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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 18 juin 1996

.1108

[Français]

La présidente: La séance est ouverte.

[Traduction]

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Denis Lefebvre, sous-ministreadjoint, Direction générale de la politique et de la législation, M. Carl Juneau, directeuradjoint, Interprétation technique et communications, Division des organismes de charité, etMme Lucy Brickman, agente, Politique de l'impôt.

Nous sommes réunis ici aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-262, Loi sur la divulgation de la rémunération versée aux dirigeants d'organismes de charité et d'organisations sans but lucratif.

Vous avez déjà comparu devant notre comité, paraît-il, au moins à trois ou quatre reprises; je vous souhaite donc la bienvenue une autre fois. Si je comprends bien, vous ferez quelques commentaires et vous répondrez ensuite aux questions soulevées. Je vous remercie d'être ici.

M. Denis Lefebvre (sous-ministre adjoint, Direction générale de la politique et de la législation, Revenu Canada): Madame la présidente, je suis heureux d'être ici, avec mes collègues des ministères du Revenu et des Finances, pour parler de cette question fort importante.

Le sujet que nous abordons ce matin a une assez longue histoire et, si les membres du comité veulent bien me le permettre, je crois qu'il serait utile d'en faire une rétrospective afin de voir exactement où nous en sommes. Ce serait, je crois, utile comme mise en contexte pour les décisions que le comité doit maintenant prendre.

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Le projet de loi C-262, qui a fait l'objet d'une première lecture en Chambre, est un projet de loi d'initiative parlementaire présenté par M. Bryden, le député de Hamilton - Wentworth. Il a été imprimé, conformément à un ordre adopté le 4 mars 1996, sous la même forme que le projet de loi C-224, qui avait été présenté par M. Bryden le 15 mars 1994.

Le projet de loi est réputé avoir fait l'objet d'une deuxième lecture et a été renvoyé au Comité permanent des opérations gouvernementales. Je crois qu'il est important de faire cette récapitulation parce que mes témoignages précédents devant votre comité auxquels vous avez fait allusion portaient sur le projet de loi C-224 qui est maintenant en pratique le projet de loi C-262.

Le projet de loi C-262, comme le projet de loi C-224 qui l'a précédé, stipule essentiellement que tout organisme de bienfaisance et toute organisation à but non lucratif qui reçoit directement ou indirectement des fonds publics canadiens est tenu de produire auprès du ministre du Revenu national une déclaration publique de renseignements indiquant la rémunération totale et tous les avantages versés à chacun de ses administrateurs et de ses dirigeants. Aux termes de la loi, le ministre du Revenu national déposerait au Parlement un rapport indiquant le nom de tous les organismes qui auraient omis de divulguer la rémunération de leurs directeurs et dirigeants.

Le projet de loi prévoit aussi que tout organisme qui omet de se conformer à cette obligation se rend coupable d'une infraction et est passible d'une amende n'excédant pas 50 p. 100 du total des fonds publics reçus durant l'année.

Comme mentionné antérieurement, nous croyons que l'application du projet de loi C-262, sous sa forme actuelle, poserait de nombreux problèmes. Le projet de loi serait notamment inexécutable en raison des nombreux obstacles à la détermination des organismes qui doivent s'y conformer. Le fait d'exiger des organismes qui reçoivent indirectement des fonds de produire des déclarations causerait des difficultés importantes. Les organismes auraient à retrouver la source originale de leurs fonds pour déterminer s'ils sont obligés de produire une déclaration.

Même si nous limitions cette obligation aux organismes qui reçoivent directement des fonds publics, il serait difficile d'identifier les organismes visés sans leur imposer un fardeau considérable.

À l'heure actuelle, il n'existe pas de liste permettant d'identifier ces organismes. L'établissement d'une telle liste exigerait des recherches poussées et imposerait un coût considérable au gouvernement ainsi qu'aux organismes. L'application du projet de loi coûterait de 5 à 6 millions de dollars à Revenu Canada pour les cinq premières années.

Le fait de rendre publics la rémunération et les avantages reçus par les administrateurs et les dirigeants des organismes de bienfaisance et des organisations à but non lucratif, qui reçoivent des fonds du gouvernement fédéral, serait... Dans mon texte écrit, j'ai dit «contraire à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à l'article 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu», mais, en fait, le projet de loi modifierait les exigences de ces deux lois; on peut le faire, mais ce serait une dérogation à ce qui existe déjà.

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Le projet de loi prévoit que le défaut de se conformer aux dispositions de divulgation est punissable, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, par l'imposition d'une amende n'excédant pas 50 p. 100 du total des fonds reçus du gouvernement fédéral. Le fait de créer une infraction pour défaut de déclaration est contraire à la politique actuelle qui consiste à décriminaliser, dans la mesure du possible, les omissions liées aux exigences réglementaires. Les poursuites intentées pour ce genre d'infraction imposeraient un fardeau et des coûts supplémentaires au système judiciaire. Une amende imposée après coup serait difficile ou impossible à percevoir auprès d'organismes qui disposent de peu d'actifs et dont le financement provient, dans de nombreux cas, des gouvernements et de dons.

Les tâches d'identification des organismes bénéficiaires et de présentation de ces renseignements au Revenu national représenteraient des coûts considérables pour chacun des ministères fournissant des fonds. Les organismes de bienfaisance et les organisations à but non lucratif auraient à assumer un fardeau et des coûts supplémentaires pour établir et présenter au ministère leur déclaration, qui s'ajouterait aux renseignements qu'ils sont déjà tenus de fournir aux fins de l'impôt.

