Passer au contenu
Début du contenu;
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 15 mai 1995

.1102

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Nous poursuivons nos audiences au sujet du projet de loi C-76.

Nous recevons ce matin la révérende Susan Eagle, membre de la Metro Toronto Chinese & Southeast Asian Legal Clinic et de l'Ontario Social Safety Net/Work.

Nous vous souhaitons la bienvenue, révérende Eagle, et nous sommes prêts à écouter votre exposé.

La révérende Susan Eagle (Ontario Social Safety Net/Work): Je vous remercie.

Je pense que la Metro Toronto Chinese & Southeast Asian Legal Clinic va vous faire parvenir une documentation écrite en plus de ce que je vais vous présenter aujourd'hui.

Le président: Nous la recevrons avec plaisir. Je vous remercie.

La révérende Eagle: Avant toute chose, je vous remercie de me permettre de faire cet exposé aujourd'hui.

Je vais le lire en partie parce que je n'ai pas apporté de traduction en français. Je pense que ce sera utile.

Je suis ici pour représenter l'Ontario Social Safety Net/Work et, au nom de ce réseau, je voudrais vous faire part d'un certain nombre de graves préoccupations au sujet du projet de loi C-76 que vous êtes en train d'examiner.

Notre réseau considère que ce projet de loi va mettre fin aux programmes sociaux dans notre pays et va donc sonner le glas d'un type de pays et de nation que nous avons mis des dizaines d'années à bâtir.

Notre réseau de sécurité sociale existe depuis un peu plus d'un an et nous avons quelque 471 membres, dont 356 sont des organisations. Nous constituons une coalition et nous comptons parmi nos membres des groupes communautaires, des conseils de planification sociale, des coalitions pour la justice sociale, des organisations de programmation, des groupes de défense et d'information de la base, des cliniques juridiques, des groupes religieux, des organisations syndicales et des groupes multiculturels. Comme vous le comprendrez, il s'agit d'un regroupement qui vise à rassembler et à couvrir une multitude de questions qui intéressent l'ensemble des organisations et des groupes concernés. Nous avons des liens avec quelque 71 localités dans la province et nous sommes un réseau et une coalition en pleine expansion.

C'est en fonction des préoccupations de tous ces gens et de toutes ces organisations que je suis venue aujourd'hui vous faire part de nos inquiétudes au sujet du projet de loi C-76.

Nous commencerons par vous rappeler que le Canada a déjà procédé à une révision du Régime de sécurité sociale qui a été entreprise il y a quelques mois à peine par le gouvernement actuel. Le Comité permanent du Développement des ressources humaines a reçu 1 200 mémoires et 25 000 réponses à son questionnaire et a entendu 637 témoins qui sont venus comparaître, sans pouvoir entendre tous ceux qui voulaient se présenter, puisque notre réseau a voulu le faire et n'a pas pu trouver une place dans l'échéancier, ce qui a été aussi le cas de bien d'autres organisations. Cette opération a donc été loin de toucher tous ceux qui s'y intéressaient et qui voulaient participer.

En tant que réseau, nous avons cependant reçu des crédits fédéraux et nous avons parcouru l'Ontario pour demander aux organisations et aux particuliers dans différentes collectivités de présenter des mémoires et de faire connaître leur avis sur cette procédure et les recommandations.

Nous n'avons pas été surpris d'apprendre que le Comité permanent, lorsqu'il a fait connaître ses conclusions, a indiqué que la réforme de la sécurité sociale était une priorité fondamentale; que le public était très intéressé à participer à tout réexamen des programmes sociaux; que l'on voulait s'engager à lutter contre la pauvreté chez les enfants et qu'il fallait améliorer la qualité de vie des enfants canadiens pour remédier à ce problème; qu'il fallait aborder la nécessité d'assurer un développement durable des collectivités; enfin, qu'il fallait s'occuper de l'impression générale du grand public qui pense, que notre régime fiscal comportait des injustices fondamentales.

.1105

Le Comité permanent a aussi reconnu que les dépenses sociales en période de récession réduisaient de manière significative l'impact de la récession sur l'économie. Il a relevé que traditionnellement les Canadiens cherchaient à faire preuve d'équité et de compassion. Nous avons donc été surpris de voir, après que des milliers de dollars ont été dépensés et que des milliers de Canadiens ont été consultés et que l'on a établi que l'équité, la compassion et la participation du public devaient constituer les grandes orientations d'une réforme des programmes, que le gouvernement ne suive pas ses propres conseils et décide unilatéralement d'abroger le Régime d'assistance publique du Canada pour le remplacer, par ce qui, à notre avis, ne constitue que de vagues projets d'entente avec les provinces en vue d'établir des normes nationales.

Ces principes d'équité, de compassion et de participation du public ne sont pas là par accident, ils sont le fruit de dizaines d'années de luttes pour la survie et de l'expérience vécue du développement et du maintien des collectivités dans le climat du nord. Il y a des dizaines d'années, alors que la population canadienne luttait pour surmonter la dépression des années 1930, les difficultés et la misère dues à la faim, à la condition des sans-abri et au chômage ont amené à créer un réseau de sécurité sociale. Il serait bien triste pour l'histoire de notre société que l'on prenne aujourd'hui le prétexte des difficultés économiques pour justifier la destruction de ces mêmes programmes, que les difficultés économiques du passé ont rendu si nécessaires à notre survie.

Nous parlons ici de programmes sociaux et d'une conception de notre nation qui nous a été léguée par les Canadiens qui ont survécu à la Grande dépression et qui ont entrevu un avenir dans lequel jamais plus les enfants n'auraient faim en allant se coucher, jamais plus les sans-abri se traîneraient dans nos rues et jamais plus les malades ne pourraient se voir refuser l'accès à de bons soins de santé.

Nous nous demandons si les Canadiens ont aujourdui renié cette conception. Est-ce qu'ils considèrent que l'on n'a plus besoin des programmes sociaux?

En réalité, les statistiques nous enseignent, sondage après sondage, y compris dans le sondage le plus récent qu'a effectué le gouvernement avant de présenter son budget, que le grand public affirme que nous avons besoin d'un solide filet de sécurité sociale et qu'il a voté pour les partis ayant promis de le préserver.

Je vais passer rapidement à la partie suivante, qui concerne notre législation, et je me réfèrerai à différents textes de nos lois.

Il y a tout d'abord la Loi constitutionnelle, qui définit et promet l'égalité des chances pour assurer le bien-être de tous les Canadiens, qui favorise le développement économique afin de réduire les disparités et d'égaliser les chances, qui assure des services publics essentiels d'une qualité raisonnable à tous les Canadiens.

Aux termes de notre Constitution, le Canada s'engage à faire respecter le principe des paiements de péréquation pour s'assurer que les gouvernements provinciaux disposent de recettes suffisantes pour dispenser des services publics de niveaux raisonnablement comparables avec une fiscalité raisonnablement comparable.

Au plan international, le Canada a signé plusieurs documents.

Le président: Il n'y a eu aucune réduction des paiements de péréquation. Vous en convenez.

La révérende Eagle: Nous constatons que l'on a réduit les paiements de transfert.

Le président: Oui, mais il y a quatre types différents.

La révérende Eagle: C'est exact.

Le président: La péréquation n'est pas touchée.

[Français]

M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Monsieur le président, il n'y a peut-être pas de coupures comme telles, mais il y a des plafonds imposés depuis six ans et ces plafonds-là ont été reconduits l'année dernière par le ministre Martin, ce qui fait qu'en termes réels, il y a des coupures.

Le président: D'accord.

[Traduction]

Monsieur vient de nous dire qu'à partir où l'on a plafonné les paiements de péréquation, il considère que c'est équivalent à une coupure.

La révérende Eagle: Ce que nous cherchons aussi à faire comprendre, en parlant de notre Constitution et de nos engagements législatifs, c'est l'esprit dans lequel s'est constitué le Canada et les engagements qu'il a pris en s'efforçant de trouver une formule équitable pour remédier aux disparités entre les provinces et entre les gens à l'échelle du pays.

Je ne vais pas discuter des détails techniques ni de l'aspect légal de toutes ces choses. Je veux plutôt parler d'un esprit ou d'une conception que l'on s'est efforcé à notre avis de faire passer dans nos lois, aussi bien dans notre Constitution que sur le plan international par le biais des conventions que le Canada a signées.

Voici quelques-unes d'entre elles: la Déclaration internationale des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; enfin, la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

On trouvera aux pages 3 et 4 un certain nombre des engagements pris par le Canada dans le cadre de ces conventions - là encore, dans un esprit d'équité et d'égalité pour sa population, plus particulièrement en s'engageant à faire respecter les droits des personnes les plus vulnérables au sein de notre société.

.1110

La question reste alors de savoir si le Canada peut supprimer le Régime d'assistance publique du Canada, qui est le moyen par lequel il s'efforce de respecter les engagements qu'il a pris dans le cadre de sa constitution et des conventions internationales qu'il a signées. Comment le Canada va-t-il pouvoir réduire des paiements de transfert déjà insuffisants et offrir aux provinces une marge de manoeuvre au lieu de faire appliquer des normes nationales, tout en respectant les engagements qu'il a pris au plan international et dans sa constitution en vue de protéger la dignité inhérente à la personne humaine et le droit pour chacun de bénéficier d'un niveau de vie, de services de santé et d'un niveau d'instruction qui soient suffisants? Comment le Canada va-t-il pouvoir remédier à la pauvreté chez les enfants qui est déjà si grande dans notre pays en se dégageant purement et simplement de toute responsabilité lorsqu'il s'agit de protéger ses citoyens et de veiller à la leur bien-être? Ce sont à notre avis les conséquences du projet de loi C-76.

En promettant vaguement que l'on va garantir l'application de normes nationales lorsque la situation l'exige, sans définir ces normes ni mettre en place un mécanisme d'application obligatoire, on aura effiloché un filet de sécurité déjà insuffisant et supprimé le minimum de normes qui existaient jusqu'alors, déjà bien fragiles et lâches. Il n'y a alors rien d'étonnant à ce que l'organisation nationale anti-pauvreté ait senti le besoin de porter cette question devant les instances internationales et que la communauté internationale ait fait part de ses préoccupations.

