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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 17 octobre 1995

.1535

[Français]

Le président: Nous commençons l'étude du projet de loi C-103. Nous avons avec nous le secrétaire parlementaire, M. Walker; il est accompagné de Patricia Malone et de Susan Katz. Monsieur Walker.

M. David Walker (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): J'ai quelques remarques préliminaires à faire au Comité permanent des finances.

Nous sommes ici aujourd'hui pour étudier le projet de loi C-103. Ce projet propose des modifications à la Loi sur la taxe d'accise et à la Loi de l'impôt sur le revenu dans des domaines qui profiteront aux éditeurs de périodiques canadiens.

Le Canada dispose depuis longtemps d'une politique visant à canaliser les recettes publicitaires canadiennes vers les périodiques canadiens. Ces revenus publicitaires sont en effet essentiels à la survie de l'industrie canadienne des périodiques puisqu'ils représentent 65 p. 100 de ses recettes totales.

[Traduction]

C'est il y a déjà plus de 30 ans que les membres de la Commission royale d'enquête sur les périodiques, le plus souvent appelée Commission O'Leary, se sont penchés sur la situation de l'industrie canadienne des périodiques. Après une étude complète de la question, ils ont recommandé la mise en oeuvre de mesures favorisant l'apport de recettes publicitaires à l'industrie canadienne des périodiques afin de lui permettre de reposer sur des assises financières sûres.

Par conséquent, deux mesures législatives ont été mises en place en 1965: premièrement, l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui limite les déductions d'impôt pour l'achat d'annonces publicitaires visant le marché canadien à celles placées dans des périodiques canadiens et, deuxièmement, le code 9958 du Tarif des douanes, qui interdit l'importation au Canada d'éditions à tirage dédoublé ou d'éditions spéciales de périodiques dont le contenu est essentiellement le même que celui de l'édition originale, sauf en ce qui concerne la publicité qui vise spécifiquement un marché canadien.

Ces mesures ont permis d'assurer le développement d'un secteur canadien du magazine. Depuis plus de 30 ans, elles permettent à ce secteur de survivre et de croître.

En janvier 1993, Time Warner a annoncé son intention de publier Sports Illustrated Canada. Puisqu'il était prévu de transmettre Sports Illustrated Canada par voie électronique, et non pas de faire franchir la frontière à un produit physique, le code tarifaire 9958 ne s'appliquait pas. Il ressortait clairement de l'initiative de Time Warner que le code tarifaire 9958 pouvait être contourné et qu'il fallait mettre à jour la politique canadienne en matière de magazines. Par conséquent, le gouvernement du Canada a créé le Groupe de travail sur l'industrie canadienne des périodiques en mars 1993. Le groupe de travail avait pour mandat d'étudier les mesures existantes et de proposer toute mesure pouvant assurer une politique fédérale efficace à l'appui du secteur canadien du magazine.

Dans son rapport final, le groupe de travail a proposé 11 recommandations au gouvernement. Deux d'entre elles font l'objet du projet de loi C-103: une taxe d'accise visant les tirages dédoublés de périodiques distribués au Canada; deuxièmement, une règle anti-évitement relative à la déductibilité des dépenses engagées pour faire paraître des annonces dans des journaux et périodiques étrangers. La taxe d'accise proposée correspondrait à 80 p. 100 de la valeur de l'ensemble des annonces de toute édition à tirage dédoublé.

En l'absence d'une telle mesure, selon les membres du groupe de travail, le secteur canadien des périodiques risquait de perdre jusqu'à 40 p. 100 de ses recettes publicitaires sur une période de cinq ans.

La modification proposée de la Loi de l'impôt sur le revenu ajoutera une règle anti-évitement à l'article 19 de la loi. Cette mesure vise à faire en sorte que les journaux et périodiques dont on prétend qu'ils sont canadiens seront, de fait, contrôlés par des intérêts canadiens aux fins de la loi.

.1540

Ces modifications proposées à la Loi sur la taxe d'accise et à la Loi de l'impôt sur le revenu constituent l'actualisation de notre politique d'appui au secteur canadien du magazine. Elles vont dans le sens de la politique de longue haleine du gouvernement à l'égard des magazines Canadiens et mettent en relief l'engagement du gouvernement fédéral à assurer la viabilité et l'originalité du secteur canadien du magazine.

Monsieur le président, voilà qui termine mes observations liminaires. Je suis disposé à répondre aux questions des membres du comité. Je dois tout d'abord vous dire que je devrai peut-être partir à cause d'un projet de loi qui me concerne à la Chambre des communes. Je m'en excuse à l'avance.

Le président: Je ne suis pas certain que nous souhaitions votre départ, monsieur Walker.

