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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 27 janvier 1997

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[Traduction]

Le président: Bonjour, mesdames et messieurs. Le comité souhaite la bienvenue à toutes les personnes dans cette salle, et plus particulièrement, pour le compte de B.C. Hydro, à David Avren, Roy Staveley et Al Wright; pour le compte de la Forest Alliance of B.C., à Jack Munro; et pour le compte de l'Industrial, Wood and Allied Workers of Canada, à Kim Pollock.

Nous reprenons donc nos travaux. Nous avons une longue liste de témoins, et il y en a par ailleurs deux qui ont été ajoutés à la dernière minute pour 17 h 30, à leur demande. Il s'agit du Fisheries Council of B.C. et du Sport Fishing Institute. Nous aimerions respecter autant que possible l'horaire prévu et nous vous demandons donc votre collaboration. Comme cela a été convenu avec le greffier du comité, vous disposerez chacun de 15 minutes. Si tout roule bien, nous aurons suffisamment de temps pour un bon échange de questions et de réponses.

Sans plus tarder, donc, je donne la parole à M. Avren, à moins que quelqu'un d'autre ne veuille commencer. Bienvenue au comité.

M. Roy Staveley (premier vice-président par intérim, Ressources humaines, Relations avec les autochtones et environnement, B.C. Hydro): Bonjour. Je suis premier vice-président par intérim chez B.C. Hydro.

J'aimerais, au nom de B.C. Hydro, remercier le comité de l'occasion qui nous est ici donnée de lui présenter la perspective d'une compagnie d'électricité relativement au projet de loi C-65, Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada.

Deux personnes m'accompagnent aujourd'hui. Il s'agit de David Avren, qui est conseiller juridique auprès de B.C. Hydro, et de Al Wright, un ingénieur-conseil de Portland, dans l'Oregon. La présentation de M. Wright s'attardera sur l'Endangered Species Act des États-Unis et sur l'effet qu'a eu cette loi sur les entreprises de services hydroélectriques dans le nord-ouest de la région du Pacifique. Il nous décrira non seulement les impacts mais également certaines des leçons qu'il a tirées de sa propre expérience, ce qui pourrait être une contribution utile à notre débat ici au Canada. Il était autrefois directeur exécutif du Pacific Northwest Utilities Conference Committee. Il a également été administrateur de l'Oregon Water Resources Commission et coordonnateur régional de trois districts de services d'utilité publique dans l'État de Washington.

De façon générale, B.C. Hydro appuie l'objet visé par le projet de loi C-65, Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada. Cependant, nous avons plusieurs préoccupations relativement au projet de loi et vous proposons des révisions qui déboucheraient selon nous sur une meilleure approche durable à la protection des espèces en péril. Nous avons un mémoire écrit détaillé, que nous vous avons tout juste remis cet après-midi.

B.C. Hydro est une société d'État provinciale et la troisième compagnie publique d'électricité en importance au Canada. Nous desservons 1,4 million de clients dans une région qui englobe92 p. 100 de la population de la Colombie-Britannique. Environ 90 p. 100 de l'électricité de B.C. Hydro sont produits par 32 sites hydroélectriques regroupant 61 barrages dans 43 emplacements.

En tant qu'important participant à l'économie de la Colombie- Britannique, B.C. Hydro reconnaît les liens et les compromis qui interviennent entre ses activités et l'environnement.B.C. Hydro administre ses installations, y compris les vastes réservoirs qui lui sont nécessaires, dans toutes sortes de conditions, allant de sécheresses en inondations, pendant les hauts et les bas de la demande et de la consommation d'énergie, et dans une optique multifonctionnelle qui englobe la lutte contre les inondations, la protection de la faune et des poissons, les valeurs récréatives ainsi que la production d'énergie. Les décisions de notre société reflètent non seulement des considérations techniques et économiques, mais également des préoccupations environnementales et sociales.

L'industrie de la production d'électricité pour le public vit des changements fondamentaux. Un environnement plus concurrentiel est en train d'émerger. La société se trouve également confrontée à des pressions publiques et émanant des organes de réglementation en vue du maintien des coûts au niveau le plus bas possible.

Malgré ces défis, B.C. Hydro s'est engagée à réaliser une utilisation durable des ressources, notamment en trouvant des moyens d'optimiser l'exploitation du système hydroélectrique et de minimiser l'incidence sur l'environnement naturel.

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Les partenariats sont un élément essentiel de la stratégie du B.C. Hydro, soit réaliser un équilibre acceptable entre notre rôle en tant que producteur d'électricité et notre responsabilité en matière de protection de l'environnement naturel. Par exemple, B.C. Hydro est en train de réexaminer ses concessions d'eau pour toutes ses installations existantes, ce afin de s'assurer qu'on tient suffisamment compte des valeurs environnementales, sociales et économiques.

Nous travaillons aux côtés des gouvernements, du public, des localités, des premières nations, et d'autres intervenants clés en vue de l'élaboration de plans d'utilisation de l'eau qui assurent un équilibre entre la nécessité de produire de l'énergie et la protection d'un important habitat pour les poissons et d'autres utilisations de l'eau. J'aimerais à cet égard m'attarder sur six points clés.

Tout d'abord, l'aspect service public d'électricité. Étant donné que le projet de loi C-65 couvre les espèces aquatiques, qu'elles se trouvent ou non sur un territoire domanial, les propriétaires-exploitants qui fournissent à la demande seront sans doute le groupe le plus touché.

Il existe au Canada de nombreux barrages qui ont des fins autres que la production d'électricité, par exemple lutte contre les inondations, irrigation, approvisionnement en eau potable, etc. Le libellé du projet de loi pourrait avoir une grande incidence sur la quasi-totalité des activités de B.C. Hydro, y compris production d'énergie hydroélectrique et thermique, entretien des emprises et traitement des déchets.

Par exemple, les centrales hydroélectriques ont une capacité très limitée de modifier leurs opérations sans perdre de leur pouvoir de génération. Des contraintes imposées à nos opérations réduiraient notre capacité d'emmagasiner de l'eau ou de produire de l'énergie de façon efficiente, et il n'existe aucune solution technique simple qui permette aux centrales hydroélectriques de maintenir leur production d'électricité face à de telles contraintes ou exigences.

Cela étant, nous craignons, ce qui est tout naturel, que la Loi sur la protection des espèces en péril au Canada ait des conséquences coûteuses pour B.C. Hydro et pour nos clients. Poussée à l'extrême, bien sûr, la loi pourrait même obliger à l'abandon ou à la suppression de centrales existantes, ce qui se solderait par l'imposition de coûts énormes, sans protection correspondante pour les espèces en péril.

D'autre part, le résultat net pourrait être défavorable aux autres composantes de l'environnement. La demande d'électricité devra continuer d'être satisfaite. La perte sur le plan production d'électricité devra être récupérée grâce à de nouvelles sources et à de nouvelles centrales, et la production de cette énergie de remplacement serait assortie de ses propres impacts environnementaux.

Nous sommes également préoccupés par l'élaboration prévue de lois et de règlements supplémentaires sur la base d'un examen approfondi de toutes les lois provinciales et fédérales en vigueur qui visent la protection des espèces et de leur habitat. Pour éviter la duplication, le chevauchement et la confusion, il conviendrait de faire un effort d'intégration et de coordination des lois environnementales nouvelles et existantes.

La protection de la biodiversité est une valeur importante. Il importe néanmoins de l'examiner aux côtés des besoins et des valeurs de la société, ce afin de recueillir un soutien majoritaire parmi le grand public. Bien que l'application de bonnes pratiques scientifiques soit une condition préalable à tout ce qui est prévu dans la loi, il conviendrait de tenir compte de tous les effets sociaux, économiques, environnementaux et autres pour réaliser l'objectif commun de la conservation et de la protection des espèces menacées dans le cadre des principes du développement durable des ressources.

Il importe que le statut des espèces soit fondé sur la biologie, et l'application de la Loi sur la protection des espèces en péril au Canada devrait être conforme aux priorités sociales et être soumise à une analyse des coûts-avantages sociaux. Le simple fait d'inscrire une espèce sur la liste, ce qui établit en définitive de nouveaux délits, aura des conséquences économiques, et il conviendrait de tenir compte de ces considérations.

La question suivante que j'aimerais aborder est celle de la participation du public. B.C. Hydro convient que les Canadiens devraient avoir la possibilité d'échanger des connaissances et de participer aux efforts visant à protéger et à rétablir les espèces en péril. Le moyen le plus efficace d'y parvenir est de maintenir un processus ouvert et transparent. Nous pensons que la Loi sur la protection des espèces en péril au Canada devrait comporter davantage de dispositions en matière de consultation avec les parties concernées d'un bout à l'autre du processus, de l'établissement de listes d'espèces jusqu'à la préparation et à la mise en oeuvre de plans de rétablissement.

La meilleure façon de protéger les espèces en péril sera d'établir des partenariats avec les intervenants clés. Cependant, dans son libellé actuel, le projet de loi résultera en une duplication des autorités fédérales, provinciales et territoriales en matière de réglementation. Cela va à l'encontre de l'harmonisation et des démarches intergouvernementales en matière de protection environnementale, ainsi que de l'accord national, et se soldera sans doute par des différends entre les paliers de gouvernement, la duplication, une application et une administration insatisfaisantes, la confusion chez le public et une mauvaise distribution de ressources qui sont rares.

B.C. Hydro appuie l'harmonisation de la Loi sur la protection des espèces en péril au Canada avec les exigences provinciales en matière de réglementation, ce afin d'assurer la complémentarité plutôt que des contradictions entre les différentes lois.

Nous proposons par ailleurs que le projet de loi stipule que les plans de rétablissement s'appuient sur des mesures équilibrées et raisonnables, fondées sur les principes du développement durable. Nous croyons que les plans de rétablissement seront efficaces s'ils sont exhaustifs, scientifiques et abordables et s'ils tiennent compte également des conséquences socio-économiques. Il importe par ailleurs que les plans de rétablissement prévoient des mesures de compensation pour les particuliers, entreprises ou localités qui subiront des conséquences économiques néfastes par suite de leur mise en place.

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Il nous faut examiner certains éléments de ce qui est proposé dans le contexte de l'expérience vécue aux États-Unis avec la U.S. Endangered Species Act. En effet, les États-Unis ont adopté des lois visant les espèces menacées il y a de cela plus de 20 ans. Nous pourrions tirer beaucoup de leçons de l'expérience américaine à cet égard.

Je demanderai à M. Wright de vous entretenir du dossier des services d'hydroélectricité dans le nord-ouest de la région du Pacifique aux États-Unis et de vous exposer certaines leçons qu'il serait peut-être bon que le Canada étudie.

M. Al Wright (expert-conseil, B.C. Hydro): Merci, Roy, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.

Je vous ai remis un bref mémoire. Je me bornerai à n'en évoquer que quelques points, car j'aimerais consacrer le temps qui m'a été alloué aux éléments que j'y cite qui sont peut-être des leçons que nous devrions tirer de l'expérience américaine.

Le président: Votre groupe disposait d'un quart d'heure et il vous reste encore six bonnes minutes.

M. Wright: Très bien. Merci, monsieur.

Comme je l'explique dans mon mémoire, nous avons vraiment commencé à travailler sur la question du déclin de la population de salmonidés du fleuve Columbia en 1980, avec l'adoption d'une loi fédérale très spécialisée qui concernait le drainage du Nord-Ouest et du fleuve Columbia. La loi comprenait une disposition en matière de rétablissement des poissons.

Nous avons pendant 15 ans oeuvré au rétablissement du saumon dans le contexte des dispositions de cette loi, l'idée étant d'essayer d'éviter les rigueurs de l'Endangered Species Act. Nous avons connu quelque succès vers le milieu des années 1980, mais dès le début des années 1990, nous constations des chutes dramatiques dans la population de saumons du fleuve Columbia, amenées par toutes sortes de facteurs, que je ne vais pas aborder ici tout de suite.

En gros, en dépit de nos efforts, l'Endangered Species Act est devenue une réalité. Nous avons néanmoins recueilli des pétitions et des listes, avec des conséquences très importantes. J'aimerais aborder avec vous certaines de ces conséquences et vous entretenir des résultats et des avantages qui en ont, selon moi, découlé.

Nous nous trouvons à l'heure actuelle dans une situation où au moins cinq barrages et centrales au fil de l'eau sont menacés de perte de statut. Même si de telles mesures n'ont pas encore été prises, il y a divers plans de rétablissement qui en sont à différentes étapes dans leur élaboration et qui sont en train d'être examinés dans le cadre de tribunes fédérales d'États.

Le système de stockage du fleuve Columbia a été reréglementé, ce qui a amené la perte de plus de 1 300 mégawatts d'énergie garantie ainsi que d'un certain nombre d'autres composantes dans le système de production énergétique. Par ailleurs, d'importantes immobilisations ont été consenties pour modifier les structures en vue de favoriser le poisson.

En fin de compte, nous dépensons à l'heure actuelle environ 435 millions de dollars par an par l'intermédiaire de la Bonneville Power Administration, ce afin d'être conformes à l'Endangered Species Act pour ce qui est du fleuve Columbia, et nous nous efforçons de venir en aide à d'autres espèces qui ne figurent pas sur la liste, ce afin de ne pas perdre de terrain pour éviter des inscriptions supplémentaires sur la liste. À l'heure actuelle, ces 435 millions de dollars par an s'inscrivent dans un programme de six ans, devant prendre fin en l'an 2001.

Quant aux résultats obtenus grâce à l'ESA, comme vous l'aurez entendu, aux États-Unis, environ 967 espèces figurent sur la liste des espèces menacées et(ou) en péril, environ 421 sont candidates à l'inscription sur la liste, et il y a environ 4 000 «espèces pour lesquelles on s'inquiète», conformément à la définition de la catégorie suivante dans l'Endangered Species Act.

Depuis 1973, seules 22 espèces ont vu leur nom retiré de la liste et seules sept ont été suffisamment rétablies grâce aux mesures de protection pour ne plus du tout figurer sur les listes. Je tenais à souligner cela car j'estime qu'il s'agit là d'un important échec dans l'expérience américaine, et ce pour deux raisons.

Tout d'abord, notre loi ne se prête pas à un effort concerté de rétablissement des espèces, ce qui est pourtant essentiel. Deuxièmement, pour la majorité des 967 inscriptions, il n'est prévu aucun mécanisme pour que le gouvernement fédéral consacre de l'argent au rétablissement. Dans de rares cas, comme celui du fleuve Columbia, des sommes énormes ont été dépensées, mais sur l'ensemble des 967 espèces, dans de nombreux cas peu ou rien n'a été fait sur le plan engagement de ressources en vue d'aider les animaux à se rétablir.

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Pour ce qui est du Columbia... depuis 1991, lorsque nous avons dépensé ces gros montants d'argent... essentiellement, nous ne connaissons pas encore les améliorations qui pourraient en résulter. Tout d'abord, il s'agit d'activités relativement récentes et, deuxièmement, nous savons que nous vivons tout le long de la côte Ouest des conditions océaniques très particulières auxquelles nous ne pouvons strictement rien. Si et quand ces conditions viendront à changer pour être plus favorables aux espèces du Nord- Ouest qui préfèrent l'eau froide, alors nous verrons peut-être davantage les fruits de nos activités qui sont pour l'instant, nous le pensons, masquées par tout ce qui se passe dans l'océan.

Passant maintenant à ce que nous avons appris de l'Endangered Species Act - j'ai écouté les témoignages de ce matin, et je trouve fascinant que vous discutiez de certaines des mêmes questions - dans l'ensemble, la première priorité est d'insister sur de bonnes pratiques scientifiques. Comme cela est ressorti dans la discussion de ce matin, les plans de rétablissement sont l'ordre du jour de la bonne pratique scientifique. J'aimerais en aborder trois aspects.

Premièrement, pour ce qui est de l'établissement de listes d'espèces maritimes... il y a l'espèce, la sous-espèce, des segments distincts de la population, etc. Je vous exhorte, dans votre travail de révision de la loi, au fur et à mesure que vous examinez le barème d'inquiétude à l'égard d'une sous-espèce par opposition à un segment distinct d'une population donnée, à ajouter de plus en plus de rigueur au texte de la loi, car les espèces et les sous-espèces sont entourées d'une masse considérable de données scientifiques sur ce qu'elles sont et sur les critères à employer pour les déterminer. Lorsque vous en arrivez à des segments de population distincts, cela devient beaucoup plus vague et beaucoup plus subjectif.

Lorsque vous imposez des conditions au segment de population distinct, des unités significatives sur le plan évolution - et c'est l'expression que nous utilisons aux États-Unis et je vous décourage vivement de jamais vous en servir - il est très vague et extrêmement difficile d'établir des limites les cernant, de façon à ce que vous puissiez trancher.

Comme je l'ai dit, l'ingrédient primordial ici est le plan de rétablissement. Si vous allez vous occuper de désigner des habitats essentiels, traitez de ces habitats critiques comme étant un sous- élément du plan de rétablissement. Dans notre loi, l'habitat critique est une désignation qui est faite avant l'élaboration d'un plan de rétablissement. Si vous ne faites pas de désignation d'habitats critiques dans le contexte de la planification du rétablissement, vous ne pourrez pas faire de compromis. Par exemple, dans le cas du fleuve Columbia, nous nous sommes retrouvés dans une situation où toute la rivière a été désignée comme étant un habitat essentiel. Une désignation aussi vaste que cela, qui englobe autant d'éléments, n'est pas gérable.

Je vous encourage donc vivement à inscrire la planification des habitats essentiels - et ce n'est pas un mauvais concept - dans le contexte de la planification du rétablissement, ce qui vous permettra de faire des compromis, dont certains ont été évoqués ce matin.

Le bon rapport coûts-avantages est une exigence qu'il est, je pense, légitime que vous inscriviez dans la planification du rétablissement. Sauver des espèces en péril n'est pas une excuse pour attendre. Une disposition en matière de rapport coûts- avantages est raisonnable et prudente dans le cadre d'un plan de rétablissement, lorsque vous faites des compromis.

En conclusion, j'aimerais dire que je vous encouragerais vivement à fonder votre loi sur la coopération et la participation conjointes et non pas sur les litiges et la réglementation. Les meilleures histoires de saumon que nous avons en ce qui concerne le cours inférieur du Columbia sont le saumon quinnat de printemps de la rivière Willamette et le saumon quinnat d'automne de Hanford Reach, dans l'État de Washington, pour lesquels des initiatives ont été élaborées sans intervention de l'Endangered Species Act. Dans les deux cas, il y a eu des initiatives conjointes entre le secteur privé et les gouvernements fédéral, d'États et tribaux.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Wright, de vos précieux conseils, pour lesquels nous vous sommes très reconnaissants. Il me semble que l'un des points sur lesquels vous avez insisté est que nous devrions faire tout notre possible pour que rien ne soit inscrit sur la liste des espèces en voie de disparition. Si c'était le cas, nous en bénéficierions tous.

C'est très aimable aux gens de B.C. Hydro d'avoir pensé faire venir M. Wright pour participer aux audiences du comité. Mes collègues et moi-même vous en sommes très reconnaissants.

Nous allons maintenant passer à la Forest Alliance. Je souhaite donc la bienvenue à M. Munro. Nous sommes heureux de vous revoir, monsieur Munro. Nous ne nous sommes pas vus depuis notre réunion à Winnipeg, en octobre, lorsque vous avez demandé ma démission de la Commission royale sur les forêts et le développement durable, ce qui était, j'en suis sûr, un bon conseil, auquel je réfléchis d'ailleurs toujours. Ne pensez pas que j'oublierais facilement vos bons conseils.

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M. Jack Munro (président, Forest Alliance of British Columbia): Le seul problème avec ce conseil, c'est que vous ne l'avez pas encore accepté.

Le président: Cela va peut-être venir. Qui sait, je le suivrai peut-être, dans un moment de lucidité. Vous avez la parole.

M. Munro: Eh bien, patientez un peu.

Je suis ici en ma qualité de président de la Forest Alliance of British Columbia. La Forest Alliance est une organisation de citoyens. Notre rôle dans la vie est de trouver un équilibre entre l'environnement et le maintien en Colombie-Britannique et au Canada d'une économie qui s'appuie sur la forêt.

J'aimerais commencer par souligner à quel point la conservation de la faune est importante pour l'organisation que je représente. La faune est plus diversifiée ici en Colombie- Britannique que partout ailleurs au Canada. Le maintien de cette diversité est l'un des plus importants objectifs environnementaux.

Il y a cinq ans, la Forest Alliance a élaboré un ensemble de principes d'exploitation forestière durable, et des mesures de conservation de la faune en sont un élément important. Toutes nos compagnies membres ont entériné ces principes et elles continuent de déposer chaque année des rapports publics sur leur respect de ces principes. D'autre part, nous participons à l'heure actuelle au financement de deux importants projets de conservation, l'un visant la marmotte de l'île de Vancouver et l'autre l'habitat de l'aigle à tête blanche dans la vallée de la Squamish. Cet automne, la Forest Alliance va parrainer un important forum sur les pêcheries durables et la conservation des stocks de poissons.

Je pense qu'il est important que vous soyez sensibles à tout ce qui se fait déjà ici en Colombie-Britannique dans le domaine de la conservation de la faune. Et je ne veux pas parler uniquement de codes de conduite volontaires ou de projets d'amélioration d'habitats particuliers. Nous avons des lois très volumineuses et d'autres initiatives gouvernementales également. Pour le secteur forestier, l'initiative la plus importante a été le code de pratiques forestières. Il s'agit d'un ensemble détaillé de règlements régissant tous les aspects de la foresterie dans la province. Ce code a complètement changé la façon dont les opérations forestières sont menées. Des études comparatives font ressortir que le code compte parmi les jeux de réglementation forestière les plus stricts et les plus exhaustifs au monde. Une part importante du code vise la protection de la biodiversité.

Nous avons également un plan de renouvellement forestier, en vertu duquel des milliards de dollars seront investis dans la santé des forêts et de l'écosystème. Nombre de ces investissements visent le rétablissement d'un habitat amélioré pour la faune. Nous avons également la stratégie pour les zones protégées, qui est une politique du gouvernement à laquelle nous allons réserver des millions d'hectares de parcs et d'autres régions protégées. D'ici la fin du siècle, 12 p. 100 de la superficie de la Colombie- Britannique auront le statut de zone protégée. Il s'agit là d'un avantage évident du point de vue de la biodiversité.

J'ai, au cours des derniers mois, entendu beaucoup de gens parler du fait que seules quatre provinces sont dotées de lois visant les espèces en péril et que la Colombie-Britannique n'est pas de ce nombre. Ce que je viens de vous dire devrait vous aider à comprendre que c'est loin d'être le cas. Il n'y a peut-être que quatre provinces qui se soient dotées d'une chose appelée Loi sur la protection des espèces en péril, mais cela ne veut pas dire que seules quatre provinces font quelque chose pour protéger les espèces menacées. Je suis fier du dossier de la Colombie- Britannique dans ce domaine, même si je suis parfois frustré par les excès bureaucratiques de certaines de nos lois actuelles. J'aurais du mal à croire que nous faisons un pire travail de protection de la biodiversité qu'une quelconque autre province.

Cela étant dit, la Forest Alliance appuie l'effort du gouvernement fédéral visant l'adoption de lois destinées à protéger les espèces en péril. Nous appuyons tous les efforts raisonnables destinés à empêcher l'extinction d'espèces par la faute de l'homme, partout où cela est faisable. Il n'y a aucun doute qu'il s'agit là d'un objectif louable. Mais je pense qu'une partie de la raison pour laquelle les Canadiens sont si nombreux à appuyer n'importe quelle mesure portant le titre de Loi sur la protection des espèces en péril est tout simplement qu'ils n'y voient aucun aspect négatif. Ils ne sont eux-mêmes au courant d'aucune conséquence néfaste, en tout cas pas qui soit immédiate ou directe. La plupart des Canadiens, après tout, vivent en ville. Ils sont assez loin des régions où il y aurait de bonnes chances de trouver des espèces menacées. Par ailleurs, la plupart des Canadiens sont assez éloignés, dans leur vie quotidienne, de la foresterie, de l'exploitation minière, de l'agriculture et des autres activités fondées sur la terre.

Les membres de mon organisation - et il y en a plus de 10 000 répartis sur tout le territoire de la Colombie-Britannique - ne sont, eux, pas si loin du dossier. Ils sont très nombreux à vivre dans des localités fondées sur les ressources, comme Fort Nelson, Bella Coola, Quesnel, Port McNeill, Cranbrook, Nelson, etc. Nombre d'entre eux travaillent directement dans le secteur forestier et tous savent à quel point le secteur forestier est important pour l'économie de la Colombie-Britannique et du Canada. Ils savent qu'il s'agit d'un secteur qui dépend d'un accès à une base territoriale. C'est pourquoi nous autres du secteur forestier sommes si intéressés par toute nouvelle loi susceptible d'avoir une incidence sur l'utilisation des terres.

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Je me rends compte que le projet de loi vise principalement à s'appliquer aux terres domaniales, et je sais qu'il n'y en a pas beaucoup en Colombie-Britannique. Cependant, si j'ai bien compris, il y a un accord avec les provinces prévoyant l'adoption de lois complémentaires d'un bout à l'autre du pays. Le projet de loi qui finira par être adopté par le gouvernement fédéral servira vraisemblablement de modèle pour les lois provinciales en Colombie- Britannique et ailleurs. Il importe donc de ne pas se tromper.

Dans de nombreuses régions de la Colombie-Britannique, le secteur forestier est déjà aux prises avec de graves pénuries de fibres. Certaines scieries ont déjà fermé, et ce sera peut-être le cas d'autres dans un proche avenir. Beaucoup de gens ont eu un Noël plutôt maigre cette année, à Golden, en Colombie-Britannique, par exemple, par suite d'une fermeture. Cela m'ennuierait beaucoup de voir cette situation répétée en décembre prochain dans encore d'autres villages un peu partout au pays.

Avant d'aborder certains des éléments du projet de loi qui nous préoccupent, je tiens à vous saisir de certaines de nos préoccupations relativement aux consultations en cours. Je sais que vous avez reçu beaucoup de lettres sur la question de la part d'autres groupes de la Colombie-Britannique. J'ai fait état de cela en décembre lorsque j'ai comparu devant vous au nom du Comité consultatif du secteur des forêts. En fin de compte, ce sont en général les habitants des localités rurales qui sont le plus directement et le plus sérieusement touchés par la les lois en matière d'utilisation des terres. Un processus de consultation avec deux arrêts en régions exclusivement urbaines est peut-être adéquat pour certains projets de loi, mais pas pour celui-ci.

Je pense que vous avez l'obligation de visiter au moins certaines des villes du pays qui sont axées sur les ressources avant d'adopter le projet de loi. Je pourrais pour ma part vous donner une liste de plus de 100 villages du genre dans la seule province de la Colombie-Britannique. Si vous ne pouvez pas vous rendre dans ces localités, vous devriez au moins prolonger le processus de consultation et déployer de sérieux efforts pour obtenir des renseignements sur ces localités. Si vous êtes étonnés par le niveau d'intérêt pour cette question qu'il y a ici en Colombie-Britannique, je vous encouragerais à modifier votre programme de voyages dans le but de savoir pourquoi.

Vous avez déjà entendu parler aujourd'hui de l'incidence de l'Endangered Species Act des États-Unis, surtout pour nos voisins de la région nord-ouest de la côte Pacifique. J'ai participé à une autre série d'audiences l'automne dernier, à Winnipeg. Un grand nombre des témoins étaient venus de villes et de villages du nord- ouest de la région du Pacifique qui dépendent de la forêt. Ils ont raconté des histoires de difficultés épouvantables, de villes qui étaient en train de dépérir, de pertes d'emploi, de familles dont le stress était tel que cela débouchait parfois sur la violence et le suicide. Je sais que le président du comité ici réuni a lui aussi entendu ces témoignages. Je suis convaincu que leurs histoires vous ont frappé tout autant que moi, Charles.

Je ne dis pas que la U.S. Endangered Species Act est responsable de tous les problèmes auxquels se trouve confronté le secteur forestier de la région Pacifique nord-ouest, et je ne dis pas non plus que l'impact du projet de loi dont vous êtes saisis sera forcément aussi grave. Mais il n'y a aucun doute que les efforts visant à protéger les espèces menacées auront une incidence sur l'utilisation qui pourra être faite des terres et sur les industries axées sur les ressources.

Un nouveau plan de gestion de la chouette tachetée a été établi dans le nord-ouest de la région du Pacifique en 1994. Sur les plus de 24 millions d'acres que comptent les États visés par ce plan, moins de six millions seront disponibles pour la récolte du bois. La plus importante catégorie à utilisation unique, recouvrant plus de sept millions d'acres, est celle de peuplements de succession normale, qui ont été réservés comme habitat pour les chouettes et pour les vieilles futaies. En fait, la plupart des activités de récolte du bois sont limitées aux régions appelées régions matrices. Celles-ci englobent moins de quatre millions d'acres et elles ne se prêtent pas toutes à l'exploitation commerciale et ne sont même pas toutes recouvertes de forêt.

Les niveaux d'exploitation n'ont même pas réussi à se stabiliser aux seuils les plus modestes promis dans le cadre du plan. Les fermetures de scieries et les pertes d'emplois se poursuivent.

Je pense qu'il y a des leçons à tirer de l'expérience américaine, leçons au sujet de l'effet potentiel des lois de protection des espèces en péril et leçons au sujet des démarches qui ont une incidence que nous pouvons accepter et de celles qui débouchent sur des résultats que nous ne pouvons pas accepter.

J'aimerais maintenant vous entretenir de certaines des démarches prévues dans le projet de loi et qui nous préoccupent. Toutes nos préoccupations sont expliquées de façon plus détaillée dans notre mémoire. J'aimerais vous renvoyer à ce que nous disons sur certaines des plus graves.