On trouvera en annexe la lettre envoyée par Philip Alsten, président du comité de l'ONU sur les droits économiques, sociaux et culturels, rappelant au Canada qu'il a effectivement des obligations en vertu de cette convention internationale.

Nous considérons que le projet de loi C-76 fait litière des engagements pris par le Canada dans ses lois, mais aussi qu'il renie complètement le fameux Livre rouge. J'ai sorti deux citations qui laissent entendre que le Parti conservateur a créé une société polarisée, ce que ne ferons pas les Libéraux.

Et je cite:

Un tel pays, les Canadiens, pour la plupart, n'en veulent pas. Les Libéraux veulent égaliser les conditions sociales entre les Canadiens.

La deuxième citation laisse entendre que le gouvernement précédent a été obnubilé par un problème en particulier, celui du déficit, sans comprendre les conséquences, ou sans se préoccuper des conséquences, des pertes d'emploi, de l'augmentation de la pauvreté, des coûts sociaux. Ces coûts sociaux sont bien réels.

Le budget de février 1995 est astucieux. Il cache la réalité des compressions en matière sociale sous couvert de marges de manoeuvre provinciales et de restructuration des programmes. Il retire l'essentiel de ce qui faisait la nation canadienne. Il nous ramène à des collectivités isolées se disputant les quelques dollars qui subsistent dans un monde caractérisé par les compressions de dépenses. Les personnes vulnérables sont laissées de plus en plus de côté, et même les plus agressives doivent lutter pour survivre.

Nous rejetons résolument cette nouvelle vision d'une nation divisée, parce qu'elle est mesquine, démoralisante, non démocratique et inefficace. En plus, elle ne peut absolument pas fonctionner. Elle fait de nous, en tant que Canadiens, une main-d'ouvre soumise à la concurrence dans un monde où seuls les plus forts peuvent survivre.

Que signifie en réalité le fait d'accorder une plus grande marge de manoeuvre plutôt que d'appliquer des normes? Cela signifie que le gouvernement fédéral se lave les mains et se dégage de toute responsabilité pour ce qui est du bien-être des Canadiens et qu'il autorise là encore les provinces à agir de même et que, prenant le prétexte d'une conjoncture financière difficile, il réduit de plus en plus les obligations financières et les détache de plus en plus des données publiques alors que ces ressources devraient servir à appuyer et à aider la population canadienne.

Dans la partie suivante, nous passons tout simplement en revue des statistiques que vous connaissez tous, j'en suis sûre, en l'occurrence qu'un Canadien sur six est pauvre, que le taux de pauvreté chez les familles est très élevé, que le taux de pauvreté des mères à la tête d'une famille monoparentale n'est jamais tombé au-dessous de 50 p. 100 et qu'il était en 1993 de 59,8 p. 100. Nous avons un pourcentage si élevé d'enfants pauvres dans notre pays que cette statistique a pris une envergure internationale.

Nous travaillons par ailleurs au sein d'un réseau provincial qui reconnaît qu'en Ontario la situation est très difficile.

Dans la partie suivante, à partir du bas de la page 6 du mémoire, nous précisons un certain nombre de raisons pour lesquelles nous ne pensons pas que le budget va fonctionner même lorsqu'il pratique des compressions.

L'une des compressions est pratiquée dans les programmes de formation, c'est-à-dire en fait dans le genre de recettes dont le gouvernement va avoir besoin. Les statistiques nous révèlent que 75 p. 100 des personnes qui passent par un programme de formation trouvent un emploi. Elles vont ensuite payer de l'impôt et contribuer à la société canadienne par leurs dépenses. Retirez cela et les gens ne trouveront plus d'emplois. Vous perdrez non seulement des recettes mais vous aurez des gens qui auront besoin d'une aide sociale.

.1115

Quant aux nouveaux arrivants et aux réfugiés, en dépi des promesses contraires, nous considérons que ce sont les plus vulnérables qui ont été les plus durement touchés par ce budget. La diminution des services dispensés lors de leur établissement ainsi que la réduction de la formation linguistique venant s'ajouter à l'imposition de droits d'établissement signifient qu'il faudra tout simplement plus de temps aux nouveaux arrivants pour s'adapter à leur nouvel environnement et qu'ils tarderont davantage à devenir des membres productifs de la société canadienne.

Une étude effectuée au sujet des immigrants qui entrent dans notre pays a révélé qu'ils sont plus souvent à leur compte que les personnes nées au Canada. Il n'y a aucune raison de retarder, par des difficultés supplémentaires, l'atteinte de leur objectif, qui est de devenir autonomes au sein de notre économie.

Il y a une autre raison pour laquelle nous pensons que le budget ne va pas fonctionner, c'est parce qu'il ne cible pas les bonnes personnes. Le Toronto Star a publié hier qu'un pour cent de la population canadienne détenait 25 p. 100 de la richesse de notre pays. Il me semble que ce sont les plus pauvres parmi les pauvres qui vont devoir payer notre déficit.

À la page 8, nous donnons une définition du déficit social, fournie par l'une de nos cliniques juridiques de l'Ontario. Je vais vous la lire parce qu'il est important que nous puissions l'apprécier en fonction des déficits financiers.

Les critiques du budget affirment qu'il est injuste de faire supporter notre dette à nos enfants. Moi aussi, j'ai des enfants, et cet argument m'a toujours hanté.

En vérité, nos enfants seront encore bien plus mal lotis si, au lieu d'un déficit, nous leur légons un pays où les gens sont en mauvaise santé, un environnement détruit, le chômage, les écoles de piètre qualité et un réseau routier qui se dégrade. L'infrastructure sociale et physique est un véritable actif que l'on doit transmettre à nos enfants.

On oublie souvent au sujet de la dette du gouvernement que ce fardeau est en grande partie compensé par les éléments d'actif du pays. Une dette garantie par un actif est un investissement dans la richesse future du pays. C'est aussi ce qui rend notre pays productif et concurrentiel. En réalité, dans une économie mondialisée, un pays ne peut se doter que de deux avantages sur le plan économique: une main-d'oeuvre hautement qualifiée et une infrastructure publique et sociale fortement développée.

Un budget qui appauvrit encore davantage les pauvres dans notre société va-t-il nous donner des travailleurs en bonne santé et une économie stable dans les années à venir? Une législation à courte vue n'en sera que plus oppressive.

Enfin, nous considérons par ailleurs que le budget ne donnera pas les résultats escomptés parce qu'à partir du moment où l'on tire de fausses conclusions on arrive à de fausses solutions. Laissez-moi vous répéter une histoire que nous a racontée l'un des participants à la consultation que nous avons menée à l'échelle de la province. Je vais vous en faire part pour vous montrer que même dans les difficultés nous conservons parfois le sens de l'humour.

C'est l'histoire d'un chercheur qui a passé des mois à entraîner une grenouille à sauter afin de démontrer que le siège de l'ouïe se trouve chez la grenouille au niveau des pattes arrière. Chaque fois qu'il demande à la grenouille de sauter, la grenouille saute. Il lui coupe alors une patte et lui demande de sauter. La grenouille saute. Il lui coupe la deuxième patte et lui demande sauter. Bien évidemment, la grenouille ne saute plus. Le chercheur en conclut que lorsqu'on lui coupe les pattes arrière, la grenouille devient sourde.

Ce participant nous a dit que cette histoire paraissait drôle mais qu'en réalité elle ne l'était pas parce que c'est ainsi que fonctionnent nos programmes sociaux. Dans le cadre du système, on demande aux prestataires de travailler. Dès qu'ils trouvent un emploi qui ne leur procure pas suffisamment d'argent pour vivre, ils seront pénalisés par des prélèvements sur leurs chèques de prestations sociales.

On leur dit alors de travailler davantage ou de retourner à l'école. Au moment où ils entrent à plein temps à l'école, l'aide sociale dont ils bénéficiaient leur est supprimée, ce qui les oblige a réintégrer le système. Le système en conclut que même si on leur dit de travailler ou d'aller à l'école, les gens qui vivent de l'assistance sociale ne veulent ni travailler ni s'instruire.

Peut-on en conclure que les Canadiens ne travaillent pas parce qu'ils veulent être pauvres? Il semble que ce soit là l'esprit dans lequel a été rédigé un budget qui ne sert qu'à élargir le fossé entre les riches et les pauvres, entre les gens qui travaillent et ceux qui sont au chômage ou qui sont sous-employés dans notre pays.

Compte tenu de tout cela, nous avons estimé que nous ne pouvions pas nous présenter devant vous sans vous offrir des solutions de rechange au budget. Nous avons donc étudié des solutions de rechange. Nous avons discuté avec la population de l'Ontario qui a participé aux consultations pour trouver des solutions de rechange.

.1120

Nous avons été très déçus et très troublés de constater que le groupe ayant travaillé dans le cadre d'une coalition sur un budget fédéral de rechange n'a pas pu rencontrer le ministre lorsqu'il a demandé à le faire. Ce groupe a élaboré une documentation qui constitue, à son avis, une solution de rechange au type de budget qui nous a été présenté.

Le président: Nous serons heureux de connaître son point de vue.

La révérende Eagle: Je pense que certains de ces membres se sont déjà présentés devant vous.

Nous considérons que le projet de loi C-76 est un texte de loi régressif que l'on ne peut pas laisser passer sous sa forme actuelle. Ceux d'entre nous qui sont fiers de leur pays et qui s'inscrivent dans la longue tradition de notre mouvement social ne peuvent rester silencieux face à un gouvernement qui envisage de renoncer à ses responsabilités envers les citoyens canadiens et la communauté internationale.

Ceux d'entre nous qui sont de nouveaux arrivants rappellent à notre gouvernement qu'il a une réputation internationale à soutenir en tant que promoteur public de la justice des droits de la personne. Ensemble, nous invitons le gouvernement à faire en sorte que les lois nationales soient conformes aux proclamations internationales.

Nous vous présentons donc six recommandations.

