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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 4 décembre 1996

.1535

[Traduction]

Le vice-président (M. Thalheimer): Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur les ressources naturelles et le développement rural.

Nous recevons aujourd'hui la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Si j'ai bien compris, Garth, vous représentez tous la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Vous avez la parole. Faites-nous un bref résumé de vos mémoires.

M. Garth Whyte (vice-président, Affaires nationales et Recherches, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais tout d'abord vous présenter nos excuses. Nous avons été retenus assez longtemps au poste de sécurité. Heureusement, nous avons eu de l'aide de votre comité. David nous a aidés à monter. Nous lui en sommes vraiment reconnaissants.

M. Iftody (Provencher): Je les ai fait entrer clandestinement, mais s'ils nous posent des problèmes, monsieur le président, je vais renier tous les autres. Il y avait beaucoup de gens qui voulaient s'inscrire au poste de sécurité pour se rendre à différentes séances de comité, alors je me suis porté à leur secours. S'ils ne sont pas sages, vous avez ma permission de les renvoyer.

M. Whyte: Notre retard ne reflète pas l'importance que nous accordons à votre comité. Nous avons amené des collègues d'un peu partout au pays. C'est la première fois que notre organisme comparaît ainsi devant un comité et nous avons choisi votre comité pour le faire.

J'aimerais remercier le comité de nous avoir invités à comparaître. J'aimerais également remercier le bureau du greffier, plus particulièrement Roger Préfontaine, de l'aide qui nous a été accordée. Leur aide nous a été très utile.

Permettez-moi de faire les présentations. Je suis accompagné de Pierre Cléroux, notre vice-président pour le Québec. Je suis également accompagné de Dan Kelly, notre porte-parole et directeur pour la Saskatchewan et le Manitoba, et de Peter O'Brien, le directeur exécutif pour les provinces de l'Atlantique.

Vous devriez avoir devant vous le mémoire que nous avons préparé. C'est notre mémoire sur le développement économique rural.

J'aimerais également vous présenter notre organisation aux fins du compte rendu afin que vous sachiez qui nous sommes. Nous sommes un organisme national, non partisan et sans but lucratif qui représente 87 000 propriétaires de petites et moyennes entreprises de tous les secteurs et de toutes les régions du pays. Nous travaillons selon le principe d'un vote pour chaque membre, et nous sommes constamment au service de nos membres. Nous avons effectué un sondage et nous vous présenterons aujourd'hui les résultats en tenant compte des réponses des régions rurales, des petites villes, de façon à ce que vous ayez ainsi un lien direct avec votre étude.

Le milieu des affaires où nous avons la plus grande pénétration est à l'extérieur des grands centres. L'un de nos secteurs qui se développe le plus rapidement est celui de l'agriculture. Nous représentons les créateurs d'emplois. Le mois dernier, nous avons publié un rapport détaillé sur la création d'emplois. Vous en avez tous reçu un exemplaire, et je remarque que M. Wood en a un exemplaire en main. Ce rapport donnait un message des créateurs d'emplois au sujet de la création d'emplois. Nous en avons d'autres exemplaires si vous en avez besoin. Le rapport s'intitule «On Hire Ground». Nous recommandons vivement au comité d'examiner le rapport car il contient beaucoup d'informations additionnelles qui pourraient lui être utiles dans son étude.

Nous n'avons pas répondu à toutes les questions qui nous ont été posées, mais nous aborderons plusieurs questions que nous jugeons être importantes pour votre comité. Nous abordons cette question sous quatre différents points de vue. Nous vous donnerons un bref aperçu des priorités des petites entreprises et des perspectives économiques des zones rurales canadiennes pour 1997. Dan va vous présenter les priorités de nos membres agriculteurs des Prairies et des autres provinces canadiennes ainsi que leurs points de vue. Il sera suivi de Pierre, qui abordera une question spécifique, soit la proposition de Bell Canada d'augmenter les tarifs locaux d'affaires, proposition qui, si elle est acceptée, nuira considérablement aux entreprises rurales de l'Ontario et du Québec. Enfin, en conclusion, Peter O'Brien parlera du développement économique rural dans les provinces de l'Atlantique. Peter étudie le développement économique rural depuis très longtemps.

Tous ces résultats ont été compilés à partir de milliers de réponses de nos membres. Si vous prenez le rapport que vous devriez avoir devant vous, je vais vous expliquer rapidement certains des graphiques qu'il contient.

