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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 15 août 1995

.1303

[Traduction]

Le président: À l'ordre.

Le premier témoin que nous accueillons cet après-midi représente la Société canadienne d'évaluation du crédit. Il s'agit de M. Brian Neysmith, président, qui est accompagné de Mme Maria Berlettano, chef du Groupe des services financiers.

Nous avons hâte de vous entendre. Merci d'avoir accepté de vous joindre à nous.

M. Brian Neysmith (président, Société canadienne d'évaluation du crédit): Merci beaucoup, monsieur le président. Je tiens à dire que nous vous sommes reconnaissants d'avoir l'occasion de parler au comité aujourd'hui des diverses questions que soulève le projet de loi C-100.

J'aimerais commencer en vous donnant quelques renseignements sur la Société canadienne d'évaluation du crédit afin que vous puissiez situer nos observations dans leur contexte.

J'ai fondé la Société canadienne d'évaluation du crédit en 1972. Le Canada se distingue parmi les autres pays du monde pour avoir établi, le premier après les États-Unis, un service d'évaluation du crédit.

Au fil des années, nous avons contribué, soit à titre d'experts-conseils, soit à titre de consultants à l'établissement de services d'évaluation du crédit à travers le monde. Aujourd'hui, nous évaluons quelque 300 entreprises canadiennes et environ 120 administrations gouvernementales - au niveau municipal et provincial - ainsi que diverses sociétés d'état. Notre personnel comprend 24 analystes, et toutes nos publications sont achetées et lues par plus de 2 000 professionnels de l'investissement dans tout le Canada.

Par l'entremise des services de liaison électronique de Bloomberg et Reuters, nous avons accès à travers le monde à environ 270 000 terminaux qui nous servent essentiellement à fournir directement des renseignements de base sur ce qui se passe au Canada.

En se plaçant du point de vue du comité, il est intéressant de noter que, sur le plan pratique, le rôle des évaluations a changé au fil des années. Lorsque nous avons lancé le service, il y a environ24 ans, nous fournissions essentiellement nos informations à des investisseurs institutionnels. Il s'agissait de fonds de pension, de compagnies d'assurance-vie, de banques, de sociétés de fiducie - des organismes qui étaient responsables de la gestion de fonds institutionnels. Aujourd'hui, notre service s'adresse principalement aux épargnants.

Les institutions continuent de faire appel à nous, mais la plupart des épargnants canadiens nous considèrent comme l'organisme qui juge à leur intention de la qualité du crédit. Par voie de conséquence, nous sommes aujourd'hui beaucoup plus une société publique d'évaluation qu'une compagnie privée de consultants en analyse financière, comme nous l'étions au début. Cela a modifié, dans une certaine mesure, nos priorités et la façon dont nous effectuons un grand nombre de nos analyses, ainsi que les sources d'information que nous utilisons et la présentation de nos conclusions à nos clients.

Pour qu'un service d'évaluation soit véritablement crédible, il faut qu'il fonde la plupart de ses analyses sur ce qu'il estime être des renseignements d'excellente qualité et parfaitement à jour.

De notre point de vue, la majeure partie des initiatives proposées dans le projet de loi C-100 doit essentiellement permettre d'obtenir beaucoup plus de renseignements des institutions financières.

J'aimerais signaler que, par comparaison, beaucoup de sociétés industrielles et de services publics que nous couvrons ont, en règle générale, largement divulgué par le passé des renseignements à caractère financier.

Il suffit d'assister à une audience du CRTC ou de l'ONE devant lesquels les divers services publics doivent comparaître pour voir quel est le genre d'informations financières que ces sociétés doivent fournir et quels détails elles doivent donner. Naturellement, tout ce processus est public.

Pendant bien des années, les institutions financières ont rejeté l'idée de divulguer des renseignements financiers substantiels les concernant. Lorsque nous avons commencé à évaluer les banques canadiennes, il y a quelque 18 ans, la plupart d'entre elles se sont senties quelque peu mortifiées à l'idée que quelqu'un allait tenter d'émettre une opinion sur la qualité du crédit des banques à charte canadiennes. Aujourd'hui, il y a encore un bon nombre de sociétés de fiducie de petite envergure ainsi que de compagnies d'assurance-vie qui rejettent l'idée de divulguer plus largement des renseignements financiers les concernant.

Je peux dire que les banques à charte canadiennes, particulièrement les six plus grandes, ne pourraient pas faire mieux et pourraient sans doute aujourd'hui servir de modèles pour illustrer ce que l'on entend par «divulgation substantielle de renseignements financiers».

.1305

C'est très important pour nous car la qualité et l'envergure de nos évaluations sont directement liées à la quantité de données que nous obtenons. Il est possible qu'une société d'évaluation n'obtienne pas toutes les informations requises sur un sujet particulier. Autrement dit, nous pouvons faire une évaluation à partir d'une série de renseignements qui est loin d'être complété. Toutefois, dans la plupart de ces cas-là, nous revoyons notre évaluation à la baisse pour tenir compte du fait que, de notre point de vue, il y a des blancs. Par conséquent, un bon nombre des propositions concernant la divulgation de renseignements que l'on trouve dans le projet de loi s'avéreraient très utiles pour rétablir ce que nous avons considéré pendant de nombreuses années comme un déséquilibre entre le genre de divulgation de renseignements que l'on exigeait d'organismes réglementés, notamment dans le secteur des services publics, et celle que les règlements prescrivaient aux institutions financières.

Il y a un autre point sur lequel les services d'évaluation doivent se montrer très prudents. Lorsqu'on évalue des institutions financières, il faut prendre garde de ne pas être à l'origine de la chose que nous craignons le plus dans leur cas, c'est-à-dire semer la panique parmi les déposants. Par conséquent, tout comme Moody's ou Standard & Poor's, nous faisons tout notre possible pour donner à une institution financière assez de liberté d'action pour régler le problème, alors que dans le cas des sociétés industrielles ou des services publics, dont la situation ne se détériore pas généralement aussi vite que celle d'une institution financière, on peut ajuster les évaluations de façon plus graduelle.

Donc, les autres moyens dont vous proposez de doter le Bureau du surintendant des institutions financières ou la Société d'assurance-dépôts du Canada pour leur permettre d'intervenir très tôt au cas où des institutions financières auraient un problème, nous paraissent très utiles; en effet, ce que l'on veut éviter avant tout lorsqu'on détient une obligation ou que l'on a fait un dépôt dans une institution financière qui fait face à quelques difficultés, c'est de voir l'institution en question faire faillite - personne n'y gagne. Personne n'y gagne non plus lorsqu'on prédit qu'une institution financière va flancher.

Donc, de notre point de vue, il est utile d'intervenir tôt lorsqu'une institution financière fait face à des problèmes. Nous sommes par conséquent tout à fait en faveur de la plupart des dispositions du projet de loi qui portent sur ces deux points, aussi bien en ce qui concerne le Bureau du Surintendant des institutions financières que la SADC.

L'autre chose qu'il est peut-être intéressant de noter est la suivante: au cours des 24 dernières années, un certain nombre d'institutions financières ont fait face à des difficultés d'ordre financier. Lorsque nous analysons la situation après coup, ce que nous faisons dans le cas de toute entreprise qui a des problèmes est que nous nous demandons ce que nous aurions pu faire de plus, ce que nous aurions pu voir plus tôt, ce qui, en quelque sorte, nous a échappé. Dans bien des cas, lorsque nous faisons une dernière analyse de ces organismes, nous découvrons que les renseignements que l'on nous a fournis à l'origine sur la situation financière de l'entreprise était, soit carrément erronés, soit présentés sous un faux jour afin de donner un bulletin de santé plus rassurant qu'il aurait dû être.

Nous savons également pertinemment que, si nous examinons les états financiers vérifiés établis un an avant que l'institution connaisse des difficultés, très souvent, rien ou presque rien, ne laisse entrevoir qu'un secteur de l'organisme traversait à l'époque une crise grave. Par conséquent, les mesures proposées dans ce projet de loi pour exiger la divulgation de renseignements plus complets s'avéreraient très utiles pour nous permettre d'avoir accès à d'autres données financières sur un organisme et de les examiner afin de nous faire une idée des perspectives d'avenir de l'entreprise en question.

Par définition, les services d'évaluation ont certains handicaps. Nous n'avons aucun pouvoir législatif. Nous ne sommes pas vérificateurs. Nous ne sommes pas avocats. Toutes nos analyses se fondent sur une interprétation de ce que nous croyons être des informations factuelles sur la situation d'une entreprise donnée. Par conséquent, la divulgation d'informations financières est une chose dont nous sommes entièrement tributaires.

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Il y a un autre point dans le mémoire que je veux porter à l'attention du comité.

On a monté en épingle le contrôle que pourrait exercer la SADC et le Bureau du surintendant des institutions financières sur le rôle ou les activités des institutions financières. La longue expérience que nous avons accumulée dans ce domaine nous permet de dire que, dans certains cas, on ne peut pas faire grand-chose pour éviter qu'une institution se retrouve avec des mauvaises créances ou se lance dans une mauvaise stratégie d'investissement; mais nous savons également que toutes les institutions financières qui possèdent une gamme d'actifs de différentes catégories - autrement dit, dont les actifs sont très diversifiés - sont mieux protégées que les autres contre les difficultés d'ordre financier.

Lorsqu'on examine les éléments de l'actif portés au bilan de la plupart des institutions qui ont eu un problème, on s'aperçoit que les investissements ou les prêts étaient fortement concentrés dans une catégorie, une industrie ou une région donnée. Lorsque cette industrie ou cette région a connu des difficultés, l'institution n'avait absolument aucun moyen de minimiser l'impact du coup que cela allait lui porter.

Les institutions qui ont habituellement diversifié à l'extrême leurs éléments d'actifs à travers les industries, les régions et les catégories ont en général survécu.

Étant donné que la plupart des institutions financières fonctionnent en s'appuyant sur un fort coefficient de levier financier, en général, un ratio d'endettement de 15 sur 1 ou de 20 sur 1, cela ne laisse pas grande marge pour des erreurs sérieuses.

Si une part substantielle de votre actif est placée quelque part et que ce secteur connaît des difficultés, en général, il ne vous reste pas de de fonds propres.

Cela m'amème au troisième point que je voudrais soulever: nous aimerions beaucoup que les institutions financières aient la possibilité de lever de véritables capitaux propres. Je dis bien de véritables capitaux propres, pas ce semblant de fonds propres que nombre d'entre elles lèvent parfois. En effet, en fin de compte, ce sont uniquement ses capitaux propres qui permettent à une institution financière d'essuyer divers types de pertes.

Je sais que dans ce projet de loi, on propose que la SADC calcule les primes de risque des diverses entreprises en fonction de la valeur intrinsèque de leurs fonds propres, ce que nous recommandons fortement. On procède ainsi dans un certain nombre de pays étrangers et, de notre point de vue, cela renforcerait beaucoup la position de toute institution financière.

Monsieur le président, j'ai débité mon discours à toute vitesse pour ne pas dépasser les 10 minutes qui m'étaient imparties. Nous avons mis nos commentaires par écrit dans un document que nous avons remis à la greffière.

Je serais maintenant heureux de répondre à toute question portant sur les points que nous avons soulevés ou sur des points connexes.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Neysmith.

[Français]

Monsieur Loubier, vous n'avez pas de questions pour le moment?

[Traduction]

Madame Stewart.

Mme Stewart (Brant): Je vais d'abord faire une observation à propos de l'une de vos remarques et je poserai ensuite une question.

On nous rabâche continuellement, notamment nos collègues du Parti réformiste, que le gouvernement doit laisser les entreprises se débrouiller, que l'économie de marché peut très bien s'en tirer toute seule, merci. Vous avez dit que l'on ne divulguait pas toujours les renseignements que vous souhaitiez obtenir, et il me semble que, dans ce domaine, le gouvernement joue un rôle-clé pour assurer que le marché fonctionne avec toute l'efficacité et l'efficience voulue. Est-ce cela que vous demandez?

M. Neysmith: C'est exact, je crois. En dernière analyse, peut-être que le marché n'est pas parfait, mais la divulgation est certainement un instrument très efficace pour analyser les informations financières. L'appui du gouvernement, notamment sur le plan du règlement qui permettrait d'exiger des institutions qu'elles se mettent à nu, en quelque sorte, constituerait un énorme avantage.

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Si le gouvernement assure les dépôts, alors, l'épargnant ne se soucie pas particulièrement de savoir à quelle institution il prête son argent. En règle générale, il va prêter son argent là où il va obtenir le plus haut taux d'intérêt et, tant qu'il verra sur la porte l'étiquette rouge et blanche de la CADC, il ne va pas se livrer à ce genre d'analyse.

Par contre, sur le plan de la divulgation des informations financières, une institution qui se concentre sur ce que nous appelons le marché monétaire de gros, c'est-à-dire de grosses sommes d'argent provenant d'autres institutions, devrait procéder d'une autre manière.

Étant donné que le gouvernement a établi la CADC et le principe de l'assurance-dépôts, un bon nombre d'institutions financières, notamment les plus petites, diraient simplement à un épargnant, soit: «Nous sommes une entreprise privée», soit: «Qu'est-ce qui vous inquiète? Assurez-vous seulement de ne pas dépasser 60 000$. Que vous importe ce que nous faisons avec l'argent ou ce à quoi ressemble notre bilan?»

En instituant une assurance comme celle de la CADC, le gouvernement provoque parfois la réaction contraire et l'institution peut dire: «Nous ne sommes pas obligés de divulguer de renseignements financiers.»

De notre point de vue - et c'est nous qui faisons les évaluations de crédit - ce qui a changé au cours des 15 ou 20 dernières années, c'est tout ce qui a trait à la gestion de la richesse; à l'heure actuelle, les particuliers disposent en général de sommes d'argent qui dépassent largement la limite de 60 000$. Ils sont maintenant beaucoup plus préoccupés à l'idée d'investir plus de 60 000$ dans une certaine institution, et ils se posent des questions sur la sécurité de leurs dépôts.

Mme Stewart: Je présume que vos services ne sont pas gratuits. Je vois dans la documentation que vous nous avez fournie que vous demandez de pouvoir disposer des renseignements recueillis dans le cadre des sondages effectués par le Bureau du surintendant des institutions financières et d'autres organismes gouvernementaux. Êtes-vous prêt à payer pour obtenir ces renseignements?

M. Neysmith: Nous avons un gros budget de dépenses. Nous dépensons environ 50 000$ par an pour recueillir des renseignements dans certaines publications et en puisant à diverses sources. L'information joue un rôle essentiel dans notre secteur d'activités et nous avons toujours payé pour l'obtenir.

Mme Stewart: Pensez-vous que vous devriez payer si cela vient du gouvernement?

M. Neysmith: Je ne vois aucune raison pour qu'il en soit autrement. Nous ne vous fournissons pas nos services gratuitement, alors, pourquoi ne serait-ce pas la même chose dans l'autre sens?

Mme Stewart: Précisément. Merci.

Mme Maria T. Berlettano (gestionnaire, Groupe de services financiers, Société canadienne d'évaluation du crédit): J'aimerais ajouter quelque chose à ce propos. À l'heure actuelle, nous sommes abonnés au service d'information électronique du Bureau du surintendant des institutions financières, appelé Ivation. Nous sommes également abonnés à La Gazette du Canada. Nous sommes donc prêts à payer pour obtenir des renseignements que nous jugeons utiles.

Le président: Je suis sûr que vous passez beaucoup de temps à lire La Gazette du Canada, comme nous tous.

Mme Stewart: À cause des nominations.

Mme Berlettano: C'est très intéressant - une bonne chose à avoir sur sa table de chevet.

Le président: C'est certainement une de mes lectures favorites.

M. Walker (Winnipeg-Nord-Centre): Dois-je comprendre, d'après votre mémoire, que les institutions financières refusent régulièrement de répondre à vos demandes d'information?

M. Neysmith: Pas régulièrement. Les institutions financières nous donnent des renseignements qui sont rendus publics.

Ce dont nous nous plaignons, c'est que, premièrement, les renseignements qui sont rendus publics sont, dans la plupart des cas, périmés et, deuxièmement, ce qui est rendu public par une institution financière n'est parfois pas suffisant pour que nous puissions évaluer cet organisme en respectant à la lettre l'obligation de prudence et de diligence. Ces institutions ne font aucune difficulté pour nous donner les renseignements qu'elles rendent publiques, mais si elles peuvent s'abstenir de divulguer quelque chose, il y en a beaucoup qui le font. Elles disent simplement: «Ce sont des informations privilégiées. Rien ne nous oblige à vous les donner. Par conséquent, vous ne les aurez pas.»

Dans la plupart des cas, nous ne pouvons pas respecter l'obligation de prudence et de diligence et par conséquent, nous ne faisons pas d'évaluation.

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M. Walker: Faites-vous quelquefois état de ce refus dans vos rapports?