Tout d'abord, le projet de loi n'accorde pas du tout assez d'attention aux effets sociaux et économiques. Je ne dis pas que la protection des espèces en péril ne mérite pas qu'on paie un certain prix, mais je dis que nous devrions évaluer ce prix et être certains de trouver un moyen juste de décider qui doit le payer. Tout ce qui est prévu à cet égard dans le projet de loi est l'article 38, qui fait état de la nécessité d'évaluer les coûts et les avantages des activités de recherche et de gestion. L'on peut supposer que cela englobe les coûts sociaux et économiques, tels les emplois perdus si la récolte du bois n'est plus autorisée dans une région donnée. Mais lorsqu'il s'agit de quelque chose d'aussi critique que les emplois et le genre de vie des gens, nous ne devrions pas avoir à présumer quoi que ce soit. Le gouvernement devrait être tenu de faire beaucoup plus qu'une simple évaluation générale des coûts et des avantages.

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Le Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril dit dans sa documentation que le projet de loi coûtera, s'il est adopté, 10 millions de dollars par an. Mais pour en arriver à ce chiffre, le conseil n'a tenu compte que des coûts de mise en oeuvre du gouvernement, faisant abstraction du coût pour les habitants des localités rurales. Est-ce là la démarche que prendrait peut-être le gouvernement pour faire son évaluation?

Même si les coûts sociaux et économiques sont évalués, où est l'exigence qu'il en soit tenu compte dans le cadre des décisions d'application? Il devrait y avoir une exigence explicite que soient évalués les effets sociaux et économiques et des plans de rétablissement et des plans de gestion. Il devrait être prévu que celle-ci soit exécutée en consultation avec les résidants locaux et d'autres intérêts concernés, et le gouvernement devrait être tenu, avant de passer à l'étape de la mise en oeuvre, de vérifier que les effets seront raisonnables.

On devrait également prévoir une compensation pour les localités qui subiront des conséquences néfastes par suite de la mise en oeuvre des plans de rétablissement. Je ne vois aucune raison logique pour laquelle l'on devrait s'attendre à ce que les localités rurales subissent plus que leur juste part des coûts de la protection de la biodiversité.

Deuxièmement, la démarche prévue dans le projet de loi est à bien des égards trop vague et trop élastique. Nous exposons dans notre mémoire un certain nombre de préoccupations à cet égard, mais je m'attarderai ici sur une seule: la question des populations géographiquement distinctes.

La définition des espèces sauvages est de ce fait beaucoup trop vaste. Toute population est, par définition, géographiquement distincte dans une certaine mesure. Nos objectifs devraient être de protéger la biodiversité et d'empêcher les extinctions causées par l'homme, et non pas d'empêcher tout déplacement ou changement dans une fourchette donnée. Protéger les populations géographiquement distinctes fournirait un outil fort utile aux groupes désireux d'utiliser le projet de loi à d'autres fins, comme par exemple empêcher l'exploitation forestière dans certaines régions.

Troisièmement, nous craignons que le projet de loi mette trop l'accent sur la confrontation en matière de protection des espèces. Nous avons appris en Colombie-Britannique que les décisions relatives à l'utilisation des terres et des ressources sont fort complexes et que les meilleurs résultats sont obtenus au moyen de consultations et de consensus.

Nos processus actuels de planification de l'utilisation des terres en sont de bons exemples. Vers la fin de l'année dernière, nous avons obtenu un consensus sur des régions protégées pour la partie inférieure de la province grâce à un processus du genre. La décision a été prise conjointement par l'industrie, les syndicats, les localités et les environnementalistes. Il s'agit d'une décision qui s'appuie sur un appui solide de la part d'intervenants représentant une vaste gamme d'intérêts. Elle protège toute une gamme de valeurs et nous espérons qu'elle assurera la certitude quant à l'utilisation qui pourra être faite des terres. C'est ce genre de démarche coopérative que devrait promouvoir le projet de loi, et non pas des démarches conflictuelles et contradictoires, comme c'est le cas du projet de loi dans son libellé actuel.

La U.S. Endangered Species Act prévoit le droit des citoyens d'intenter des poursuites. Les procès qui ont été engagés relativement à des espèces en péril ont été coûteux. Selon une estimation, il y aura eu aux États-Unis au début des années 1990 plus de 20 gros procès concernant des espèces en danger. Entre 1991 et 1994, des militants ont utilisé l'Endangered Species Act et d'autres textes de loi pour bloquer la plupart des ventes proposées de bois fédéral dans l'habitat de la chouette tachetée au moyen de poursuites devant les tribunaux.

Les procès ne sont pas un moyen efficace d'obtenir que l'on tienne compte de tous les intérêts et que l'ensemble des intervenants acceptent une décision. Ils ne sont pas non plus un moyen efficace de créer la certitude dans l'utilisation qui sera faite des terres ou dans la distribution des ressources pour les projets de rétablissement. Nous ne pensons pas qu'il y ait de place pour le droit des citoyens de poursuivre lorsqu'il est question de protéger des espèces en péril.

J'aimerais conclure en soulignant de nouveau à quel point nous sommes convaincus de l'importance de la tâche qu'a entreprise le comité. J'espère que vous terminerez votre court séjour en Colombie-Britannique en comprenant mieux pourquoi le projet de loi dans son libellé actuel ne pourrait pas fonctionner.

Je vous exhorte à adopter une démarche prudente, à consacrer au projet de loi l'examen qu'il mérite et, ce qui est le plus important, à élargir vos consultations. Soyons certains que nous poursuivons l'objectif de la protection des espèces en péril d'une façon raisonnable. Soyons certains que nous ne provoquerons pas, ce faisant, des souffrances humaines inutiles. Soyons également certains que nous avons défini notre objectif d'une façon judicieuse. Et travaillons en vue de sa réalisation de façon constructive, plutôt qu'en recourant à des poursuites judiciaires.

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Je pense que si des solutions étaient trouvées à ces préoccupations, vous auriez un projet de loi qui jouirait d'un bien meilleur soutien dans le Canada rural, dans les régions et chez les gens où le gros de la mise en oeuvre se fera. Ce n'est qu'avec ce genre d'appui, ce n'est qu'avec le soutien des personnes qui seront le plus touchées, que les programmes visant la protection des espèces en péril pourront réussir. Or, ces personnes n'ont pas eu l'occasion de comparaître devant vous.

Le président: Merci, monsieur Munro. Nous apprécions votre intervention.

Nous allons maintenant passer à M. Pollock.

M. Kim Pollock (directeur, Service de l'environnement et de l'utilisation des terres, Industrial, Wood and Allied Workers of Canada): Merci, monsieur Caccia. C'est un plaisir, comme toujours, d'être parmi vous.

Merci, mesdames et messieurs, de nous avoir donné l'occasion de comparaître ici devant vous. Je représente l'Industrial, Wood and Allied Workers of Canada. Il s'agit du plus gros syndicat industriel de la Colombie-Britannique, et l'un des plus importants au Canada.

Avant d'accepter le poste que j'occupe aujourd'hui, j'ai pendant longtemps travaillé pour le compte de services parlementaires et législatifs. Je sais donc, comme vous, que des projets de loi de ce genre vous amènent souvent dans des bourbiers de déclarations, de réfutations et d'allégations de chercheurs, de biologistes et de groupes de conservation. Je sais, comme vous, que dans ce territoire les hurlements des justes sont souvent impossibles à distinguer des hurlements des damnés.

Dans notre recherche d'un fondement solide dans ce genre d'environnement, IWA Canada, en tant qu'organisation de défense de la justice sociale, intéressée à l'application de pratiques forestières durables, a examiné le projet de loi d'un point de vue quelque peu différent. En effet, il lui a appliqué deux critères en se posant les questions que voici: le projet de loi est-il équilibré et le projet de loi est-il juste? Nous pensons que le projet de loi C-65 échoue dans les deux cas.

Il échoue sur la question de l'équilibre car en s'efforçant de défendre une valeur - celle de la protection et de la mise en valeur de la biodiversité - il ignore d'autres valeurs importantes. Je citerai à titre d'exemple la nécessité d'avoir de l'activité économique, la nécessité d'avoir des emplois et des emplois sûrs, la nécessité d'avoir des localités saines et la nécessité d'avoir des revenus d'exportation et des revenus pour le gouvernement. Ce sont toutes là des valeurs extrêmement importantes. Encore plus important est la nécessité de maintenir un mode de vie sain et solide pour des milliers de Canadiens.

Nous pensons que le projet de loi échoue en ce qui concerne le critère de l'équité, car bien qu'il soit allégué que les avantages attendus de la Loi sur la protection des espèces en péril reviendront à tous les Canadiens, le coût et les incidences de la loi seront subis de façon disproportionnée par de petits nombres de travailleurs et leurs familles et localités, et ce sera surtout le cas de ceux qui vivent et qui travaillent dans les localités qui comptent sur les ressources naturelles. Nous les appelons les «visages en péril et endroits en péril» du Canada, et eux aussi ont besoin de protection.

Nous croyons que même si vous ne repartez avec rien d'autre de votre visite en Colombie-Britannique, vous devriez repartir avec une bonne compréhension de ce qui est arrivé, avec des lois semblables, aux villages forestiers de la région nord-ouest du Pacifique. Dans ces localités, quelque 30 000 emplois ont été perdus par suite de l'injonction relative à la chouette tachetée. Dans les États visés, des communautés entières ont été durement frappées et dévastées; certaines ne s'en sont pas encore remises.

Dans leur cas, on n'a tenu aucunement compte des conséquences sociales et économiques. La loi ne prévoyait aucune participation intelligente des intervenants concernés - y compris travailleurs et localités - au processus décisionnel. La loi américaine ne prévoyait rien en matière de redressement. Elle prévoyait le même genre d'accès relativement ouvert aux tribunaux pour les groupes de la région nord-ouest du Pacifique désireux d'utiliser la chouette tachetée du Nord comme moyen pour atteindre une fin. Cette fin, c'était la campagne de lutte contre l'exploitation forestière.

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Mais voici que nous sommes ici, au Canada, en train d'envisager une loi très semblable, en dépit de ce qui s'est passé dans le nord-ouest de la région Pacifique américaine. IWA Canada est venu ici au nom de ses 55 000 membres de partout au Canada pour vous exhorter à chercher à éviter ce qui s'est passé dans le nord- ouest de la région Pacifique et pour amener un équilibre et une certaine justice dans cette quête de la protection de la biodiversité au Canada.

J'aimerais à cette fin souligner trois choses.

Premièrement, les terres et les forêts du Canada relèvent principalement des provinces. Il est essentiel qu'il y ait coopération des provinces dans l'application de la loi, à l'image de ce qui a été fait dans le cadre du code des pratiques forestières de la Colombie-Britannique, que M. Munro vous a décrit.

Ajouté aux autres politiques et initiatives législatives de la Colombie-Britannique, le code des pratiques forestières protège la biodiversité forestière. Je pense d'ailleurs, et c'est le cas également de nombreux biologistes, chercheurs et travailleurs sur le terrain, qu'il y aura une remontée marquée de populations d'espèces sauvages par suite de l'adoption du code et d'autres mesures législatives en Colombie-Britannique.

Je tiens par ailleurs à vous avertir que cela n'est pas venu sans coût. Un récent rapport sur l'approvisionnement en fibre, par exemple, pour la région forestière de Vancouver, qui recouvre le gros des régions côtières de la Colombie-Britannique, révèle que le code des pratiques forestières et la législation connexe auront une incidence de l'ordre de 11,2 p. 100 sur les coupes annuelles autorisées pour la région. Cela représente une perte de quelque 4 000 emplois, sans mesures d'atténuation prévues.

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Ce n'est pas comme si le code des pratiques forestières de la Colombie-Britannique lui-même n'était pas assorti de coûts sur le plan pertes d'emplois dans les localités, mais ici en Colombie- Britannique, nous avons en place ce genre de cadre législatif, et nous croyons que d'autres provinces pourraient et devraient avoir des lois semblables, selon leurs circonstances particulières, pour protéger et mettre en valeur la biodiversité.

Nous croyons par ailleurs que, conformément à la recommandation du groupe de travail sur les espèces en péril, il devrait y avoir une collaboration entre l'industrie, les travailleurs et les propriétaires terriens en vue d'anticiper les problèmes des espèces et, partant, d'éviter les situations de crise avant qu'elles ne surgissent. Permettez-moi de vous citer quelques exemples d'efforts de coopération qui ont été lancés au Canada dans ce sens.

Canards Illimités Canada a fait énormément de travail bénévole, surtout dans les Prairies, sur le plan de la reproduction, du remplacement et de l'amélioration de l'habitat. Il y a le projet de la marmotte de l'île de Vancouver, qui a été largement financé par l'industrie forestière de la Colombie- Britannique; il y a également la réserve d'aigles de Brackendale. Grâce à notre appartenance à la Forest Alliance of British Columbia, nous avons été partenaires dans la création d'une réserve pour les aigles près de Squamish. Nous avons également participé au financement de la recherche sur l'alque marbrée à l'île de Vancouver. L'International Forest Products a quant à elle fait de la recherche sur l'habitat des chouettes.

Il y a donc beaucoup de place pour l'élaboration d'initiatives volontaires et de coopération destinées à protéger l'habitat et à faire ce qui doit être fait avant que nous n'en arrivions à une situation de crise.

Si vous tenez toujours à adopter une loi visant les espèces en péril, il faudra que votre projet de loi soit plus équilibré. Cela suppose une garantie de participation à l'élaboration des plans de rétablissement et de gestion pour les travailleurs et les localités. Cela supposerait que dans toute affaire dont ils seraient saisis, les tribunaux aient à tenir compte des conséquences sociales et économiques. Il vous faudrait par ailleurs entériner le principe du redressement pour les travailleurs touchés. Il faudrait également mettre fin au processus grand ouvert qui favorise la confrontation et les poursuites, en faveur des mesures de coopération que nous préconisons.

Mon principal conseil serait le suivant: quoi que vous fassiez, ne reproduisez pas l'expérience du nord-ouest du Pacifique. Ne tentez pas de résoudre un problème en en créant un autre, énorme, assorti de coûts économiques et sociaux énormes.

J'aimerais maintenant prendre un peu du temps qui m'a été alloué pour réagir à une chose que vous avez entendue ce matin relativement à la région nord-ouest du Pacifique: il s'agit de cette idée que l'économie de cette région est maintenant extrêmement prospère. En effet, si vous prenez la région dans son ensemble, il y a eu une certaine croissance économique. Mais si vous vous penchez sur le cas de certaines localités, non pas juste au niveau des comtés mais au niveau des villages, vous constaterez que certaines d'entre elles ont été dévastées par ce qui s'est produit et continuent de souffrir.

Il me faudrait souligner que le rapport de l'équipe d'évaluation de la gestion de l'écosystème forestier - l'énorme étude relative aux plans pour la chouette tachetée qui a précédé l'imposition du plan Clinton dans la région du nord-ouest du Pacifique - dit ceci:

Je devrais ajouter ce qu'a dit la B.C. Forest Resources Commission dans son rapport de 1991:

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La région est peut-être prospère, mais cela ne signifie pas qu'il n'y a pas eu de graves et douloureuses dislocations pour des milliers de gens.

Cela ne doit pas forcément se dérouler ainsi. Nous pouvons fort bien élaborer des lois et des mesures relatives aux espèces en péril en vue de protéger la biodiversité tout en maintenant un équilibre avec les besoins humains, les préoccupations environnementales et nos préoccupations sociales. C'est ce qu'il nous faut faire ici.

Merci beaucoup de votre temps.

Le président: Merci, monsieur Pollock. Votre témoignage nous a été des plus utiles.

Nous pouvons maintenant passer aux questions. Nous avons déjà une bonne liste et nous allons commencer par M. Forseth.

M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Nous avons entendu qu'il y a des discussions en cours relativement au code de pratiques forestières de la Colombie-Britannique. Nous avons entendu qu'il y a dans le code des ramifications en ce qui concerne les espèces en péril, et nous pouvons peut-être en être très fiers. J'ai également entendu que le nouveau code provoque des mises à pied et des bouleversements sur le marché de l'emploi. Nous apprenons par la suite quelle est la réaction politique, et il semble, ces derniers temps, qu'il s'agisse d'atténuer le code.

La loi fonctionne-t-elle en Colombie-Britannique? Les stipulations du code en ce qui concerne les espèces en péril fonctionnent-elles, ou bien va-t-on faire quelques pas en arrière à cause des conséquences imprévues sur l'emploi? Enfin, de façon générale, quelles leçons peut-on tirer de l'expérience du code des pratiques forestières de la Colombie-Britannique et de ses conséquences, dans le contexte de la loi concernant la protection des espèces en péril dont nous discutons aujourd'hui?

M. Munro: Si vous me permettez, je vais répondre à une partie de votre question: en réponse à la question de savoir si le code des pratiques forestières et d'autres textes législatifs du genre fonctionnent bien, j'affirmerais que oui. Le problème est qu'il y a trop de bureaucratie et de rapports en ce qui concerne les tentatives d'obtenir des permis de coupe. Il vous faut en général obtenir votre permis de coupe deux années à l'avance, afin que vous puissiez établir le tracé de vos routes et modifier vos plans de coupe en fonction du temps, des marchés et de tout le reste. La bureaucratie qui est assujettie à la loi a été presque paralysée. Elle ne fonctionne pas.

Les discussions en cours à l'heure actuelle ne visent pas à modifier les effets substantiels d'un quelconque élément de la législation, dont nous avions beaucoup besoin en Colombie- Britannique. Il s'agit d'assouplir la bureaucratie, de revenir à des permis de coupe de deux ans au lieu de devoir camper devant la porte du ministre en attendant votre tour pour en obtenir un. La loi, une fois qu'elle aura été épurée, continuera d'avoir le même effet en ce qui concerne l'environnement, les espèces et tous les autres éléments, mais la bureaucratie sera allégée.

M. Pollock: Si vous voulez savoir si le code sera édulcoré, il vous faudra, pour obtenir une réponse définitive, vous adresser au gouvernement provincial. Je pense néanmoins qu'il vous faut séparer, à l'intérieur du code, certaines des mesures qui concernent directement la nature biophysique des forêts, telles celles qui protègent la biodiversité ou les zones riveraines, et des choses qui sont, faute d'un meilleur terme, cosmétiques, comme par exemple les objectifs en matière de qualité visuelle.

Il est parfaitement concevable qu'il y ait un certain assouplissement des règles relativement à des choses comme les objectifs en matière de qualité visuelle, la contiguïté et l'augmentation du pourcentage de verdure, qui n'ont pas vraiment d'incidence sur l'application biophysique du projet de loi, tout en maintenant les mesures essentielles en matière d'environnement forestier qui visent la viabilité à long terme des forêts elles- mêmes. Si vous installez un énorme canon de règlements, de lois et de lignes directrices qui n'ont jamais été éprouvés auparavant, c'est l'humilité qui vous amènera à reconnaître au bout de quelques années que vous vous êtes peut-être trompés à différents endroits.

M. Forseth: Pourriez-vous résumer brièvement les leçons positives et négatives que nous pourrions tirer du code de pratiques forestières dans le contexte du projet de loi concernant la protection des espèces en péril?

M. Munro: On a voulu, je pense, aller trop loin trop vite.

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Pour mettre les choses en perspective, 17 importants textes de loi visant les forêts ont été adoptés au cours des cinq dernières années. Or, il n'y en avait eu que 12 pendant les 100 années précédentes. C'est donc un changement d'orientation majeur dans la façon dont nous récoltons le bois. Le pendule ne semble jamais vouloir commencer puis s'arrêter au milieu. Il passe de l'autre côté et il faut le ramener de force vers le centre.

M. Pollock: M. Wright a dit qu'il n'y a rien qui puisse remplacer la bonne pratique scientifique, et je pense qu'il a tout à fait raison. Il convient tout simplement de s'attaquer au problème avec un point de vue très ferme et pragmatique et d'évaluer les différents éléments pour voir si cela fonctionne ou non et déterminer ce que vous pouvez apporter comme amélioration si le système ne fonctionne pas.

Le président: Allez-y, je vous prie, monsieur Knutson.

M, Knutson (Elgin - Norfolk): Ma question s'adresse et à M. Munro et à M. Pollock.

Monsieur Pollock, vous avez dit de la loi américaine - et monsieur Munro, je pense que vous aussi, dans votre témoignage à Ottawa, avez parlé de la loi américaine - qu'elle était identique. Monsieur Pollock, avez-vous lu la loi américaine?

M. Pollock: Oui.

M. Knutson: Vous savez donc qu'au Canada une personne ne peut poursuivre quelqu'un dont elle pense qu'il viole la loi qu'une fois que le ministre s'est vu demander de faire une enquête et que la demande a été déraisonnablement refusée ou qu'il n'y a pas eu de rapport dans un délai raisonnable ou encore que l'enquête a été déraisonnablement menée ou suspendue. Aux États-Unis, le secrétaire doit être en train de poursuivre le prétendu contrevenant ou doit s'être vu accorder 60 jours pour entamer des poursuites pour qu'il soit interdit à un citoyen d'intenter des poursuites.

Je vois là une différence critique entre notre législation et la législation américaine, mais si j'ai bien compris, vous n'êtes pas de mon avis. Je veux parler du droit d'un citoyen d'intenter des poursuites.

M. Munro: Souhaitez-vous que je réponde?

M. Knutson: Bien sûr.

M. Munro: J'ignore si j'ai dit si la loi était identique ou si c'étaient les résultats qui le sont.

M. Knutson: Je me souviens vous avoir entendu dire clairement qu'il s'agissait d'une loi identique.

M. Munro: Très bien. Évidemment, ce n'est pas mot pour mot, mais les résultats seraient certainement les mêmes.

Je sais que vous avez entendu ce matin que dans les localités du nord-ouest du Pacifique tout a été rajusté et tout va très bien là-bas par suite de certaines de ces poursuites. Cela est parfaitement ridicule.

Ce qui me préoccupe relativement au comité...

M. Knutson: Là n'est pas l'objet de ma question. Ce que je veux dire, c'est que la loi canadienne est beaucoup plus équilibrée. Elle est davantage axée sur l'élaboration de plans de rétablissement en collaboration avec...

M. Munro: C'est là-dessus que nous ne sommes pas d'accord. Je ne pense pas que les deux lois soient différentes.

M. Knutson: Puis-je terminer ce que je disais? Une illustration du fait que notre loi soit plus équilibrée est qu'il importe de satisfaire un certain critère avant de pouvoir intenter des poursuites en vertu de la loi canadienne. C'est beaucoup plus strict et il y a une barrière plus haute à franchir que dans la loi américaine. Il faut en effet prouver au tribunal que le ministre a agi de façon déraisonnable lorsque vous lui avez soumis votre demande.

Il y a d'autres exemples également. Par exemple, dans le projet de loi C-65, il n'y a aucune disposition visant l'engagement de poursuites contre le ministre en cas de refus de faire enquête. La loi américaine comporte des dispositions précises pour intenter des poursuites contre le secrétaire en cas de refus d'intervenir. Voilà donc encore un autre exemple de différence qu'il y a entre les deux lois. Autre différence: la loi américaine fait état de l'habitat essentiel; la nôtre parle de résidence. Voilà donc quelques exemples des différences qui font que notre projet de loi, dans son libellé actuel, est à mon sens plus équilibré.

Je ne conteste pas les dommages qui ont pu être causés à certaines localités américaines en vertu de la loi américaine, mais je ne suis pas convaincu de la pertinence de cet élément-là, étant donné que le projet de loi dont nous sommes saisis ici est très différent.

M. Munro: Je suppose que c'est votre responsabilité de savoir quel est le libellé précis des deux textes. Ce n'est pas ma responsabilité. Ce que je veux dire ici aujourd'hui c'est...

M. Knutson: Votre responsabilité est de nous soumettre un témoignage exact.

M. Munro: Mon témoignage est qu'il n'y a pas de place devant les tribunaux pour les poursuites au civil lorsqu'on parle de politique forestière, d'espèces en péril ou de quoi que ce soit d'autre du genre. Nous connaissons les effets. Nous savons comment les gens peuvent se comporter devant les juges. Nous connaissons l'effet dévastateur de certaines des décisions de juges. L'effet dévastateur à quelques centaines de milles d'ici est que plusieurs localités ont été désertées, les fenêtres et les portes des maisons recouvertes de contreplaqué, tout cela parce que les citoyens ont accès aux tribunaux. La même chose arrivera ici si nous avons le même genre de juge.

Les salaires dont ils parlent là-bas sont passés de 28 $ de l'heure à environ 8 $ de l'heure. Certains disent qu'il n'y a pas de chômage. Cela est absolument ridicule. Je pense que cela relève de la responsabilité du comité. Si vous ne pouvez pas tous vous rendre là-bas parce que vous n'avez pas le budget de voyage requis, alors envoyez-y au moins vos recherchistes. Il n'y a pas de panique pour faire adopter ce genre de projet de loi alors, bon sang, allez constater par vous-mêmes les effets dévastateurs causés par le fait que les gens ont le droit, par un véhicule quelconque, de recourir aux tribunaux.

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Le président: Quatre membres du comité représentent des régions rurales et sont très certainement sensibles à ce que vous dites, du fait de leur propre expérience.

Monsieur Pollock, vous vouliez dire quelque chose.

M. Pollock: Je ne suis pas avocat, monsieur Knutson. J'ignore si vous l'êtes ou non, mais je ne suis pas en train d'évaluer la situation du point de vue d'un juriste, mais bien de celui des travailleurs forestiers.

Du point de vue des travailleurs forestiers, ce projet de loi est semblable. La loi américaine n'offrait aucune garantie de participation à l'élaboration des plans de rétablissement ou de gestion. C'est également le cas de ce projet de loi. La loi américaine ne prévoyait aucune exigence que le gouvernement évalue les effets économiques et sociaux. Il en est de même du projet de loi. La loi américaine n'offrait aucun redressement pour les travailleurs touchés et leur famille. C'est la même chose ici.

Je dirais que du point de vue du travailleur forestier, les deux textes sont assez semblables.

Le président: Monsieur Pollock, vous pourriez peut-être, étant donné ce que vous venez de dire, vous reporter à l'article 38.

M. Pollock: Je sais ce que dit l'article 38, monsieur Caccia, mais il ne dit absolument rien des conséquences sociales et économiques pour les travailleurs et leurs localités.

Le président: Il parle d'activités humaines, et cela sous- entend tout ce dont vous venez de discuter.

M. Munro: Mais il ne devrait pas être nécessaire d'interpréter le texte. Il devrait dire ce qu'il veut dire.

Le président: L'activité humaine englobe beaucoup de choses. C'est un terme très vaste.

M. Munro: Mais qui ne signifie pas forcément grand-chose, Charles.

Le président: Monsieur Knutson, vous pouvez terminer.

M. Knutson: Je ne voudrais pas m'éterniser sur ce point, mais que l'on parle d'un travailleur forestier, d'un avocat ou d'un politicien, les mots dans le texte du projet de loi sont importants et signifient quelque chose. Lorsqu'un article prévoit qu'un citoyen canadien peut faire appel à un tribunal, il y a un critère à satisfaire, et cela signifie quelque chose, et ce quelque chose est important. Le fait qu'un travailleur dans une localité forestière ne comprenne peut-être pas cela ne change rien au fait que ce soit important.

Venir ici et dire que si nous adoptons ce projet de loi il y a de fortes chances que l'on vivra au Canada des choses semblables à ce qui a été vécu aux États-Unis, alors que les deux lois sont en fait très différentes... je trouve cet argument fondamentalement faible, et je vous dirais que si vous voulez comparer des textes de loi, il serait bon que vous le fassiez dans un contexte plus large et en tenant pleinement compte des mots employés de part et d'autre, car c'est cela qui est important.

M. Pollock: Où se trouve la disposition en matière de redressement dans ce projet de loi, monsieur Knutson?

M. Knutson: Dans le plan de rétablissement.

M. Pollock: Où cela? Montrez-moi dans le projet de loi où il est dit qu'un redressement est disponible pour quiconque est touché par le projet de loi. Montrez-moi où il est dit, par exemple, qu'un agriculteur en Saskatchewan ou qu'un travailleur forestier sur l'île de Vancouver ou qu'un mineur dans les Territoires du Nord- Ouest peut en son nom propre, ou en celui de sa famille ou en celui de sa localité, avoir droit à un soutien, à une formation, à une compensation offerte par le gouvernement canadien s'il souffre par suite de l'adoption du projet de loi. Montrez-moi où cela se trouve.

M. Knutson: Cette question a été soulevée à Ottawa également. Si vous voulez dire qu'il devrait y avoir redressement et compensation, alors très bien, présentez-moi cet argument-là, et je l'accepterai.

M. Pollock: C'est ce que nous avons fait.

M. Knutson: Très bien. J'accepte. Cela signifie-t-il que nous devons prendre un travailleur de la morue qui perd peut-être son emploi à l'âge de 30 ans et lui verser de l'argent jusqu'à sa retraite à l'âge de 65 ans? Je pense que nous serions tous d'accord pour dire que ce serait là un gaspillage de ressources, comme l'a dit M. Wright. Cela signifie-t-il que si un propriétaire de boisé ne va pas être autorisé à récolter son bois vous allez lui verser une compensation?

Je conviens qu'il faut que le système soit raisonnable et que l'on dépense l'argent et les ressources à bon escient.

En conclusion, je reviendrai à mon principe de base. Au Canada, il y a une histoire d'intervention par les tribunaux dans les affaires où il y a un pouvoir discrétionnaire ministériel, et c'est très étroit. Je vous conseillerais de vous familiariser avec cette partie de la loi, et je pense que vous seriez alors beaucoup plus à l'aise avec les dispositions en matière d'initiatives de citoyens qui sont prévues dans ce projet de loi. Les tribunaux ne s'immiscent que très rarement dans le droit d'un ministre d'exercer son pouvoir discrétionnaire tel qu'établi dans des textes de loi semblables.

