi, mais nous n'aurons pas le temps d'aller très loin d'ici à la fin du printemps.

Lorsque nous étions en Russie, nous avons discuté de la neutralisation du plutonium. Si nous sommes appelés à jouer le moindre rôle dans cette question, il me semble que la capacité de recherche de Chalk River pourrait avoir une importance considérable. Si nous ne préservons pas cet élément de connaissance... il ne sert à rien d'aller un peu partout dans le monde et de parler de ce que nous allons faire pour neutraliser le plutonium si nous ne savons pas de quoi diable nous parlons.

Est-ce la conclusion à tirer?

M. Strong: Monsieur le président, comme vous l'avez laissé entendre par votre question, nous savons pas mal de quoi nous parlons dans ce domaine. Indépendamment des marchés pour nos réacteurs CANDU, nos capacités de recherche nucléaire auront une importance certaine.

Cela dit, dans la mesure où ce marché se rétrécit, il est certain que les fonds destinés à la recherche fondamentale seront menacés.

Le président: Exactement.

Monsieur English, vous avez une courte question complémentaire? M. Culpeper nous pardonnera d'empiéter quelque peu sur son temps.

M. English: Merci, monsieur le président.

Moi aussi, je tiens à vous féliciter pour cet excellent rapport, et également pour sa concision. Je l'ai parcouru rapidement, et j'ai remarqué que vous donnez d'autres exemples, d'autres pays, et en particulier les États-Unis, qui ont fait preuve de beaucoup de générosité dans ce genre de domaine.

Monsieur Strong, vous avez parlé de la publication The Economist. Si vous lisez la publicité pour ce genre de choses dans The Economist, vous verrez que c'est presque toujours aux États-Unis ou en Grande-Bretagne. C'est peut-être la disposition naturelle de M. Bezanson.

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Vous avez parlé du secteur privé; je vous ai déjà entendu mentionner la nécessité de s'adresser au secteur privé pour trouver des fonds. J'entends dire également que le Canada se trouve dans une situation particulièrement difficile. J'ai lu récemment que Bill Gates, qui n'a pas terminé Harvard, avait donné 20 millions de dollars. Tout comme Mme Stein, je sais à quel point les universités canadiennes sont difficiles.

C'est une question qui devrait peut-être s'adresser à M. Strong, et les autres peuvent y répondre également. Pourquoi le secteur privé canadien hésite-t-il tant à participer à de telles activités? Vous avez très bien expliqué l'importance de tout cela pour l'avenir du Canada, pas seulement pour le rôle que nous jouons dans le monde, mais également pour notre propre économie.

M. Strong: Vous m'excuserez de monopoliser les réponses, monsieur le président, mais j'essaye de répondre uniquement aux questions qu'on me pose directement.

Le secteur privé canadien est en train de devenir plus actif. Nous n'avons pas les mêmes grosses fortunes dans notre pays, mais il y en a quelques-unes qui commencent à se constituer.

Un de nos entrepreneurs les plus importants, M. Rotman, a fait récemment un don considérable à l'Université de Toronto. Lorsque les Canadiens deviennent plus riches... Nous n'avons pas la même tradition de générosité à l'intérieur du pays que dans le reste du monde, mais petit à petit nous apprenons. Certaines personnes qui ont su profiter des avantages de notre économie commencent à se manifester.

Malheureusement, nous n'avons pas vraiment de grosses fortunes, mais nous avons peut-être plus de ressources que nous le pensons, plus de fondations importantes. Le Canada n'a pas la même structure de fondations financées par le secteur privé que les États-Unis, et là-bas c'est la source d'un très grand nombre d'initiatives, parmi les plus éclairées. C'est donc une lacune. Nous aimons à penser que les choses s'améliorent, mais il reste beaucoup de chemin à parcourir.

Mme Gross Stein: J'aimerais seulement renforcer les observations de M. Strong, et dire que je suis optimiste, que nous commençons à voir des changements, mais que le chemin à parcourir est encore très long. En fait, c'est un problème majeur.

Il y a deux aspects qui pourraient...

Le président: Madame Gross Stein, faites attention à ce que vous révélez. Le professeur English est d'une autre université. Il essaie de découvrir vos secrets.

Mme Gross Stein: Bien qu'étant affiliés à des institutions différentes, le professeur English et moi-même avons un réseau de collaboration.

J'aimerais attirer l'attention du comité sur deux aspects.

Pour commencer, la politique fiscale. De toute évidence, il est possible d'encourager le secteur privé à investir dans la recherche et le développement. C'est une stratégie qui a été employée ailleurs avec le plus grand succès. D'ailleurs, il serait très bon qu'un comité se penche sur cette question, car elle est tout à fait cruciale.

L'autre chose qui mériterait d'être approfondie dans ce domaine, c'est toute la question des entreprises en collaboration, des partenariats dans le secteur public et dans le secteur privé. C'est la direction qu'empruntent actuellement les universités. Elles envisagent des investissements de départ auxquels viennent s'ajouter des investissements du secteur privé et du secteur public. C'est un schéma clé pour l'entretien des réseaux axés sur la connaissance.

Le troisième aspect met en cause les usagers. Nous n'avons pas eu l'occasion d'en discuter, mais c'est un élément important d'une étude systématique des réseaux axés sur la connaissance. Il y a certains réseaux, comme celui que M. Hanson vient de mentionner, qui sont entretenus par ceux qui les utilisent. En effet, ils reconnaissent la valeur cumulative de l'information qu'on peut obtenir dans ces réseaux, des informations qui seraient beaucoup plus coûteuses et beaucoup plus longues à obtenir ailleurs. Là encore, certains réseaux attirent facilement les usagers. Il y en a d'autres, comme ceux dont nous parlions tout à l'heure et qui se penchent sur le problème de la pauvreté en Afrique, pour lesquels il est beaucoup plus difficile d'attirer des usagers privés.

Voilà donc trois séries de considérations pratiques sur lesquelles nous osons espérer que vous vous pencherez dans le cours de vos travaux futurs.

M. Bezanson: Monsieur le président, vous me permettez une intervention?

Le président: Certainement.

M. Bezanson: Monsieur le président, j'ai une observation à faire à l'intention de ce comité. Je commence par préciser que je me livre à un exercice de lobbyisme.

Le président: Si c'est du lobbyisme, adressez-vous au Comité des finances; vous n'obtiendrez rien ici.

.1040

M. Bezanson: Je fais du lobbyisme pour vous persuader d'intervenir auprès du Comité des finances, monsieur le président.

Nous avons eu beaucoup de succès. Janice a parlé de changer les politiques fiscales. Dans une certaine mesure, au CRDI, nous avons réussi à lever des fonds en nous adressant à des sources diverses - John English sait cela - y compris certaines fondations américaines. Toutefois, nous nous heurtons à un problème, un problème lié directement à la politique publique, qui tient au fait que les organismes centraux s'attendent à ce que chaque fois que nous réussissons à obtenir des fonds notre financement public diminue d'autant. Évidemment, cela supprime tout incitatif, et les gens n'essaieront pas de trouver de l'argent si chaque fois qu'ils trouvent un dollar on leur enlève un dollar.

La seconde chose, et là je fais du lobbyisme éhonté, c'est que lorsque les gens vous donnent de l'argent ils s'attendent très souvent à ce que vous en trouviez plus ailleurs. Vous devez donc réserver cet argent, et ensuite essayer d'en trouver ailleurs. Évidemment, dans un système où les subventions non utilisées doivent être rendues, cela pose un autre problème. S'il nous reste de l'argent à la fin de l'année, le 31 mars, un organisme central peut très bien déclarer: nous en avons besoin, vous devez rendre cet argent. On n'est pas autorisé à garder de l'argent. Il y a donc une dichotomie entre la volonté de créer des partenariats publics-privés et les dispositions fiscales publiques.

Si je soulève cette question, c'est qu'elle va nous toucher directement le 31 mars. J'attire donc l'attention du comité sur ce problème.

Merci d'avoir posé la question, professeur English.

Le président: Avant de passer à la séance suivante, monsieur Strong, puisque vous êtes ici et que vous occupez des fonctions importantes aux Nations Unies, j'en profite pour vous demander de nous donner votre opinion personnelle sur la réforme des Nations Unies, sur les possibilités d'une réforme qui irait dans le sens de la politique étrangère canadienne.

M. Strong: Monsieur le président, c'est un défi que vous me lancez; vous m'accordez une minute pour vous donner le monde.

Je me contenterai de dire que la réforme des Nations Unies fait l'objet de discussions et d'études, de rapports et de recommandations, depuis de nombreuses années. Aujourd'hui, nous nous rapprochons du moment où il va falloir traduire tout cela en action.