M. Walker: Je ne suis pas convaincu de vouloir rester.

Le président: D'après ce que j'en comprends, cette initiative constitue la réaction de notre gouvernement à une situation qui s'est manifestée en 1993 lorsque Sports Illustrated a violé, sinon la lettre, du moins l'esprit de la loi. L'entreprise a été en mesure de faire un tirage dédoublé d'une édition numérisée aux États-Unis et transmise au Canada pour impression, sans y inclure aucun contenu éditorial canadien.

M. Walker: C'est exact.

Le président: Et les annonceurs canadiens, en raison d'une échappatoire, pouvaient continuer de bénéficier des mêmes déductions pour dépenses de publicité dans cette publication ainsi que pour toute publicité dans un magazine étranger du même genre transmis au Canada par voie électronique et imprimé ici aux fins de la distribution.

M. Walker: Oui.

Voudriez-vous avoir des précisions?

[Français]

Le président: Nous passons maintenant à la période des questions.

[Traduction]

M. Walker: Je m'excuse.

Mme Susan Katz (directrice générale intérimaire, Industries culturelles, ministère du Patrimoine canadien): Permettez-moi d'apporter une précision.

Les annonces qui figurent dans une édition à tirage dédoublé ne sont pas déductibles aux fins de l'impôt.

Le président: Même si elles sont transmises au Canada par voie électronique?

Mme Katz: C'est exact.

Le président: L'ont-elles déjà été?

Mme Katz: Non, elles ne sont pas déductibles aux fins de l'impôt. Pour que la valeur d'une annonce qui vise le marché canadien soit déductible aux fins de l'impôt, l'annonce doit paraître dans un magazine dont la propriété et le contrôle sont canadiens à 75 p. 100 et dont le contenu rédactionnel est nettement différent de celui de toute autre publication.

Ce qu'il faut savoir, cependant, au sujet des tirages dédoublés, c'est que le coût de la publicité peut être établi de telle sorte que le coût après impôt pour l'annonceur soit le même que si l'annonce avait été placée dans une autre publication. Autrement dit, le coût de l'annonce est nettement inférieur...

Le président: Donc, même si le coût n'est pas déductible pour l'annonceur canadien, il est suffisamment réduit parce qu'il n'en coûte rien de plus pour produire cette publication soi-disant «canadienne», qui, de fait, est produite entièrement à l'extérieur du pays.

Mme Katz: Précisément.

Le président: D'accord.

[Français]

M. Brien (Témiscamingue): J'aimerais obtenir des précisions sur la façon dont est déterminée la taxe d'accise, laquelle est actuellement fixée à 80 p. 100. Comment ce pourcentage a-t-il été déterminé? Qu'est-ce qui vous permet de croire que c'est là le taux optimal qui va permettre de mieux équilibrer les choses?

Mme Katz: On a établi le montant de la taxe à 80 p. 100 pour s'assurer que les éditeurs de magazines proprement canadiens puissent supporter la concurrence des éditions dédoublées.

M. Brien: Votre analyse a déterminé que le déséquilibre serait de cette ampleur-là?

Mme Katz: Oui.

M. Brien: Selon vous, y a-t-il des mesures semblables ailleurs?

Mme Katz: Autant que je sache, non.

M. Brien: Nous sommes le seul endroit où cela se fait.

Mme Katz: Oui.

M. Brien: Très bien. C'est tout.

Le président: Merci, monsieur Brien.

[Traduction]

Monsieur Solberg.

M. Solberg (Medicine Hat): Merci beaucoup, monsieur le président.

.1545

Je suis également intéressé par les répercussions fiscales de cette mesure législative. Il me semble acquis que l'objectif principal de toute mesure fiscale consiste à lever des impôts. Or, lorsqu'une taxe prélève 80 p. 100 des revenus totaux, certains pourraient être tentés de la considérer comme une taxe punitive. Mme Malone pourrait-elle nous conseiller au sujet de la légalité d'une telle taxe, qui pourrait être considérée comme punitive, voire anticonstitutionnelle.

M. Walker: Permettez-moi de commenter tout d'abord.

La loi sur l'impôt combine des mesures visant à lever des impôts et des mesures qui, pour ainsi dire, visent à influer sur les comportements. Ces mesures correspondent à certains objectifs. De temps à autre, les gouvernements ont recours à la législation sur l'impôt des sociétés et des particuliers pour réaliser certains objectifs énoncés par le Parlement. La mesure à l'étude est donc une mesure fiscale qui correspond à des objectifs énoncés pour le secteur du magazine.

M. Solberg: Il y a pourtant certainement des précédents, des cas où des taxes élevées visant certains secteurs ou certaines sociétés ont été jugées anticonstitutionnelles. Ai-je raison de le croire?