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M. Munro: Permettez-moi de vous dire que depuis que je suis là et depuis que je suis travailleur, ce qui approche les 65 ans, les travailleurs n'ont guère trouvé de réconfort auprès des tribunaux. L'injonction n'a pas pour objet de forcer les gens à retourner au travail ni de les y garder, mais ce que je peux vous dire c'est que nous avons vécu tout cela dans ce pays.

Ce que je vous dis, et je l'ai souligné dans mon exposé, c'est que l'article 38 parle de l'évaluation des coûts et des avantages. Cela ne rassure pas beaucoup les localités. Je ne sais pas pourquoi il est si difficile de comprendre qu'il y a plusieurs régions en Colombie-Britannique - des superficies énormes, des millions d'hectares - dont le sort a été décidé en collaboration avec les travailleurs, l'industrie, les gouvernements, les environnementalistes et tous les intervenants. Cela s'appelle consultations, et cela fonctionne, au contraire des tribunaux.

M. Knutson: Je pense que l'on s'entend fondamentalement pour dire que le projet de loi ne prévoit pas un accès facile aux tribunaux.

Le président: Monsieur Munro, comme vous le savez, le projet de loi est le résultat de deux années de consultations par le groupe de travail, consultation à laquelle ont participé toutes les principales industries des ressources, y compris la vôtre. Alors qu'on ne dise pas qu'il n'y a pas eu de consultation. Ce que nous avons ici est le résultat d'un travail très approfondi.

M. Munro: Charles, puis-je vous contredire là-dessus?

Le président: Lorsque vous lirez le rapport du groupe de travail, vous y verrez la liste des organisations qui ont participé. C'est tout ce que je puis vous dire.

M. Munro: Charles, lorsque vous êtes venu à Vancouver au début de l'année 1996, il y avait 50 personnes qui avaient été invitées à une réunion qui n'était à toutes fins pratiques pas une réunion ouverte. C'était, dans notre esprit, une réunion secrète. Le principal objectif de 49 de ces personnes était de fermer l'exploitation forestière, et il y avait un représentant de l'industrie elle-même. Ce n'est pas cela de la bonne consultation.

Le président: C'est de la pure fiction, monsieur Munro, et vous le savez très bien.

Quant à l'invitation de M. Pollock de lui montrer où figurent les mesures de rétablissement, je le renverrai à la page 19 du projet de loi où le ministre se voit accorder de très vastes pouvoirs en vertu de l'alinéa 38(5) (i) qui dit ceci:

Ce sont là de très vastes pouvoirs conférés en vertu d'une loi à un ministre, et ils comprendraient, bien sûr, toute considération économique qui pourrait être soulevée à un moment opportun.

M. Pollock: Pouvez-vous me montrer où il y a des garanties...

Le président: Il n'est nullement besoin...

M. Pollock: Charles, voyons...

Le président: Monsieur Pollock, vous savez très bien que, comparativement au contenu et à l'application d'autres textes de loi, ce sont des pouvoirs très vastes, et le ministre du jour peut les invoquer et s'en servir si on les porte à son attention.

M. Pollock: Eh bien, il s'agit de pouvoirs vastes, mais ce qui en découle n'est pas exécutoire pour le gouvernement. Il n'est nulle part garanti qu'il va entendre les intervenants.

Le président: Eh bien, le comité fera en sorte que ce soit exécutoire. Qui sait?

Monsieur Steckle.

M. Steckle (Huron - Bruce): Si ma mémoire est bonne, nous avons tenu plusieurs audiences juste avant Noël. Les deux côtés sont toujours diamétralement opposés, l'un pensant que nous sommes allés trop loin et l'autre jugeant que nous ne sommes pas allés assez loin, ce qui pourrait m'amener à la conclusion évidente que ce que nous avons doit être à peu près bien. Cependant, ce n'est pas cela qui va satisfaire l'un ou l'autre des deux camps.

Permettez donc que je suggère que si l'occasion était donnée à tous - tous les intervenants intéressés par la question - de s'asseoir... Un groupe de travail a fait un exercice du genre, mais si le gouvernement pouvait charger ce groupe de personnes dont nous discutons aujourd'hui - les deux côtés, tout le monde - d'examiner la question et lui donnait deux ans pour s'asseoir ensemble et revenir nous voir avec ce qui constituerait selon lui un texte de loi approprié, serait-ce là une possibilité?

Je ne dis pas que nous allons faire cela. Cela ne relève même pas du mandat du comité de poser cette question. Mais étant donné que nous avons deux camps, pensez-vous que vous puissiez de votre côté formuler un texte de loi qui cadre avec les intentions et les désirs des deux côtés? C'est là ma première question.

L'autre question s'adresse à M. Wright.

Vous êtes très critique à l'égard de la loi américaine. Qu'ont prévu les Américains en matière de redressement pour les personnes touchées par suite de la fermeture d'entreprises ou de localités, pour les personnes qui ont dû déménager à cause des effets de la loi? Comment le gouvernement américain ou les gouvernements des différents États ont-ils résolu ce problème particulier?

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M. Wright: Le problème est abordé de deux façons en réalité. Il y a dans la loi des dispositions relatives à des cas très particuliers, où il y a des interdictions et vous recevez en retour une compensation. Mais il s'agit de situations très étroites et très limitées.

La deuxième question en matière de compensation est venue par suite de l'affaire concernant la chouette tachetée et, bien franchement, j'ignore si cela ressort dans d'autres applications de l'Endangered Species Act ailleurs aux États-Unis. En gros, le gouvernement fédéral américain est intervenu, en dehors de toute disposition de l'Endangered Species Act, pour dire qu'il y avait eu une initiative fédérale qui avait créé des problèmes économiques et sociaux dans un nombre limité de localités. Les pouvoirs publics sont intervenus avec certains programmes de recyclage, de formation au travail et autres, sur lesquels je ne pourrais pas vous fournir de détails, mais je sais que le gouvernement fédéral américain est intervenu et a pris des initiatives comme celles dont je viens de vous parler.

Voilà les deux seuls cas que je connaisse.

M. Munro: Paul, la réponse courte à votre question est oui, mais qui parmi nous, politiciens et autres, connaît des réponses courtes? S'il est question de prendre une période de temps... Je vous encouragerais... c'est vraiment cela que nous disons. Nous le pourrions.

Il y a déjà un si grand nombre de régions de la Colombie- Britannique qui sont touchées. La plus récente est dans ce coin-ci, qui est un assez gros morceau de ce bout de la province: un groupe de gestion de la ressource a rencontré tous les groupes et une entente a été négociée. Cela a également été le cas de Williams Lake, de Kamloops et de certaines localités dans le Nord. Dans les régions où les groupes sont prêts à se rencontrer et où il y a compromis, alors, oui, il est tout à fait possible de faire ce genre de choses. Nous l'avons déjà fait, et le cas le plus récent est celui de ce petit coin de la Colombie-Britannique.

Il me faudrait dire qu'il a fallu du temps pour en arriver là. Nous avons commencé en Colombie-Britannique avec CORE, qui avait une table avec un camp d'un côté et l'autre camp en face. Le processus a demandé une période de temps considérable et n'a abouti à rien, car il n'y a eu aucun compromis. Il a fallu que le président de CORE écrive quatre ou cinq rapports dans la province. Dans le cas de chacun d'eux, il devait deviner, et il a très mal deviné. Mais de ce processus sont nés les comités locaux de planification de la gestion des ressources. Ces comités fonctionnent, les gens de tous les côtés de la table étant prêts à faire des compromis et à s'entendre sur un plan.

Pour que tout le monde comprenne bien, la forêt en exploitation en Colombie-Britannique recouvre moins de 30 p. 100 de la province, ce n'est donc pas tout le territoire de la province qui est visé ici. L'industrie forestière est limitée à 30 p. 100 de la province.

Quoi qu'il en soit, la réponse est oui. Les gens qui y travaillent et d'autres peuvent s'asseoir ensemble et négocier un compromis.

M. Staveley: J'aimerais moi aussi faire quelques observations. B.C. Hydro a des ententes de plusieurs millions de dollars avec le gouvernement provincial et faisant intervenir les localités et les premières nations. Dans le cadre de ces ententes, tous les intervenants travaillent en coopération dans le but de mettre en valeur et d'améliorer l'environnement dans certains bassins hydrographiques. Des efforts très réels sont déployés pour examiner tout cela et tenter d'élargir encore le processus.

Nous avons également des exemples de communautés locales. Le cas le plus parlant et le plus récent qui me vient à l'esprit est celui de la rivière Alouette. Il y a des préoccupations très réelles relativement à la durabilité des poissons dans la rivière Alouette. B.C. Hydro, des organismes provinciaux et fédéraux, le ministre fédéral des Pêches et des Océans, le ministère de l'Environnement de la province ainsi que les premières nations et des représentants de la communauté locale ont oeuvré à l'élaboration d'une entente en vue du maintien de la viabilité à long terme des poissons.

Ces exemples sont tirés de la réalité - et il y en aurait d'autres encore que je pourrais vous citer - et montrent que l'on peut travailler ensemble. On peut travailler en partenariat. On peut négocier des ententes et des protocoles, et tout le monde repart en ayant le sentiment que tous en sortiront gagnants.

Nous avons également vécu des cas où il y a eu poursuites. Cela coûte beaucoup d'argent d'aller au tribunal. Je pourrais presque prédire que, quelle que soit la décision rendue, quelqu'un va être mécontent. Les premières nations se sentent lésées. Les localités ont le sentiment qu'elles sont impuissantes. Au bout du compte, la décision fera l'objet d'un appel et l'argent consacré au combat sera en fait dépensé au détriment d'un bon et solide investissement environnemental.

M. Pollock: En ce qui concerne les processus de planification de l'occupation des sols que Jack a décrits, le Lower Mainland Regional Public Advisory Committee compte, parmi les groupes qui ont réussi à négocier un consensus, celui-ci concernant un plan de zone protégée pour le littoral continental de la Colombie- Britannique.

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Je sais que c'est très difficile, mais je sais que c'est faisable. Différents groupes d'intervenants, chacun avec sa perspective, peuvent s'asseoir et s'entendre. Comme d'autres vous l'ont dit, c'est de loin préférable à l'engagement de poursuites ou à ce qui s'est passé aux États-Unis le long de la côte nord-ouest du Pacifique, où le moteur était là encore le processus judiciaire.

Alors je dirais oui. Si vous pouvez faire en sorte que ce soit un processus juste et équilibré, avec des lignes directrices et des paramètres raisonnables, alors allons-y.

Le président: Monsieur Steckle, auriez-vous des observations à faire en guise de conclusion?

M. Steckle: J'apprécie votre vision positive relativement à cette position, mais étant donné que nous sommes si solidement opposés en ce qui concerne les objectifs visés et la détermination d'un terrain d'entente intermédiaire, et vu certains des arguments que nous avons entendus ce matin, il me semble que ce serait presque impossible. Si cela pouvait arriver, ce serait un renversement qui nous réjouirait, car il est très coûteux de tenir des audiences comme celle-ci et tout le reste.

Le mieux ce serait que nous ayons une loi qui serve toutes les parties, et pas seulement certaines d'entre elles, alors j'apprécie cela. Mais j'aimerais également entendre les gens de l'autre camp, pour voir s'ils pensent que l'on pourrait trouver un terrain d'entente.

M. Pollock: Pour dégonfler un ballon, il n'y a pas plus efficace que de mettre ses pieds dans le feu. C'est une métaphore un peu mélangée, mais je pense qu'elle est juste. Dans le cadre de débats idéologiques axés sur la confrontation, il n'y a souvent que du vent. Pour dégager tout ce vent, il n'y a rien de mieux que d'être obligé de s'asseoir et de livrer sa marchandise dans le cadre d'une tribune comme celle-ci.

M. Munro: En d'autres termes, il y a moyen de faire un tri dans toute la rhétorique lorsque tout le monde est enfermé dans la même salle. Nous n'allons jamais accepter que 40 p. 100 de la forêt en exploitation soit mise de côté. Cela ne tient pas debout. Mais ce n'est pas tout le monde qui partage cet avis.

Le président: Permettez que je vous rassure: Il y autour de cette table cet après-midi beaucoup plus d'avis convergents que d'avis divergents. Je n'ai pas du tout l'impression qu'il y a un si grand fossé à combler. Nous voulons tous rester en dehors du processus de litiges soumis aux tribunaux, et nous voulons trouver des techniques et des mesures qui nous permettent d'anticiper et de résoudre les problèmes. Il n'y a aucun doute là-dessus.

Monsieur Adams, suivi de Mme Jennings.

M. Adams (Peterborough): L'un de vous a mentionné que quatre provinces ont déjà des lois concernant les espèces en péril. C'est le cas, notamment, de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick. Ces deux provinces ont de solides industries forestières et de solides industries hydroélectriques. Nous avons entendu des témoins qui nous ont dit que certaines parties de ces lois provinciales sont en fait plus strictes que ce que nous proposons ici. Avez-vous des exemples de l'incidence qu'ont eue ces lois concernant les espèces en péril dans ces provinces? Cela a-t-il entravé le développement?

M. Munro: Je ne peux pas me prononcer sur le cas de l'Ontario, mais la question a été soulevée à Ottawa lorsque j'étais là pour le compte du Conseil consultatif du secteur des forêts. Plusieurs plaintes - je ne pourrais vous dire s'il y en a 20, mais il y en a beaucoup - sont en train de suivre leur cours dans le système et sont en route pour les tribunaux. Il me semble que la loi n'a que deux ans. Elle n'est pas en place depuis assez longtemps et je ne peux pas...

M. Adams: Y en a-t-il dont les tribunaux ont été saisis?

M. Munro: Les plaintes suivent leur cours dans le système.

M. Adams: Voilà pour l'Ontario. Qu'en est-il des autres provinces qui se sont dotées de lois semblables?

M. Munro: Je ne suis pas au courant du cas du Nouveau- Brunswick.

M. Adams: Hydro?

M. David Avren (conseiller juridique, B.C. Hydro): Je ne pense pas que nous puissions nous prononcer sur l'incidence économique des lois provinciales, mais je peux vous dire qu'une différence entre le projet de loi C-65 et ces autres textes réglementaires est qu'aucun de ces derniers ne crée de droits individuels en matière de poursuites civiles.

M. Adams: Si, c'est le cas de la loi ontarienne, et j'ajouterais même qu'elle est sur ce plan beaucoup plus ferme que le projet de loi dont vous êtes saisis.

M. Avren: La Déclaration des droits en matière d'environnement de l'Ontario prévoit cela. Je soulignerais par ailleurs qu'elle inclut une mesure de protection que je vous recommanderais, il me semble, soit que le tribunal a le pouvoir de rejeter une affaire si cela va dans le sens de l'intérêt du public. La décision peut englober diverses considérations: économiques, environnementales et sociales. Cela manque dans le projet de loi. Nous recommanderions donc au comité d'envisager sérieusement cela.

D'autre part, le projet de loi C-74, la nouvelle Loi canadienne sur la protection de l'environnement, contient une disposition en matière de renvoi d'affaires par les tribunaux pour motif d'intérêt public, sous la rubrique des droits d'intervention des particuliers.

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M. Adams: Mon impression, Jack, est que les industries forestières de l'Ontario sont en train de remonter. Nombre de nos compagnies ont déjà épuisé leur quota de bois tendre et en réclament plus, du simple fait de ce que vit leur industrie, au même moment où nous avons cette loi concernant les espèces en péril.

M. Munro: Eh bien, vous autres de l'est du pays, vous produisiez principalement des copeaux, et les deux par quatre en étaient un produit dérivé. Puis, lorsque le marché de la pâte à papier s'est écroulé, vous avez découvert qu'il y avait de l'argent à faire du côté du bois. Maintenant, vous fabriquez beaucoup de deux par quatre et vous en mettez une bonne quantité sur les marchés traditionnels de la Colombie-Britannique.

M. Adams: Monsieur Wright, je ne peux pas vous donner tous ces chiffres, mais ils proviennent principalement du United States General Accounting Office, qui est un petit peu comme notre Bureau du vérificateur général, j'imagine. Il s'agit d'un rapport portant sur l'incidence des lois relatives aux espèces menacées.

Près de 90 p. 100 de toutes les consultations entamées en vertu de la U.S. Endangered Species Act ont été menées de façon informelle. Plus de 90 p. 100 des consultations concernant des activités suffisamment curieuses pour qu'on les examine de façon formelle ont débouché sur des décisions de «non-danger». Du nombre de celles qui ont fait l'objet d'un examen formel et pour lesquelles on a conclu qu'il y avait un danger potentiel, dans près de 90 p. 100 des cas, on en est arrivé à des solutions de rechange raisonnables et prudentes en vertu desquelles les projets ont pu se poursuivre.

Sur une période de cinq ans, seuls 18 projets - soit moins de 1 p. 100 des consultations formelles et moins de 0,02 p. 100 du nombre total de consultations - ont été interrompus. En d'autres termes, 99 p. 100 des projets ayant fait l'objet d'examen en vertu de la loi à cause de leur impact potentiel ont pu, après un examen poussé, être poursuivis.

Pour ce qui est de l'énergie hydroélectrique en particulier, le rapport a conclu que sur les 3 200 consultations entamées, aucune n'a débouché sur l'interruption d'un projet hydroélectrique, et seules 68 consultations ont eu un quelconque effet sur le projet concerné. L'expérience américaine montre que la loi relative aux espèces en péril n'a pas beaucoup entravé l'activité de développement. Bien au contraire, la très grande majorité des projets ont pu être poursuivis. En fait, le nombre élevé de projets de développement qui suivent leur cours depuis l'adoption de la loi a amené certains à craindre que des projets qui posent certains dangers ne soient pas pour autant bloqués.

Que pensez-vous de cela?

M. Wright: Comme je l'ai dit dans mon exposé, si vous prenez toute la liste de l'Endangered Species Act - qui compte 967 entrées, dont la plupart ne sont pas visées par des plans de rétablissement et n'ont jamais fait l'objet d'un processus de consultation - vous pouvez établir ce genre de statistiques. Mais lorsque vous prenez les cinq principaux projets d'emmagasinage aux États-Unis, les huit projets au fil de l'eau qui appartiennent au gouvernement fédéral, et les cinq projets au fil de l'eau qui appartiennent à des entités non fédérales, il ressort qu'on a réaffecté plus de 12 millions d'acres-pieds d'eau de la production d'énergie à la production du débit adéquat pour les poissons. Il en résulte que plus de 1 300 mégawatts ont été retirés du système de production d'énergie.

Donc, non, nous n'avons pas démoli de centrale, mais, oui, nous avons reréglementé un important volume de l'accumulation d'eau du Columbia en vertu de l'Endangered Species Act, ce en vue de tenter de rétablir les animaux. Comme je l'ai déjà dit, cela résulte en un impact annuel global de 435 millions de dollars.

Un très petit nombre d'inscriptions établies en vertu de l'Endangered Species Act ont débouché sur des conséquences de grande envergure. Si vous établissiez une moyenne, l'Endangered Species Act n'a pas eu d'importantes conséquences économiques. Cela s'explique principalement du fait que le gros de ces 967 entrées sont du ressort exclusif du gouvernement fédéral, qui n'y consacrera pas les ressources requises.

M. Adams: Nous apprécions votre présentation de votre vision de la loi américaine, mais il me semble que la plupart des espèces qui figurent sur la liste américaine sont en péril et non pas menacées, tandis qu'au Canada les espèces sont surtout vulnérables, et non pas en péril. Ce que nous visons donc dans le cadre de nos lois, c'est la prévention. Nous en sommes à une étape antérieure dans le processus.

Ne conviendriez-vous pas que la comparaison n'est de ce fait pas très bonne, surtout sur le plan des coûts? Si nous pouvons intervenir de façon préventive auprès des espèces vulnérables et non pas des espèces en péril, il y a de meilleures chances que nous puissions déployer moins de ressources tout en obtenant des résultats maximaux.

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M. Wright: Je n'essayais pas de faire de comparaison directe entre notre liste et nos programmes de rétablissement américains et les vôtres. Je tentais de faire ressortir les leçons que nous avons apprises dans ce contexte. Certaines de ces leçons pourraient être intéressantes pour vous, dans votre application d'une loi concernant les espèces en péril.

Si vous pouvez éviter l'inscription d'une espèce sur la liste en mettant en place des plans de rétablissement ou d'autres plans exhaustifs ou, si une espèce a été inscrite sur la liste, vous intervenez le plus rapidement possible pour établir des normes de rétablissement et évaluez toutes vos activités par rapport à ces normes, alors vous vous en tirerez beaucoup mieux.

M. Adams: Monsieur le président, je dirais que c'est précisément cela que nous tentons de faire en faisant adopter le projet de loi maintenant plutôt que dans quelques années.

M. Pollock: Monsieur Adams, puis-je revenir sur ce que vous avez dit au sujet du 1 p. 100. C'était un sacré 1 p. 100. Ce 1 p. 100 est presque entièrement accaparé par la chouette tachetée du Nord dans la région nord-ouest du Pacifique.

J'aimerais vous citer un extrait d'une étude du professeur Robert G. Lee du College of Forest Resources de l'Université Washington, et j'en mettrai une copie à la disposition du comité, si cela vous intéresse. Il dit qu'entre 1988 et 1992:

Ce phénomène a résulté directement des injonctions relatives à la chouette tachetée et au plan Clinton qui en a découlé. Il s'agit là de conséquences énormes attribuables à une seule - je dis bien une seule - injonction, celle concernant la chouette tachetée.

M. Adams: Cela nous ferait plaisir d'avoir le rapport, mais le professeur isole-t-il cette loi relative aux espèces en péril des changements survenus dans l'industrie forestière au cours des dernières décennies?

M. Pollock: Oui.

M. Adams: Ce genre d'interprétation jouit-elle d'un vaste soutien chez les universitaires, par opposition au milieu politique?

M. Pollock: Je ne pense pas qu'elle soit contestée par les universitaires. Je ne pense pas qu'elle ait été réfutée dans ce milieu. Je serais heureux d'entendre les personnes qui ricanent dans le fond de la salle, si elles peuvent nous fournir des renseignements contraires.

M. Adams: Je suis certain, monsieur le président, que cela nous ferait plaisir de le voir.

Le président: Mme Jennings, suivie de Mme Kraft Sloan.

Mme Jennings (Mission - Coquitlam): Messieurs, la question dont nous discutons aujourd'hui est manifestement très controversée. Nous avons ce matin entendu des témoins qui se situent sans doute à l'autre extrême, si je puis dire.

Je n'aime pas l'idée de vous mettre sur la sellette, monsieur Staveley, mais j'imagine que c'est ce que je vais faire. Je suis députée de Mission - Coquitlam. Je connais très bien la rivière Alouette et je suis tout à fait au courant de ce qui s'est passé. Dans ma circonscription, nous avions une rivière dont le débit était si faible que l'eau n'y coulait presque plus. Le saumon n'y remontait même pas pour la fraye. Sans l'Alouette River Management Society, le groupe de notre localité qui est intervenu auprès de moi, et moi j'ai parlé au major... ou plutôt le major est venu me voir... Il y a des groupes qui ont dû travailler très fort pour obtenir de B.C. Hydro qu'il fasse quelque chose pour libérer suffisamment d'eau. Une semaine, il n'y avait rien et la semaine suivante, le 5 octobre, j'étais debout dans la rivière lorsque le saumon est venu et a commencé à frayer.

Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il nous faut tous travailler ensemble. Il nous faut parfois nous aiguillonner les uns les autres et il faut que chacun y mette du sien. Dans ce cas-ci, B.C. Hydro ne faisait pas son travail avant que ce groupe n'intervienne. Il y avait tout un mélange d'intervenants, y compris les bandes, etc. Je suis très heureuse qu'au bout du compte nous ayons réussi à tous nous réunir et à en arriver à une solution faisable.

Lorsque vous parlez de la réalité de ce qui se passe ici, cela m'inquiète. J'entends beaucoup de choses. J'entends des bouts de choses que je dis depuis des années: que les gens doivent s'asseoir ensemble et parler. Je l'ai dit ce matin. Tous les intervenants doivent s'exprimer et nous, les politiques, doivent vous écouter, vous, les intervenants, si cela doit déboucher sur quelque chose qui puisse fonctionner.

Je vous ai entendu mentionner cela, Jack, et j'ai entendu M. Pollock évoquer des choses du même genre.

Ce matin, on nous a dit que le projet de loi C-65 a plus de brillant que de matière. Il a également été dit que l'habitat critique à la survie et à la protection de l'espèce est protégé dans la loi. Mais j'ai également entendu dire que cela n'est pas vrai. J'ai entendu des plaintes de ce côté-ci voulant que ce qui s'est passé n'est pas la réalité, n'est pas vrai.

.1800

Monsieur Pollock, je suis d'accord avec vous dans ce que vous dites. En gros, vous demandez si c'est équilibré ou si c'est juste à l'égard des travailleurs industriels et de ceux qui sont actifs dans les professions au sein de l'industrie dans laquelle vous oeuvrez. D'autre part, il semble que le projet de loi ne tienne pas compte de la nécessité d'assurer un mode de vie sain et sûr à tous les Canadiens.

Nous parlons ici de tous les Canadiens, ne l'oubliez pas, c'est-à-dire de vos travailleurs ainsi que de ceux qui ne font pas partie de cette industrie mais qui veulent continuer de jouir de la forêt et de tout le reste.

Si je vous ai bien compris, Jack, vous avez dit que les travailleurs ne trouvent pas de réconfort du côté des tribunaux. Je suis d'accord avec vous à 100 p. 100 là-dessus. J'ai moi-même été dans cette situation, et je suis tout à fait de leur avis.

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Vous avez raison, Jack, le processus de consultation ne fonctionne pas. Le problème est que l'on en arrive au point où nous sommes et, tout d'un coup, après deux années de consultation, comme l'a dit notre président, les agriculteurs et les propriétaires de ranches viennent nous voir à Ottawa et nous disent, vous savez, nous ne sommes pas les gros méchants que vous pensiez. Lorsque quelque chose arrive sur nos terres, nous essayons de les protéger. Lorsque nous faisons quelque chose sans le savoir, nous essayons de prendre des mesures correctives.

Ce que tout le monde me dit, c'est que personne n'essaie de détruire l'habitat des animaux. Personne n'ignore aujourd'hui que... Autrefois, il y avait des problèmes. Je connais peut-être mieux l'industrie forestière que nombre des députés ici présents, car j'ai pendant 18 ans vécu juste à côté. Les gens du secteur forestier m'ont dit qu'autrefois ils provoquaient beaucoup de dommages mais qu'ils s'efforcent aujourd'hui de corriger cela.

Il me semble que vous êtes ici à cette table pour nous dire la même chose. Je pense que nous essayons tous de faire cela.

Le processus de consultation fonctionnera si - et c'est un gros si - les politiques prennent vos recommandations et celles des environnementalistes, sans les diluer pour obtenir ce qui est pratique pour eux, sur le plan politique, mais pour en faire quelque chose qui fonctionnera pour nous tous ici au Canada.

Je pense que c'est cela que vous essayez de nous dire: laissons-nous travailler ensemble en tant que groupe.

M. Staveley: Je pense que l'une des difficultés est que dans la consultation il faut s'appuyer sur des faits fondés sur des études scientifiques. Selon mon expérience, nombre des situations que l'on connaît sont survenues parce que les gens ont pris position, convaincus qu'ils étaient qu'ils avaient des arguments probants, alors qu'en fait aucune preuve scientifique ne les appuyait. Cela coûte énormément d'argent, surtout dans le cas des poissons. Ils ne sont pas aussi visibles, et je songe ici tout particulièrement au saumon et aux autres espèces qui font des migrations. Il y a beaucoup de facteurs qui contribuent à leur population et à la transformation de leur habitat. Quel est le bon débit? L'on peut obtenir ces renseignements. Ce n'est pas facile. Cela demande du temps.

Un grand nombre d'installations ont été construites à une époque où l'on n'avait pas toutes ces préoccupations. Ce peut être difficile de tenter de les classer chronologiquement et en ordre de priorité. C'est là l'une des raisons pour lesquelles B.C. Hydro a entrepris un examen systématique de chacune de ces installations, mais il faudra plusieurs années pour mener cela à bien.

Une fois que vous disposez de ces renseignements, vous êtes beaucoup mieux en mesure d'apporter les changements requis. Si nous ne nous appuyons pas sur des données scientifiques, alors, bien franchement, nos efforts peuvent avoir l'effet inverse. Nous pouvons très bien penser que nous augmentons le débit d'eau alors qu'en fait nous détruisons le poisson, le débit étant trop fort au mauvais moment de l'année. Nous avons en fait eu des situations où des demandes expresses d'augmentation du débit d'eau se sont avérées plus tard injustifiées du point de vue scientifique.

Nous avons donc besoin de renseignements, de faits, au sujet non seulement des poissons, mais de toutes les espèces sauvages. C'est là l'un des gros handicaps que nous avons lorsque nous cherchons à obtenir plus rapidement un consensus.

Mme Jennings: Absolument. Je pense que la science, fondée sur des faits, est ce qui a été attaqué dans la région de Mission - Coquitlam... Nous avions là-bas une masse de connaissances et de compétences, des gens qui avaient des années d'expérience.

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N'oubliez pas que ce matin nous avons entendu des environnementalistes, qui nous ont eux aussi fourni des faits scientifiques.

M. Staveley: Mais la solution dépendait d'un examen du débit d'eau et des populations et des habitudes reproductives des poissons dans cette rivière. Une fois ces renseignements déposés et examinés par le groupe de travail... il y a eu des discussions ardues, car il était question de sommes d'argent importantes. C'était un important sujet de préoccupation pour la localité, mais au bout du compte, s'appuyant sur ces renseignements, il y a eu une entente.