M. Neysmith: Non, tout simplement parce que nous n'évaluons pas l'entreprise en question. De notre point de vue, les 420 organismes emprunteurs que nous évaluons constituent notre écurie, et c'est à eux que nous recommandons aux investisseurs de s'intéresser. S'il y a 10, 15 ou 20 entreprises que nous n'évaluons pas, ce n'est pas toujours parce que nous n'avons pas obtenu les renseignements financiers requis. Parfois, nous trouvons simplement que c'est une entreprise si risquée qu'elle ne devrait pas faire partie du domaine public pour ce qui est des investissements. Il peut y avoir deux sortes de raisons à notre décision de ne pas évaluer une certaine entreprise.

M. Walker: C'est une question qui retient mon attention car, même si je ne suis pas sûr que ce soit explicite, vous nous demandez de prendre, d'une manière ou d'une autre, des dispositions législatives obligeant ces entreprises à divulguer plus de renseignements. C'est ce que ma collègue nous suggérait. Je ne vois pas bien pourquoi les entreprises qui recherchent la faveur du public et le soutien des consommateurs ne donnent pas sur elles-mêmes une foule de renseignements. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Dimanche, j'ai lu un article dans le New York Times sur une des plus grosses compagnies américaines, Fidelity, qui a un fonds de 22 milliards de dollars. On y donnait des détails sur les principaux investissements de la compagnie, les pourcentages que cela représentait, les entreprises dans lesquelles elle investissait, la part de son portefeuille que cela représentait. On ne trouve pas souvent ce genre d'article dans les journaux canadiens.

Y a-t-il ici quelque chose dans la culture institutionnelle qui touche la divulgation de renseignements dont vous aimeriez nous parler? Pensez-vous qu'il incombe au gouvernement fédéral de prendre des mesures législatives régissant la divulgation de renseignements?

M. Neysmith: Les marchés financiers canadiens ont mis du temps à conclure que l'information devait être gratuite et accessible à tous. Aux États-Unis, il y a dans ce milieu une culture un peu différente. Là-bas, on ne peut émettre un titre quel qu'il soit à moins qu'il n'ait fait l'objet d'au moins deux évaluations. Au Canada, il est encore possible de s'en passer, tout simplement parce qu'un bon nombre des mécanismes qui existent au sein de la communauté financière canadienne permettent encore de procéder ainsi.

Par conséquent, beaucoup d'entreprises estiment être les mieux placées pour porter un jugement de valeur à leur propre égard. Cette attitude est en train de changer petit à petit. À une certaine époque, les banques canadiennes se montraient fort peu disposées à divulguer des informations. Or, si nous pouvions obtenir de toutes les compagnies de fiducie et d'assurance-vie les mêmes renseignements que nous fournissent les principales banques à charte canadiennes, nous ne serions pas ici aujourd'hui. Nous serions tout à fait satisfaits.

C'est vers cela que se dirige tout doucement le marché. Nous n'y sommes pas encore. Une chose est certaine, nous apprécierions beaucoup et nous soutiendrions sans réserver toute initiative prise par un organisme ou un gouvernement qui favoriserait ou qui encouragerait ce genre de chose.

En soi, cela n'éliminera pas les échecs. Il y aura toujours des sociétés qui fermeront leurs portes, peu importe la quantité d'information disponible. Par contre cela permettra sans doute d'examiner de plus près des entreprises qui, sans compter parmi les plus grosses ou les plus importantes jouissent d'un excellent crédit, mais ne sont pas très connues. Aujourd'hui, d'une façon ou d'une autre, elles disent simplement qu'elles ne sont pas tenues de fournir des renseignements et que par conséquent, elles ne le feront pas.

Il faut du temps pour que les gens apprennent, si je puis m'exprimer ainsi, à ouvrir leur coeur aux analystes qui se présentent à leur porte et qui veulent obtenir des informations à tel ou tel tite.

M. Walker: Suggérez-vous des amendements au projet de loi C-100 afin que l'on fournisse de meilleurs renseignements au public?

M. Neysmith: Si j'ai bien compris, à l'heure actuelle, vous avez la possibilité, si le surintendant des institutions financières le souhaite, d'obliger - le verbe «obliger» n'est peut-être pas le bon - de demander aux entreprises de fournir un supplément d'information dont dispose peut-être actuellement le surintentant, mais qui n'est pas donné au public. Nous voulons davantage de renseignements. Nous aimerions que le public puisse obtenir davantage d'information.

Maria a parlé du service Ivation. Si vous examinez ces données financières, vous vous rendrez compte qu'un bon nombre de renseignements sont supprimés. Il se peut que certains ne soient pas nécessairement utiles à notre analyse, mais nous ne le savons pas. Notre rôle d'analystes financiers est de rechercher tous les renseignements que nous pouvons obtenir et de déterminer ensuite ce qui est utile à notre analyse et ce qui ne l'est pas.

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Dans le milieu de l'évaluation du crédit, si vous ne pouvez pas obtenir un renseignement, vous partez du principe qu'il est négatif. Même si ce n'est pas le cas, il faut partir du principe que ce renseignement est négative et l'évaluation doit en tenir compte. Nous ne sommes pas toujours très heureux d'avoir à procéder ainsi et nous estimons que ce que vous avez proposé pourrait être d'une grande utilité.

Mme Berlettano: Je voudrais faire quelques observations sur l'importance aux yeux de CBRS des dispositions législatives exigeant la divulgation de renseignements supplémentaires. CBRS est d'avis que, dans l'intérêt public national, il faut que le système financier canadien demeure stable, qu'il ne subisse pas de perturbation afin qu'à l'avenir, le Canada occupe une place importante dans l'industrie des services financiers qui se mondialisent de jour en jour.

Selon la règle en vigueur dans les marchés financiers - c'est-à-dire les marchés monétaires et les marchés de capitaux à long terme - si une institution financière veut y participer, il faut qu'elle obtienne une évaluation. Aux États-Unis, il faut au moins deux évaluations établies par des sociétés indépendantes. Au Canada, le plus souvent, une seule évaluation est jugée acceptable par les investisseurs.

Les investisseurs institutionnels ont assez d'influence et de pouvoir pour exiger que l'institution soit évaluée avant d'avoir accès aux marchés financiers. Par contre, les épargnants, les simples particuliers comme ma grand-mère, votre mère ou votre père, n'ont malheureusement pas ce genre d'influence. Étant donné que le gouvernement du Canada a décidé de veiller sur les intérêts des épargnants, il a instauré ce que nous appelons l'assurance-dépôts. Je suppose qu'en établissant la SADC, le gouvernement a décidé de représenter les épargnants.

Comme nous le savons tous, la SADC a dû faire face aux problèmes découlant d'un certain nombre d'échecs financiers au cours de la dernière décennie. On a pu voir dans certains documents d'orientation des graphiques démontrant qu'il serait peut-être dans l'intérêt de la SADC de faire connaître, non seulement aux investisseurs institutionnels, mais également aux particuliers, les divers risques associés à l'investissement de l'épargne.

La Société d'évaluation du crédit joue un rôle important auprès de la communauté des épargnants en lui donnant les renseignements dont elle a besoin pour juger les mérites des diverses institutions financières et apprécier les choix qui peuvent être faits.

La SADC obtient beaucoup de données, tout comme le Bureau du surintendant des institutions financières, mais n'a pas pour mission d'informer les investisseurs ni de fournir une évaluation, ce qui n'est d'ailleurs approprié ni dans le cas de la SADC, ni dans celui du Bureau du surintendant des institutions financières. Les services d'évaluation du crédit peuvent, par contre, le faire. Si la loi élargissait l'obligation de divulguer des renseignements, cela fournirait aux services d'évaluation du crédit des données qu'ils pourraient utiliser afin de classer les institutions par niveaux de risque, ce qui permettrait aux épargnants de faire des choix éclairés et peut-être de moins compter sur les garanties et le sentiment de sécurité que leur assure la SADC.

Le président: Évaluez-vous des entreprises canadiennes dont le crédit est affecté par le prochain référendum au Québec?

Mme Berlettano: À l'heure actuelle, nous publions des évaluations sur la Banque nationale du Canada, la Banque Laurentienne du Canada, ainsi que la Société générale dont les activités au Québec sont très importantes.

Le président: Pensez-vous que le référendum a un impact sur l'évaluation du crédit d'une entreprise?

Mme Berlettano: Oui. La Banque nationale du Canada - et l'on peut trouver cette information dans notre dernier rapport sur cette banque - est une banque à charte qui se considère comme une institution nationale. Au cours des cinq dernières années, elle a essayé de diversifier ses opérations et de s'installer ailleurs qu'au Québec, aux États-Unis et en Ontario. Les opérations de la Banque nationale du Canada aux États-Unis, qui représentent vraisemblablement environ 10 p. 100 de ses avoirs totaux, ne sont devenues rentables que l'an dernier seulement. En Ontario, cette banque compte une trentaine de succursales; elles ne font pour l'instant pas une contribution positive à sa rentabilité.

.1330

Nous pensons que les profits de la Banque nationale dépendent très largement de ses opérations au Québec. Nous faisons cette affirmation dans notre rapport de recherche sur les investissements et ces renseignements sont mis à la disposition de nos abonnés. Il s'agit là d'un facteur important dans l'établissement de sa cote, qui est légèrement inférieure à celle des autres banques canadiennes de l'annexe I.

[Français]

Le président: Monsieur Loubier, je sais que vous aimeriez poser une petite question.

M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Non, parce que je ne veux pas vous laisser conclure avec cela.

Le président: Je le savais.

M. Loubier: Je pense que les dernières cotations qui ont été annoncées, que ce soit ici ou ailleurs, l'ont plutôt été en fonction du rendement, de l'efficacité des paliers de gouvernement, par exemple, et de leur capacité de contrôler l'évolution de la dette à moyen terme.

Quand on regarde les analyses de Standard & Poor's Corporation ou de Moody's Investors Service, on voit qu'elles ont tenu compte de l'évolution du moyen terme, mais pas du tout de l'évolution du débat constitutionnel, lequel est perçu comme un événement qui n'aura pas d'impact sur la rentabilité des entreprises ou sur la performance des gouvernements. Elles s'attardent plutôt à l'évolution de la dette ou à la mauvaise gestion des finances publiques.

Les deux seules agences de cotation qui ont pris le débat constitutionnel en considération, sont la Dominion Bond Rating Service Limited et la vôtre. Je pense que quand vous êtes Canadiens, quand vous vivez le débat référendaire, c'est certain que l'émotivité joue beaucoup plus que l'évaluation objective qu'on a eue des grandes agences de cotation américaines. Je pense que vous devriez faire attention à cela parce qu'on ne vous croit plus tellement à cet égard.

[Traduction]

M. Neysmith: J'ai participé à un panel aux côtés de Moody's et de Standard & Poor's et on nous a justement posé cette question. Leur réponse, donnée jusqu'à un certain point à huis clos - cela n'a en effet jamais été publié dans les journaux - était qu'ils trouvaient inconcevable qu'une province canadienne se sépare du reste du pays. Ils pensent que les gens voteront non au référendum, que le Québec maintiendra son statut de province et que, par conséquent, ce sera un «non-événement» du point de vue du marché.

Vous avez raison de dire que nous-mêmes et la DBRS n'avons pas été aussi catégoriques. Nous avons en effet évoqué la possibilité que le Québec se sépare et dit que si c'était le cas, cela aurait une très forte incidence sur les institutions financières, sur la dette provinciale et même sur la dette du gouvernement canadien.

[Français]

M. Loubier: Je peux vous dire, monsieur Neysmith, que toutes les fois qu'on nous rapporte des informations comme ça, qui proviennent du huis clos... Vous dites qu'on vous a dit cela à huis clos. Nous, on se sert des informations qui sont publiques.

Il y a eu une réunion des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre aux États-Unis, avec les premiers ministres du Québec et des Maritimes, et tous les gouverneurs ont été quasi-unanimes: un Québec souverain continuerait à faire des affaires avec les États-Unis, et avec la Nouvelle-Angleterre en particulier. Alors, moi, des informations à huis clos comme celles que vous nous rapportez, des arguments un petit peu fallacieux qui sont invérifiables, je ne peux pas attacher d'importance à cela.

Je pense à d'autres rencontres publiques qu'on a eues aussi. On a rencontré des ministres des Finances d'autres pays, des émissaires politiques, et ces gens-là ne se sont pas montrés du tout inquiets du vote démocratique auquel le Québec va prendre part prochainement.

Je vous dirais que le problème n'est pas juste québécois, il est aussi canadien. Quand vous dites que ça fait 35 ans que le Québec se bat pour tenter d'avoir la place qui lui revient selon le pacte des deux peuples fondateurs de 1867, il n'y a pas juste le Québec qui est responsable de l'état du débat constitutionnel actuel, mais les Canadiens aussi parce qu'ils n'ont pas voulu régler cette question-là une fois pour toutes. Alors, cessez d'avoir des analyses unilatérales qui se basent sur des propos tenus à huis clos et qui ont pour objet premier de ternir la réputation des souverainistes. Cessez de rejeter la balle uniquement dans notre camp, alors que vous êtes, comme Canadiens, aussi responsables que nous de la situation de mésentente qu'on connaît depuis 35 ans.

.1335

Le président: Merci, monsieur Loubier.

M. Loubier: Merci.

Le président: Monsieur Neysmith, quelques mots.

[Traduction]

M. Neysmith: Notre analyse ne se fait bien sûr pas à huis clos. Nous avons fait une analyse très approfondie de la situation au Québec et de ce qui pourrait se produire. C'est pourquoi je pense que nous avons satisfait à vos critères en matière d'ouverture et de précision dans notre évaluation des conditions qui prévaudraient si le Québec devait se séparer.

Ce qu'ont dit les gouverneurs des États de la Nouvelle Angleterre est tout à fait juste. Nous n'avons aucune objection à ce qu'ils ont dit. Faire affaire dans le domaine des biens et services et prêter de l'argent sont deux activités très différentes. Selon que vous êtes prêteur ou que vous vous intéressez à la vente de biens et de services, votre vision peut être très différente. Tout dépend de ce que vous voulez.

Sans vouloir qu'on se lance dans un débat très chaud sur la question de savoir si c'est là la situation, du point de vue de la Société canadienne d'évaluation du crédit, l'objet du projet de loi - les mécanismes d'intervention précoce dont pourrait se prévaloir le Bureau du surintendant des institutions finacncières, la divulgation de renseignements financiers supplémentaires... Toutes ces choses sont des innovations positives sur le plan de la cotation des obligations et nous serions très favorables à l'adoption et à la mise en oeuvre très rapide du projet de loi.

Le président: Selon vous, les cotations seront supérieures, ce qui signifie que le loyer de l'argent sera inférieur, quand nous serons plus concurrentiels et que nous bénéficierons tous de ces nouvelles tendances.

Nous vous sommes tous reconnaissants d'être venus nous rencontrer ici aujourd'hui. Cela nous intéresse toujours de savoir comment le secteur privé va réagir sur le plan cotation à ce que nous nous proposons de faire en ce qui concerne les institutions financières. Ces institutions, qui sont très importantes pour nous, sont très puissantes, non seulement à l'intérieur de nos frontières, mais également à l'échelle internationale.

J'aimerais, au nom de tous les membres du comité, vous remercier pour l'excellent exposé que vous nous avez fait ici aujourd'hui.

Le témoin suivant est M. Jack Carr, professeur d'économie, du Canadian Institute for Policy Analysis à l'Université de Toronto.

M. Jack Carr (professeur, Canadian Institute for Policy Analysis, Université de Toronto): Je suis désolé de n'avoir pas préparé de texte à l'intention du comité. Mais même si j'en avais un, je ne vous l'aurais pas lu. Déformation professionnelle. J'ai tendance, dans mes cours, à me lancer dans toutes les directions, mais je vais ici m'efforcer de m'en tenir au projet de loi C-100.

Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité à comparaître devant lui cet après-midi.

Le projet de loi C-100, s'il est adopté, mettra en oeuvre nombre des mesures esquissées dans le Livre blanc intitulé «Renforcer et assainir le secteur des services financiers canadiens». Le projet de loi C-100 apporte essentiellement deux changements par rapport au livre blanc. En effet, le gouvernement a décidé de ne pas aller de l'avant avec les restrictions concernant le cumul de comptes de dépôt assurés dans des institutions de dépôt apparentées et il a également décidé de poursuivre son examen de sa proposition visant la création d'un office de protection des souscripteurs.

.1340

Ces deux changements sont souhaitables et je tiens à féliciter le gouvernement d'avoir réagi aux inquiétudes que ces deux propositions énoncées dans le livre blanc avaient suscitées.

Certains aspects du projet de loi C-100 continuent néanmoins de me préoccuper. Je ne pense pas que le projet de loi, dans son ensemble, réalisera l'objectif visé, soit le renforcement et l'assainissement du secteur des services financiers canadiens.

Le projet de loi C-100 propose que les primes d'assurance-dépôts imposées aux membres de la SADC soient fondées sur les risques. Il recommande une légère augmentation de la divulgation de données obtenues par le BSIF et rend plus explicite le mandat général du BSIF et ses pouvoirs d'intervention.