Mme Patricia Malone (chef, Section de l'accise, ministère des Finances): Je n'ai pas de tels cas à l'esprit, mais permettez-moi de vous dire que cette mesure est conforme au pouvoir d'imposition du gouvernement fédéral. De plus, il s'agit d'une mesure d'application générale. Elle ne vise pas une société en particulier. Elle vise l'ensemble des éditeurs ou des distributeurs d'éditions à tirage dédoublé distribuées au Canada.

M. Solberg: Il s'agit là, évidemment, d'un ensemble assez restreint de sociétés.

M. Walker: C'est vrai à l'heure actuelle, mais nous ne pouvons pas savoir ce que l'avenir nous réserve. C'est-à-dire qu'il s'agit d'une réaction à une situation...

M. Solberg: Eh cela risque de rester vrai.

Je ne sais pas jusqu'à quel point il vaut la peine de poursuivre, mais j'ai un certain nombre de questions au sujet du processus tel qu'il existait. Évidemment, le groupe de travail du gouvernement sur le secteur canadien des périodiques a recommandé au départ que Sports Illustrated bénéficie d'une disposition d'antériorité qui l'exempterait des effets de la mesure. Mme Katz pourrait-elle nous dire pourquoi il y a eu un changement, pourquoi nous ne tenons plus compte de cette recommandation et pourquoi Sports Illustrated est maintenant visé de façon rétroactive, puisque la date prévue précède de quelques jours la date à laquelle Sports Illustrated a lancé sa publication à tirage dédoublé?

Mme Katz: Le groupe de travail a effectivement recommandé que l'édition canadienne de Sports Illustrated bénéficie d'une clause d'antériorité à hauteur de sept éditions par année. Le gouvernement a décidé de fixer comme date d'antériorité le 26 mars 1993, soit la date de création du groupe de travail. Cette date a été retenue pour qu'il soit très clair que le gouvernement, en créant le groupe de travail, réagissait à une initiative importante allant à l'encontre de sa politique de longue date et se souciait notamment des effets sur l'accès au marché canadien que pouvait avoir le tirage dédoublé. La date de création du groupe de travail a été retenue de façon opportune comme étant celle à partir de laquelle le gouvernement canadien, en créant le groupe de travail, a manifesté son inquiétude au sujet de la pénétration sur le marché canadien d'éditions à tirage dédoublé.

M. Solberg: Permettez-moi, pour l'instant, d'aborder un autre aspect. N'est-il pas vrai que, avec l'entrée en vigueur de cette mesure, les magazines canadiens qui voudront prendre plus d'importance aux États-Unis, comme l'a fait Harrowsmith, publier aux États-Unis et puis ensuite rediriger une édition à tirage dédoublé vers le Canada se verront privés de cette possibilité, puisqu'ils devront verser une taxe de 80 p. 100? Si tel est le cas, ne sommes-nous pas en train de limiter la capacité du secteur canadien du magazine de connaître une expansion aux États-Unis?

Mme Katz: J'aurais deux observations, à faire à ce sujet. La société Télémédia, je crois, s'est montrée favorable à la mesure législative...

M. Solberg: Évidemment, elle est visée par une clause d'antériorité.

Mme Katz: Je ne suis pas en mesure de vous dire si Harrowsmith est protégée ou non par une clause d'antériorité. Je ne crois pas qu'on ait encore établi le statut de cette publication par rapport à la mesure législative.

Il faut noter que, dans ses recommandations, le groupe de travail, tout comme le gouvernement, a voulu proposer une mesure qui correspondrait aux obligations du Canada en matière de commerce international. Conséquemment, la taxe s'appliquerait aussi bien aux éditions à tirage dédoublé canadiennes qu'à celles qui proviennent de l'étranger.

.1550

M. Solberg: Mais la mesure a pour effet de ne pas permettre aux magazines canadiens de connaître une expansion aux États-Unis grâce à la technologie du tirage dédoublé, n'est-ce pas vrai?

Mme Katz: C'est exact.

M. Solberg: Sur cette lancée, pourriez-vous nous parler des conséquences commerciales que cela aura vis-à-vis des Éats-Unis dans certains domaines culturels? Récemment, dans d'autres domaines culturels, le Canada a connu une expansion aux États-Unis, puis, tout à coup, voilà qu'on dépose cette mesure législative. Si l'on se fie aux commentaires du Secrétaire au commerce des États-Unis, il faut prévoir des répercussions sur les secteurs culturels canadiens qui cherchent des débouchés aux États-Unis pour consolider leur position.

Au nom de votre ministère, auriez-vous donc quelque chose à dire au sujet des répercussions sur les industries culturelles canadiennes?

Mme Katz: Je ne puis que répéter la réponse que je vous ai déjà faite, à savoir que le gouvernement est d'avis que la mesure correspond effectivement à nos obligations en matière de commerce international et assure le traitement national, de sorte qu'elle traite sur un pied d'égalité les éditeurs canadiens et étrangers.

