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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 18 juin 1996

.1538

[Français]

La présidente: La séance est ouverte.

Le plus grand atout de Postes Canada est sa main-d'oeuvre qui comprend quelque63 000 employés. Toute discussion sur l'avenir de Postes Canada est aussi une discussion sur l'avenir de ses employés.

À la suggestion de M. Crête, nous leur avons demandé d'être parmi nous aujourd'hui pour nous présenter leur point de vue. Je vous souhaite la bienvenue et je vous donne la parole.

Nous avons ici deux groupes à qui je demanderais de bien vouloir se présenter.

M. Bernard Choquette (directeur, Association canadienne des maîtres de poste et adjoints (Section du Québec)): Merci. Nous sommes de l'ACMPA, section du Québec. Je m'appelle Bernard Choquette et j'en suis le directeur. Je suis accompagné de Mme Jacinthe Turcotte, vice-présidente de cette même section.

Dans un premier temps, j'aimerais tout d'abord vous remercier, au nom de l'ACMPA, de nous avoir invités ici pour nous permettre d'exprimer notre point de vue sur le sujet.

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Comme vous le comprendrez, notre intervention d'aujourd'hui porte sur la protection de notre service postal, particulièrement en milieu rural.

En effet, l'Association canadienne des maîtres de poste et adjoints représente l'ensemble des employés des bureaux de poste ruraux. Notre section du Québec représente 3 000 travailleurs, si nous comptons aussi le nombre d'employés occasionnels.

Plus de 86 p. 100 d'entre eux sont des femmes. Ces employés sont répartis partout au Québec, que ce soit en Abitibi, en Gaspésie, en Estrie ou en Outaouais. Ils travaillent de façon consciencieuse pour desservir la population de ces régions.

La plus grande préoccupation qu'a vécue l'ACMPA a été la période de rationalisation de l'entreprise de la Société canadienne des postes qui a débuté en 1986. Nous avons alors perdu perdu quelque 350 membres à la suite de la fermeture de 235 bureaux de poste ruraux.

Nous dénoncions à l'époque le fait que l'attrition était le seul et unique critère utilisé par l'entreprise pour justifier la fermeture des bureaux de poste. Nous trouvions ces méthodes plutôt cavalières. Nous ne comprenions pas pourquoi le gouvernement pouvait menacer un service si important, tant à nos yeux qu'à ceux de bien des gens.

Devant ce plan, nous constations que les municipalités perdaient leur représentation et leur contact avec le palier du gouvernement fédéral. Du même coup, les municipalités perdaient une bonne partie de leur identité. Non seulement perdions-nous des membres, mais nous étions aussi à même de comprendre ce que les gens du milieu vivaient; nous étions énormément troublés du départ du maître de poste qui était au centre du service fourni à ces populations.

À la suite des mouvements de contestation, dont celui de la municipalité de Saint-Clément, qui ont été soulevés au Québec, nous avons décidé de sonder le milieu. À notre connaissance, la Société n'avait jamais fait faire d'études d'impact sur les conséquences des fermetures. Nous nous sommes interrogés sur l'impact socio-économique de la fermeture des bureaux de poste en milieu rural.

Nous avons demandé à M. Clermont Dugas, de l'Université du Québec à Rimouski, de préparer cette étude, cela sans que nous le dirigions dans ses démarches. Aucune balise ne lui fut imposée. Nous étions prêts à faire face aux résultats, peu importe ce qu'ils révéleraient.

Nous étions soucieux de connaître les effets réels de la politique mise en place à l'époque. Les résultats de cette étude furent pour nous des plus concluants: ils confirmaient que nos préoccupations étaient justifiées.

Ses grandes lignes mettaient en évidence une grande inégalité dans la prestation d'un service de base considéré universel et l'apparition d'un sentiment d'inquiétude et d'un malaise profond vis-à-vis de la qualité des services publics en milieu rural.

Plusieurs y voyaient une attitude de mépris des autorités politiques à leur égard. La politique de rationalisation créait de nouvelles obligations financières que devaient désormais assumer plusieurs municipalités. Par surcroît, ces obligations étaient imposées aux municipalités les plus pauvres et les plus dépourvues en matière de services collectifs.

La procédure a échappé aux règles de la démocratie. Les personnes concernées étaient à la merci d'administrateurs non élus qui appliquaient une démarche normative aveugle, sans tenir compte des protestations officielles manifestées par voie démocratique.

Nous aimerions souligner qu'un rapport du Comité permanent de l'administration gouvernementale déposé en 1987 en est arrivé sensiblement aux mêmes conclusions que l'étude de M. Clermont Dugas. Les résultats du comité présidé par M. Felix Holtmann ont démontré que les économies potentielles que la Société pourrait réaliser en fermant les bureaux de postes ruraux étaient minimes et que la Société canadienne des postes ne pourrait pas résoudre ses problèmes financiers en fermant les bureaux et en modifiant le service postal.

En terminant, nous citerons les propos de M. Ouellet, alors le ministre responsable des Postes, qui ont encore aujourd'hui beaucoup de sens:

Je cède maintenant la parole à ma collègue, Jacinthe.

Mme Jacinthe Turcotte (vice-présidente, Association canadienne des maîtres de poste et adjoints (Section du Québec)): J'aimerais tout simplement insister davantage sur certains points soulevés par M. Choquette, entre autres la présence fédérale.

Partout dans les régions rurales du Canada, les membres de l'ACMPA établissent un lien fédéral fort apprécié des collectivités.

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Fiers de l'emploi que nous occupons, il nous arrive souvent d'outrepasser notre mandat, de dispenser le service postal en aidant certains clients qui ont à compléter différents formulaires ou en renseignant ces mêmes clients sur les services gouvernementaux.

Le bureau de poste local est souvent le seul service du gouvernemental fédéral offert dans les municipalités rurales.

Depuis que la Société canadienne des postes a entrepris de rationaliser et de privatiser ses opérations, en particulier sous le règne du gouvernement conservateur, l'ACMPA a toujours voulu démontrer que la fermeture des bureaux de poste ruraux allait à l'encontre du bon sens et que la Société canadienne des postes courait à sa propre perte en empruntant cette voie.

Les dernières années ont démontré qu'à plusieurs endroits où on avait installé des franchises postales, le service offert s'est détérioré et est même disparu complètement dans certains cas.

Combien de municipalités ont vu des détenteurs de franchises abandonner le service postal offert dans leur commerce? Combien de municipalités ont vu leurs franchises postales changer d'adresse? Combien de municipalités ont dû prendre elles-mêmes en main les opérations de la franchise, faute de preneurs privés? Combien de municipalités ont vu disparaître complètement les services postaux à la suite de la privatisation? Voilà autant de questions auxquelles pourraient répondre des dizaines de municipalités du Québec qui ont à vivre cet état de fait.

Ces municipalités constatent que leurs citoyens, commerces, PME et travailleurs autonomes n'ont plus droit à un service semblable à celui offert dans d'autres municipalités.

Tous ces gens sont des citoyens canadiens, des contribuables comme partout ailleurs; à notre avis, le service postal canadien doit être universel, d'un océan à l'autre.

Cette situation se solde par des conséquences négatives importantes pour la santé économique des municipalités touchées. D'ailleurs, des dizaines de résolutions d'appui à nos démarches nous sont parvenues des municipalités rurales qui sont desservies par des franchises postales ou qui n'ont tout simplement plus de comptoir postal.

À la lumière de ces faits, nous avons applaudi le gouvernement actuel lorsqu'il a jugé bon d'imposer un moratoire sur les fermetures de bureaux de poste ruraux. Ce geste concret venait, jusqu'à un certain point, donner raison à tous ceux qui s'étaient battus farouchement pour conserver ce service essentiel.

Nous croyons que le service et les responsabilités actuelles doivent demeurer et nous sommes convaincus que la Société canadienne des postes devrait exploiter de nouvelles perspectives puisque sont déjà en place le réseau, les ressources et les compétences nécessaires.

Lorsque nous signalons que nous sommes en mesure d'élargir nos horizons, notre but est que la Société canadienne des postes maintienne son autofinancement.

Pour ce faire, nous, de l'ACMPA, avons toujours soutenu les projets qui visaient à augmenter les services qu'offre la Société canadienne des postes.