Il représente néanmoins un rejet de la demande d'une réforme en profondeur de la réglementation et de la protection des consommateurs à l'intérieur du secteur des services financiers canadiens.

Il n'appuie aucune forme de coassurance ou d'autre incitation au contrôle et à la discipline du marché par les déposants et les détenteurs de polices.

Il affirme que, l'actuel système de réglementation étant approprié dans le contexte canadien et essentiellement sain, il suffit de le peaufiner. Je pense pour ma part que le système canadien actuel n'est pas essentiellement sain.

Dans la pratique, peaufiner signifie accorder davantage de pouvoirs aux organes de réglementation, stipuler de façon plus précise les critères en matière d'interventions et embaucher davantage d'agents de réglementation.

Je pense que les problèmes du système canadien des services financiers sont dans une large mesure le fait de l'importance excessive accordée à des régimes de réglementation publique de protection des consommateurs qui retirent aux institutions financières la discipline de marché. L'augmentation de la portée et de l'intensité de la réglementation telle que proposée dans le projet de loi C-100 ne va vraisemblablement pas régler ce problème.

Permettez-moi de laisser quelques instants de côté le projet de loi C-100 pour vous faire un résumé des 70 ou 80 dernières années d'histoire du secteur des services financiers canadiens... Je serai très bref, vu le temps dont nous disposons.

Je tiens à souligner ceci: Avant 1967, avant l'instauration de l'assurance-dépôts au Canada, le système canadien de services financiers fonctionnait bien. Je pense qu'il faisait l'envie du reste du monde.

Lorsque je donne mes cours à l'Université de Toronto et que je dis à mes étudiants qu'il n'y a pas toujours eu d'assurance-dépôts, ils ont du mal à le croire. La plupart d'entre eux sont nés depuis 1967 et ils ont du mal à croire qu'il pouvait y avoir un système financier sans assurance-dépôts, que l'assurance-dépôts est une chose relativement récente, qui n'a vu le jour qu'en 1967.

De 1890 à 1967, il n'y a eu que 12 faillites de banques canadiennes. Elles sont survenues avant 1923 et les déposants canadiens n'ont perdu d'argent que dans six de ces faillites. Notre système a survécu à la grande dépression sans une seule faillite bancaire. Aux États-Unis, la grande dépression a amené l'écroulement de plus de 4 000 banques. Nous avions avant 1967 un système qui fonctionnait bien.

Non seulement il n'y a pas eu de faillites bancaires, mais prenez les sociétés de fiducie et passez en revue la période de l'après Seconde Guerre mondiale. Prenez les 18 années qui ont précédé l'introduction de l'assurance-dépôts et vérifiez du côté des sociétés de fiducie à charte fédérale ou à charte ontarienne: Aucune d'entre elles n'a fait faillite pendant cette période de 18 ans, de 1949 à 1966. Le système fonctionnait bien.

Les déposants pouvaient très bien faire la distinction entre les bons risques et les mauvais risques. Il était dans l'intérêt des institutions financières de fournir des renseignements.

Le témoin qui m'a précédé a parlé de l'utilisation de renseignements, disant que dans un système sans assurance-dépôts les déposants choisissaient bien l'endroit où ils plaçaient leur argent; quant aux institutions, elles faisaient de gros efforts pour fournir des renseignements aux déposants, et il n'était donc pas nécessaire d'avoir de très grandes connaissances dans le domaine.

Je me souviens de l'époque - et ce sera peut-être également le cas de certains membres du comité - où les banques faisaient publier dans les journaux des annonces sur leur position financière. Elles faisaient publier leurs états financiers. Jadis, on affichait les états financiers trimestriels à la porte de chaque succursale. Les gens pouvaient distinguer les établissements solides de ceux dans une situation précaire. Ils pouvaient sortir leur argent des établissements précaires pour le replacer dans les banques solides et, de cette façon, quantité d'institutions ont été amenées à fermer avant qu'une banqueroute survienne.

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L'assurance-dépôts a été introduite en 1967. À l'époque, l'économie canadienne avait un rythme de croissance effrené. Le système financier était stable et tout allait bien. Il n'y avait pas de ruée sur les banques de dépositaires voulant retirer leur argent. Il n'y avait pas de crise financière. C'est alors qu'on a créé l'assurance-dépôts.

Je peux passer en revue les raisons de cette décision. Je pense que c'était une décision politique pour aider quelques compagnies fiduciaires fragilisées, et à l'époque la plupart des institutions financières étaient opposées à l'idée de l'assurance-dépôts.

L'apparition de l'assurance-dépôts a favorisé l'arrivée sur le marché de nouvelles sociétés financières. Il y en a eu toute une série, surtout des sociétés de fiducie, mais également des banques.

Cela a encouragé les établissements à courir des risques excessifs. Pourquoi?

Comment fonctionnent normalement les marchés en l'absence d'assurance-dépôts? Les établissements qui prennent l'argent des déposants et le placent dans des projets immobiliers risqués ou dans des prêts risqués s'aperçoivent que les déposants ne veulent pas faire courir ces risques à leur argent et qu'elles doivent payer un surcôut substantiel sous forme de taux d'intérêt. Dans un monde où existe l'assurance-dépôts, on constate que les déposants se fichent pas mal de ce que l'on fait de leur argent. Tout ce qui les intéresse c'est que le panneau sur la porte dise «SADC». Aussi longtemps que le montant de leur dépôt reste en-dessous du plafond assuré qui est maintenant de 60 000$, peu leur importe ce qui arrive, car ils savent qu'ils se feront rembourser quoi qu'il advienne. Tout ce qui les intéresse, c'est le taux d'intérêt qu'ils vont toucher. Si la compagnie fiduciaire ABC, qui vient d'ouvrir ses portes et dont personne n'a jamais entendu parler, offre un quart de point de plus que tous les autres, c'est là que les gens vont déposer leur argent.

Donc, l'assurance-dépôts a causé sur le marché l'arrivée d'un grand nombre de sociétés nouvelles et a incité les établissements à courir des risques excessifs.

J'ai mentionné la période de 18 années qui a précédé l'avènement de l'assurance-dépôts. Si vous prenez les 18 années suivantes, que voyez-vous? On constate que parmi les compagnies fiduciaires sous régime fédéral, les banques et les compagnies fiduciaires ontariennes, sous régime provincial, 17 ont fait faillite pendant les 18 années après l'assurance-dépôts. Il n'y en avait eu aucune pendant la période de 17 ans précédente, et 14 de ces établissements faillis ont vu le jour après 1967.

Depuis la fin de cette période de 18 ans, donc depuis 1985, il y a eu un nombre encore plus grand de faillites de sociétés fiduciaires.

J'estime que c'est l'assurance-dépôts qui a engendré le problème. Elle a engendré l'instabilité. Elle a amené les établisssements financiers à courir des risques qu'ils n'auraient jamais pris auparavant.

L'assurance-dépôts n'est pas quelque chose de nouveau. Elle a été introduite aux États-Unis en 1934, sans conséquences désastreuses. Je considère la différence, c'est-à-dire les conséquences désastreuses survenues au Canada lorsqu'elle a été instituée en 1967 est due au fait qu'elle a coïncidé avec une déréglementation. La combinaison déréglementation et assurance-dépôts est lourde de conséquence. C'est dû au fait que si le marché se fiche de la solvabilité, comme c'est le cas lorsqu'on a une assurance-dépôts, et si les autorités réglementaires ne résolvent pas le problème, vous assistez à la prise de risques inutiles et vous aboutissez à un gros problème.

Il y a deux façons de réagir. Vous pouvez tenter de rectifier la situation par une réforme fondamentale de l'assurance-dépôts ou bien par une réglementation plus serrée. Je pense que la meilleure solution est une réforme de l'assurance-dépôts. En fait, si j'avais le choix, je la supprimerais totalement.

Je viens du département de sciences économiques de l'Université de Toronto, qui s'appelait auparavant le département d'économie politique. Politiquement, je pense que c'est une cause perdue. On ne va pas pouvoir se débarrasser de l'assurance-dépôts, et c'est pourquoi je recommande une réforme de grande envergure, avec une portion non négligeable de coassurance.

Mon argumentation ici sera de dire que les réformes proposées dans ce projet de loi, et particulièrement les primes en fonction du risque, ne sont pas suffisantes et qu'une solution bouche-trou ne résoudra pas le problème.

Je ne pense pas qu'une réglementation plus serrée résolve le problème non plus. J'aimerais une déréglementation, mais on ne peut avoir à la fois la déréglementation et une assurance-dépôts. C'est une combinaison dangereuse qui conduit au désastre.

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Le Livre blanc argumentait contre une réforme fondamentale de l'ssurance-dépôts et contre la coassurance. Il avançait pour cela trois grandes raisons.

La première, pouvait-on lire, est qu'il y a une opposition à l'introduction de la coassurance, c'est-à-dire une absence de consensus.

Il est bien évident qu'il y a opposition. Les gagnants de l'assurance-dépôts étaient les sociétés fiduciaires à haut risque, d'implantation régionale. Les grandes sociétés fiduciaires d'envergure nationale, comme Canada Trust, n'en voulaient pas. Les grandes banques n'en voulaient pas. Grâce à elles, les établissements à haut risque peuvent livrer concurrence sur un pied d'égalité avec les établissements à faible risque, et cela n'aurait jamais dû se faire. Les sociétés présentant le même degré de risque devraient pouvoir se concurrencer sur un pied d'égalité, mais les établissements à haut risque ne devraient pas pouvoir être à égalité avec ceux à faible risque.

Ce sont donc ces dernières qui élevaient des objections, et ce n'est pas une surprise. Ils sont les principaux bénéficiaires de l'assurance-dépôts.

Le président: Combien en existe-t-il encore?

M. Carr: Pas beaucoup.

C'est un élément intéressant. Lorsque l'assurance-dépôts a été instituée, on faisait valoir que cela allait accroître la concurrence. Cela a été le cas, initialement. On a vu arriver un grand nombre de sociétés fiduciaires - et un grand nombre d'entre elles ont disparu depuis.

Celles qui restent sont principalement les grandes sociétés qui existaient déjà avant 1967, celles qui se sont cantonnées dans les prêts à faible risque, dans les portefeuilles de prêts seulement à faible risque.

En fait, l'assurance-dépôts a encouragé un grand nombre de sociétés à haut risque à se lancer sur le marché et à couler, et cela a causé de l'instabilité dans notre système financier. Nous avons maintenant un système qui, à bien des égards, est plus concentré qu'il ne l'était en 1967.

Si l'on fait un bilan d'ensemble, l'assurance-dépôts a fait plus de mal que de bien.

Il s'agissait de prévenir les ruées de déposants. Nous n'avons jamais connu ce phénomène au Canada. Il y en a eu aux États-Unis. Si par «ruée» on entend des déposants qui retirent leur argent des banques pour le mettre sous leur matelas lorsqu'ils ont peur des banques et des institutions financières, cela ne s'est jamais produit au Canada.

Ce que l'on a vu, en revanche, c'est qu'un certain nombre de gens retiraient leur argent de certaines sociétés peu fiables pour le placer chez d'autres plus fiables. En 1967, les gens retiraient leur argent de York Trust et le replaçait dans des compagnies fiduciaires plus sûres. Les compganies fiduciaires ont connu une croissance en 1967.

Ce sont les compagnies fiduciaires les moins sûres qui ont été les premières à faire pression sur le gouvernement provincial de l'Ontario puis sur le gouvernement fédéral. Elles avaient une implantation régionale, un peu partout au Canada et elles jouissaient de ce fait d'un fort pouvoir politique.

Ce n'était pas la première fois qu'elles cherchaient à obtenir une assurance-dépôts. Il y avait déjà eu des mouvements en ce sens au début du siècle puis dans les années vingt, mais pas assez forts pour aboutir. Le secteur fiduciaire a connu une forte expansion après la Seconde Guerre mondiale. Cela lui a donné le poids politique voulu pour obtenir l'assurance-dépôts, à un moment où l'économie tournait très bien.

Le président: Professeur Carr, il me semble que votre thèse est que les banques, bien qu'initialement opposées à l'assurance-dépôts, en ont énormément bénéficié par la suite, car il en a résulté que bon nombre de compagnies fiduciaires faisaient faillite, si bien qu'il n'en reste plus que très peu qui acceptent les dépôts et qui concurrencent les banques à charte.

M. Carr: Je ne pense pas que cela leur ait profité, mais si vous leur posiez la question, elles restent toujours partisane d'une réforme fondamentale. Elles n'en ont pas profité car elles ont eu à payer le coût des problèmes survenus dans le secteur fiduciaire.

Les gens comprennent mal l'assurance-dépôts. Ils pensent qu'elle est réglée par des contribuables canadiens. Or, rien n'est plus faux. Elle est réglée par la SADC, au moyen des cotisations qu'elle perçoit auprès des institutions financières.

Dans les périodes où il y a eu davantage de faillites bancaires, les taux des cotisations sur les dépôts assurés ont énormément augmenté, et ces cotisations étaient payées par les établissements sûrs. Les établissements sûrs subventionnaient ceux à haut risque. C'était autant de profit en moins.

Si vous demandez aux banques si elles auraient préféré ne pas connaître cette expérience, je pense qu'elles vous répondraient oui. Elles préféreraient de loin subir un peu plus de concurrence de la part des sociétés fiduciaires et ne pas devoir payer.

De fait, la position des banques aujourd'hui est qu'elles souhaitent une coassurance substantielle. Si vous les poussiez un peu et leur demandiez si elles préfèrent le régime actuel à l'absence de toute assurance, elles opteraient pour l'absence d'assurance. La raison en est que les banques sont dans une situation sensiblement différente de celle des sociétés fiduciaires. Près de 40 à 43 p. 100 des dépôts bancaires sont assurés. Elles opèrent sur le marché de gros. Une bonne proportion de leurs dépôts dépasse 60 000$. Ces derniers ne sont pas assurés. Elles ne peuvent pas courir des risques inutiles, car elles perdraient ces clients.

Si vous faites exception de Canada Trut, vous verrez que de 90 à 95 p. 100 de l'activité des sociétés fiduciaires est couvert par l'assurance-dépôts. Elles en dépendent donc totalement.

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L'assurance-dépôts a permis, du moins initialement, à des sociétés à plus haut risque de s'implanter, aux dépens dse sociétés plus sûres. Après un certain temps, bon nombre des sociétés à plus haut risque ont coulé, entraînant toutes sortes de perturbations dans le système canadien. À moins d'une réforme fondamentale du système d'assurance-dépôts, ce potentiel subsiste toujours.

On prétend qu'avec une réforme fondamentale, avec la coassurance, les consommateurs ne seraient plus en mesure de distinguer les bonnes banques des mauvaises. Eh bien, ils y parvenaient très bien jusqu'en 1967. Les consommateurs, les déposants, n'ont jamais perdu un cent de 1923 à 1967. C'est un fait que l'on ne connaît pas suffisamment.

Les sociétés financières, à cette époque, investissaient dans des valeurs parfairement sûres. Le public se renseignait et savait quelles étaient les bonnes et les mauvaises banques. Il n'était pas nécessaire d'avoir des connaissances très poussées pour cela.

Je ne sais pas comment fonctionne un réfrigérateur ou une voiture, mais lorsque je vois le nom Toyota ou General Motors, je sais que c'est une voiture de bonne qualité. Comme je ne suis pas mécanicien, je ne sais pas comment elle fonctionne, mais ses constructeurs ont investi dans la réputation de leur marque.

C'est ce que faisaient aussi les établissements financiers, mais avec l'assurance-dépôts ils ont perdu l'incitation à le faire.

On prétend que l'assurance-dépôts ou la coasurance créerait l'instabilité dans le système. C'est méconnaître ce qui s'est passé. L'instabilité a été causée par l'assurance-dépôts, par ce type de régime particulier.

Aussi longtemps que le gouvernement considérera que le jeu du marché, c'est-à-dire le transfert des dépôts au détriment de banques à haut risque vers des banques à faible risque est quelque chose de déstabilisant à éviter, l'assurance-dépôts sera nécessaire - non en raison de la menace d'une ruée sur les banques, mais à cause du recours à l'assurance-dépôts pour protéger et promouvoir les établissements fragiles.

Le projet de loi propose des primes basées sur le risque. La SADC possède déjà la capacité de moduler ses primes en fonction du risque. Le projet de loi et le Livre blanc disent que le but de cette modulation est de donner un signal, assorti de conséquences financières, au conseil d'administration et aux directions des établissements membres concernant la cote de risque de leur établissement.

Les établissements à haut risque savent déjà qu'ils sont à haut risque - ils n'ont pas besoin de signal - et il est peu plausible que le BSIF ou la SADC soient mieux informés.

Ce qu'il faut, c'est une sanction du risque. Il faut inciter les établissements à se comporter de manière appropriée.

En fait, l'assurance-dépôts déforme le jeu normal du marché, et le type de prime en fonction du risque qui est proposé, la fourchette de variation, est très faible et n'intervient qu'après coup, et ne donnera sans doute pas le résultat voulu.