À la lumière de ces commentaires, vous pouvez vous rendre compte des difficultés et des désavantages sérieux que présente, à notre avis, le projet de loi sous sa forme actuelle. La présidente nous a toutefois mis au courant d'une lettre rédigée par M. Bryden et des amendements que ce dernier propose pour modifier la formulation actuelle du projet de loi.

Pour le bénéfice du comité, je voudrais commenter, maintenant, ou plus tard si vous voulez - mais je peux poursuivre et commenter maintenant - les amendements proposés parM. Bryden. Je voudrais mentionner, en passant, que dans sa lettre, M. Bryden parlait de réduire les exigences de divulgation et de ne les appliquer qu'à l'égard des organisations qui reçoivent des fonds publics supérieurs à 50 000$. Cette proposition ne figure que dans la lettre et non dans les amendements. Si les amendements étaient adoptés, il n'y aurait alors plus aucun lien avec le financement public. Ce ne serait plus un facteur. Mes commentaires reposeront donc sur cette prémisse.

Le projet de loi modifié selon les amendements proposés par M. Bryden obligerait, essentiellement, les organismes de bienfaisance et les organisations à but non lucratif à déclarer la rémunération des principaux dirigeants à 5 000$ près. Il y aurait ensuite différentes pénalités, dont je vous ferai l'énumération, selon qu'il s'agisse d'un organisme de bienfaisance ou d'une organisation à but non lucratif.

Fondamentalement, les amendements que propose M. Bryden remplacent l'obligation de divulguer la rémunération réelle par l'obligation de déclarer les échelles de salaire par tranches de 5 000$. Deuxièmement, ils instaurent une règle pour éliminer l'obligation de déclarer toute rémunération inférieure à 30 000$. Troisièmement, ils éliminent l'obligation pour Revenu Canada de déposer au Parlement un rapport sur les cas d'inobservation. Quatrièmement, ils remplacent l'amende pour inobservation, fixée à 50 p. 100 du financement obtenu, applicable aux organismes de bienfaisance par la perte obligatoire du statut d'organisme exonéré. Cinquièmement, les amendements remplacent l'amende pour inobservation, fixée à 50 p. 100 du financement obtenu, applicable aux organisations à but non lucratif par la perte obligatoire du statut d'organisme exonéré.

Pour commenter les amendements de M. Bryden, je dois d'abord vous parler des discussions antérieures qui se sont tenues devant votre comité au cours des dix-huit derniers mois.

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Le 6 juin 1995, à une de vos réunions, des membres du comité m'ont demandé, dans le cadre de discussions portant sur le projet de loi C-224, qui était à la fois le précurseur et fondamentalement identique au projet de loi C-262, quelles mesures administratives ou réglementaires, c'est-à-dire autres que législatives, pourraient être prises en vue de recueillir et de rendre publique l'information sur la rémunération et sur les avantages reçus par les administrateurs et les dirigeants des organisations à but non lucratif et des organismes de bienfaisance enregistrés. J'ai indiqué qu'on pourrait notamment modifier les exigences de déclaration publique de Revenu Canada visant tous les organismes de bienfaisance en vue d'inclure des renseignements particuliers sur la rémunération des administrateurs et des dirigeants.

À ce moment, le comité a adopté la motion suivante:

en modifiant les exigences qu'impose le ministère du Revenu national en ce qui a trait à l'information publique pour les organismes de bienfaisance concernant la rémunération et les bénéfices des cadres et des directeurs exécutifs;

en modifiant le formulaire d'information sous la Loi de l'impôt sur le revenu, communément appelé T3010, et en demandant aux organismes de bienfaisance de fournir de plus amples renseignements;

en réunissant des renseignements supplémentaires sur les organisations sans but lucratif;

Le formulaire T3010 est la déclaration de renseignements présentée chaque année par les organismes de bienfaisance.

En réponse à cette motion, nous avons pris les mesures suivantes, qui ont été communiquées au comité l'automne dernier. Au cours des discussions du comité, auxquelles ont participé des représentants d'organisations à but non lucratif, du secteur bénévole et des organismes de bienfaisance, un certain nombre de problèmes touchant la déclaration de renseignements pour les organismes de bienfaisance ont été signalés. En effet, la définition d'un administrateur ou d'un dirigeant n'était pas toujours très claire pour les organismes de bienfaisance. Nous avons fait le nécessaire pour préciser cette notion dans la nouvelle déclaration.

Nous avons aussi modifié la déclaration pour que les organismes de bienfaisance puissent maintenant divulguer la rémunération des cinq dirigeants qui ont touché les salaires les plus élevés par tranches de 20 000$. L'autre problème que nous avions était que certains organismes ne remplissaient pas certaines parties de la déclaration, de sorte que nous ne savions pas s'ils ne payaient pas de salaire à des dirigeants ou s'ils omettaient tout simplement de déclarer cette information. Nous joignons maintenant à l'exemplaire de la déclaration que nous faisons parvenir chaque année aux organismes de bienfaisance une note leur rappelant qu'ils sont tenus de produire une telle déclaration dûment remplie.

Nous avons en outre lancé un projet visant à repenser le système informatique de manière à pouvoir contrôler de plus près les déclarations afin de nous assurer que toutes les parties qui doivent être remplies l'ont été. Dans le cas contraire, nous communiquons avec l'organisme de bienfaisance afin d'obtenir l'information manquante.