Tout d'abord, il convient de surseoir à l'application des parties IV et V du projet de loi C-76 en attendant que l'on puisse nommer une enquête publique, généralisée et exhaustive. Nous considérons que le gouvernement a beaucoup à gagner s'il effectue ce genre d'enquête.

En second lieu, nous incitons à élaborer des normes dans toute nouvelle législation, notamment une norme qui parte expressément du principe que l'aide doit être dispensée en fonction des besoins, et qu'il faut qu'il y ait un droit d'appel. Nous estimons par ailleurs que si l'on doit abroger la loi sur le RAPC, toute nouvelle loi devra prévoir des critères d'application.

Nous considérons aussi qu'il est important de faire une analyse exhaustive du coût social de ce budget, de tout budget futur et de toute décision financière prise par le gouvernement, si l'on veut connaître les effets à long terme des décisions que nous prenons.

Nous aimerions aussi que votre Comité demande au ministre des Finances de rencontrer les gens qui proposent des budgets de rechange.

Une réforme de la fiscalité, la création d'emploi, l'impôt Tobin - il y a bien des propositions de rechange. À notre avis, on ne manque pas de solutions de rechange.

Enfin, nous voulons vous interroger sur les valeurs de la nation. Nous voulons savoir si le Livre Rouge reste en vigueur, si le gouvernement est toujours prêt à respecter les engagements qu'il a pris envers la population canadienne au moment de son élection. Nous sommes tout à fait convaincus - et cela après avoir passé des centaines d'heures auprès de la population canadienne - que les Canadiens veulent tout simplement vivre dans un pays humains et tolérant, un pays dans lequel tous les citoyens ont également accès aux ressources et à l'égalité des chances, peuvent s'en sortir eux-mêmes et leur famille et sont en mesure de vivre dans la dignité et avec fierté.

Le reste de mon mémoire se présente sous la forme d'annexes. Si nous en avons le temps, je les passerai en revue à votre intention, mais je crois qu'elles s'expliquent d'elles-mêmes.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Nous allons commencer les questions avec M. Loubier.

M. Loubier: Merci, monsieur le président.

Avant de poser ma question à Mme Eagle, j'aimerais vous présenter Mme Grace Hoo, qui est une stagiaire de l'Université du Michigan et qui va me seconder pendant les deux prochains mois.

Donc, je vous présente Mme Hoo.

Le président: Bravo.

M. Loubier: Merci infiniment, madame Eagle pour votre excellente présentation qui est fort bien documentée et qui a une très grande valeur à mes yeux. Je vous écoutais parler plus tôt avec beaucoup de compassion pour les personnes les plus démunies de la société et cela fait du bien d'entendre un peu de compassion qui fait place au cynisme habituel qui nous entoure à ce Comité.

Je vous dirais, madame Eagle, que j'ai été fort impressionné par le nombre de statistiques que vous avez dans votre mémoire, surtout celle qui fait état de l'évolution de la pauvreté depuis les dix dernières années. Ce qui m'a rafraîchi la mémoire, lorsqu'on regarde votre tableau sur les banques alimentaires, c'est qu'en un an, il y a vingt nouvelles banques alimentaires qui se sont ajoutées aux 436 qui existaient, alors que dans le mandat que le gouvernement s'était donné de réduire la pauvreté, on a ajouté vingt banques alimentaires.

.1125

J'ai regardé plus loin aussi les revenus fédéraux et cela n'a pas changé, ni cette année, ni l'année dernière. On s'aperçoit encore une fois qu'on perpétue les inégalités et les injustices.

Je regarde, par exemple, l'impôt sur le revenu des corporations, ce qui représente 8 p. 100 de l'assiette fiscale fédérale. À cela, il faut ajouter peut-être un autre 8 p. 100 de contributions à l'assurance-chômage, donc, la moitié du 16 p. 100, vous l'avez là. En tout, vous avez 16 p. 100 de l'assiette fiscale qui est alimentée par des entreprises et quand vous regardez à côté, la part des particuliers représente 44 p. 100.

Il y a environ 40 ans, 45 ans pour être plus précis, les entreprises et les particuliers contribuaient à 50/50 à l'assiette fiscale fédérale.

Donc, je dirais qu'étant donné ces deux statistiques qui m'ont impressionné, qu'attend l'actuel gouvernement pour répondre à une de vos recommandations qui consiste à faire une enquête publique et j'ajouterais, non seulement sur le projet de loi qui est devant nous, mais sur l'ensemble de la situation de la pauvreté au Canada, sur l'ensemble des transferts effectués pour en atténuer justement l'incidence et sur l'ensemble de la fiscalité aussi, parce que c'est anormal qu'on se retrouve en 1995 avec un discours contenu dans un Livre rouge qui, à mon avis, a été mis de côté par les libéraux depuis environ une quinzaine de mois et que de l'autre, on perpétue des injustices?

J'aimerais que vous commentiez un peu, compte tenu les informations contenues dans votre mémoire, la nécessité de revoir l'ensemble de ce que nous faisons au Canada en matière de lutte contre la pauvreté et d'injustice fiscale.

[Traduction]

La révérende Eagle: Laissez-moi faire deux ou trois observations. Vous vous referrez tout d'abord à l'avant dernière page, celle qui contient le tableau sur l'impôt sur le revenu de sociétés. Si j'ai fait figurer ce tableau, ce n'était pas tant pour indiquer la répartition que pour insérer le tableau du haut, qui nous montre que nous nous comparons uniquement et continuellement aux États-Unis.

Vous signalez aussi une très bonne chose au sujet du taux de l'impôt sur les sociétés. Toutefois, si vous revenez quelques pages en arrière, vous pouvez constater que les gens qui ont envisagé les budgets de rechange ont comparé le Canada aux pays européens. Nous constatons que notre part du fardeau fiscal est bien moindre que celui qui a cours dans de nombreux autres pays. Pourtant, le public que nous sommes continue à se voir offrir des comparaisons avec les États-Unis, ce qui l'amène à croire qu'il est trop imposé.

Je vous remercie d'avoir mis le doigt sur le taux de l'impôt sur le revenu des sociétés, parce que c'est l'une des choses que l'on suggère de revoir dans le budget de rechange. Il faut que ça fasse partie d'une réforme fiscale globale.

Pour ce qui est d'instituer une commission d'enquête publique sur la pauvreté, j'ai entrepris en 1984 de participer à une enquête publique en Ontario appelée Commission d'enquête Thomson et, dix ans plus tard, il n'y a toujours pas eu de réforme et nous avons trois fois plus de pauvres. Il est donc important que le gouvernement ne se contente pas de belles paroles et qu'il agisse. Si l'on envisage une commission d'enquête publique, il faut que le gouvernement prenne l'engagement ferme d'agir en fonction de l'information qu'il découvre et de ce que lui dit la population canadienne.

Nous avons recommandé une commission d'enquête parce que nous n'avons pas l'impression que la population canadienne comprenne bien ce qui est en jeu dans ce projet de loi. Elle s'en rendra compte un jour, mais il faut qu'elle ait la possibilité d'y prendre part dès maintenant pendant qu'il est encore temps, pour qu'elle puisse se faire entendre et influer sur le cours des choses.

Personnellement, il y a peut-être une chose que je pourrais dire. Je travaille la moitié du temps pour le compte de deux congrégations de l'Église unie. L'autre moitié de mon temps, je le consacre à faire du travail sur le terrain dans les quartiers nord-est de la ville de London, en Ontario. Cette ville est considérée comme étant aisée et pourtant, je consacre une grande partie de mon temps dans ce travail à m'occuper de gens qui luttent pour joindre les deux bouts à la fin du mois et qui n'ont pas dans l'immédiat suffisamment de quoi se nourrir.

Je suis donc personnellement horrifiée en imaginant les effets qu'auront les compressions des paiements de tranfert sur la population auprès de laquelle je travaille. Malheureusement, ces gens n'ont pas souvent la possibilité de comparaître ici pour s'adresser à vous personnellement et le mieux que je puisse faire, c'est de vous raconter leur histoire telle que j'ai pu la voir de mes yeux.

En fait, l'un des projets de notre réseau de sécurité sociale en Ontario est à l'heure actuelle de recueillir les histoires de ces gens au sein de la collectivité parce que nous considérons que ce qu'ils ont à nous raconter reflète bien ce qui se passe en réalité au Canada, en plus de ce que nous disent les statistiques.

.1130

[Français]

M. Loubier: J'apprécie beaucoup aussi votre recommandation numéro 4, où on demande de procéder à une analyse du coût social des mesures fiscales et des mesures budgétaires annoncées par le gouvernement. C'est une grosse recommandation que vous faites là, parce que j'ai l'impression, depuis un an et demi, que le ministère des Finances fédéral est une immense compagnie, comme on dit au Québec, de broche à foin, parce que toutes les décisions budgétaires prises ne font pas l'objet d'aucune analyse. Je ne parle même pas d'analyse des coûts sociaux, mais d'analyse des impacts directs du budget.

On a déjà eu l'occasion à plusieurs reprises de demander aux hauts fonctionnaires du ministère des Finances de nous procurer des études d'impacts, des mesures qu'ils avaient prises, en particulier, l'année dernière, l'élimination de l'exonération pour le premier 100 000$ de gain capital qui touchait de plein fouet les personnes du troisième âge qui avaient comme actif uniquement un duplex dont ils habitaient le bas. Le haut était considéré comme un actif au sens de la loi. Même pour l'abolition de cela, on n'avait aucune étude de l'impact. Alors, imaginez d'où on partirait s'il fallait rencontrer votre recommandation. Cela serait une révolution à mon avis.

Je félicite votre suggestion et j'entends la véhiculer aussi en tant que porte-parole de l'Opposition officielle, parce que je trouve que c'est une bonne façon pour les gouvernements de prendre des décisions éclairées, des décisions qui ne font pas mal à ceux qui ne devraient pas avoir plus mal qu'ils ont à l'heure actuelle, des décisions comme celles que le ministre Martin a prises l'année dernière.