M. Solberg: Le public lecteur de Sports Illustrated correspond à un segment démographique particulier au Canada. Prenons, par exemple, l'annonceur du centre-ville de Toronto qui se sert de l'édition canadienne de Sports Illustrated comme véhicule de publicité pour faire concurrence peut-être à des Américains qui détiennent une part dominante du marché de Toronto. Il ne serait plus en mesure de rejoindre le public torontois par le truchement de Sports Illustrated, à moins qu'il ne consente à payer un tarif qui corresponde à l'ensemble du tirage nord-américain.

Ne considérez-vous donc pas que la mesure va pénaliser les entreprises pour qui Sports Illustrated est un véhicule publicitaire? Il s'agit d'un magazine unique en son genre au Canada. Il n'y a aucun autre magazine consacré aux sports.

Mme Katz: C'est vrai; il n'y a au Canada aucun autre magazine qui ressemble à Sports Illustrated.

Il convient toutefois de signaler que le magazine se dispute des lecteurs qui ont certaines caractéristiques démographiques. Dans le cas qui nous intéresse, soit Sports Illustrated Canada, il s'agit d'hommes de plus de 18 ans. Or, un nombre considérable de magazines canadiens permettent de rejoindre ce type de public. Les annonceurs ont le choix entre toute une série d'autres instruments de publicité au Canada pour rejoindre les lecteurs de cette catégorie.

Il existe par ailleurs sur le marché canadien un certain nombre d'autres publications qui s'intéressent aux sports. Il ne s'agit pas du même genre de publication que Sports Illustrated, mais il en existe tout au moins.

Ce qu'il importe de faire ressortir, selon moi, c'est que les annonceurs cherchent à se gagner des lecteurs qui correspondent à tel ou tel profil et que leurs achats d'annonces publicitaires se font en fonction de leur objectif.

M. Solberg: Je crois que nous nous entendons pour dire qu'il n'existe au Canada aucun autre magazine comme Sports Illustrated et que son lectorat a donc des caractéristiques très particulières. N'est-il pas vrai que dans la mesure où ils n'ont pas accès à ce lectorat par l'intermédiaire du secteur du magazine au Canada, puisqu'il n'existe aucun autre magazine de ce genre, les annonceurs risquent d'être obligés de faire appel à d'autres technologies, ailleurs que sur le marché du magazine, ce qui finirait par aller à l'encontre des intentions mêmes du projet de loi?

Les intéressés vont chercher à faire de la publicité par le truchement d'autres technologies, peut-être par l'intermédiaire des États-Unis, en faisant appel, par exemple, à Internet, à la télévision, à la radio ou aux services par satellite. N'est-il donc pas vrai que cette mesure risque de se retourner contre ceux qu'elle était censée aider, puisqu'elle pourrait inciter les annonceurs à évacuer le secteur du magazine pour pouvoir rejoindre la tranche de public que Sports Illustrated lui permettait d'atteindre?

M. Walker: Diverses possibilités s'offrent aux annonceurs. Il existe déjà au Canada un certain nombre de publications d'origine états unienne dans le domaine du sport. Or, elles n'ont pas jugé opportun d'agir de la sorte pour s'assurer des revenus de publicité. Je pense à des magazines consacrés au baseball, au hockey et à une foule d'autres magazines de sport.

M. Solberg: Oui, mais, pour avoir accès au lectorat canadien, un annonceur aurait à payer une publicité qui vise l'ensemble de l'Amérique du Nord. C'est ridicule. Personne ne ferait cela.

M. Walker: Diverses possibilités sont ouvertes. Par exemple, du côté des hebdomadaires, comme le Maclean's, il y a moyen de cibler tel ou tel segment de population.

M. Solberg: Le Maclean's n'est pas un magazine sportif.

M. Walker: Il existe également un grand nombre de magazines sportifs nord-américains.

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M. Solberg: En effet. Pourtant, est-il raisonnable qu'un annonceur qui cherche à pénétrer sur le marché canadien soit obligé d'acheter des annonces publicitaires pour l'ensemble du marché nord-américain? Par exemple, il faudrait passer par un courtier en publicité de New York et acheter une annonce pour l'ensemble des États-Unis qui ne servirait à rien pour celui qui veut cibler le marché canadien. N'est-ce pas là un scénario plutôt improbable?

M. Walker: Sur le plan de la politique, c'est une tout autre optique. Nous ne souhaitons pas créer des occasions qui permettraient d'écrémer le marché canadien. Nous voulons favoriser la création et le développement de magazines canadiens.

Or, la stratégie des tirages dédoublés offre aux annonceurs des services très peu coûteux. Nous voulons donner des occasions aux magazines. Nous estimons que les annonceurs disposent d'un choix très vaste sur le marché canadien.