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Avant de mettre en application ces changements, nous avons communiqué avec les quelque quinze organismes qui ont comparu devant le comité en 1995. Nous leur avons posé des questions plus précises sur les déclarations concernant les administrateurs et les dirigeants. Nous voulions connaître leur point de vue. Nous avons aussi mené un sondage téléphonique auprès d'une cinquantaine de petits organismes de bienfaisance qui ne se sont pas présentés devant le comité. En règle générale, ils se sont montrés favorables aux modifications et ils ne voyaient pas de problème à fournir l'information supplémentaire demandée, que je viens de décrire.

Ainsi, à la lumière des amendements au projet de loi C-262 proposés par M. Bryden au comité et des modifications que nous avons déjà apportées aux exigences de divulgation pour les organismes de bienfaisance, la seule différence qui reste entre le projet de loi C-262, tel qu'il serait modifié conformément aux propositions de M. Bryden, et la situation actuelle a trait aux tranches de rémunération et ce, en tenant compte du point de vue des organismes de bienfaisance, mais non de celui des organisations à but non lucratif. Dans notre nouvelle déclaration, nous demandons des renseignements sur la rémunération par tranches de 20 000$ tandis que le projet de loi modifié propose une déclaration par tranches de 5 000$.

En ce qui concerne la déclaration de la rémunération en fonction des tranches, le commissaire à la protection de la vie privée, M. Bruce Phillips, a informé le comité, au moment de sa comparution le 1er juin 1995, de ses préoccupations concernant la divulgation de renseignements précis sur le montant de la rémunération versée à différents cadres. Je me demande si la légère amélioration des renseignements qui découlerait de l'adoption de tranches de 5 000$ est nécessaire, compte tenu de l'effet que cette divulgation aurait sur le droit des particuliers à la confidentialité des renseignements précis au sujet de leur rémunération. En fin de compte, il reviendra évidemment au comité de décider de cette question.

Pour ce qui est d'instaurer la révocation obligatoire du statut d'organisme de bienfaisance enregistré lorsqu'un organisme omet de divulguer la rémunération de ses administrateurs et de ses dirigeants, j'aimerais souligner que la seule différence entre cette proposition et les règles actuelles prévues à la Loi de l'impôt sur le revenu concernant l'inobservation par les organismes de bienfaisance est le fait que le ministre a un certain pouvoir discrétionnaire à cet égard.

À l'heure actuelle, bon nombre d'organismes de bienfaisance sont dirigés par des bénévoles. Lorsque ces organismes omettent, par exemple, de présenter la déclaration annuelle de renseignements en temps, nous ne les révoquons pas automatiquement. Dans leur cas, cette omission peut s'expliquer simplement par le fait que les bénévoles ont changé ou qu'ils sont trop occupés à autre chose. Nous avons donc une procédure en place suivant laquelle nous leur écrivons ou les appelons. Nous les appellerons probablement deux fois chacun. Si nous n'obtenons pas de réponse, alors nous révoquons leur statut d'organisme de bienfaisance pour avoir omis de présenter la déclaration annuelle de renseignements.

Nous avons amélioré nos mécanismes d'exécution et de contrôle, en ce sens que nous surveillons étroitement les cas où la déclaration n'est pas produite, mais aussi que nous prenons des mesures lorsqu'un organisme omet de remplir certaines parties de la déclaration qui, à notre avis, doivent être remplies. Chaque année, nous révoquons plus de 1 000 organismes de charité. Les raisons varient, mais nous en révoquons plus de 1 000 pour avoir omis de produire leur déclaration de renseignements.

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En raison de la nature du secteur de bienfaisance, nous croyons qu'il est important que le ministre conserve un certain pouvoir discrétionnaire pour ce qui est de la révocation d'organismes de bienfaisance. Bien que nous souscrivions à un certain degré d'exécution et de discipline, nous ne croyons pas que la révocation obligatoire d'un organisme de charité pour avoir omis de se conformer à un élément de la déclaration devrait nécessairement être imposée par une loi.

Il serait, en outre, difficile de justifier qu'une sanction d'annulation obligatoire de l'enregistrement soit imposée lorsqu'un organisme omet de divulguer un élément, notamment la rémunération de ses administrateurs, et que la même sanction d'annulation obligatoire ne s'applique pas à d'autres cas d'inobservation touchant les activités de l'organisme, le total des dons reçus, les honoraires versés aux responsables des campagnes de souscription et tous les autres renseignements qui sont pour nous aussi importants que les renseignements concernant la rémunération et les avantages reçus par les administrateurs et les dirigeants.

En conclusion, je constate qu'en réponse aux mesures concernant les organismes de bienfaisance enregistrés que j'ai décrites à la réunion du 12 décembre 1995 du comité, M. Bryden s'est dit particulièrement satisfait. Il a également indiqué, à ce moment, que Revenu Canada est allé un peu plus loin que le projet de loi C-224 en ce sens que les cinq dirigeants les mieux rémunérés d'un organisme de bienfaisance sont tenus de divulguer leur salaire.

Je soutiens, devant le comité, que les mesures administratives prises par Revenu Canada lui ont permis d'atteindre les objectifs du projet de loi C-262, tel qu'il serait modifié par les propositions de M. Bryden, en ce qui concerne les organismes de bienfaisance enregistrés et qu'aucun autre texte législatif n'est nécessaire à cet égard.

Je soutiens aussi qu'une loi distincte de la Loi de l'impôt sur le revenu, imposant des obligations et des exigences particulières aux organismes de bienfaisance, créerait de la confusion sans permettre de recueillir des renseignements supplémentaires.

Je passe maintenant aux organisations à but non lucratif.