Le vice-président (M. Thalheimer): Je vous demanderais de limiter vos observations à environ 10 minutes chacun, car les députés aimeraient bien vous poser des questions.

M. Whyte: Certainement. C'est ce que nous avions prévu. J'espère avoir terminé dans quatre minutes.

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Tout d'abord, nous avons ici les priorités des petites entreprises rurales. Vous remarquerez que la taille de l'échantillonnage est de presque 8 000 entreprises et qu'il s'agit d'entreprises qui se trouvent un peu partout au pays. Ces priorités reflètent celles de tous nos membres. Les cinq principales priorités sont: le fardeau fiscal total à 72 p. 100, la réduction du déficit à 71 p. 100; la réglementation gouvernementale/paperasserie à 68 p. 100; une question provinciale, l'indemnisation des travailleurs, à 50 p. 100; et l'assurance-chômage à 45 p. 100. Mais si on regarde la question qui se trouve au bas du tableau, il y a encore un de nos membres sur quatre qui estime que la pénurie de main-d'oeuvre est un problème. Je sais que vous examinez la question de la main-d'oeuvre spécialisée et des employés spécialisés et c'est une question que nous aborderons.

Il y a deux semaines, nous avons publié les attentes de nos membres pour l'économie en 1997 et pour leur propre entreprise. Le graphique suivant - nous avons fait une ventilation et c'est la première fois que nous la présentons, à votre comité - montre les attentes de nos membres des zones rurales, par rapport à celles de nos membres dans les zones urbaines pour l'économie en 1997. Comme vous pouvez le constater, nos membres dans les régions rurales sont moins optimistes que nos membres des régions urbaines, mais nous croyons qu'ils sont plus optimistes qu'ils ne l'étaient l'an dernier. Quarante pour cent estiment que l'économie sera plus forte en 1997, qu'elle ne l'est en 1996; 49 p. 100 ont dit qu'elle serait la même, et environ 12 p. 100 ont dit qu'elle serait plus faible.

Dans le graphique suivant - et encore une fois, nous pourrons en parler pendant la période de questions - , il est question des attentes pour l'économie en 1997 selon que l'entreprise est située dans une zone urbaine ou dans une zone rurale. Comme vous pouvez le constater encore une fois, nos membres des régions rurales sont moins optimistes que ceux des régions urbaines. Par région rurale, nous entendons les collectivités rurales ainsi que les zones agricoles proprement dites. Quarante-quatre pour cent s'attendent à ce que leur entreprise soit plus forte en 1997 qu'elle ne l'a été en 1996; 42 p. 100 s'attend à ce qu'elle soit la même; 14 p. 100 s'attendent à ce qu'elle soit plus faible.

Nous leur avons ensuite demandé quelles étaient leurs prévisions d'emploi pour 1997. La réponse des régions rurales est en foncé tandis que celle des grandes villes, des régions urbaines, est en plus clair. Soixante-huit pour cent ont répondu que leur niveau d'emploi demeurerait le même en 1997; environ 16 p. 100 ont répondu qu'ils embaucheraient de nouveaux employés; 9 p. 100 ont dit qu'ils aimeraient réduire le nombre d'employés; 7 p. 100 ont dit qu'ils réembaucheraient des employés mis à pied; et comme vous pouvez le constater, une minorité des membres ont dit qu'ils passeraient du mi-temps au plein-temps ou du plein-temps au mi-temps.

Le dernier graphique dont je vais vous parler porte sur les conditions nécessaires à l'emploi de nouveaux employés en 1997. J'ai les résultats pour les zones urbaines, mais nous vous présentons ici uniquement les résultats pour les petites villes et les zones rurales. La principale condition était l'augmentation de la demande des consommateurs, à 74 p. 100. La deuxième condition était qu'il y ait moins de charges sociales, à 41 p. 100. La troisième était la réduction d'autres taxes, à 38 p. 100. La quatrième était la réduction de la dette de l'entreprise. Mais j'aimerais souligner que seulement 11 p. 100 ont dit qu'il n'y aurait pas d'embauche quelles que soient les circonstances.

C'est pourquoi nous considérons le travail de votre comité comme étant très important. Certaines des stratégies et des questions que vous examinez pourraient aider le développement économique rural et nos collectivités.

Je vais maintenant donner la parole à Dan, qui vous parlera des réponses de nos membres agriculteurs. Dan.