Le secrétaire général actuel, Kofi Annan, possède une expérience et une connaissance des Nations Unies qu'aucun de ses prédécesseurs n'avait avant lui. D'autre part, la dynamique politique va le forcer à accorder une priorité absolue à cette réforme. Je me contente de l'aider dans cette tâche.

Je suis convaincu que cette réforme doit aller plus loin qu'un simple exercice de nettoyage par le vide et de coupures à tout prix. Elle doit porter sur le genre de Nations Unies dont la communauté mondiale a besoin, sur le genre d'institution qu'elle est prête à financer pour le siècle qui s'annonce. Quelles sont les fonctions d'un organisme dont l'avantage comparatif réside dans son caractère d'universalité? Est-ce que d'autres tâches sont nécessaires? Ne vaudrait-il pas mieux laisser beaucoup de choses aux organisations sectorielles spécialisées et aux organisations régionales qui se sont développées au cours des années pour se concentrer sur les questions véritablement planétaires?

Nous avons pris un départ décent. À un moment donné, je serais très heureux de vous faire un rapport plus complet. Je suis à l'ONU... C'est, je crois, la septième fois que j'occupe un poste de sous-secrétaire général, et cela n'a donc rien de nouveau pour moi, mais cette responsabilité, en particulier, vient de m'être confiée. Lorsque les choses seront un peu plus avancées, monsieur le président, je suis certain que ce comité me donnera d'excellents conseils, et j'espère avoir l'occasion de venir vous faire un rapport de temps en temps.

Le président: Merci pour cette observation. Comme vous le savez, après avoir lu le rapport que les membres de ce comité ont préparé en collaboration avec le Sénat au début de cette législature, nous considérons que les Nations Unies et le rôle joué par le Canada au sein de cet organisme sont un élément clé de notre politique étrangère, une tribune où nos valeurs et nos intérêts canadiens peuvent s'exprimer. Permettez-moi de dire que c'est un grand privilège pour le Canada d'avoir un sous-secrétaire à ce point compétent, quelqu'un qui participe à ce processus dont l'importance pour le Canada et les Canadiens est évidente.

Je tiens à remercier les membres du groupe; toutes ces questions sont très complexes, et en notre qualité de politiques nous essayons d'encourager les Canadiens à soutenir le travail important que vous accomplissez et de les sensibiliser à ce nouveau savoir, même si certains d'entre nous qui ne comprennent pas grand-chose aux ordinateurs ne le comprennent peut-être pas.

Merci beaucoup pour votre rapport.

Nous suspendons la séance pendant cinq minutes, après quoi nous reviendrons écouter M. Culpeper.

.1044

.1057

Le président: Monsieur Culpeper, nous ne vous avons pas laissé autant de temps que nous l'aurions dû, mais au moins nous avons profité de ce temps pour approfondir cette question du développement. J'espère que vous nous pardonnerez.

Merci beaucoup d'être venu nous parler ce matin de votre Rapport canadien sur le développement. Peut-être pourriez-vous nous présenter le sujet, après quoi nous passerons aux questions.

M. Culpeper: Merci, monsieur le président. Merci de cette occasion que vous m'offrez de discuter du Rapport canadien sur le développement. Si nous sommes ici, c'est pour discuter de cela avec le comité, et également pour vous demander vos réactions et vos suggestions. En effet, il s'agit du premier d'une série annuelle de rapports qui deviendront les étendards de l'Institut Nord-Sud.

[Français]

Je voudrais tout d'abord présenter deux collègues de l'Institut Nord-Sud: Mme Melanie Gruer et Mme Alison van Rooy.

[Traduction]

J'aimerais commencer par faire deux observations: premièrement, j'aimerais vous expliquer ce que nous essayons d'accomplir avec ce rapport et les raisons que nous avons eues de le préparer. Deuxièmement, j'aimerais vous faire part des résultats de ce rapport et de certaines conclusions importantes. Ensuite, je demanderai à mes deux collègues de faire un court exposé.

Monsieur le président, nous sommes très fiers de ce rapport. C'est un projet auquel nous pensons depuis un certain temps, et nous espérons qu'il constituera un outil important pour tous ceux qui, au Canada, comme les membres de ce comité et leur personnel, s'intéressent au développement, à l'analyse des questions de développement et à l'analyse des conséquences politiques du développement pour le Canada et pour la communauté universelle. Nous pensons qu'avec le Rapport canadien sur le développement, pour la première fois, on fait le point chaque année, d'une façon exhaustive, sur l'ensemble des relations entre le Canada et le tiers monde.

Depuis 1976, l'Institut Nord-Sud aborde les questions de développement sur un plan assez général. Nous n'avons jamais considéré que le programme d'aide suffisait à régler les problèmes de développement. Nous avons toujours considéré que la solution passait par le prisme du commerce, des interactions financières, de la dette, et, plus récemment, par d'autres questions, comme les droits de l'homme et la démocratie. En fait, l'aide est un élément mineur si l'on considère l'ensemble de nos relations avec le monde en voie de développement. Déjà en 1976, comparée au volume du commerce avec les pays en voie de développement, l'aide occupait une place restreinte.

.1100

Vous trouverez dans le rapport toute une série de tableaux où sont expliquées les relations qui existent entre le Canada et 130 pays en voie de développement, sur les plans de l'aide, du commerce et de la dette. Nous avons également des tableaux sur l'immigration, les liens qui existent entre les populations du Canada et du monde en voie de développement. Il y a aussi des statistiques sur quinze pays de l'Europe de l'Est et de l'ex-Union soviétique qui sont en pleine période de transition. Nous pensons que c'est la première fois qu'on tente de rassembler une telle masse d'information, et nous espérons que cela deviendra un outil précieux pour les chercheurs et les responsables de la politique.

Maintenant que nous nous rapprochons de ce que j'ai appelé le monde de «l'après-aide», il importe d'insister sur tous les liens qui existent entre le Canada et le monde en voie de développement et qui ne sont pas des relations d'aide. Je ne veux pas dire pour autant que l'aide est en train de disparaître, mais plutôt qu'elle devient de plus en plus un petit élément dans les relations qui existent entre le Nord et le Sud.

Pour vous donner un exemple, il y a dix ans encore le niveau d'APD, l'aide publique au développement, était trois fois plus élevé que le niveau des investissements privés directs du Nord vers le Sud. Pour être exact, il s'agit de 1985. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Le niveau des investissements privés à l'étranger dans le monde en voie de développement est environ deux fois et demie plus élevé que le niveau d'aide publique au développement. Autrement dit, en l'espace de dix ans, le monde s'est totalement renversé, si l'on considère les liens qui unissent le Nord et le Sud.

Pour développer un peu plus cet argument, à l'institut nous considérons que le gouvernement et les programmes d'aide financés par le gouvernement ne sont plus à l'avant-garde de nos relations avec le monde en développement, et qu'aujourd'hui ce sont les investissements privés, le commerce privé, qui occupent cette place. Cela pose des questions intéressantes. La motivation fondamentale des programmes d'aide, c'est bien sûr d'augmenter le niveau de vie et de réduire la pauvreté. Par contre, la motivation fondamentale des investissements et du commerce privé, c'est le profit. Mais tout comme la motivation altruiste de l'aide n'a pas empêché les pays donateurs de promouvoir d'autres objectifs plus égoïstes, qu'ils soient commerciaux ou politiques, la motivation égoïste du secteur privé, c'est-à-dire la recherche de profits, ne l'empêche pas d'atteindre les objectifs plus ambitieux de la justice sociale.

Monsieur le président, voilà donc les questions que nous allons essayer d'explorer dans notre prochain numéro du Rapport canadien sur le développement, 1997-1998, qui sera intitulé «Les sociétés canadiennes et la justice sociale sur les marchés des pays en voie de développement». Je passe maintenant à certaines conclusions importantes du rapport de cette année, des conclusions qui se dégagent de notre rapport.

Pour commencer - et cela met en évidence une observation que j'ai faite tout à l'heure au sujet de la relation qui existe entre nos efforts sur le plan commercial et nos efforts sur le plan de l'aide - le commerce dans les deux sens entre le Canada et le monde en développement en 1995 s'est élevé à 44 milliards de dollars. Cela représente quinze fois le niveau de notre programme d'aide, qui se situait aux alentours de 3 milliards de dollars. Les exportations des pays en voie de développement à destination du Canada représentaient à elles seules quelque 17,6 milliards de dollars, ce qui est une somme assez considérable en comparaison de notre programme d'aide.