Les organismes de bienfaisance bénéficient de deux avantages fiscaux. Le premier est qu'ils ne sont pas assujettis à l'impôt et le deuxième, assez considérable, est lié au fait qu'ils peuvent émettre des reçus aux fins de l'impôt et que les donateurs peuvent déduire leurs dons de leur revenu ou recevoir un crédit d'impôt. D'autre part, les organisations à but non lucratif n'ont qu'un avantage fiscal: celui de ne pas être assujetties à l'impôt sur le revenu. Ainsi, puisqu'elles ne peuvent émettre de reçus, la différence est énorme du point de vue de l'administration de l'impôt.

Les organismes de bienfaisance ont, en outre, avantage à faire une déclaration publique des renseignements qui les concernent, puisque leur crédibilité, globalement et individuellement, repose en grande partie sur l'information que les donateurs peuvent obtenir. D'autre part, les organismes de bienfaisance ne peuvent compter bien souvent, à l'instar des organisations à but non lucratif, sur des membres qui peuvent s'occuper de leur gestion. Une déclaration publique des renseignements est donc justifiée.

La principale raison justifiant cette déclaration publique de renseignements est d'assurer que la collectivité et les donateurs éventuels et réels disposent d'une information plus complète sur les organismes de bienfaisance que, par exemple, sur les organisations à but non lucratif. L'obligation pour les organismes de bienfaisance d'être plus ouvertes existe donc depuis très longtemps.

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Il faudrait qu'on puisse invoquer un argument décisif pour décider de recueillir des renseignements supplémentaires sur la rémunération versée par des organisations à but non lucratif à leurs administrateurs et à leurs dirigeants et pour les rendre publics. Il faudrait qu'on puisse démontrer que ces renseignements sont nécessaires au bon fonctionnement du régime et que, grâce à eux, on pourrait faire en sorte que tous s'acquittent de leurs obligations fiscales; ou encore, il faudrait faire valoir que ces renseignements seraient utiles à l'analyse de la politique financière, ou qu'ils serviraient l'intérêt public. Au cours de l'été 1995, nous avons travaillé, en collaboration avec le ministère des Finances, à établir si ces arguments pourraient être étayés.

En 1993, la Loi de l'impôt sur le revenu a été modifiée. Jusqu'en 1993, les organisations à but non lucratif n'avaient aucun rapport avec le service de l'impôt. En 1993, la Loi de l'impôt sur le revenu a été modifiée afin que les organisations à but non lucratif - pas les très petites, mais celles touchant un revenu de placement de 10 000$ ou plus ou dont la valeur des actifs dépassait 200 000$ - soient tenues de produire chaque année une déclaration de renseignements auprès de Revenu Canada.

Cette déclaration remplit deux fonctions. D'une part, elle permet à Revenu Canada de disposer de données de référence grâce auxquelles il peut demeurer au fait des activités de ce secteur et veiller à ce que les organisations en question ne poursuivent pas des buts lucratifs. D'autre part, les renseignements permettent de tracer un profil des activités économiques menées dans ce secteur, ce qui constitue un outil très utile pour le ministère des Finances aux fins de l'analyse de la politique fiscale.

À l'heure actuelle, les organisations à but non lucratif doivent fournir dans leur déclaration toutes sortes de renseignements sur leurs actifs, leurs activités et leurs revenus de placement, mais elles n'ont pas à divulguer l'information concernant la rémunération ou les avantages que reçoivent leurs administrateurs et leurs dirigeants. S'il est vrai que cette information pourrait être utile, il ne serait pas facile de trouver en quoi des renseignements sur la rémunération des principaux dirigeants pourraient influer sur la politique fiscale ou sur certaines considérations d'ordre administratif.

Les organisations à but non lucratif peuvent verser à leurs dirigeants la rémunération qu'elles jugent raisonnable, et cette rémunération est assujettie à l'impôt entre les mains de ces dirigeants. L'adéquation de la rémunération par rapport aux fonctions du dirigeant ne constitue pas un élément assujetti à quelconque réglementation dans le cadre du régime fiscal.

En outre, étant donné que la collecte d'information auprès des organisations à but non lucratif ne se fait que depuis deux ans, il serait sans doute préférable d'en connaître un peu plus sur ce secteur avant de modifier les exigences de déclaration.

Le deuxième aspect étudié par Revenu Canada et par le ministère des Finances, qui est lié à l'information recueillie auprès d'organisations à but non lucratif, porte sur l'existence d'un motif administratif ou de politique fiscale justifiant la divulgation de cette information. Bien que les organisations à but non lucratif ne soient pas assujetties à l'impôt sur le revenu, elles diffèrent des organismes de bienfaisance en ce sens que les dons qu'elles reçoivent ne donnent pas droit à des crédits d'impôt. Dans le cas des organismes de bienfaisance, la divulgation d'information est justifiée par l'utilisation que le public donateur en fait lorsqu'il choisit les organismes auxquels il désire faire un don.

On pourrait également soutenir qu'il n'existe pas de raison pour laquelle les renseignements sur la rémunération des dirigeants de ces organisations devraient être rendus publics, alors qu'aucune exigence semblable n'existe à l'égard de dirigeants d'entreprises commerciales qui, en raison de pertes ou pour d'autres motifs, ne paient aucun impôt pour une année donnée.

De plus, la divulgation des salaires des administrateurs et des dirigeants d'organisations à but non lucratif, en l'absence d'un quelconque cadre au sein duquel les tâches et l'adéquation du niveau de rémunération peuvent être évaluées, ne serait pas entièrement profitable.

Pour ces raisons, Revenu Canada et le ministère des Finances ne devraient normalement pas chercher à prendre des mesures en vue d'obtenir l'autorisation de rendre publics les renseignements fournis par les organisations à but non lucratif.