Si on voulait vraiment calculer les primes en fonction du risque actuariel, ce serait différent. Mais les pouvoirs publics manquent de la volonté politique d'introduire des primes pleinement actuarielles. D'ailleurs, le projet de loi dit très bien que ce n'est pas là l'objectif. Ce n'est pas l'objectif, car ce serait contraire aux intérêts de ceux qui réclament cette mesure, qui réclament l'assurance-dépôts et veulent la voir maintenue.

Aussi longtemps qu'il en sera ainsi, nous aurons une assurance-dépôts et nous ne pourrons pas résoudre le problème au moyen d'un système axé sur le risque.

On peut voir la logique du rôle accru de l'autorité réglementaire, comme personne n'est disposé à réformer le système en profondeur, il faut bien que quelqu'un réglemente ces établissements pour éviter qu'ils ne prennent des risques excessifs.

Le problème de la réglementation est double.

Il y a, d'une part, l'intérêt de l'autorité réglementaire. Celle-ci est soumise à toutes sortes de pressions politiques et n'a pas les incitations voulues. L'autre aspect sont les renseignements dont elle dispose. Pour qu'une réglementation soit efficace, il faudrait disopser presque des mêmes données que la direction des établissements, mais si on faisait cela, le système deviendrait très lourd, avec une double gestion des sociétés financières.

Donc tous ces petits ajustements apportés à la réglementation pour améliorer l'information, même si c'est louable, ne représentent qu'un bricolage peu susceptible de changer grand-chose.

Permettez-moi de conclure.

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Si l'élaboration d'un mandat explicite pour le BSIF et une sanction accrue des risques représentent une amélioration pour le système réglementaire au Canada, les principaux changements contenus dans le projet de loi C-100 sont inutiles, voire néfastes. La SADC ne fait l'objet d'aucune grande réforme, en dépit de la nécessité criante de changements et les primes en fonction du risque du type de celles pratiquées aux États-Unis apparaîtront rapidement comme un moyen d'éviter la discipline, plutôt que de l'imposer aux gestionnaires des institutions financières. En énonçant clairement les principes sur lesquels les réformes proposées sont assises, le projet de loi C-100 fait apparaître clairement les contradictions et incohérences qui sous-tendent la politique actuelle en matière de réglementation des banques et de protection des consommateurs de services financiers canadiens.

L'intervention publique accrue dans la gestion des institutions financières est justifiée dans ce projet de loi par toute une série de dysfonctionnements du marché: ruée sur les banques, incapacité des consommateurs à évaluer la qualité des institutions financières, besoin des gestionnaires de ces dernières qu'une autorité réglementaire, n'ayant aucun intérêt pécuniaire dans ces sociétés, de les informer des risques de leur portefeuille et pratiques commerciales, alors que rien de tout cela n'est fondé, ni dans les faits, ni en théorie.

Bien que le projet de loi C-100 épouse le principe que le marché financier canadien soit concurrentiel et efficient, on continue à vouloir protéger les entreprises faibles du jeu du marché et à freiner le flux des dépôts des institutions faibles vers les fortes. On semble considérer le résultat de la concurrence comme le signe d'un dysfonctionnement du marché et l'on s'en sert pour justifier la réticence à laisser les sanctions du marché jouer en vue d'accroître la sécurité et la solidité du système financier. Il est certes possible qu'une réglementation éclairée puisse renforcer le jeu du marché, mais tout le monde devrait reconnaître qu'elle ne pourra jamais s'y substituer.

La faiblesse fondamentale du système financier canadien dans les années 1990 et l'insuffisance des incitations données aux déposants et aux gestionnaires des institutions financières, insuffisance engendrée par l'existence de l'assurance-dépôts.

Le président: Madame Stewart

Mme Stewart: Monsieur Carr, l'historique que vous avez fait est très intéressant et j'essaie simplement de voir quelle logique pourrait découler de cette législation.

Si je vous ai bien compris, vous dites qu'en l'absence d'assurance-dépôts, les établissements de dépôts seraient moins susceptibles de placer leur argent dans des valeurs à haut risque et plus susceptibles de le placer dans des valeurs sûres. En tant que député, j'ai bien de la difficulté par les temps qui courent à pousser les banques à investir dans des entreprises présentant un certain risque en cette période de mutation économique, et je ne suis donc pas très d'accord avec vous.

Cela dit, vous laissez également entendre qu'avec le resserrement de la réglementation il sera plus difficile pour les banques d'investir dans des placements à plus grand risque. Il semble donc qu'il deviendra plus difficile de trouver des capitaux pour notre économie nouvelle, notre économie basée sur la connaissance, notre économie intangible, et ce genre de choses.

M. Carr: Il y a une certaine contradiction entre ce projet de loi et d'autres tentatives du gouvernement visant à pousser les banques dans certaines directions - par exemple, les prêts aux petites entreprises. Cela ne me semble pas être un rôle approprié pour le gouvernement. Je pense que la façon d'obtenir les banques à courir le degré voulu de risque est d'assurer une concurrence saine dans le système bancaire. Aussi longtemps qu'il y aura concurrence, les banques prêteront à quiconque peut leur rapporter un profit et prendront les risques appropriés.

Il ne faut pas oublier que les banques exploitent le système de paiement...

Mme Stewart: Mais qu'en résulte-t-il pour l'économie de transition? Qui paie? Qui va aider l'économie de transition?

M. Carr: Je ne sais pas ce que vous entendez par «économie de transition». Nous sommes en train de traverser une profonde mutation technologique. Avec cette mutation technologique, nous avons besoin d'un système financier sûr et fiable.

Dans les années 1980, les gouvernements se plaignaient que les banques prenaient trop de risque - elles prêtaient à Dome Petroleum et à des pays d'Amérique latine, ainsi qu'à des Reichmanns - que les banques encaissaient des pertes substantielles et que cela menaçait la stabilité du système financier. Dans les années 1990, le gouvernement se plaint que les banques ne prennent pas assez de risque.

Les banques ont appris leur leçon. Leurs dépôts sont payables à vue. Cela signifie que tout déposant peut se présenter n'importe quand et réclamer qu'on lui rende son argent. Les déposants font la queue, et le premier arrivé est le premier servi. Dans un tel système, les banques doivent placer l'argent des déposants dans des valeurs sûres.

Mais que sont des valeurs sûres? Je n'en sais rien. Ce n'est pas mon rayon. Mais je sais qu'aussi longtemps qu'il y a concurrence dans le système bancaire, et qu'on préserve cette concurrence, vous aurez la garantie de sécurité.

Mais si vous avez un système concurrentiel doublé d'une assurance-dépôts, vous aurez certains établissements financiers qui se diront qu'ils peuvent se permettre de courir de gros risques.

Laissez-moi vous donner un bon exemple: la Banque commerciale du Canada et la Norbanque. Ces établissements ont pratiquement fait tous leurs prêts en fonction de l'industrie pétrolière. Ils ont prêté sur l'immobilier dans l'Ouest du Canada, qui était fondé sur l'économie pétrolière. Ils se sont diversifiés aux États-Unis avec Weston, qui était fondé sur l'industrie pétrolière. Si le prix du pétrole avait augmenté, ils auraient fait un malheur. Ils auraient gagné énormément. Mais le prix du pétrole a baissé et que s'est-il passé? Leur base de prêts a chuté, ils ont fait faillite, et la CDIC a payé la note. Cela veut dire que toutes les autres banques ont payé la note.

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Donc, un système qui part du principe que l'on peut faire n'importe quoi parce que quelqu'un d'autre en subira les conséquences, incite à prendre des risques, et c'est ce qu'a fait l'assurance-dépôts. Des banques ont fait faillite là où des banques ne font jamais faillite, et ce sont des banques qui sont arrivées essentiellement après 1967.

Par conséquent, vous pouvez ne pas prendre assez de risques ou vous pouvez en prendre trop. Il faut prendre des risques calculés et pour ce faire, il faut garantir une certaine concurrence.

Avec la déréglementatiaon, telle qu'elle se produit actuellement dans l'économie canadienne et dans le monde entier, qui permet aux banques, aux compagnies d'assurance, aux compagnies fiduciaires et aux autres de se disputer votre clientèle et celle de vos concitoyens, ces derniers trouveront les capitaux dont ils ont besoin. Si ce ne sont pas les banques, ce sera une compagnie fiduciaire ou une compagnie d'assurance qui leur fournira un prêt; ou s'ils ne l'obtiennent pas, c'est peut-être qu'ils ne le méritaient pas pour commencer. L'entreprise était peut-être trop risquée et les seules personnes qui y placeront de l'argent dans cette entreprise seront les membres de leur propre famille comme cela doit être.

Le président: Dans ce monde idéal que vous envisagez pour nous, comment pourrait-on faire concurrence aux banques? Qui seraient les concurrents des banques? Ils ont été pratiquement anéantis. Ne serions-nous pas de nouveau dans une situation où les nouvelles institutions financières réclameraient l'assurance-dépôts afin de pouvoir attirer des capitaux et de concurrencer les banques?

M. Carr: Nous entendons déjà cet argument de la part des compagnies d'assurance qui prétendent ne pas pouvoir concurrencer les banques car celles-ci peuvent obtenir des fonds qui sont assurés alors que les compagnies ne le peuvent pas; elles ont leur propre assurance locale, mais rien qui ressemble à la SADC.

Je pense que la réponse des banques à cela - et la solution c'est d'avoir des règles du jeu équitables - est qu'il est possible que les banques et les institutions financières, collectivement, aient un avantage sur les compagnies d'assurance, mais certaines banques sont dans des situations pires que d'autres. Certaines sociétés de fiducie sont plutôt bien placées - les sociétés de fiducie à haut risque qui ne pouvaient pas soutenir la concurrence auparavant.

Le président: Une minute, combien de compagnies de fiducie avons-nous aujourd'hui, en dehors de Canada Trust?

M. Carr: Nous n'en n'avons pas. Mais quand on commence à parler d'un monde idéal... Nous avions un monde sans assurance-dépôts.

Le président: Et aujourd'hui?

M. Carr: Il y avait un monde où il y avait davantage de concurrence. Aujourd'hui, je pense que nous allons découvrir qu'il n'y a pas de vraie concurrence, tout au moins au départ, de la part des compagnies fiduciaires si l'on se débarrasse de l'assurance-dépôts. La concurrence viendra d'autres secteurs sur la scène financière. Cette concurrence viendra des compagnies d'assurance.

Ce qu'il faut faire dans ce cas c'est déréglementer. Au Canada nous avions traditionnellement le système à quatre piliers. Nous avions les institutions financières qui ne se faisaient pas concurrence les unes aux autres. Il était assez difficile de devenir une banque.

Si nous regardons l'histoire financière du Canada, nous voyons que nous avions davantage de banques. Nous avions 40 ou 50 banques. Or vous avez estimé qu'il y avait trop de banques pour le Canada. Vous avez estimé qu'il y avait des économies d'échelle importantes à réaliser dans le secteur bancaire. Nous avons donc eu un nombre considérable de fusions et le nombre des banques est tombé à huit, ce qui était probablement le chiffre qui convenait pour le Canada. Ces huit banques ne se faisaient pas concurrence. Elles ont survécu à la grande dépression. Ces huit banques étaient solides. Peut-être est-ce tout ce que vous allez obtenir - huit banques - pour des pays comme le Canada.

Nos banques peuvent être concurrentielles dans le monde entier. C'est pourquoi je suis tout à fait pour ouvrir les portes du secteur bancaire. Facilitons la tâche aux institutions financières. Ouvrons la porte à l'Association canadienne des paiements, comme nous l'avons fait. Jusqu'en 1981, l'Association des banquiers canadiens administrait l'Association canadienne des paiements.

Le président: Vous avez dit qu'en dehors de la déréglementation et la suppression de l'assurance-dépôts, l'autre solution serait de réglementer. Une personne qui connaît très bien toute la question de la solvabilité d'un certain nombre de compagnies fiduciaires nous a présenté exactement le même scénario. Elles ont pu attirer des fonds grâce à l'assurance-dépôts et elles ont pu offrir non seulement un quart de point de plus, mais parfois deux à trois points de pourcentage de plus afin d'attirer des fonds. Bien entendu, lorsqu'elles payaient davantage d'argent que les autres institutions, elles devraient trouver des investissements plus risqués.

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Par conséquent, cette personne disait que c'était très facile à réglementer. On peut très bien décider qu'une institution qui donne sur les dépôts disons, 25 ou 50 points de base de plus qu'une certaine norme se verra refuser l'assurance-dépôts. Cela nécessiterait certaines vérifications mais c'est une solution.

M. Carr: C'est effectivement une solution qui existait presque déjà avant 1967. C'est une solution qui était appliquée aux États-Unis.

Aux États-Unis, lorsque l'assurance-dépôts et entrée en vigueur, il y avait une réglementation importante. On interdisait les intérêts sur les dépôts à vue, donc sur les comptes-chèques, de sorte que les institutions à risque ne pouvaient pas attirer des fonds en payant des taux plus élevés. Il y avait également le règlement O, qui limitait le taux d'intérêt que l'on pouvait payer sur les dépôts préférentiels.

Vous suggérez la même chose. Au Canada, nous avions des restrictions sur les taux d'intérêt en ce qui concerne les prêts personnels susceptibles d'être accordés par les banques à charte et il y avait toutes sortes de règlements sur les taux d'intérêt. Cela permettrait de résoudre une partie du problème.

C'est pourquoi j'ai dit que la déréglementation et l'assurance-dépôts étaient une combinaison explosive. Au moment où l'assurance-dépôts est entrée en vigueur en 1967, nous avons éliminé ces règlements.

Le président: Je voulais simplement dire qu'il y a peut-être une autre solution.

M. Carr: Oui, mais je dois vous dire qu'il y a un coût associé à cette autre solution, le coût de réglementer à nouveau dans un monde de grande mobilité du capital. Si on limite le taux d'intérêt que les institutions financières vont payer ici, le capital va quitter le Canada.

Le président: Un instant. Le capital va quitter ces institutions dès que l'on supprime l'assurance-dépôts. Où est-ce qu'il va aller? Va-t-il aller à l'étranger?

M. Carr: Non, le capital ne va pas quitter...

Le président: Un instant. Vous dites que si l'on réglemente à nouveau, le capital va aller à l'étranger plutôt que de rester ici.

M. Carr: Non, si vous réglementez les taux d'intérêt - car c'est ce que vous me dites, que l'on ne peut payer qu'un certain montant sur les dépôts - vous allez...

Le président: Et continuer de protéger l'assurance-dépôts. Si l'on veut payer plus, on perd le droit d'accorder une assurance-dépôts sur 60 000$.

M. Carr: Pourquoi ne pas tout simplement faire de l'assurance-dépôts une mesure volontaire et dire que n'importe quelle institution qui le souhaite l'aura selon les termes que l'on voudra? Je favoriserais un système où le gouvernement imposerait certaines conditions. Peu importe quelles seraient ces conditions, mais si elles n'étaient pas respectées, on ne pourrait pas obtenir une assurance-dépôts. Ce n'est pas le système que nous avons actuellement. Actuellement, toutes les institutions fédérales sont obligées d'avoir une assurance-dépôts.

Le président: Je comprends. Je voulais simplement vous présenter l'argument de M. Jack Biddell qui est liquidateur pour bon nombre de ces compagnies fiduciaires. Selon lui, c'était une des façons de traiter ces exploitants sans scrupule.

M. Carr: Je pense qu'une fois que l'on commence à réglementer de nouveau, on se rend compte qu'il y a d'autres problèmes.

Le président: Professeur Carr, vous avez été stimulant, vous avez suscité la controverse, vous avez remis en question notre réflexion traditionnelle. Vous nous avez obligés à repenser tout cela. Je ne sais pas si nous allons vous suivre et suggérer que votre proposition...

M. Carr: Personne ne l'a encore fait.

Le président: Je peux vous assurer en tout cas que nous allons penser à vous lorsque nous voterons sur les changements à apporter à la SADC et vous serez dans nos pensées demain lorsque Grant Reuber de la SADC comparaîtra devant nous.

M. Carr: Merci de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant le comité.

Le président: Merci d'être parmi nous.

Nous allons prendre une pause d'une minute. Nous allons revenir à huis clos.

.1414

PAUSE

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Le président: Nous reprenons notre audience.

Notre prochain témoin nous vient de TRAC Insurance Services Ltd., M. Don Smith.

Nous attendons votre présentation.

M. Donald G. Smith (président, TRAC Insurance Services Ltd.): Merci monsieur le président. Vous serez très heureux d'apprendre que je n'ai pas un long traité sur la résolution des problèmes des institutions financières au Canada.

Nous nous intéressons particulièrement à certains aspects du projet de loi C-100, et nous sommes très heureux d'avoir été invités à faire une présentation aux communes pendant les délibérations sur le projet de loi.

Le projet de loi que le comité étudie a été déposé afin de mettre en oeuvre les mesures proposées par le ministère des Finances pour améliorer la sécurité et la solidité du système financier canadien. Bon nombre de ces mesures ont été énoncées par le Comité des banques et du commerce du Sénat à l'automne dernier.