M. Solberg: Oui, mais que faites-vous des consommateurs? Que faites-vous des annonceurs?

Si une société canadienne souhaite lancer un magazine comme Sports Illustrated, elle est certainement libre de le faire. Cependant, personne ne l'a fait jusqu'à maintenant.

Il s'agit certainement d'un service qui plaît beaucoup aux lecteurs et aux annonceurs canadiens, et c'est d'ailleurs ce qui explique la réussite de Sports Illustrated et le fait que cette société a cherché à intéresser des annonceurs pour ce marché.

Je comprends que vous vous préoccupiez du sort des magazines canadiens, mais que faites-vous des consommateurs et des annonceurs canadiens?

M. Walker: Je crois pouvoir dire sans risque de me tromper que les consommateurs canadiens ont un vaste choix et ont bénéficié de tout l'accès voulu aux magazines américains qui sont vendus au Canada. Nos consommateurs n'ont aucune difficulté d'accès au contenu éditorial américain. Par exemple, pour ceux qui lisent l'Atlantic Monthly, le Time ou le New Yorker chaque semaine, ces magazines sont facile à se procurer dans tout aéroport ou kiosque à journaux.

M. Solberg: Mais les annonceurs sont des consommateurs, je suppose.

M. Walker: Si vous vous inquiétez des possibilités d'accès aux marchés locaux des annonceurs canadiens par le truchement d'une société internationale qui cherche à profiter d'une faiblesse de notre loi, alors je crois que vous ne préconisez pas du tout la même politique que moi.

M. Solberg: J'en suis bien conscient.

Il me semble évident, en fin de compte, que le lobby du magazine canadien a fait valoir au gouvernement que ses droits et sa viabilité avaient beaucoup plus d'importance que ceux des personnes qui souhaitent annoncer dans Sports Illustrated.

Étant donné qu'aucun magazine sportif n'a été créé au Canada depuis longtemps, je me demande pourquoi nous ne permettrions pas à un magazine sportif d'avoir accès à notre marché, d'autant plus que nous accueillons ici de nouvelles franchises de basketball, les Blue Jays de Toronto, la Ligue nationale de hockey et toute une série d'organisations sportives qui ne seront même plus en mesure de faire de la publicité dans Sports Illustrated sans être obligées de cibler l'ensemble du marché nord-américain.

M. Walker: Le problème, me semble-t-il, n'est pas différent de celui d'un petit annonceur régional du marché de New York, de Saint-Louis, de Cleveland ou de la Nouvelle-Orléans. Il s'agit de déterminer un créneau cible.

Puisque vous parlez de la promotion des sports canadiens, il me semble qu'il faut reconnaître que le cadre de réglementation qui a permis à TSN d'évoluer, notamment pour ce qui est du marché des sports et de la possibilité de faire de la publicité, etc... La politique canadienne a très bien soutenu la création d'un réseau d'information en matière de sport qui convient aux annonceurs.

M. Solberg: Je puis certainement poser d'autres questions. Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?

Le président: Vous avez la parole jusqu'à ce que vos questions passent à côté du sujet ou deviennent carrément ennuyeuses.

Des voix: Oh, oh!

M. Solberg: Est-ce que j'exagère? Est-ce là ce que vous êtes en train de me dire?

Le président: Que diriez-vous d'une dernière question, après quoi nous passerons de l'autre côté de la table, quitte à revenir à vous par la suite.

M. Solberg: Je vais m'en abstenir et profiter de l'occasion pour me préparer à mieux cibler mes interventions.

Le président: Madame Brushett.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président. Je vous trouve fort généreux aujourd'hui.

J'aimerais être bien certaine de savoir en quoi consiste un tirage dédoublé. S'agit-il de la rédaction d'un magazine à grand tirage dont l'édition américaine est destinée aux États-Unis et dont une autre édition, destinée au Canada, n'est pas suffisamment différente en termes de contenu pour correspondre aux normes de contenu canadien? Ai-je bien compris?

.1600

Mme Katz: Oui, je crois que c'est essentiellement de cela qu'il s'agit. Un périodique publié pour son marché intérieur, avec des articles et des annonces publicitaires conçus pour ce marché. Le périodique est déjà rentré dans ses frais sur son marché. L'édition a un tirage dédoublé ou c'est une nouvelle version du magazine dans lequel on a conservé le corps rédactionnel, mais dont la publicité est adaptée au nouveau marché.

Mme Brushett: Et les articles sont suffisamment différents pour qu'il s'agisse d'un nouveau magazine?

Mme Katz: Oui. Les articles peuvent être exactement les mêmes, ou légèrement modifiés, à raison de 15 ou 20 p. 100 pour le nouveau marché. Mais la différence est minime.