Je pense que c'est de cette façon qu'il nous faut procéder. Nous pouvons dépenser beaucoup d'argent là-dessus, mais je ne pense pas que nous trouvions les solutions devant les tribunaux ou dans le cadre de situations de confrontation. C'est ce que me dit mon expérience, et c'est mon opinion.

Mme Jennings: Je suis d'accord avec vous là-dessus.

Le président: Allez-y, madame Kraft Sloan.

Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Monsieur le président, j'ai récemment entendu dire que la perte d'emplois enregistrée dans la région nord-ouest de la côte Pacifique résulte clairement de la loi sur les espèces en péril qui a été adoptée là-bas et il a également été dit que cette opinion n'a pas été contestée par les universitaires. J'ai ici un rapport qui a été préparé, par voie de consensus, par plus de 30 économistes. Ce ne sont pas des représentants d'organisations environnementales. Ce sont des économistes de différents établissements universitaires de la région nord-ouest de la côte Pacifique.

Le rapport est sorti en décembre 1995, et j'aimerais, avec l'autorisation du comité, vous en lire l'extrait que voici:

Le rapport se poursuit en disant que les pertes d'emplois dans les industries axées sur les ressources naturelles, et tout particulièrement les industries extractives, sont imputables au fait que ces industries soient des industries mûres, caractérisées par un développement technologique élevé. L'automatisation a peut- être également quelque chose à voir avec ces pertes d'emplois. Les niveaux de coupe antérieurs ne peuvent pas être soutenus car ces industries n'ont plus le même approvisionnement en bois et en peuplements vieux. Je tenais à ce que cela figure au procès-verbal.

Deuxièmement, monsieur Pollock, j'ai été très intéressée par votre organisation, qui a pris un engagement à l'égard de la justice sociale. J'ai beaucoup d'affinités avec vous relativement à ce principe. J'y consacre beaucoup d'efforts dans le cadre de mon travail de députée à Ottawa. Je suis très préoccupée par les questions liées à la justice sociale. J'aimerais vous demander si vous êtes d'accord avec la déclaration que voici:

M. Pollock: Je ne suis pas tout à fait certain de ce que cela signifie, mais je suis prêt à m'y pencher. Pour ce qui est des questions de la perte d'emplois, du changement technologique et des décisions en matière d'occupation des sols dans la région nord- ouest de la côte Pacifique, je peux vous dire que la perspective que vous décrivez - je ne connaissais pas le document que vous venez de me remettre, mais je l'examinerai et je vous en remercie - est généralement dépendante du cadre temporel de l'analyse.

Cette perspective est sans doute juste si vous parlez de la période allant de la fin des années 1970 au début des années 1990, période au cours de laquelle les forces de l'évolution technologique avaient une incidence sur l'emploi, mais j'aimerais vous citer une référence. Il s'agit, encore une fois, du rapport de l'équipe d'évaluation de la gestion de l'écosystème forestier, page 21, partie vii. On y décrit la baisse des volumes de bois sous contrat sur les terres domaniales imputable aux injonctions relatives à la chouette tachetée et la conclusion est la suivante:

.1815

En d'autres termes, l'étude de l'EEGEF - qui fait une analyse très approfondie des impacts et des impacts potentiels du programme de gestion de la chouette tachetée - a dit: «Détrompez-vous, mesdames et messieurs, cela résulte de l'injonction relative à la chouette tachetée». L'étude dit que ces pertes d'emplois et ces réductions dans la récolte de bois résultent de l'injonction en question.

M. Munro: Charles, nous avons parlé un petit peu de cela à Ottawa, mais je tiens à répéter que les gens ne cessent de raconter ces balivernes, et c'est là le problème avec ceux qui ne sont pas prêts à faire de concessions ou à négocier une entente.

Du point de vue coûts de main-d'oeuvre, l'industrie forestière en Colombie-Britannique, et tout particulièrement le volet produits de bois massif de l'industrie, est le plus efficient producteur de bois massif au monde depuis 12 ou 15 ans, depuis la modernisation de l'industrie. J'étais à l'époque président de l'organisation que Kim représente aujourd'hui. Notre position avait été qu'au lieu de nous disputer au sujet de la productivité à la table de négociation, nous dirions à l'industrie de construire quelques nouvelles usines afin que nous puissions rester sur le marché mondial, sans quoi nous allions tous perdre notre travail. Et c'est ce qu'a fait le syndicat. Les États-Unis n'ont pas pu faire cela pour plusieurs raisons.

Oui, il y a eu un certain mouvement de personnes de la grosse grange de la scierie, avec 600 employés, à la nouvelle usine, avec peut-être un personnel de 200, mais si nous n'avions pas fait cela, nous ne serions plus des joueurs sur le marché mondial.

On ne cesse de me parler de l'évolution technologique... en ce qui concerne ce qui est arrivé aux gens aux États-Unis, je peux produire autant de documents que le peuvent les gens qui disent le contraire de moi, pour parler pertes d'emplois, ramifications et tout le reste. Cela ne réglera rien.

C'est pourquoi j'appuie vraiment l'idée d'un processus de consultation, mais pas un processus à la bousculade, à quelques semaines de la dernière session du Parlement avant la tenue d'élections. Je suis favorable à l'idée de prendre du temps pour aller voir ce qui se passe. Peu importe la quantité de mémoires économiques que vous lisez: lorsque vous êtes debout devant une localité et que les garages, les magasins et tout le reste sont fermés et les portes et fenêtres recouvertes de contreplaqué et que le taux de chômage atteint les 30 ou 40 p. 100 chez ceux qui travaillaient autrefois pour le secteur forestier, ce que peuvent dire les économistes n'a pas beaucoup d'importance. C'est là la réalité de la vie.

Un certain nombre d'industries de pointe se sont installées dans la région, et elles offrent des salaires de 8 $ ou 10 $ de l'heure. Voilà ce qui est en train de remplacer les emplois qui payaient autrefois 28 $ de l'heure. Ce n'est pas cela que nous voulons au Canada. Nous ne devrions pas devoir vivre cela ici au Canada.

Et pourquoi le secteur forestier? Je suppose que tous les volets de l'industrie forestière s'inquiètent lorsqu'on voit ce qui va peut-être venir. Quant à la balance des paiements du Canada, sans l'industrie forestière, celle-ci aurait été déficitaire depuis dix ou 12 ans déjà. Nous serions tous beaucoup plus mal pris. Il nous faut comprendre ces choses. Le moment d'intervenir pour corriger les choses c'est avant d'adopter une loi dont on craint qu'elle ait des effets catastrophiques dans certaines régions.

Et puisqu'on a parlé des États-Unis, mon bon ami des États- Unis est assis juste à côté de moi. On ne leur fait pas de reproche. Nous sommes de bons voisins et tout le reste.

Voilà ce que nous disons lorsque vous êtes là.

M. Wright: Merci.

Des voix: Oh, oh!

M. Munro: Nous sommes dans une bien meilleure position sans la loi que eux le sont avec leur loi.

Dans notre esprit, ils veulent une plus grande part du saumon que ce qu'ils méritent. C'est du saumon canadien. Je ne veux pas me disputer avec lui, mais c'est un fait. Ils importent des loups du Canada, parce que les loups ont disparu... avec la loi. Ils importent également des ours du Canada, parce que leurs ours ont disparu. Et la liste est longue.

Ce que nous disons, c'est que nous ne risquons pas de perdre une quelconque espèce à cause d'activités humaines, en tout cas pas en Colombie-Britannique. Et c'est le seul endroit dont je puisse parler.

Le président: C'est vrai.

M. Munro: Nous ne sommes pas du tout en danger sur ce plan-là, alors pourquoi se précipiter? Il n'y a pas d'espèce menacée d'extinction. C'est pourquoi nous voulons travailler en consultation, de façon à faire les choses comme il se doit.

.1820

Mme Kraft Sloan: Monsieur le président, puis-je intervenir encore une fois? Merci.

Si M. Munro n'est pas intéressé à obtenir des renseignements de la part d'économistes - et je comprends tout à fait cela - mais est intéressé par la consultation, j'aimerais lui lire un extrait de l'article 39 du projet de loi C-65, soit celui dont nous sommes saisis:

Le projet de loi établit donc très clairement qu'il y aura consultation au sujet des plans de rétablissement.

M. Pollock: Mais, primo, cela relève de la discrétion du ministre. Et qu'entend-on par «en consultation avec»? Cela signifie- t-il que ces personnes participent directement au processus d'élaboration du plan de rétablissement, ou bien que le ministre se promène, discute avec elles pendant un après-midi, et c'est ensuite un fait accompli?

Je ne pense pas que cela soit très solide. Si j'habitais la zone forestière de la Fraser ou celle de Soo - on est presque assis en plein dedans - et si j'étais, par exemple, confronté à des poursuites relativement à la chouette tachetée et découlant du projet de loi, cela ne me serait pas d'un grand réconfort quant à ma protection en vertu du projet de loi et aux droits qu'il me garantit.

Mme Kraft Sloan: Je pense qu'il nous faut examiner les précédents historiques au sein d'Environnement Canada et les plans de rétablissement qui sont en place et qui donnent des résultats lorsque la localité elle-même y participe activement. Je pense que lorsqu'on dit «en consultation avec», l'on va justement recourir à certains de ces précédents.

Merci.

M. Pollock: Dans ce cas, renforcez le libellé.

Le président: Il nous faut maintenant passer au groupe de témoins suivant.

M. Munro: Comment se fait-il que votre comité ait grignoté sur notre temps avec de très longues questions?

Le président: On n'a rien grignoté du tout sur votre temps. Nous appliquons les mêmes règles à tous les groupes, si nous le pouvons.

Permettez-moi de faire quelques brèves observations en ma qualité de président, étant donné qu'il n'y a pas eu suffisamment de temps pour que je pose des questions.

Tout d'abord, bien sûr, je tiens, au nom de tous les membres du comité, à remercier les Allied Workers, la Forest Alliance et B.C. Hydro pour leur participation. Vos présentations nous seront très utiles. Nous en tiendrons compte lorsque nous en serons arrivés à l'étape finale de nos discussions.

Ce que je tiens à dire, c'est que le projet de loi ne s'appliquera qu'au territoire domanial. Il ne s'appliquera donc pas aux provinces. D'aucuns reprochent d'ailleurs cela au projet de loi. C'est néanmoins là la réalité des relations fédérales- provinciales.

En Colombie-Britannique en particulier, le code des pratiques forestières aura des conséquences très bénéfiques s'il et mis en oeuvre. Je suis tout à fait d'accord avec ceux qui ont dit que ce code pourrait être extrêmement utile, et pas seulement en Colombie- Britannique. Il est devenu un modèle ailleurs. C'est un code qui a d'ailleurs valu au Canada le respect du reste du monde, car il s'agit d'un texte législatif tout à fait remarquable. Tout ce qu'il exige c'est un respect et une application fermes et permanents.

Deuxièmement, le secteur des pêches est un modèle de non- durabilité qu'ont très présent à l'esprit les membres du comité. Nous ne voulons pas voir cette expérience se répéter dans le cas de la ressource forestière.

Troisièmement, certains d'entre vous ont dit que la modernisation du secteur forestier a débouché sur des pertes d'emplois considérables. Je suis heureux que cela ait été dit par vous, car c'est dans votre secteur que le gros des réductions ont eu lieu.

Quatrièmement, nous tenons à éviter les conséquences négatives de l'expérience de la région nord-ouest de la côte Pacifique américaine. Dans ce sens, monsieur Wright, nous vous sommes de nouveau très reconnaissants pour les conseils que vous nous avez donnés ici à cette table aujourd'hui.

.1825

Cinquièmement, en ce qui concerne l'aspect poursuites en justice, le potentiel de cela est presque nul avec le projet de loi. Si vous en lisez attentivement les articles, vous verrez que les pouvoirs en la matière sont très circonscrits. Si vous voulez prendre une loi comme modèle, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, adoptée en 1988, contient des dispositions semblables en matière d'interventions de la part de citoyens, mais seuls deux citoyens, en l'espace de huit ans, ont intenté des poursuites, et celles-ci concernaient, dans les deux cas, des produits chimiques, domaine qui est beaucoup plus exposé à ce genre de choses qu'un secteur d'intérêt public comme celui-ci.

Sixièmement, le projet de loi ne sera peut-être plus nécessaire du tout le jour où les espèces ne seront pas en danger. Il n'y a rien à craindre; si nous faisons ce qu'il faut, le projet de loi sera à toutes fins pratiques inutile et ramassera de la poussière. N'est-ce pas là une belle perspective?

Septièmement, en ce qui concerne la proposition du groupe de travail, celui-ci s'est réuni deux fois. Il est vrai que son document n'est pas unanime; il est vrai qu'il y a eu des divergences d'opinion. Néanmoins, avant l'adoption du projet de loi, il y avait eu des consultations considérables et approfondies englobant un très grand nombre d'intervenants, pour employer la terminologie de Mme Jennings.

Enfin, en guise de commentaire personnel - et je sais que vous aurez du mal à l'accepter - mon expérience m'a appris qu'il est très clair que la protection de la faune est un lien important dans la protection des intérêts à long terme du secteur forestier et de l'exploitation forestière. Où que vous regardiez ailleurs dans le monde - que ce soit en Europe, en Afrique, en Amérique du Sud ou dans certaines régions de l'est du Canada - là où la faune est menacée, là où les espèces sauvages ont disparu rapidement, les forêts ont connu le même sort. Elles ont reculé sur le plan valeur commerciale et présence. Là où les espèces sauvages ont été protégées et là où elles sont toujours présentes, la ressource forestière l'est aussi, et la coupe du bois en tant qu'activité économique a été préservée, non pas pour une ou deux générations, mais bien pour dix.

Il y a donc un lien invisible mais très important entre les espèces sauvages et la coupe du bois. Ce lien a une importance énorme si nous voulons préserver à long terme la ressource et les salaires qui en dépendent. Ce projet de loi a donc un impact potentiel positif très réel, même s'il est invisible, étant donné le lien qui existe entre les deux choses. Lorsqu'on parle des espèces sauvages, on parle également de la valeur à long terme de la ressource.

Cela étant dit, je vous remercie de nouveau de votre participation, et je demanderai au groupe suivant de venir s'installer à la table.

.1827

.1835

Le président: À l'ordre. Nous allons maintenant entreprendre l'étape suivante de notre voyage.

Nous avons l'honneur et le plaisir d'accueillir parmi nous le Council of Forest Industries, SHARE B.C. et Interfor. Seriez-vous d'accord pour qu'on suive cet ordre-là, en commençant avec M. Beaumont? Vous disposez de 15 minutes. Je vous donnerai un petit signal lorsque vous en serez arrivés à dix minutes, afin qu'il reste du temps pour des questions, et nous passerons au groupe suivant dans une heure.

Voulez-vous commencer, monsieur Beaumont?

M. Rod Beaumont (président, Comité de la foresterie, Council of Forest Industries): Merci, monsieur le président. Je comparais devant vous aujourd'hui au nom du Council of Forest Industries. Nous représentons environ 120 compagnies forestières de la Colombie-Britannique. J'aimerais, au nom du conseil, vous faire un bref exposé. Nous avons déjà fait distribuer le texte de notre mémoire, alors je me bornerai à traiter des principaux points que nous y abordons.

Le Council of Forest Industries reconnaît et appuie la nécessité de protéger les espèces menacées et en péril. L'approche privilégiée du conseil et de nos membres en vue du succès à long terme de la protection des espèces menacées et en péril est la préservation de la biodiversité et la gestion de celle-ci. C'est la gestion de l'habitat qui offre les meilleures possibilités de prévention de la menace ou de la perte d'une espèce. Étant donné que les sociétés forestières sont principalement actives sur des terres publiques en Colombie-Britannique, nous nous occupons de gestion d'habitats.

En Colombie-Britannique, des efforts considérables sont consacrés au maintien de la biodiversité. Comme nous l'avons entendu, de très solides initiatives reliées à la stratégie des zones protégées et à la Forest Practices Code of British Columbia Act sont en train d'être lancées en Colombie-Britannique. Toutes les sociétés forestières sont assujetties à la Forest Practices Code of British Columbia Act. Ces mesures, ajoutées aux plans de rétablissement existants, devraient garantir qu'il n'y aura plus de nouveaux ajouts aux listes d'espèces menacées par suite d'activités forestières.

Il y a selon nous trois aspects du projet de loi concernant les espèces en péril qui pourraient menacer la préservation de la biodiversité en Colombie-Britannique. J'aimerais m'attarder sur ces trois rubriques générales.

J'ajouterais que notre travail d'analyse du projet de loi n'est pas allé jusqu'à l'élaboration ou la recommandation de nouveaux textes. Nous avons examiné le projet de loi dans le contexte de notre objectif, qui est de gérer les forêts et la biodiversité, et nous avons relevé trois questions dont nous aimerions entretenir le comité. J'espère donc que vous ne me demanderez pas de vous fournir d'amendements ou de propositions de libellés, car nous n'en avons pas. Nous soulevons des problèmes, et nous espérons que le comité en fera part aux rédacteurs et aux spécialistes.

La première question - et je suis certain que vous aurez entendu des remarques semblables, car je ne suis pas ici depuis longtemps, et j'en ai moi-même eu des échos - est l'absence d'exigence que le gouvernement fédéral entreprenne des analyses socio-économiques ou des coûts et avantages avant la mise en oeuvre de plans de rétablissement. Il n'est par ailleurs apparemment nulle part fait mention de compensation pour les travailleurs, les détenteurs de permis ou les propriétaires terriens qui pourraient être touchés par ces plans. Bien qu'il semble qu'on ait prévu une analyse économique du coût des plans de rétablissement, il apparaîtrait que cela n'aille pas jusqu'à une analyse coûts- avantages, dans le contexte des éventuelles conséquences socio- économiques.

Le deuxième aspect qui nous préoccupe est que le projet de loi semble être principalement axé sur l'exécution plutôt que sur la gestion coopérative. Cela s'étend à la disposition autorisant les citoyens à demander des enquêtes si le ministre responsable a rendu une décision qui n'est pas jugée raisonnable.

J'ai suivi la discussion de tout à l'heure. Il semble qu'un élément déterminant est ce que l'on doit entendre par «raisonnable», ce qui constitue un comportement raisonnable. Cela semble miner l'autorité du ministre responsable et, par inférence, peut-être, son équipe de spécialistes et d'experts. Il semblerait que cela autorise un citoyen ou autre à supplanter directement l'autorité qui revient au ministre en vertu du régime démocratique et de son élection. Si les obstacles à cela qui sont prévus dans le projet de loi sont aussi énormes et aussi sérieux que les gens le disaient dans la discussion, alors il y a peut-être lieu de s'interroger sur la nécessité d'inclure cet élément dans le projet de loi.

.1840

La troisième préoccupation concerne le potentiel de gestion des préoccupations et des différends intergouvernementaux. En Colombie-Britannique, bien sûr, en ce qui concerne les terres qui sont principalement gérées par les pouvoirs publics, par le gouvernement provincial, nous avons toujours été préoccupés par des problèmes de compétence potentiels entre les paliers provincial et fédéral. Il y a eu des discussions, notamment relativement à la Loi sur les pêches, qui est un exemple évident. Il semble que le projet de loi impose une autorité fédérale à certains pouvoirs provinciaux en matière de gestion de terres et de ressources. Si nous convenons que le projet de loi vise principalement le territoire domanial, les espèces ne...

Le président: Je me demandais tout simplement si vous ne pourriez pas nous dire exactement ce qui constitue selon vous un empiétement du gouvernement fédéral sur une question de compétence provinciale, afin que nous puissions voir cela dans le projet de loi.

M. Beaumont: Je n'en ai trouvé aucun exemple dans le projet de loi. Tout simplement, nous craignons que cela arrive, et c'est peut-être tout simplement le fait de l'exacerbation de nos préoccupations passées relativement à la Loi fédérale sur les pêches.

Le président: Cela nous aiderait si vous vous concentriez sur ce qui est contenu dans le projet de loi au lieu de construire des situations hypothétiques, car la vie est déjà assez compliquée comme cela, et nous sommes ici saisis d'un projet de loi.

M. Beaumont: En ce qui concerne le projet de loi, nous recommanderions que les gouvernements provinciaux se voient accorder une participation égale à l'élaboration des plans de rétablissement et à la détermination des habitats essentiels.

Le président: J'attirerais également votre attention sur le fait que le projet de loi ne traite que des terres sous compétence fédérale, et non pas provinciale.

M. Beaumont: Oui, je comprends cela.

Le processus de détermination des habitats essentiels est extrêmement important pour nous en tant que gestionnaires de terres de l'industrie forestière et devraient y intervenir dans la plus large mesure les autorités provinciales et les autres intervenants. Nous ne voyons pas dans le texte du projet de loi de libellé suffisamment clair prévoyant un partage équitable de la responsabilité dans ces discussions portant sur les plans de rétablissement.

Le président: Il y a une excellente raison à cela: le projet de loi ne s'applique pas aux domaines de compétence provinciale.

M. Beaumont: Oui.

Cela termine mon résumé de nos observations au sujet du projet de loi. Merci.

Le président: Allez-y, monsieur Morton, je vous prie.

M. Michael Morton (directeur exécutif, SHARE B.C.): Bonjour, et merci de nous avoir donné l'occasion de faire nous aussi cet après-midi un bref exposé au comité. Je m'empresse de mentionner au départ que je ne vais aucunement parler de la région nord-ouest de la côte Pacifique. Je vais néanmoins, peut-être malheureusement, utiliser de meilleures illustrations fournies par la Colombie- Britannique elle-même.

SHARE B.C. est une coalition de groupes communautaires de partout dans la province. Elle compte plus de 20 000 membres, dont bon nombre habitent des localités rurales, très dépendantes des ressources naturelles. SHARE B.C. a été incorporée comme société sans but lucratif en 1990. Le mandat de l'organisation est de promouvoir la stabilité communautaire en appuyant les principes du développement durable et en étant la voix de milliers de résidents de la Colombie-Britannique dans le cadre de discussions au sujet de l'utilisation des terres et des ressources susceptibles de déboucher sur des décisions qui peuvent avoir et qui ont souvent une incidence sur leur gagne-pain.

Depuis 1990, notre organisation a participé à de nombreux forums provinciaux, nationaux et internationaux sur l'utilisation des terres. Je citerai à titre d'exemple des forums provinciaux comme la Commission on Resources and Environment, créée par l'ancien gouvernement de la Colombie-Britannique, il y a cinq ans, le processus du comité de gestion du bassin du Fraser - le programme fédéral - la stratégie provinciale des zones protégées, et de nombreuses autres initiatives. Au niveau fédéral, SHARE B.C. est reconnue comme étant une organisation non gouvernementale à vocation socio-économique.

En 1992, nous avons été accrédités en tant qu'ONG à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement au Brésil. Nous avons participé aux séances préparatoires aux Nations Unies, à New York. Nous avons également participé à cette époque à l'élaboration de la stratégie forestière nationale, à Ottawa. À l'heure actuelle, SHARE B.C. est également une voix pour les localités rurales dans le cadre des consultations nationales permanentes du panel intergouvernemental sur les forêts, dont la session suivante doit avoir lieu à Ottawa la semaine prochaine. Nous participons également à d'autres tribunes, et je citerai à titre d'exemple les audiences de l'Institut international du développement durable, qui ont été tenues à Winnipeg l'automne dernier.

.1845

En ce qui me concerne, j'habite une localité d'environ 2 000 habitants située le long de la côte ouest de l'île de Vancouver. Cette localité, appelée Ucluelet, se trouve juste à côté de la baie Clayoquot, cette région de la côte Ouest qui est maintenant si bien connue dans le monde. Si je mentionne cela, c'est que les résidents de la côte ouest de l'île de Vancouver ont très bien vu, au cours des dix dernières années, ce qui peut arriver à une localité lorsque des décisions relatives aux terres et aux ressources sont prises sans que l'on ne tienne compte des conséquences économiques et sociales pour les personnes qui ont choisi de vivre là.

Il ne serait pas opportun de vous raconter aujourd'hui l'histoire détaillée de la baie Clayoquot, mais j'ai néanmoins le grand regret de vous dire que ma localité, même si elle n'est pas mourante, est extrêmement malade. À ce jour, aucun gouvernement, ni provincial ni fédéral, ne s'est vraiment efforcé de trouver un remède. La foresterie, qui fait partie intégrante de l'économie, a à toutes fins pratiques disparu, à cause d'une myriade de nouveaux processus qui ont été créés par le gouvernement provincial au cours des dix dernières années.

Pour votre gouverne, Ucluelet était également un village de pêcheurs très prospère, le troisième plus gros centre de conditionnement du poisson de la côte ouest, derrière Vancouver et Prince Rupert. Aujourd'hui ce segment-là de l'économie est lui aussi en train de disparaître, et ce beaucoup trop rapidement, car les dirigeants, qui vivent souvent de l'autre côté du pays, et les gouvernements ne comprennent pas vraiment les complexités de l'équation conservation-développement.

Depuis 1989, moi-même et de nombreuses autres personnes ont participé à plus de 400 réunions, pour tenter de veiller à ce que nos industries des ressources fournissent des emplois durables à long terme, pour des années à venir, tant pour ceux qui travaillent déjà dans ces industries que pour nos jeunes gens qui ont peut-être choisi de rester dans ces régions. Malheureusement, cela n'a pas été possible. Ucluelet est maintenant assis au beau milieu de la Pacific Rim National Park Reserve. Sa cour de jeu est la forêt modèle de Long Beach. Et voici que les gouvernements provincial et fédéral proposent qu'on nous confère également le statut de réserve de la biosphère. Avec toutes ces désignations, il y a peu d'espoir et peu de possibilités pour nos jeunes gens.

Oui, il n'est guère étonnant qu'Ucluelet soit très mal en point économiquement et socialement. De graves problèmes reliés à la toxicomanie et à l'abus d'alcool, qui n'existaient pas il y a dix ans, lorsque notre communauté était beaucoup plus stable, sont en train d'émerger. Beaucoup trop souvent, on voit des camions de déménagement arriver en ville vides pour repartir dans l'autre sens chargés, la famille les suivant le long de la route, avec seulement des souvenirs de trop nombreuses promesses brisées que leur avaient faites les dirigeants politiques au sujet d'emplois et de stabilité. Si les choses en sont ainsi c'est que cela fait beaucoup trop longtemps que d'autres prennent des décisions relatives aux terres et aux ressources pour nous, décisions qui ne tiennent que très peu compte des conséquences économiques et sociales qui s'ensuivront, voire pas du tout.

Nous sommes ici aujourd'hui pour discuter du projet de loi C- 65, Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada. J'aimerais profiter de l'occasion pour remercier de nouveau le comité de nous avoir donné la possibilité de comparaître devant lui. Je tiens à souligner que je ne suis ni biologiste ni exploitant forestier. Mes commentaires seront brefs et je n'aborderai pas les aspects techniques du projet de loi. Comprenez mes propos dans le contexte dans lequel ils s'inscrivent: il s'agit de ceux d'un résident d'une localité qui subira sans doute de plein fouet les effets du projet de loi C-65.

Comme c'est le cas de la plupart des Canadiens et des habitants de la Colombie-Britannique, je suis profondément préoccupé par la protection des valeurs environnementales que nous chérissons tous, y compris la protection de toute espèce qui peut être considérée comme étant menacée par suite d'activités humaines. SHARE B.C. appuie toute tentative raisonnable visant à protéger les espèces sauvages en danger. Il est sans doute grand temps qu'un pays comme le nôtre, avec son climat très varié et sa grande biodiversité, adopte une loi comme celle qui est proposée.

SHARE B.C. est très préoccupé par le peu de cas qui est fait dans le projet de loi C-65 des conséquences sociales que le projet de loi pourrait avoir sur des localités comme la mienne. Je tiens à souligner qu'étant donné l'importance du projet de loi et de son impact potentiel sur la vie de nombreuses personnes, je suis très déçu que l'on semble vouloir traiter le projet de loi C-65 à grande vitesse dans le but de mener à bien un programme politique. Si les conséquences sociales et économiques ne font pas l'objet d'un examen plus sérieux et plus approfondi, les résultats pourraient être dévastateurs pour de nombreux Canadiens de partout au pays.

J'ajouterais que cela me désole que les gens des localités rurales du pays ne se soient pas vu accorder la possibilité de mieux comprendre le projet de loi concernant la protection des espèces en péril au Canada et quelles conséquences son adoption pourrait avoir sur eux. Qu'il s'agisse du bûcheron à Terrace, du mineur à Timmins ou du trappeur à Temiscaming, ils devraient tous se voir donner l'occasion de comprendre et de participer à ces délibérations.

Cela ne suffit pas de tenir des audiences publiques dans deux des plus grosses régions urbaines du pays. Le comité devrait se rendre à Prince George, en Colombie-Britannique; à Kenora, en Ontario; à Rouyn, au Québec; à Bathurst, au Nouveau-Brunswick; et dans toutes les autres localités qui pourraient être touchées par le projet de loi. Des contraintes temporelles et financières ne devraient pas intervenir lorsqu'on parle de la vie et du gagne-pain des gens.

SHARE B.C. applaudit néanmoins aux efforts du gouvernement visant à protéger, grâce au projet de loi C-65, les espèces en péril. Je vous exhorterai néanmoins de nouveau à examiner sérieusement, avant d'aller plus loin, les conséquences économiques et sociales qu'aura le projet de loi, s'il est adopté, sur des localités comme la mienne, le long de la côte ouest et ailleurs au pays.