Nous avons fait nous-mêmes des présentations écrites et orales au Comité du Sénat à l'époque et nous sommes très heureux de constater que bon nombre de nos recommandations vont généralement dans le sens des amendements importants actuellement entreposés.

J'aimerais donner quelques informations sur TRAC. TRAC est une compagnie à 100 p. 100 canadienne qui rend compte de la solvabilité financière des compagnies d'assurances depuis 1978. Notre principale activité au cours de notre première décennie d'exploitation a porté sur le secteur de l'assurance des biens et risques divers. Nous avons prédit avec exactitude les tendances négatives de tous les grands cas d'insolvabilité.

En 1991, à l'invitation de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, nous sommes entrés dans le secteur de l'assurance-vie et avons été la première agence d'évaluation du crédit à découvrir les problèmes de solvabilité des compagnies d'assurence-vie Sovereign Life et Confédération, et dans ce dernier cas, deux bonnes années avant les autres agences d'évaluation du crédit et deux ans avant l'avis de liquidation.

Notre mission est de fournir une analyse des tendances financières à notre clientèle, qui comprend les souscripteurs, les courtiers, les institutions financières et les organismes de réglementation.

Nos abonnés sont notre seule source de revenus. Contrairement à d'autres agences d'évaluation du crédit, nous ne facturons pas les compagnies d'assurances pour les évaluations. Par conséquent, certaines compagnies d'assurances ont refusé de fournir volontairement leurs données à TRAC, et nous avons dû passer par la Loi sur la liberté d'accè à l'information et divers autres procédés et appels.

Je dois dire également que nous sommes la seule agence d'évaluation du crédit à essayer d'évaluer toutes les compagnies d'assurance au Canada.

Le projet de loi actuellement à l'étude par votre comité comprend trois propositions d'amendement très importantes qui concernent notre secteur d'intérêt et de connaissance et dont nous avons traité dans notre présentation au Comité des banques et du commerce du Sénat.

Le premier amendement important permettrait au Bureau du surintendant des institutions financières de prendre les commandes d'une institution financière en difficulté plus tôt que ce n'est actuellement le cas.

Nous avons dit publiquement, notamment dans notre présentation au Comité du Sénat, que le Bureau du surintendant aurait dû intervenir plus rapidement dans le cas de la Confédération. Nous appuyons totalement tout amendement législatif qui donnera au Bureau du surintendant les pouvoirs nécessaires à cette fin.

Nous avons examiné les principaux éléments du Livre blanc du ministère des Finances qui portent sur les politiques d'intervention précoce, et nous recommandons ces amendements.

Le deuxième élargirait le rôle de surintendant dans la direction de compagnies en difficulté en établissant un cadre de réglementation prudentielle plus sévère pour les institutions financières. Le projet de loi proposé prévoit des améliorations aux normes de supervision actuelles comme le pouvoir du surintendant de décider si certains administrateurs sont affiliés ou non à une institution financière. Nous soutenons cet aspect de l'amendement proposé.

D'autre part, il aborde le rôle de l'actuaire en évaluation nommé, en précisant que cette personne ne peut pas être le président-directeur général, le chef de l'exploitation ni le directeur financier d'une institution. Nous avons certaines réserves à l'égard de cette proposition.

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Dans notre témoignage au Comité sénatorial, nous avons fait état de la nécessité de renforcer le processus actuariel qui, selon nous, doit être plus objectif, et nous avons recommandé que l'opinion actuarielle soit donnée par une société actuarielle externe. Nous pensons que la proposition actuelle affaiblit le mécanisme, car la plupart des actuaires compétents visent les postes au sommet dans les compagnies d'assurance. La proposition semble reléguer la fonction d'actuaire d'évaluation à un rang plus modeste, subordonné à la haute direction. Nous voyons mal comment l'objectivité de l'opinion actuarielle en serait renforcée.

Nous avons recommandé plutôt de confier l'opinion actuarielle au vérificateur interne. Étant donné que celui-ci relève du conseil d'administration et non de la direction, cette solution garantirait l'objectivité du processus et obligerait aussi les membres du conseil d'administration à s'impliquer dans ce domaine critique.

La troisième grande modification, celle qui intéresse le plus TRAC, porte sur la publication de renseignements financiers plus complets.

Nous devons absolument obtenir rapidement les données réglementaires - celles qui sont contenues dans les déclarations obligatoires - pour remplir notre mission d'analyse des tendances financières.

Avant 1992, cette information se trouvait dans la base de données du Bureau du surintendant des institutions financières. Puis, une loi fut adoptée qui restreint la divulgation des renseignements. Cette restriction a été abolie «techniquement» en 1994, mais les données restent insuffisantes et leur publication est trop lente.

Le fait est que, malgré les recommandations du Comité sénatorial et malgré l'intention qui semble contenue dans le projet de loi, l'accès aux données est plus difficile maintenant qu'il ne l'était en 1991. Pour une raison que nous ne nous expliquons pas, le personnel du BSIF juge bon de supprimer des données auxquelles la base de données publique nous donnait accès en 1991.

Cependant, le discours public prononcé récemment par John Palmer, le nouveau Surintendant des institutions financières, à l'occasion de la réunion annuelle de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes, est très encourageant. Selon lui, les compagnies d'assurance de personnes se sont laissé devancer par les autres institutions financières relativement à la publication de certains types de renseignements financiers. Il a souhaité justement que le capital de risque et les hypothèses actuarielles soient soumis à des règles de publication plus strictes.

Il a dit notamment qu'il est impensable que le chiffre le plus important sur le bilan d'une compagnie d'assurance-vie - soit la réserve actuarielle - soit offert sans information aucune sur les principales hypothèses qui ont servi à son calcul.

Il a conclu en disant que les méthodes comptables et actuarielles se sont améliorées certes, mais que les entreprises ont encore toute latitude pour être tentées de rogner sur leurs réserves afin d'améliorer leur situation de compte capital.

TRAC partage ces craintes. Nous pensons aussi qu'il faut non seulement une plus grande publication, mais la publication complète de tous les renseignements financiers pertinents qui concernent la solvabilité d'une institution financière.

Nous sommes d'avis que rien dans les rapports obligatoires ou dans les documents complémentaires - qui doivent être déposés auprès du surintendant - par exemple, le montant minimum permanent requis pour le capital et l'excédent (le MMPRCE) exigé des compagnies d'assurance-vie et le contrôle du capital minimum (MAT) pour les compagnies d'assurance contre les incendies, accidents et risques divers, ne doit être dissimulé au public. On invoque habituellement, pour expliquer la non-divulgation de données, le risque de nuire à l'avantage concurrentiel: les secrets de la société risquant d'être révélés. Or, ces rapports financiers ne contiennent aucune information sur les titulaires de police qui pourrait nuire à l'avantage concurrentiel d'un assureur ou à sa stratégie de commercialisation.

Nous reconnaissons que les rapports réglementaires décrivent effectivement les stratégies d'investissement de chaque entreprise. Nous sommes convaincus, cependant, que l'assuré potentiel a le droit de savoir comment ses primes d'assurance seront investies pour honorer les obligations rattachées à la police.

Que j'achète une seule part de Canadian Tire négociable à la bourse de Toronto au prix de 16$, et j'aurai droit à une liste complète de tous les rapports que cette compagnie a déposés auprès la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. D'un autre côté, que je confie toutes mes économies à une compagnie mutuelle d'assurance-vie, et on me demandera de croire sur parole que la compagnie est en bonne santé et de faire confiance au système. Après la faillite de Confédération-Vie, voilà un raisonnement qu'aucun consommateur ne va accepter.

Nous craignons que les recommandations du ministre qui sont incorporées dans le projet de loi étudié par le comité n'aillent pas assez loin et ne répondent pas au vrai besoin de publication des renseignements financiers; la présentation ponctuelle de l'information nous inquiète tout autant.

Par comparaison, sachez que dans les systèmes de réglementatioan anglais et américain, tous les renseignements sont publiés.

.1515

Aux États-Unis, la National Association of Insurance Commissioners vend la même information réglementaire par voie de catalogue et s'en sert comme source de profits! Je voulais apporter ce catalogue, mais je l'ai oublié au bureau. Il existe effectivement un catalogue, croyez-moi sur parole.

Le président: Le catalogue canadien serait-il dix fois moins épais?

M. Smith: En fait, les Améraicains réclament davantages de données. Ils veulent encore plus de données dans leur rapport jaune, comme ils l'appellent, ou encore «péril jaune», qui est un rapport normalisé pour tous les États-Unis. Mais il renferme tous les renseignements et il est distribué gratuitement au public.

Dans l'industrie de l'assurance contre les incendies, accidents et divers risques, le BSIF persiste à vouloir supprimer les données sur les actifs minimums et celles qui servent à déterminer si la réserve pour sinistres restant à payer est suffisante. Ce que je veux dire, c'est qu'il est possible, dans le cas des sociétés en affaires depuis plusieurs années et qui ont constitué des réserves annuelles, de voir comment évoluent ces réserves au fur et à mesure qu'elles règlent leurs sinistres. Le dépôt du rapport réglementaire, renfermant toutes les données à analyser, permet de savoir si la compagnie dispose de suffisamment de réserves. Nous n'avons pas accès à ce rapport. À notre avis, ce sont là les deux principaux indices de solvabilité d'un assureur contre les incendies, accidents et risques divers. Il est essentiellement question de savoir si leurs risques sont correctement consignés et s'ils disposent d'actifs suffisants pour les honorer en cas de sinistre.

Dans l'industrie de l'assurance-vie, il y a un secteur important de renseignements à déclarer que les présentes modifications n'abordent pas.

Nous avons mentionné les rapports actuariels; il faudrait autoriser la divulgation des taux d'intérêt, des taux de déchéance, des taux de mortalité et autres hypothèses majeures sur lesquelles s'appuie l'évaluation actuarielle. Également importante est l'analyse des investissements des primes des détenteurs de police par la compagnie d'assurnce-vie; c'est d'ailleurs ce manque qui a entraîné la faillite de la Confédération-Vie et de Sovereign Life. Les méthodes d'évaluation des biens immobiliers, des hypothèques et des filiales devraient être déclarées, en précisant le nom de l'évaluateur, la méthode d'évaluation et les principales hypothèses de départ.

Ce point s'applique particulièrement à certaines grandes compagnies mutuelles d'assurance-vie, qui ont d'importants investissements dans des filiales non réglementées. Nous craignons que l'évaluation faite de ces filiales ne reflète pas vraiment la valeur des entités.

TRAC recommande au comité permanent que le projet de loi soit amendé de manière à autoriser et à exiger la publication totale et ponctuelle. À cet égard, comme vous le savez, les compagnies doivent publier un rapport sur l'année civile écoulée, avant le 28 février suivant. Nous estimons que la publication ponctuelle devrait aussi être exigée dans le cadre de la base de données, plus précisément, dans les 90 jours suivant la fin de l'exercice.

Je me proposais d'être bref, mais nous voulions aborder quelques points particuliers dans ce contexte. Je serai heureux d'apporter des précisions sur tout ce que j'ai abordé dans cet exposé.

Le président: Merci, monsieur Smith. À l'évidence, vous avez soulevé ces points en réponse au livre blanc de M. Peters.

M. Smith: Oui.

Le président: Pourquoi, selon vous, n'en n'a-t-on pas tenu compte? Tout cela paraît très raisonnable.

M. Smith: L'organisme de réglementation et les diverses industries, c'est-à-dire le Burau d'assurance du Canada et l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes, ont toujours estimé que certains renseignements contenus dans les rapports quotidiens sont confidentiels et qu'ils risqueraient de mettre en péril l'avantage concurrentiel d'une compagnie par rapport à une autre. Ils craignent...

Le président: Vous parlez des renseignements sur les réserves?

M. Smith: Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi ils n'autorisaient pas la publication complète, par exemple, des données sur les actifs minimums, qui sont un indice relativement simple dans le domaine de l'assurance contre les incendies, accidents et risques divers. La question est simple: les compagnies ont-elles suffisamment d'actifs pour honorer leurs responsabilités en cas de sinistre? C'est fondamental et plutôt élémentaire.

Il y a peut-être moins de souci à se faire à propos de la solvabilité des compagnies d'assurance contre les incendies, accidents et risques divers parce que les assurés prennent des polices de six mois ou d'un an et que s'ils ont de la chance, ils s'en seront remis à une autre compagnie d'assurance avant que les ennuis de la première ne soient trop graves. Mais dans le cas d'une compagnie d'assurance-vie, on risque d'être bloqué à vie, littéralement.

Des assurés de Sovereign sont venus nous voir après notre rapport sur la compagnie en 1992 dans lequel nous avions indiqué qu'elle avait échoué à sept de nos huit contrôles de pré-alerte. Il y avait un type qui avait acheté 5 millions d'assurance associés, puis qui avait eu une crise cardiaque. Il n'était plus assurable. Le fonds de garantie ne signifiait pas grand-chose dans son cas, 10 p. 100 de sa protection, tout au plus. Il voulait savoir pourquoi personne n'avait réagi plus tôt. Il n'avait souscrit à sa police que six mois auparavant. Le problème, lui, remontait à un an ou deux. Il n'avait pas été signalé.

Je dois sans doute préciser ici que nous appliquons un ensemble de contrôles de pré-alerte qui nous permettent de vérifier, par échantillonnage, les points forts de la compagnie en ce qui a trait à la compensation du risque, au mouvement des excédents et au mouvement des primes. Nous mesurons précisément leurs investissements, c'est-à-dire l'importance de leurs investissements dans leur filiale, en regard des excédents. Nous évaluons aussi le ratio des prêts hypothécaires non remboursés.

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Je trouve cela étonnant.

Nos amis du ministère des Finances avec qui nous nous sommes encore entretenus l'automne dernier à propos des renseignements qu'il faudrait ou non publier, nous ont accordé leur appui et ont affiché beaucoup d'intérêt pour ce que nous disions. Nous estimions que la publication complète était nécessaire. Mais le BSIF veut passer au peigne fin chaque petit compte au bilan pour savoir s'il faut ou non le publier. Nous avons besoin de disposer de suffisamment de renseignements pour évaluer les compagnies.

Le président: L'industrie de l'assurance a-t-elle indiqué qu'elle ne voulait pas de la publication complète? Invoque-t-elle de bons motifs pour cela? Est-elle inflexible à ce sujet?

M. Smith: Je crois savoir que M. Daniels et son équipe témoigneront devant vous demain. J'ai même suggéré aux gens de son bureau, cet après-midi, pendant que vous étiez à huis clos, qu'il vous parle de la publication complète. L'ACAP, quand à elle, ne s'est jamais prononcée au sujet de la publication. Pour le Bureau d'assurance du Canada, il conviendrait de publier plus de renseignements dans le domaine de l'assurance contre les incendies, accidents et risques divers. J'aimerais qu'un des membres du comité demande au BAC quelle est la position de l'industrie de l'assurance-vie sur la question de la publication des renseignements.

Le président: Est-ce que le BAC appuie vos propositions?

M. Smith: Oui.

Comme je l'ai dit, nous sommes d'avis qu'il ne faut pas faire payer les compagnies d'assurance pour la publication des données. Par exemple, pour évaluer les données ou le bilan d'une compagnie, une grande agence de cotation comme Standard & Poor's, Duff & Phelps ou Moody imposent des frais. Dès lors, ils ont pleinement accès à toutes les données.

Nous, nous ne sollicitons pas les compagnies. Nous nous faisons payer par les abonnés, par le courtier ou son client, et ainsi de suite. Mais alors, tout dépend des données existantes en banque ou des compagnies, tout dépend de ce que nous obtiendrons en exerçant nous-mêmes des pressions pour les contraindre à nous fournir les données. Donc, si le contenu de la base de données du BSIF n'est pas rendu public, ce qui a existé pendant des décennies avant ce changement technique lors de la création du BSIF, nous sommes entièrement à la disposition des compagnies qui peuvent toujours décider ou non de nous fournir les données.

Il n'est ici question que des renseignements fondamentaux. Nous sommes préoccupés par la façon dont ces compagnies évaluent certaines de leurs filiales et nous voulons qu'elles nous fournissent les détails sur la façon dont elles évaluent leurs réserves et ainsi de suite.

Je ne veux pas m'en prendre à ManuVie, que j'estime être une bonne compagnie, mais je ne savais pas qu'elle était actionnaire d'une brasserie en Colombie-Britannique. J'aurais aimé le savoir. Si j'étais un porteur de police de ManuVie, et que j'aie investi mes économies de toute une vie dans cette compagnie, ainsi que mes RÉER, alors je voudrais savoir ce qui apparaît au bilan, quelle est la part de la compagnie dans cette opération et s'il s'agit d'un bon investissement.

Le président: Monsieur St. Denis.

M. St. Denis (Algoma): Pour en revenir à ce que vous avez écrit en page 3 de votre mémoire, au sujet de la fonction d'actuaire d'évaluation, je suppose que même si ces spécialistes n'avaient pas la possibilité de devenir cadre supérieur de l'entreprise, comme vous le dites, rien ne les empêcherait d'être actuaires et d'assurer une sorte d'encadrement de la fonction.