M. Dan Kelly (directeur, Affaires provinciales, Manitoba, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante): Merci beaucoup de nous avoir invités à comparaître devant votre comité cet après-midi.

Comme vous le savez, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante représente un important échantillon des secteurs d'affaires canadien. Cependant, l'un des groupes qui, comme Garth l'a mentionné, s'est développé le plus rapidement au sein de notre fédération est le secteur de l'agroalimentaire, et il s'agit certainement d'un secteur auquel notre organisation a accordé beaucoup plus d'attention.

Je pense que les agriculteurs commencent à se rendre compte que leurs entreprises ne sont pas tellement différentes de celles d'autres secteurs. Bien qu'il y ait toute une gamme de questions et de préoccupations qui sont spécifiques à l'agriculture, les agriculteurs ont de nombreuses préoccupations semblables à celles des autres entreprises. Comme les graphiques ci-joints, le montrent - et il y a tout un chapitre consacré à l'agriculture dans ce document - , certaines des préoccupations qui sont exprimées par nos membres agricoles sont exactement les mêmes que celles exprimées par nos autres membres: la réduction de la dette et du déficit; la charge fiscale totale à laquelle doivent faire face les entreprises canadiennes; la bureaucratie et la paperasse. Voilà les questions ayant une priorité élevée pour nos membres en général et ce n'est pas différent chez nos membres agriculteurs.

Cependant, nos membres agriculteurs accordent également une priorité élevée aux lois et aux règlements environnementaux. Comme bon nombre d'autres Canadiens, nos membres agriculteurs considèrent que la dette et le déficit de notre pays constituent l'un des principaux obstacles à la création d'emplois.

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L'attention qu'a accordée le gouvernement fédéral à cette question importante a joué un rôle très important dans l'optimisme accru que nous avons remarqué chez nos membres agriculteurs. Nous commençons enfin à voir la lumière au bout du tunnel. Beaucoup plus que tout autre programme gouvernemental, ou tout autre programme de dépenses ou de prêts, l'élimination de la dette et la réduction du déficit sont essentielles à la stabilisation de l'économie rurale. Le gouvernement a certainement accordé beaucoup d'attention à cette question très importante.

Cependant, ce n'est pas la seule question qui a une priorité élevée pour nos membres. Nos membres agriculteurs nous disent également que le fardeau fiscal pour les entreprises et les contribuables est la seule façon de stimuler la création d'emplois et de créer des emplois durables, à long terme. Chaque année, avant la présentation du budget, nos membres agriculteurs sont très inquiets de perdre leur exemption des gains en capital. Comme on peut le voir sur l'un des tableaux, le deuxième tableau que vous avez devant vous, l'exemption des gains en capital de 500 000 $ est la mesure fiscale la plus importante pour nos membres agriculteurs. Pour bon nombre d'entre eux, le gain en capital sur leur exploitation agricole constitue leur principale forme de revenu pour la retraite. Étant donné les problèmes du RPC, l'exemption des gains en capital devient encore plus vitale. Parmi les autres mesures fiscales les plus importantes pour nos membres agricoles, il y a la disposition de report des pertes pour l'impôt sur le revenu, le taux d'imposition plus faible pour les petites entreprises, le report des cotisations inutilisées de REER et la réduction des cotisations d'assurance-chômage, mesure qui a fait l'objet de tout un débat au sein de notre organisation et sur laquelle nous avons passé beaucoup de temps.

Les agriculteurs veulent dans une certaine mesure être assurés que ces dispositions ne risquent pas constamment d'être éliminées. Il est important de rappeler aux technocrates que ces mesures ont un impact beaucoup plus important sur les agroalimentaires que tout autre programme auquel le gouvernement pourrait songer.

Plus de la moitié de nos membres ont remarqué qu'ils devaient faire face à des augmentations importantes pour ce qui est des droits, licences et permis. Plus d'un tiers de nos répondants nous ont dit que c'est le gouvernement fédéral qui abuse le plus à cet égard. Les gouvernements manquent d'argent, mais il n'est simplement pas productif de remplacer les taxes par des frais d'utilisateur. Comme bon nombre de ces droits ne sont pas facultatifs ou requis par le gouvernement, on doit résister à la tentation de les utiliser.