.1850

Nous pensons que la Loi sur la protection des espèces en péril ne sera un succès que si elle est largement appuyée et approuvée par tous les Canadiens profondément préoccupés par les problèmes de conservation et de développement, qu'ils vivent à Toronto, à Kirkland Lake ou à Ucluelet.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, monsieur Morton. Je peux vous assurer que des comités provinciaux se rendront dans toutes ces collectivités dont vous avez dressé la liste dans votre mémoire, le jour où un projet de loi provincial sera déposé. Pour l'heure, le texte de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui est une loi fédérale. Ses effets et son champ d'application sont limités aux espèces qui sont reconnues dans des ententes internationales - et jusqu'à présent celles-ci n'ont entraîné aucun effet négatif - et aux espèces aquatiques.

Par conséquent, s'il convient certes de consulter les collectivités rurales, je pense que le moment opportun pour ces consultations viendra si et quand les assemblés législatives provinciales rédigeront leur propre loi, parallèle à la loi fédérale. Je peux donc vous rassurer à cet égard.

M. Morton: Je comprends bien, monsieur Caccia. J'ai mentionné l'élaboration de la stratégie forestière nationale en 1992. Si je puis établir un parallèle avec celle-ci, le comité qui en était chargé a fait beaucoup d'efforts pour se rendre dans les localités concernées du pays dans le but d'entendre des points de vue aussi représentatifs que possible. Tout en ayant conscience de vos contraintes financières, nous estimons que ce projet de loi est très important pour des localités comme la mienne.

Je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos autres questions tout à l'heure.

Le président: Très bien. Merci beaucoup.

Nous passons maintenant à M. Rosenberg.

M. Bill Rosenberg (ingénieur, Développement sylvicole, International Forest Products Limited): Je tiens à remercier le comité d'autoriser International Forest Products à intervenir cet après-midi sur le projet de loi C-65.

J'aimerais vous dire quelques mots de notre société, afin que vous puissiez mieux comprendre l'optique qui est la nôtre. Nous sommes une entreprise d'exploitation forestière et de sciage dont l'activité se limite à la Colombie-Britannique. Nous sommes une entreprise locale, fondée à Whonnock, Colombie-Britannique. Nous exploitons sept scieries sur le littoral continental et avons une cinquantaine de chantiers de coupe du haut en bas de la côte. Nous en avons aussi un dans l'intérieur de la province. Nous employons en tout près de 4 000 personnes.

Je considère que notre société fait beaucoup pour la protection de la nature. Par exemple, nous avons entrepris une initiative écologique conjointe avec les travailleurs forestiers de l'IWA pour assurer, de concert, que nous respections les normes environnementales les plus rigoureuses.

Notre société a adopté une démarche très proactive vis-à-vis de la planification de l'utilisation des terres. Nous avons pris part ainsi à un certain nombre d'initiatives en la matière, telles que le processus CORE de l'île de Vancouver. Nous sommes partie prenante à une stratégie d'établissement de zones protégées sur le littoral continental.

Vous avez entendu que la plupart des compagnies forestières comme Interfor exploitent des terres domaniales en Colombie- Britannique. La province s'occupe de leur gestion et nous payons des droits de coupe pour chaque arbre que nous abattons. Nous avons des permis provinciaux comportant diverses modalités.

Notre société a quelque expérience dans la protection des espèces en péril. J'étais le représentant de l'industrie forestière au sein de l'équipe de rétablissement de la chouette tachetée qui a été mise sur pied il y a cinq ans environ. Nous en avons retiré quelques enseignements sur la manière de donner effet à cette législation.

.1855

Interfor est en faveur de la conservation des espèces menacées et appuie l'initiative prise par le gouvernement fédéral avec ce projet de loi. J'ai déjà fait état de notre action à l'égard de la chouette tachetée. Mais ce n'est qu'une espèce menacée parmi d'autres. L'habitat faunique en Colombie-Britannique est hautement diversifié et des centaines d'espèces pourraient être visées par cette législation.

Je vais faire un rapide survol du projet de loi C-65 tel que nous le percevons. Je mettrai en lumière quelques champs de compétence provinciale. J'aimerais dire quelques mots de l'intégration des programmes provinciaux existants ainsi que des aspects scientifiques et sociaux du projet de loi.

Notre société souscrit à l'orientation d'ensemble du projet de loi C-65. Son objet, tel qu'énoncé à l'article 5, je crois, est d'empêcher que des espèces sauvages disparaissent ou ne soient menacées. Je pense que vous ne trouverez personne dans cette salle en désaccord avec cet objectif. Cependant, nous considérons qu'il faut nuancer quelque peu, de façon à tenir compte des contraintes pratiques de la mise en oeuvre de ce type de législation là où il y a beaucoup d'activité humaine. Nous recommandons donc d'ajouter «là où cela est possible», à la fin de cet énoncé.

Pour ce qui est de la portée du projet de loi, le préambule indique que la conservation des espèces sauvages au Canada est une responsabilité partagée par les divers ordres de gouvernement et que la concertation est importante à cet égard. Bien que l'on nous affirme que le projet de loi vise exclusivement les terres domaniales fédérales, je pense que l'on peut nourrir quelques doutes à cet égard - et c'est mon cas - et nous aimerions voir une délimitation très claire entre le champ de compétence fédéral et le champ de compétence provincial à cet égard, de manière à mettre en évidence le cadre administratif de l'application de cette loi.

Sous le régime non législatif actuel, nous avons deux organisations, COSEPAC et RESCAPÉ. Ce sont deux organisations essentiellement bénévoles. Elles se sont montrées relativement efficaces. COSEPAC établit des listes d'espèces menacées, à charge pour les gouvernements provinciaux d'agir afin de les protéger.

Nous pensons que le projet de loi C-65 devrait charger le gouvernement fédéral de mettre en place le cadre administratif en vue du rétablissement d'espèces menacées et disparues et coordonner les activités à cet égard à l'échelle du Canada. C'est ce que fait le projet de loi, et nous nous en félicitons, en érigeant le Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril et en donnant statut officiel au comité COSEPAC.

Selon notre lecture, le projet de loi s'applique aux espèces et aux habitats aquatiques, aux oiseaux migratoires et au territoire domanial. Je pense qu'il y a quelques préoccupations au sujet de l'interprétation de l'article 7, notamment, qui permet au gouvernement fédéral de conclure des accords avec les gouvernements provinciaux. Nous aimerions une délimitation très claire de la responsabilité fédérale et de la responsabilité provinciale, et c'est ce que nous recommandons à ce sujet.

L'article 33 en est un autre où il peut y avoir des difficultés d'interprétation. Dans sa forme actuelle et, selon ce qu'il nous semble, pourrait être là une autre possibilité encore pour le gouvernement fédéral d'intervenir dans les terres provinciales. En tant qu'exploitant forestier de cette province, nous sommes confrontés à un certain nombre d'incertitudes et nous n'aimerions pas voir un dédoublement des efforts au niveau des deux paliers de gouvernement. Nous détenons nos permis d'exploitation sous le régime provincial et nous préférerions que la province soit seule compétente sur les terres provinciales. Si des espèces en péril migrent entre le territoire domanial fédéral et provincial, nous recommandons que la loi soit modifiée de telle façon que la province demanderait l'aide du gouvernement fédéral, ce dernier agissant alors comme médiateur.

Plusieurs intervenants ont déjà parlé des initiatives provinciales en cours. En Colombie-Britannique, nous avons le code des pratiques forestières, qui contient un certain nombre de règles et de lignes directrices. Certaines d'entre elles intéressent la gestion des zones riveraines des cours d'eau. Nous avons un guide sur la biodiversité.

.1900

La démarche préconisée par le code est celle de l'entretien préventif. Au lieu de gérer espèce par espèce, nous considérons des écosystèmes entiers. Au moyen du code, nous cherchons à assurer le maintien d'un ensemble diversifié d'habitats, de façon à ce que toutes les espèces disposent toujours d'un habitat suffisant.

On vous a parlé de la stratégie d'établissement de zones protégées que le gouvernement provincial a adoptée il y a quelques années. L'objectif de la province est que 12 p. 100 de son territoire soit habitat protégé d'ici l'an 2000. À l'heure actuelle, ce chiffre est d'environ 10 p. 100. À l'origine, il était aux alentours de 6 p. 100.

Parallèlement à la stratégie des zones protégées, il existe un certain nombre d'activités de zonage régional aux fins de l'utilisation des terres. Les zones qui ne sont pas protégées mais auxquelles les intervenants reconnaissent une certaine valeur - la présence d'une espèce menacée ou quelque autre caractéristique spéciale - peuvent être dotées d'un zonage de gestion spéciale.

Interfor recommande donc d'inscrire dans le projet de loi fédéral une disposition supplémentaire reconnaissant certaines de ces initiatives provinciales.

Pour ce qui est des aspects scientifiques du projet de loi, nous considérons que la plus grande rigueur s'impose. Les notions doivent être clairement définies, impartiales et pleinement quantifiables. À cet égard, nous recommandons que les définitions d'espèces «disparues», «disparues du pays», «en voie de disparition», «menacées» et «vulnérables» soient données directement dans la loi, afin qu'aucun doute ne puisse exister.

Pour ce qui est de la définition d'habitat, nous voyons quelques difficultés d'interprétation dans le texte actuel. Vu les discussions qui se sont déroulées ici, aujourd'hui, sur la question de savoir s'il faudrait appeler cela habitat essentiel ou habitat de base, l'une des suggestions était de l'appeler simplement habitat. Cela éliminerait une bonne partie de la controverse.

Sur la foi de notre expérience avec la chouette tachetée, nous faisons remarquer qu'il est très difficile d'identifier l'habitat essentiel ou l'habitat de base d'une espèce avant le plan de rétablissement. C'est pendant l'exécution du plan de rétablissement que cette évaluation sur le terrain peut être faite.

Sur le plan de la protection des espèces, nous recommandons de supprimer le mot «prendre» de la définition actuelle. Il y a eu tout un débat aux États-Unis sur ce que signifie exactement la «prise». Dans certains cas, cela a été interprété comme signifiant l'habitat. Je pense que le but de cette disposition est d'éviter de nuire à l'espèce.

Pour ce qui est des répercussions sociales de la loi, je pense que les plans de rétablissement doivent faire l'objet d'une concertation avec toutes les parties prenantes. Ces plans ne peuvent ignorer l'interaction humaine qui existe déjà sur les terres que l'on veut gérer pour la protection des espèces menacées. Ils doivent tenir compte de certains facteurs économiques. Je crois savoir que cela est déjà prévu dans la loi, mais je pense qu'il faut que cette prise en compte intervienne au stade du plan de rétablissement.

Nous préconisons de privilégier la concertation avec le public par rapport aux poursuites en justice. On nous a dit aujourd'hui que le champ des poursuites en justice possibles est très étroit. Néanmoins, nous craignons que, lorsqu'une zone fait l'objet d'un plan de rétablissement, mis en place soit par le gouvernement fédéral soit par le gouvernement provincial, une compagnie comme la nôtre établisse un plan d'exploitation de cette région pour s'apercevoir ensuite qu'elle ne peut le mettre à exécution. Je ne soulignerai jamais assez l'impératif de la prévisibilité sur le plan de la mise en oeuvre de cette loi.

Pour conclure, Interfor est partisan de la conservation des espèces en péril. Notre société est en faveur de l'initiative du gouvernement fédéral visant à mettre en place une loi de protection des espèces en péril.

Nous avons formulé certaines recommandations générales. Ainsi, nous préférerions que le gouvernement fédéral joue un rôle de supervision ou de coordination. Nous aimerions une délimitation très claire entre le champ de compétence fédéral et le champ de compétence provincial. Nous préférerions que le gouvernement provincial conserve le contrôle des terres couvertes actuellement par nos permis d'exploitation.

.1905

Nous aimerions voir reconnaître la législation et les initiatives provinciales existantes. Nous aimerions que l'on privilégie la participation du public. Les plans de rétablissement doivent prendre en compte les facteurs économiques.

Notre expérience de la planification de l'utilisation des terres et de la prise de décisions en la matière est que les meilleurs résultats sont obtenus lorsque les parties prenantes sont pleinement d'accord et consultées. À notre sens, la législation fédérale sera une réussite si elle assure la participation complète des parties prenantes.

Le président: Je vous remercie, monsieur Rosenberg.

Monsieur Rodney.

M. Jim Rodney (responsable de l'environnement, International Forest Products Limited (Interfor)): Je ne suis ici qu'à titre de conseiller technique.

Le président: Très bien.

Monsieur Forseth.

M. Forseth: Je n'ai pas de question.

Le président: Madame Jennings.

Mme Jennings: Je vous remercie de votre exposé.

Monsieur Morton, en exprimant les préoccupations de SHARE B.C. au sujet des zones qui sont immédiatement visées par le projet de loi C-65... vous avez mentionné plus particulièrement Prince George et d'autres. Cela me paraît également de la plus haute importance, en ce sens que les grandes agglomérations urbaines risquent d'être moins touchées par le projet de loi C-65 une fois qu'il sera adopté.

Interfor a soulevé la question de la participation du public. Monsieur Rosenberg, vous avez indiqué qu'une concertation avec les parties prenantes est requise à tous les paliers de la planification, et vous avez fait état d'un examen public complet. Lorsque vous dites «examen public complet», convenez-vous avec M. Morton que nous devrions nous rendre dans les localités les plus touchées par le projet de loi C-65, ou bien pensez-vous qu'il suffise que la province, par exemple, s'occupe de...

M. Rosenberg: J'ai parlé de cela au sujet de la mise en place de plans de rétablissement. Nous considérons que les parties prenantes dans les zones concernées devraient faire partie de l'équipe de planification. Une fois que cette équipe présente un plan, celui-ci pourrait être examiné par la population locale.

Mme Jennings: Je vois.

M. Morton: Tandis que, pour ma part, je disais qu'avant de promulguer la loi, les habitants de Peterborough ou ceux de Prince George devraient avoir la même possibilité de s'exprimer que ceux de Vancouver ou de Toronto. Encore une fois, comme cela a été dit à plusieurs reprises cet après-midi et tout au long de la journée, nous sommes tous en faveur d'une loi de protection, mais celle-ci ne réussira qu'avec l'appui des populations les plus touchées, et généralement ce sont les habitants de ces localités reculées, en quelque sorte.

Mme Jennings: J'ai encore une question à poser. J'aurais peut- être dû demander cela àM. Munro ou à quelques-uns des autres qui ont comparu juste avant.

Il me semble que nous considérons ici le problème de façon partielle, plutôt que le problème d'ensemble. Il en est souvent ainsi dans la société. En l'occurrence, l'industrie forestière est telle que l'on semble faire une seule chose de nos rondins. Nos meilleurs arbres quittent la province ou le pays bruts. Pourquoi ne sont-ils pas transformés sur place? Dans vos localités, par exemple, qui perdent leur population, et parmi les représentants de l'industrie forestière rassemblés ici, s'interroge-t-on sur la question de savoir pourquoi il n'y a pas d'industries secondaires, pourquoi nous ne transformons pas notre bois pour vendre ces produits chez nous? Y a-t-il un mouvement en ce sens, de façon à réaliser ce potentiel d'emplois futurs?

M. Morton: Rod et moi souhaitons répondre tous les deux, et je vais peut-être commencer car c'est un sujet qui me tient extrêmement à coeur.

C'est un énorme problème. Nous aimerions voir beaucoup plus de gens employés dans le secteur forestier mais, encore une fois, il faut tout d'abord régler les questions d'utilisation des terres. Comme je l'ai mentionné, je vis le long de la baie Clayoquot. Nous avons là une forêt modèle. Nous avons là le parc national Pacific Rim. Ils veulent maintenant établir une réserve de biosphère à Clayoquot. Nous n'avons même plus l'industrie primaire.

Il faut d'abord régler la question de l'utilisation des terres. Tous ces autres problèmes se posent et, vous avez raison, il faut les régler.

M. Beaumont: Je peux vous dire que les grumes coupées sur les terres publiques ne sont pas exportées. Il y a une petite exportation de bois brut provenant de forêts privées et de réserves indiennes. Mais les grumes des terres publiques restent en Colombie-Britannique.

Par ailleurs, pour ce qui est de la transformation, dans la mesure où les compagnies forestières peuvent le faire économiquement, elles s'occupent de transformation secondaire et tertiaire, mais il faut bien voir les obstacles économiques que nous avons à surmonter, relégués ici dans le coin nord-ouest du monde, en quelque sorte, comparé à d'autres régions qui peuvent fabriquer des produits sur place, tels que portes et fenêtres.

.1910

Il se fait quand même beaucoup de transformation dans les localités de Colombie-Britannique, mais peut-être à plus petite échelle, et dans des usines peut-être moins en vue que les grosses scieries.

Mme Jennings: Il faut peut-être considérer cela sous un autre angle, non pas dans l'optique des compagnies forestières mais dans celle de petites entreprises individuelles, telles que des fabricants de meubles. On fabrique aujourd'hui des meubles à Rocky Mountain House et dans d'autres petites localités, et ils sont d'excellente qualité. Ces meubles se vendent comme des petits pains. Les usines ne parviennent pas à suivre la demande. Ce sont des meubles de chêne et d'autres essences. Je vous parle là de ma province, l'Alberta.

C'est pourquoi je dis que l'on peut chercher d'autres possibilités d'emploi. Il n'est pas inéluctable que la Loi sur la protection des espèces en péril ait des répercussions néfastes sur tout le monde.

Le président: Monsieur Adams.

M. Adams: Je vous remercie, monsieur le président.

J'ai apprécié vos exposés, messieurs. Ils sont très réfléchis.

Vu que je représente une circonscription semi-rurale, je comprends bien également votre doléance concernant l'absence d'audiences chez vous. Je sais que, de ce côté-ci de la table, nous déplorons de n'avoir pu nous rendre dans davantage de localités. Comme vous le savez bien, nous nous déplaçons ici beaucoup plus tard que nous l'aurions voulu, mais nous en avons été empêchés par un autre parti qui ne voulait pas voyager plus tôt. Je conviens avec vous qu'il aurait fallu tenir autant de consultations que possible.

Je ne veux pas entrer dans le genre de débat que nous avons eu la dernière fois, mais comme j'ai essayé de l'expliquer alors, l'une des raisons qui nous amène à agir maintenant, c'est que contrairement aux États-Unis - et, d'ailleurs, contrairement à beaucoup d'autres pays - nous avons encore la possibilité de préserver les espèces en voie de disparition. Si vous regardez nos listes d'espèces, la grande majorité se situent dans les catégories «menacée» et «vulnérable». Un tiers des espèces sont «vulnérables», c'est-à-dire celles dont la situation est la moins préoccupante. Dans la catégorie «en voie de disparition», le nombre d'espèces est beaucoup plus restreint, alors que dans d'autres pays une très forte proportion des espèces en voie de disparition sont déjà éteintes.

Il est donc très important d'agir vite, avant que notre liste s'alourdisse trop au sommet, comme dans d'autres pays. Si nous y parvenons, nous pourrons éviter aux petites collectivités une bonne partie de ces tragédies coûteuses que vous décrivez; nous pouvons intervenir en amont et régler le problème par des mesures préventives, empêcher que des espèces ne viennent à figurer sur la liste et, lorsqu'elles y sont, les maintenir dans une catégorie inférieure de façon à pouvoir de nouveau les en rayer, plutôt que d'attendre qu'il se produise une tragédie.

Ne convenez-vous pas qu'en fin de compte, du point de vue des industries et des collectivités locales, il vaut mieux intervenir maintenant au lieu de laisser la situation se dégrader?

M. Morton: Je vous remercie, monsieur Adams. Vous vivez dans un endroit véritablement merveilleux. J'ai habité jadis à Peterborough.

M. Adams: Si vous me permettez de poser la question, pourquoi avez-vous mentionné Peterborough et Prince George dans un même souffle?

M. Morton: Allitération? Je ne suis pas sûr.

M. Adams: Il se trouve que j'ai des liens avec ces deux localités. Mais peu importe. Poursuivez.

M. Morton: Il semble simplement que cette législation soit si importante. Je n'ai entendu aucun des intervenants aujourd'hui dire qu'il ne veut pas de loi de protection des espèces en péril, mais j'en ai entendu beaucoup, représentant des intérêts différents, dire qu'il faut prendre son temps. Nous ne parlons pas d'attendre dix ans, mais peut-être encore un an. Vous avez dit avoir été retardés en décembre à cause d'un autre problème, mais le fait est que c'est la vie et le gagne-pain d'êtres humains qui sont en jeu, comme je l'ai déjà indiqué, et s'il faut attendre encore un an, qu'est-ce que cela peut faire? Qu'est-ce que cela change dans l'ordre des choses? Qu'est-ce qu'un an ou 18 mois?

Voilà ce que je voulais dire. Je m'en tiendrai là.

M. Adams: Quelqu'un d'autre?

M. Beaumont: Vous demandez si nous souscrivons à la nécessité de faire cela. Dans notre exposé, et c'est un thème qui est revenu souvent aujourd'hui, nous mettons l'accent sur la prévention. Certains d'entre nous, en Colombie-Britannique, ont travaillé à l'élaboration du code des pratiques forestières, à la stratégie des zones protégées - toutes ces mesures que nous appliquons. Elles sont lourdes et détaillées et complexes, mais nous les appliquons, et elles vont toutes dans ce sens. Je pense que tout ce que nous pouvons demander à cette loi fédérale, c'est qu'elle ne fasse rien pour entraver ou enrayer ce processus particulier dans la province.

Cela mis à part, oui, nous nous en porterons tous beaucoup mieux si nous avons des mécanismes solides en place pour empêcher que des espèces ne soient mises en péril.

M. Adams: Monsieur Rodney.

.1915

M. Rodney: Une chose qu'il faut voir c'est que nous avons déjà un système en place, au niveau provincial, et nous voulons éviter la duplication des efforts des deux gouvernements.

Mais indépendamment de cela, c'est comme tout: plus les gens sont consultés au premier stade, et mieux ils acceptent les mesures décidées ultérieurement. Je pense que le message que j'ai entendu aujourd'hui c'est que les gens réclament de plus en plus d'être impliqués dès le départ. Leur adhésion rendrait alors le processus d'autant plus efficace. Comme Mike l'a dit, qu'est-ce qu'un an de plus?

Le président: Monsieur Rodney, c'est la raison pour laquelle deux groupes de travail ont sillonné le pays.

M. Adams: Comme le président l'a déjà dit, ce processus que nous menons - et je suis d'accord avec vous sur la consultation - n'est pas le premier. Il y en a déjà eu deux précédents. Ce projet de loi est en préparation depuis plusieurs années.

M. Rodney: Je sais qu'il y en a eu deux autres, mais je sais également que les gens qui y ont participé sont restés avec un goût amer dans la bouche, si je puis dire les choses ainsi. Je ne fais que répéter ce que j'ai entendu ici.

M. Adams: Si vous me permettez, si l'un dit un an, et si nous étions sûrs que quelque chose puisse déboucher en l'espace d'un an - mais comme vous le savez, nous nous trouvons dans une année très particulière, et ce ne serait peut-être pas possible - je pourrais être d'accord avec vous. Mais je pense qu'il y a eu ample concertation. Je sais que les choses ont été difficiles. Le comité se serait déplacé s'il l'avait pu. Nous avons tenu de longues audiences dernièrement à Ottawa. Je sais que c'est difficile. D'ailleurs, je signale que nous avons reçu des quantités énormes de courrier électronique et postal provenant de toutes sortes de localités.

Je dis simplement que bon nombre de vos préoccupations seraient très justifiées si nous étions dans une situation plus dégradée, avec des quantités d'espèces classées en voie de disparition... il y a donc un avantage à agir vite tant que tel n'est pas le cas. Si vous regardez bien, ce projet de loi traite de la situation actuelle. Il ne porte pas sur le cas hypothétique où nous serions comme les États-Unis, avec un très fort pourcentage d'espèces classées en voie de disparition.

M. Morton: Pour rester là-dessus, je me demande - et vous avez dit que nous sommes dans une année particulière - si c'était le début du mandat d'un nouveau gouvernement, feriez-vous preuve de tant de hâte? Je ne puis rien dire des processus de concertation précédents menés par vos deux groupes de travail. Je ne sais pas. Je n'y ai pas participé. Il me semble simplement que si vous, députés, êtes vraiment convaincus de la valeur de cette législation, vous ne devriez pas hésiter à sillonner le pays et faire en sorte qu'autant de Canadiens que possible comprennent les effets de cette mesure pour eux.

C'est tellement vital. Nous avons vu ce genre de choses tant de fois ici, en Colombie-Britannique. Vous le voyez vous-mêmes tout le temps à Ottawa. Nous nous sentons déjà suffisamment aliénés... en tant que westerners de Peterborough. C'est vrai. C'est la réalité. Pourquoi ne pas faire en sorte qu'autant de gens que possible adhèrent à cette mesure? À l'heure actuelle, les gens n'acceptent pas.

M. Adams: C'est l'aboutissement d'un processus de trois ans, monsieur Morton, et non d'un processus d'un an.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Monsieur Knutson, s'il vous plaît.

M. Knutson: Je pourrais vous demander sur quoi vous vous fondez pour dire que les gens n'acceptent pas, mais je vais laisser cela de côté.

Monsieur Morton, je pense que vous avez donné un bon exemple de ce qui arrive dans une collectivité lorsque les répercussions sociales, économiques et autres des mesures de conservation ne sont pas suffisamment prises en compte. Mais ne convenez-vous pas avec moi qu'il faudrait se pencher également sur les collectivités, peut-être la côte est du Canada ou du nord de l'Ontario, où tous les arbres ont été coupés, afin de voir ce qu'il advient d'elles, à quelle vitesse elles dépérissent, lorsqu'on ne prend pas des mesures de conservation suffisamment énergiques? Cela ne devrait-il pas faire partie de notre débat?

Souhaitez-vous répondre là-dessus?

M. Morton: Eh bien, je ne savais pas que la Loi sur la protection des espèces en péril avait quelque chose à voir avec l'abattage des arbres dans le nord de l'Ontario.

M. Knutson: Elle porte sur la protection de l'habitat...

M. Morton: Je sais cela, mais je ne suis pas très bien votre raisonnement.

M. Knutson: Votre argument, si je vous comprends bien - et je ne veux pas placer des mots dans votre bouche - est qu'il faut tenir compte des coûts sociaux et économiques lorsque nous adoptons une mesure de conservation.

M. Morton: C'est juste. L'équation conservation et développement est extrêmement complexe et ne comporte pas de solution simple.

M. Knutson: C'est un argument tout à fait valide. Mais je dis, pour ma part, qu'il faut considérer aussi les collectivités du pays qui ont souffert de l'absence de mesures de conservation. Regardons ce qu'il est advenu des collectivités qui ont dépéri parce que nous n'avons pas su conserver les diverses ressources, qu'il s'agisse de morue dans l'est du Canada ou d'arbres dans le nord de l'Ontario. Il faut songer aussi au coût d'une autre année de consultation, au coût de l'absence d'intervention gouvernementale.

.1920

Il faut certes considérer le coût de l'intervention gouvernementale, mais il faut considérer aussi le coût de l'absence d'intervention gouvernementale, car des collectivités ont souffert de l'absence de loi de conservation.

M. Morton: Je ne conteste nullement cela, mais j'en reviens à mon argument initial, dans ce cas. Que votre comité aille à Timmins, qu'il aille sur la côte est. Expliquez aux gens ce que vous faites. Ils n'en ont pas la moindre idée. Les gens, chez moi, sont occupés à essayer de gagner leur vie - ceux qui ont toujours un emploi. Ils ne savent pas ce qui se dit ici à l'hôtel Landmark, à Vancouver. Ils n'en ont pas la moindre idée. Nous n'avons même pas de journaux quotidiens, ou de station de radio ou rien du genre. Nous n'avons qu'un journal hebdomadaire.

Le président: Il faudrait alors également que nous allions dans les îles de la Reine-Charlotte et chez les Haïda, pour voir ce qu'ils pensent de l'abattage du sapin doré etc. On peut discuter à perte de vue, mais il y aura toujours des avis divers et des divergences d'opinion, selon les endroits où l'on s'arrête.

M. Knutson: À ce sujet, et avant de passer à une autre question, vous pourriez demander à votre député - je ne sais pas qui est le député qui représente votre région - pourquoi il ou elle n'informe pas mieux et ne consulte pas mieux la population. Une partie de mon travail est certainement de défendre les vues de la communauté d'intérêt que je représente à Elgin - Norfolk, sur le lac Érié, au sein de ce comité et à Ottawa en général. Donc, si vous ne savez pas ce qui se passe, c'est peut-être que votre député ne fait pas le travail qu'il ou elle devrait faire.

Je voudrais poser une question aux forestiers. La Forest Alliance of British Columbia a déclaré qu'il n'y a pas d'espèces en voie de disparition en Colombie-Britannique. J'aimerais savoir si les forestiers ici présents sont d'accord.

M. Rosenberg: Je pense qu'il y a un petit nombre d'espèces de la province placées sur ce que l'on appelle la «liste rouge». Il y a une liste rouge, bleue et jaune, celles de la liste rouge étant les plus menacées. Je sais que la chouette tachetée figure sur cette liste, et je crois qu'il y a encore deux ou trois autres espèces.

M. Knutson: Je vois ici un total de quatre espèces classées par le COSEPAC: la marmotte de l'île de Vancouver, la chouette des terriers, la loutre de mer et le pélican blanc.

M. Rosenberg: Je pensais qu'il y en avait quatre ou cinq.

M. Knutson: Vous êtes donc en désaccord avec votre collègue de la Forest Alliance of British Columbia.

M. Rosenberg: Je m'en tiens à ce que la science et le COSEPAC ont dit. Un certain nombre de plans de rétablissement ont déjà été mis en place ou sont prévus pour ces espèces.

M. Knutson: Je vous remercie.

Le président: Monsieur Taylor.