Avec le magnifique réseau de distribution qu'elle possède, il est certain que le partenariat est une avenue qu'il faut explorer. À titre d'exemple, nous souhaitons que des expériences semblables à celle tentée l'an dernier avec la Banque nationale soient mises de l'avant.

En effet, la Banque nationale a utilisé des locaux de la Société canadienne des postes au cours de la campagne des REER de 1995. Le projet s'est avéré positif pour les deux parties et nous sommes persuadés que ce genre de projet est viable pour tous les intervenants de la Société canadienne des postes.

Pour terminer, nous sommes conscients que le service postal est appelé à s'adapter aux changements technologiques. À l'heure de l'autoroute électronique, le plus vieux service au monde saura s'adapter, comme il a toujours su le faire au fil des décennies.

Il y aura toujours une place importante pour le service postal à travers le monde.

[Traduction]

La présidente: Merci.

Monsieur Clark.

M. Dale Clark (vice-président national, Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes): Merci beaucoup. Je m'appelle Dale Clark. Je suis vice-président national du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes. Geoff Bickerton, directeur de la recherche, m'accompagne.

Nous sommes heureux d'être invités par le comité à exposer nos opinions sur le service postal. Nous avons remis à la greffière le mémoire, que nous avons présenté à M. Radwanski, qui procède à un examen du mandat de la Société. Pour votre gouverne, nous en avons préparé un sommaire.

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Le syndicat représente environ 58 000 employés de la Société canadienne des postes. Le syndicat est le groupe le plus important représentant les employés de la Société. Nous représentons 41 000 employés réguliers à plein temps et à temps partiel, 9 000 employés temporaires dont bon nombre travaillent à plein temps et 8 000 employés de la médiaposte dont la plupart travaillent deux ou trois jours par semaine.

Notre emploi à la Société canadienne des postes étant notre gagne-pain, l'avenir de la Société nous tient fort à coeur, mais il faut aussi souligner que nous avons joué un rôle majeur lors de la création de la Société. En effet nous avons participé activement à la création de cette société d'État en 1981.

Comme vous le savez, la loi créant une société d'État, la Société canadienne des postes, a été adoptée par les trois partis représentés à la Chambre et appuyée par les syndicats. Depuis, nous n'avons cessé d'inciter la gestion de la Société à mettre tout en oeuvre afin de réaliser les objectifs qui constituent le mandat de la Société canadienne des postes en vertu du paragraphe 5(2) de la Loi. Il s'agit notamment de l'amélioration du service, de l'amélioration des relations de travail et de la poursuite de l'autofinancement. S'agissant de la Société canadienne des postes, il faut à mon avis déterminer si elle a effectivement rempli les trois volets de son mandat depuis 1981.

Sur le plan du service, les résultats sont inégaux. La livraison à temps s'est améliorée. Toutefois, selon nous, un service fondamental est refusé à des centaines de milliers de Canadiens étant donné qu'ils sont privés de la livraison à domicile par facteur. Les services de vente au détail ont également été réduits et bon nombre de collectivités ont perdu leur bureau de poste. Le gouvernement actuel ayant imposé un moratoire, on ne ferme plus de bureaux de poste, mais bien des collectivités ont déjà perdu le leur.

Sur le plan des relations de travail, le passé en dit long. Sous le régime des Conservateurs, la direction des Postes a été chargée de tenter de briser les syndicats. Toutes les unités de négociation ont été contraintes de faire la grève en 1987 et 1988. Les propres données de la Société révèlent qu'elle a perdu plus de 190 millions de dollars en 1987 et plus de 100 millions de dollars en 1991 à cause du recours aux briseurs de grève et à un système postal parallèle.

Toutefois, nous avons signé depuis des conventions collectives. Elles ne prévoient pas de bonnes augmentations de salaire, mais nous avons négocié des améliorations importantes, notamment un comité spécial pour l'expansion du service et la création d'emplois. Pour ce qui est de l'avenir à long terme de nos membres, et de celui de la Société canadienne des postes, nous pensons que ce sont là des gains considérables.

Sur le plan des finances, selon nous la Société canadienne des postes a connu un net succès. En 1981, à la veille de devenir société d'État, elle affichait des pertes de 500 millions de dollars. Cette année, les bénéfices sont déjà de 28 millions de dollars et grossiront encore. À notre avis, c'est un franc succès. Même si notre tarif postal est au deuxième rang parmi les tarifs les moins élevés du monde, la Société n'en connaît pas moins un excédent et nous pensons que cela aussi est un franc succès.

Les Canadiens et les Canadiennes doivent maintenant se demander vers quoi ils se dirigent. Il faut reconnaître que nous sommes sur la bonne voie pour faire de la Société canadienne des postes une entreprise modèle du secteur public et nous pensons que c'est ce dont notre pays a besoin. Nous savons que cela rend certaines personnes mal à l'aise car ce n'est pas ce qu'elles souhaitent. La question qui se pose est que faire d'une société d'État qui est si performante? À notre avis, il ne faut certainement pas la vendre quand elle affiche un bilan aussi positif. Ce serait tout à fait insensé. Ce serait tout à fait absurde du point de vue des services qu'elle rend aux Canadiens et aux Canadiennes. Il faut plutôt, et c'est ce que nous souhaitons, et ce que nous exhortons le gouvernement à faire, l'aider à franchir la distance qui la sépare d'un succès durable pour qu'elle continue d'offrir des services encore meilleurs à l'avenir.

Nous tenons à le faire parce que nous reconnaissons que, même s'il y a eu des volumes records de courrier régulier cette année, on aura de plus en plus recours aux communications électroniques à l'avenir, qu'on le veuille ou non. Nous ne pouvons pas arrêter le progrès. Nous réagissons à cette réalité de plusieurs façons. Le syndicat a exercé des pressions sur la Société canadienne des postes pour qu'elle joue un rôle plus grand dans les communications électroniques et nous avons connu un certain succès. Nous sommes très heureux que la Société commence à la fin du moins de juillet ou au début du mois d'août à offrir l'accès au réseau Internet, à titre d'essai, dans les bureaux de poste de Niagara Falls et de St. Catharines, en Ontario. Il s'agira des premiers bureaux de poste au monde à offrir un accès public à l'inforoute, et nous pensons que c'est capital.

Nous avons également appuyé la conversion d'emplois de facteurs en emplois de courriers motorisés. Cette mesure permet aux facteurs et aux factrices de livrer des colis et des lettres en même temps, ce qui est fort utile aux petites entreprises qui sont en nombre croissant, les membres de notre syndicat y trouvant aussi leur compte puisque la Société canadienne des postes prend de l'expansion.

Le syndicat a aussi appuyé une expérience appelée le programme de relations avec la clientèle dans le cadre duquel les facteurs motorisés font connaître les services de la Société aux petites entreprises. Cette initiative gagnera en importance car il y a de plus en plus d'entreprises à domicile.

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De plus, depuis des années, nous faisons la promotion de l'expansion des services et de la prolongation des heures d'ouverture des comptoirs postaux. Nous avons encore une fois réalisé des progrès de ce côté-là et les heures prolongées sont mises à l'essai à Montréal et à Québec.

Enfin, nous avons travaillé avec la direction pour récupérer à l'interne le travail là où il est économique de le faire. Le gouvernement conservateur avait favorisé la sous-traitance des services d'entretien, de livraison et de la vente au détail, sans tenir compte de la rentabilité de la mesure. Jusqu'à présent, nous avons mené trois expériences, toutes à Edmonton. Nous avons récupéré à l'interne l'entretien d'un grand établissement ainsi que les services de navette par camion à destination des postes de facteurs et entre l'aéroport et le bureau de poste principal. La firme Price Waterhouse a évalué cette opération. Si vous le souhaitez, nous pouvons vous remettre les études qu'elle a produites.

Dans chacun des cas, le service postal épargne de l'argent, grâce à la récupération à l'interne de ce travail. Il en va de même pour les comptoirs postaux. Vous vous souviendrez que les Conservateurs prétendaient que le franchisage offrirait bien des avantages. La question n'est pas réglée. Elle a été soulevée à la Chambre des communes, et les clients et le public en discutent, mais à vrai dire, la Société canadienne des postes elle-même n'a jamais prétendu avoir épargné de l'argent. Elle n'a jamais affirmé cela.