Une autre question importante que nos membres ont relevée est la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. Dans bien des cas, particulièrement étant donné les facteurs saisonniers qui affectent l'agriculture, trouver une main-d'oeuvre qualifiée constitue un obstacle majeur pour nos membres. Nos membres nous ont dit qu'ils avaient toute l'année beaucoup de difficultés à trouver de bons employés et à les garder. Le sondage sur l'emploi effectué récemment par la fédération, intitulé «On Hire Ground», que Garth a mentionné, révèle que lorsqu'ils embauchent des jeunes, nos membres cherchent des qualités personnelles, plutôt que des compétences spécifiques. Des qualités comme la discipline, le goût du travail, la persévérance et l'adaptabilité sont des qualités beaucoup plus recherchées que tout diplôme ou compétence technique. Lorsqu'ils cherchent des employés qualifiés, nos membres nous disent qu'ils s'y prennent de façon informelle et qu'ils s'adressent à des voisins ou à des amis, plutôt qu'aux organismes gouvernementaux. Je crois qu'il y a certains renseignements à cet égard dans les documents que nous vous avons remis.

Près de la moitié de nos répondants ont dit qu'ils étaient préoccupés par le transport agricole. Des sondages précédents révélaient que 90 p. 100 des agroalimentaires souhaitent que le transport agricole soit déclaré service essentiel et que les grèves soient interdites dans le secteur du transport agricole. Nous craignons que les modifications proposées au Code canadien du travail puissent faire en sorte qu'il soit plus facile de paralyser le secteur du transport agricole. Comme l'agriculture représente une partie importante du secteur des exportations vitales pour le Canada, nous devons être extrêmement prudents à l'égard de ces réformes.

Nos études indiquent par ailleurs que la diversification réelle dans les collectivités rurales est sans doute plus importante que ce que nous croyons. En fait, 25 p. 100 de nos membres agricoles nous disent qu'une personne dans leur ménage administre une autre entreprise non agricole. Par ailleurs, nos membres agricoles nous ont dit qu'ils se tiennent au courant de la nouvelle technologie. Près de 90 p. 100 de nos membres utilisent des ordinateurs, plus de 70 p. 100 ont des télécopieurs, près de la moitié ont un modem, et plus de 20 p. 100 sont abonnés à Internet. Ce sont des résultats très encourageants qui relèvent souvent d'une plus grande utilisation de la technologie que dans les entreprises en général.

Je vais également vous distribuer l'une de nos plus récentes publications qui s'intitule «Agri-Business Bottom Line». Je peux vous la distribuer, si vous le voulez, tout de suite. Ces données sont actuellement diffusées uniquement à nos membres des Prairies et constituent pour nous un autre moyen de recueillir des données provenant de nos membres agriculteurs. La page couverture de ce numéro donne un aperçu d'un autre problème sur lequel votre comité se penche, c'est-à-dire l'accès au capital dans les collectivités rurales.

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En général, dans l'agroalimentaire, les chefs d'entreprise se disent plus satisfaits du rendement des institutions financières canadiennes que nos membres en général, mais ils estiment cependant que les taux d'intérêt, les frais de service et les exigences relatives aux biens donnés en garantie constituent un défi important. Cependant, la force du mouvement des caisses de crédit dans les Prairies fait en sorte que le degré de satisfaction à l'égard de toutes les banques canadiennes est sans doute plus élevé.

À mon avis, cela signifie que si on veut améliorer l'accès au capital dans les Prairies, il faudra augmenter la concurrence dans le secteur financier. Une concurrence accrue entre les intervenants financiers actuels est sans doute une façon d'y arriver, plutôt que l'intervention du gouvernement avec ses propres programmes.

Le dernier numéro de notre publication intitulée «Agri-Business Bottom Line», contient un sondage sur le vote concernant l'orge et les recommandations du Bureau de la commercialisation des grains. Je n'entrerai pas dans les détails, mais je vous dirai tout simplement que nos membres appuient avec force le concept de la commercialisation double pour les grains, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle internationale. Nous craignons cependant que la question qui est posée aux producteurs d'orge limite leurs options. À la suite de cet important sondage, nous nous assurerons que chacun d'entre vous recevra un exemplaire des résultats. Le sondage est entre les mains de nos membres à l'heure actuelle.

En résumé, les temps changent rapidement pour nos membres du secteur agroalimentaire. Bien qu'ils s'améliorent, les prix des produits de base fluctuent toujours. Les agriculteurs, comme les gouvernements au Canada, sont aux prises avec un problème d'endettement si important qu'il continue d'empêcher la croissance économique.