Je craindrais que l'on exige, par exemple, l'intervention d'un actuaire par l'intermédiaire du vérificateur. Ce n'est pas tant une question de coût qu'une question de temps qui s'ajouterait au processus. Vous avez parlé de l'opportunité des rapports. Voyez-vous là un problème? Est-ce que cela se traduirait par beaucoup plus de temps, d'efforts et de coûts, au niveau de la démarche de vérification actuarielle?

M. Smith: Soit dit en passant, dans de nombreuses compagnies, l'actuaire de cotation est également l'actuaire d'évaluation. Autrement dit, l'actuaire à qui l'on a demandé de préparer une police d'assurance et de faire des prévisions relatives aux taux de déchéance et aux tarifs doit ensuite changer de chapeau pour évaluer son estimation du taux déchéance et des tarifs, pour le produit qu'il aura lui-même imaginé. De toute évidence, il est assez difficile d'être objectif dans cette situation.

Je crois que cela est source de grandes préoccupations. Cette situation était préoccupante dans le cas de la faillite de Sovereign Life, parce qu'on pouvait se demander si l'actuaire avait formulé de bonnes hypothèses. C'est en effet la même personne qui concevait le produit et qui évaluait son rendement par la suite.

Et c'est le même actuaire qui faisait rapport à la direction de la compagnie. Il serait de loin préférable que le tout dépende d'une seule évaluation externe, conduite par un vérificateur externe. Ce n'est qu'ensuite que la méthodologie et le raisonnement seraient soumis au conseil d'administration qui en tiendrait compte dans la régie de la société.

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M. St. Denis: Le temps supplémentaire nécessaire à la production d'un tel rapport ne vous inquiète pas?

M. Smith: Cela n'exige pas beaucoup plus de temps et le coût supplémentaire est minime par rapport à ce que représente la faillite d'une compagnie d'assurance.

Le président: Mais pour ce qui est de l'évaluation de la viabilité financière d'une compagnie d'assurance, est-ce la protection des porteurs de police qui vous inquiète le plus ou la protection des actionnaires?

M. Smith: Ce sont surtout les souscripteurs qui nous intéressent. Les actionnaires, eux, prennent les risques. D'un autre côté, vous devez comprendre que 10 des 12 grandes compagnies d'assurance-vie, qui contrôlent 75 p. 100 des porte feuilles d'assurance au Canada, sont des sociétés mutuelles d'assurance sans actionnaires. La plupart des souscripteurs d'assurance ne savent même pas que ce sont eux qui possèdent ces sociétés.

La Confédération était un exemple classique de ce cas. J'ai reçu des appels de titulaires d'assurance qui me demandaient ce qu'ils pouvaient faire. Je leur répondais: «vous êtes les propriétaires de la société, c'est à vous de faire quelque chose!». Et alors là, ils s'étonnaient: «moi?»

Le président: Le même raisonnement est-il valable dans le cas des compagnies d'assurance générale?

M. Smith: Pour ce qui est de la publication des renseignements, oui. Nous nous intéressons à la même chose.

Par contre, je ne crois pas que cela soit aussi essentiel. Les compagnies d'assurance contre les incendies, accidents et risques divers nous ont toujours transmis leurs renseignements. Leur formule de compte-rendu est bien meilleure. Tout est informatisé. L'industrie de l'assurance-vie, elle, vient juste de commencer cette année. La quasi totalité des compagnies d'assurance contre les incendies, accidents et risques divers nous remettent une copie de la disquette qu'ils envoient au BSFI. Nous transférons le tout sur nos ordinateurs et nous avons accès aux renseignements.

Donc, cela fait longtemps qu'elles nous appuient. C'est la quatorzième année que nous faisons rapport sur les compagnies d'assurance contre les incendies, accidents et risques divers et elles se sont toujours montrées coopératives. Nous avons accès à leurs données.

Par contre, elles ne nous autorisent toujours pas à publier leurs données sur les actifs minimum et leurs données servant à déterminer si leur réserve pour sinistres restant à payer est suffisante. Et nous sommes dans l'impossibilité de faire rapport à ce sujet, tant que le ministère des Finances n'autorisera pas la divulgation de ces données. Alors, pour parvenir aux mêmes résultats, nous appliquons d'autres critères. Mais les calculs sont loin d'être aussi compliqués que dans l'évaluation de la solvabilité d'une compagnie d'assurance-vie.

Le président: Avez-vous eu vent de situations, dans le domaine de l'assurance générale, où un actionnaire peut directement ou indirectement faire affaire avec sa propre société?

M. Smith: Où il peut faire affaire avec sa propre société?

Le président: Oui, et prélever une commission.

M. Smith: Je vois. Cette façon de le faire a donné lieu aux exemples classiques de quelques-uns des plus grands échecs qu'on ait connus. Comme probablement le cas de Northumberland. Le principal grossiste était également le propriétaire de la société. On était très loin du principe de la transaction indépendante.

Je suis un peu au courant de la question de l'insolvabilité, parce que j'ai moi-même liquidé deux sociétés d'assurance, Pitts et Cardinal, pour le compte du BSIF.

Au fil des ans, le BSIF a appris de ses erreurs; il fait désormais attention à des aspects comme le principe de l'autonomie, les compagnies de ré-assurance non-incrites, les problèmes touchant aux filiales, etc. Donc, en 20 ans, il a tiré des leçons.

Jusqu'en 1981, il n'y a pas eu un seul cas de faillite majeure dans l'industrie de l'assurance. La première faillite, je crois, a été celle de Strathcona, une société d'Ottawa, après quoi il y a eu Pitts. Avant, il y a peut-être eu une ou deux petites faillites de compagnies provinciales, sur une période de 100 ans.

Le président: Y a-t-il quoi que ce soit dans la loi qui empêche ce genre d'opérations internes?

M. Smith: Dans les règlements, on trouve présentes des mesures permettant au BSIF d'enquêter sur les transactions intéressées. Cependant, ce genre de transactions n'a jamais été un grand problème dans l'industrie de l'assurance-vie. Celle-ci pèche plutôt du côté des investissements extérieurs.

Le président: Je parle des assurances générales pour l'instant.

M. Smith: Dans le secteur des compagnies d'assurance contre les incendies, accidents et risques divers, il y a eu le problème de Pitts. Le propriétaire de la société possédait également la société de réassurance offshore qui a disparu. Et puis, il y a eu le problème de Cardinal, qui était à la fois l'agent général et la société d'assurance. Le même problème s'est reproduit dans le cas de Strathcona. C'est un cas classique dans le domaine de l'assurance contre les incendies, accidents et risqes divers.

Le président: Est-ce que la loi actuelle ou le projet de loi C-100 permettent d'éviter ce genre d'opérations avec lien de dépendance ou de les réglementer d'une façon ou d'une autre?

M. Smith: Le règlement établit une limite pour les opérations internes et précise que toutes ces opérations avec des compagnies de ré assurance associées doivent être préalablement approuvées par le surintendant. C'est lui qui a le pouvoir en la matière et qui peut exercer un contrôle.

Le président: Il s'agit d'un nouveau pouvoir qui est accordé au surintendant par le projet de loi C-100.

M. Smith: Ce n'est pas nouveau, il dispose de ce pouvoir depuis de nombreuses années, depuis le début des années quatre-vingt.

Le président: Donc, si le surintendant estime qu'il y a opération avec lien de dépendance, il lui suffit de dire s'il l'approuve ou non?

M. Smith: C'est exact. En fait, dans certains cas, par exemple, si vous possédez une compagnie d'assurance et que vous avez également une compagnie de réassurance dans les Îles Cayman ou aux Bermudes, vous ne pouvez traiter avec cette compagnie sans obtenir d'abord l'approbation du surintendant. Et cette disposition est en vigueur depuis plusieurs années.

.1530

Le président: Bien.

M. Smith: Ce n'est pas le genre de problème que l'on va rencontrer du côté des compagnies d'assurance-vie. Pour elles, c'est plutôt l'investissement qui pose problème.

Le président: L'investissement?

M. Smith: Oui.

Le président: Dans l'immobilier?

M. Smith: Essentiellement dans l'immobilier et dans les filiales.

Je crois qu'un bon nombre de compagnies d'assurance se sont fixé pour but d'être présentes dans la «structure des quatre piliers» et elles se sont lancées dans des domaines qu'elles ne connaissaient pas. Nous n'avons pas vu une seule compagnie d'assurance-vie qui ait réussi dans des opérations de fiducie depuis qu'elles se sont lancées dans ce domaine parce que, dans leur précipitation à faire concurrence aux banques, elles se sont lancées dans des secteurs dont elles ignorent tout.

Le président: Ici, vous recommandez à plusieurs reprises une plus grande publication.

M. Smith: Sauf votre respect, nous recommandons la publication complète.

Le président: La publication complète. Pouvez-vous nous dire où l'on en est? Qui pourrait s'opposer à cela, et pourquoi?

M. Smith: Les compagnies d'assurance, je crois, de même que certains membres du Bureau du Surintendant des institutions financières.

Je crois que c'est le surintendant précédent, M. Mackenzie - qu'on ne tenait pas pour un de mes amis - qui disait vouloir continuer de s'asseoir aux tables de réunions des compagnies d'assurance et qu'il voulait donc avoir une certaine latitude relativement aux données confidentielles pour déterminer lui-même où en étaient les compagnies, de façon plus expéditive. À cause de cela, il avait le sentiment qu'il devait garder confidentielles toutes les données qu'on aurait pu juger, sur un plan théorique, comme ayant une valeur aux yeux de la concurrence.

Très honnêtement, j'ai toujours pensé que tout cela n'était que fadaises. Il n'y a vraiment rien, dans les rapports, qui présente un intérêt pour la concurrence, à la seule exception, peut-être, dans le cas d'une compagnie d'assurance-vie, de la stratégie d'investissement. Mais, en retour, celle-ci est tellement importante pour le détenteur d'assurance qu'il faut à tout prix la publier.

Les compagnies d'assurance contre les incendies, accidents et risques divers n'ont pas ce genre de problèmes. La compagnie moyenne d'assurance contre les incendies, accidents et risques divers au Canada investit environ 72 p. 100 de son porte-feuille dans des obligations commerciales ou gouvernementales cotées; elles n'ont pas plus de 8 p. 100 de leurs investissements dans l'immobilier. Traditionnellement, dans l'immobilier, elles n'investissent... L'ancienne façon de faire était légale dans le cas des compagnies d'assurance-vie. Il fallait déclarer des dividendes pendant sept ans avant qu'ils ne soient approuvés. Aujourd'hui, bien sûr, il y a les stratégies d'investissement prudentes et les compagnies doivent faire rapport de cette stratégie au ministère ou auprès du BSIF et obtenir l'approbation du conseil d'administration avant de passer aux actes.

L'industrie de l'assurance-vie a toujours eu beaucoup plus de latitude dans le domaine des stratégies d'investissement et elle a commis d'effroyables erreurs. La Confédération, par exemple, avait placé plus de 65 p. 100 de son investissement total dans l'immobilier et dans des secteurs à risques liés au paiement d'hypothèque et certaines autres compagnies, encore en opérations, se retrouvent presque dans cette situation.

Le président: Devrait-on modifier les pouvoirs relatifs aux investissements maintenant, pour éviter que ce genre de choses ne se reproduisent?

M. Smith: Le surintendant a reserré les règles, pas dans cette loi, mais au cours des quelques dernières années, dans le règlement antérieur, relativement à la stratégie des investissements prudents. Même les compagnies d'assurance-vie, les banques et tous les autres doivent faire rapport de leur stratégie d'investissement prudent qui doit être approuvée par le conseil d'administration. C'est une des principales raisons pour lesquelles le BSIF veut plus particulièrement savoir qui est administrateur associé et qui ne l'est pas, afin de pouvoir s'entretenir avec ceux qui ne le sont pas, et qui comprennent les opérations auxquelles ils ne prennent pas part.

Le point faible, ce sont les sociétés d'assurance mutuelle. Comprenez-moi bien; certaines des compagnies d'assurance-vie les plus dynamiques au Canada, si ce n'est dans le monde, sont probablement des sociétés mutuelles d'assurance-vie, mais ce n'est pas le cas de toutes et il est difficile de réglementer dans ce domaine. Elles peuvent toujours avoir des filiales et les exigences relatives à la divulgation des renseignements, dans ce cas, ne sont pas très strictes. Je suis certain que le BSIF peut toujours demander à la société mutuelle d'assurance-vie ABC à quoi correspond l'investissement qu'elle a effectué dans une entreprise spécialisée dans la chaussure, il peut toujours demander à voir le bilan et savoir à quoi correspond l'investissement effectué, mais il n'a pas à rendre ces données publiques alors que nous, nous estimons que tous les détails devraient être publiés.

Le président: Merci.

M. Fewchuk.

M. Fewchuk (Selkirk - Red River): Vous nous avez dit qu'aux États-Unis, la publication est complète?

M. Smith: C'est cela.

M. Fewchuk: Dans combien de pays exige-t-on la publication complète?

M. Smith: D'après ce que je sais personnellement, au Royaume-Uni et aux États-Unis, par le biais du ministère des Transports. Je ne sais pas personnellement ce qui se fait dans les autres pays.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Monsieur Smith, votre témoignage est très important et nous garderons en tête ce que vous nous avez dit, pour le reste de la journée de même que demain, et nous aurons peut-être de nouveau recours à vous. J'espère que vous vous tiendrez au courant du déroulement de nos audiences et n'hésitez pas à nous contacter si vous avez d'autres suggestions à nous faire.

M. Smith: Je serai heureux de me représenter devant vous si vous le désirez et j'espère que les questions que j'ai soulevées étaient assez claires.

Le président: Très claires.

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M. Smith: Votre frère et votre cousine vous transmettent leurs meilleurs voeux.

Le président: Quel frère et quelle cousine?

M. Smith: Kathy et votre frère. Appellez-le dimanche.

Le président: Ah, merveilleux.

M. Smith: Merci beaucoup.

Le président: Notre prochain témoin est M. Victor Vipond. Bienvenue, monsieur Vipond.

M. Victor R. Vipond (présentation à titre personnel): Je tiens tout d'abord à dire à quel point je suis heureux d'être ici cet après-midi. En fait, j'ai passé la journée à suivre vos audiences et si j'ai appris une chose, que j'ignorais jusqu'ici, c'est que les comités parlementaires sont incroyablement endurants. Donc, je suis doublement honoré de pouvoir m'adresser à vous.

La première question qui se pose, c'est de savoir pourquoi je suis ici. Je vais m'efforcer de vous l'expliquer de la façon la plus succincte possible.

J'ai immigré au Canada en 1967. Je suis de ceux qui ont choisi de vivre ici. Je suis originaire de la Nouvelle-Zélande. J'ai étudié à la London School of Economics en 1969 où j'ai obtenu mon baccalauréat et une maîtrise en économie. Comme je m'intéressais aux institutions financières, je me suis ensuite retrouvé à l'Université de Chicago où j'ai étudié ce qui, à mon insu, est devenu un modèle très sérieux de réglementation, une théorie reconnue dans le monde entier.

J'ai obtenu mon diplôme en 1975 et je suis retourné vivre à Edmonton. Je ne me suis plus tellement intéressé à la chose, à part de regarder des amis et collègues américains mettre en oeuvre leurs propres versions de ce modèle, jusqu'en octobre 1990, quand on m'a tendu un livre blanc qui allait devenir notre nouvelle loi sur les banques et dont je pris alors connaissance.

Hélas, j'en suis venu à la conclusion que ce projet de loi passait complètement à côté de la plaque. J'ai alors passé la quasi totalité des quatre années trois quarts suivantes à parler à presque tous ceux qui voulaient bien m'écouter pour leur expliquer ce à côté de quoi nous étions passés.

Si ce Comité me le permet, j'aimerais maintenant passer cinq à dix minutes pour lui expliquer la chose, ce à quoi je veux en venir. Puis, vous aurez peut-être l'amabilité de me poser quelques questions.

Pour commencer, je pense que nous pouvons considérer que cette question que je veux soulever est en fait un point de décision. Nous en sommes à une intersection de notre système de réglementation et nous pouvons prendre la route du haut ou la route du bas. D'après ce que j'ai entendu aujourd'hui, tout le monde vous recommande de prendre celle du haut, mais moi je vous recommande l'inverse, je vous dis que vous pouvez prendre la route du bas, que vous pouvez adopter une approche entièrement différente.

Je sais que cela peut paraître très présomptueux de ma part, mais si je suis ici c'est que je suis intimement convaincu que ce Comité a le droit d'entendre mon point de vue et qu'il doit l'entendre.