Il y a eu néanmoins une réduction nette des comptoirs postaux et même des franchises. Ce faisant, bien des localités ont perdu leur bureau de poste. La Société canadienne des postes voudrait maintenant accroître les services, notamment les services électroniques et gouvernementaux, mais elle compte moins de points de vente où du personnel compétent pourrait offrir ces services. C'était donc une mauvaise affaire.

Nous espérons que le comité reconnaîtra l'importance de la Société canadienne des postes comme service public. Le plan quinquennal actuel de la Société canadienne des postes prévoit le versement de près de 300 millions de dollars en dividendes au gouvernement. Et selon nous, ce serait commettre une grave erreur car nous pensons que cet excédent devrait plutôt être réinvesti dans des services au public.

Le mandat actuel, qui figure dans la loi, n'exige pas que la Société verse des dividendes au gouvernement ou à qui que ce soit. Il prévoit l'autofinancement, l'amélioration des services, et nous pensons que c'est la livraison à domicile qui devrait être améliorée en premier lieu.

Le plan quinquennal de la Société prévoit qu'elle versera 88 millions de dollars en dividendes en 2001. Cette somme pourrait couvrir le coût de la livraison à domicile à plus d'un million de Canadiens qui sont actuellement desservis par des superboîtes. Ainsi, les services seraient améliorés, des emplois seraient créés dans toutes les localités comportant 2 000 points de remise ou plus. Les deux aspects de cette proposition sont à notre avis importants; l'amélioration du service l'est, mais la création d'emplois est aussi essentielle - des emplois solides, offrant une certaine sécurité.

C'est exactement ce qu'avait recommandé le comité de réexamen du service postal, présidé par M. Alan Marchment, en 1989, et c'est aussi conforme au rapport minoritaire libéral présenté au Comité permanent de la consommation, des corporations et des affaires gouvernementales à l'époque. Nous vous demandons tout particulièrement d'examiner les recommandations du rapport minoritaire préparé par les députés libéraux où ils rejettent l'idée de dividendes car ce n'est pas ce qu'ils souhaitaient voir la Société des postes faire. Ils préconisaient une expansion des services de vente au détail et leurs opinions étaient très semblables aux nôtres en ce qui concerne une expansion des services de livraison à domicile. Toutes ces recommandations, à notre avis, sont tout aussi valables, sinon plus, aujourd'hui.

Pour terminer, nous tenons encore une fois à vous remercier de nous avoir donné la possibilité de vous adresser la parole et de répondre, du moins l'espérons-nous, aux questions que vous pourriez avoir. Malgré les efforts du gouvernement précédent, qui a tenté de miner la réussite du secteur public, la Société canadienne des postes a beaucoup de réalisations à son actif. Avec l'appui du présent gouvernement, nous pourrions offrir le meilleur service postal au monde. Encore une fois, merci beaucoup.

La présidente: Merci, monsieur Clark, nous allons commencer les questions.

[Français]

Monsieur Crête, vous avez la parole.

M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Merci de vos présentations. Il est intéressant d'entendre votre point de vue, étant donné, comme je disais avant la rencontre, que nous nous préparons à étudier les recommandations du rapport Radwanski. Il est donc important que nous recevions tous les points de vue.

Vos deux présentations m'amènent à une question assez générale à laquelle j'aimerais que les deux groupes répondent à tour de rôle. On peut actuellement envisager trois modèles différents pour l'avenir du service postal au Canada. Le premier consisterait en une privatisation totale avec pleine concurrence; c'est-à-dire qu'on déciderait que n'importe qui peut aller sur le marché postal et on permettrait à UPS et à d'autres firmes d'intervenir.

Le deuxième modèle, qui nous a été présenté la semaine dernière ou la semaine précédente, serait ce qu'on appellerait la privatisation, mais avec un monopole; c'est-à-dire qu'on confierait à une seule société privée l'ensemble du service postal. Au lieu d'avoir une société de la Couronne, nous aurions une entreprise privée qui aurait le monopole sur tout le programme et, nous dit-on, on pourrait maintenir le même niveau de service partout au Canada.

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Le troisième modèle que j'envisage serait celui d'une Société canadienne des postes qui soit tournée vers l'avenir et qui se penche sur les options qui s'offrent à elle afin de pouvoir face auXXIe siècle.

J'aimerais que vous précisiez les conséquences possibles de ces trois options. Un groupe pourrait plus particulièrement nous parler du monde rural et l'autre groupe, du service postal en général. N'hésitez pas à présenter vos vues de façon très globale et précisez votre vision d'avenir, particulièrement face à une Société canadienne des postes que nous maintiendrions et dont nous déciderions d'élargir le mandat.

Par exemple, quels types de services gouvernementaux pourraient être donnés dans un bureau de poste? Y a-t-il de la place pour que le ministère du Développement des ressources humaines traite des demandes d'assurance-chômage, des pensions de vieillesse ou d'autres éléments de ce type? Selon vous, quelle serait la meilleure de ces trois options en vue de nous assurer un service postal de qualité au Canada?

La présidente: Dois-je déterminer l'ordre de vos interventions?

Une voix: Ladies first.

La présidente: Madame Turcotte, est-ce que vous voulez commencer?

Mme Turcotte: Oui. Je crois avoir déjà effleuré la question de la privatisation totale et précisé que certains endroits n'ont plus de bureau de poste. On peut donc parler de privatisation totale dans ces cas.

Un danger menace certaines municipalités qui ont une sorte de service un peu bizarre comparativement à d'autres municipalités dont le bureau de poste est encore bien fonctionnel.

Je pourrais vous donner l'exemple d'une situation que je vois couramment au bureau de poste où je travaille. Des transporteurs privés qui partent de Montréal pour aller livrer des colis à différents endroits arrêtent à notre bureau de poste, paient l'affranchissement et nous chargent de continuer l'acheminement.

Ils ne sont pas intéressés à se rendre dans les petites municipalités. J'ignore si les gens sont conscients de cette situation qui se produit souvent. Ils ne sont pas intéressés à se rendre dans des paroisses éloignées parce que ce n'est pas rentable pour eux.

J'entrevois toujours un danger pour le milieu rural, puisque qu'on profite déjà de notre réseau. Qu'arriverait-il aux petites municipalités éloignées si nous privatisions totalement? Si j'étais chef d'entreprise, je serais peut-être plus intéressée à offrir un service Montréal-Québec qu'un service Montréal-Saint-Glin-Glin ou Montréal-Saint-Clément, bien que je préfère ne pas préciser de noms de municipalité. On peut le comprendre.

Quant à la privatisation avec monopole, j'ai peine à imaginer ce que ça pourrait donner. Je n'en ai aucune idée. Qu'en dites-vous, Bernard?

M. Choquette: Je soutiens que le bureau de poste devrait être la porte d'entrée ou l'ouverture du gouvernement fédéral partout au pays. On retirait dernièrement les formulaires de pension de vieillesse des bureaux de poste, mais les gens continuent de nous les demander.

On a retiré les demandes de passeport, les formulaires d'assurance-chômage et une foules de choses semblables. Pour toutes ces choses, le gouvernement aurait tout avantage à utiliser les locaux qui sont à sa disposition et les employés en place dans tous ces bureaux qui connaissent tous très bien les besoins de la population et qui pourraient devenir automatiquement de fiers représentants du gouvernement à ce niveau.

À mon avis, la privatisation ne pourrait pas assurer à l'ensemble des citoyens leur droit à un service équitable et égal partout au pays.

Selon moi, c'est évident et clair au départ. Ce sont les grandes lignes de notre pensée. Nous préférons ne pas envisager l'éventualité d'une privatisation totale. Je pense que ce serait une catastrophe.

.1605

[Traduction]

M. Clark: Je pense que le débat est ouvert sur le sort de l'excédent budgétaire de la Société canadienne des postes. Il s'agit de déterminer à quoi cet excédent sera consacré. Manifestement, si la Société est privatisée, et qu'il y a des bénéfices, l'excédent se retrouvera entre des mains privées. Ce n'est pas la chose à faire à mon avis, compte tenu du fait que c'est la population canadienne qui a payé pour les services postaux.

Je pense que s'il y a privatisation totale, le travail le plus simple à faire sera fait, en d'autres mots, le transport du courrier et de produits divers vers les grands centres. Je ne pense pas qu'une entreprise privée voudra maintenir les mêmes tarifs postaux que la Société canadienne des postes dans le nord du Manitoba par exemple. Je ne le pense pas.