Bon nombre de jeunes quittent les collectivités rurales pour aller dans les grands centres. Cependant, il y a toujours beaucoup d'optimisme chez nos membres. La plupart des gouvernements semblent enfin mettre de l'ordre dans leurs finances, ce qui renouvelle la possibilité d'un allégement fiscal futur.

Les exploitations agricoles canadiennes sont parmi les plus productives au monde et semblent adopter rapidement les nouvelles technologies et les principes de la diversification. Je suis convaincu que votre comité peut encourager ce processus en résistant à la tentation de recommander la mise en place de programmes à grande participation gouvernementale, et recommandera plutôt que l'on continue à effacer la dette et le déficit en vue de réduire le fardeau fiscal total des Canadiens.

Merci beaucoup. Je vais maintenant donner la parole à mon collègue du Québec, Pierre Cléroux.

M. Pierre Cléroux (vice-président, Québec, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante): Merci.

Je ferai mes observations en français, mais je serai très heureux de répondre à vos questions dans les deux langues.

[Français]

Je vais vous parler d'un sujet bien précis et bien terre à terre.

Lorsqu'on parle de développement régional, on parle aussi de questions qui touchent directement les propriétaires d'entreprises.

Vous pouvez trouver dans votre document, à la section Québec-Ontario, les tarifs locaux de Bell Canada dont je vais parler. Bell Canada a demandé au CRTC d'augmenter et de restructurer ses tarifs, et cette restructuration va toucher grandement les petites entreprises des régions du Québec et de l'Ontario.

Comme vous le savez peut-être, il existe trois tarifs chez Bell Canada: il y a le tarif pour les lignes individuelles qu'on a chez soi, dans nos maisons, puis il y a le tarif pour les lignes commerciales - aussitôt que vous avez une entreprise, que ce soit à la maison ou ailleurs, vous devez avoir une ligne commerciale - , et il y a aussi ce qu'on appelle les lignes multiples, des lignes à grande puissance qui permettent aux grandes entreprises d'avoir plusieurs lignes qui entrent en même temps dans leur entreprise.

Ce que Bell Canada propose et qu'elle a demandé au CRTC, c'est de réduire le prix des lignes multiples dans deux grandes villes, Toronto et Montréal, et en même temps d'augmenter de façon importante le prix des lignes commerciales dans toutes les régions du Québec et de l'Ontario qu'elle dessert.

Pourquoi Bell Canada veut-elle faire cela? En fait, Bell Canada veut se préparer à la concurrence qui va arriver dans les grands centres comme Montréal et Toronto. On pense que Bell Canada s'attend à ce qu'au niveau des lignes commerciales, il y ait une nouvelle concurrence qui arrive et qu'elle veut abaisser ses coûts pour faire face à la concurrence.

On n'est pas tout à fait en désaccord sur ça. Si Bell Canada veut réduire le prix des lignes multiples, c'est très bien, mais on ne veut pas que cela se fasse sur le dos des petites entreprises.

Les augmentations sont très importantes. Je vais vous donner quelques exemples qui sont cités ici. À Sherbrooke et à Trois-Rivières, on passe de 35 $ par ligne commerciale par mois à 56 $. C'est donc une augmentation de 60 p. 100 par ligne commerciale.

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Pour quelqu'un qui aurait une petite entreprise normale avec cinq lignes commerciales, ce serait une augmentation de 1 200 $ à 1 400 $ par année. Il faut bien comprendre que cette augmentation ne donne pas de services supplémentaires. Les gens vont devoir subir une augmentation de 60 p. 100 pour recevoir exactement le même service que présentement.

En Ontario, les exemples sont semblables. À Sudbury, par exemple, on passe de 35 $ à 56 $. Dans la région d'Ottawa, on passe de 38 $ à 54 $, ce qui est aussi une augmentation importante.

Les gens peuvent choisir de payer 56 $ ou 41 $ plus des frais d'utilisation. C'est-à-dire que dans la proposition de Bell, on va donner le choix aux gens de payer 56 $ ou de payer 41 $ plus de 1 à 5 cents la minute d'utilisation du téléphone pour les appels locaux. On ne parle pas d'appels interurbains, mais d'appels locaux.

Nous avons calculé que, si vous faites 30 minutes d'appel par jour, vous avez intérêt à prendre le taux fixe. Comme la plupart des gens qui ont une ligne commerciale l'utilisent régulièrement, la plupart des PME vont choisir le taux fixe et vont donc subir une augmentation très importante.