Dans notre analyse, nous nous sommes heurtés à un contraste très intéressant qui nous a menés à la conclusion suivante: en 1995, la somme d'argent qui est entrée au Canada, en provenance de tous nos prêts et investissements à l'étranger, s'élevait à environ 4,8 milliards de dollars, d'après une évaluation très conservatrice. Comparée à cela, notre aide s'élevait à seulement 3 milliards de dollars. D'une certaine façon, le Canada retire des pays en voie de développement quelque chose comme une fois et demie ce qu'il y envoie sous forme d'aide. C'est un résultat plutôt intéressant, auquel nous ne nous attendions pas. Nous nous étions demandé dans quel ordre d'idées se situait cette comparaison, la comparaison entre l'argent qui nous revient et l'aide fournie par le Canada, mais nous ne nous attendions pas à une telle différence.

.1105

Le président: Je suis désolé de vous interrompre, mais vous dites que les bénéfices de nos investissements dans les pays en voie de développement sont de 4,8 milliards de dollars.

M. Culpeper: Oui. Il s'agit de prêts que nous avons consentis par l'entremise du secteur public ou des banques à charte, et également des bénéfices des compagnies canadiennes qui ont investi dans les pays en voie de développement.

Le président: Pouvez-vous nous donner cela dans une perspective statistique?

M. Culpeper: Oui. Nous avons commencé par définir le cadre des investissements en cours, et là, ce sont des chiffres assez fermes. C'est de l'ordre de 60 milliards de dollars. Partant de ces investissements et prêts en cours, nous avons déduit le courant des bénéfices sur les investissements privés, les intérêts sur les prêts consentis, etc. En prenant des hypothèses très conservatrices, nous évaluons les rentrées au Canada à quelque chose comme 4,8 milliards de dollars.

Le président: Nous reviendrons peut-être sur cette question. Je croyais que nos investissements aux États-Unis s'élevaient à environ 60 milliards de dollars.

M. Culpeper: Permettez-moi de vous faire part de deux autres résultats intéressants que nous avons obtenus. Le déficit du Canada pour le commerce de marchandises avec le monde en voie de développement était de l'ordre de 9,2 milliards de dollars. Autrement dit, nous avons importé pur 9,2 milliards de dollars de plus que nous n'avons exporté dans les pays en voie de développement en 1995. Là encore, ce chiffre est environ le triple de notre programme d'aide.

Nous avons l'intention de mettre ces tableaux à jour chaque année pour donner aux gens qui travaillent dans ce domaine des données statistiques qui leur permettront de déceler les tendances, etc. Nous espérons également ajouter d'autres éléments aux tableaux qui figurent dans le Rapport canadien sur le développement. Par exemple, nous sommes en train de préparer un tableau sur les dons privés aux pays en voie de développement par l'entremise des ONG. Nous travaillons en collaboration avec nos collègues du CCCI, le Conseil canadien pour la coopération internationale.

En conclusion, ce rapport ne contient pas uniquement des statistiques comme certains autres rapports internationaux dont nous nous sommes inspirés dans une certaine mesure, comme le Rapport mondial sur le développement humain et le Rapport sur le développement dans le monde. Dans chaque numéro, il y a une discussion thématique. Cette année, elle porte sur la notion de justice. C'est un thème que nous avons choisi pour plusieurs raisons, entre autres le fait que cela fait partie de notre devise: «La recherche au service d'un monde plus juste». Cela nous ramène également à ce dont j'ai parlé plus tôt, à l'évolution actuelle du monde, et en particulier à une évolution qui va dans le sens d'une interaction privée accrue entre le Nord et le Sud.

Nous sommes d'avis que les questions de justice exprimées par les normes du travail, les conditions de travail, la main-d'oeuvre enfantine et l'impact environnemental seront de plus en plus au premier plan des interactions Nord-Sud dans l'avenir et que les agents de première ligne de cette interaction seront les entreprises privées. Par conséquent, il est vital que les instituts comme le nôtre et d'autres qui se préoccupent du développement engagent avec le secteur privé un dialogue sur ce genre de questions de justice sociale.

Dans notre rapport de cette année, nous abordons la question de justice à travers une série de prismes. Il y a un chapitre sur la politique économique que j'ai moi-même rédigée. Il y a un chapitre sur le traitement équitable des deux sexes. Il y a un chapitre sur la mondialisation et le commerce. Il y a également quelques chapitres qui ont été rédigés par mes collègues qui m'accompagnent ici aujourd'hui.

.1110

Mme Allison van Rooy, qui est notre spécialiste dans le domaine de la société civile et qui participe à un projet approfondi à long terme justement sur cette question, a exploré la question de justice sous l'angle privilégié des mouvements populaires et de la société civile. J'aimerais lui demander de dire quelques mots au sujet des principales conclusions et des grandes lignes de ce chapitre, si vous me le permettez.

Le président: Merci.

Madame Rooy.

Mme Allison van Rooy (recherchiste, Institut Nord-Sud): Merci.

[Français]

Tout d'abord, je vous remercie de nous donner l'occasion de présenter quelques idées tirées de nos réflexions dans le rapport. Je vais commencer en anglais.

[Traduction]

J'aimerais parler un peu de ce chapitre sur la société civile et regrouper les idées qui s'y trouvent de la façon suivante: il y a quatre raisons pour lesquelles je pense que l'expression «société civile» est une expression qui est devenue courante depuis six ans en particulier et pourquoi elle fait désormais partie du jargon d'une politique étrangère autour de cette table et ailleurs. Je vous parlerai également de quatre choses qui se passent à l'heure actuelle dans les mouvements populaires et dans la société civile dans le monde et au Canada et je proposerai ensuite quatre idées d'initiatives que le Canada peut prendre, dont une est déjà sur pied.

J'aimerais cependant également faire remarquer

[Français]

que j'ai travaillé à l'annexe statistique et que je pourrai répondre aux questions à ce sujet s'il y en a. Les nombres que vous voyez reflètent l'importance de l'activité canadienne dans le Sud, dans l'aide, dans nos relations commerciales, d'immigration, etc.

[Traduction]

Il y a quatre raisons pour lesquelles je pense que l'expression «société civile» sert de code à tout un ensemble d'idées vertueuses: nous parlons de bon gouvernement, de pluralisme, de démocratie et de participation populaire, et l'expression «société civile» est presque devenue une véritable panacée. Je pense qu'il y a quatre principales raisons pour lesquelles cela est le cas, et je suis certaine que le comité pourrait en trouver d'autres.

L'une des premières raisons, pour certains, semble être une rapidité excessive à exclure l'État, à réduire le rôle de ce dernier, et dans bon nombre des rapports du Canada avec des pays en développement, par l'entremise en particulier des institutions multinationales, multilatérales... une sorte d'obsession à réduire le rôle de l'État, à comprimer les effectifs de la fonction publique, de telle sorte que les gouvernements fonctionnent dans les limites de leurs budgets. La notion relative au rétrécissement de l'État découle notamment de l'hypothèse que le secteur bénévole va prendre la relève de l'État et s'acquitter de certains services et activités qu'il assumait auparavant. Dans notre esprit, la notion de société civile est venue remplacer l'État dont le rôle diminue. On parle également de cette notion dans nos débats ici au Canada et en Ontario.

Une deuxième raison pour laquelle je pense que la société civile suscite de plus en plus d'intérêt, ce sont les activités qui ont suivi la chute du mur en 1989 et les changements qui se sont opérés en Europe de l'Est où le milieu intellectuel et universitaire parle légalement beaucoup d'une société civile. Pour certains aux États-Unis surtout, la promotion de la société civile est considérée comme étant un instrument de promotion de libération économique. Quiconque lit au sujet de la société civile dans l'Ex-Union soviétique ou en Chine, s'aperçoit que le débat tourne surtout autour de la façon dont la société civile transformera ces pays en marché libre.

Je pense qu'une troisième raison, c'est que la société civile est devenue un élément essentiel du régime international des droits de la personne. Depuis dix ans surtout, les droits de la personne sont devenus un critère de plus en plus important dans nos relations avec d'autres pays. Il arrive régulièrement que des États soient sévèrement critiqués, soumis à un embargo, envahis et punis pour avoir aboli des droits de la personne, et cette question est devenue le critère le plus important de la politique étrangère.

Une quatrième et dernière raison, je pense, pour laquelle nous nous intéressons à la société civile, c'est le report du blâme des échecs du développement sur la qualité du gouvernement dans d'autres pays, plutôt que sur les événements qui se déroulent. L'aide que nous accordons à ces pays et nos relations avec ces derniers dépendent de plus en plus de la qualité des gouvernements et du bon gouvernement dans ces pays. La société civile est considérée comme un élément essentiel à la création, la promotion et au contrôle de la démocratie. Il s'agit d'opposer l'opprimé, le bon gars, à un mauvais gouvernement.