Je suis également quelque peu préoccupé par une éventuelle privatisation étant donné que la Société détiendrait toujours un monopole. Il faudra alors déterminer qui aura droit aux bénéfices. Tant que l'entreprise demeure entre les mains du gouvernement, nous pouvons discuter de l'excédent budgétaire. Encore une fois, à notre avis, cet argent devrait servir à offrir plus de services et de meilleurs services.

Nous partageons certaines des mêmes craintes que nos collègues de l'Association des maîtres de poste puisque nous représentons des membres dans les régions rurales - des centres un peu plus grands dans la plupart des cas. Or, au cours de nos déplacements avec M. Radwanski, nous avons été à même de constater que les Canadiens des régions rurales sont très inquiets de l'avenir si la Société canadienne des postes devait perdre son monopole ou être privatisée.

On peut voir, même dans les plus grands centres, le même genre de choses que dans les petits; les entreprises privées ne s'y intéressent pas ou utilisent les services de la Société canadienne des postes.

Si vous vous rendez dans un bureau de poste le matin, dans une grande station postale, vous verrez les entreprises privées faire la queue pour mettre à la poste le courrier à destination des régions rurales. Si le service est complètement privatisé, on ne verra même plus cela. Je pense que les régions rurales seront très durement touchées.

Si la possibilité existe que la Société canadienne des postes demeure dans le secteur public et produise un excédent budgétaire, ce qui semblerait être le cas, nous pourrions envisager d'offrir la livraison à domicile dans les régions où cela n'existe pas actuellement, dans les localités de10 000 habitants ou plus. Il y a beaucoup de localités de 10 000 habitants et plus qui ne disposent pas maintenant du service à domicile.

Nous pourrions alors songer à augmenter le nombre de services gouvernementaux, à les offrir dans plusieurs endroits où il n'y a pas actuellement de bureau représentant le gouvernement fédéral.

Nous essayons actuellement de nous entendre avec la Société canadienne des postes en vue d'un projet à Grand Falls au Nouveau-Brunswick. C'est justement dans le but d'offrir des services gouvernementaux au bureau de poste.

Je pense que les organismes gouvernementaux ou les sociétés d'État sont beaucoup plus ouverts à ce genre de choses que les grandes sociétés et la Société canadienne des postes serait une grande société si elle était complètement privatisée. Il faudra également des capitaux énormes pour réaliser cette privatisation. Je ne sais pas si dans un tel cas, l'entreprise serait aussi disposée à s'entendre avec le gouvernement qu'un organisme gouvernemental, soit une société d'État.

Il est évident donc que nous estimons que la Société canadienne des postes doit demeurer une entreprise publique. À notre avis, il faut lui permettre de prendre de l'expansion afin de nous assurer que l'entreprise aura des sources suffisantes de revenu pour offrir le service dans des endroits comme le Nord et les régions rurales où il est difficile de faire des bénéfices.

[Français]

M. Crête: Vous savez que les gens ont souvent une vision folklorique de relations de travail très difficiles dans le secteur postal, où un nombre record de griefs et de choses semblables étaient déposés. Je sais toutefois que lors des dernières négociations, des conventions collectives ont été signées dans les délais prévus.

Est-ce que vous pourriez nous parler un peu plus des initiatives prises par l'un ou l'autre groupe en vue de contribuer à l'action de la Société et de démontrer les approches dynamiques de vos employés, qui se traduisent actuellement par un taux de satisfaction intéressant à la Société des postes? La Société rendait public un sondage très volumineux qui indiquait des taux de satisfaction assez élevés chez les employés.

Dites-nous s'il y a des initiatives en ce sens. J'ai pour ma part assisté à une présentation donnée à Kanata par des gens du syndicat qui parlaient d'un système de facteurs motorisés et d'autres questions du genre. Si vous connaissez de tels exemples, j'aimerais que vous nous les donniez.

[Traduction]

M. Clark: Je pense qu'il est tout à fait approprié que le représentant du STTP réponde d'abord à ces questions sur le climat des relations de travail à la Société canadienne des postes. Nul n'ignore le nombre de conflits industriels qu'on a pu voir au fil des ans. Toutefois, au cours des deux dernières séries de négociations, la situation a été tout à fait différente.

Après notre retour forcé au travail en 1992, nous avons fait des ouvertures à la Société canadienne des postes, nous avons dit que nous voulions négocier, parce qu'il n'était pas dans l'intérêt de nos membres qu'une tierce partie tranche le conflit ou que cela dégénère en un long conflit industriel. En effet, nos membres en subissent une perte financière plus importante que pour quiconque d'autre. D'autres sont également touchés, je le sais, mais ce sont nos membres qui le sont avant tout.

.1610

Nous avons réussi à négocier une convention collective. Je pense que la Société canadienne des postes s'est rendu compte qu'un conflit n'était pas non plus dans son intérêt.

Depuis que la Société des postes est devenue une société d'État, les parties ont dû régler leurs propres différends. Les deux parties, du moins jusqu'à présent et nous espérons à l'avenir, n'ont pas voulu inclure une tierce partie. À long terme, cela n'améliore en rien le moral de la Société si les conventions collectives sont imposées par une tierce partie, même s'il s'agit du gouvernement. Si nous pouvons régler la situation nous-mêmes, c'est préférable, car ainsi les travailleurs ont l'impression de participer à l'entente conclue.

Comme je l'ai dit, nous ne pensons pas avoir très bien réussi sur le plan de la rémunération, mais ces derniers temps, nous nous en sommes bien tirés sur le plan de la sécurité d'emploi, aspect important maintenant et à l'avenir. Nos membres se préoccupent beaucoup de l'avenir, vu le courrier électronique, l'évolution dans l'expédition du courrier et la concurrence intense faite aux bureaux de poste.

Nos membres ont été très heureux au cours de la dernière série de négociations de ce que nous avons réalisé au niveau de l'expansion du service. Nous avons notamment participé à un grand projet sur les courriers motorisés. La Société canadienne des postes nous a demandé si nous voulions motoriser la livraison du courrier et donner des véhicules à un plus grand nombre de postiers. La Société voulait le faire parce qu'elle considérait qu'elle réduirait ainsi certains de ses coûts à long terme. La raison véritable cependant, c'était l'image de marque que la Société recherchait dans la communauté. Elle pensait aussi réduire ainsi ses coûts puisqu'au lieu d'avoir un groupe responsable de la livraison des paquets et du ramassage du courrier dans les boîtes au coin des rues et un autre groupe responsable de la livraison à domicile, un seul groupe pourrait faire les deux. Nous avons jugé qu'il était important de collaborer et de tenter de nous entendre avec la Société canadienne des postes, car nous considérons que c'est la voie de l'avenir.

Les analystes nous disent que le nombre d'entreprises à domicile va augmenter. Nous entendons beaucoup parler de personnes qui travaillent chez elles et du fait que la petite entreprise stimule l'économie. S'il en est ainsi, il faut que la Société canadienne des postes possède l'infrastructure qui lui permettra d'offrir le service à ces petites entreprises à domicile et ce, de façon économique. Nous voyons donc là une possibilité.

C'est tout à fait différent, je pense, pour les deux parties de comprendre que malgré nos différences, nous pouvons nous entendre dans le cadre de la négociation collective tout comme cela se fait dans d'autres entreprises et que nous pouvons, pendant la durée d'une convention collective, continuer ensemble à travailler pour le compte de l'entreprise en augmentant ses revenus et sa présence sur le marché tout en assurant la sécurité d'emploi à long terme.

Nous avons beaucoup appris des discussions à ce sujet avec nos membres, car ce n'était pas l'approche que nous avions adoptée. Nous avons relevé le défi, parce que nous savions que c'était essentiel pour l'avenir et que c'était à l'avantage de tous, si les parties pouvaient vraiment s'entendre. Plus nous nous parlons entre les périodes de négociations, plus nous pouvons espérer conclure une nouvelle convention collective comme nous l'avons fait la dernière fois. Pour la première fois dans notre histoire, nous avons conclu une convention collective avant l'expiration de la précédente, sans grève, à l'avantage de tous.

Nous espérons, à l'approche des négociations, que les parties pourront résoudre leurs différends et tenter de trouver des façons d'augmenter les services actuels. Évidemment, c'est à l'avantage de nos membres, et nos membres le comprennent.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Choquette, vous aimeriez ajouter quelque chose? Madame Turcotte?