Nous nous opposons donc farouchement à cette demande de Bell et ce, pour trois raisons. Premièrement, nous nous y opposons parce que c'est une demande non justifiée. En effet, lorsqu'une entreprise paie 35 $ par mois, le coût de Bell pour fournir une ligne commerciale à cette entreprise-là n'est que de 28 $. Dans toutes les régions du Québec et de l'Ontario, les entreprises paient plus cher pour leurs lignes commerciales que ce qu'il en coûte à Bell, et c'est parce qu'on subventionne les lignes individuelles.

Nous pensons donc qu'il n'est pas du tout justifié pour Bell d'augmenter davantage le coût des lignes commerciales. Il n'est pas vrai que les lignes commerciales dans les régions sont subventionnées par d'autres groupes de consommateurs. Déjà, on fait plus que nos frais. Donc, cette demande-là, à notre avis, est totalement injustifiée.

Deuxièmement, nous pensons que l'augmentation est beaucoup trop importante. Je suis persuadé que vous ne connaissez pas une entreprise de votre région qui pourrait augmenter ses prix de 60 p. 100 et rester en affaires. Bell peut le faire parce que Bell a un monopole, mais il est évident qu'une augmentation de 60 p. 100 est tout à fait inacceptable.

Troisièmement, Dan a dit tantôt que plus de 20 p. 100 de nos membres utilisaient l'Internet. Pour utiliser l'Internet et la télécopie, il faut avoir une ligne commerciale supplémentaire. Si on augmente de 60 à 80 p. 100 le prix des lignes commerciales dans les régions, il est évident que ça va ralentir l'introduction de la technologie dans nos PME de région, et nous pensons que ça va avoir un impact négatif important sur les PME qui ont de ces technologies.

Donc, nous avons entrepris une campagne d'opposition sans précédent à la demande de Bell. Nous avons fait un rapport au CRTC, participé aux audiences publiques et rencontré le caucus fédéral libéral et le Bloc québécois. Pour nous, il est extrêmement important que le CRTC et le gouvernement comprennent que cette proposition est inacceptable et va faire reculer grandement les PME des régions. De toute façon, nous pensons que la raison la plus importante est que c'est une proposition injuste.

Nous demandons donc à votre comité de nous appuyer dans nos démarches pour freiner la demande de Bell auprès du CRTC. Vous vous préoccupez beaucoup de développement régional. C'est là un exemple très terre à terre, j'en conviens, d'un impact négatif sur les entreprises des régions.

Merci.

[Traduction]

Le vice-président (M. Thalheimer): On vient de me dire que dans une demi-heure, il va y avoir la sonnerie, et que nous allons devoir lever la séance à 16 h 20. Je ne pense pas que nous reviendrons, car il va y avoir plusieurs votes, me dit-on.

M. Bélair (Cochrane - Superior): À 16 h 20, c'est un peu juste monsieur le président; je préférerais 16 h 15.

Le vice-président (M. Thalheimer): Très bien.

Je sais que vous vous êtes longuement préparés à comparaître et je voudrais vous assurer que tout ce que vous avez dit figure au compte rendu et sera pris en compte pour la préparation de notre rapport. Cette interruption est regrettable, mais c'est ainsi que les choses se passent ici.

Je vais donc vous demander de poursuivre et en priant les intervenant de poser des questions très concises.

M. Iftody: J'invoque le Règlement, monsieur le président.

Je voudrais répéter aux témoins que pour nous permettre de poser plusieurs questions, il leur est recommandé de faire leurs commentaires aussi brefs que possible, afin que nous puissions vraiment dialoguer. Il nous reste une quinzaine de minutes qui vont filer rapidement.

.1600

M. Peter O'Brien (directeur exécutif, Provinces de l'Atlantique, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante): Monsieur le président, je vais être très bref, car, en bon Terre-neuvien, je suis peu loquace, mais je parle très vite. Je me rends bien compte que ce n'est pas juste envers certains députés.

Je voudrais aborder très brièvement les changements démographiques qui ont lieu dans notre pays. À l'échelle nationale, les habitants des régions rurales représentent maintenant 23 p. 100 de la population. Dans les provinces de l'Atlantique, c'est près de 50 p. 100 - plus de 50 p. 100 dans deux des quatre provinces - et cette tendance ne fait que se confirmer. Je vais dire quelques mots de ce que signifie dans la réalité, cette évolution.