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J'insiste donc sur les tendances se manifestant sur la scène internationale. On m'a dit qu'un mouvement mondial de réforme financière s'établissait aux États-Unis en 1972 et qu'il toucherait le monde entier. J'ai été ravi quand plusieurs de mes collègues américains m'ont appelé pour me dire que c'était déjà chose faite en Grande-Bretagne. En 1987, le modèle de Chicago a été mis en oeuvre au Royaume-Uni plus ou moins dans son intégralité dans le cadre de ce qu'on appelle un «big bang».

En parlant de tendances internationales, je voudrais dans un premier temps vous parler un peu du système au Royaume-Uni. J'aimerais consacrer quelques minutes à une discussion des principales différences entre notre système et celui du Royaume-Uni, notamment sur le plan des résultats. Après tout, c'est au fruit qu'on juge l'arbre.

Je voudrais tout d'abord vous parler de la rapidité d'exécution. Après tout ce que vous avez entendu aujourd'hui, vous avez certainement dû comprendre que la rapidité d'exécution est critique pour tout organisme de réglementation.

Si vous permettez, je voudrais comparer deux situations. J'avoue que c'est un peu délicat, et j'ai l'impression que les analystes vont sans doute me taper sur les doigts pour avoir fait une telle comparaison, mais en ce qui me concerne, l'utilisé de cette dernière se ramène, encore une fois, à la question de la rapidité d'exécution.

Il a fallu au BSIF un peu plus de sept ans pour mettre un terme aux pertes occasionnées par la faillite de la compagnie d'assurance-vie La Confédération. Il va falloir encore cinq ou sept ans avant que tout soit réglé. Aux fins de la comparaison, disons que cela aura pris en tout 15 ans. À raison d'environ 50 semaines par année, cela correspond plus ou moins à 750 semaines.

En Grande-Bretagne, il a fallu en tout trois semaines pour régler les détails de la faillite de la société Barings. Si on fait le calcul, cela signifie que le système britannique est 250 fois plus rapide que le nôtre. Non, je ne peux pas faire de telle affirmation pour l'instant; disons simplement qu'une comparaison sommaire de ces deux situations nous amène à croire que le système britannique est peut-être 250 fois plus rapide que le nôtre.

Quelques chiffres sur leurs effectifs et les nôtres vont peut-être vous intéresser. Le BSIF a environ 420 employés. L'économie sur laquelle s'exercent leurs pouvoirs de réglementation est moitié moins grande que l'économie du Royaume-Uni, alors si je me permets de faire encore une fois une comparaison un peu grossière, je dirai que si l'économie du Royaume-Uni était gérée par le BSIF, il faudrait à ce dernier environ 900 employés. Pourtant, l'effectif réel de son pendant au Royaume-Uni - et c'est vraiment son pendant, car ses fonctions sont presque identiques - est de 320. Il lui faut donc 30 p. 100, 35 p. 100 ou peut-être 40 p. 100 de notre effectif pour mener à bien ses activités de réglementation.

Faisons maintenant une comparaison avec la SADC. Encore une fois, la SADC est moitié moins grande, de sorte que si nous multiplions par deux l'effectif actuel de la SADC, qui est de 97, ce qui donnerait 200 employés, on peut faire une comparaison avec l'effectif de la Commission britannique de protection des déposants, qui est de huit personnes. Dans ce cas, l'organisme britannique a seulement un vingt-cinquième de l'effectif de l' organisme canadien.

Tout cela n'est pas bien important, car ce qui compte le plus c'est l'argent, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle ce Comité examine la question aujourd'hui, le Sénat en a discuté pendant toute l'année dernière, et tout le monde en discute depuis des lustres. Au cours des huit dernières années depuis la création du nouveau régime britannique, le système canadien appliqué par la SADC a perdu environ huit milliards de dollars; c'est un chiffre très approximatif, bien entendu. Donc, étant donné que le Royaume-Uni est deux fois plus grand, si l'on établit une équivalence, l'organisme britannique aurait perdu dans les mêmes conditions 16 milliards de dollars.

J'ai en fait une lettre que j'ai reçue fort heureusement la semaine dernière de la Banque d'Angleterre - et vous pouvez me croire si je vous dis que c'est tout aussi long et difficile d'obtenir des renseignements de la Banque d'Angleterre que du BSIF. La Banque d'Angleterre m'affirme qu'au lieu des 16 milliards de dolars qu'elle aurait perdus si nos économies étaient de la même taille, et si leur système était identique au nôtre, elle a perdu seulement 0,5 milliard de dollars canadiens. Ainsi leur perte représente un trente-deuxième de la nôtre.

Encore une fois, il s'agit d'une analyse assez grossière. Si l'on faisait une analyse vraiment détaillée, je crois que je serais en mesure de vous prouver que la perte britannique au cours des huit dernières années correspond en réalité à un cinquantième de la nôtre.

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Pour résumer, l'organisme britannique a un cinquantième de nos pertes et soit un vingt-cinquième, soit un tiers de notre effectif, selon l'optique choisie, et une rapidité d'exécution 250 fois plus élevée.

Je ne peux pas croire que personne au ministère des Finances, au BSIF ou à la CDIC ne se soit encore posé cette question évidente: que font-ils que nous ne faisons pas et que nous devrions faire? À mon avis c'est une question tout à fait pertinente.

Le président: Voulez-vous que je pose la question? Elle est posée.

M. Vipond: Merci, monsieur le président.

Nous sommes évidemment sur un terrain un peu glissant, car il est toujours facile d'isoler une caractéristique qui différencie leur système du nôtre et de se dire: c'est génial, nous allons faire la même chose. Mais la vie n'est pas aussi simple, évidemment. Dans le domaine de la réglementation, les apparences sont toujours trompeuses.

Permettez-moi donc de commencer par vous parler de quelques éléments clé qui semblent distinguer leur système du nôtre.

D'abord, nous avons entendu beaucoup de témoignages aujourd'hui au sujet des règles de fermeture du BSIF et des contradictions et incertitudes qui y sont associées.

Or, l'organisme de réglementation britannique n'a aucun pouvoir pour fermer une institution financière, pas plus que le ministre des Finances. Ce n'est pas du tout prévu dans leur régime de réglementation. De plus, l'organisme de réglementation n'a pas le droit de demander aux tribunaux d'émettre une ordonnance de mise en liquidation. Il doit même demander la permission aux tribunaux de participer à une procédure en liquidation engagée par quelqu'un d'autre. L'organisme de réglemenation n'a même pas le droit de demander aux tribunaux d'émettre une ordonnance d'administration judiciaire.

Donc, nos préoccupations et nos discussions, comme celles que nous avons eues ce matin, au sujet de la fermeture n'intéresseraient pas le moindrement les autorités britanniques.

Qu'est-ce qui les intéresse alors? D'après ce que je peux voir - et là je me fonde sur la théorie qu'on m'a enseignée il y a une vingtaine d'années et qui sont appliquées là-bas et sur mes constatations à partir de l'information fort incomplète qu'on m'a fournie - les autorités britanniques, ne cherchent pas à attaquer les institutions et ne s'intéressent pas beaucoup aux titres de postes. Peu leur importe qu'un type soit administrateur interne, administrateur externe, administrateur affilié ou autre chose. Peu leur importe qu'un administrateur soit également président directeur général ou qu'il travaille pour l'entreprise mère ou pour une filiale. Leurs lois et leur réglementation se moquent de ces aspects-là. Encore une fois, c'est peut-être une perte de temps pour nous que de nous y intéreser.

Par contre, les autorités britanniques s'intéressent avec vigueur et enthousiasme à la réglementation des personnes. Elles ont ce qu'elles appellent la règle des quatre yeux, ce qui signifie que l'organisme de réglementation doit connaître le nom et les antécédents des deux personnes qui auront la responsabilité d'établir la politique de l'institution.

J'ai longuement étudié cette règle, et je peux vous assurer qu'elle est extrêmement nuancée et subtile. Elle leur permet de faire plusieurs choses.

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D'abord, lors du rachat ou de la constitution en société d'une institution, ou même pour l'administration au jour le jour, l'organisme de réglementation dispose d'informations complètes au sujet des antécédents des deux personnes qui sont chargées de définir la politique.

Les autorités réglementaires ont également le droit de refuser à une banque la permission de confier à n'importe quelle personne la responsabilité de l'élaboration des politiques. Cela veut dire qu'au Royaume-Uni... En fait, cela ne veut rien dire au Royaume-Uni, car les autorités britanniques n'auraient jamais pensé que quelqu'un pourrait être assez bête pour le faire.

Donc, si cette règle était appliquée au Canada, l'organisme de réglementation ne permettrait jamais à un promoteur immobilier, à un conseil de société ou à un sous-ministre d'élaborer les politiques d'une banque. Jamais de la vie. Ce ne serait pas possible. Il ne leur viendrait même pas à l'idée de penser que quelqu'un pourrait être assez bête pour le faire.

Le président: J'ai l'impression que si l'on appliquait cette règle ici au Canada, Victor Vipond serait le seul à être autorisé à élaborer les politiques au Canada.

M. Vipond: Je peux vous garantir que les autorités britanniques ne m'accorderaient pas non plus ce droit.

Elles ont mis en place un certain nombre de règles concernant les personnes jugées aptes pour élaborer la politique d'une banque. D'après ce que je peux voir, et c'est assez limité - la principale condition est qu'il existe au sein de la banque une structure de gestion décisionnelle à long terme qui progresse constamment.

Si cette condition est considérée essentielle, c'est parce que l'administration d'une banque est une activité qui repose avant tout sur des principes d'éthique professionnelle.

Vous avez peut-être remarqué que j'ai bien insisté dans mon mémoire sur le fait que les autorités britannique mettent l'accent sur l'intégrité. Elles le font en s'assurant que les personnes qui occupent des postes supérieurs dans les banques ont 10 ou 15 ans d'expérience et ont prouvé qu'elles sont capables de prendre sous pression des décisions responsables qui reflètent leur intégrité. D'après ce que j'ai pu voir dans la documentation, tel semble être le principal critère exigé.

Combien de faillites bancaires auraient pu être évitées ici si les banques en question n'avaient pas été dirigées par des promoteurs immobiliers? D'après mes calculs, plus de la moitié des faillites se sont produites justement parce que nous avons permis à des promoteurs de diriger nos banques.

Je n'attache aucune importance au titre; pas plus que les autorités britanniques. Ce qui les intéresse, c'est de savoir qui va faire le travail.

Il y a deux éléments de la common-law ou du droit en général qu'elles ont appliqués, et qui m'intriguent. Je voudrais les aborder brièvement au profit des membres du comité.

À mon avis, le projet de loi C-100 passe tout à fait à côté de la plaque. Il existe une bonne formule pour les systèmes de réglementation. Il s'agit d'une formule éprouvée qui marche bien. Ce qu'on vous a décrit aujourd'hui, depuis le début de la journée, ce sont des théories concernant la façon dont un tel système pourrait fonctionner.

Ces théories ne me sont pas inconnues, elles proviennent principalement des États-Unis. Il est possible qu'elles soient encore plus efficaces. Peut-être que si nous suivions l'exemple des autorités britanniques, nous parviendrions à créer un système qui n'est que 20 ou 15 fois plus efficace que le nôtre.

Par contre, si nous adoptons les théories qu'on nous recommande, nous pourrions peut-être mettre en oeuvre un système qui est 50 fois plus efficace que le nôtre.

M. Fewchuk: Avez-vous une copie de votre mémoire?

M. Vipond: J'ai préparé un mémoire que j'ai transmis à la greffière.

M. Fewchuk: Quand l'avez-vous envoyé?

M. Vipond: Il y a deux semaines.

Le président: C'est en cours de traitement par la poste.

M. Vipond: Vous ne l'avez donc pas lu? Oh, mon Dieu! Je suis vraiment désolé.

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Mme Stewart: Dites-nous donc simplement pourquoi Barings a fait faillite.

M. Vipond: Je pense qu'on a déjà affirmé à maintes reprises qu'il n'existe pas de système parfait. Même si je dis beaucoup de bien de ce système, cela ne veut pas dire que je le juge parfait.

L'autre chose que vous intéressera peut-être en ce qui concerne Barings, c'est qu'elle n'a absolument rien coûté aux contribuables pendant toute la période de huit ans.

Mme Stewart: Comprenez-vous les déposants parmi les contribuables?

M. Vipond: Oui, absolument. Elle ne leur a rien coûté. On a pu intervenir avant que la société ne devienne insolvable.

M. St. Denis: C'est pourtant ce qu'on a lu dans les journaux.

M. Vipond: C'est bien possible.

Le président: Désirez-vous faire une dernière remarque en guise de conclusion? Si je vous comprends bien, vous affirmez que si nous suivions le modèle britannique, il nous suffirait de trouver deux personnes intègres pour gérer chaque institution financière. Ce serait notre seule obligation, et tout le système marcherait bien sans bureaucratie et sans anicroche. Bien entendu, vous écartez un grand nombre de personnes qui pourraient être jugées des gens honnêtes, mais vous avez peut-être raison de le faire.

Puisque vous avez examiné en profondeur toutes ces questions, auriez-vous d'autres suggestions à nous faire quant à l'orientation future de nos institutions financières?

M. Vipond: Je pense que je devrais peut-être en rester là. Il existe une formule éprouvée. Je ne comprends toujours pas, et voilà cinq ans que je me pose la question, pourquoi nous tenons à tout prix à adopter des théories qui n'ont jamais été mises à l'essai. Je n'ai jamais compris pourquoi on s'obstine à le faire.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Vipond. Encore une fois, vous nous avez donné à réfléchir puisque vous contestez notre approche conventionnelle face à des questions qui le sont beaucoup moins.

Le témoin suivant est M. Gordon Dowsley, de New World Approaches.

Bienvenue au comité, monsieur Dowsley. Je crois comprendre que vous souhaitez faire une brève déclaration liminaire avant que nous ne passions à la période des questions.

M. Gordon Dowsley (mandant, New World Approaches): Oui. Merci.

En discutant du projet de loi C-100, j'ai l'intention de me tenir aux aspects qui concernent l'assurance-vie et à trois points en particulier.

D'abord, les compagnies d'assurance-vie ne devraient pas faire faillite. La faillite d'une seule compagnie d'assurance-vie entache la réputation de toute la communauté financière.

Il convient de noter qu'une technique employée dans les finances aurait permis d'éviter la faillite de la Confédération, à savoir si les actuaires avaient fondé leurs projections de liquidités sur les périodes d'amortissement des hypothèques, plutôt que sur la période de renouvellement. Permettez-moi de vous faire quelques brèves remarques en guise d'explication.

En cherchant à déterminer si les réserves sont suffisantes ou non, les actuaires font une projection des mouvements de trésorerie futurs, et s'ils constatent qu'il va y avoir un déficit dans une année donnée - mettons la 11e année ou la 23e année, ou à un autre moment - il faut augmenter les réserves afin que les liquidités soient suffisantes cette année-là.

Dans le cas de la Confédération, les actuaires ont fait ce que font les actuaires de la plupart des compagnies. Ils ont présumé que les hypothèques viendraient à échéance à la fin de la période de renouvellement de cinq ans, plutôt qu'après 20 ans, de sorte qu'à la fin de cette période de cinq ans, l'emprunteur rembourserait, mettons, les 20 millions de dollars qu'il avait empruntés. Bien entendu, cela ne s'est jamais produit. On a toujours tenu pour acquis que si l'emprunteur ne voulait pas rembourser son prêt à la fin de la période de cinq ans, il s'adresserait à la banque pour obtenir un autre emprunt et que la compagnie toucherait par conséquent cet argent quoi qu'il arrive. C'était une hypothèse erronée. Si l'on s'en était rendu compte assez tôt, la compagnie aurait mis un terme à ces pratiques et aurait tout de suite reconnu que ses réserves étaient insuffisantes.

Vous vous demandez peut-être pourquoi ce genre de choses de produit. Eh bien, c'est parce que l'équilibrage de l'actif et du passif est un concept relativement nouveau dans l'industrie de l'assurance et même au sein de la communauté financière en Amérique du Nord. Les premières études rédigées sur le sujet étaient celles de l'actuaire newyorkais Irwin Vanderhoof, dans les années 1970.

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Les entreprises canadiennes ont été parmi les premières à reconnaître la nécessité absolue d'équilibrer les entrées et les sorties de fond, mais comme le système était nouveau, des erreurs ont évidemment été commises.

Une des premières erreurs a été de ne pas reconnaître qu'une obligation n'arrive pas toujours à échéance, c'est-à-dire que la compagnie peut décider de la racheter cinq ans avant l'échéance dans le cas d'une émission particulière; mais cette erreur n'était pas assez grave pour créer de véritables problèmes.

Par contre, l'erreur commise du côté des hypothèques était une erreur fondamentale. À mon avis, il n'est pas possible de la corriger par voie législative, mais il faut tout de même que le BSIF en tienne compte au moment d'évaluer la suffisance des réserves des compagnies d'assurance-vie.

Deuxièmement, je trouve étrange qu'on interdise à l'actuaire signataire d'occuper le poste de directeur financier. On pourrait faire valoir tout autant d'arguments pour justifier le contraire, c'est-à-dire que le directeur financier soit l'actuaire doté du pouvoir de signature. Que l'on soit pour ou contre, ce genre de chose doit être décidé par la direction et non pas par le législateur.