Mme Turcotte: Oui. J'aimerais préciser, et ce n'est sûrement pas un secret pour personne, que le groupe que nous représentons n'est jamais allé en grève. Au départ, ceci doit être très clair.

Le seul moment où nous avons été un peu plus turbulents a été lors de la fermeture de nos bureaux. Encore là, la turbulence n'émanait pas de nous, mais des populations qui nous appuyaient dans nos démarches, qui croyaient vraiment que nous devions faire partie du milieu.

La Société canadienne des postes a donné des cours de formation à nos maîtres de poste qui ont contribué à faire en sorte que les gens voient le bureau de poste un peu comme leur propre entreprise. Ils ont fait la visite d'entreprises commerciales pour voir s'ils avaient le bon produit et s'il était adapté à leurs besoins. Ces initiatives sont un phénomène relativement nouveau.

De nombreuses personnes de notre groupe mettent sur pied des ateliers de philatélie dans les écoles de façon bénévole et ça nous fait plaisir de le faire. Nous enlevons nos oeillères. Nous sommes ouverts à toutes sortes de choses. J'ai tout dit.

.1615

M. Choquette: En terminant, je pourrais ajouter que depuis que le moratoire a été décrété, la Société canadienne des postes et l'ACMPA fonctionnent main dans la main en vue de trouver ensemble des solutions visant à rentabiliser encore davantage la Société canadienne des postes.

En fin de compte, nous visons le même but.

La présidente: Merci.

Je crois que c'est un but que nous essayons tous d'atteindre.

Monsieur Gilmour.

[Traduction]

M. Gilmour (Comox - Alberni): Merci. J'aimerais poser une question aux deux groupes.

Compte tenu du climat conjoncturel - et vous en êtes partie prenante - la réduction des effectifs est fort répandue dans la plupart des entreprises et, en fait, dans la plupart des ministères. Qu'est-ce qui vous attend à cet égard? Croyez-vous qu'il y aura des réductions d'effectifs? Comment comptez-vous faire partie de la solution? Est-ce que la Société canadienne des postes accepte bien vos divers points de vue à la table des négociations?

[Français]

M. Choquette: Nous faisions plus tôt allusion au projet de la Banque nationale lors de la campagne des REER. Nous avons discuté ensemble de ce projet qui a permis à des employés de nos bureaux de travailler davantage et à la Banque nationale d'y trouver son compte. Les deux parties en sont sorties gagnantes.

Du point de vue de l'ACMPA, certaines clauses de nos conventions permettent jusqu'à un certain point à la Société de faire une rationalisation en réduisant les heures de certains employés ou de prendre d'autres mesures. La rationalisation se fait graduellement et de façon humaine, et je pense que c'est bien ainsi.

[Traduction]

M. Clark: En ce qui concerne la réduction des effectifs, je ne pense pas qu'il faille parler de principe, même s'il s'agit d'une tendance générale. Il faut pouvoir la justifier. Est-ce approprié ou non? Dans certains cas, c'est peut-être approprié pour l'entreprise, mais dans d'autres cas, cela ne l'est pas.

À la Société canadienne des postes, les volumes augmentent, et le volume du courrier augmente constamment malgré la faiblesse de l'économie. Le volume du courrier augmente parce que la population augmente constamment, voilà la réalité. C'est un peu différent des autres secteurs.

Il y a eu quelques réductions d'effectifs, mais je pense qu'il faut tenir compte du pourcentage de courrier acheminé et livré par employé. Ce pourcentage figure dans notre mémoire, et dans le résumé. La productivité a augmenté. D'une certaine façon, on pourrait dire qu'il y a eu réduction, vu le volume de courrier traité.

Par exemple, en 1981, lors de la création de la société d'État, on y traitait 210 articles à l'heure. Ce chiffre est passé à 334 articles. C'est important. Il en va de même pour les points de levée du courrier. En 1981, c'était 41; en 1993, on en est presque à 54.

La productivité a augmenté. À mon avis, c'est ce que devrait viser toute réduction d'effectifs. Ce n'est pas réduire, pour le principe même. On préconise les réductions d'effectifs comme moyen d'augmenter la productivité. Or à la Société canadienne des postes, nous avons obtenu ces gains de productivité.

Il faut dire que la Société jouit d'une certaine latitude. Elle peut compter sur 9 000 travailleurs temporaires qui sont disponibles en tout temps et peuvent être appelés au travail ou renvoyés selon les besoins. En réalité, ils sont presque constamment au travail car la Société en a besoin. Nous n'avons pas, quant à nous, réussi à leur obtenir le statut de travailleurs réguliers pour une durée indéterminée.

M. Gilmour: Je m'adresse aux représentants du syndicat. Comme ma femme a été employée temporaire sur l'île de Vancouver avant que je ne devienne député, je connais un peu la situation des travailleurs des postes car elle ramènerait à la maison des histoires tout à fait instructives.

.1620

Revenons à la table de négociations. C'était mon milieu de travail autrefois et j'y ai été à plusieurs reprises. Vous laisse-t-on jouer un rôle valable? Vous permet-on de jouer un rôle valable ou avez-vous l'impression que vous assistez à un dialogue de sourds, personne de l'autre côté ne se souciant de vous écouter? S'agit-il d'un travail d'équipe ou est-ce sans cesse une confrontation qui ne mène nulle part?

M. Clark: Je pense qu'il existe encore à la Société des dinosaures qui préféreraient se passer de nous. Par contre, il y a un grand nombre de gens à la Société qui tiennent à notre participation. Nous essayons de faire en sorte que les choses marchent. Il est vrai que nous avons connu des rapports d'adversité pendant très longtemps. Selon ceux à qui vous parlerez, vous aurez une explication différente.

Nous avons reconnu qu'il est nécessaire de parvenir à des accords. C'est ce que nous avons fait lors de la dernière convention collective. Nous nous préparons à négocier de nouveau et nous espérons que la Société reconnaîtra qu'il y va de notre intérêt, comme syndicat, de veiller à ce que la Société canadienne des postes soit viable à long terme, sur le plan financier comme sur les autres plans.

Nous pensons avoir réussi à en convaincre les dirigeants de la société. Il y a assurément une chose que nous avons en commun. Nous avons sans doute des divergences d'opinion quant à la rémunération et à la sécurité d'emploi. Nous essayons d'obtenir ce qu'il y a de mieux pour nos membres, assurément, et nous essayons de réduire les coûts. Nous ne nous entendons pas toujours sur ces aspects-là, mais les négociations servent précisément à chercher un terrain d'entente.

Je pense que de plus en plus toutes les parties reconnaissent qu'elles défendent le même intérêt, à savoir la viabilité à long terme de la Société. Il se peut que nous ne nous entendions pas sur le statut public ou privé de la Société. La haute direction ne défend pas très vigoureusement la nécessité d'un service postal public. Cela nous préoccupe car nous pensons que sa viabilité à long terme passe par là.

Outre cela, nous pensons que les éléments habituels des négociations vont être soulevés: les écarts de rémunération, les avantages sociaux, la sécurité d'emploi. Mais ce qui est vraiment essentiel, c'est d'avoir un point de vue commun. Nous allons devoir poursuivre le travail entrepris lors des deux dernières séries de négociations.

M. Gilmour: Je voudrais adresser une dernière question aux représentants des deux groupes. Les uns et les autres, vous avez fait l'objet de l'examen qui est en cours. J'aimerais que vous me disiez ce que vous pensez de cet examen, s'il est superficiel, si je puis dire, ou s'il est réel, s'il débouchera sur des solutions concrètes.

[Français]

Mme Turcotte: Je m'excuse, mais je semble être la seule qui n'avait pas fini d'attendre la question.

Finalement, je me demande si avant de sabrer dans le réseau, d'anéantir ce qui est déjà là et de remercier des gens fiers de travailler pour l'entreprise, on ne pourrait pas essayer de maximiser le système actuel. Je reviens toujours sur ce point.

Je dois vous dire que ça va très très bien avec la Société. Il nous arrive parfois même d'inviter nos membres à nous faire part de leurs idées en vue d'augmenter les capacités du réseau afin que nous puissions les transmettre aux dirigeants de la Société avec qui nous avons établi de bons liens et qui sont ouverts à cette approche.