M. Taylor (The Battlefords - Meadow Lake): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aborde ce projet de loi sous l'angle de la protection des espèces menacées. J'apprécie toutes les remarques qui ont été faites ici, sur le fait que tout le monde est en faveur de la notion de protection des espèces en péril. L'élément essentiel dans tout cela est l'identification des espèces en danger, et tout découle de là. Le travail scientifique, la nature du COSEPAC etc., voilà l'élément le plus important dans tout cela. Si nous souscrivons à la protection des espèces en péril, si nous félicitons le gouvernement d'oeuvrer en ce sens, alors il importe que le processus d'inscription sur la liste soit bon.

Aucun d'entre vous n'a beaucoup parlé de ce processus d'inscription sur la liste, sauf M. Rosenberg qui l'a effleuré. Y en a-t-il parmi vous qui ont des avis portant spécifiquement sur le classement des espèces en péril, avant que nous abordions certaines des choses qui viennent ensuite?

D'accord. Personne ne se manifeste. Poursuivons.

À mon avis, l'inscription des espèces sur la liste est d'importance absolument critique dans cette loi. Toutes les autres étapes en dépendent. Si nous identifions une espèce en voie de disparition, alors un certain nombre de choses doivent être faites pour la protéger.

.1925

M. Rosenberg, dans son exposé, a signalé le paragraphe 31.(1), qui dispose:

Si le but est de protéger les espèces classées comme en voie de disparition, comment justifiez-vous la suppression du mot «prendre»? Si vous pensez que l'habitat est essentiel à la protection des espèces et si vous adoptez l'approche de l'écosystème, pourquoi ne voudriez-vous pas élargir cette définition plutôt que de la restreindre?

M. Rosenberg: Comme je l'ai dit dans mon exposé, il me semble que cette définition concerne l'espèce individuelle, qu'il s'agisse d'un oiseau ou d'un autre animal. Il me semble que l'habitat relève d'autres parties du projet de loi.

M. Taylor: Êtes-vous en faveur de la notion de protection de l'habitat...

M. Rosenberg: Oui.

M. Taylor: ...et seriez-vous alors en faveur d'ajouter le mot «déranger», s'agissant de l'habitat?

M. Rosenberg: Je peux utiliser l'exemple de la chouette tachetée, ayant participé à la planification dans son cas. Son habitat a déjà été protégé dans une certaine mesure, par la création de nouveaux parcs dans l'aire de la chouette et des mesures de protection spéciales vont être mises en place, mesures qui vont toucher les compagnies forestières comme Interfor, en ce sens qu'elles limiteront les activités de coupe dans ces zones. En tant qu'exploitants des forêts domaniales, nous devons accepter ce type d'effort de planification. Pour nombre des espèces de Colombie-Britannique, les plans de rétablissement vont mettre en jeu l'habitat, la protection et la gestion de l'habitat. Ce sera une partie intégrante du plan. Je pense que si des compagnies comme Interfor peuvent participer à la planification, nous aurons au moins un mot à dire sur les décisions.

M. Taylor: Vous dites que la participation du public et des groupes intéressés est essentielle au plan de rétablissement. Cependant, en dernière analyse, il se peut que l'essentiel soit la protection de l'habitat. Si cela signifie le retrait de la compagnie d'une certaine zone ou quelque chose du genre, vous êtes disposés à aller jusque-là pour assurer la protection ultime, telle que déterminée par un plan de gestion.

M. Rosenberg: À condition que le plan de rétablissement ait pris en compte les coûts et les avantages et les répercussions économiques et sociales. C'est là qu'intervient cet équilibre délicat. Il sera difficile à réaliser. Dans le cas de la chouette tachetée, il nous a fallu cinq ans dans la province pour parvenir à un plan, qui sera mis en oeuvre prochainement.

M. Taylor: Je suis pleinement convaincu de l'importance des considérations socio-économiques, mais à mes yeux celles-ci sont toujours la réponse finale à un plan de gestion ou de rétablissement. La première étape consiste à identifier les espèces. La deuxième est de prendre des mesures de protection. Ensuite, la troisième étape consiste à s'attaquer aux conséquences de cela, en supposant que le plan ait des effets sur l'activité humaine, les collectivités et l'interaction des hommes entre eux ou avec la nature. Je n'ai rien donc rien contre la prise en compte des effets socio-économiques, ou le versement d'une indemnisation ou quelque chose du genre.

Une dernière question pour M. Morton à ce sujet, car il parle de l'impact potentiel de cette législation sur sa collectivité.

En rapport avec ce que j'ai dit de l'indemnisation et de la prise en compte des facteurs socio-économiques, admettez-vous ma prémisse qu'une collectivité ou une compagnie, pour protéger une espèce, puisse être amenée à prendre des mesures radicales? Le cas échéant, qui est responsable des mesures d'indemnisation, le gouvernement fédéral, l'industrie, les collectivités? Faudrait-il créer un fonds pour cela? Que pensez-vous de cet aspect?

M. Morton: Si je m'en fie à l'expérience de la Colombie- Britannique, c'est une question à400 millions de dollars. Nul ne semble vouloir assumer la responsabilité des changements qui interviennent dans notre façon de travailler, particulièrement dans le secteur forestier, et c'est regrettable. Il n'y a donc pas de réponse simple à cela.

.1930

Mais pour revenir à votre question antérieure, j'estime que nous aussi faisons partie de l'habitat. C'est vrai. Des milliers de Canadiens vivent encore en zone rurale. Oui, nous assistons à l'urbanisation continue du Canada, ce qui est extrêmement déplorable. Nous avons perdu nos racines, mesdames et messieurs. C'est la réalité. Les gens dans de nombreuses villes sont convaincus que le lait provient des cartons chez Safeway. Ce n'est pas le cas.

N'oubliez pas, et je reviens toujours à cette partie de l'équation, l'aspect social et économique. Je sais que je me répète. D'accord, il faut une loi, mais n'oubliez pas quelles peuvent en être les conséquences.

Le président: Je vous remercie. C'était très utile.

Madame Kraft Sloan.

Mme Kraft Sloan: J'ai un commentaire, plutôt qu'une réponse concernant ce que vous venez de dire, monsieur Morton, à savoir qu'avec l'urbanisation croissante du Canada nous avons perdu nos racines.

Lorsqu'on coupe un arbre, ses racines meurent. Lorsqu'on détruit l'environnement naturel, les gens n'ont plus la possibilité de comprendre leur relation à la terre et aux autres formes de vie. Je pense qu'il est donc très important de voir, comme vous l'avez si bien dit, que nous faisons partie de l'écosystème, que nous faisons partie du monde naturel, que nous vivons dans la nature et que la nature c'est nous. Je pense qu'il faut bien voir que nous sommes inextricablement mêlés à la nature

Lorsque que nous parlons d'activité humaine, il faut avoir une vision claire de la façon d'intégrer les considérations économiques et écologiques. À la racine - puisque vous voulez parler de racines - ou à la base de toute richesse économique, il y a notre richesse biologique. La dégradation de l'environnement détruit le bien-être socio-économique des collectivités d'une manière extrêmement dévastatrice.

Voilà donc ma réponse à votre remarque sur l'origine du lait.

M. Morton: Il est curieux que tant de gens assimilent le fait de couper des arbres à la dégradation de l'habitat etc. Comme je l'ai dit au début, je ne suis pas forestier, je ne suis pas biologiste, mais dans aucune de mes lectures je n'ai vu que l'exploitation forestière mette en danger des espèces. Ce n'est pas le cas.

Regardez l'escarpement de Niagara. Certaines des meilleures terres agricoles du pays - prenez donc la vallée du Fraser - sont passées au bulldozer et recouvertes de béton. Le secteur forestier a fait énormément de bonnes choses au cours des dix dernières années. Dans son ensemble, l'industrie forestière est un dinosaure. Il est très lent à se mettre en branle, il faut le pousser. Mais je ne pense pas qu'il soit nécessaire de toujours imputer à l'exploitation forestière cette dégradation de l'habitat et de la disparition d'espèces. Il n'y a rien - je n'ai jamais rien vu - qui établisse que les deux vont de pair.

Certains de vos arguments sont donc tout à fait valides, mais je ne peux tout simplement pas accepter certains autres.

Le président: Monsieur Adams.

M. Adams: On vient de me remettre quelques statistiques qui viennent du ministère de l'Environnement de Colombie-Britannique. Je dois dire que je ne savais pas à quel point la Colombie- Britannique s'en tire bien, sur le plan des espèces menacées.

Par exemple, dans les catégories d'espèces les plus touchées, celle des espèces disparues et disparues dans le pays, je lis ici que l'État de New York a 97 espèces disparues ou disparues localement; l'Ontario en a 49; la Colombie-Britannique n'en a que dix. Sur le plan des causes, dont nous venons de parler, l'urbanisation et l'agriculture sont citées au premier rang - soit dit en passant, il y a évidemment aussi des espèces dans les autres catégories - l'exploitation forestière vient au deuxième, le pâturage du bétail au troisième rang et la contamination de l'environnement au quatrième. Voilà les causes de la disparition des espèces.

.1935

Je remarque que dans les catégories d'espèces en péril ou menacées, 30 p. 100 des espèces de poisson connues sont menacées ou en voie de disparition. Ainsi que M. Munro me l'a fait remarquer, de nombreuses espèces de poisson relèvent déjà de la compétence fédérale, et je vais donc devoir prendre garde à la manière de dire cela. Mais il y a déclin. Je dois dire que cela renforce mon argument que si nous pouvons, en particulier ici en Colombie- Britannique, empêcher rapidement la situation des espèces de se dégrader, nous pourrons nous épargner toutes sortes de difficultés, comme celles que nous avons eues en Ontario et comme celles qui se posent dans l'État de New York, à l'avenir. J'en suis fermement convaincu.

Le président: Très bien, je vais donc essayer de nouveau. Je commencerai cette fois parM. Rodney, pour le remercier, ainsi que M. Rosenberg, M. Beaumont et M. Morton, d'avoir comparu devant nous.

Nous apprécions votre participation. Il me semble que nous parvenons graduellement à la conclusion qu'une forêt en bon état et saine contient également une faune en bon état et saine, et une fois la forêt partie, la faune est partie; ou, inversement, lorsque la faune a disparu, il n'y a plus grand-chose à espérer de la forêt. Nous parlons donc là d'une interrelation très importante et je pense que nous avons là un terrain d'entente.

Cela dit, merci de nouveau.

Notre prochain témoin est Mae Burrows, de la United Fishermen and Allied Workers Union.

Certains des membres de ce comité sont en proie à un décalage horaire de trois heures. Il est maintenant près de 7 heures et demie. Notre capacité d'absorption est proportionnelle à la rapidité avec laquelle nous avançons, et il est donc dans votre intérêt d'avoir en face de vous des auditeurs attentifs et réceptifs.

Soyez la bienvenue au comité, madame Burrows. Nous sommes tout ouïe. Vous avez la parole.

Mme Mae Burrows (directrice de l'environnement, United Fishermen and Allied Workers Union): Je vais commencer. J'espère que ma voix suave incitera les autres membres du comité à revenir s'asseoir à leur place. Il y a même des enseignants dans le corridor. J'ai également été enseignante et je peux prendre une très grosse voix autoritaire pour ramener tout le monde à sa place.

.1940

Ces gens sont fatigués. Nous aussi, nous voulons rentrer avant qu'une tempête de neige s'abatte sur la côte ouest, comme l'annonce la météo - une autre de nos grandes joies de l'hiver.

Donc, pour commencer, je suis responsable de l'environnement à la United Fishermen and Allied Workers Union. Je travaille également pour la T. Buck Suzuki Environmental Foundation, qui a été fondée en 1981 par le syndicat des pêcheurs dans le but de faire des recherches sur l'habitat du poisson et la qualité de l'eau.

Notre syndicat représente les pêcheurs propriétaires- exploitants, les pêcheurs à petite embarcation utilisant tous les types d'agrès, de même que les hommes de pont, les équipages de bateaux annexes, les emballeurs et travailleurs à terre. Nous avons certainement bon nombre de syndiqués dans les collectivités rurales, tout comme dans les centres urbains. Nous sommes présents tout au long de la côte.

Nous avons fêté l'année dernière notre cinquantième anniversaire, ce qui est un âge respectable pour une organisation. Pour un syndicat dans un secteur comme celui de la pêche, c'est plutôt honorable. Nous espérons fêter un jour notre centième anniversaire, car nous sommes fermement convaincus que la pêche peut être une activité durable pourvu que la gestion de la pêche souscrive au principe de la conservation et si l'habitat est protégé.

En tant qu'organisation, nous avons une connaissance intime du lien essentiel entre un environnement sain et une économie saine, et nous pensons qu'il est possible de faire en sorte que la durabilité veuille réellement dire quelque chose. Nos membres et leurs amis dans les localités côtières dépendent pour leur gagne- pain de bonnes montaisons de saumon. Le saumon, à son tour, a besoin d'habitat sain. À notre sens, la dégradation et la destruction de l'habitat sont le premier facteur contribuant à la vulnérabilité des espèces menacées. J'ose dire que ce n'est pas là seulement une perception de notre part, mais une ancienne vérité.

Il y a juste un an, Tim Slaney de l'American Fisheries Society, l'un des experts nord-américains en matière de pêche, a réalisé une étude des peuplements de saumon en Colombie- Britannique. Malheureusement, il a découvert 142 cas avérés de disparition de peuplements de saumon. Il dit dans son rapport:

J'ai écouté Peter Adams toute la journée et je constate qu'il emprunte largement à mes propos. Je pense que l'une des choses que nous devons attendre de cette législation est qu'elle soit tournée vers l'avenir et proactive, avant que nous parvenions au point où en sont les États-Unis. Là-bas, on a attendu que plus de 200 espèces soient en danger avant de commencer à agir. Je crois savoir que nous n'avons que 60 espèces encore sur notre liste.

Je vais donc m'efforcer, tout au long de mon exposé, de formuler des suggestions pour asseoir et renforcer la nature proactive de la loi. En particulier, je me ferai l'avocate de plans de gestion fermes pour les espèces vulnérables. C'est là mon point de départ.

Nous voulons faire ressortir quatre choses. Vous en avez déjà entendu un certain nombre. Je sais qu'il est 19 heures, à l'heure de chez vous, et je ne vais pas m'attarder longuement.

Premièrement, je pense que le projet de loi devrait préciser que le COSEPAC est responsable de... qu'il va établir les listes et que le ministre fédéral devra promulguer des règlements. Quiconque connaît la pêche, le secteur de la pêche et toute la politique de la pêche, sait à quel point c'est une arène hautement politisée et livrée aux manipulations.

.1945

Les pêcheurs et les scientifiques de la côte Est disaient depuis des années qu'il fallait réduire la prise. Ici, en Colombie- Britannique, il suffit de regarder l'accord sur l'achèvement du projet Kemano de 1987, qui a totalement ignoré tous les avis scientifiques. Ces derniers disaient qu'il n'aurait jamais fallu détourner plus de 30 p. 100 de l'eau de la rivière. Le projet Kemano I détourne aujourd'hui encore 60 p. 100 de l'eau de la rivière. Mais les scientifiques à qui on a demandé de se prononcer sur l'achèvement du projet Kemano, Kemano II, ont clamé que l'on ne pourrait certainement pas détourner 87 p. 100 de l'eau de la rivière. Les politiciens ont néanmoins passé outre à toutes les suppliques scientifiques, et aujourd'hui la Nechako est encore une rivière malade, en état de mort lente.

Nous aimerions que le ministre fédéral des Pêches fasse un peu quelque chose lui aussi, et vous pourrez peut-être, à votre retour à Ottawa, l'encourager en ce sens. Même si le projet est annulé, nous perdons quand même 70 p. 100 de la rivière.

La situation en Colombie-Britannique est que le poisson n'a tout simplement pas le droit à l'eau. Nous aimerions que le COSEPAC soit juge de l'information scientifique qui dit que nous avons besoin de certains cours d'eau, de certaines températures d'eau. Notre recommandation est donc que le COSEPAC dresse la liste et que le ministre soit tenu de promulguer des règlements.

Notre deuxième et principal sujet est l'habitat. Évidemment, nous n'aimons pas le terme «résidence», surtout lorsqu'il s'agit d'espèces hautement migratoires comme le saumon, qui passe une partie de sa vie dans l'océan, dans le détroit de Georgia. Le saumon coho passe deux années dans les petits cours d'eau qui sont souvent détruits par les projets urbains, et certainement par les barrages hydroélectriques etc., sans parler de la qualité de l'eau. Ne pensez pas seulement habitat, songez aussi aux toxines et poisons déversés dans les rivières et les fleuves dans lesquels les poissons doivent nager. Il faut une vision plus holistique de ce qu'est la résidence.

Je félicite en fait votre comité d'avoir, au moment de l'étude de la LCPE, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, fait preuve d'une vision d'avant-garde et d'avoir épousé les paradigmes d'aujourd'hui au lieu de s'accrocher aux paradigmes d'hier, lorsque vous avez préconisé l'approche des écosystèmes, qui veut que l'on ne regarde pas seulement la pierre sous laquelle le poisson fraie et sous laquelle les oeufs sont incubés, mais aussi la rive et tout le bassin hydrographique. C'est effectivement ainsi qu'il faut commencer à penser les choses. Je vous incite donc réellement à remplacer le terme «résidence» par quelque chose qui ressemble à une approche plus écologique.

Votre rapport sur cette loi définissait «écosystème» comme:

Une façon de renforcer ce projet de loi serait d'exiger des plans de rétablissement aussi fermes pour les espèces vulnérables que pour les espèces en voie de disparition, de façon à consulter le public, définir le problème et commencer à le résoudre dès ce stade, au lieu d'attendre le moment inévitable où l'espèce devient en voie de disparition. Lorsque vous dressez la liste des espèces vulnérables, ayez des plans de gestion qui soient aussi fermes que les plans de rétablissement.

Par ailleurs, selon mon expérience, il est très important que les citoyens aient le droit d'intervenir lorsqu'ils voient surgir des difficultés. J'aimerais réellement que le projet de loi soit renforcé à cet égard. Élargissez la définition des projets qui doivent être évalués et précisez que les citoyens peuvent attirer l'attention sur tout projet de ce type, car ce sont eux qui sont sur place, ce sont eux qui voient les choses. Je pense que la participation active, dynamique, des citoyens est une bonne chose.

Troisièmement, je vous encourage à adopter la loi la plus ferme possible au niveau fédéral, de façon à ce que la législation provinciale correspondante le soit aussi.

Pour ce qui est de l'approche contraignante par opposition à l'approche coopérative, j'ai participé de très près à ces diverses consultations, non seulement dans le secteur forestier mais également en matière de développement urbain et... on projette une vaste consultation sur les plans de gestion de l'eau et la production d'électricité. Des bénévoles se rendent à toutes ces réunions et leur tâche est très difficile, car très souvent ce sont des négociations stratégiques où des bénévoles sans guère de ressources et de connaissances sont défavorisés. C'est souvent le statu quo qui l'emporte dans ces négociations, car ses partisans sont mieux équipés que les autres. Donc, une petite mise en garde à ce sujet.

.1950

Nous participons actuellement à un projet consistant à réparer quelques cours d'eau à Langley, qui est une collectivité agricole. Nous aidons les agriculteurs qui, à mon sens, saisissaient mal toute la valeur de la rivière à saumon coho qui traverse leurs terres. Le coho est l'une des espèces dont nous nous soucions. Nous chaussons des bottes de caoutchouc et aidons l'agriculteur à mieux aménager l'habitat, etc. Mais je n'hésite pas à dire que les gens se montrent plus créatifs lorsque quelqu'un brandit un gros bâton, et c'est ce que fait le projet de loi. Au niveau communautaire, il faut beaucoup de coopération, mais gardons quand même un atout dans la manche.

Enfin, je souscris pleinement à un certain nombre des choses qu'ont dites les représentants de l'IWA et de SHARE. J'ai ici une partie du mémoire qui vous a été présenté par le Congrès du travail du Canada, par le biais du Syndicat national de l'automobile. Nous sommes membres du CTC. Nous demandons à votre comité d'insérer dans le projet de loi une disposition plus explicite pour exiger que les besoins et le sort des travailleurs dans les collectivités soient pris en compte. Nous demandons que cela fasse partie intégrante d'un plan de rétablissement.

Bien entendu, partout où cette situation se produit... Je n'ai pas de solution globale, mais n'oublions pas que des gens vont devoir payer cher les changements que nous opérons dans la société. Il faut veiller à prendre réellement en compte l'aspect humain et socio-économique.

Je vous remercie. Je suis en avance sur le temps imparti, n'est-ce pas?

Le président: Énormément. C'est surprenant. Merci beaucoup.

La parole est à Vicki Husband.

Mme Vicki Husband (présidente chargée de la conservation, Sierra Club of British Columbia): Je suis la présidente chargée de la conservation du Sierra Club of British Columbia, une association active dans la province depuis 1969.

Je ne vais pas m'attarder beaucoup sur les aspects juridiques de mon exposé. Je pense que cela a déjà été extrêmement bien fait, particulièrement par les trois intervenants du premier panel de ce matin. Nous souscrivons à tout ce qu'ils ont dit. Le Sierra Club fait partie de la coalition pour les espèces en voie de disparition. Vous avez également reçu Elizabeth May, à Ottawa. En tant que native de Colombie-Britannique, et ayant passé une bonne partie de ma vie en région rurale, je vois clairement ce qui se passe, et c'est de cela que je vais traiter.

J'habite une province où le lobby forestier est incroyablement puissant. Vous venez de le voir. Nous avons énormément de mal à protéger quoi que ce soit ici. C'est extrêmement difficile. En Colombie-Britannique, le poisson n'a même pas droit à l'eau. Je pense que vous devez réellement prendre conscience des obstacles auxquels nous nous heurtons.

Ce que je veux vous dire, c'est que nous avons besoin d'une législation équivalente ici, en Colombie-Britannique. Il n'y a pas d'équivalent et je n'en vois pas se profiler à l'horizon, pas du tout. Le code des pratiques forestières provincial ne protège pas les espèces menacées. Il contient des dispositions pour protéger les espèces désignées, mais aucune n'a encore été désignée. Nous n'avons même pas encore le guide des espèces identifiées. C'est comme d'avoir un projet de loi C-65, avez zéro espèce désignée.

Avant de pouvoir protéger la biodiversité, il faut des unités de paysage. Aucune unité de paysage n'a été désignée. J'ai parlé à beaucoup de gens au ministère de l'Environnement, et ils sont nombreux à dire qu'ils sont très déprimés et démoralisés. Ils disent que la situation est pire encore qu'il y a trois ans. Vous devez donc comprendre que certains d'entre nous ont actuellement une mentalité d'assiégés. La situation est très grave.

Le code des pratiques forestières est le strict minimum, et ils l'ont maintenant assorti d'un plafond de 6 p. 100, c'est-à-dire qu'il ne peut y avoir de répercussions sur le taux de coupe dépassant 6 p. 100 à l'échelle de la province. Sur la côte, c'est de l'ordre de 9,2 p. 100, mais s'agissant des espèces, l'impact ne peut dépasser 1 p. 100. Cela signifie que 75 p. 100 de votre faune - les forêts - doivent se situer dans les zones riveraines, le long des cours d'eau. Cela ne signifie pas qu'il y en aura à l'échelle du paysage.

Je vous distribue ceci pour vous montrer graphiquement la différence entre résidence et habitat critique. Vous devez réellement comprendre pourquoi nous insistons tant là-dessus et pourquoi c'est si important.

Comme les témoins de ce matin, et je reprends leurs propos, je déplore que le projet de loi C-65 ne s'applique qu'à environ 1,1 p. 100 du territoire de la Colombie-Britannique. C'est une grave préoccupation pour nous tous. La chouette tachetée est en voie de disparition. Faut-il donc qu'elle se cantonne aux aéroports, aux réserves indiennes et à nos parcs nationaux pour être en sécurité?

.1955

Regardez attentivement ce qui va se passer au cours des prochaines semaines. Jugez le gouvernement de Colombie-Britannique à la manière dont il protégera la chouette tachetée. À l'heure actuelle, il y a énormément d'ingérences politiques. C'est ce qui arrive lorsqu'il n'y a pas de loi, un vide juridique. Regardons ce qui va se passer avec le troupeau de Selkirk de caribous de montagne, du côté de Revelstoke. Des décisions seront prises ici au cours des prochaines semaines ou dans le mois qui vient, qui vont déterminer si ce troupeau va survivre ou non. Nous verrons ainsi dans quelle mesure la province protège les espèces en voie de disparition et dans quelle mesure elle s'occupe de la nature. Je pense que c'est réellement important.

Je n'ai constaté absolument aucune volonté d'introduire une législation de protection des espèces en péril dans cette province et je suis très inquiète. Face à cela, je pense que vous devez faire preuve de leadership et veiller à ce que nous ayons une législation équivalente au niveau provincial, et qu'elle protège les habitats essentiels, qu'elle protège toutes les espèces migratoires, y compris les rapaces, et qu'elle protège au-delà de ce que vous dites aujourd'hui.

Nous ne voulons pas léguer à nos enfants une reconnaissance de dette pour la biodiversité. Vraiment pas. Nous voulons protéger leur avenir.

Je considère ce qui se passe ici comme très sérieux. J'ai écouté toute la journée. Je me souviens des chiffres des années 1980, où 25 000 emplois ont été perdus principalement à cause de la mécanisation. On parle de quelques emplois ici et là - à South Moresby c'était peut-être 70 ou80 emplois directs - mais ces chiffres ne sont rien en comparaison.

J'habite dans le sud de l'île de Vancouver. Je suis dans la cinquantaine. J'ai vu les usines fermer à Victoria, à Honeymoon Bay, à Sooke. À Port Renfrew, il n'y a pratiquement personne travaillant dans l'industrie. Pourquoi? Ce n'est pas parce que nous avons protégé des espèces ou des habitats de la faune, ou même des forêts anciennes; c'est parce que nous avons surexploité. Nous avons mal géré.

On ne peut réparer la rivière San Juan. C'était une grande rivière à saumon, tout comme la Gordon. Elles ne peuvent être remises en état. Peut-être dans des centaines et des centaines d'années le saumon reviendra-t-il.

Il y a aujourd'hui un projet de restauration des bassins hydrographiques, dont je suis très heureuse. On a recensé toutes les rivières endommagées de la Colombie-Britannique. Ils vont essayer de les «réhabiliter». C'est le mot utilisé, pas «restauration». Ils ne peuvent pas restaurer. Le coût en est estimé à 1 milliard de dollars.

Lorsque vous entendez l'industrie forestière dire - évidemment, nous savons bien que ce n'est pas vrai - qu'elle n'a jamais endommagé quoi que ce soit, ou n'a jamais endommagé d'habitat... Comme Mae l'a dit, 142 races de saumon sont devenues éteintes.

Lorsque nous nous battions pour South Moresby, je me souviens que Bristol Foster disait que des races de saumon disparaissent chaque année sur la côte. Nous le savions dans les années 1980, et nous le savions dans les années 1970. Nous n'avons pas réellement changé. J'ai vu ces rivières.

C'est donc une situation grave. Je veux être sûre d'avoir une législation qui contienne une liste de ces races de saumon menacées dans ces rivières. C'est la seule façon de faire bouger les choses.

Jack Munro, je m'en souviens très bien - et cela a été repris dans le New York Times - est celui qui a dit à ses membres de l'IWA de tirer à vue sur la chouette tachetée. Je ne l'imagine pas jamais appuyer une loi de protection des espèces en péril.

Encore une fois, je vous mets en garde contre la puissance du lobby forestier et les millions de dollars que ce lobby dépense ici, en Colombie-Britannique, pour sa campagne.

Le code des pratiques forestières... si quelqu'un prétend qu'il représente une législation équivalente pour la protection des espèces en péril... Indépendamment de toutes les insuffisances du code des pratiques forestières que j'ai déjà citées, il protège mal l'habitat du poisson. Je pense que vous en entendrez parler dans le mois qui vient, car le Fonds de défense juridique Sierra travaille à un rapport sur la coupe à blanc dans les zones de gestion riveraines, chose qui n'aurait jamais dû arriver, mais on coupe à blanc le long de petits cours d'eau, on classe les cours d'eau de façon erronée, etc. Parfois ils ne prennent même pas la peine de les classifier ou de les identifier, ils se contentent de couper.

Le code des pratiques forestières est silencieux sur l'impact de l'exploitation minière, de l'exploitation de gaz et de pétrole, de l'agriculture, du développement urbain et des barrages hydroélectriques. Disons-le clairement, la Colombie-Britannique n'a pas de législation sur les espèces en péril.

On vous a beaucoup parlé de planification de l'utilisation des terres. Le Sierra Club s'y intéresse de très près, mais ne nous leurrons pas: protéger 12 p. 100 seulement du territoire de la Colombie-Britannique, avec l'incroyable biodiversité que nous avons ici, ne protégera pas la biodiversité à l'échelle du paysage. C'est exclu. Vous ne pouvez protéger quelques îles et dévaster le restant du paysage. Cela ne marchera pas.

L'industrie dit qu'elle ne veut que 30 p. 100 du territoire. Eh bien, c'est virtuellement chaque fond de vallée et chaque habitat essentiel du poisson et de la faune. C'est cela qui nous inquiète. Il nous faut un outil qui prend en compte l'équilibre, qui prend en compte l'ensemble, et c'est pourquoi nous avons besoin d'une législation sur les espèces en péril.

.2000

Ils vous disent d'avancer lentement, mais si vous avez eu trois années de concertation, il faut accélérer, car nous avons eu une centaine d'années d'exploitation forestière et les effets en sont lourds. Nous ne voulons pas nous retrouver dans la situation du nord-ouest Pacifique, où il ne reste plus que 5 p. 100 de la forêt ancienne. Ils n'ont pas voulu écouter lorsque la chouette tachetée et d'autres espèces menacées auraient dû être protégées dans les années 1970. C'est pourquoi la situation s'est dégradée à ce point.