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J'aborderai maintenant brièvement quatre questions qui figurent dans le débat sur la société civile, puisque nous somme convenus qu'il s'agit d'un sujet intéressant, quatre choses qui ont une incidence sur ce que le Canada devrait et ne devrait pas faire.

Tout d'abord, on assiste à une croissance importante du milieu favorable à la société civile. Des groupes sont créés à une vitesse exponentielle un peu partout dans le monde, malgré de graves problèmes. Certaines des raisons sont dues aux changements dans la technologie de l'information. D'autres ont leurs propres origines. Il y a quelques années, j'ai entretenu votre comité des ONG canadiennes et de ce qu'elles font.

Une deuxième chose qu'il faut souligner concernant les mouvements de société civile de nos jours, c'est l'importante croissance de la répression dans certains pays: le Kenya, la Malaisie, la Slovaquie. Ce qui se passe dans les pays d'Europe de l'Est à l'heure actuelle est très important. Le Salvador... J'étais au Salvador tout récemment, pour parler de nouvelles mesures législatives là-bas qui répriment les organismes de société civile.

Un troisième point - et Maurice Strong aurait certainement été l'un des plus grands experts au monde sur cette question - est que les organisations internationales sont en train de changer la façon dont elles traitent avec les ONG. Plus particulièrement, les Nations Unies sont au premier plan avec leur Conseil économique et social, toutes les conférences des Nations Unies, notamment celle qu'a présidée Maurice Strong, les organisations mondiales du commerce, la Banque mondiale. Le nombre de mécanismes de liaison a augmenté de façon spectaculaire.

Un quatrième élément est le niveau de financement pour l'aide au développement accordée par le Canada et nos collègues de l'OCDE par l'intermédiaire des ONG et des mouvements populaires dans d'autres pays. Le financement s'est accru, mais en même temps il y a eu un contrecoup dans certains pays, notamment au Canada, où les ONG ont subi de coupures disproportionnées par rapport à d'autres programmes.

Je voudrais vous laisser rapidement quatre idées sur ce que le Canada pourrait faire pour participer à ce débat et améliorer son propre rendement, et je vous encourage à prendre connaissance de ces idées si je ne les explique pas. Il y a d'abord une proposition en vue de mettre sur pied une fondation de soutien à la communauté mondiale qui mobiliserait annuellement des fonds auprès du public comme le fait Centraide pour financer les activités des ONG de développement ailleurs.

Le Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI) et sa filiale ontarienne ont lancé un projet qui s'intitule One World Fund. Je vous encourage à les inviter à venir vous parler du fonctionnement de ce projet, des nouvelles façons de recueillir du financement privé pour le développement international.

Une autre idée serait d'examiner la façon dont nous finançons les mouvements populaires au Canada, qui travaillent sur des questions de développement ici au pays. On pourrait créer un conseil de financement d'intérêt public qui rationaliserait le financement de nos organismes au pays et le rendrait plus clair et transparent.

Une troisième idée consiste à encourager les dirigeants canadiens à créer des fonds centraux de donneurs dans les pays en développement, de telle sorte que les Canadiens qui siègent avec les Norvégiens, les Suédois et les Américains pour tenter de décider ce qu'ils vont faire, disons au Mali, aient une politique beaucoup plus concertée et une coordination beaucoup plus intégrée. Dans certains pays du monde, le Canada a été le chef de file. Le Kenya est un bon exemple.

La dernière idée consiste à proposer la publication annuelle d'un rapport canadien sur la promotion de la justice dans le monde, qui serait rédigée moitié-moitié par le gouvernement canadien et par une équipe formée d'organismes bénévoles et autres pour aborder une à une les questions clés dans les relations du Canada avec le Sud. Il servirait non seulement de rapport annuel mais aussi de base de discussion annuelle sur les questions clés auxquelles le Canada doit faire face dans ses relations avec le reste du monde.

Le président: Merci, madame van Rooy.

Madame Gruer.

Mme Melanie Gruer (agent d'information, Institut Nord-Sud): Merci.

J'ai rédigé le dernier chapitre du rapport qui s'intitule Images du Sud, voix du Nord. Il s'agit d'une étude de la couverture médiatique canadienne du monde en développement. Au cours de ma recherche, j'ai rencontré 30 journalistes canadiens qui travaillent pour la télévision, la radio et la presse écrite et qui ont une grande connaissance du monde en développement.

.1120

À la suite de mes conversations avec eux, ma principale conclusion, qui ne devrait surprendre aucun d'entre vous, c'est que les coupures budgétaires des bureaux des médias ont contribué considérablement à réduire de façon draconienne la couverture des événements dans le monde en développement. Cela est aussi vrai pour les lecteurs du journal The Toronto Star que pour les auditeurs et téléspectateurs de la SRC.

J'ai découvert que les journalistes n'avaient presque plus d'argent pour voyager au Canada ou à l'extérieur du pays. On réserve très peu de place dans les journaux ou sur les ondes de la radio ou de la télévision aux nouvelles étrangères. Une autre chose, c'est qu'il n'y a qu'un très petit nombre de bureaux canadiens de nouvelles à l'extérieur du Canada. Je pense qu'il y a environ 50 correspondants à l'étranger à plein temps qui sont canadiens. À l'heure actuelle, il n'y a aucun correspondant à plein temps en Afrique ou au Japon, la deuxième économie en importance au monde.

Un exemple des conséquences de tout cela pour les journalistes canadiens est le cas de Brian Stewart que vous connaissez, qui est correspondant principal à la télévision de la CBC. M. Stewart a assuré la couverture de reportages un peu partout dans le monde et a été le premier journaliste en Amérique du Nord qui ait réussi à montrer à la télévision des images de la famine de 1984 en Éthiopie. Comme il me l'a dit, l'âge d'or des correspondants à l'étranger est révolu. Aujourd'hui, il a très peu d'argent pour voyager à l'extérieur du Canada afin de pouvoir dire aux Canadiens ce qui se passe ailleurs dans le monde. Il doit donc faire preuve de créativité pour trouver moyen de faire des reportages internationaux à partir de son bureau de Toronto.

[Français]

Les sondages qui ont été réalisés pour l'ACDI révèlent un lien direct entre la couverture médiatique des questions de développement et la compréhension et le soutien du public. Selon une étude de 1995, les Canadiens comptent presque entièrement sur les médias d'information pour leurs renseignements sur les pays en voie de développement.

[Traduction]

Permettez-moi de conclure en posant une question: si les médias canadiens ont une capacité aussi limitée de nous parler du monde à l'extérieur de nos frontières, comment peut-on alors sensibiliser davantage l'opinion publique à une politique étrangère plus innovatrice?

Merci.

Le président: Vous avez mis le doigt sur un énorme paradoxe. Tous ici présents sommes très conscients du fait que nous vivons de plus en plus dans un monde interdépendant et que bon nombre de nos décisions politiques et autres ne peuvent être prises sans tenir compte du contexte mondial plus général si nous voulons qu'elles soient cohérentes ou efficaces. Pourtant, nous sommes très conscients du fait que nos sources d'information diminuent, du moins pour ce qui est de l'analyse des renseignements. Nous recevons CNN à la place. Ce n'est pas nécessairement une désapprobation de CNN, mais ce réseau est un genre de pôle d'attraction qui nous fait constater que d'autres voix sont éliminées.

Notre comité se fait constamment bombarder par ces questions philosophiques et compliquées. Si vous pouvez nous dire comment nous pourrions encourager les gens comme M. Stackhouse, ou encourager tout au moins les propriétaires de ces entreprises à fournir le financement nécessaire pour ces reportages qui permettent aux Canadiens de mieux connaître le monde dans lequel ils vivent, ce serait très utile, à notre propre gouvernement et à notre propre démocratie.

Mme Gruer: Les journalistes disposent de quelques moyens à l'heure actuelle pour les aider dans leurs reportages. Il y a par exemple l'Internet et la quantité énorme de connaissances qu'on y trouve.

Lorsque j'ai interviewé un journaliste de La Presse, Jooneed Khan, il m'a dit qu'il couvrait les élections en Inde à l'automne, et que naturellement, il n'avait pas d'argent pour se rendre là-bas. L'Internet et diverses sources lui ont permis de se renseigner beaucoup sur le sujet et il a pu ainsi rédiger une courte analyse des élections en Inde.

Il y a d'autres façons également. Il y a des bourses parfois financées par le gouvernement, pour permettre aux journalistes de se rendre dans des pays pour les étudier et écrire à leur sujet.

Une autre recommandation que je fais dans mon chapitre est que toutes les organisations médiatiques au Canada devraient envoyer au moins un journaliste à l'étranger au moins une fois par an. Ça ne représente pas une somme énorme. Cela est vrai dans le cas du journal The Globe and Mail comme pour n'importe quel petit journal des Prairies. Il y a de plus en plus de journalistes qui s'intéressent aux affaires internationales mais qui n'ont pas les fonds nécessaires.