Il faut aussi être conscient des raisons pour lesquelles cette interdiction est prévue dans le projet de loi. Elle ne fait que refléter la lutte entre les actuaires et les comptables qui caractérise actuellement l'industrie de l'assurance-vie. L'effectif de la plupart des compagnies canadiennes d'assurance-vie ne comptait même pas un comptable agréé avant 1970. Les comptables ont beaucoup aidé l'industrie. Ils sont à présent beaucoup plus puissants, à un point tel qu'ils contrôlent le BSIF. Voilà pourquoi on a voulu prévoir cette interdiction. Elle reflète tout simplement l'influence accrue des comptables, comparativement aux actuaires qui travaillent dans l'industrie, et elle ne devrait même pas être incluse dans ce projet de loi.

En ce qui concerne le directeur financier et l'actuaire ayant le pouvoir de signature, Don Smith a parlé tout à l'heure des problèmes liés à la divulgation d'informations. Il a parfaitement raison. Par le passé, les rapports entre les différentes compagnies qui se faisaient concurrence n'auraient pas pu être meilleurs.

Au sein de l'industrie, les diverses compagnies se communiquaient leur barème respectif. Elles échangeaient également les états financiers déposés devant le BSIF, etc. Le gouvernement lui-même en publiait des résumés. Par la suite, il a évidemment cessé de le faire, et l'information en question est devenue confidentielle.

L'ex-président du BSIF avait une interprétation très stricte de la loi, et l'absence d'information a certainement aggravé la situation à la Confédération.

En troisième lieu, je voudrais vous parler brièvement de la réadaptation.

Dans le livre blanc, on disait que l'expérience américaine démontrait qu'il n'y a pas lieu de prévoir une procédure de réadaptation au Canada. À mon avis, c'est tout à fait faux.

Aux États-Unis, la réglementation est définie par les états à cause de la Loi McCarran-Ferguson de 1941, dans laquelle le gouvernement fédéral confiait aux états la responsabilité de réglementer les compagnies d'assurance. Si cette mesure législative a été adoptée, c'est parce que les grandes compagnies d'assurance ont exercé d'énormes pressions sur les autorités fédérales car elles savaient fort bien qu'elles pouvaient plus facilement obtenir ce qu'elles voulaient des législateurs des états qu'elles ne le pourraient des législateurs fédéraux.

Bon nombre d'entre elles regrettent à présent d'avoir agi de cette façon, et un grand débat est actuellement en cours aux États-Unis pour savoir s'il convient ou non d'abroger la loi McCarran-Ferguson. Le problème, évidemment, c'est qu'il existe maintenant 50 organismes de réglementation différents, chacun avec ses propres règles, même si ces dernières ne varient pas énormément.

Je peux très bien comprendre qu'on en conclut que la réadaptation n'a pas bien marché aux États-Unis. Mais tout dépend de l'état examiné. Aux États-Unis, l'attitude vis-à-vis des institutions financière est très différente selon qu'on parle des états du nord-est ou de ceux de la frontière d'autrefois, c'est-à-dire ceux de l'ouest et du sud-ouest.

Si cela vous intéresse de savoir comment cette différence a influé sur le développement de l'économie américaine, le livre de John Kenneth Galbraith intitulé Money, l'explique jusqu'à un certain point.

Si vous prenez l'exemple d'un état comme le Texas, vous allez voir que la réadaptation marche très bien.

Si vous en voulez d'autres, je peux vous citer l'exemple de la Banker's Protective Life Insurance Company dont les avoirs se montaient à seulement 200 000$ après la réadaptation. Cette entreprise a maintenant un capital et un excédent se montant à environ 4 millions de dollars.

La Atlantic and Pacific Life en Géorgie a également été vendue après avoir été réhabilitée, comme l'a été la State Mutual en Géorgie. L'exemple le plus important aux États-Unis est probablement celui de la Executive Life, une très grande société qui a survécu à la période de réadaptation et continue d'exister.

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Mais nous nous contentons pas de parler uniquement des États-Unis. Si vous voulez qu'on vous cite un exemple de raison pour laquelle il faut réhabiliter des compagnies, regardez plutôt du côté du Japon, en dehors de l'Amérique du Nord. Il y a une cinquantaine d'années, c'était la fin de la guerre au Japon, et vous pouvez facilement vous imaginer l'état des compagnies d'assurance-vie. Les avoirs des ex-colonies de Corée et de Taiwan avaient été saisis. La valeur des obligations qu'elles avaient acheté à diverses industries implantées autour de la baie de Tokyo était douteuse. Les demandes d'indemnisation étaient considérablement plus élevées. Toutes ces compagnies étaient insolvables. Eh bien, elles ont été réhabilitées, et ces compagnies sont à présent les plus grandes compagnies d'assurance du monde.

Je me permets de mentionner à titre d'information que quatre d'entre elles ont des bureaux à Toronto, à partir desquels elles font des investissements au Canada. Les deux plus grandes, la Nippon Life et la Dai-Ichi, investissent chacune dans les 5 milliards de dollars dans l'économie canadienne. Elles ne mènent pas d'activités commerciales au Canada; elles se contentent d'investir dans l'économie candienne. Il s'agit d'entreprises qui, en vertu des règles actuelles du BSIF, auraient complètement disparu en 1945.

À mon avis, le traitement accordé à ces compagnies japonaises à la fin de la guerre, traitement qui leur a permis de prendre de l'expansion, est de loin préférable aux mesures prises lors de la faillite de la Confédération, qui a nécessité l'engagement de plusieurs millions de dollars pour payer les liquidateurs, les avocats, etc. Nous perdons en plus plusieurs milliers d'emplois. Et nous perdons surtout une importante institution financière, simplement parce que nous n'avons pas de programmes de réhabilitation.

Voilà donc les trois points que je voulais soulever.

Le président: Merci, monsieur Dowsley.

En quoi notre système au Canada aurait-il dû être différent pour nous permettre de réhabiliter la Confédération, plutôt que de la mettre en faillite?

M. Dowsley: Permettez-moi de vous expliquer brièvement ce qui s'est produit au Japon. Nous n'aurions pas été en mesure de le faire au Canada, aux termes de notre loi, et je ne pense pas que nous pourrons le faire non plus après l'adoption du projet de loi C-100.

La Dai-Ichi était une société mutuelle. La Nippon Life était une société à capital-actions. Ce sont les deux plus grosses compagnies en activité de nos jours. Je trouve intéressant que l'une d'entre elles était une société mutuelle, et l'autre, à capital-actions. Donc, elles ont d'abord éliminé la totalité de l'avoir des actionnaires, ce qui était logique puisqu'il était négatif. Ensuite, elles ont examiné l'avoir social de la compagnie et les réserves requises pour les titulaires de police. L'avoir social n'était toujours pas suffisant. Par conséquent, elles ont simplement décidé que tous les détenteurs conserveraient la même police, sauf qu'elle serait réduite à 90 p. 100 ou à 78 p. 100 de ce qu'elle était, selon le chiffre retenu pour la compagnie en question. Ces deux compagnies ont donc poursuivi leurs activités, en continuant de recevoir des primes et de régler des sinistres.

Le président: Par contre, en vertu du système actuel et aux termes des dispositions du projet de loi C-100, il existe une association industrielle qui se charge de verser la totalité des sommes dues aux détenteurs de polices, à savoir Compcorp.

M. Dowsley: Jusqu'à certaines limites?

Le président: Oui.

M. Dowsley: Dans l'exemple japonais, ils ont décidé que tout le monde aurait droit à 90 p. 100. Si Compcorp était disposé à prendre en charge les 10 p. 100, il n'y aurait aucun problème, et la compagnie pourrait rester en activité.

Une vingtaine de compagnies étaient touchées. C'est vraiment assez intéressant. On pourrait croire qu'une compagnie comme la Sumitomo fait partie du groupe Sumitomo, et c'est vrai, mais il n'en reste pas moins que c'est une société mutuelle. C'est la raison pour laquelle même après l'élimination de l'avoir des actionnaires, les amitiés d'autrefois restent intactes. Et les compagnies elles-mêmes sont restées en activité.

Le président: Si je comprends bien, la véritable différence, c'est qu'on a permis à la compagnie de rester en activité plutôt que d'être prise en charge par un liquidateur ou un syndic, qui aurait essayé de vendre ses biens, de sorte que l'industrie, par l'entremise d'une entreprise comme CompCorp, a pu assumer la charge des 22 p. 100 manquants, puisque la valeur des avoirs était de 78 p. 100.

M. Dowsley: Oui.

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Le président: La principale différence, c'est que la Confédération n'existe plus, elle n'a plus ni employé ni client, même si ses polices vont être honorées.

M. Dowsley: Oui, et nous avons perdu une autre institution financière.

Le président: Oui.

M. Dowsley: Le concept de l'insolvabilité, en parlant de ce genre de compagnie, est fort intéressant. À mon avis, tout dépend de son système comptable. On pourrait sans doute dire que chaque compagnie d'assurance-vie a déjà été insolvable au moins deux fois, d'abord pendant la grande crise, et deuxièmement pendant la période des taux d'intérêt très élevés de 1981, alors que la valeur des obligations et des hypothèques a chuté. Selon le système comptable qu'on emploie, c'est probablement tout à fait vrai. Ainsi l'ensemble de l'industrie aurait été réhabilité, puisque nous appliquons des règles qui reconnaissent que l'assurance-vie est une activité à long terme et qu'il y aura nécessairement des fluctuations.

Le président: Pour ce qui est de votre deuxième point, concernant l'actuaire signataire, vous dites que nous interdisons dans le projet de loi C-100 que l'actuaire signataire soit le directeur financier de la compagnie d'assurance, essentiellement pour éviter les conflits d'intérêts. Vous dites que c'est tout le contraire: que ces personnes font partie intégrante de la direction, sont responsables d'une proportion considérable des bénéfices, et qu'il convient par conséquent qu'elles soient bien visibles et qu'elles puissent participer pleinement aux activités de la compagnie et en assumer nécessairement la responsabilté.

Monsieur Smith, qui a témoigné avant les deux derniers témoins, a dit qu'il serait préférable que l'actuaire soit quelqu'un de l'extérieur, évoquant l'analogie du comptable - c'est-à-dire un professionnel indépendant qui attache la plus haute importance à sa réputation professionnelle.

M. Dowsley: J'en ai vu une partie à la télévision. Je peux me tromper, mais je pense qu'il disait que les comptables préparent des états financiers qui sont examinés et vérifiés par des comptables externes qui affirment, à titre de comptables indépendants, que les chiffres sont exacts à leur avis, et que cette même procédure devrait exister pour les actuaires; à savoir que l'actuaire signataire préparerait ses états et ses chiffres et une firme externe les examinerait en disant: «Nous avons vérifié ces documents et selon nous, l'information qu'on y retrouve est exacte».

Le problème que risque de poser ce changement, c'est que l'actuaire signataire n'occupera peut-être plus un poste si élevé que précédemment. Par le passé, celui-là relevait directement du président. Dans certaines compagnies, nous constatons que le niveau du poste a baissé d'un cran. Quand cela se produit, l'intéressé n'est plus au courant de tout ce qui se passe, et il lui est difficile de prévoir des réserves suffisantes s'il n'est pas au courant de décisions ayant des conséquences à long terme et d'autres décision fondamentales qui peuvent influer sur la composition du bilan.

M. Fewchuk: Quelle est votre position sur la divulgation?

M. Dowsley: Eh bien, je suis tout à fait en faveur d'une divulgation complète de toute information importante. Maintenant ils ont quelque chose qu'ils appellent le montant minimal permanent requis pour le capital et l'excédant, le MMPRCE. Les compagnies ne révèlent pas leurs chiffres. Je ne comprends vraiment pas pourquoi les compagnies les plus fortes ne veulent pas se vanter d'avoir un ratio de 180 p. 100.

M. Fewchuk: Vous avez parlé de deux systèmes comptables. Si toute cette information devait être révélée, ce serait une autre source de protection, car tout le monde serait au courant. Ne pensez-vous que ça règlerait le problème?

M. Dowsley: Oui, sans aucun doute.

Je vous fais remarquer que l'une des premières compagnies à avoir cessé de publier ses états financiers et d'autres renseignements après la modification de la loi - et je ne me rappelle plus quand cette modification a été adoptée - était la Confédération. Du jour au lendemain, il est devenu impossible de se procurer ses états financiers.

M. Fewchuk: C'est très intéressant.

M. Dowsley: Vous pouvez comprendre pourquoi.

M. Fewchuk: Oui.

Le président: Vous avez une très longue expérience du secteur des assurances, monsieur Dowsley, ayant travaillé plus de 20 ans pour la Crown Life, qui a connu certaines difficultés mais qui a été «réhabilitée», de sorte que non seulement elle continue d'exister mais elle est en plein essor, d'après ce qu'on m'a dit. En ce qui vous concerne, s'agirait-il là d'un exemple de la réhabilitation, telle que vous nous l'avez décrite?

M. Dowsley: Oui.

Permettez-moi cependant de vous expliquer la principale différence entre la Crown Life et la Confédération. Leur situation était très semblable. Les deux ont décidé de pénétrer le secteur bancaire - en fait, la grande majorité des compagnies d'assurance-vie ont fait la même chose à l'époque - en acceptant de gros dépôts sur cinq ans et des certificats de placement garanti, et en investissant dans les hypothèques. Aussi bien Crown que Confederation ont fini par avoir 40 à 42 p. 100 de leur actif en hypothèques, comparativement à une moyenne de 20 à 22 p. 100 pour l'Amérique du Nord. Elles ont doublé ce pourcentage.

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À l'époque, elles ne disposaient pas d'un certain nombre des outils financiers qui existent à l'heure actuelle sous la forme de différentes techniques de garantie. Toutefois, vers 1990, Crown Life a reconnu l'importance du problème est s'est mise à faire des provisions et à absorber de lourdes pertes tous les ans. Par contre, ce n'est pas ce qu'a fait la Confédération. D'ailleurs, entre le moment où la Confédération a publié ses derniers états financiers et celui où elle a été déclarée insolvable, il s'est passé... Ses états financiers étaient du 31 décembre et elle a été déclarée insolvable en août de sorte qu'en huit mois son actif a diminué de 800 millions de dollars.

Je ne crois pas qu'elle ait perdu 800 millions de dollars au cours de cette période. Je crois que la baisse de son actif n'a pas été prise en compte suffisamment tôt et que ses états financiers... Bien sûr, il y a différentes règles de comptabilité et il peut y avoir des variantes. Mais comment a-t-elle pu perdre 800 millions de dollars au cours de cette période?

Une autre question que l'on peut se poser - et je comprends mal pourquoi on n'en a pas parlé - c'est comment elle aurait pu faire pour vendre ces titres en Europe si elle avait pleinement divulgué sa situation? Personne ne semble s'en inquiéter.

Le président: Monsieur Dowsley, avez-vous quelque chose à ajouter à titre de conclusion avant que nous ne levions la séance?

M. Dowsley: Une chose, peut-être. Les problèmes de la Confédération viennent du fait que ces gens ont regardé chez leurs voisins en estimant que le travail était toujours plus facile ailleurs. La population regarde les députés et considère que leur travail est tout simple, que n'importe qui peut le faire. Les assureurs ont regardé les banquiers et se sont dit: «Nous pouvons aussi le faire», et ils se sont lancés dans les certificats de placement garanti, détruisant les grands équilibres de leur bilan. Au lieu de s'adresser à un grand nombre de petits intervenants, peu expérimentés et répartis dans toute la population, ils se sont retrouvés face à un petit nombre de gros intervenants qui étaient des professionnels, des investisseurs à plein temps pour le compte de ces fonds de pension.

Non pas dans le cadre du projet de loi C-100, mais plus tard, vous allez devoir vous pencher sur les rapports de force qui doivent régir les banques, les sociétés d'assurance et les différents intervenants, et j'espère que vous n'oublierez pas que chacun d'entre eux considère que le travail de l'autre est bien plus facile que le sien et qu'il pourrait l'accomplir les doigts dans le nez.

Le président: Sur cette observation, monsieur Dowsley, je vous remercie de vos sages conseils et de l'expérience dont vous avez su faire profiter notre comité dans ses délibérations. Je crois que les trois points que vous avez soulevés présentent un certain intérêt et nous ne manquerons pas d'en tenir compte à l'avenir.

Chers collègues, j'ai oublié tout à l'heure de vous présenter Pierre Rodrigue, qui va être notre greffier, ainsi que Martine Bresson, qui joueront un rôle essentiel pour faciliter nos déplacements cet automne en prévision du budget.

Par ailleurs, je crois savoir que nous nous sommes entendus pour entamer nos consultations pré-budgétaires le lendemain du retour du Parlement en septembre, soit le mardi 19 septembre. Nous attendons avec intérêt de prendre connaissance des interventions de tous ceux qui, au Canada, ont des conseils à nous donner en prévision du futur budget.

La séance est levée jusqu'à demain matin à 9h30.

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