[Traduction]

La révérende Eagle: Je continue de faire confiance aux Canadiens. Je suis convaincue qu'ils veulent un pays qui marche. Je fais encore partie de ceux qui croient non seulement que le gouvernement demeure responsable d'une économie prospère et d'une société vivable, mais aussi qu'il est en mesure d'assumer cette responsabilité. L'écart entre les riches et les pauvres au Canada n'est pas encore tel que cet objectif ne puisse être atteint.

Si nous faisons une analyse quelconque des coûts sociaux, les gens constateront qu'à long terme, nous avons intérêt à maintenir les programmes sociaux et à nous attaquer sérieusement aux causes de la pauvreté au lieu de nous occuper uniquement de son résultat, ce qui coûte beaucoup plus cher.

[Français]

M. Loubier: Merci, madame Eagle.

Le président: Est-ce tout pour le moment, monsieur Loubier?

M. Loubier: Oui. Merci.

[Traduction]

Le président: Je voudrais discuter de certaines solutions de rechange mentionnées à la recommandation 5, page 10.

Quant à la réforme de la fiscalité, avez-vous des modifications concrètes à proposer?

La révérende Eagle: Nous avons été vivement impressionnés par la documentation que nous a fournie la coalition Paying Canada. D'ailleurs, je ne vais pas vous laisser le document parce que je n'ai qu'un seul exemplaire, mais si vous voulez, je vous en ferai parvenir une copie. La coalition suggère plusieurs changements.

Je ne prétends pas être une experte de la réforme fiscale, mais j'ai suivi très attentivement ce que les économistes - que je juge crédibles - nous ont proposé. Pour une profane en fiscalité, je trouve leurs suggestions pleines de sens.

Le président: Vous avez parlé de création d'emploi. Pouvez-vous me suggérer des moyens concrets de créer des emplois? Aucun député, quel que soit son parti, ne se réjouit du taux de chômage actuel au Canada et l'on a souvent dit que le meilleur programme social, c'est encore un bon emploi.

La révérende Eagle: La recommandation 5, dans laquelle je suggère que le gouvernement étudie sérieusement le budget que nous proposons, ne signifie pas que nous sommes convaincus que cela permettra vraisemblablement d'inverser la tendance et de créer des emplois du jour au lendemain.

Ce budget de rechange renferme toutefois un certain nombre de suggestions qui pourraient favoriser la création d'emplois, et, si vous me le permettez, je vais vous en exposer quelques-unes.

Premièrement, réduire et répartir différemment les heures de travail; deuxièmement, établir que les fonds publics doivent être investis en priorité dans les services publics; troisièmement, encourager le secteur privé; quatrièmement, récupérer les épargnes investies à l'étranger. Ensuite, il y a la taxe Tobin permettant de ramasser plus d'argent qui sera investi dans la création d'emplois.

.1135

Les explications dans le document sont bien plus détaillées que celles que je peux vous donner ici en deux minutes.

Notre gouvernement et aussi l'entreprise privée doivent s'engager à travailler de concert. Je sais que la collectivité est tout à fait disposée à collaborer avec le gouvernement pour créer des emplois.

Je n'ai encore jamais rencontré d'assistés sociaux heureux de l'être. Les gens répètent toujours la même chose: Donnez-nous du travail, aidez-nous à nous trouver des emplois; nous voulons être productifs. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'exceptions, mais en gros, nous savons que les gens veulent travailler et qu'ils sont même prêts à faire un effort supplémentaire pour que notre économie tourne rondement. Ce sera possible si le gouvernement et le secteur privé arrivent à travailler ensemble.

Le président: Vous avez parlé de la taxe Tobin. Je ne connais personne au Comité... sans vouloir parler au nom du Bloc, nous souhaiterions tous imposer une taxe sur toutes les transactions financières. Malheureusement, si le Canada était le seul pays à le faire, toutes ces transactions auraient lieu à l'étranger.

On cherche la poule aux oeufs d'or. On cherche un moyen d'équilibrer notre budget sans souffrir. Nous avons envisagé un certain nombre de possibilités dans l'espoir très sincère de trouver une solution.

La révérende Eagle: Je sais que le Canada est capable de discuter avec d'autres pays et d'arriver à conclure des ententes internationales. Il me semble qu'il règne un certain esprit de coopération internationale, car d'autres gouvernements se préoccupent tout autant des plus vulnérables d'entre nous puisqu'ils ont aussi signés ces conventions internationales. Je pense que le Canada devrait s'entendre avec les autres pays afin de ne pas être le seul à apporter ces modifications.

Les compressions annoncées dans le dernier budget - une hausse de taxe de un dollar pour une réduction des programmes de sept dollars - sont beaucoup plus draconiennes que celles effectuées dans les autres pays, en tout cas les pays du G-7. La Suède a retenu comme solution un rapport de un pour un et elle doit elle aussi contrôler son déficit.

Donc, même si le Canada déclare qu'il ne veut pas prendre, le risque d'agir seul, je crois qu'il le fait déjà, en termes de compressions des programmes sociaux qu'il a instaurées. Donc, tant qu'à prendre des risques, j'encourage le gouvernement à aller non dans ce sens, mais dans l'autre.

Le président: L'automne dernier, nous avons étudié avec un grand intérêt la solution suédoise. Nous avons constaté que le taux marginal d'impôt maximal en Suède, qui avait déjà été de plus de 70 p. 100 était maintenant inférieur à celui du Canada. Ce taux pour l'impôt des particuliers est aujourd'hui de 50 p. 100 alors que le taux maximal en Ontario est de 54 p. 100.

La révérende Eagle: J'ai l'impression qu'il a dû y avoir des compromis. Il a dû y avoir des négociations.

Le président: Oui. Les Suédois aussi étaient trop endettés; ils avaient un sérieux problème. Vous vous souviendrez qu'à un certain moment, les taux d'intérêt avaient atteint 95 p. 100 pendant une brève période.

[Français]

M. Loubier: Une chose qui me préoccupe, monsieur le président.

J'écoutais d'une oreille distraite vos commentaires, très pertinents en passant, mais par contre, il faut faire très attention.

Cela fait un an qu'on le dit, et il y a de plus en plus de gens qui le disent aussi que, en ce qui a trait à la comparaison des taux de taxation pour les revenus élevés et les corporations, il faut être très prudent avec cela. Le premier examen de l'évolution de la fiscalité canadienne, depuis les 25 dernières années, nous indique qu'entre le taux affiché et le taux réel, il y a une fichue de différence.

.1140

Étant donné les trous de la fiscalité, les échappatoires, et le fait qu'on puisse déduire certaines choses ici, et qu'on ne peut les déduire ailleurs, soit en Suède ou aux États-unis, par exemple, font en sorte que le taux net payé, en bout de ligne, est peut-être inférieur ici à ce qu'il est ailleurs.

Ce n'est pas pour rien qu'on demande depuis 15 mois qu'il y ait une révision de la fiscalité. On peut faire une révision comparée si on le veut, mais je voudrais qu'on compare des pommes avec des pommes et des oranges avec des oranges, autrement, c'est très dangereux.

L'autre aspect a trait à la fiscalité des entreprises, plus spécifiquement le taux affiché. On regardait, sur le plan provincial, la semaine dernière, suite au budget de M. Campeau à Québec, et on s'apercevait que d'une province à l'autre, il y avait des variations terribles. Cela allait du simple au double pour la fiscalité des entreprises. La taxe fédérale sur le capital, à l'heure actuelle, est inférieure à ce qu'on retrouve même aux États-unis.

Il va falloir revoir cela à un moment donné, qu'on le veuille ou non. Les gens se font de plus en plus imposer des coupures, et se font dire qu'il faut qu'ils se serrent la ceinture, alors qu'on laisse un grand pan de la fiscalité qui peut être même créatrice d'emploi.

Quand vous dites que vous révisez la fiscalité, et que vous la révisez de façon telle que le travail au noir diminue et que le travail officiel augmente, voilà de bonnes statistiques à ajouter en supplément.

Je pense qu'il faut considérer ce genre de choses-là.

Le président: Oui, je suis d'accord. Vous avez raison de dire que c'est une question assez difficile.

Peut-être que cela fera partie de nos études à l'automne?

M. Loubier: Je proposerais, monsieur le président, comme vous semblez avoir une très bonne volonté, qu'on vote une motion, et qu'on demande au ministre des Finances et au ministre du Revenu, conjointement, qu'ils fassent une révision intégrale de la fiscalité.

Le président: L'intégration de tous les impôts canadiens?

M. Loubier: Effectivement.

[Traduction]

La révérende Eagle: Je ne suis pas une experte en fiscalité, mais en souffrance humaine. Je ne crois pas que notre gouvernement et le secteur privé aient quoi que ce soit à gagner en fermant les yeux sur ce qui se passe au Canada et sur le fait que l'écart s'élargit entre les riches et les pauvres.

Cela n'aidera pas les entreprises d'avoir une foule de pauvres malades et sans instruction au Canada. Ceux-ci ne font pas de bons travailleurs, des Canadiens productifs.

Nous lançons donc un appel à la recherche immédiate de solutions pour créer une société saine et stable qui profitera à tous. Cela signifie qu'il faut s'occuper tout de suite des programmes sociaux et éviter le démantèlement du filet de sécurité sociale.

Le président: Révérende Eagle, vous êtes un porte-parole fort éloquent pour les plus démunis de notre société, ceux qui ont vraiment besoin de nous. Au nom de tous les membres du Comité qui sont ici, je veux vous remercier de votre vigoureux témoignage qui en dit long.

Ce qui ressort surtout de vos propos, selon moi, c'est que vous n'avez jamais rencontré un assisté social qui soit heureux de l'être. J'ai bien peur que nous ayons trop souvent exagéré les fraudes sans traiter de la réalité.

Au nom de tous les membres du Comité, je veux vous remercier de votre excellent témoignagne.

Les témoins suivants représentent l'Association des employés en sciences sociales: Le président, Bill Krause; le directeur général, Marvin Gandall; et l'attaché de recherche, Ian Mackenzie.