Mme Brushett: Vous dites que même si le prix de la publicité n'est pas déductible d'impôt dans le cas de l'édition à tirage dédoublé, le coût est suffisamment bas pour qu'il soit avantageux pour l'annonceur de faire paraître sa publicité dans cette édition.

Mme Katz: Le prix véritable de l'annonce serait soit... Il faudrait qu'il soit au moins équivalent au coût de la publicité dans une publication canadienne ou même inférieur.

Mme Brushett: Comment décide-t-on qu'il s'agit d'une édition à tirage dédoublé? Chaque périodique importé ici est-il revu?

Mme Katz: Le projet de loi C-103 la définit ainsi: elle contient une annonce dans l'édition distribuée au Canada qui n'apparaît pas dans les autres éditions. Le critère c'est que l'annonce est différente. C'est tout.

Mme Brushett: C'est suffisant?

Mme Katz: Oui.

Mme Brushett: Quand on parle de revues sportives, on parle de revues de ski. La clientèle, ce sont les skieurs. Il y a des centres de ski partout en Amérique du Nord, que ce soit au Canada ou aux États-Unis. Les skieurs vont sans doute skier partout s'ils lisent ces revues. Quel effet cela a-t-il sur nos grands centres de ski comme Whistler, le Mont-Tremblant, etc.? Quelqu'un peut-il me le dire? Est-ce que cela va nous aider ou nous pénaliser?

M. Walker: Nous aider parce que les gens pourront pénétrer le marché spécialisé, s'ils le veulent, à l'échelle internationale. Dans le cas du ski, cela peut se faire par région si c'est ce que souhaitent les compagnies. L'annonceur pourra toujours se servir de la forme spécialisée d'une revue.

M. Solberg: J'aimerais récapituler ici. D'après ce que je comprends de ce projet de loi, il semble y avoir beaucoup d'inconvénients et un seul avantage. Ceux qui en profitent, c'est le secteur des éditeurs de revue, un petit groupe d'intérêt qui bénéficie d'une protection. Ce texte va sans doute agacer les Américains, d'après ce que j'ai entendu, et comme ils sont nos principaux partenaires commerciaux, cela a quantité d'implications. Cela pourrait être perçu comme une mesure punitive puisque cela impose une taxe à Sports Illustrated ou même anticonstitutionnelle. Cela pénalise les annonceurs qui voudraient faire passer de la publicité dans une revue moins coûteuse et toucher un lectorat particulier. Cela empêcherait peut-être les revues canadiennes qui voudraient pénétrer le marché américain... parce qu'ils ne voudraient pas en retour publier une édition à tirage dédoublé assujettie à une taxe de 80 p. 100. Cela ne permettrait sans doute pas... et ça ne cadre sûrement pas non plus avec l'esprit...

M. Campbell (St. Paul's): Je voudrais faire une précision. C'est votre avis à vous. Vous parlez comme si c'était celui du témoin.

M. Walker: Laissez-le s'enferrer.

M. Solberg: C'est contraire à l'esprit qui a permis aux grandes ligues sportives de s'implanter au pays. Ils n'auraient même pas la permission de mettre en marché la revue.

Je vois tous ces inconvénients et je ne vois qu'un seul avantage au profit d'un groupe qui serait à l'abri de la concurrence. Évidemment, il y a des antécédents à cela ici, et nous avons vu où cela nous a menés. Il y a 125 ans, à l'époque de la Politique nationale, nous avons protégé des secteurs qui, au début, en ont profité, mais qui ont fini par en pâtir - au détriment du consommateur d'ailleurs - parce qu'ils étaient trop faibles pour soutenir la vraie concurrence.

.1605

Oui, je vois toutes sortes d'inconvénients mais un seul avantage qui ne profite qu'à un tout petit groupe. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Walker: D'abord, je vous avais prévenu de ne pas parler à Herb avant de prendre la parole.

Dire que c'est céder aux pressions, ce n'est pas plus juste que de laisser entendre que vos questions viennent de Sports Illustrated. Vous seriez outré si je vous lançais cette accusation. Je suis donc très froissé de me faire accuser de protéger un secteur uniquement parce que je cède à ses pressions.

On peut remonter jusqu'au début des années soixante pour voir que le gouvernement canadien tire une grande fierté du fait que l'on a réussi à faire naître des magazines canadiens parce que l'on a fait savoir à des compagnies comme Time qu'elles ne pouvaient plus avoir des éditions à tirage dédoublé ici. Il fallait laisser un peu de place aux éditeurs et aux imprimeurs canadiens.

De même, nous nous sommes battu pied à pied contre les intérêts américains de la télévision le long de la frontière. Sans cesse nous avons des accrochages à propos des cinémas et de la distribution de films.