Comme je le disais, le réseau est là. Avant de l'anéantir, essayons de voir ce qu'on peut faire en vue de maximiser les revenus et les autres aspects. Je n'ai jamais été fermée à quelque idée que ce soit. Si nous nous réveillions un jour et constations que rien ne marche, nous serions capables d'admettre que nous avons essayé et que rien ne marche.

Mais avant de couper les bureaux et tout le reste, il faut y penser sérieusement. C'est aussi simple que ça. Cela doit être ainsi parce que je suis mère de famille.

[Traduction]

M. Clark: J'ai assisté à presque toutes les audiences, faisant tantôt un exposé, me contentant d'écouter le reste du temps. Ce fut toute une expérience. M. Radwanski a posé des questions épineuses aux représentants du syndicat, aux dirigeants de la Société, aux concurrents et aux représentants du grand public.

Nous avons une inquiétude. En effet, l'examen a porté essentiellement sur les régions urbaines. Je sais que certains groupes se sont rendus dans les régions rurales. Toutefois, nous pensons qu'on aurait dû tenir des audiences dans les régions rurales. Nous en sommes convaincus. Ce sont les populations des régions rurales du Canada qui y perdront le plus si la Société doit quitter certains marchés rentables. Nous souhaitons qu'on en parle énormément car cela nous inquiète.

Les questions qu'on nous a posées étaient tout à fait pertinentes. Je ne pense pas qu'elles l'aient été pour la frime. Je pense qu'il s'agit d'un véritable examen.

.1625

Nous avons exposé certaines inquiétudes. Nous avons constaté que notre syndicat et les autres syndicats qui représentent les travailleurs et les travailleuses de la Société canadienne des postes - et il y en a trois - ont défendu avec plus de conviction la nécessité d'un service postal public, avec service amélioré à l'intention des Canadiens et des Canadiennes, que ne l'a fait la Société canadienne des postes elle-même.

On a rapporté, et vous l'avez certainement entendu dire, que les représentants de la Société canadienne des postes avaient fait preuve d'arrogance à l'égard de leurs concurrents et de certaines petites entreprises. Nous avons pu constater cela nous-mêmes et nous avons bien dit à M. Radwanski qu'étant donné cette situation, il pouvait très bien exiger que la Société cesse d'agir ainsi. Il n'est pas nécessaire de modifier la loi pour mettre un terme au comportement de certains gestionnaires.

Dans l'ensemble, on s'est, à mon avis, livré à un examen exhaustif, sauf qu'on n'a pas assez pris en compte les préoccupations des Canadiens et des Canadiennes vivant dans les régions rurales.

M. Gilmour: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci, monsieur Clark.

Monsieur Harvard.

M. Harvard (Winnipeg - St. James): Merci, madame la présidente. Je remercie également les représentants des deux groupes qui sont venus témoigner aujourd'hui. J'ai beaucoup aimé leur témoignage.

Tout d'abord, d'une manière assez inexplicable, on constate qu'il y a quelque chose de magique dans le service postal, que c'est toujours une fête quand on trouve quelque chose dans sa boîte aux lettres.

Une voix: Nous allons certainement vous écrire.

M. Harvard: Toutefois, je dois dire que j'en ai plutôt assez de recevoir des lettres qui disent «John Harvard, vous venez de gagner 10 millions de dollars» alors que je sais que ce n'est absolument pas vrai...

Une voix: Dans certains cas, il s'agit d'oeuvres caritatives.

M. Harvard: L'un d'entre vous a fait allusion au fait que l'on pourrait multiplier les services offerts dans les bureaux de poste, à la campagne comme en ville. Je pense que c'est une bonne idée - le bureau de poste deviendrait plus ou moins un centre de représentation pour le gouvernement du Canada. Même une fois que les réductions seront accomplies, l'appareil gouvernemental sera quand même très important et je pense que bien des citoyens au Canada ne savent toujours pas ce que fait le gouvernement fédéral. Dans certains cas, ils en ont une idée générale, mais ils ont des lacunes, quand il s'agit des détails.

Par exemple, nous avons entendu ici un exposé de la part des représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Ils se plaignaient notamment du service des invitations ouvertes à soumissionner qu'offre le gouvernement fédéral. Cette fédération représente des petites entreprises et elle se plaignait que ces dernières ne connaissent pas assez bien le service. À mon avis, si, au bureau de poste local, on pouvait trouver une sorte de «bibliothèque» répertoriant tous les services que le gouvernement fédéral offre, ce serait extrêmement utile. Si je propose cela, c'est parce que je sais que le bureau de poste est un lieu de rencontre, c'est une place publique.

Il existe bien des bureaux fédéraux, un bureau environnemental, d'autres bureaux aussi, mais ils n'offrent pas la même caractéristique qu'un bureau de poste, c'est-à-dire le pouvoir d'attirer des gens. Cela est particulièrement vrai dans un centre rural. Le bureau de poste pourrait devenir, ce qu'il est sans doute déjà dans les régions rurales, le véritable centre de la ville. Je pense que l'idée de transformer le bureau de poste en centre du gouvernement fédéral est excellente. Ces centres pourraient arborer le drapeau canadien et tout le reste. C'est en tout cas ce que je préconise.

Je vais vous poser une question, car je suis un citoyen ordinaire, propriétaire d'une maison où il y a livraison à domicile. Je ne sais pas si je suis le seul à penser cela, mais il ne m'est jamais venu à l'idée qu'il faudrait un service postal accru, avec livraisons plus fréquentes, à domicile. Je suis tout à fait content du service tel qu'il est offert actuellement, malgré ces lettres qui me disent que j'ai gagné 10 millions de dollars. Pourquoi voudrait-on intensifier le service de livraison à domicile? Peut-on m'expliquer cela?

M. Clark: Nous voudrions instaurer la livraison à domicile dans les secteurs où elle n'existe pas encore. À cause de la politique adoptée par la Société canadienne des postes, dans bien des localités, on trouve de petits cul-de-sac où il n'y a pas de livraison à domicile alors que dans toutes les rues avoisinantes, il y en a. Dans certaines localités, tout nouveau lotissement est automatiquement exclu de la livraison à domicile.

Les gens prennent l'habitude de compter sur les services qu'on leur offre. En Europe, il est très courant de trouver des livraisons deux fois par jour, mais ce n'est pas ce que nous réclamons. Au Canada aussi, encore assez récemment, les entreprises, partout, recevaient leur courrier deux fois par jour. Il y a eu des changements graduels et à mon avis, le système s'en trouve amoindri.

.1630

Nous préconisons que les excédents de recettes provenant du service postal servent à lui donner de l'expansion, dans les secteurs où actuellement, il existe ce que l'on appelle les «superboîtes».

Geoff, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Geoff Bickerton (directeur de la Recherche, Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes): Oui. Il en coûte 63$ de moins par année à la Société canadienne des postes pour faire livrer le courrier à une superboîte plutôt que par un facteur à domicile.

Actuellement, au Canada, 600 000 résidences reçoivent leur courrier livré dans des superboîtes, pas tout à fait à leur porte. Il en coûterait au total 40 millions de dollars pour donner à ces 600 000 résidences un service de livraison à domicile, c'est-à-dire à peu près la moitié de ce que la Société canadienne des postes compte verser en dividendes au gouvernement en 2001.

Nous ne préconisons pas que toutes ces résidences reçoivent sur-le-champ leur courrier à domicile. Nous prétendons que la Société canadienne des postes a un bilan excédentaire, et qu'une partie de ces bénéfices devraient être utilisés pour donner à de plus en plus de Canadiens la même qualité de service postal qu'aux autres pour qu'il n'y ait plus deux catégories de citoyens - ceux qui reçoivent leur courrier à domicile et les autres qui doivent sortir par moins 20 degrés et remonter la rue pour prendre leur courrier.

M. Harvard: Recevez-vous beaucoup de plaintes de la part des gens qui doivent franchir quelques mètres pour se rendre à la boîte aux lettres?

M. Clark: Oui. Il y a quelques années, les plaintes étaient plus nombreuses mais, comme je vous le disais, les gens finissent par accepter leur sort. Et ils ont l'impression qu'il est compliqué de changer les choses. Certaines municipalités - Nepean en est une - ont en fait contesté la décision de la Société canadienne des postes d'installer des superboîtes.