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À notre avis, nous ne pouvons réaliser avec un même degré d'efficacité les objectifs du projet de loi C-262 en ce qui concerne les organisations à but non lucratif. Nous ne pouvons rendre publics les renseignements au sujet des administrateurs et des dirigeants sans un amendement à la loi. Or, il n'est pas possible de justifier, pour des raisons de politique fiscale ou d'ordre administratif, la collecte de ces renseignements.

Je vous remercie de votre attention.

La présidente: Au nom de tous les membres du comité, je ne crois pas trop m'aventurer en vous remerciant pour cet exposé des plus complets. Je voudrais aussi féliciter les fonctionnaires de votre ministère d'avoir donné suite, d'une façon aussi rapide et approfondie, aux préoccupations soulevées par le projet de loi en adoptant des modifications d'ordre administratif ou réglementaire.

Pour être fidèle à la tradition de notre comité et à celle de la courtoisie, M. Crête a demandé que M. Bryden, qui s'occupe si assidûment de cette question depuis déjà plusieurs années, pose les premières questions.

Monsieur Bryden, vous avez la parole.

M. Bryden (Hamilton - Wentworth): Je vous remercie, madame la présidente.

Tout d'abord, en tant qu'auteur du projet de loi C-262, je voudrais remercier Revenu Canada d'avoir accordé autant d'attention aux questions soulevées par ce projet de loi et d'avoir pris des mesures concrètes.

L'une des raisons pour lesquelles les fonctionnaires de Revenu Canada ont été invités à se présenter à nouveau devant le comité est qu'il faut mettre la dernière touche à un processus qui dure depuis deux ans et qui, à mon avis, n'est qu'une étape d'un enjeu beaucoup plus grand. Je crois, bien sûr, que nous avons fait beaucoup de progrès et j'étais particulièrement intéressé aux réactions suscitées par les amendements. Il s'agit d'une question qui a été rayée de la discussion l'an dernier. Les amendements n'ont jamais été déposés ici, et j'ai écouté vos commentaires à leur sujet avec beaucoup d'attention.

Je voudrais, avec votre permission, poser quelques questions d'ordre général parce que, comme je l'ai dit, il s'agit pour moi d'un enjeu qui dépasse la simple rémunération du personnel dirigeant. C'est un enjeu qui a trait à la responsabilisation globale du secteur à but non lucratif.

Dans votre mot de la fin qui portait sur les organisations à but non lucratif et le type de divulgation auquel elles sont tenues, vous avez dit que ni la politique fiscale ni l'administration fiscale ne justifiaient la collecte de l'information nécessaire. Je me demande comment pouvons-nous alors aborder une réforme, à mon avis nécessaire, du secteur à but non lucratif, qui soit non seulement liée à des questions fiscales, mais aussi à des questions d'ordre moral, ainsi qu'à la responsabilité, quelle qu'elle puisse être, du gouvernement de jouer un rôle de surveillance à l'égard de la gestion d'un secteur de l'économie dont les activités se chiffrent à plusieurs milliards de dollars? Nous parlons ici de plus de 80 milliards de dollars pour les organismes de bienfaisance seulement.

Je voudrais donc vous demander si Revenu Canada a, à votre avis, un rôle à jouer dans l'établissement ou l'imposition d'un type quelconque de code d'éthique aux organismes de bienfaisance?

M. Lefebvre: Je crois que nous devons établir une distinction entre les organismes de bienfaisance et les organisations à but non lucratif. Pour ce qui est des questions d'éthique et de gestion que vous avez soulevées, je crois que les organismes de bienfaisance servent un seul groupe, leur communauté. Or, la majeure partie du temps, les membres de leur conseil d'administration proviennent des communautés qu'ils servent. Les moyens sont donc là au sein même de ces communautés, bien que cela dépende de leur taille. Ces moyens sont quelque peu dispersés et il peut parfois être difficile de les mettre à profit, mais je crois que la communauté peut jouer un rôle de surveillance et garder à l'oeil les activités d'un organisme de bienfaisance.

Les donateurs imposent certainement une certaine discipline aux organismes de bienfaisance. Ils peuvent poser des questions. L'information est publique et, pour la plupart, les organismes de bienfaisance vivent des dons qu'ils reçoivent. S'ils ne maintiennent pas leur crédibilité, tant globalement qu'individuellement, ils perdent leur capacité de lever des fonds. Je crois donc que les donateurs imposent une certaine discipline aux organismes de bienfaisance ou les obligent à bien se conduire, à adopter des normes de gestion et de conduite convenables.

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Il est aussi important de souligner que les organismes de bienfaisance, les lois qui les gouvernent et leur gestion en fiducie au nom du peuple, si vous voulez, relèvent de la compétence provinciale. Toute conduite répréhensible peut donc faire l'objet d'une enquête de la part des autorités provinciales.

Je reconnais que les autorités provinciales n'accordent pas toutes la même attention à ce secteur. Nous prenons toujours comme exemple le Curateur public de l'Ontario, qui est peut-être plus actif que les organismes de surveillance des autres provinces.

D'autre part, nous reconnaissons qu'il est généralement acquis que Revenu Canada est le seul organisme qui surveille les activités des organismes de bienfaisance. Ce fardeau qui pèse sur nous peut être ou ne pas être entièrement justifié, mais c'est une réalité.

C'est pour cette raison que la déclaration de renseignements que nous recevons des organismes de bienfaisance est publique dans une très large mesure. C'est presque un service public. Du point de vue purement fiscal, nous pourrions recevoir ces déclarations et les tenir confidentielles, et simplement procéder à des vérifications des organismes de bienfaisance. Mais, parce qu'on s'attend à ce que le ministère du Revenu surveille leur comportement, nous essayons d'en faire un peu plus et de participer à la surveillance de ces organismes.