.1125

Le président: Étiez-vous ici pendant le témoignage du groupe précédent au sujet du réseau d'information? J'ai été frappé par la façon dont Mme Gross Stein a décrit le fonctionnement du réseau d'information palestinien et la participation canadienne. Sommes-nous peut-être exagérément terrifiés par ce que j'appellerais le facteur CNN, et le fait que la presse écrite semble disposer d'un montant d'argent limité pour envoyer des correspondants à l'étranger, ce qui est un facteur complexe?

Si vous avez observé ce qui est arrivé aux États-Unis, par exemple, on l'a souvent attribué aux changements aux règles fiscales américaines, car les correspondants devaient payer des impôts si élevés qu'il n'était plus intéressant pour eux d'aller à l'étranger. Voilà le genre de facteurs qui entrent en ligne de compte.

Cela étant dit, j'ai commencé à me demander, lorsque j'ai entendu Mme Gross Stein, si les choses se présentaient si mal, car il y a de nouvelles façons de recueillir et de diffuser de l'information, comme l'Internet, auquel vous avez fait allusion, et d'autres façons dont nous devrions peut-être être davantage conscients et encourager. Je l'ignore.

Nous avons été abasourdis d'entendre des jeunes d'une école secondaire dans la circonscription de M. English nous parler de la main-d'oeuvre enfantine. Ils avaient beaucoup de connaissances au sujet de l'Inde. J'ai demandé comment ils étaient au courant de tout cela - notre comité n'a pas les moyens de voyager. Ils semblaient en savoir plus que tout le monde. Ils ont dit qu'ils avaient eu des discussions sur l'Internet. Ils m'ont regardé comme si je sortais d'une toute autre époque.

Mme Gruer: Les journalistes à qui j'ai parlé appuyaient considérablement l'Internet. Cela les aide vraiment à faire leur travail. En même temps, il y en a de plus en plus qui sont plutôt sceptiques au sujet de l'Internet. On ne sait absolument comment tout cela va évoluer, et pour un journaliste, il est crucial d'avoir des sources sûres. Lorsqu'on va chercher un renseignement sur l'Internet, on ne sait pas toujours d'où il vient. On ne peut être tout à fait sûr.

Le président: M. Paré a fait remarquer exactement la même chose. Si nous devons nous limiter à la magie de la haute technologie pour aller chercher notre information et la diffuser, nous serons limités aux gens qui ont accès la haute technologie, ce qui est dangereux également.

[Français]

M. Dupuy: M. Paré me donnerait-il la permission de poser une question? Je sais que c'est à lui de prendre la parole.

M. Paré: Je parlerai après vous.

M. Dupuy: Je vous en remercie. Je serai bref.

[Traduction]

Ce que vous dites est vraiment très fascinant, mais il y a un autre aspect qui n'a pas été soulevé, et cela m'a surpris. Je vis à proximité de nombreuses communautés canadiennes d'origine étrangère. Je pense par exemple aux Grecs ou aux gens qui viennent de l'Inde. Ils sont remarquablement bien informés au sujet de ce qui se passe dans leur pays ou leur région d'origine. Ils voyagent régulièrement. Pourquoi les médias n'utilisent pas ces connaissances directes très considérables?

Mme Gruer: Je pense que c'est une bonne question. Certains journalistes à qui j'ai parlé et qui s'intéressent aux affaires internationales ont bon espoir que leurs principaux journaux et stations de télévision et de radio exploiteront ces possibilités car c'est une excellente source d'information. Plus le Canada se diversifie, plus cela prendra d'importance pour les médias canadiens.

M. Dupuy: Peut-être que ce que je voulais dire indirectement, c'est que si on ne fait pas davantage de reportages dans les médias, c'est peut-être plutôt en raison des décisions qui sont prises au niveau de la programmation et de la rédaction en raison de problèmes financiers, comme vous l'avez laissé entendre.

Mme Gruer: Cela est peut-être vrai. Un journaliste du Toronto Star m'a montré un genre de sondage qui avait été mené auprès de ses lecteurs. Les résultats ont été analysés par groupe ethnique. De loin, la majorité de ses lecteurs sont d'origine américaine ou britannique, de telle sorte que c'est sur ces derniers qu'est axée la majorité de sa couverture, bien que je croirais qu'à Toronto, les choses sont peut-être en train de changer.

[Français]

M. Dupuy: Merci, monsieur Paré.

[Traduction]

Le président: Il vaudrait mieux qu'il change, sinon il risque de perdre rapidement sa part du marché.

[Français]

Monsieur Paré.

M. Paré: Dans la conclusion du résumé du rapport, on lit les propos suivants et je pense que ce sont les paroles de M. Culpeper:

Vous étiez aussi membre du groupe de M. Strong. Est-ce que vous avez été convaincu par les réponses qu'ils m'ont données tout à l'heure? Quant à moi, je mets toujours en doute le fait qu'on vienne puiser dans l'aide publique au développement, qui est en perte de vitesse. On sait qu'au cours des 10 dernières années, l'aide publique canadienne a diminué d'à peu près 50 p. 100. Or, si on vient en puiser une nouvelle partie pour assurer l'exportation du savoir, est-ce qu'on ne va pas ainsi affaiblir encore un instrument qui est en perte de vitesse?

.1130

Vous disiez d'autre part que le secteur privé investissait 15 fois plus à l'étranger que l'aide publique canadienne. Or, il faut se rappeler qu'il n'existe aucun code de conduite qui régisse l'intervention de tous les Canadiens qui oeuvrent sur la scène internationale. Vous avez aussi rappelé que la motivation des entreprises privées n'est pas de faire du développement, mais de faire des profits. Afin que le secteur privé puisse jouer un rôle aussi important dans le développement, n'est-il pas essentiel que le gouvernement canadien se préoccupe de l'établissement de lignes de conduite qui régiraient l'ensemble des Canadiens qui interviennent sur la scène internationale?

Compte tenu de la diminution généralisée de l'aide publique au développement qu'accordent les pays de l'OCDE, sauf peut-être les pays scandinaves qui encore, je crois comprendre, n'y échappent pas, ne devient-il pas tout à fait essentiel que les traités commerciaux comportent des clauses sociales qui assureraient un minimum de développement aux populations les plus pauvres?

Enfin, madame Gruer, vous avez parlé d'une «espèce en voie de disparition», les correspondants. Puisque les correspondants canadiens à l'étranger sont une espèce en voie de disparition et que vous avez aussi noté l'importance de sensibiliser le public canadien, ce qui est aussi important, comment expliquer qu'à peu près en même temps, l'ACDI coupe tous les vivres aux ONG dont la mission était de sensibiliser le public canadien? Je vous avoue que j'ai beaucoup de difficulté à attacher les ficelles entre elles.

M. Culpeper: Votre premier point porte sur les besoins humains. Bien sûr, j'étais d'accord avec M. Strong. Je n'étais pas membre du comité mais, comme M. Bezanson et M. Hanson, nos trois instituts de recherche étaient des commanditaires de l'exercice. À mon avis, il ne s'agit pas d'un conflit ou d'une concurrence entre la recherche et l'acquisition de connaissances d'un côté et les besoins humains de l'autre. À mon avis, il est possible d'atteindre ces deux objectifs en même temps; c'est-à-dire qu'il est possible d'accroître les connaissances des personnes les plus pauvres sur la production de la nourriture et sur les grains, comme M. Bezanson le disait. Je ne crois pas qu'il y ait un conflit entre les deux objectifs.

Bien que cette question soit très intéressante, je doute qu'il soit possible ou nécessaire que le gouvernement établisse de nouvelles normes afin de régir les interventions du secteur privé au Tiers monde et auprès des plus démunis. De nombreuses actions ou initiatives du secteur privé sont hors du monde du secteur public.

.1135

Il y a toutefois des canaux. Je me souviens que l'année dernière, M. d'Aquino suggérait que les sociétés privées canadiennes qui bénéficient de l'appui des organisations publiques canadiennes telles l'ACDI et la SEE soient tenues de se soumettre à des règlements relatifs à leur propre conduite, aux normes de travail des enfants et aux normes environnementales.

Des occasions peuvent peut-être surgir lorsque ces secteurs sont tous deux impliqués. Toutefois, il arrive parfois que le secteur privé agisse sans aucun chapeau public. Que faire alors? Je soupçonne que lorsque le secteur privé oeuvre hors d'un programme public, il est peut-être beaucoup plus apte à avoir un code, un code que les secteurs respecteront dans leurs actions en matière d'échange ou d'investissement.

Je demanderai à Melanie Gruer de répondre à votre troisième question.