Beaucoup de plaintes viennent des organisations de défense des personnes handicapées et des personnes âgées, surtout en ce qui concerne les localités comme celles d'où je viens, dans les Prairies, qui connaissent des hivers rigoureux. Les superboîtes ne fonctionnent tout simplement pas et pour certaines personnes, il est très difficile de sortir et de marcher pour aller chercher leur courrier. Elles préféreraient qu'on le leur livre à domicile.

M. Harvard: L'un d'entre vous a utilisé l'expression «élargir les horizons de la Société canadienne des postes». Quelqu'un d'autre a parlé de la nécessité de s'adapter à la nouvelle technologie - mais je ne pense pas que vous ayez utilisé le mot «technologie». C'est toutefois ce que j'en ai conclu.

À quoi songez-vous quand vous utilisez de telles expressions? Voulez-vous dire que la Société canadienne des postes passe par une transition considérable et que les gens de la vieille génération ne reconnaîtront plus la Société des postes dans quelques années? La Société subit-elle d'énormes changements? Doit-elle être orientée davantage vers l'informatique? Va-t-elle fournir des services qu'actuellement nous ne reconnaissons pas comme propres aux postes? Qui veut répondre à cette question?

M. Clark: Je pense que nous allons constater des changements considérables. Je suis à la Société canadienne des postes depuis 1979 et j'ai eu l'occasion de constater des changements à l'intérieur du service et également dans le genre de courrier expédié. Je songe notamment au courrier électronique, qui est essentiellement un outil de publicité. Un gros expéditeur utilise cette forme de courrier et c'est la Société canadienne des postes qui procède à son impression grâce à des listes d'envoi informatisées. Elle s'occupe également de l'acheminement et de la livraison. L'impression se fait directement au bureau de poste.

Quand ce service a été instauré, nous étions très étonnés que la poste puisse s'en occuper. En outre, au fur et à mesure que le courrier électronique acquiert de la popularité et devient plus courant, nous pensons que le nombre des lettres envoyées va s'en ressentir.

Nous ne sommes pas absolument sûrs de ce que nous réserve l'avenir. Nous pensons toutefois que le bureau de poste a certainement un rôle à jouer. Si nous sommes très emballés par le projet d'accès au réseau Internet par l'intermédiaire des comptoirs postaux, c'est que nous savons que bien des Canadiens n'ont pas d'ordinateur et que tous les Canadiens ne sont pas abonnés à Internet. Les choses sont ainsi. Seules certaines couches de la population vont pouvoir s'y abonner.

Nous pensons que la poste a un rôle à jouer pour garantir l'accès universel à ce service et pour garantir l'aspect sécuritaire, car c'est là un point qu'on ne cesse de soulever - la sécurité du courrier électronique.

.1635

Nous ne savons pas ce que l'avenir nous réserve. Le service postal lui-même a subi des transformations mécaniques considérables depuis le milieu des années 70. Notre service postal est sans doute le plus mécanisé, le plus perfectionné du monde et cela signifie bien des changements dans notre travail quotidien. Étant donné les modifications que représentent le courrier électronique et le courrier hybride - c'est-à-dire une combinaison de courrier électronique et de copie papier - nous ne pouvons rien affirmer pour l'avenir. Toutefois, nous sommes convaincus que la Société canadienne des postes devrait investir de ce côté-là et ajouter cela aux services qu'elle offre si elle veut garantir l'accès universel et la sécurité du courrier, qui sont nos deux principales inquiétudes.

M. Harvard: Une dernière. Oh, excusez-moi.

[Français]

M. Choquette: Je souhaiterais faire un bref commentaire. Je ne pense pas que nous devions modifier l'évolution des choses ou changer la technologie des postes. Il s'agit tout simplement de suivre l'évolution de la population, sinon les postes seront dépassées. Si la Société ne réussit pas à évoluer en ce sens, les gens qui auront besoin de services autres que ceux que la Société est en mesure d'offrir iront les chercher ailleurs.

Il y a déjà des années que nous sommes conscients des coûts impliqués et nous sommes tout disposés à considérer des services tels que la télécopie, la photocopie et l'accès au réseau Internet dans nos bureaux de poste. Nous croyons fermement qu'il est de notre mandat d'offrir ces services-là.

[Traduction]

M. Harvard: Je voudrais vous poser une dernière question. Je représente une circonscription urbaine et même si cela n'a pas été soulevé par mes propres électeurs, j'ai entendu d'autres députés qui représentent des circonscriptions rurales, surtout dans les prairies, s'inquiéter de la nouvelle façon dont le bureau de poste distribue le courrier et le trie car apparemment cela menace certains comptoirs postaux, dont les préposés qui risquent de perdre leur emploi à cause de cette nouvelle méthode de tri et de distribution. Pouvez-vous m'en dire davantage?

M. Clark: Je pense que la Société canadienne des postes n'en est pas à son premier essai car son but est de faire passer toute la manipulation du courrier par de grands bureaux de poste. Elle s'y prend de diverses façons. Il y a le système de la route circulaire selon lequel on cesse de faire le tri dans les petites localités du sud du Manitoba, par exemple, où cela se faisait depuis toujours pour toutes les localités le long d'un parcours, au profit de Winnipeg où tout le courrier est acheminé avant d'être distribué, ce qui manifestement crée des retards. Cela revient moins cher pour la Société, car elle épargne sur le plan des coûts, mais cela a des conséquences sur les emplois et également, sur la qualité du service.

Suivant une autre méthode, on procède au jumelage des boîtes aux lettres. Le client dépose son courrier dans une boîte ou l'autre suivant la destination. Selon nous, cela permet des économies de tri dans les petites localités, mais c'est là précisément que les pertes d'emploi qui s'ensuivent ont la plus grande incidence.

Les travailleurs des postes, je l'ai déjà dit, n'ont pas obtenu d'énormes hausses de salaire au cours des dernières années. Dans bien des petites localités, travailler pour la poste représente un emploi solide, et quand on retire deux emplois à 34 000$ ou 35 000$, la collectivité s'en ressent énormément. Cela nous inquiète donc. En outre, nous pensons que ce système de tri n'accélère pas l'acheminement du courrier. Certes, il est rentable de procéder ainsi mais ce n'est pas toujours nécessairement une bonne chose quand il s'agit de la livraison du courrier.

La présidente: Merci.

Monsieur Bryden.

[Français]

M. Bryden (Hamilton - Wentworth): Je demeure dans un petit village. J'aime bien mon bureau de poste local qui est au centre de la vie de notre petit village.

[Traduction]

Dans mon petit bureau de poste, les préposés sont sans cesse submergés de publipostage. Ils en reçoivent des tonnes et des tonnes. Il semble que ce genre de courrier supplante le courrier ordinaire.

Je pose ma question aux représentants des deux groupes. Pensez-vous que la Société canadienne des postes intensifie à tel point son service de publipostage qu'elle en vient à tirer parti d'une infrastructure et de travailleurs qui sont déjà en place pour fournir un service qui, autrement, coûterait davantage et serait moins aisément offert par d'autres fournisseurs? Ce service était à l'origine offert par l'entreprise privée, mais il semble que la Société canadienne des postes l'ait bien intégré. J'aimerais savoir si vous pensez que cela est approprié.

.1640

[Français]

M. Choquette: Par services directs, est-ce que vous parlez de circulaires ou de Média-poste?

[Traduction]

M. Bryden: Oui, bien entendu. Il s'agit de publicité essentiellement et de publicité-rebut.

[Français]

M. Choquette: Je travaille pour la Société depuis plus de 20 ans dans un petit bureau de poste, et ce genre de service y a toujours été offert. Le volume s'est peut-être accru depuis quelques années, et la Société y a peut-être vu un moyen de rentabiliser davantage ses opérations. J'estime que ce service est du domaine de la Société. Ce n'est pas une idée que la Société a eue du jour au lendemain. Cela existait déjà; peut-être que la Société l'a développé davantage. C'est tout.

[Traduction]

M. Clark: La Société canadienne des postes occupe ce créneau depuis longtemps, et l'occupait bien avant la venue d'un grand nombre de compagnies qui se plaignent que la Société canadienne des postes devrait quitter ce marché... Elles oublient cependant que la Société canadienne des postes était là avant elles. Je ne vois pas d'inconvénient à ce que la Société utilise son infrastructure pour offrir un service de façon plus rentable. La Société a des obligations, bien entendu, à l'égard des citoyens canadiens, mais elle doit également offrir des services aux entreprises. Je ne vois rien de mal à offrir à des entreprises un service relativement peu coûteux quand il s'agit d'une publicité qu'elles ne pourraient pas offrir autrement.