Des pressions intenses s'exercent, c'est vrai, et vous y êtes sans doute sensible lorsque l'on dit que ce n'est qu'un marché comme les autres et que l'intérêt du consommateur y est pour peu.

Nous, en revanche, sommes très fiers d'avoir une culture canadienne à protéger. C'est ce que l'on a fait dans l'Accord de libre-échange. C'est un accord parallèle de l'ALÉNA.

Les activités culturelles canadiennes continueront de recevoir la protection de leur gouvernement. C'est le genre de mesures à prendre dans la foulée d'un long examen réalisé par un groupe de travail, de longues discussions au Conseil des ministres et aujourd'hui des discussions publiques.

M. Solberg: Parlons-en donc, de la protection de l'industrie canadienne et de la culture.

Il me semble que les revues qui, à long terme, auraient le plus de chance de réussir et de résister à la vague américaine, ce sont précisément celles qui veulent pénétrer le marché américain et augmenter leurs recettes. La loi ne devrait-elle pas les inciter à ouvrir boutique aux États-Unis si c'est cela qu'il faut faire pour augmenter leurs recettes et ainsi continuer à publier une édition canadienne?

M. Walker: Je ne sais pas s'il faut vraiment s'occuper des éditeurs de revues canadiennes qui ouvriraient boutique aux États-Unis. Il faut plutôt voir à ce qu'ils puissent exporter leur édition aux États-Unis si c'est la politique qu'ils souhaitent adopter.

Il y a toutes sortes d'oublis dans les règles américaines qui sont une source continuelle d'accrochages. Il y a du protectionnisme, en ce qui concerne l'achat d'autobus par les municipalités. Les Canadiens doivent continuellement se priver de produits canadiens dans leurs autobus parce qu'ils sont tout proches de la frontière de New York ou du Manitoba.

Des conflits éclatent sans cesse entre les États-Unis et le Canada sur plusieurs fronts. Ici, la première préoccupation doit être de protéger le secteur canadien des périodiques. On s'occupera des autres secteurs un à la fois.

M. Solberg: Mais est-ce que, au bout du compte, ce n'est pas aux citoyens de décider? Je vois ce que veut faire le gouvernement, mais ce sont les gens qui vont prendre ces décisions-là. Si la revue est bonne et leur donne ce qu'ils veulent, les gens vont l'acheter et les annonceurs vont y faire paraître des annonces. Pourquoi est-ce qu'on ne fait pas confiance aux gens qui prendront eux-mêmes ces décisions?

M. Walker: J'ai énormément confiance aux gens et je sais qu'ils peuvent prendre des décisions. J'ai aussi beaucoup de respect pour les gros industriels qui sont capables, que leurs produits soient du matériel ou de la culture, d'évincer tous leurs concurrents.

Sur le marché canadien, il n'y a pas que la loi du plus fort qui règne parce que le régime politique canadien prévoit la protection des institutions viables, nécessaires et respectées comme celles des périodiques.

Une annonce a été faite hier. Combien de temps a-t-il fallu à l'Office national du film pour obtenir une entente avec Famous Players pour obtenir la distribution de ses films à notre compte? Si vous pensez un seul instant qu'il est de l'intérêt d'une multinationale d'offrir du temps de projection à un oeuvre canadienne, vous vous leurrez. C'est à nous d'en faire la promotion.

Même chose pour le secteur des périodiques. D'où viennent les rédacteurs? D'où vient l'industrie culturelle? Cela vient des produits. Cela vient de ce que l'on trouve sur le marché.

C'est être bien naïf de penser que cela se fait tout seul et que les distributeurs vont leur ouvrir les portes simplement parce que vous êtes Canadien et que les produits moins chers...

M. Solberg: Ce n'est pas ce que les gens veulent. Ils ne veulent pas qu'on leur ouvre les portes uniquement parce qu'ils sont Canadiens. Ils veulent que la porte s'ouvre parce qu'ils font du travail de qualité.

M. Walker: Oui, et nous nous leur ouvrons la porte.

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Que ce soit bien clair, mon premier choix, c'est d'acheter le New Yorker. Mais je ne pense pas que le New Yorker pratique ici des prix déloyaux. Je m'attends à payer le plein prix du marché calculé en fonction du système de distribution américain. Je ne m'attends pas à ce qu'il vienne offrir ici des prix inférieurs à ceux du marché de la publicité canadienne.

M. Solberg: Tout le monde fait des économies d'échelle.

Il y a ici deux politiques contradictoires. Le gouvernement n'interdit pas l'accès du territoire canadien à Wal-Mart. Par contre, il dit que Sport Illustrated c'est une mauvaise chose. Je ne vois pas où est la différence. Les gens peuvent décider eux-mêmes, que ce soit un article de chez Wal-Mart ou un produit culturel.