Traditionnellement, les gouvernements ont essayé de maintenir l'économie rurale de la région, grâce à la pêche à la morue. À tous les niveaux ils se sont efforcés de créer des emplois et de maintenir les collectivités rurales. Ce secteur a connu une expansion remarquable grâce à l'établissement d'usines de traitement et de conservation, à la fin des années 1960 et au cours des années 1970. Cette expansion a eu pour effet de diminuer considérablement les réserves de poissons, ce qui a entraîné le moratoire actuel sur la pêche au large de la côte est.

Fait curieux, l'expansion de ce secteur n'a eu que peu d'effet sur la valeur des prises, parce que malgré le moratoire, le cours mondial de la morue n'a pas changé. On peut se demander s'il n'eût pas mieux valu autrefois insister sur la qualité plutôt que sur la quantité, car les pêcheries dans les provinces de l'Atlantique et peut-être même sur la côte ouest s'en porteraient sans doute mieux.

Il y a plusieurs tableaux que je voudrais porter à votre attention: le premier montre qu'en 1911, le secteur primaire occupait 54 p. 100 de la main-d'oeuvre. En 1951, ce pourcentage était descendu à 29 p. 100, et en 1995, à 7 p. 100. La croissance s'est produite dans le secteur des services, où le pourcentage a passé de 23 p. 100 à 43 p. 100 pour atteindre maintenant 70 p. 100.

Plutôt que d'entrer dans les détails, je voudrais vous renvoyer aux autres tableaux et proposer quelques mesures que le gouvernement pourrait prendre. Une d'entre elles est un programme auquel participe actuellement le ministère de l'Industrie, à savoir le programme d'accès aux collectivités. C'est, comme vous le savez, la possibilité, pour les Canadiens des régions rurales, d'avoir accès à Internet et à tous les avantages qui en découlent.

Le 22 novembre, j'ai pris la parole lors d'une conférence qui s'est tenue à Sydney, en Nouvelle-Écosse, devant 300 personnes qui participent à ces programmes d'accès aux collectivités. Je les ai exhortés à développer indépendamment, aussi rapidement que possible, ces centres d'accès aux collectivités et à ne pas dépendre du soutien continu et des directives du gouvernement. Ce message est important à deux titres: tout d'abord ce n'est qu'en apprenant à voler de ses propres ailes qu'on obtient l'appui total de la collectivité; en second lieu, la participation constante du gouvernement tend à déboucher sur l'intervention, qui risque de limiter le potentiel que promet le programme.

Au cours de la conférence, j'ai demandé à de nombreux délégués ce qu'ils espéraient de l'accès aux collectivités, et chacun d'eux s'en faisait une idée différente, ce qui m'a enthousiasmé, me laissant persuader que c'est là la formule que devrait adopter le gouvernement, sans imposer aux gens des contraintes.

Les régions rurales des provinces de l'Atlantique, et de tout le Canada d'ailleurs, ont besoin d'avoir accès aux outils et à l'information qui permettent aux entreprises de croître et de prospérer, et ce programme est une façon d'y parvenir. Toutes ont besoin d'éducation, de formation, de connaissance et d'accès aux capitaux directs, comme il a déjà été mentionné, mais la plupart d'entre elles, ont besoin d'être indépendantes et autonomes. Or, cela n'a pas toujours été le cas, ces dernières années, dans ma région.

Les programmes du gouvernement doivent fournir les outils, mais ne pas s'immiscer dans leur utilisation car s'ils le font, ils ne seront pas appréciés à leur juste valeur dans les communautés rurales. La clé du succès, dans celles-ci, c'est d'apprendre au gens à se débrouiller tous seuls.

J'ai fait là un tour d'horizon rapide. Merci.

Le vice-président (M. Thalheimer): Je donne la parole en premier à M. Deshaies.

[Français]

M. Deshaies (Abitibi): Ma première question sera posée à M. Whyte.

Vous avez dit que l'agriculture était l'industrie qui avait créé le plus d'emplois l'an passé. Est-ce que c'est attribuable au fait que les autres secteurs d'activité ont été stables ou si c'est vraiment l'agriculture elle-même qui a créé le plus d'emplois?

[Traduction]

M. Whyte: L'agriculture est le secteur en expansion la plus rapide chez nous, mais il n'assure pas le nombre le plus élevé d'emplois. Notre sondage sur les emplois montre que les petites entreprises sont celles qui créent le plus d'emplois nouveaux et non les grosses entreprises, comme les secteurs primaires. Nous constatons parmi nos membres, en particulier dans le secteur des services des provinces de l'Atlantique, comme le disait Peter, une évolution vers des entreprises plus petites. Ce sont elles qui créent des emplois dans le pays, et nous constatons cela au Québec, dans les Prairies et en Ontario.