Mme Gruer: Je ne saurais répondre au nom de l'ACDI et je ne sais pas où les Canadiens puiseront leurs nouvelles. Les journalistes à qui j'ai parlé n'avaient pas vraiment espoir que cela changerait. Comme vous le savez, de plus en plus, nous recevons nos nouvelles de nombreuses sources non canadiennes telles que l'Agence France Presse, Le Monde et The Guardian. L'ACDI devrait peut-être revoir sa décision de sabrer le budget des ONG qui oeuvraient dans le domaine de l'éducation en vue du développement de certains pays.

Je sais que le gouvernement a beaucoup de programmes qui appuient les journalistes de Radio-Canada International et de TV5. Peut-être serait-il important de ne pas sabrer les budgets de Radio-Canada et de donner un appui aux programmes qui portent sur le Tiers monde et aux journalistes qui veulent y voyager.

M. Paré: Serait-il possible d'avoir un bref commentaire sur le rôle que pourraient jouer des clauses sociales dans les traités commerciaux comme soutien au développement des pays en voie de développement?

M. Culpeper: J'ai toujours cru que la clause sociale était très importante. La difficulté réside toutefois dans la mise en oeuvre. C'est une chose que d'avoir une clause sociale et c'en est une autre que de s'assurer que toutes les clauses sont observées. Je crois qu'il est très important que nous jouions un rôle majeur dans l'Organisation internationale du travail. On ne saurait accorder toute notre confiance à l'Organisation mondiale du commerce relativement aux conditions de travail.

.1140

Quand on est face à un organisme comme l'Organisation internationale du travail de Genève, qui existe depuis 1919, qui a acquis une grande expertise et qui dispose d'un mandat influent, il est important de l'associer aux affaires des travailleurs.

Mme van Rooy: Je voudrais ajouter un point qui peut vous intéresser concernant les besoins humains fondamentaux. L'Institut Nord-Sud a publié l'an dernier une étude qui s'appelait Une promesse partiale,

[Traduction]

Une promesse partiale.

Dans cette étude, nous avons examiné les dépenses de l'ACDI selon les catégories de besoins humains fondamentaux pour les programmes bilatéraux seulement. Il est très difficile de comptabiliser l'impact des programmes multilatéraux sur les besoins humains essentiels.

Voici les résultats de notre première initiative en ce qui a trait aux chiffres, qui étaient ceux publiés par l'ACDI: selon que l'on considérait l'aide alimentaire d'urgence comme un appui aux besoins humains fondamentaux, on obtenait soit 13 p. 100, soit 21 p. 100 des dépenses bilatérales étalées sur les dernières années. Les résultats ont été assez controversés car, naturellement, 25 p. 100 est le seul chiffre qui paraît dans l'engagement mondial et dans l'engagement du Canada.

Nous tentons maintenant d'examiner de nouveaux chiffres, et nous publierons une mise à jour sous une forme ou une autre, en partie pour aider votre comité et en partie pour aider l'ACDI, mais également pour informer la population canadienne. Je pense que la question n'est pas tant de savoir si c'est 21 ou 24 p. 100, ou si c'est plus élevé dans une région, mais la question qu'il faut plutôt se poser, c'est ce que nous faisons des 75 p. 100 qui restent? Cela nous obligerait à poser des questions au sujet du lien qui existe entre l'aide canadienne et les emplois canadiens et l'achat de produits canadiens, au détriment de ceux qui vivent dans d'autres pays.Quel pourcentage de l'aide canadienne est dépensé à des fins que l'on ne peut considérer comme étant de l'aide au développement, et c'est effectivement le cas, quelle en est la raison?

Donc, l'étude comme telle soulève des questions au sujet des pourcentages ici et là, mais il faut avant tout se demander sérieusement où nous dépensons les fonds canadiens et pour quelle raison.

[Français]

Je peux facilement vous faire parvenir une copie de cette étude, s'il y en a parmi vous qui sont intéressés à la recevoir.

Le président: Avant de passer la parole à Mme Debien, est-ce que je peux me permettre une réflexion sur la réponse que M. Culpeper a faite à M. Paré au sujet de la clause sociale? C'est une question qui nous préoccupe beaucoup depuis que nous avons participé récemment aux délibérations du LOIS, à Singapour, avec M. Sauvageau qui n'est pas ici.

J'étais personnellement un peu découragé de ce qui s'était passé. Ce n'était pas tellement l'idée de rendre exécutoire toute décision qui pouvait être prise, mais l'idée même d'avoir à prendre une décision fondée sur le consensus de 130 pays, dont les façons de voir, les optiques varient énormément dans ce domaine particulier.

Ma grande préoccupation est donc, et je crois que vous l'abordez dans votre rapport, que pour avoir une politique efficace dès maintenant, il nous faut agir collectivement, sur un plan multilatéral. Le Canada peut faire des voeux pieux s'il le veut, mais cela n'avance personne et n'a pas de suites concrètes. Ce qu'il faut, c'est agir là où l'action pourrait être efficace, c'est-à-dire d'abord au niveau des institutions multilatérales, mais dès qu'on le fait, comment obtient-on le consensus sur l'action à entreprendre? Dès que vous êtes en compagnie de la Chine, de l'Indonésie, du Viêt Nam et de certains autres pays, il me semble que... Au sein de notre propre parlement, il nous est parfois difficile de prendre des décisions communes. Imaginez ce que cela peut être dans ces institutions multilatérales.

.1145

Donc, comment votre institut croit-il que le Canada pourrait agir plus efficacement au coeur de ces institutions, si j'ai raison de penser que c'est le seul moyen par lequel il peut exercer une influence?

M. Culpeper: Oui, je suis d'accord. Il serait préférable d'avoir une décision multilatérale, mais l'absence d'une telle décision, à mon avis, ne doit pas être une excuse pour ne rien faire. Il est important que chaque pays, chaque entreprise détermine ses propres pratiques. Pourquoi une entreprise canadienne devrait-elle agir différemment en Chine et au Canada? C'est une décision que chacun et chacune de nous doit prendre, n'est-ce pas? Que le Canada agisse en scout ne sauve peut-être pas le monde, mais

[Traduction]

il y a toujours des choix que nous pouvons faire nous-mêmes.

[Français]

Le président: Oui, d'accord. Mais, lorsque les Américains disent aux sociétés américaines qu'elles n'ont pas le droit de faire des affaires à Cuba, même en passant par une société canadienne qui serait une filiale d'une société américaine, adopter une loi comportant des sanctions criminelles contre cette conduite ne nous pose pas de problème. Pourquoi, quand les Chinois nous disent que nous avons importé toutes nos attitudes chez eux, faudrait-il qu'ils acceptent ce que nous n'acceptons pas nous-mêmes quand les Américains nous disent que nous n'avons pas le droit de faire des affaires différemment d'eux, d'une façon différente de leur façon de concevoir le droit dans le monde?

Je crois que cela peut se faire, mais à partir du moment où s'établit un consensus parmi les nations que telle ou telle conduite, comme l'apartheid ou quelque chose du genre, n'est pas acceptable. Le problème que je vois, par exemple, c'est celui que nous avons eu à Singapour. Il était question des conditions de travail et nous n'avions même pas un niveau minimum de consensus. C'est là le problème. Même un consensus minimum est difficile à obtenir.

Si, au Canada, nous exigeons des sociétés canadiennes qu'elles se comportent de telle ou telle façon ailleurs, les investisseurs canadiens prendront d'autres moyens, comme celui d'acheter des actions à la bourse de New York pour avoir des investissements dans une société américaine afin de faire ce qu'ils veulent. Donc, vous allez provoquer une fuite du capital canadien par des moyens détournés. Si on n'a pas une solution multilatérale, on crée une illusion dangereuse pour le public. C'est mon opinion.

Excusez-moi. Je ne veux pas sembler critiquer votre position, mais c'est une chose que nous essayons de définir ici, dans ce comité, et qui est très importante pour nous.

M. Culpeper: Il y a encore un leadership à exercer, n'est-ce pas? Ce sera une grande tragédie si tout le monde attend qu'un consensus s'établisse sur tous les points. Peut-être vaut-il la peine que des pays comme le Canada ou un peuple comme les Canadiens fassent preuve de leadership à la face du reste du monde.

Le président: Madame Debien.

Mme Debien: Monsieur le président, je vais d'abord essayer de vous consoler.

Le président: Heureusement.

Mme Debien: Vous savez, si le Canada n'avait pas fait figure de proue avec ses Casques bleus et la position de M. Pearson concernant le maintien de la paix, M. Pearson n'aurait pas eu le prix Nobel et le Canada n'aurait pas la réputation qu'il s'est taillée par rapport au maintien de la paix. On peut dire la même chose de l'aide publique. Si le Canada a eu une réputation internationale enviable, c'est à cause du leadership qu'il a assumé dans ces deux domaines-là et dans celui des droits de la personne également.