M. Bill Krause (président, Association des employés en sciences sociales): Au nom de l'Association des employés en sciences sociales, je veux remercier le comité permanent des Finances de nous avoir permis de comparaître. Je m'appelle Bill Krause et je suis le président de l'Association. Je vais commencer par vous présenter mes collègues.

.1145

D'abord, M. Martin Gandall, le directeur général de notre association; c'est lui qui va résumer notre mémoire et nos recommandations de nature législative.

Ensuite, Ian Mackenzie, notre attaché de recherche, celui qui a rédigé le mémoire.

Notre association, le troisième plus important syndicat de fonctionnaires fédéraux, représente plus de 5 000 économistes, sociologues, statisticiens et employés de soutien en sciences sociales, ainsi que les recherchistes de la Bibliothèque du Parlement, ceux qui assistent les députés et les comités comme le vôtre. En fait, nos membres recueillent des données, effectuent des recherches et produisent des évaluations et des exposés de principe sur les problèmes économiques, sociaux et politiques du pays.

Depuis la présentation du dernier budget fédéral, nous avons pris conscience que le gouvernement fédéral allait comprimer les programmes. Au lieu de résister à l'inévitable, nous nous sommes efforcés de minimiser les conséquences négatives de la révision des programmes en préconisant un programme complet sur la décroissance et le milieu de travail des employés qui survivront à la réduction des effectifs.

Notre programme propose que les objectifs de la décroissance soient fixés pour l'ensemble de la fonction publique et qu'ils soient atteints par attrition et non par des mises à pied. Pour favoriser l'attrition, il faudrait encourager la retraite anticipée. Par exemple, on pourrait supprimer les pénalités sur les pensions.

Il faudrait accentuer et prolonger le gel du recrutement à l'extérieur de la fonction publique. Le travail habituellement doné à contrat devrait être exécuté par les employés excédentaires. La direction devrait accepter les demandes de travail à temps partiel, de mises à la retraite graduelles et de congés pour obligations familiales. Les heures supplémentaires devraient être limitées.

Il faudrait augmenter les budgets de formation et cibler les employés excédentaires et ceux dont les tâches sont considérablement réaménagées. Les employés qui travaillent dans des services qui ne seront plus assurés par le gouvernement fédéral devraient être mutés en conservant leur emploi, leurs avantages sociaux et leur sécurité...[Inaudible]

Il faudrait dégraisser la catégorie gestion de la fonction publique.

Enfin, les comités patronaux-syndicaux devraient surveiller le recyclage et la réaffectation des employés excédentaires, conformément à la directive en vigueur sur le réaménagement des effectifs.

En plus de ce programme, notre association, en réaction aux intentions gouvernementales et aux défis que posent les réductions de personnel, vient de créer un registre qui permettra à ceux de nos membres ayant décidé de quitter la fonction publique fédérale, de changer de poste avec ceux qui désirent y poursuivre leur carrière.

Nous avons distribué ces listes à tous les ministères et organismes, que nous prions de respecter les voeux des employés quand ils effectueront la réduction de leurs effectifs. Il ressort clairement de notre programme et des mesures récentes que nous préconisons une réduction des effectifs uniquement sur la base de départs volontaires.

Non seulement c'est plus humain, plus équitable et plus raisonnable, mais en plus cette situation favorise intrinsèquement la stabilité des organisations. Elle atténue le stress et l'anxiété, ce qui est essentiel pour le moral des employés, pour la productivité et pour le professionnalisme qui sous-tend le travail des fonctionnaires. Je vous remercie.

Je vais maintenant demander à M. Gandall de résumer notre mémoire et nos recommandations de nature législative.

Le président: Votre association compte combien de membres?

M. Krause: Plus de 5 000.

Le président: Combien d'entre eux ont répondu à votre invitation de demander une retraite anticipée?

M. Krause: Une cinquantaine de personnes environ.

Le président: Donc, environ 1 p. 100.

Monsieur Gandall.

M. Martin Gandall (directeur général, Association des employés en sciences sociales): Vous avez déjà le texte de notre mémoire sous les yeux. Je suis désolé que nous n'ayons pas pu vous le faire parvenir plus tôt et j'espère que vous aurez le temps de le lire afin d'avoir une vision plus complète de notre position sur le projet de loi.

Mon collègue, M. Krause, a déjà mentionné notre programme sur la réduction de personnel dont nous faisons la promotion depuis un an et demi. Il est exposé à la page 1 de notre mémoire. C'est dans ce contexte que se situent nos commentaires sur les mesures gouvernementales apparaissant dans le projet de loi budgétaire.

.1150

Notre mémoire reconnaît que le gouvernement a fait des déclarations et quelques pas dans la bonne direction. Notamment, il a renoncé aux pénalités afin d'encourager les fonctionnaires à prendre une retraite anticipée, ce qui correspond au point 3 de notre programme. Toutefois, la population ignore sans doute que cette mesure sera financée à même le fonds de pension des fonctionnaires puisque le gouvernement réduira sa contribution. Donc, ce sont les fonctionnaires et non les contribuables qui vont payer pour cet avantage. En outre, on a imposé d'importantes restrictions qui vont grandement limiter l'efficacité de cette mesure. Je vais y revenir tout à l'heure.

Nous croyons que le gouvernement a vraiment l'intention de limiter le recrutement externe - c'est le point 4 de notre programme - mais il n'a pas encore décidé d'imposer un gel complet, ce qui permet au ministère d'engager des finissants des universités, des étudiants des programmes d'enseignement coopératif et des surnuméraires, alors même que des employés de longue date sont licenciés.

Nous admettons que, dans des circonstances bien particulières, les ministères aient besoin d'embaucher des travailleurs spécialisés à l'extérieur de la fonction publique parce qu'il n'y en a pas à l'intérieur. On se demande toutefois si les ministères limiteront vraiment le recrutement externe dans ces seules circonstances ou s'ils utiliseront cette autorisation comme prétexte pour remplacer des travailleurs permanents avec peu d'expérience et mieux rémunérés par d'autres plus jeunes, sans expérience, et mal payés.

Certains décrivent déjà cette décroissance comme un renouvellement de la fonction publique, et pour eux, c'est une bonne décision. Quant à nous, bien que nous ayons évidemment intérêt à protéger les emplois de nos membres, nous croyons que les Canadiens ont aussi intérêt à ce que les conditions de travail, le traitement, la sécurité d'emploi et le moral des fonctionnaires ne se détériorent pas à un point tel que la fonction publique n'arrive plus à recruter et à retenir les travailleurs spécialisés, motivés et chevronnés dont elle a besoin. Ce ne serait plus un renouvellement mais bien un déclin.

D'ailleurs, des indices du déclin sont déjà perceptibles. Certains d'entre vous ont peut-être lu l'article paru en fin de semaine dans l'Ottawa Citizen, qui expliquait en détail combien il est difficile maintenant d'intéresser les jeunes très compétents à une carrière dans la fonction publique.

Nous devons reconnaître aussi que le gouvernement semble résolu à lutter contre le recours abusif aux marchés à contrat, une façon de faire que le gouvernement Mulroney a énergiquement encouragée. Nous avons félicité le nouveau gouvernement quand, l'an dernier, il a ordonné une étude de la sous-traitance par le Comité permanent des opérations gouvernementales de la Chambre des communes, mais le gaspillage de l'argent des contribuables se poursuit parce que, tous les jours, du travail est inutilement donné à la sous-traitance tandis que des employés qualifiés sont menacés de licenciement. Par conséquent, nous croyons que le gouvernement devrait mettre en oeuvre sans tarder les recommandations intérimaires faites récemment par le Comité des opérations gouvernementales; nous reproduisons ces recommandations à la page 7 de notre mémoire.

Enfin, nous sommes très encouragés par les déclarations du gouvernement en faveur d'un plus grand nombre de congés et d'emplois à temps partiel, d'un plafonnement des heures supplémentaires, et d'un dégraissage du groupe de la gestion supérieure, toutes des mesures que nous réclamons dans notre programme. Malheureusement, étant donné l'affaiblissement progressif d'organismes centraux comme le Conseil du Trésor et la Commission de la fonction publique, il reste à voir si ces mesures seront appliquées sérieusement par les gestionnaires hiérarchiques dans les unités de travail.

Notre plus grande déception, et le principal motif de notre comparution aujourd'hui, tient au caractère extrêmement restrictif des mesures d'encouragement à la retraite et au départ anticipé que le gouvernement a annoncées le mois dernier. Comme vous le savez, l'encouragement à la retraite anticipée, proposée par voie de règlement le mois dernier, n'est offert qu'aux travailleurs plus âgés qui sont déclarés excédentaires, alors que la prime pour départ anticipé, qui est prévue dans le projet de loi que vous êtes en train d'étudier, sera offerte seulement dans les 11 ministères et quatre organismes plus petits qui auront à supporter le gros des réductions d'effectifs.

À cause de cela, le programme d'encouragement n'est pas sérieux du tout. Cela n'a rien à voir avec les programmes d'encouragement offerts dans l'entreprise privée afin d'amortir l'effet de la décroissance sur les employés. Son effet sur les fonctionnaires sera, au mieux, limité.

Un programme d'encouragement a pour but d'inciter les employés à partir de leur propre gré afin de créer des vacances qui permettent d'absorber les employés dont le poste disparaît à cause de la compression des programmes et des services. C'est pourquoi de tels programmes sont généralement offerts à tout le monde et visent en particulier les unités de travail où les emplois ne vont pas disparaître, de manière à créer des débouchés pour les employés des unités où il y aura réduction d'effectifs.

Or, ce n'est pas du tout ainsi que fonctionne le programme de la fonction publique. En offrant l'encouragement à la retraite anticipée aux seuls employés plus âgés qui vont perdre leur emploi et la prime pour départ anticipé aux employés des ministères les plus durement touchés, le gouvernement fait tout le contraire. L'encouragement à la retraite anticipée devrait plutôt être offert aux employés plus âgés qui ne vont pas perdre leur emploi, qui occupent des postes qui ne seront pas supprimés et qui peuvent alors être confiés à des employés excédentaires plus jeunes.