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C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons soulevé la question du tarif de Bell Canada. Certains de nos membres s'inquiètent des petites charges sociales. Il s'agit d'une augmentation fixe de taxe de 30 $ par ligne, par mois, dans de nombreuses collectivités rurales. Tout ce que nous allons donc réaliser de magnifique, collectivement en Ontario et au Québec, pourrait être réduit à néant, parce que les coûts vont considérablement augmenter. Ce serait vraiment dommage.

Nous essayons donc de vous donner des exemples spécifiques. Je suis allé au-delà de la question, mais...

M. Kelly: J'aimerais ajouter, à propos de l'agriculture, que nous avons également remarqué, dans nos études, que la création d'emplois se fait dans tous les secteurs de l'économie. Certes, le gouvernement doit exercer une action convergente, compte tenu du fait qu'il y a de nouveaux secteurs, de nouvelles technologies qui prolifèrent, mais nous ne devrions pas oublier les industries traditionnelles, qui constituent toujours et encore une source importante de création d'emplois.

Il est bien difficile pour les gouvernements de deviner quels seront les gagnants et les perdants, qu'il s'agisse de secteurs ou de régions. C'est là un autre message clair qui se dégage de notre étude. Nous ne devrions pas délaisser certains des secteurs qui ont toujours été créateurs d'emplois et qui continueront à l'être dans les temps à venir.

Le vice-président (M. Thalheimer): Vous avez dit que vous laissiez passer votre tour, monsieur Chatters.

Monsieur Wood.

M. Wood (Nipissing): Dans le livre «On Hire Ground», il est dit «Les petites entreprises semblent créer des emplois, non pas parce qu'elles sont petites, mais parce qu'elles tendent à être jeunes». Par «jeunes» on entend sans doute des sociétés ayant de jeunes chefs d'entreprise à leur tête.

Comme vous le savez, ce comité a entendu des témoins lui parler de l'exode des cerveaux des régions rurales, les jeunes les plus dynamiques ayant tendance à aller habiter dans les villes. Le secteur des entreprises pourrait-il nous conseiller sur ce qu'il serait possible de faire pour que les jeunes les plus doués et les plus dynamiques cessent de quitter les régions rurales?

M. Whyte: Ce que nous voulions dire dans le rapport, c'est qu'un grand nombre d'entre eux sont jeunes, non seulement en tant que jeunes chefs d'entreprise, mais également en tant qu'entreprises débutantes. La moitié des nouveaux emplois qui seront créés au cours des cinq prochaines années proviendront d'entreprises qui n'existent pas encore.

Nous sommes d'accord avec vous. Il faut s'occuper des jeunes et aussi faire naître de nouvelles entreprises.

M. O'Brien: Au moment où l'on passe du secteur primaire au secteur tertiaire - et je pense qu'effectivement l'économie s'y achemine lentement et entre dans l'ère de la technologie de l'information - , je vous dirais que ce sont les localités rurales qui s'y prêtent le mieux. Je connais quelqu'un qui a quitté Silicon Valley en Californie pour s'installer à la campagne au Nouveau-Brunswick parce qu'il trouve que c'est plus propice à la réflexion. Il est un chef de file mondial dans un volet de cette nouvelle technologie.

C'est quelque chose que nous constatons. Le programme d'accès aux collectivités, par exemple, à Industrie Canada, est l'un des mécanismes qui donne aux localités rurales ce qui leur a toujours fait défaut, l'accès à la connaissance. Je viens d'un tout petit bled, et je sais ce que c'est.

Le vice-président (M. Thalheimer): On m'informe que le vote va se tenir dans six minutes. Je m'excuse, messieurs. Je vous remercie beaucoup d'être venus. Je vous assure que tout ce que vous avez dit a été porté au compte rendu.

M. Whyte: Une autre chose. Vous pouvez avoir accès à tous nos travaux de recherche. S'il vous faut plus d'information, elle est là.

Le vice-président (M. Thalheimer): Nous devons vous quitter, mais vous pouvez rester et la remettre à nos attachés de recherche, si vous le voulez. Le devoir nous appelle.

Merci beaucoup.

La séance est levée jusqu'à la convocation par le président.

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