On a soulevé certaines inquiétudes concernant le publipostage. La Société canadienne des postes ne veut pas désigner ce service autrement que comme un service postal à l'occupant et il y a certaines expressions qu'elle répugne à utiliser. Toutefois, il y a un avantage à avoir recours aux services de la Société canadienne des postes plutôt qu'à d'autres entreprises. En effet, la Société peut établir certaines normes de protection de l'environnement car c'est un aspect qui est constamment soulevé. La Société peut très bien le faire étant donné l'infrastructure dont elle dispose. Elle pourrait s'occuper de recyclage et pourrait imposer des exigences beaucoup plus sévères quant au genre d'encre et au type de papier utilisés. Ainsi, la Société est bien placée pour veiller à ces considérations-là et pour offrir un service aux petites entreprises, qui devraient s'en passer si elles devaient compter sur le secteur privé pour le faire.

Il est vrai que cela représente un travail considérable. Le volume de ce courrier ne cesse d'augmenter. Comme je le disais, il y a près de 9 000 de nos membres qui se consacrent exclusivement à la livraison de la publicité et ne touchent pas le salaire régulier d'un postier, mais ils bénéficient de certaines protections et ils touchent plus que les gens qui font ce travail pour certaines compagnies privées dans certaines villes et qui, j'en suis convaincu, ne touchent même pas le salaire minimum, peu s'en faut.

La présidente: Monsieur McTeague.

[Français]

M. McTeague (Ontario): La semaine dernière, un représentant qui avait un contrat quelconque avec Postes Canada est venu. Il indiquait avoir constaté certaines choses et disait qu'il était évidemment en faveur de la privatisation de la Société.

Il mentionnait des secteurs où l'on pouvait réaliser des économies et faire des compressions budgétaires afin qu'un jour la Société soit très très rentable. Il suggérait d'éliminer la livraison dans les régions rurales.

Je vais vous soumettre les deux côtés de la question, puisqu'au fond, vous portez les deux chapeaux.

[Traduction]

Vous avez dit qu'il y a certaines choses que vous pourriez améliorer. Y a-t-il des services fournis par la Société canadienne des postes et ses employés qui sont une véritable perte de temps? John a parlé de la publicité-rebut, du publipostage qui constitue un service que nous soupçonnons d'être plutôt encombrant. Y a-t-il toutefois des secteurs desquels, selon vous, la Société canadienne des postes devrait se retirer?

[Français]

Mme Turcotte: Non, pas du tout.

M. McTeague: La réponse se limite-t-elle à un non?

M. Choquette: Certains prétendent qu'il y en a trop, mais à notre avis, ce n'est pas le cas. Comme nous le disons depuis le début, nous sommes ouverts; plus il y aura de services, mieux ce sera pour nous. Nous visons à donner le meilleur service possible et à garder nos emplois dans nos milieux ruraux. Nous disions plus tôt que des fermetures se traduiraient par des pertes d'emplois. Comme je le mentionnais dans de ma présentation, 86 p. 100 de nos membres sont des femmes. Nous savons que souvent ces femmes sont à la tête de familles monoparentales.

.1645

Je pense qu'il est important de préserver ces emplois et qu'il n'y a pas lieu de retirer des services. À mon avis, il n'y a pas de services superflus; plus on en a, mieux c'est. Nous serons tout simplement en mesure de donner un meilleur service, un meilleur choix, un meilleur éventail.

C'est mon avis.

[Traduction]

La présidente: Je veux proposer une question complémentaire à celle de M. McTeague.

M. McTeague: Je n'y vois aucun inconvénient.

La présidente: Merci. Comme vous pouvez le constater nous avons affaire ici à un comité fort courtois.

Monsieur Clark, c'est vous qui avez parlé de la sous-traitance qui constituerait une façon d'épargner de l'argent. Vous avez parlé d'une étude menée par la firme Price Waterhouse pour évaluer cet aspect-là. Pouvez-vous nous dire quelle quantité de courrier et quels genres de services devraient être offerts en sous-traitance pour que la Société canadienne des postes demeure viable?

M. Clark: J'ai parlé de cet aspect-là de façon générale, mais il serait utile que mon collègue vous donne certains détails car dans bien des cas, quand il y a eu sous-traitance à la Société canadienne des postes par le passé, ce n'était pas afin d'épargner de l'argent. Il s'agissait plutôt d'une stratégie de relations de travail et cela procédait de l'idéologie voulant que dans la mesure du possible, on confie les choses à l'entreprise privée. Que ce soit du point de vue de la gestion d'une entreprise ou du point de vue de la gestion d'un service gouvernemental, une telle idéologie est insoutenable.

La présidente: Ai-je mal compris quand vous avez dit que cela permettrait d'épargner de l'argent? Nous cherchons toujours ici des moyens d'épargner de l'argent.

M. Clark: Eh bien, je faisais allusion aux exemples que nous avons fournis à l'équipe d'examen du mandat. On a constaté que la Société canadienne des postes réalisait des économies dans certains cas quand le travail était récupéré pour être effectué à l'interne. On a constaté cela notamment dans le cas de l'entretien de l'immeuble de manutention des colis à Edmonton et dans le cas des services de navette. Quand on parle de sous-traitance, on parle souvent du franchisage des comptoirs postaux, mais la Société canadienne des postes n'a jamais prétendu que cela permettait d'épargner de l'argent. Dans ce cas bien précis, rien ne prouve que cela a permis d'épargner de l'argent.

Nous cherchons toujours des moyens... Nous participons aux travaux du comité de l'annexe T - c'est ainsi que nous l'appelons, suivant le jargon de notre convention collective - dont la formation remonte à l'avant-dernière convention collective et au sein duquel la Société, comme le syndicat, se penche sur les façons de récupérer le travail pour qu'il soit désormais effectué à l'interne. Nous avons eu recours aux services de la firme Price Waterhouse qui a fait une évaluation indépendante, ce qui a été fort utile, à nous comme à la Société, car ainsi on examine les choses par le menu détail.

Avez-vous quelque chose à ajouter, Geoff?

M. Bickerton: Oui.

Depuis la signature de la dernière convention collective, comme Dale l'a dit, nous avons récupéré du travail et la firme Price Waterhouse s'est livrée à un examen minutieux des coûts et des économies. On a ainsi découvert que, pour le travail d'entretien d'une grosse unité à Edmonton, travail donné en sous-traitance dès 1989, il en coûtait 25 p. 100 de plus à la Société canadienne des postes. Pourtant, les gens qui préconisaient la sous-traitance à l'époque ne cessait de répéter que la qualité serait supérieure, que cela coûterait moins cher, etc. On a découvert la même chose dans le cas des services de camionnage qui avaient été confiés à des sous-traitants.

On se demande donc si, au moment où les Conservateurs demandaient à la Société canadienne des postes de recourir dans toute la mesure du possible à la sous-traitance, l'objectif était véritablement d'épargner de l'argent. L'objectif était d'offrir des contrats lucratifs, à leurs amis du secteur privé. Cela n'a toutefois pas beaucoup aidé la Société canadienne des postes.

De façon générale, on s'accorde à croire aujourd'hui que la sous-traitance permet d'épargner de l'argent, mais il est très important de bien fouiller la question et de bien comprendre les conséquences que cela comporte, surtout à long terme, car une fois que le secteur public se débarrasse de ses camions et du matériel nécessaire, on constate que la valeur de ces contrats ne cesse de grimper car l'entrepreneur sait parfaitement bien que la Société canadienne des postes est forcée d'avoir recours à lui.

Nous avons donc constaté que la récupération du travail qui se fait désormais à l'interne permettait d'épargner de l'argent. Si vous voulez épargner de l'argent, je suis sûr que vous êtes remplis de bonnes idées pour y parvenir.

La présidente: Vous avez gentiment offert de nous faire parvenir l'étude de la firme Price Waterhouse. Je pense que la plupart des membres du comité souhaiteraient en prendre connaissance.

[Français]

J'aimerais vous remercier tous.

[Traduction]

Merci d'être venus nous exposer votre point de vue et nous faire profiter de votre expérience. Nous avons trouvé votre témoignage fort utile. Merci.

La séance est levée.

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