Mais de là à s'attendre à ce que le ministère du Revenu... Comme l'a mentionné M. Bryden par le passé et même aujourd'hui, le projet de loi parle de financement public. Un très grand nombre d'organismes de bienfaisance reçoivent des fonds d'organismes publics de tous les paliers de gouvernement et ces fonds sont assortis de toutes sortes de conditions. Ce sont parfois des subventions pures et simples, presque sans conditions. Mais les organismes de bienfaisance doivent aussi maintenir leur crédibilité auprès du gouvernement qui leur fournit des fonds, qu'il soit municipal, provincial ou fédéral, et ces organismes, de même que les organisations à but non lucratif d'ailleurs, doivent se conformer à des exigences contractuelles et de déclaration. Un certain nombre d'organismes et de paliers se partagent donc la responsabilité de surveiller les activités des organismes de bienfaisance.

Nous ne sommes pas là pour contrôler la gestion des organismes de bienfaisance. Si on nous informe ou si nous nous rendons compte dans le cadre d'une vérification que la rémunération est excessive, nous prendrons les mesures qui s'imposent pour révoquer un organisme de bienfaisance. Si la rémunération est excessive, c'est-à-dire supérieure à la valeur marchande normale, ou s'il y a d'autres abus, nous pouvons révoquer un enregistrement et nous le faisons, puisqu'alors nous pouvons invoquer que les fonds ne sont pas dépensés à des fins ou à des activités de bienfaisance. Mais cela ne veut pas dire que nous faisons des évaluations de la gestion sur place. Ce n'est tout simplement pas notre rôle. Ces évaluations doivent émaner des autres organismes de contrôle que je viens de mentionner.

Dans le cas des organisations à but non lucratif, il n'y a pas de donateurs. Très souvent, toutefois, elles reçoivent un financement direct. Dans la mesure où elles reçoivent un financement direct quelconque, nous sommes d'avis que la responsabilité incombe encore une fois au palier de gouvernement, qu'il soit municipal, provincial ou fédéral, qui fournit le financement direct, que ce soit à des fins de recherche ou à toute autre fin.

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Si nous voulons améliorer la gestion et accroître la responsabilisation des organisations à but non lucratif bénéficiaires de financement public, il me semble qu'une façon de le faire serait que les responsables de l'octroi du financement public, probablement destiné à des fins précises, contrôlent ces dépenses et veillent à ce que les fonds qu'ils accordent aux organisations à but non lucratif soient dépensés à bon escient. De plus, bon nombre d'organisations à but non lucratif comptent des membres qui paient des droits d'adhésion. Ces organisations tiennent des réunions annuelles et élisent des administrateurs, entre autres. Je crois qu'en général, la gestion de ces organisations est soutenue par l'intérêt que manifestent les membres à l'endroit d'une bonne et saine gestion de l'organisation à but non lucratif. Cela touche à la fois les services que reçoivent les membres et le nombre d'adhérents. Je suis donc d'avis que les organisations à but non lucratif et les organismes de bienfaisance font déjà l'objet d'un contrôle à maints égards.

Au cours des trois dernières années, notre ministère a effectué quelque 2 000 vérifications auprès d'organismes de bienfaisance. Or, d'après les résultats de ces vérifications, on peut conclure qu'il n'y a pas d'abus généralisé au sein du secteur. M. Bryden a mentionné, à quelques reprises, qu'il y a des abus, et je serais le dernier à dire qu'il n'y en a pas. D'autre part, ce n'est pas généralisé. Nous n'avons aucune indication qu'il y aurait un abus généralisé du système dans le secteur, bien que nous reconnaissions qu'il y a occasionnellement des événements regrettables qui nuisent à la crédibilité de tout le secteur.

J'ai été un peu long, monsieur Bryden. Je m'en excuse. C'est sans doute votre question qui m'a inspiré.

M. Bryden: Je vais manquer de temps, mais pas de problème.

Pour poursuivre dans la même veine, ne croyez-vous pas que la qualité du suivi ou de la gestion et du contrôle exercés par les administrateurs ou donateurs ou par toute autre personne sur les organismes de charité, et la même chose s'applique aux organisations à but non lucratif, est étroitement liée à la qualité de l'information dont ils disposent? Le formulaire T3010 peut justement remplir ce rôle, soit fournir une information précise aux donateurs éventuels et aux administrateurs, pour la simple raison que ces derniers ne peuvent pas toujours se fier au personnel de direction rémunéré des organisations à but non lucratif pour leur communiquer en toute franchise tous les détails financiers. N'est-ce pas là un rôle des plus importants?

M. Lefebvre: Je suis entièrement d'accord.

M. Bryden: Par conséquent, dans ce contexte, mes inquiétudes au sujet de la qualité de l'information présentée au formulaire T3010 au fil des ans ne sont-elles pas légitimes? C'est justement le fait que les lignes portant sur la rémunération étaient constamment laissées en blanc qui m'a incité à proposer le projet de loi C-224. Vous avez dit vous-même que l'information était ambiguë, que les questions l'étaient aussi. Il y a peut-être d'autres problèmes dans le reste du formulaire. N'est-ce pas justifié de vouloir s'assurer que les données recueillies sur des formulaires de ce genre soient de très haute qualité et que Revenu Canada, sous réserve de la disponibilité des ressources, en fasse un contrôle des plus précis?