De même, la prime pour départ anticipé devrait être offerte d'abord aux employés des ministères les moins touchés, ou il y aura encore des emplois disponibles, et non pas aux ministères les plus durement touchés où les emplois seront rares. Autrement dit, le champ d'application des programmes d'encouragement est trop restreint pour permettre la constitution d'une réserve de postes vacants assez importante pour éviter des licenciements.

.1155

Nous partageons l'opinion d'autres témoins selon laquelle étendre les programmes d'encouragement à l'ensemble des 240 000 fonctionnaires au lieu de les restreindre aux 45 000 dont le poste va être supprimé, aurait pour effet de créer assez de vacances pour absorber les dizaines de milliers d'employés qui doivent quitter leur emploi et ce, sans qu'il faille effectuer une seule mise à pied.

Il semble que le gouvernement soit conscient des limites de son programme, mais qu'il cherche une solution de facilité. Il est plus simple de faire partir des employés des ministères les plus touchés, même en adoucissant leur départ au moyen d'une prime, que d'offrir un soutien monétaire et administratif nécessaire à un vrai programme d'encouragement, et de créer des débouchés ailleurs dans la fonction publique.

Nous croyons aussi que le gouvernement n'a pas obtenu la collaboration nécessaire de ministères tels que Statistique Canada qui sont beaucoup moins touchés par les compressions et qui seraient les plus susceptibles d'absorber les employés excédentaires des ministères plus gravement touchés. Ces ministères qui s'en tirent relativement bien ne semblent pas disposés à laisser leurs employés plus âgés quitter de leur plein gré pour être remplacés par des employés excédentaires des ministères où les compressions sont plus marquées. Cinquante ans après la Seconde Guerre mondiale, l'attitude de ces ministères en meilleure posture rappelle étrangement les démocraties occidentales qui ont refusé, par pur égocentrisme, d'accepter les réfugiés de l'Europe déchirée par la guerre.

Comme nous le faisons remarquer à la page 3 de notre mémoire, le gouvernement crée donc deux gros groupes d'employés mécontents, l'un formé des jeunes fonctionnaires excédentaires des ministères les plus touchés, dont beaucoup de femmes, qui ne pourront pas se trouver un emploi dans un autre ministère et qui se retrouveront malgré eux au chômage alors qu'ils ont des hypothèques à rembourser et des enfants à élever. Dans l'autre groupe, il y aura des fonctionnaires désabusés, la plupart étant des hommes plus âgés travaillant dans des ministères moins touchés par les compressions, qui ont davantage les moyens d'accepter les primes offertes et qui saisiraient cette occasion de partir alors qu'en fait, on les empêche de le faire.

En passant, nous avons commencé à étudier très sérieusement le fait que la politique d'encouragement restrictive du gouvernement défavorisera sans doute les femmes plus que les hommes. Nous en aurons bientôt plus long à dire sur le sujet.

Les neuf amendements au projet de loi que nous recommandons se trouvent à la page 10 de notre mémoire.

Vous remarquerez que notre première recommandation est un amendement qui permettrait d'offrir l'encouragement à la retraite anticipée ou la prime pour départ anticipé à tous les fonctionnaires. Dans notre troisième recommandation, nous demandons que les ministères coopèrent entre eux pour replacer les employés excédentaires dans des postes laissés vacants par les employés qui auront accepté des primes.

Selon nous, ces amendements éviteront les mises à pied, sans que cela coûte un cent de plus aux contribuables. L'encouragement à la retraite anticipée et la prime pour départ anticipé sont déjà prévus dans le budget. Il importe peu aux contribuables de savoir qui touchera l'argent. Si on leur posait la question, ils répondraient sans doute que l'argent doit être versé à ceux qui peuvent partir de leur plein gré et qui sont prêts à le faire afin de créer des débouchés pour ceux qui ont besoin de rester ou qui veulent rester.

Les besoins immédiats et intéressés de certains des ministères en meilleure posture ne devraient pas dicter la poolitique gouvernementale en la matière.

En terminant, je voudrais attirer votre attention sur notre dernière recommandation à la page 10, qui propose d'amender le projet de paragraphe 7.3(1) de la loi, selon lequel la directive sur le réaménagement des effectifs ne pourra faire l'objet de négociations collectives pendant trois ans à compter de l'entrée en vigueur du projet de loi. Le projet de paragraphe prévoit aussi que la directive ne devra pas non plus être incorporée dans une convention collective, ce qui ne revient pas nécessairement au même.

Nous croyons comprendre que le Parlement préfère que nous n'ayons pas le droit de négocier des modifications à la directive pendant la période de décroissance, mais nous ne croyons pas qu'il ait l'intention de retirer aux employés leur droit de contester devant un tiers toute application arbitraire ou inéquitable de la directive modifiée par le législateur. Pourtant, c'est ainsi qu'on pourrait interpréter la disposition proposée étant donné son libellé actuel. Par conséquent, nous demandons au comité de supprimer tout risque d'ambiguïté en ajoutant une disposition réaffirmant le droit actuel des employés de renvoyer à l'arbitrage tout différend ayant trait au réaménagement des effectifs.

Nous demandons aussi, par souci de précision, de supprimer les mots «ni être incorporés dans une convention collective» du projet de paragraphe 7.3(1).

Je vous remercie de nous avoir permis de venir vous exprimer nos préoccupations. Nous répondrons avec plaisir à vos questions et commentaires.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Loubier, s'il vous plaît.

M. Loubier: Merci, monsieur le président.

Monsieur Gandall, monsieur Krause, monsieur MacKenzie, je vous souhaite la bienvenue au Comité permanent des finances et merci pour cette excellente présentation.

.1200

Je suis un peu surpris, car le ministre des Affaires intergouvernementales, M. Massé, nous avait dit que lorsqu'on prendrait des décisions sur les mises à pied des employés de la Fonction publique, ce serait d'abord des décisions réfléchies, où l'on connaîtrait les modalités de départ des employés, ce serait aussi des décisions qui seraient basées sur un plan très précis. Les premières personnes concernées seraient avisées longtemps à l'avance puisque c'est avec elles et avec leur collaboration qu'on mettrait ce plan sur pied.

Dans votre mémoire, par contre, vous dites tout le contraire. Vous dites même, à la page 7 de votre mémoire, et je cite:

Bref, c'était de l'improvisation. Vous êtes en train de nous dire que le ministre des Affaires intergouvernementales nous a raconté des blagues lorsqu'il nous a dit que son plan était pratiquement de la planification stratégique et que tout avait été prévu. C'est cela que vous nous dites dans votre mémoire.

Il n'y a pas d'harmonie entre les gouvernements et la plupart des représentants des travailleurs de la Fonction publique. Le ministre nous a aussi dit, qu'outre l'Alliance de la fonction publique, tous les autres syndicats étaient d'accord avec nous.

[Traduction]

M. Krause: Je pense que les faits font clairement ressortir que les détails concernant le programme d'encouragement au départ anticipé n'ont été annoncés qu'après le dépôt du budget. C'est encore plus tard que nous avons eu notre séance d'information avec les représentants du Conseil du Trésor. Il y a donc eu là un très grave retard et un manque d'information qui ont gêné les employés lorsqu'ils ont dû prendre des décisions.

Encore maintenant, nous n'avons pas tous les détails sur les méthodes d'affermage qui seront pratiquées pendant la période de réduction des effectifs, ce qui se répercute négativement sur la possibilité pour les employés de prendre des décisions en connaissance de cause. Les faits montrent donc clairement que nous n'avons pas reçu l'information requise au moment nécessaire et qu'une partie de cette information n'est toujours pas disponible.

[Français]

M. Loubier: Non, c'était de l'improvisation. Donc on nous a donc raconté des blagues lorsqu'on nous disait que tout avait été pensé, planifié et que les employés étaient au courant et que les représentants des employés l'étaient également.

C'était aussi une blaque ce que le ministre des Affaires gouvernementales et le président du du Conseil du Trésor nous ont présenté. C'est une vraie farce!

[Traduction]

M. Gandall: Je crois qu'il est important de faire la distinction entre ce que le gouvernement et les organismes centraux ont dit et le moment où ils l'ont dit, et ce que les ministères ont ensuite dit et fait.

Nous savions bien longtemps à l'avance, comme le gouvernement l'a indiqué au comité, quelles seraient les grandes lignes du programme. On a discuté de l'encouragement à la retraite anticipée et au départ anticipé.

J'ajouterais que notre syndicat ne s'est jamais montré favorable à cet ensemble de propositions lorsqu'elles ont été annoncées par le gouvernement. Nous voulions que tout ce que les syndicats allaient accepter soit soumis à l'approbation des membres par un vote, mais c'est là une autre question.

Le problème, c'est que nous n'avons reçu que les grands principes suffisamment à l'avance et il s'avère, à regarder de plus près les détails de la mesure législative et à examiner les pratiques et les politiques des ministères, qu'il y a de graves omissions en ce qui concerne l'information dont nous et nos membres avons besoin pour prendre des décisions judicieuses quant à leur avenir. C'est surtout là-dessus que nous essayons d'insister dans notre mémoire.

[Français]

M. Loubier: J'avais deux autres questions, monsieur le président, si vous me le permettez.

À la page 4 des recommandations ayant trait aux échanges de remplacement et substibution, vous dites:

Pouvez-vous expliquer un peu plus ce que vous entendez par par cette recommandation?

Deuxièmement, avez-vous demandé à nouveau, récemment, au président du Conseil du Trésor, M. Eggleton, s'il entendait avoir une politique articulée, précise et de contrôle aussi pour la sous-traitance? Ou, avez-vous laissé cela en suspens, depuis le début avril?

[Traduction]

M. Krause: Pour répondre le mieux possible à votre première question, nous vous donnons en exemple ce que nous avons fait en tant qu'association.

Nous avons procédé à un sondage auprès de nos membres et avons obtenu de leur part une liste des employés qui travaillent actuellement dans un ministère peu touché et qui aimeraient quitter le gouvernement, mais qui, semble-t-il, ne peuvent le faire.