Il y aurait tant de choses à dire. Je peux vous raconter d'autres histoires. Rivers Inlet avait jadis une montaison de un à deux millions de saumons rouges. Cette année, peut-être 40 000 seulement sont revenus. Il n'y a pas eu de pêche commerciale à Rivers Inlet. On voit cela partout. Nous commençons à voir un effondrement des espèces animales dans quantité de régions. L'ours grizzly, le caribou de montagne. Il n'y a pas que la chouette tachetée. Je pense toujours que le saumon est la chouette tachetée de la Colombie-Britannique. Nous voulons le protéger, et nous voulons le protéger pour longtemps.

C'est pourquoi je suis là. Je veux être sûre que ce soit des scientifiques qui établissent les listes. C'est aux gens du COSEPAC, au comité, de prendre la décision finale. C'est extrêmement important. L'habitat essentiel est extrêmement important. Si l'on veut que la législation donne des résultats, la volonté politique est absolument nécessaire.

J'apprécie réellement que vous soyez venus à Vancouver. Je n'habite pas ici. Je me suis déplacée pour venir et je suis réellement heureuse d'avoir eu la possibilité de m'exprimer devant ce comité. Je vous remercie.

Le président: Merci.

Monsieur Hunter, je vous prie.

M. Michael Hunter (président, Fisheries Council of British Columbia): Je vous remercie, monsieur le président. Je suis heureux de cette invitation à comparaître devant vous.

Je représente le Fisheries Council of British Columbia. J'en suis le président. Nous sommes une association professionnelle qui représente les principales entreprises de conditionnement du poisson de la province. Ces sociétés achètent le poisson auprès des pêcheurs et le transforment en produits alimentaires consommables vendus au Canada et à l'étranger. Je précise que la Colombie- Britannique fabrique chaque année pour environ 1 milliard de dollars de produits de la mer. C'est environ le même chiffre que ce que produit la Nouvelle-Écosse, et c'est donc dire que c'est un secteur important.

Je pense qu'il va presque sans dire qu'en tant qu'organisation dont les membres dépendent d'un approvisionnement continu de ressources naturelles, en l'occurrence de poisson, nous portons un vif intérêt à la conservation et à l'exploitation durable de ces ressources. Nous pensons que ce projet de loi est extrêmement important et je suis d'accord avec une bonne partie de ce que Mae et Vicki viennent de vous dire, à quelques exceptions près.

Avant d'aborder ces dernières, je veux simplement dire que notre organisation et moi personnellement avons consacré de nombreux mois de notre vie à essayer de faire en sorte que les systèmes canadiens de conservation de la pêche fonctionnent, à l'échelle nationale et internationale. Nous nous sommes engagés à passer de nombreuses heures par mois à siéger dans les organes de consultation nationaux et internationaux. Pour ma part, je suis l'un des représentants du Canada à la Commission du saumon du Pacifique, et mes collègues siègent à d'autres organismes. Je veux m'assurer que vous compreniez bien qu'en dépit du fait que je représente des intérêts commerciaux, j'estime avoir des qualifications comme témoin à ce comité qui contrebalancent ce que d'aucuns pourraient appeler «la partialité du grand patronat» que l'on constate parfois autour des questions de conservation.

J'aimerais formuler trois observations principales, mesdames et messieurs. Je me trouve en désaccord avec les deux témoins précédents et je vais vous dire pourquoi.

Le premier désaccord concerne la structure du COSEPAC et ses attributions en matière de désignation des espèces que le projet de loi lui attribue. J'estime que cela est contraire à ce que nous appelons au Canada la responsabilité ministérielle. On peut débattre de la question de savoir si les ministres sont responsables ou non, mais théoriquement et juridiquement, ils le sont. Je trouve que le projet de loi ne prévoit que très peu de contrepoids. Ce que dit le COSEPAC vaut, et je pense qu'il y a lieu de s'en inquiéter.

C'est pourquoi - et je vous dirai tout à l'heure les raisons - nous pensons que le ministre des Pêches et des Océans, en sus de ses grandes attributions aux termes de la Loi sur les pêches fédérale et de la Loi sur les océans, doit continuer à être habilité à recommander au gouverneur en conseil la désignation des espèces aquatiques en vertu de ce texte de loi, et être responsable de la conception et de l'exécution de tout plan de rétablissement qui peut s'avérer nécessaire.

.2005

Du point de vue juridique, je peux vous dire que la Loi sur les pêches fédérale et la Loi sur les océans sont des textes rigoureux et impressionnants. Ils donnent au ministre des Pêches et des Océans tous les pouvoirs dont il a besoin pour veiller à leur bonne exécution.

D'un point de vue pratique, j'aimerais aborder une autre question qui me préoccupe grandement. Il s'agit de la désignation des espèces aquatiques. Je vais vous remettre des copies... et je vous présente mes excuses, monsieur le président. J'ai été un peu bousculé au cours des dernières semaines. Il y a eu beaucoup d'agitation politique autour de la question de la pêche par ici, comme vous le savez probablement.

Je veux attirer votre attention sur un phénomène dont vous ont sans doute déjà parlé des fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans, au sujet de la désignation d'un peuplement; quand un peuplement est-il vulnérable et quand est-il en voie de disparition? Je crains que si nous utilisons les critères de l'UICN, nous courrons le risque de nous ridiculiser, nous-mêmes et le projet de loi sur la protection des espèces en péril.

Permettez-moi de vous montrer, en un coup d'oeil, la variabilité des prises de saumon rouge. Ces statistiques remontent à 1873. Si les prises, et je pense que c'est le cas en Colombie- Britannique, sont représentatives de l'abondance générale, vous pouvez voir dans cet exemple - et les cinq espèces de saumon présentent le même type de variabilité, avec des hauts et des bas d'année en année - le danger serait que quelqu'un dise: «Voyez, les prises de saumon rouge ont baissé, l'abondance de saumon rouge est en chute de 50 p. 100 sur les dix dernières années». Eh bien, nous avons quantité d'exemples où une population de poissons a décliné sur une période de dix ans, pour retrouver ensuite naturellement son niveau antérieur.

Comment cela se fait-il, me demanderez-vous? Eh bien, la pêche n'est qu'un facteur parmi d'autres dans le cycle de vie du saumon rouge ou du hareng du Pacifique, ou même du homard de l'Atlantique. On a constaté par le passé, et on continuera de voir à mon avis, ce type de variabilité naturelle des stocks, et il faut en tenir compte au moment de concevoir une loi de protection des espèces en péril, de façon à ce que la loi se concentre sur les problèmes et non sur la variabilité naturelle.

D'après les données que j'ai vues, si vous considérez le homard de l'Atlantique... Je ne suis pas expert dans ce domaine, mais je pense que la population de homard de l'Atlantique a décliné d'environ 50 p. 100 depuis 1990, si bien que selon les règles de l'UICN, il faudrait le déclarer vulnérable. Pourtant, la biomasse du homard au large du Canada atlantique est plus importante que dans les années 1940 ou 1950.

Il faut bien voir, tout d'abord, que les espèces aquatiques sont un peu différentes des espèces terrestres. Leur population est difficile à mesurer. Le saumon, en un sens, est le plus facile à mesurer, car au moins il remonte à l'intérieur des terres à un moment de son cycle de vie, mais ce n'est pas le cas de nombreuses espèces, si bien qu'il est difficile d'en estimer la population. Elles sont sujettes à une variabilité naturelle qui n'a rien à voir avec l'intervention de l'homme.

Comme autre exemple, je citerai les problèmes que nous avons connus ces dernières années avec le saumon quinat, le saumon de printemps, en Colombie-Britannique, au large de la côte ouest de l'île de Vancouver. Ce saumon, qui est sujet à l'interception des pêcheurs de l'Alaska au nord de chez nous, de même qu'à celle des pêcheurs commerciaux, sportifs et autochtones canadiens, a été décimé par les conditions environnementales qui régnaient au large de la côte ouest de l'île de Vancouver en 1992 et 1993. Je pense que c'est à l'honneur du gouvernement canadien et des scientifiques canadiens d'avoir conçu un plan de gestion qui a permis et permettra à ces peuplements de survivre, même si nous ne semblons pas pouvoir résoudre le problème alaskien.

Je considère que, dans l'ensemble, le ministère des Pêches et des Océans a le mandat et les connaissances, tant à l'échelle nationale qu'internationale, pour mettre en perspective les variations de population des espèces aquatiques que nous constatons. Je vous exhorte donc à la prudence s'agissant de la conception du plan et des critères de désignation des espèces aquatiques.

Enfin, je vous signale que l'UICN a désigné la morue de l'Atlantique. Je pense que l'UICN se sent un peu ridicule de l'avoir fait, car d'après tous les renseignements scientifiques provenant de l'Atlantique Nord, il est évident que si nous avons eu une crise de la morue au Canada, dont les causes ne sont pas claires pour tout le monde, c'est loin de vouloir dire que la morue de l'Atlantique soit une espèce en voie de disparition.

.2010

Je dois donc vous exhorter à la prudence quant à la manière dont nous allons essayer de réaliser les objectifs très clairs et légitimes de cette loi dans l'environnement aquatique, là où l'activité humaine, dans bien des cas, représente peut-être la moindre influence, ou du moins une influence mineure, sur la survie des populations. C'est en ayant cela à l'esprit que nous recommandons, en sus de la question de la composition du COSEPAC, si le COSEPAC doit désigner les espèces à la lumière de lignes directrices et de critères prudents touchant les poissons... Je suis un peu inquiet de voir que le COSEPAC ne comprendra pas un nombre conséquent de spécialistes de l'halieutique. Qu'ils soient fonctionnaires ou universitaires, il existe au Canada quantité de bons spécialistes de l'halieutique et j'aimerais à tout le moins que la désignation des espèces aquatiques par le COSEPAC soit le fait d'experts en halieutique plutôt que de biologistes dont les connaissances portent plutôt sur les espèces terrestres.

Après ces observations, mesdames et messieurs les membres du comité, je répète que le Fisheries Council of British Columbia considère cette législation comme très importante. Nous ne sommes pas des experts en écologie, bien que nous estimions avoir une bonne base de connaissances sur le plan de la conservation, connaissances que nous mettons en application quotidiennement. Nous pensons que le projet de loi est approprié si l'on peut assurer que le ministre des Pêches et des Océans conserve son pouvoir juridique d'agir en vue de la conservation des stocks de poisson canadiens, comme c'est le cas aux termes de la Loi sur les pêches fédérale et de la Loi canadienne sur les Océans. Nous ne pensons pas que l'exercice par le ministre de ses pouvoirs actuels soit contraire à l'intention de ce projet de loi. Il s'agit simplement de préciser que le ministère actuel, agissant au nom du Parlement, continue d'exercer cette autorité.

Je pense, monsieur le président, avoir résumé les éléments principaux que je voulais faire ressortir. J'aimerais remettre ces diagrammes à votre greffier. Veuillez m'excuser de ne pas vous les avoir fait parvenir par avance. Ils démontrent de façon très frappante la variabilité des populations de poisson et je pense que c'est un aspect à la lumière duquel vous devriez examiner le texte actuel du projet de loi.

Le président: Je vous remercie, monsieur Hunter.

Monsieur Forseth.

M. Forseth: Merci beaucoup.

On nous a parlé tout à l'heure de ce que la province de Colombie-Britannique pourrait ou ne pourrait pas faire sur le plan de l'adoption d'une loi parallèle, et j'aimerais donc vous demander quelle est votre impression, d'après vos discussions au niveau provincial, de la volonté du gouvernement de respecter l'accord qu'il a signé. Toutes les provinces ont signé un accord. Il contient quelques belles phrases ronflantes. Quelle est votre estimation de la volonté, de la volonté politique dirons-nous, du gouvernement néo-démocrate de Clark de promulguer une loi parallèle de protection des espèces en péril?

Mme Husband: Je ne vois pas grande détermination à le faire. Le gouvernement essaie de démontrer que le code des pratiques forestières ou la Wildlife Act suffisent. C'est ce que j'ai entendu. Je n'ai vu aucun mouvement. Si nous ne l'avons pas obtenu sous le gouvernement Harcourt... Sous le gouvernement Clark, nous voyons un déclin de l'importance accordée à la protection de l'environnement et je vois encore moins de volonté qu'auparavant de promulguer ce type de législation.

C'est ce que je voulais dire en parlant de la puissance du lobby des forestiers et de la situation dans laquelle nous nous trouvons en Colombie-Britannique. Cela nous tient à coeur et ils sont absolument opposés. Ils ne cessent de dire qu'ils font les choses différemment et que tout va bien, mais si c'est le cas ils devraient accueillir à bras ouverts une législation plus ferme, s'il n'y a pas de problèmes dans les bois. Mais ce n'est évidemment pas ce qu'ils vous disent. Ce que vous avez entendu, c'est un refus ferme de ce projet de loi.

Ce n'est pas tant votre projet de loi qui les inquiète. Ils s'inquiètent du précédent qu'il représente et des répercussions qu'il pourrait avoir sur une législation équivalente en Colombie- Britannique. C'est là leur crainte.

Je ne peux comprendre comment quelqu'un comme Mike Morton, d'Ucluelet, où j'ai vécu et que je connais bien... Je connais ce village et je connais Tofino. J'y ai une résidence secondaire. Je connais la région. Votre projet de loi ne va pas toucher cette localité. Je peux le dire catégoriquement. Il ne touchera pas cette collectivité.

.2015

Ce qui les inquiète, c'est le texte qui pourrait être adopté en Colombie-Britannique, et c'est pourquoi vous voyez ce puissant lobby dressé contre votre loi. Cela est assez parlant, n'est-ce pas, car autrement pourquoi seraient-ils si inquiets, si tout allait bien?

Mme Burrows: J'aimerais ajouter quelque chose à cela.

Nous avons une organisation intitulée B.C. Fish Habitat Protection Council, que la T. Buck Suzuki Environmental Foundation a mise sur pied. Elle rassemble des groupes qui travaillent sur les problèmes de l'habitat du poisson. C'est un groupe très diversifié, allant du Outdoor Recreation Council jusqu'à Greenpeace. Ce sont des groupes très divers, mais ils ont tous quelque chose en commun: ils se préoccupent de l'habitat du poisson.

Nous avons eu l'occasion de rencontrer les ministres, tant fédéraux que provinciaux, et un certain nombre de hauts fonctionnaires de la province. Nous leur avons parlé expressément d'une législation sur les espèces en péril, et la réponse explicite que nous avons eue était: «Nous, la province, travaillons à une loi cadre sur la pêche, et c'est tout ce que vous allez obtenir. Il n'y sera pas question d'espèces en péril, cessez donc de vous agiter à ce sujet», plus ou moins. C'était une réponse très explicite.

J'aimerais souligner certains des problèmes que pose le code des pratiques forestières. Très souvent, on laisse beaucoup de latitude aux gestionnaires forestiers locaux sur le plan de l'agrément donné aux plans forestiers. C'est l'un des problèmes que nous avons toujours eu avec le code des pratiques forestières, et on en voit aujourd'hui les effets.

On voit une quantité incroyable de classifications erronées ou de non-classifications de rivières à saumon, ou encore on autorise des coupes très étendues en amont et en aval d'un cours d'eau à saumon, mais comment le poisson va-t-il pouvoir remonter jusqu'aux frayères dans ces conditions? Le code des pratiques forestières continue donc à poser quantité de problèmes.

La région de Cariboo-Chilcotin est celle où se produisent les montaisons du Quesnel, sans doute les plus grosses montaisons de saumon rouge du monde. Les bassins Adams et Quesnel alternent au premier rang des plus grosses montaisons de saumon rouge. Il est très difficile pour nous d'intervenir dans ce processus, car nous ne sommes pas considérés comme des locaux dans ce bassin.

Lorsque je parle de la montaison de Quesnel, j'entends Williams Lake et en amont vers Quesnel et Prince George, loin en amont du Fraser, mais bien entendu les coupes à blanc effectuées sur le cours supérieur auront des effets énormes sur les pêcheurs de Malcolm Island, car ce sont eux qui attrapent ce poisson. On nous a dit que nous ne pouvons intervenir dans ce processus de planification de l'utilisation des terres, que nous sommes de gens de l'extérieur.

Donc, l'un des problèmes dans cette notion de planification locale etc. est que l'on ne respecte pas les habitants d'autres bassins hydrographiques qui ont pourtant un intérêt réel. Nous menons une dure lutte. On a aboutit ainsi à un embouteillage de consultations, où nous sommes obligés d'aller à chacune de ces réunions pour surveiller ce qui se passe à l'égard du poisson.

Dans la région de Cariboo-Chilcotin, la bataille que nous menons actuellement vise simplement à faire effectuer des études hydrologiques pour déterminer si les 40 à 50 p. 100 de coupes envisagées dans les bassins à forte valeur halieutique ne vont pas nuire au poisson.

Eh bien, au lieu que ces études soient menées, nous avons maintenant appris que des réunions ont été tenues et il semble bien qu'ils vont établir ce que l'on appelle un plan d'intégration, qui est censé intégrer toutes les valeurs, et ce avant même d'avoir les renseignements sur le poisson.

Je ne fais que relater mon expérience avec le code des pratiques forestières et il n'y a pas lieu d'être optimiste. Il est réellement difficile et coûteux pour nous de monter jusqu'à Williams Lake.

M. Forseth: Monsieur Hunter, vous dites dans votre mémoire:

Pourriez-vous nous en dire un peu plus? Lorsque vous dites: «une source d'avis», qui d'autre devrait-il y avoir? Quelque organe politique? Est-ce que la politique ne va pas prendre le pas sur la science? De quoi parlez-vous ici?

M. Hunter: Monsieur Forseth, j'essaie de montrer que le poisson est quelque peu différent des espèces terrestres. Les disciplines scientifiques sont différentes. Les cycles de vie sont différents. À mon sens, la désignation des espèces par le COSEPAC devrait se fonder plus que la normale sur la science halieutique.

.2020

Je ne propose pas un processus politique ni rien du genre, mais ce serait folie que de laisser un groupe de 15 personnes, avec peut-être un ou deux spécialistes de l'halieutique, prendre des décisions sur la désignation des espèces, vu cette variabilité, alors que nous avons d'excellents spécialistes au Canada qui peuvent guider le comité peut-être mieux que ne peuvent le faire des non-spécialistes. Je ne dis rien d'autre.

M. Forseth: Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, monsieur Forseth.

Je vais donner la parole successivement à Mme Payne, M. Knutson, M. Adams, Mme Kraft Sloan, Mme Jennings, M. Steckle et à moi-même.

Madame Payne.

Mme Payne (St. John's-Ouest): Je vous remercie, monsieur le président.

Mes remarques et questions s'adressent surtout à M. Hunter.

Tout d'abord, je suis sûre que la plupart des habitants de Terre-Neuve auraient aimé avoir une discussion comme celle-ci il y a 20 ans, car c'est exactement alors que les pêcheurs ont commencé à remarquer un déclin des populations. À l'époque, les chiffres étaient beaucoup plus importants qu'ils ne le sont aujourd'hui. Je reviendrai là-dessus dans un moment.

Je voulais parler du homard. Vous avez parlé des stocks de homard et dit combien ils sont sains. Je dois réfuter cela, car les stocks de homard sur la côte est du Canada, à l'exception de certaines parties de la Nouvelle-Écosse, sont plus bas qu'ils ne l'ont jamais été. Je peux vous dire qu'à Terre-Neuve ils sont pratiquement au stade de la dévastation, dans certaines régions.

Quand une population est-elle vulnérable ou en voie de disparition? C'est une affaire d'interprétation, surtout lorsque vous parlez de stocks aussi importants que ceux de morue. Vous avez dit que l'UICN voulait désigner la morue de l'Atlantique comme... Je pensais qu'elle était considérée comme disparue, mais je ne suis pas sûre; je peux me tromper. Vous avez dit en voie de disparition, et votre mémoire dit en voie de disparition, et je veux bien l'admettre.

Cependant, la morue de l'Atlantique est très différente de la morue du Nord. Ce sont les peuplements de morue du Nord qui sont en voie de disparition ou vulnérables à l'heure actuelle, et je pense qu'ils sont vulnérables. Je l'ai déjà dit et je demande qu'ils soient classés vulnérables.

Je suis sûre que vous vous fiez à certains rapports récents qui prétendent que la morue est sur le retour. Je peux vous dire catégoriquement que les stocks que l'on trouve maintenant sur la côte est de Terre-Neuve ne se comparent en rien à ce qu'ils étaient il y a dix ans encore. Ma grande crainte à ce stade est due au fait que les compagnies de pêche font déjà pression sur les pouvoirs publics et d'autres afin de rouvrir la pêche. Les pêcheurs, même s'ils doivent se contenter actuellement de 250 $ à 350 $ par semaine, ne le veulent pas. Ils disent que si la pêche est rouverte, on va épuiser complètement les stocks.

J'ai indiqué tout à l'heure que les grosses compagnies de pêche ont vendu leurs chalutiers et dragueurs en Angleterre et dans d'autres pays d'Europe. J'étais l'autre jour dans l'avion à côté de quelqu'un qui revenait d'Angleterre, étant allé là-bas superviser le réarmement de ces mêmes navires, afin de les ramener. Je frémis à l'idée de les voir jamais réapparaître dans nos eaux. Même les petits dragueurs de pétoncles qui pêchent en ce moment...

Je peux vous dire qu'il suffirait d'un très petit effort de pêche pour épuiser complètement ces stocks.

J'ai dit à peu près tout ce que j'avais à dire, sauf que nous à Terre-Neuve, faisons de fortes pressions pour garder la pêche fermée, alors que les compagnies de pêche font pression sur le gouvernement pour la rouvrir.

Mme Husband: Vous avez tout notre appui, bien entendu. Nous sommes préoccupés également par les dragueurs et la surpêche du capelan, pas seulement de la morue. Nous surveillons la situation.

Le président: Pouvez-vous répondre brièvement, monsieur Hunter?

.2025

M. Hunter: J'aimerais donner une courte réponse, monsieur le président.

Loin de moi la prétention de me prononcer sur ce qui se passe au Canada Atlantique et je peux dire que nous ne sommes pas l'un de ces groupes de pression réclamant la réouverture de la pêche. La conclusion qui se dégage de vos propos, c'est qu'il doit exister un pouvoir, confié au ministre des Pêches et des Océans, de prendre les décisions importantes en matière de prises. Nous sommes d'accord avec cela et je n'y vois pas d'inconvénient.

Ce que je fais valoir ici, en revanche, c'est que la désignation des espèces, les critères utilisés, sont d'importance vitale non seulement pour les acteurs économiques qui dépendent ou non de ces stocks, mais aussi pour la crédibilité de cette loi dans les milieux de la pêche. Ce n'est pas une attaque contre le projet de loi. Je ne suis pas un scientifique et je ne sais pas si mes observations concernant la morue de l'Atlantique sont mieux fondées que les vôtres. Mais je peux dire que chaque population de poissons présente dans les eaux canadiennes est sujette à des variations naturelles indépendantes de l'activité humaine. Il faut tenir compte de ces variations si nous voulons avoir une loi telle que lorsqu'une population est déclarée vulnérable, elle le soit effectivement et ne se trouve pas simplement sur une courbe descendante en période d'abondance à long terme.

À mes yeux, cela devient une question de crédibilité. Il n'y a pas entre nous de divergence de vue. Je suis en faveur de cette législation, mais je pense qu'il faut se montrer très prudent en matière de désignation des poissons. Voilà ma réponse.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Knutson, s'il vous plaît.

M. Knutson: Merci beaucoup.

Monsieur Hunter, ma réaction spontanée est de dire que j'admets que la désignation doit être fondée sur des raisonnements et des données scientifiques solides et doit tenir compte des fluctuations historiques à la hausse ou à la baisse. Cela ne me paraît pas nécessairement difficile à faire. Il ne fait nul doute que lorsqu'il s'agit d'une population de poissons, il faut avoir un expert en halieutique pour faire les recherches et recommander une éventuelle désignation. Vous pouvez m'en convaincre assez facilement. Je ne parle pas au nom des autres, mais je suis sûr que nous admettons probablement tous cela - le gouvernement aussi.

J'aimerais aborder plusieurs éléments avec vous. En haut de la troisième page de votre mémoire vous parlez des recommandations et des responsabilités des ministres. Vous dites que, selon votre optique, il n'y a pas de réelle bonne raison pour aucun ministre, hormis celui des Pêches, d'intervenir dans l'élaboration d'un plan de rétablissement.

En guise d'analogie, il y a aujourd'hui une loi érigeant l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. Si un fabricant de pesticides veut faire agréer un pesticide pour l'usage agricole, il doit s'adresser à cette agence. Jadis, cet organisme relevait d'Agriculture Canada et la crainte était que le ministère traitait avec ces fabricants de pesticides de façon routinière et était sujet aux pressions des agriculteurs. On a jugé plus approprié de placer cet organisme sous la tutelle de Santé Canada, ministère moins exposé aux lobbys agricoles. C'était un signal clair disant que la santé humaine doit être la considération première s'agissant de l'agrément des pesticides et que les considérations agricoles, tout en étant importantes, doivent passer au second rang.

S'agissant des espèces menacées, y a-t-il un moment où l'on peut dire que les préoccupations environnementales doivent avoir préséance et que la responsabilité doit donc en être confiée au ministre de l'Environnement, de la même façon que le ministre de la Santé est responsable des pesticides?

M. Hunter: J'ai plusieurs observations.

Premièrement, je pense que le lobby du poisson au Canada englobe au moins les trois groupes ici présents. Les points de vue sont très divers dans ce domaine.

Deuxièmement, si le processus de classification du COSEPAC... si l'on admet la nécessité d'une discipline réelle et d'un examen attentif des critères...

M. Knutson: Nous admettons.

M. Hunter: ...d'accord... et si une espèce est désignée, je considère que la Loi sur les pêches et la Loi sur les océans donnent au ministre des Pêches le pouvoir de faire le nécessaire. C'est par le biais de ces lois que nous réglementons toute l'activité halieutique et scientifique au Canada.

.2030

Le ministre des Pêches est membre du gouvernement et député et sera manifestement tenu d'exécuter les obligations imposées par cette législation. Pourquoi faudrait-il mettre le ministre de l'Environnement en travers de la route du ministre des Pêches lorsque celui-ci exécute la Loi sur les pêches? J'ai quelque difficulté à voir pourquoi cela serait nécessaire et pourquoi il faudrait ainsi saper l'autorité du ministre des Pêches.

Je pense qu'il serait plus raisonnable de faire en sorte, dans le projet de loi, que s'il y a désignation, le ministre des Pêches soit tenu d'agir. Je ne puis imaginer de situation où il serait dans l'incapacité de le faire, si la loi lui en confie la responsabilité. Dans mon scénario, vous renforcez l'autorité du ministre des Pêches, au lieu de créer en quelque sorte... Je sais qu'il y aura des conflits si vous mettez deux ministres dans une pièce. Je l'ai vu, et vous aussi.

Cela me paraît un gaspillage inutile de temps et d'énergie pour le ministre. Vous avez là quelqu'un qui est guidé par les deux lois et qui est responsable de leur application. Si une espèce est désignée, il faut fermer la pêche. Qui a le pouvoir juridique de le faire? Le ministre des Pêches et des Océans. Pourquoi donner cette autorité à quelqu'un d'autre et semer la confusion?

Mme Husband: Je ne suis pas d'accord et je pense que ce devrait être le ministre de l'Environnement. C'est à lui que doit être confiée la Loi sur la protection des espèces en péril et c'est lui qui doit être responsable en dernier ressort. C'est une affaire d'environnement.

Nous avons vu tous les problèmes. On commence à voir un changement d'attitude de la part du ministère des Pêches et des Océans, mais il subsiste néanmoins de gros problèmes dans ce ministère. Voyez la morue du Nord. Il n'est pas nécessaire d'aller chercher bien loin. Nous avons assisté à une dévastation de certaines populations de poissons sur la côte ouest du Canada. Les problèmes sont nombreux.

Ils commencent à opter pour une méthode d'aversion du risque en matière de pêche. Je pense que cela ne suffit pas. Il y a des problèmes de prises fortuites. Il y a des problèmes avec toutes sortes de choses dont nous n'allons pas parler ici.

Si la responsabilité appartient au ministre de l'Environnement... Il a évidemment une optique différente, mais c'est important, car il faut une vue d'ensemble. Elle prend en compte l'habitat et tout le reste.

Nous voyons des problèmes réels dans la Loi sur les pêches fédérale parce qu'elle est rétroactive. C'est comme de punir le bandit après l'attaque de la banque, une fois que le mal est fait. Elle ne permet pas vraiment de faire de la prévention, de protéger la ressource en premier lieu, comme il faudrait le faire davantage.

M. Knutson: Madame Burrows, voulez-vous intervenir là-dessus?

Mme Burrows: Je vois des gens très fatigués autour de cette table.

M. Knutson: Oh, non, je suis très bien. Je trouve mon second souffle.

Mme Burrows: Pas vous, mais certains des autres.

M. Knutson: À titre de précision, l'expert du comité m'indique qu'aux termes de la loi, le «ministre responsable» est le ministre des Pêches et Océans lorsqu'il s'agit d'espèces aquatiques.

M. Hunter: Je sais que cela a été un sujet de débat. Cette mention dans mon mémoire visait à souligner que c'est bien la bonne solution.

Mme Burrows: Nous n'avons aucune objection à ce que le COSEPAC comprenne des scientifiques canadiens connaissant bien les espèces aquatiques.

M. Knutson: J'espère que non.

Mme Burrows: Ce n'est que normal. Il n'y a donc pas nécessairement de conflit à ce sujet.