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M. Lefebvre: Je suis d'accord. De fait, la simple présentation du projet de loi C-224 et les discussions qui ont suivi nous ont poussés à faire un examen attentif de la situation. Nous avons constaté que les déclarations comportaient des lacunes et nous avons pris des mesures afin d'améliorer la déclaration des renseignements précis dont il est mention dans le projet de loi C-224. En cours de route, nous avons renforcé notre contrôle de l'information déclarée, qui va bien au-delà de la rémunération. Comme je l'ai mentionné, nous voulons maintenant donner un poids égal à l'ensemble de l'information.

Premièrement, si nous demandons l'information, c'est parce que nous croyons que cette information est nécessaire, autant pour nous que pour les donateurs. Ainsi, dorénavant, lorsque nous demanderons des renseignements, nous insisterons pour que les gens ne laissent pas des lignes en blanc. S'ils n'indiquent pas de rémunération, ils devront inscrire «nous ne payons personne»; autrement, nous ne pouvons savoir s'ils n'ont pas versé de rémunération ou s'ils ont tout simplement décidé de ne pas donner cette information pour l'année en question.

Nous en ferons le suivi. Je suis certain qu'une surveillance accrue de la déclaration de renseignements se traduira, d'une part, par un plus grand nombre de révocations, mais surtout par une meilleure information pour ceux qui désirent en savoir plus sur les organismes de bienfaisance et sur ce qu'ils font.

M. Bryden: Je vous remercie.

La présidente: Nous disposons d'une certaine latitude; peut- être que M. Gilmour peut avoir son tour, et si vous avez d'autres questions...

M. Gilmour.

M. Gilmour (Comox - Alberni): Je serai bref, parce que j'aimerais entendre le point de vue de John; il est visiblement plus au fait de la situation que nous.

Je partage l'opinion de M. Bryden sur la responsabilisation. À mon avis, lorsqu'un groupe qui gère des fonds ne fait pas l'objet d'une surveillance ou d'un contrôle, on a le sentiment qu'il est libre de faire ce qui lui plaît. Toutefois, s'il y a une forme quelconque de surveillance, il sait qu'il peut faire l'objet d'une vérification ou d'un examen. Je crois que c'est là un élément de dissuasion dont on ne peut se passer.

J'ai un bon exemple - sans mentionner de noms - dans ma circonscription sur l'île de Vancouver, d'un groupe qui n'était pas, de toute évidence, sur le droit chemin; une organisation à but non lucratif qui recevait des subventions gouvernementales et des cotisations de membres et qui, s'il avait été une entreprise privée, aurait été à la limite de la fraude. Nous devons disposer de moyens pour mettre ces gens pratiquement en laisse et les obliger à rendre des comptes.

C'était un genre de préambule. Voici ma question: de quelle proportion des organisations à but non lucratif - si nous retranchons la portion inférieure des gens qui sont exemptés - parlons-nous? Est-ce la moitié qui doivent produire une déclaration ou le quart? Il y a bien sûr la portion inférieure, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas tenus de faire une déclaration, mais quelles sont les proportions?

M. Lefebvre: En toute franchise, je ne crois pas que nous disposions de chiffres fiables. La seule chose - et c'est à l'état embryonnaire, encore une fois - que nous avons commencée... La loi a été adoptée en 1993; la première année de déclaration était donc probablement 1994-1995 et nous avons reçu 5 000 déclarations. C'est encore une fois en tenant compte des limites de 10 000$ pour le revenu de placement ou de 200 000$ pour la valeur des actifs. Les organisations à but non lucratif, notamment les petites ligues, sont présentes dans toutes les communautés, et il est difficile d'avoir des chiffres exacts sur leur nombre au Canada.

M. Gilmour: C'est bien.

Une voix: John, c'est ta chance de te reprendre.

M. Bryden: Seulement, s'il n'y a personne d'autre...

La présidente: Monsieur Harvard.

M. Harvard (Winnipeg - St. James): J'ai quelques observations à faire et ensuite, si John veut parler à nouveau, je n'ai aucune objection.

Premièrement, je crois que nous sommes tous préoccupés par la question de responsabilisation. Chaque fois que des fonds publics sont en jeu, que des fonds publics sont dépensés, nous voulons savoir exactement comment ces fonds sont dépensés, de façon à pouvoir dire qu'ils ont été bien dépensés.

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Je crois toutefois que nous devons, en même temps, nous assurer de ne pas aller trop loin. Je vous cite en exemple le vieux cliché du grand frère. En tant que membres du gouvernement, nous pouvons devenir trop curieux, trop fureteurs, trop étouffants, mais nous ne devons pas oublier à qui nous avons affaire. Nous avons affaire à des organismes de bienfaisance et à des organisations à but non lucratif. Autant que je sache, la plupart sont dignes de confiance. Nous parlons de l'Armée du salut et d'autres organisations de ce genre.

Je crois que nous devons nous demander si nous n'avons pas atteint un équilibre raisonnable, afin de faire en sorte que les intérêts des organismes de charité et des organisations à but non lucratif soient protégés tout comme ceux des contribuables et du grand public. Je suis l'un de ceux qui croient que nous avons atteint cet équilibre raisonnable.

Je crois qu'il convient de mentionner que les organismes de bienfaisance ont quand même assez bien accueilli les modifications apportées par Revenu Canada. Je crois que cela montre qu'ils sont sensibles à ces enjeux et qu'ils veulent être aussi responsables que possible, sans avoir à révéler absolument tout ce qu'ils font et disent.