Je pense que déjà on peut se réjouir des actions unilatérales que le Canada peut mener dans certains domaines et qu'il doit continuer à mener indépendamment des forums multilatéraux. Moi, j'abonde un peu dans le sens de M. Culpeper: on ne pourra jamais obtenir de consensus dans des forums multilatéraux et cela ne doit pas empêcher le Canada d'aller de l'avant envers et contre tous s'il veut maintenir sa réputation internationale dans des domaines où il excelle et où il a une expertise.

.1150

Pour ma part, c'est un peu ainsi que je vois les choses. D'un autre côté, si le Canada veut se fondre dans l'ensemble des pays du monde, ne jamais se singulariser comme pays ayant une longue tradition et une longue expertise dans des domaines bien précis, libre à lui. Mais on ne parlera plus du Canada à ce moment-là.

Cela, c'est votre prix de consolation.

Le président: C'est un rappel à l'ordre, si j'ai bien compris.

Mme Debien: Monsieur Culpeper, au tout début de votre intervention, vous avez déclaré qu'à l'avenir, c'est surtout le secteur privé et non l'aide publique au développement qui fera des investissements importants dans les pays en voie de développement.

Concernant l'APD, vous avez fait un parallèle entre les motivations altruistes et les motivations commerciales, ce que le rapport de M. Strong met très bien en évidence tout en déclarant qu'il faut maintenant mettre de côté cet altruisme. Je ne suis pas tout à fait d'accord sur cette opinion dont je n'ai pas eu l'occasion de discuter avec lui.

Vous parlez aussi des motivations différentes du secteur privé, qui sont d'abord des motivations d'intérêt, des motivations commerciales, bien qu'il recherche aussi une certaine équité sociale, d'où l'importance que vous avez mise également sur toute la question sociale, si essentielle.

À partir de votre expérience, de vos contacts, de votre travail et de vos connaissances concernant les investissements du secteur privé, sentez-vous une volonté réelle de tenir compte de motivations sociales ou de viser l'équité sociale parallèlement à la recherche du profit, ou si c'est un leurre, un rêve? Sentez-vous, à cause de votre expérience et de vos recherches dans ce domaine, qu'on fait vraiment un tel effort ou si on parle dans le vide?

M. Culpeper: Merci. Ce que nous faisons comporte un peu de rêve et un peu de recherche fondée sur une analyse de la réalité. C'est important d'avoir les deux points de vue.

Mme Debien: Oui.

M. Culpeper: Mais je suis frappé, en ce qui concerne cette question, de voir qu'il se produit des changements profonds dans le secteur privé aujourd'hui. Je viens de citer les remarques deM. d'Aquino à la conférence de l'année dernière, où se trouvait également M. Broadbent. Qui aurait pu imaginer, il y a cinq ans, qu'une telle conférence puisse se tenir avec des participants commeM. d'Aquino et M. Broadbent?

Je suis frappé que des personnes du monde des affaires, comme M. d'Aquino et M. Mark Drake, avec qui je viens également de parler du même sujet... On porte beaucoup d'intérêt à ces questions comme telles et je soupçonne que cet intérêt est dû en partie à l'image que les sociétés privées veulent projeter et à laquelle ils tiennent beaucoup. Certains consommateurs ont des opinions très arrêtées en ce qui touche à la conduite des sociétés privées chez nous ou hors du Canada.

.1155

Je soupçonne que, quand Shell a accordé son appui au gouvernement nigérien, cette société a perdu une petite partie de son marché et essuyé certaines pertes. On peut donc imaginer des situations où les préoccupations sociales et les intérêts concrets puissent être convergents et non pas divergents.

Nous travaillons avec des membres du monde des affaires et il faudrait peut-être attendre notre prochain rapport. Nous sommes en train d'organiser une conférence avec le secteur privé à laquelle nous invitons des personnes de ce secteur qui s'intéressent à ces questions.

Mme Debien: Merci.

Le président: Thank you.

Monsieur Dupuy.

M. Dupuy: Monsieur le président, j'aimerais revenir au sujet que vous traitiez un peu plus tôt, c'est-à-dire le moyen d'utiliser les organismes multilatéraux pour faire pression contre un comportement que l'on juge blâmable en intervenant dans le développement économique et social d'un certain nombre de pays.

La raison pour laquelle je prends la parole, c'est que j'aimerais citer un cas très concret que j'ai eu devant les yeux au cours des derniers mois. J'ai dû me rendre à plusieurs reprises à Delhi en Inde parce que je m'occupais d'élaborer une vision sur le problème du travail des enfants en Inde.

Il y a plusieurs approches possibles. C'est une bonne illustration de ce dont nous débattions plus tôt. On peut chercher à établir certains mécanismes de pression internationale pour forcer une amélioration du comportement en Inde. On pourrait le faire au moyen d'un accord, dans le cadre de l'Organisation internationale du travail ou de l'Organisation mondiale du commerce, en imposant une sorte de code de déontologie dans le domaine du travail.

Non seulement cela pose-t-il des difficultés auxquelles faisait allusion notre président, mais il y a également le fait que la majeure partie de ce travail des enfants que tout le monde déplore ne se passe pas dans des industries exportatrices. Vous n'avez d'influence sur le problème que de façon très marginale. Il est possible d'établir une sorte de consensus au niveau d'industries particulières, des importateurs. C'est ce qu'a fait Rugmark dans le cas des tapis. Il ne s'agissait pas alors d'une pression d'ordre punitif mais plutôt incitatif pour faciliter les ventes. Les tapis comportant l'étiquette Rugmark se vendront mieux que les autres. C'est là un mode d'action possible.

Il y a une approche tout à fait différente dont je vous dis tout de suite que c'est celle que j'ai recommandée. Je serais curieux de savoir si vous partagez mon point de vue.

Quand on examine la constitution de l'Inde, quand on regarde les décisions rendues par les cours de justice, y compris la Cour suprême de l'Inde, lorsqu'on voit les politiques énoncées et élaborées par le gouvernement de l'Inde - non seulement par le gouvernement central, mais aussi par celui d'un certain nombre d'États - , on constate que la structure juridique et les politiques interdisent ce genre de travail. Le vrai problème ne relève donc pas de la structure, des politiques, des objectifs ou des intentions. Il relève de la mise en application. Quand vous devez mettre des lois ou règlements en vigueur dans une population de 950 millions d'habitants, vous ne pouvez le faire du jour au lendemain. Ma recommandation a donc été qu'il serait plus efficace d'aider le gouvernement indien à mettre en vigueur ses propres politiques.

L'attitude, alors, n'est pas du tout une attitude punitive. C'est au contraire une attitude d'aide au développement et de facilitation.

.1200

C'est pourquoi je suis un peu surpris que vous suggériez qu'on organise une pression internationale, soit au moyen de directives qui seraient probablement extraterritoriales et donc difficilement acceptables, soit au moyen de pressions sur nos propres entreprises qui risquent de compromettre leur position commerciale.

Ne trouvez-vous pas - c'est la question que je pose - que l'approche que nous adoptons est une approche plus éclairée et plus constructive que celle que vous semblez mettre de l'avant?

M. Culpeper: Je ne pense pas que les actions que vous suggérez aillent à l'encontre de celles que je suggère. Je crois qu'il est possible d'agir à la fois sur les plans international et national. Il est important de se souvenir que les chances sont, comme vous l'avez dit, de ne toucher qu'une portion marginale des activités. Mais ce n'est pas toujours marginal. C'est plus important dans d'autres pays.

On ne peut pas marginaliser le commerce comme tel, mais il est important d'agir sur plusieurs fronts. On peut aider le gouvernement de l'Inde, mais cela n'exclut pas, à mon avis, de donner un code de déontologie aux sociétés privées parce que toute société privée agit selon un code. La question qui importe le plus est,

[Traduction]

quelles sont les règles du jeu? Aucune entreprise ne fonctionne en vase close. Toutes les entreprises ont un code de conduite implicite. Il s'agit de définir les normes. Devraient-elles permettre d'appliquer le commun dénominateur le plus bas, ou ces normes devraient-elles pouvoir être défendues ici au Canada et à l'étranger? Cela ne signifie pas nécessairement que les normes à l'étranger devraient être les mêmes qu'au Canada, ni bien sûr qu'elles devraient être les pires possibles ou imaginables. Je pense donc qu'il est possible d'agir sur les deux fronts.

M. Dupuy: Voulez-vous parler des codes d'autoréglementation, ou des codes imposés par le gouvernement ou la communauté internationale?