.1205

Nous avons aussi obtenu une liste de ceux qui, parmi nos membres, proviennent des ministères qui sont plus gravement touchés par le budget et qui craignent de perdre un emploi qu'ils aimeraient conserver.

À partir de ces deux listes de personnes, des curriculum vitae ou C.V., de leur groupe et de leur niveau d'emploi, il nous a été possible d'identifier les personnes qui pourraient éventuellement échanger leur poste. Nous avons pris ces listes et avons distribué les noms de la cinquantaine de nos membres qui s'y trouvaient dans l'ensemble des services gouvernementaux, dans tous les ministères et organismes.

Nous espérons que les ministères et les organismes étudieront ces listes de façon à voir comment accéder à certaines de ces demandes de déplacement. Si cela leur est possible, ils vont certainement donner à la personne qui souhaite continuer à travailler la possibilité de le faire, lorsqu'un de leurs collègues souhaite au contraire prendre sa retraite. Nous pensons que c'est humain et très raisonnable et que cela cause peu de perturbations dans la fonction publique.

Pour la deuxième question, celle qui concerne la sous-traitance, nous avons préparé un mémoire à l'intention du Comité permanent sur la sous-traitance et nous espérons que les recommandations qui s'y trouvent seront mises en oeuvre le plus tôt possible par le gouvernement.

Notre intérêt pour la question est connu. L'employeur est tout à fait au courant.

[Français]

M. Loubier: Jusqu'à présent, le président du Conseil du Trésor ne s'est pas montré trè accueillant ni chaleureux à l'idée d'avoir un contrôle public de la sous-traitance et une analyse coûts-bénéfices de cette sous-traitance, avant d'y faire appel et avec une comparaison des coûts reliés à ces contrats effectués par des employés gouvernementaux.

[Traduction]

M. Krause: Nous sommes certainement favorables à une étude de tous les coûts et à une juste analyse coûts-bénéfices. L'un des éléments de notre mémoire consistait précisément à identifier l'ensemble des coûts de la sous-traitance, car il nous semblait que le gouvernement n'en tenait pas compte lorsqu'il accordait des contrats. Cela était un élément tout à fait important de notre mémoire.

[Français]

M. Loubier: J'aurais une dernière question. Je suis chanceux, aujourd'hui, j'en ai plus que d'habitude. C'est pourquoi j'aimerais en poser une dernière.

[Traduction]

Le président: C'est parce que vous ne devez pas seulement représenter votre parti, mais aussi le Parti réformiste, aujourd'hui.

[Français]

M. Loubier: Les Réformistes n'ont besoin de personne pour se faire représenter. D'ailleurs, je serais bien mal placé pour exprimer ici le point de vue de l'extrême droite.

Vous parlez d'ambiguïté quant à l'arbitrage. Nous avons également soulevé cette ambiguïté à partir des dispositions du projet de loi. N'est-il pas vrai que, lorsqu'on en arrive à combler des postes à partir d'une liste, par ministère, et non pas sur une base interministérielle, les travailleurs sont à la merci des décisions de leur employeur direct même s'il est sous-ministre, alors qu'auparavant, on parlait d'une liste en fonction de l'ancienneté, en fonction aussi d'un examen par la Commission de la Fonction publique.

Maintenant, on parle d'un arbitrage des hauts-fonctionnaires qui pourrait conduire à des situations de discrimination ou de favoritisme. Avons-nous tort de présenter les choses comme cela ou y a-t-il des risques que cela se produise?

[Traduction]

M. Gandall: La situation actuelle veut que ce soient effectivement les ministères qui décident quels employés sont déclarés excédentaires et lesquels peuvent être déplacés vers des postes vacants. Lorsqu'on abuse de ce processus, on s'adresse au sous-ministre, mais cela constitue seulement une étape intermédiaire; nous n'allons pas trouver ensuite la Commission de la fonction publique.

Nous avons en réalité le droit de nous adresser à la Commission des relations de travail dans la fonction publique pour obtenir une audience d'arbitrage, et nous préférons avoir ce droit, parce que cette Commission, dont les membres sont nommés par décret, nous semble avoir un lien de plus grande indépendance à l'égard des ministères que la Commission de la fonction publique, et nous craignons que cette disposition ambiguë qui figure dans la mesure législative ne retire ce droit à nos membres.

[Français]

M. Loubier: Croyez-vous que c'est une ambiguïté ou ne croyez-vous pas que ce gouvernement n'a plus le goût de discuter avec ses employés et a uniquement le goût d'imposer des baillons, comme cela a été le cas dans le conflit du rail, par exemple, comme cela a été le cas également lorsqu'ils vous ont retiré votre droit à la négociation et votre droit de grève? S'agit-il d'une ambiguïté ou est-ce volontaire? Personnellement, je doute qu'il s'agisse uniquement d'une ambiguïté.

.1210

[Traduction]

M. Gandall: Nous n'avons évidemment pas la réponse à cela non plus, et d'après notre expérience, nous pouvons croire que c'est moins qu'ambigu. Peut-être y a-t-il là intention délibérée, mais comme nous l'avons dit, nous n'en sommes pas sûrs.

Il est possible que les rédacteurs du texte législatif l'aient conçu de façon à empêcher les syndicats de négocier tout changement à la directive qui pourrait être modifiée par le Parlement sans avoir pour autant l'intention de limiter l'accès aux décisions judiciaires. Il est clair qu'au long du processus qui a abouti à la mesure législative et au cours de toutes les consultations que nous avons eues avec les représentants du gouvernement et du Conseil du Trésor, on ne nous a jamais laissé entendre que le droit des employés à contester effectivement les abus de la directive par les ministères serait retiré.

Nous savions qu'il n'y aurait sans doute pas de négociations à propos des directives, mais cet autre élément manquait. Lorsque nous avons étudié de façon approfondie le projet de loi, cela nous a étonnés.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Je pense avoir entendu certains d'entre vous témoigner auparavant devant le Comité des opérations gouvernementales, lorsqu'il était question de la sous-traitance et de questions qui, en fait, intéressent vos deux ministères.

Pour revenir à ceux qui souhaitent obtenir un congé autorisé par opposition à ceux que l'on juge excédentaires, le Conseil du Trésor avait sans doute la possibilité de choisir diverses solutions à cet égard et il a en fait décidé de déclarer ces personnes excédentaires.

Je dois croire qu'elles ont été déclarées excédentaires parce que le gouvernement ne fera plus un travail précis ou parce qu'en fait, nous avons sous-traité ces opérations et dispensé le gouvernement de s'en occuper. Mais il doit y avoir un modèle, une voie à suivre, et il ne devrait donc pas être possible de recaser tout le monde car certains ministères auront disparu et certains postes auront été abolis. Comment cela fonctionnerait-il si l'on reprenait votre suggestion?

M. Krause: Nous ne voulons pas regarder dans un seul ministère. Nous pensons qu'il faut d'abord créer des vacances pour que ceux dont le travail est touché puissent être transférés dans les postes vacants que vous avez créés. La meilleure façon de créer des vacances consisterait à permettre à l'ensemble des fonctionnaires de bénéficier des encouragements au départ anticipé ou à la retraite anticipée de sorte que bon nombre d'employés âgés, ou d'employés ayant dépassé l'âge de 50 ans, quittent la fonction publique, ce qui permettrait de déplacer certains autres employés.

Le président: Il s'agit en effet d'employés très âgés!

M. Krause: C'est là que j'en suis moi aussi.

Mme Brushett: Si on a des employés excédentaires en créant des postes vacants, est-ce que c'est toujours la même chose que d'avoir un employé excédentaire pour un emploi qui n'existe plus?

M. Krause: Non. Si l'emploi n'existe plus parce qu'on l'a supprimé, on a désormais une personne qui n'a plus de travail.

Ce que nous voulons dire, c'est que si nous offrons des encouragements au départ anticipé et à la retraite anticipée à la fonction publique, des employés dont le travail reste nécessaire opteront pour la retraite. Ce faisant, on permet à des employés excédentaires d'occuper ces emplois.

Mme Brushett: On peut donc intégrer un poste excédentaire en l'éliminant tout en permettant parallèlement l'intégration ou la présentation simultanée des deux problèmes.

M. Krause: Oui, entre les différents ministères.

Mme Brushett: Votre association est-elle favorable à la législation qui sert de mise en garde, qui représente un coup de sifflet?

M. Gandall: Ma foi, nous avons...

Le président: Nous occupons-nous des chemins de fer ou... De quoi s'agit-il?

M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): On ne donne un coup de sifflet que lorsqu'on est à un passage à niveau.

M. Gandall: Nous sommes traditionnellement favorables à ce genre de législation. Mais cela n'est pas prioritaire dans la situation actuelle pour notre association.

Mme Brushett: Pensez-vous qu'il y ait un avantage quelconque à essayer de permettre à notre fonction publique d'avoir un meilleur rapport avec la haute direction et de faire connaître ses idées aux échelons supérieurs?

M. Gandall: Certainement. Si on présentait un projet de loi qui constituait un coup de sifflet, nous ne serions pas en train de l'étudier et de nous y opposer dans le cadre d'un comité. Nous l'appuierions.

M. Krause: Dans le contexte des audiences de ce comité, je crois qu'il faut savoir que si d'autres agents de négociation ont proposé cette mesure à ce stade-ci, c'est parce qu'il y a énormément d'anxiété, de tensions et d'appréhension dans la fonction publique parce qu'on ne dispose pas de mécanismes volontaires qui faciliteraient les départs et permettraient de limiter le stress et l'anxiété. Avec toute cette anxiété, cette appréhension et cette insécurité, tout le monde regarde son voisin avec suspicion. Dans un tel contexte, il est nécessaire d'avoir un texte de loi qui mette un terme à cela, qui donne en quelque sorte un coup de sifflet. Croyez-moi, si nous avions des mesures volontaires, aucun de ces problèmes n'existerait.

.1215

M. Calder: Tout ce dont nous nous occupons en ce moment précis, c'est de la réduction des effectifs de l'administration fédérale, que je me plais à voir comme la juste proportion des effectifs gouvernementaux. C'est ce que nous pouvons nous permettre à l'heure actuelle.