M. Knutson: Bien sûr que non.

Permettez-moi de dévier du sujet un moment et de soulever une question qui est pour moi un dada.

Monsieur Hunter, vous avez indiqué que les fortes fluctuations à la hausse et à la baisse des populations de poissons sont un phénomène normal et ne résultent pas de l'activité humaine. Je me demande si vous êtes informés des indications de plus en plus nombreuses concernant les effets de l'activité humaine sur le réchauffement planétaire et le changement climatique. Cela, peut- être plus que les chalutiers européens ou la surpêche, a un effet dévastateur sur les populations de poissons. Devrions-nous être davantage alarmés par le changement climatique et l'activité humaine qui le provoque?

M. Hunter: Pour répondre brièvement, je ne sais pas. Mais pour ce qui est des populations de salmonidés dans le Pacifique Nord, il semble y avoir un lien clair entre certaines tendances météorologiques au large des îles Aléoutiennes et l'abondance de saumon partout dans son aire. Il y a manifestement des influences environnementales lorsque le saumon est en haute mer pendant deux ou trois ans. L'activité humaine joue clairement un rôle, mais l'environnement aussi.

Comment tout cela va finir, je ne sais pas. Les renseignements dont nous disposons à l'heure actuelle donnent à penser que l'environnement marin dans le Pacifique Nord redevient plus favorable et nous commençons à voir se reconstituer les stocks de saumons qui remontent le Columbia, par exemple, en dépit de tous ces problèmes écologiques, pour retrouver les niveaux que nous avons connus à la fin des années 1960 et au début des années 1970.

.2035

Il ne fait aucun doute que ce lien existe. Dans quelle mesure le réchauffement planétaire va-t-il se répercuter sur nous à long terme, votre estimation vaut la mienne.

Mme Husband: Je pense que c'est là un des problèmes les plus graves auxquels nous soyons confrontés. Vu que vous êtes tous parlementaires, j'aimerais que vous exhortiez le gouvernement, de quelque bord que vous soyez, à prendre des mesures concrètes à l'égard du changement climatique mondial. On ne peut se contenter de mesures d'autodiscipline que s'impose l'industrie - nous avons signé toutes sortes de traités en matière de réchauffement planétaire et de changement climatique et pourtant le Canada ne fait pas grand-chose. Franchement, j'en suis indignée, de même que de l'inaction d'Ottawa à cet égard. Il faut des mesures contraignantes, ou bien rien ne va changer. Je pense que cela ne va pas seulement nuire à la pêche, mais aussi à nos forêts et à tout ce que nous faisons.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Monsieur Adams.

M. Adams: Je vous remercie, monsieur le président.

Je pense que nous venons de mettre le doigt sur quelque chose de très fondamental.

Monsieur Hunter, je suis ravi de vous voir ici. Vous n'étiez probablement pas là à 8 h 30 ce matin, mais j'ai mentionné que, dans l'avion, quelqu'un m'a longuement parlé de saumon et d'espèces etc. Pour moi, le cycle du saumon est l'un des grands mystères de la nature. Je n'ai jamais vu de montaison, bien que la rivière Adams porte mon nom et que j'aie de la famille à Kamloops.

D'ailleurs, il paraît que la prochaine montaison sera énorme. J'espère pouvoir la voir. Il y a tout ce mystère du Pacifique Nord et du saumon qui revient dans les eaux où il est né.

Ce n'est pas tout à fait notre sujet, mais vous avez mentionné l'UICN. Est-ce que votre conseil intervient à l'UICN au sujet de la législation sur les espèces transfrontalières et la réglementation de la pêche et la conservation en haute mer?

M. Hunter: Non, monsieur Adams, ce à quoi nous travaillons, avec beaucoup d'autres intéressés du secteur de la pêche de Colombie-Britannique, c'est surtout le traité canado-américain sur le saumon du Pacifique, qui porte sur les questions de gestion de la conservation et de partage des prises de saumon migrant à travers les frontières internationales, au nord et au sud.

Nous sommes également actifs, depuis quelques années, dans les organisations transpacifiques. La plus récente regroupe les États- Unis, le Canada, le Japon et la Russie. La Russie en est membre depuis relativement peu de temps, mais nous participons à ses délibérations, et bien entendu les scientifiques canadiens en sont partie intégrante.

Dans la mesure où nous pouvons garder l'oeil sur ce qui se passe dans le monde des ressources et de la gestion des ressources, dont dépendent nos membres, oui, nous avons une présence non négligeable, je pense.

M. Adams: Nous sommes assez nombreux à avoir suivi de près Brian Tobin et les efforts qu'il a déployés et les négociations internationales sur la pêche en haute mer.

J'ai lu des récits sur la première découverte par les Européens de ces montaisons de saumon et je sais un peu - notre greffier se fera un plaisir de photocopier ces diagrammes que vous avez amenés - ce sens inné... Je comprends très bien cette difficulté de prédire, sur la base des chiffres d'une année, ce qui va se passer l'année suivante etc.

Cette personne dans l'avion a mentionné ces 142 races de saumon - si «races» est le mot qui convient - qui ont disparu. Si j'ai bien suivi, leur identité leur est conférée par les rivières où ils sont nés et dans lesquelles ils remontent. Vous avez donc ces courbes d'évolution du saumon, pour les différentes espèces, mais dans tout cela 142 races ont disparu. Cela m'indique que cela n'a rien à voir avec cette variabilité de vos diagrammes, mais plutôt - et je ne dis pas qu'il y a 142 rivières - à 142 situations terrestres. Êtes-vous d'accord?

M. Hunter: Monsieur Adams, je crois que ce chiffre de 142 provient de l'American Fisheries Society et d'aucuns contestent la véracité de ce chiffre.

Je peux vous dire qu'il y a six espèces de saumon du Pacifique résidentes en Colombie-Britannique. Elles sont produites dans quelque 1 500 cours d'eau, mais Mae ou Vicki connaissent probablement le chiffre mieux que moi. Les combinaisons et permutations sont en nombre presque infini.

.2040

Je ne sais pas d'où venaient certains de ces peuplements ni dans quels cours d'eau ils ont disparu, mais les gens parlent de cours d'eau dans ce qui est aujourd'hui l'agglomération de Vancouver qui ont été recouverts de béton. Je suis sûr que des peuplements locaux ont disparu. Je n'en doute aucunement. Et je suis sûr que si le développement urbain dans le sud de la Colombie- Britannique se poursuit, nous en perdrons d'autres encore, malheureusement.

Vu toutes les permutations et combinaisons possibles, il est presque obligatoire, en dépit de la meilleure gestion du monde et de techniques de gestion améliorées, qu'il se produise des cas où l'on commet des erreurs de jugement ou de gestion. C'est presque inévitable.

Si le chiffre est exact, c'est regrettable, mais c'est maintenant de l'histoire ancienne. S'il nous faut, certes, nous améliorer pour que cela ne se reproduise pas, il serait irréaliste de croire qu'avec ce nombre de combinaisons et permutations... Avec la meilleure volonté du monde et la meilleure législation du monde, il y a un risque, avec l'interaction humaine, que nous ne réussissions pas à 100 p. 100.

M. Adams: Il me semble que cela constitue une partie de ce grand mystère - et peut-être une petite partie - que nous pouvons réellement maîtriser. C'est cette partie de l'environnement du saumon - la remontée vers les frayères, les frayères elles-mêmes et la situation des bassins hydrographiques où se situent ces frayères - que nous pouvons contrôler.

M. Hunter: Une partie du problème, il faut bien le voir, est que nous ne sommes pas nécessairement maîtres chez nous dans toute la Colombie-Britannique, non plus.

J'ai mentionné la Commission du saumon du Pacifique. Je ne veux pas blâmer les Américains pour tous les problèmes au Canada, car ce serait assez futile, mais il faut reconnaître qu'il y a des problèmes de pêche en Alaska qui se répercutent sur la gestion des stocks canadiens, particulièrement dans le Nord et en ce qui concerne les stocks de quinat au large de la côte ouest de l'île de Vancouver.

Il aurait pu arriver en 1986 un accident environnemental, en dépit du système de gestion canadien rigoureux au point que personne n'était autorisé à prendre de quinat et à le garder, à cause du comportement de l'Alaska.

M. Adams: Mais mon argument était qu'il paraît extrêmement peu probable que les pratiques de pêche dans l'océan puissent réduire à néant le peuplement d'une rivière. J'imagine tous ces poissons nageant dans la mer et les pêcheurs qui les prennent, et la probabilité que tous proviennent de la rivière 142 ou de la rivière 53 est très mince. En d'autres termes, c'est quelque chose que nous pouvons contrôler.

M. Hunter: La difficulté, c'est que vous commencez à apprendre ce que j'ai appris il y a longtemps: on apprend tous les jours quelque chose de nouveau sur le saumon. Je ne sais pas si nous avons le temps d'entrer dans toutes ces complexités.

Vicki, pourquoi n'essayez-vous pas?

Mme Husband: Oui, j'aimerais dire quelque chose.

Ce à quoi vous voulez en venir, c'est que pendant longtemps nous avons eu une pêche du saumon très peu sélective. Nous n'avons pas tenu compte de tous les petits peuplements, et il y a une prise fortuite énorme de sujets de petits peuplements. Le plus évident est le saumon steelhead, dont on a beaucoup parlé, mais il y a tous les autres petits peuplements.

Nous avons géré en fonction des gros stocks et nous avons travaillé à leur multiplication, comme les grosses montaisons de saumon rouge sur la Skeena et le Fraser. Il m'a fallu un moment pour comprendre cela, mais nous avons ignoré tous les petits peuplements. On les a négligés. Les peuplements de coho sont terriblement en difficulté, particulièrement sur la côte ouest de l'île de Vancouver, que je connais très bien.

Beaucoup de gens - et j'en vois certains dans la salle - travaillent avec la nation Shuswap en amont du Fraser. Ils ne voient pas revenir le saumon qui devrait remonter. Il ne revient pas, parce qu'il est surpêché dans l'océan ou parce qu'il s'agit d'une pêche non sélective et ce genre de choses.

Vous avez donc raison; lorsqu'ils vont pêcher, ils ne pêchent pas le poisson d'une rivière ou d'un affluent. Ils pêchent ce qui passe. C'est une pêche non sélective. On parle beaucoup de différents types de pêche, d'agrès de pêche plus sélectifs, de pêche plus proche des côtes afin que l'on sache où se dirige le poisson etc. Ce genre de choses fera une différence.

C'est un problème très sérieux et sur lequel il faudrait se pencher.

M. Adams: J'admets la notion que le COSEPAC a besoin de connaissances très spécialisées lorsqu'il traite de ces poissons qui vivent soit exclusivement dans l'océan soit en partie dans l'océan et en partie en eau douce.

Puis-je ajouter une chose?

Le président: Brièvement.

M. Adams: Madame Burrows, soit dit en passant, j'ai noté cinq éléments dans votre exposé plutôt que quatre, mais nous pourrons peut-être y revenir.

J'aimerais savoir si vous avez des idées sur la façon de mettre en place un plan de gestion au niveau des espèces classées vulnérables. Le feriez-vous sous le régime de cette loi, ou bien faudrait-il utiliser quelque autre mécanisme?

.2045

Mme Burrows: Ce que je recommande et espère voir dans ce projet de loi est le type de structure, le type de mesure et le même sérieux que pour les plans de rétablissement, c'est-à-dire des plans de gestion aussi rigoureux pour les espèces vulnérables. Tout le principe consiste à définir les problèmes.

Si le problème est le développement urbain dans une région où remonte le coho, et s'il s'agit d'un peuplement particulier de coho... il passe deux ans dans les petits cours d'eau. C'est pourquoi le coho est particulièrement menacé - pas selon la terminologie officielle de la Loi sur les espèces en péril, mais il est l'une des espèces très vulnérables. Il a besoin soit de cours d'eau en forêt pour y vivre pendant deux ans soit de ces petits cours d'eau côtiers que l'on a tendance à recouvrir de béton pour en faire des terrains de stationnement.

Si l'on constate que le coho ne remonte plus dans une rivière, il s'agit de considérer le développement intervenu dans la région, ou bien la coupe de bois dans la région, et voir s'il n'y a pas moyen de développer en préservant le cours d'eau. Si ce n'est pas le cas, il y a alors un jugement de valeur à faire pour dire que le caractère cinétique de cette montaison de coho est si important qu'il faut préserver absolument son habitat - ses frayères, la qualité et la température de l'eau.

M. Adams: M. Hunter dirait qu'il faut faire ce jugement avec beaucoup de prudence en raison de cette variabilité naturelle.

Mme Burrows: Oh, oui.

M. Adams: Je ne vous dénigre pas. Il me semble qu'il dit qu'il n'est pas facile de déterminer la situation d'un peuplement à partir des chiffres d'une ou deux années.

Mme Burrows: Si l'on regarde, par exemple, la rivière Alouette, sur laquelle nous nous sommes penchés, elle est réduite à 10 p. 100 de son débit naturel. Ce n'est pas...

Mme Husband: C'est 2 p. 100.

Mme Burrows: C'est encore pire. Parfois, la dégradation est si grave que... c'est une affaire de bon sens. Ce n'est pas un habitat approprié et nous avons perdu quantité de saumons roses à cause de cela. Considérez la rivière. A-t-elle un débit suffisant? Non. Réparez ça. Il arrive un moment où il est évident qu'il n'y a plus assez d'eau.

M. Hunter: Je dirais que si vous levez mes préoccupations en ce qui concerne la valeur scientifique et les critères et la désignation, la suggestion de Mme Burrows me paraît tout a fait sensée.

M. Adams: Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Madame Kraft Sloan.

Mme Kraft Sloan: Il y a là un message très important. Une bonne partie de cette affaire est réellement simple. Ce n'est pas de la balistique. Ce sont des choses élémentaires, très simples. Parfois, je ne vois pas vraiment où il y a un problème.

Il y a eu un déséquilibre des sexes intéressant dans certaines des présentations. C'est M. Knutson qui me l'a fait remarquer, je tiens à le signaler.

Le Conseil canadien des pêches a apposé sa signature sur le rapport du groupe de travail, et ce rapport attribuait au COSEPAC l'autorité ultime en matière de désignation. Je voulais également vous faire remarquer, monsieur Hunter, et peut-être calmer certaines de vos craintes, que la structure actuelle du COSEPAC sera maintenue, avec 28 scientifiques experts de différents domaines, et aussi les divers sous-comités. Je conviens également avec vous que ce niveau organisationnel supplémentaire ajouté au COSEPAC par le projet de loi devra certainement comporter un nombre suffisant d'experts en halieutique en raison de l'importance de cette industrie et de cet écosystème pour le Canada.

Je voulais aborder également un aspect que Mme Burrows a mentionné précédemment, à savoir les problèmes que vous avez rencontrés pour intervenir au sujet d'un bassin hydrographique local éloigné de chez vous. On refusait de vous reconnaître comme intervenants parce que vous n'étiez pas des locaux.

.2050

À mes yeux, cela constitue un argument indémolissable en faveur d'une action provinciale, car la province peut arbitrer entre différents intérêts locaux. Nous vivons, travaillons et nous détendons au niveau local. C'est au niveau local que nous pouvons agir et apporter des changements fondamentaux. Mais il faut également arbitrer entre divers intérêts locaux. Je vis en Ontario et dans cette province on joue un intérêt local contre un autre.

Cela milite également en faveur d'une présence fédérale dans ce domaine. On peut parler de divers intérêts provinciaux et régionaux dans ce pays, mais à moins d'une présence fédérale forte, il n'y aura pas d'arbitrage entre ces intérêts dans le contexte du fédéralisme canadien et de l'intérêt national.

J'aimerais connaître vos réactions. Je vous remercie.

Mme Burrows: J'apprécie réellement que vous compreniez notre position, car il y a cette obsession par les temps qui courent voulant que tout doit se faire au niveau local et seulement au niveau local. Cela crée une situation très difficile pour les gens qui s'intéressent à la pêche. Nous avons traîné des fonctionnaires du MPO aux réunions du CORE et je suis vraiment heureuse que nous l'ayons fait. Les gens se sont dit: «Mon Dieu, y a-t-il réellement une loi fédérale qui a préséance sur ce que nous décidons ici à la table du CORE?»

C'est le niveau auquel nous devons travailler et donc, oui, il faut une législation fédérale très ferme. Je vous remercie de le comprendre.

Mme Husband: Le gouvernement fédéral a le pouvoir et la compétence pour agir dans les domaines d'intérêt national. Je dirais que ce sont là des questions d'intérêt national. Lorsqu'il y a chevauchement, le gouvernement fédéral a compétence et préséance. Je peux donc vous dire à tous, d'après les avis juridiques que j'ai reçus, que vous pouvez jouer un rôle beaucoup plus grand que ne le prévoit aujourd'hui cette loi.

Mme Kraft Sloan: Je vous remercie. Monsieur Hunter?

M. Hunter: Je n'ai rien à ajouter.

Mme Kraft Sloan: J'ajouterai simplement qu'il faudrait peut- être penser localement et agir globalement.

Le président: Je vous remercie.

Madame Jennings, je vous prie.

Mme Jennings: Je vous remercie, monsieur le président. Mae et Vicki, et monsieur Hunter, je suis ravie de vous voir aujourd'hui.

Je sais qu'il se fait tard et que nous approchons la fin de la séance et que nous sommes tous fatigués, mais un certain nombre de choses me sont venues à l'esprit lorsque nous parlions des populations de poissons et de la législation sur les espèces en péril. Ma préoccupation porte sur un certain nombre de choses qui ne mettent pas réellement en jeu les exploitants forestiers ou les pêcheurs, ni personne du genre.

À l'intérieur de nos municipalités et avec la structure du district régional de Vancouver, par exemple, nous savions que lorsque le déversement de Fergus Creek s'est produit, c'était directement en provenance du réseau d'adduction d'eau. C'est la chloramine qui a tué tous les êtres vivants dans ce ruisseau. Ainsi, il n'y a pas que les industries qui soient coupables, nous- mêmes ne sommes pas aussi consciencieux qu'il le faudrait au sujet de ce que nous mettons dans notre eau.

Les citoyens dans ma circonscription ont soulevé un certain nombre de préoccupations au sujet des ruisseaux et cours d'eau. On a parlé ici du bétonnage des cours d'eau. Ces personnes sont préoccupées parce que le développement, au fur et à mesure qu'il progresse dans la vallée, se rapproche très près des rivières et cours d'eau. Certains sont des frayères de saumon et d'autres ont peut-être d'autres espèces précieuses.

Je serais intéressée de connaître vos avis sur ce qu'il conviendrait de faire. Il est trop tard maintenant pour réparer tous les dégâts du passé, mais à l'avenir, s'agissant de développement résidentiel et de tous les autres types de développement, faudrait-il imposer une certaine distance de...? Faudrait-il adopter des lois? Elles seraient locales; elles ne seraient pas fédérales. Ce seraient des lois locales, même si le ministère des Pêches et des Océans a son mot à dire. Habituellement, il n'intervient pas tant qu'il n'y a pas quelque danger. J'aimerais avoir vos avis sur ce qu'il conviendrait de faire.

Mme Burrows: La Loi sur les pêches fédérale souvent n'intervient qu'une fois les dégâts causés et si l'on peut démontrer la cause et l'effet. C'est l'un des problèmes avec la législation. Cependant, dans la Loi sur les pêches fédérale, il y a des règles qui interdisent de construire à moins de 15 mètres et, s'il s'agit d'un développement d'une certaine taille, la distance doit être de 30 mètres.

Je pense que l'une des choses qu'il faudrait faire, non seulement au niveau municipal mais aussi, au moins, au niveau provincial - car la province a le pouvoir sur l'utilisation des terres - est d'ériger des zones tampons très rigides le long de tous les cours d'eau à saumon. On voit sans cesse dans la vie politique municipale le syndrome du promoteur devenu maire. Vous pouvez perdre quantité de rivières à saumon de cette façon. Je pense qu'il devrait y avoir une loi provinciale et des règles fermes concernant la distance des constructions par rapport au rivage.

En revanche, il y a d'autres lois que les municipalités peuvent imposer. Cela n'est pas vraiment de votre ressort, mais à Burnaby il y a maintenant une loi qui oblige à ériger une barrière de confinement autour des chantiers, de façon à avoir un filtrage biologique de tous les matériaux de construction et éviter les déversements directs dans le fleuve Fraser ou dans les rivières à saumon locales.

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Le danger, c'est tout ce développement. Il nous faut davantage de lois au niveau municipal. Il nous faut certainement des lois provinciales pour au moins protéger l'habitat riverain. Mais il faut songer aussi à la qualité et à la température de l'eau et, bien entendu, au débit des cours d'eau.

Mme Husband: La province réfléchit à des lois de ce type et a promis de promulguer un code de pratiques qui assurerait une protection minimale aux rives des terrains privés et des forêts privées. Près de 20 p. 100 de l'île de Vancouver est constituée de terres privées, et c'est le cas de presque tout le littoral continental.

Je sais que la province commence à y réfléchir, mais il y a à l'opposé une énorme pression en faveur du développement et ce genre de choses, et il faut donner au poisson le droit à l'eau.

M. Hunter: Il est largement prouvé que les cours d'eau à saumon ont besoin d'une protection des zones riveraines. Je ne sais pas de combien doit être la zone tampon dans une région donnée, mais c'est là une affaire d'habitat et non plus d'espèces en péril.

Si l'habitat était convenablement protégé - ce qui n'est pas incompatible avec un développement urbain croissant qui va de toute façon avoir lieu - nous ne serions pas là à parler de poissons en tant qu'espèces en péril. C'est vrai au moins dans le cas du saumon.

Le président: Mais pour revenir au coeur de la question de Mme Jennings, n'y a-t-il pas une obligation de la part des conseils municipaux dûment élus de protéger l'habitat? C'est évident. Par conséquent, de toujours se retourner vers la province lorsque des conseils dûment élus ne font pas leur travail est une assez piètre excuse.

Il me semble qu'il y a de meilleures réponses à sa question.

Mme Burrows: Il faut attaquer cela à deux niveaux, et c'est là où le lobbying doit...

Mme Husband: Trois.

Mme Burrows: Il faut procéder municipalité par municipalité, mais il doit aussi y avoir une norme provinciale.

J'ai l'impression que nous en sommes au même stade maintenant avec les cours d'eau à saumon urbains que nous en étions avec les zones forestières riveraines il y a cinq ans. Nous commencions seulement alors à parler de zones riveraines. Aujourd'hui, on en parle dans le cas des cours d'eau à saumon urbains. Vu toutes les manoeuvres politiques, il faut des normes provinciales contraignantes.

Le président: Dites-vous qu'il n'y a pas de normes provinciales?

Mme Burrows: Non, il n'y en a pas.

Mme Husband: Il n'y en a pas.

Le président: C'est une lacune importante.

Mme Burrows: Oui, c'est effrayant.

Mme Jennings: Sur notre propre terrain de cinq acres, à Wannock, nous avons dû faire très attention. Nous ne pouvions pas du tout détourner la rivière et nous devions veiller à ne couper aucun arbre sur la berge. Les propriétaires privés devaient faire très attention, sous peine d'amende.

Mme Burrows: Cela, c'est la Loi sur les pêches fédérale.

Le président: Je vous remercie, madame Jennings. Votre intervention a été très utile.

La parole est à M. Steckle.

M. Steckle: L'une des choses qui vous arrivent lorsque vous êtes dernier sur la liste, c'est que vos questions ont déjà été posées par d'autres avant que ce soit votre tour.

Le président: Non, vous n'êtes pas le dernier sur la liste. Il en reste un.

M. Steckle: Mon collègue, M. Knutson, qui préfère qu'on l'appelle Gar, bien entendu, a déjà posé ma question. On me dit que c'est moi qui ai lancé cette mode d'appeler les gens par leur prénom.

Quoi qu'il en soit, j'ai apprécié tout ce que j'ai entendu cet après-midi. Vous avez apporté une contribution très intéressante et très précieuse à ce débat. Cela a sans doute été l'une des discussions les plus utiles que nous ayons eues depuis le début de nos audiences. Vous avez jeté un bon éclairage et je vous en remercie.

Je vais céder ma période de questions au président, qui a certainement quelque chose à demander.

Le président: C'est très aimable à vous, monsieur Steckle. Je vous remercie.

M. Steckle: J'attends quelques bons points en échange.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Il me reste deux choses à faire. D'une part, une annonce et, d'autre part, un bref sermon du haut de la montagne, dont je devrais m'abstenir mais que je ne peux m'empêcher de faire.

La courte annonce vise à signaler que ce comité reprendra ses audiences à Ottawa lundi prochain, pour des raisons trop longues à expliquer. J'aurais dû dire cela déjà ce matin, lorsque M. Forseth était encore là. Veuillez excuser mon oubli. Notez donc que le comité se réunit à Ottawa lundi après-midi pour poursuivre ses travaux.

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Deuxièmement - et j'essaie de résister à la tentation mais je n'y parviens pas - je conclurai avec une observation. Nous avons grandement besoin d'inscrire ce projet de loi dans un contexte pour y voir clair. Si on le dissèque en parcelles infimes, soit la question de savoir ce qui se passe au sud-est de la frontière ou de l'autre côté du pôle Nord et ce qui est arrivé l'année dernière au cousin Alfred et à la grand-mère Untel dans les Prairies, etc., nous allons nous y perdre.

Le contexte, c'est ce qui s'est produit au cours des 500 dernières années. Lorsqu'on commence à réfléchir à cela, on discerne quelques tendances très inquiétantes. Ce sont des tendances que nous devons confronter tant qu'il en est encore temps, particulièrement au Canada. Aux yeux des Canadiens et de tous ceux qui considèrent le Canada avec admiration, l'Alberta et la Colombie-Britannique sont le dernier espoir - en sus de la Sibérie, peut-être, et de quelques rares parties de l'Afrique et de l'Amérique du Sud. Mais le dernier espoir pour l'Amérique du Nord, en gros, du point de vue des espèces qui restent, tant végétales qu'animales, sont ces deux régions.

On voit déjà les dégâts dans l'est du Canada. Il ne reste pratiquement plus de loups. Il n'y a plus de carcajou. La fauvette protonotaire a disparu. À Terre-Neuve, plusieurs espèces ont été désignées ad nauseam.

Au fur et à mesure que l'on avance d'Est en Ouest à travers le Canada, on voit une augmentation graduelle et très encourageante de notre richesse naturelle. À ce stade, dans les années 1990, nous devons nous demander: quand allons-nous enfin bouger? Nous avons eu au Parlement au cours des 20 dernières années tellement d'audiences de comité et d'études qu'elles nous sortent par les oreilles. Ceci n'est pas le premier effort. Les deux groupes de travail que j'ai mentionnés, avec leur longue liste de participants, ne sont que les réincarnations les plus récentes, disons, des efforts de ce genre.

Le contexte doit donc être la richesse biologique qui existait il y a 500 ans et celle qui pourrait disparaître au cours des 500 prochaines années.

Voilà la tendance qui commence à émerger. Évidemment, en tant qu'espèce, notre comportement est très dangereux. Il est un moment dans notre évolution - je considère que nous évoluons et tout le monde le sait - où nous devons conclure un pacte avec nous-mêmes et nos intérêts économiques dans l'intérêt du long terme, car le long terme sera mieux protégé, y compris les emplois forestiers, si nous assurons un certain degré de stabilité dans la nature. Nous avons vu ce qui s'est passé en Europe et en Afrique et dans d'autres parties du monde: une fois la nature sauvage disparue, la forêt précieuse a disparu aussi. Les deux sont indissociables. Il y a une interconnexion inévitable. Nous savons que par le biais de la nature sauvage nous assurons en réalité une forêt commerciale viable, durable et relativement riche. C'est là où intervient le contexte.

Il se peut que nous commettions dans ce projet de loi une petite erreur en ne mettant pas en jeu le ministre voulu, ou en ne formulant pas un article comme il le faudrait. Nous allons faire des erreurs, c'est inévitable. Mais le fait que l'on nous critique d'un côté parce que nous n'en faisons pas assez et de l'autre côté parce que nous en faisons trop nous montre que nous sommes, d'une certaine façon, sur la voie intermédiaire et nous pouvons par conséquent poursuivre notre travail, avec toutes les suggestions qui ont été formulées et dont nous tiendrons compte chaque fois que possible lors de la phase finale, l'étude article par article.

Ce qui préoccupe également ce comité - et je terminerai là- dessus - sont les leçons que nous avons apprises au cours des cinq dernières années avec la pêche sur la côte Est. Cela a été une leçon terrible du point de vue de l'impact économique à long terme. Les scientifiques lançaient des avertissements que les politiciens ont été très lents à écouter, peu importe qu'ils aient été conservateurs, libéraux ou néo-démocrates. La lenteur du système est un facteur très paralysant.

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Nous devons veiller à tirer des leçons de cette expérience et promulguer cette loi, dans l'espoir que, comme pour les autres lois, là où nous nous sommes trompés légèrement, elle sera modifiée lors de révisions ultérieures, comme nous le faisons actuellement avec la LCPE, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, après huit ans.

Une loi n'est pas faite pour l'éternité; elle est une tentative d'êtres humains, faits d'un matériau très fragile et qui commettent des erreurs... N'attendez pas de nous la perfection et l'infaillibilité. Nous ne sommes pas encore parvenus à ce stade de notre évolution. Peut-être y parviendrons-nous un jour et nous aurons alors notre place garantie sur le mont Olympe de la politique. Jusque-là, laissez-nous avancer. Faites-nous part de vos conseils, mais cessons de temporiser, car l'histoire n'est pas de notre côté.

Sur cette remarque profonde, je vous remercie de votre attention. Nous attendons impatiemment la journée de demain.

La séance est levée.

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