M. Culbert: Voilà où il est difficile de dire lequel est préférable. Nous avons toujours cru que les codes d'autoréglementation étaient peut-être une dérobade. Par conséquent, les codes qui fonctionnent réellement et que l'on fait respecter sont préférables à ceux que l'on peut ou non faire respecter. La question est de savoir lesquels sont les plus logiques qu'il s'agisse d'un code d'autoréglementation ou autre.

Je suis quelque peu sceptique lorsqu'on s'en remet entièrement à la bonne volonté du secteur privé. Cependant, si le secteur privé prend une initiative, alors il ne faut pas nécessairement la mépriser et dire qu'elle n'est pas suffisante. Je pense qu'il faut encourager ce genre de choses et essayer ensuite de les officialiser de quelque façon que ce soit, au niveau intergouvernemental.

Le président: Si vous me permettez de vous interrompre, lorsque j'enseignais le droit commercial public international, nous avions un chapitre sur les codes d'autoréglementation des sociétés - il y en avait un au sujet de Caterpillar et d'autres sociétés - et je suis d'accord avec vous, monsieur Culpeper, lorsque vous dites qu'avec le temps cela devient un processus législatif car il contribue du fait qu'on les encourage à avoir les bons codes. En fin de compte, cela contribue alors à l'établissement de règles internationales et on finit par avoir un texte juridique qui découle de tout cela.

Je ne voudrais pas que vous croyez, d'après ce que j'ai dit, que je renonce complètement. Je conviens que nous devions continuer à faire des pressions à tous ces niveaux, et cela est une idée très intéressante. Il y a tellement de pays où il y a un régime d'inapplication, ce que nous constatons constamment. Lorsque je pense à l'Union soviétique à l'époque, ce pays avait l'une des plus grandes constitutions du monde en ce qui a trait aux droits de la personne, mais il y avait énormément de gens en prison qui ne le savaient pas. C'est là où cette idée selon laquelle nous devons avoir un bon gouvernement semble si importante.

.1205

M. Culpeper: Si vous me le permettez, j'aimerais revenir à l'Organisation internationale du travail, l'OIT, qui est un organisme qu'on l'on calomnie énormément, mais l'une de ces grandes faiblesses est sa capacité de surveiller et d'appliquer les lois. Je pense qu'on a vraiment besoin de ce mécanisme international, mais il doit cependant avoir l'appui de la communauté internationale. Malheureusement, pour plusieurs raisons, l'OIT n'a pas cet appui. Ce devrait être certainement l'un des principaux organismes à agir dans ces domaines.

M. Dupuy: Permettez-moi enfin de vous poser une question directe.

Le programme d'aide extérieure des États-Unis peut être financé par le Congrès, naturellement. Il est possible pour un membre du Congrès d'attacher une condition au programme d'aide à l'étranger. Verriez-vous d'un bon oeil qu'un membre du Congrès impose une condition qui retirerait toute aide à l'Inde à moins que la main-d'oeuvre enfantine ne soit éliminée? Ce genre de question est assez nette, assez claire. Comment réagiriez-vous à cela?

M. Culpeper: Je pense que le dialogue est toujours préférable à la politique de la corde raide, et on ne peut justifier ce genre de tactique. Dans bien des cas, comme vous l'avez souligné, l'Inde a déjà des mesures législatives en place. Ce pays a signé les conventions de l'OIT, mais il s'agit de les faire respecter.

Si nous voulons vraiment améliorer les conditions de travail et éliminer la main-d'oeuvre enfantine qui est horrible, nous devons travailler des deux côtés. L'UNICEF a fait un travail considérable intéressant à cet égard pour ce qui est d'examiner les cas de main-d'oeuvre enfantine; pour essayer de comprendre les rapports familiaux qui seraient déséquilibrés si les enfants devaient perdre leurs emplois; pour examiner le fait que très souvent, la scolarisation offerte est insuffisante. C'est très bien d'enlever aux enfants leur travail et de leur faire ainsi perdre un maigre revenu pour leur famille, mais le fait est que cela ne garantit pas nécessairement que ces enfants iront à l'école et recevront une bonne éducation. Donc, je pense qu'il est vraiment important d'examiner tous les aspects du problème.

[Français]

M. Dupuy: Je suis sûr que Mme Debien sera heureuse d'apprendre que le Canada cofinance avec l'UNICEF cet appui aux enfants et exerce par là même un leadership très appréciable et très apprécié d'ailleurs.

[Traduction]

Le président: Monsieur Flis, nous...

M. Flis: Nous n'avons pas le temps de poser d'autres questions, alors j'aimerais faire une suggestion pour les rapports futurs.

Lorsque je reçois un rapport comme celui-ci d'une multinationale, je le renvoie sans l'avoir lu. La question que je pose, c'est combien d'arbres il en coûte pour publier le rapport. Je fais la même observation à votre institution, car je sais que vous remerciez les donneurs qui financent cette publication.

Cependant, bon nombre de vos donneurs sont des contribuables canadiens, de telle sorte que la question que je voudrais poser au nom de ces contribuables est la suivante: avons-nous besoin d'un papier aussi brillant? Je ne peux pas lire ce rapport, car lorsque j'essaie de le faire, la lumière se reflète dans mes yeux. Je le compare au rapport précédent qu'on nous a remis. Je voudrais également recommander qu'à l'avenir ces rapports soient imprimés sur du papier recyclé chaque fois que cela est possible.

Merci.

M. Culpeper: Permettez-moi de dire que c'est l'une des critiques les plus fréquentes qui nous a été adressées au sujet de notre rapport. Nous en prenons bonne note, et je pense que vous remarquerez que le rapport de l'an prochain sera imprimé sur un papier beaucoup moins brillant, sur du papier recyclé. Mais au fait, le tirage était si peu important que cela n'est rien par rapport au nombre d'arbres qu'il faut pour imprimer les journaux du Toronto Star ou même du Globe and Mail.

Le président: Eh bien, nous allons pouvoir freiner un peu la coupe à blanc.

M. Culpeper: Mélanie vient de m'informer de quelque chose que j'aurais dû savoir. C'est du papier recyclé au départ.

M. Flis: Il devrait porter le logo.

.1210

Le président: Monsieur Culpeper, je tiens à vous remercier et à remercier vos collègues d'avoir comparu.

Hormis l'observation de M. Flis au sujet du rapport, je vous félicite de son contenu. En toute honnêteté, je ne peux pas prétendre avoir tout lu, mais j'aime bien certains aspects.

L'identification des auteurs des chapitres est une bonne idée, parce que les membres de notre comité connaissent un bon nombre de ces personnes, y compris M. Sanger et d'autres. Cela nous est utile. Et nous connaissons maintenant Mme Gruer et Mme van Rooy, et on va se souvenir d'elles en lisant ces chapitres.

Le chapitre consacré aux médias et à son fonctionnement nous sera très utile.

Enfin, j'avais perdu tout espoir de pouvoir comprendre ce qui se passe dans le monde mais je crois que votre chapitre qui porte sur les statistiques sera très utile. Pouvoir consulter très rapidement les données relatives à un pays, et pouvoir déterminer que le Canada importe surtout du Vietnam - je choisis ce pays à titre d'exemple - du café, des crevettes et des chaussures, et de voir, comme c'est indiqué dans ce rapport, qu'on importe du thon et des puces de la Thaïlande, voici le genre de chose qui nous sera très utile.

Votre exposé est très intéressant. Le rapport contient beaucoup de détails, et je vous félicite de son contenu. Je suis convaincu qu'au fur et à mesure qu'on le peaufinera, il nous aidera beaucoup à comprendre ces questions au Canada.

Sur ce je termine, mais puisque je vous jette des fleurs, je pourrai peut-être vous faire mousser un petit peu. M. Schmitz m'a donné un exemplaire d'une invitation à votre conférence qui va avoir lieu le 4 mars et qui va porter sur les États, les marchés et le développement. J'ignore si vous vouliez inviter les membres de votre comité à cette conférence.

M. Culpeper: Bien sûr. Cette conférence est... Comment puis-je le dire? Le Rapport sur le développement dans le monde, qui est le rapport principal de la Banque mondiale, sera présenté par l'équipe qui l'a rédigé. Ce rapport parle du rôle de l'État, et nous allons débattre de cette question pendant toute une journée ici à Ottawa. La conférence aura lieu à l'Hôtel Sheraton. S'il y a des membres du comité - ou de leur personnel - que cela intéresse, veuillez me le faire savoir et nous vous enverrons une invitation.

Le président: Encore une fois, je vous remercie d'avoir comparu. Votre exposé nous a beaucoup plu et nous vous souhaitons bonne chance dans l'élaboration du rapport l'année prochaine.

La séance est levée jusqu'à 9 h 30 mardi prochain.

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