Nous avons fait un bon bout de chemin avec cette question depuis la présentation du projet de loi C-224. Je crois que Revenu Canada et M. Bryden méritent tous deux les éloges du comité. Revenu Canada a pris nos préoccupations au sérieux et a visiblement pris des mesures là où c'était possible, pour la plupart dans le secteur des organismes de bienfaisance puisque, si je comprends bien, s'il y a des modifications et des ajustements à faire dans le secteur des organisations à but non lucratif, cela n'est pas de son ressort. Ces changements relèvent plutôt de la Loi de l'impôt sur le revenu et de la Loi sur la protection des renseignements personnels; alors c'est vraiment hors de sa compétence.

Je crois donc que le comité peut être fier d'avoir fait un peu de progrès, mais bien sûr c'estM. Bryden qui mérite ces éloges, puisque c'est lui qui a soulevé la question. J'ose espérer qu'à ce moment-ci, nous pourrons dire qu'en effet nous avons fait beaucoup de chemin, que nous avons fait le travail et qu'il n'y a aucune raison que le projet de loi aille plus loin.

Je crois que la Chambre des communes doit être informée de ce que nous avons fait, plus particulièrement de ce que vous avez fait, à titre de ministère du gouvernement. Je serais favorable à un rapport quelconque. J'ai le sentiment que nous ne devons pas aller plus loin parce que le travail a été fait.

C'est tout ce que j'ai à dire pour le moment, mais je crois que John a des choses à ajouter.

M. Bryden: Je vous remercie aussi pour vos commentaires et je les reprendrais à mon compte dans une large mesure. Je crois qu'il y a encore beaucoup à faire. D'importants enjeux demeurent dans le secteur à but non lucratif et je continuerai à les examiner, mais j'estime que le projet de loi C-224 ou C-262, quel que soit le nom que vous lui donnez, a eu des résultats qui dépassent tout ce qu'un simple député aurait pu espérer obtenir d'une proposition de loi qu'il soumet.

Il a eu, de toute évidence, un effet sur l'établissement d'un programme de changement. C'est surtout grâce à la coopération de Revenu Canada et à sa réceptivité, puisqu'un projet de loi émanant d'un député, de par sa nature même, est très inexact et incomplet. C'est comme décocher une flèche dans les airs et espérer qu'elle atteigne une cible quelque part.

Il semble ici que nous ayons atteint une cible quelconque, et je crois que vais suivre la suggestion de M. Harvard. Je serais personnellement très heureux si le comité faisait parvenir un message quelconque à la Chambre des communes pour lui dire que la question du projet de loi C-262 a été réglée d'une façon très appropriée. Le projet de loi a accompli des choses importantes et c'est sans doute aussi loin qu'il pourra aller. Je crois que nous en sommes maintenant à une autre étape, qui nous amènera à examiner les enjeux plus vastes que vous avez effleurés aujourd'hui.

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Il n'y a rien de plus que je puisse dire, sauf vous remercier. Après maintenant dix-huit mois, le moment est venu de laisser le projet de loi C-262 derrière nous. Mais je puis vous assurer que vous n'avez pas fini d'entendre parler de moi.

La présidente: Vous finissiez sur une note plutôt positive, jusqu'à cette dernière remarque lourde de menaces.

Y a-t-il d'autres commentaires ou questions?

M. Malhi (Bramalea - Gore - Malton): Oui, j'ai une question. J'ai cru comprendre que certaines organisations à but non lucratif sont tenues de produire chaque année une déclaration de renseignements, tandis que d'autres ne le sont pas. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi il y a une différence?

M. Lefebvre: Je suppose que c'est parce que nous ne voulions pas imposer de fardeau inutile. Comme je l'ai mentionné, les organisations à but non lucratif sont présentes dans toutes les communautés canadiennes. Elles comprennent toutes les associations - encore une fois, je prends l'exemple des petites ligues - qui prolifèrent dans le but d'aider les communautés à l'échelle du Canada. D'un point de vue fiscal, nous leur avons demandé de produire des déclarations de renseignements, mais nous avons décidé d'appliquer une limite, de manière à ce que les très petites organisations n'aient pas à supporter ce fardeau de fournir de l'information au gouvernement qui ne lui soit pas réellement utile. Nous étions d'avis que les organisations à but non lucratif dont le revenu de placement est inférieur à 10 000$ ou dont la valeur des actifs est inférieure à 200 000$ ne présentaient pas d'intérêt du point de vue fiscal. C'est donc simplement parce que nous ne voulions pas ajouter des formalités administratives qui ne servent à rien...

Il serait facile de dire que toutes les organisations à but non lucratif doivent produire une déclaration et de leur imposer des pénalités si elles ne le font pas. Mais pour les raisons que j'ai mentionnées ici aujourd'hui, nous essayons de faire preuve de discernement lorsque nous demandons des renseignements supplémentaires afin de ne pas ajouter de contraintes paperassières aux Canadiens. C'est une décision qui nous semblait raisonnable.

La présidente: Sur cette note positive, je crois que nous avons été témoins d'une performance exemplaire dans la façon dont les représentants de Revenu Canada se sont pliés à tous les désirs du comité. Je vous remercie de votre collaboration.

Sur cette note positive, la séance est levée. Je vous remercie.

M. Lefebvre: Je sais que la séance est levée, mais si nous pouvons être utile pour la présentation d'un rapport à la Chambre, ce serait pour nous un plaisir.

La présidente: On me dit qu'aucun mécanisme proprement dit n'est prévu pour faire une présentation quelconque à la Chambre à l'égard d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Mais je vous remercie de votre offre d'assistance. Nous avons, j'en suis certaine, toutes les raisons de faire encore appel à vos services.

La séance est levée.

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