Dans les recommandations qui figurent à la page 7, qui ont, à ce que vous dites, été proposées par le Conseil du Trésor, il est question de mettre en place des lignes directrices pour les travaux que l'on se propose de donner à contrat, qui révéleront que nous faisons des économies. On veut un moyen de contrôle qui permette de confirmer l'efficacité et on veut des besoins prouvés; ce sont là des mesures de rentabilité.

Vous recommandez que le gouvernement instaure immédiatement des contrôles suffisants sur la sous-traitance et qu'il adopte des lignes directrices. J'aimerais savoir ce que vous envisagez à cet égard. Dans votre optique, comment devrions-nous procéder?

M. Krause: Voulez-vous parler du contrôle des opérations de sous-traitance?

M. Calder: Oui.

M. Krause: Il faut tout d'abord prendre une première décision quant aux relevés des coûts...[Inaudible]...pour ce que les contrats coûtent généralement. Selon plusieurs observations, on n'a pas suffisamment estimé les prix de revient bien que de nombreux sous-traitants aient été engagés, bon nombre de fonctionnaires s'occupent également de gérer ces contrats au jour le jour, ce qui ajoute aux coûts de la sous-traitance du travail.

D'autres types de frais, d'ordre administratif, ont carrément été oubliés. Il nous semble que si l'on avait tenu compte de la totalité des coûts, on aurait constaté dans de très nombreux cas que la sous-traitance coûtait bien davantage que lorsque c'était nos membres qui faisaient le travail.

Pour vous donner simplement un exemple, nous avons quelques chiffres d'un ministère - je crois qu'il s'agit des Ressources naturelles - qui montrent que les contrats professionnels accordés, l'étaient à un coût quotidien moyen d'environ 575$. Nos membres sont loin de faire cela. Il serait beaucoup plus efficace que nos membres fassent ce travail.

M. Gandall: La recommandation d'un contrôle plus grand de l'opération vient du Comité de la Chambre des communes chargé des opérations gouvernementales. Nous appuyons certainement cette recommandation que nous avons d'ailleurs proposée, comme beaucoup d'autres points. Il y a eu sept mois d'audiences sur la question.

Je ne voudrais pas que notre mémoire vous laisse l'impression que cette recommandation vient de nous. Nous appuyons la recommandation faite par le Comité.

Le président: Il y a une idée à laquelle bon nombre d'entre nous ont beaucoup réfléchi. C'est votre recommandation numéro 1. Vous avez parlé plus tôt de la nécessité de créer 45 000 postes vacants. Vous avez dit que si cela se faisait pour l'ensemble de la fonction publique à titre volontaire, ces 45 000 postes vacants, grâce aux encouragements à la retraite ou aux départs anticipés, se matérialiseraient. C'est bien cela?

M. Krause: C'est cela.

Le président: Cela représente à peu près 14 p. 100...

M. Krause: C'est bien cela.

Le président: ...des fonctionnaires qui profiteraient de ces encouragements. Dans votre groupe particulier, 1 p. 100 seulement des membres ont profité de ces incitatifs. Qu'est-ce qui vous fait penser qu'on pourrait arriver à 14 p. 100?

M. Krause: Tout d'abord, cela dépend des divers domaines de compétences. Cela dépend beaucoup aussi de la courbe de l'âge des fonctionnaires.

Il y a une façon logique de procéder pour cette question de réduction des effectifs; il faut pour commencer s'occuper des moyens volontaires...

Le président: Non. Un instant. Vous avez dit ici: «...éliminera la nécessité des mises à pied involontaires». Nous en arriverions à 14 p. 100 si nous donnions cette possibilité à l'ensemble de la fonction publique.

M. Krause: Certainement.

Le président: Dans votre groupe, ce n'est qu'1 p. 100 lorsque vous donnez cette possibilité à tout le monde.

M. Krause: En ce qui concerne notre groupe et ce 1 p. 100, nous avons beaucoup moins de ressources que les ministères pour ce qui est d'inciter systématiquement les employés âgés et ceux qui le désirent à accepter une prime de départ, et donc pour prendre de telles décisions. Nous représentons les employés qui sont membres de l'association. Nous représentons pas seulement ceux qui paient leur cotisation. Ils n'ont pas l'obligation de devenir membres. Nous n'avons donc pas le même accès que les ministères à l'ensemble des employés.

Il y a autre chose qu'il ne faut pas oublier: les employés ne sont pas plus nombreux à choisir cette solution parce qu'on leur a déjà dit, et c'est souvent leur ministère qui leur a dit, qu'il n'allait pas y avoir d'échanges ou de substitutions interministériels. À notre avis donc, il est tout à fait remarquable que 1 p. 100 en fait de nos membres se soient dit intéressés par le programme alors que toutes ces possibilités semblent encore bien lointaines.

.1220

Le président: Je vous prie de m'excuser. Vous leur avez demandé: si on vous permettait de bénéficier des encouragements à la retraite ou aux départs anticipés, seriez-vous prêt à prendre votre retraite pour créer un poste vacant? Un pour cent seulement de vos membres ont dit oui.

M. Gandall: Non, nous n'avons pas présenté le questionnaire.

Le président: Vous avez dit que vous les aviez sollicités.

M. Gandall: Nous avons dit que nous avons envoyé à nos membres une lettre disant que si l'un d'entre eux souhaitait que l'Association joue un rôle d'intermédiaire et fasse connaître leur curriculum vitae et leur intérêt pour la prime de départ aux autres ministères, nous le ferions. C'est la réponse que nous avons obtenue. Je puis garantir au comité...

Le président: Que disait cette lettre? Disait-elle: «Votre intérêt pour obtenir une prime de départ est permuté»?

M. Krause: Nous avons envoyé une lettre à tous nos membres. Elle a été expédiée aux deux secteurs intéressés. Nous avons demandé à ceux qui auraient aimé quitter la fonction publique et souhaitaient le faire - et il faut dire qu'ils se trouvaient dans le ministère le moins touché - de nous signaler leur intention. De même, nous avons demandé à ceux qui étaient dans les ministères les plus touchés et qui souhaitaient rester de nous signaler également leur intention dans les deux cas.

Le président: J'aimerais que l'on s'occupe d'une chose à la fois et, pour commencer, du nombre de postes vacants qui seront créés. Vous êtes d'accord pour dire qu'il va nous falloir créer 45 000 postes vacants. Il s'agit de savoir comment nous allons y parvenir. Ce que je n'arrive toujours pas à comprendre, c'est que vous disiez dans votre première recommandation que si vous offriez une telle possibilité, comme vous l'avez fait avec vos membres, vous obtiendriez 14 p. 100. Vous n'avez obtenu que 1 p. 100.

M. Krause: Je vous dois des explications supplémentaires. Bon nombre de nos membres ont hésité à se présenter parce qu'ils ont craint qu'en faisant figurer leurs noms sur une liste qui allait circuler, ils pourraient compromettre leurs chances et s'opposer à leur direction. J'ai reçu de nombreux appels téléphoniques dans ce sens; je dirais que pour chaque personne qui a écrit une lettre, j'ai sans doute reçu deux ou trois appels de personnes qui voulaient simplement savoir comment les choses se passaient. Elles souhaitaient qu'on les tiennent au courant et disaient qu'elles pourraient participer par la suite.

Le fait que les ministères n'appuient pas cette opération et ne disent pas à leurs employés qu'ils peuvent y prendre part, fait qu'ils craignent de donner leur nom.

Le président: Je le comprends.

M. Krause: Disons que vous avez raison et que j'ai tort.

Le président: Je ne dis pas que j'ai raison. Je prends simplement vos chiffres.

M. Gandall: J'aimerais répondre à votre question directement, si vous me le permettez. Lorsqu'on parle d'une réduction de 14 p. 100 pour le programme de réduction des effectifs, cela vaut pour une période de trois ans. Nous parlons donc d'une réduction d'environ 5 p. 100 par an. En moyenne, même en période de chômage important, le taux d'érosion des effectifs de la fonction publique est de l'ordre de 2 p. 100 par an. Il ne manque donc plus que 3 p. 100.

Le taux d'érosion des effectifs de 2 p. 100 est fondé sur le nombre de personnes qui démissionnent ou prennent leur retraite, qu'il y ait des encouragements ou non. Ce que nous nous proposons donc de faire, c'est d'accélérer ce taux naturel d'érosion en offrant des incitatifs aux employés qui ne choisiraient pas cette solution autrement. Cela veut dire qu'il manque donc 3 p. 100 pour chaque année du programme de réduction des effectifs échelonné sur les trois prochaines années.

Si vous me permettez de terminer, monsieur le président, nous avons dit que 1 p. 100 déjà de nos membres se sont proposés spontanément. Cela représente environ 50 membres. Nous ne doutons pas un instant que si les encouragements à la retraite et aux départs anticipés étaient accordés à l'ensemble de la fonction publique, nous pourrions obtenir 2 p. 100 de plus de volontaires parmi nos membres - c'est-à-dire environ 100 membres - qui seraient prêts à opter pour les encouragements à la retraite ou aux départs anticipés afin de libérer des postes pour ceux de leurs collègues que l'on déclare excédentaires dans les autres ministères. Ça n'est donc pas si tiré par les cheveux que cela semble.

Le président: Même si nous n'obtenions pas 100 p. 100, comme vous l'avez dit...

M. Gandall: J'ai dit 100 membres.

Le président: ...vous maintenez que cela vaut la peine. J'ai l'impression que vous pourriez trouver des gens qui penchent pour ce point de vue au sein du comité.

M. Krause: Merci.

M. Gandall: Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir permis de faire valoir notre point de vue, car c'est important; nous le comprenons bien.

Le président: Au nom de tous les membres, je tiens à dire que votre exposé est tout à fait opportun puisque nous devons recevoir cet après-midi le ministre. Nous pourrons peut-être lui soumettre certains de ces points. Merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir vous adresser au comité.

M. Krause: Merci.

Le président: La séance est levée. Nous reprenons cet après-midi à 15h30.

;