M. Walker: Et précisément pour cette raison, jusqu'à l'arrivée au pouvoir du dernier gouvernement, il y avait des règles très strictes régissant l'achat de compagnies canadiennes. Certains secteurs sont assez vigoureux aujourd'hui pour que l'on n'ait plus besoin de réglementer l'achat de concurrents. C'est le cas pour l'industrie du détail.

Mais il y en a d'autres, surtout dans le domaine culturel, où nous avons décidé - et il en a longtemps été de même dans le secteur gazier et pétrolier - que la défense du contenu canadien était l'un des objectifs de la politique nationale. Je suis donc tout à fait en désaccord avec vous en ce qui concerne ce qui devrait être la conduite du gouvernement dans ce cas-ci, même si, ailleurs, je serais d'accord avec vous. Ici, je crois que les milieux culturels canadiens ont besoin d'aide et de protection. Le projet de loi C-103 est une bonne façon de le faire.

Le président: J'aimerais poser une question à M. Solberg. Préconisez-vous de ne pas adopter le projet de loi C-103 ou seulement de ne pas l'appliquer à Sport Illustrated?

M. Solberg: L'objectif ultime ce serait le libre-échange complet dans tous les secteurs de l'économie. Cela se fera peut-être avec le temps. Les États-Unis devraient en faire autant parce qu'ils ne sont pas toujours un modèle d'ouverture non plus. Mais l'objectif ultime, ce devrait être ça. Les meilleurs finissent toujours par se démarquer et ceux qui obtiendront la faveur de la population survivront.

Le président: Ne pensez-vous pas que les éditions à tirage dédoublé nuisent à la concurrence ou sont déloyaux?

M. Solberg: Les économies d'échelle se retrouvent partout au pays. Dans tous les secteurs de l'économie.

Quand Wal-Mart vient s'installer ici - et j'espère bien ne jamais vous y voir faire vos achats - et parvient à distribuer ses produits à un moindre coût, ce qui laisse plus d'argent dans la poche des gens pour acheter d'autres produits, c'est ça qui fait tourner l'économie. Ça crée des emplois. C'est bien le discours que tient ce gouvernement. Pour moi, c'est un facteur important.

M. Walker: Dites-vous que les gens ne devraient pas aller faire leurs achats là-bas?

M. Solberg: Pardon?

M. Walker: Vous avez dit que les gens ne devraient pas faire leurs achats là-bas.

M. Solberg: Où?

M. Walker: Chez Wal-Mart.

M. Solberg: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit au président que je ne veux pas le surprendre là parce que je ne voudrais pas qu'il fasse violence à sa ferveur patriotique.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Pourrais-je continuer dans cette veine?

Le président: Je vous en prie, monsieur Grubel.

Merci, monsieur Solberg.

M. Grubel: Monsieur Solberg, excusez-moi, mais vous savez qu'une des règles de l'efficacité c'est que si l'on veut subventionner quelque chose, il faut le faire sans ambages.

Pourquoi à l'époque du budget ne dit-on pas chaque année aux Canadiens que nous voulons subventionner la dimension culturelle que représente l'édition des périodiques à raison de tant de centaines de millions de dollars? Non, ce n'est pas ce que l'on fait, parce que l'on n'en a pas le courage.

Nous contentons de siéger ici. Dans dix minutes, ce texte sera voté malgré notre opposition et nous allons verser un subvention à ce secteur et ça n'apparaîtra jamais nulle part.

Les lecteurs canadiens se demanderont pourquoi ils ne peuvent pas feuilleter une bonne revue comme Sports Illustrated. Ils ne sauront jamais que le Comité et le gouvernement ont voté une subvention occulte. Nous avons le droit de subventionner une industrie...

M. Walker: Pardon, monsieur Grubel, mais c'est faux. Vous aurez le droit de lire Sports Illustrated. Ce que la revue ne pourra pas faire, c'est offrir des tarifs publicitaires à rabais rendus possibles par des pratiques commerciales déloyales.

M. Grubel: Mais cela se fait déjà, voyons. Sports Illustrated a une édition pour le sud-est et une autre pour le sud-ouest. En principe, les gens du Texas peuvent avancer le même argument. Le monde est ainsi fait. Ceux qui ont beaucoup investi dans les nouvelles équipes de basket-ball et qui veulent s'adresser à leur clientèle - ce qui fait partie pour le bien-être de tous de l'intégration de l'économie des sports en Amérique du Nord - devront trouver un périodique de substitution de deuxième ordre.

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Une dernière question maintenant qui n'a rien de subjectif. Vous êtes-vous renseigné pour savoir où est imprimé Sports Illustrated?

M. Walker: Oui.

M. Grubel: Où?

M. Walker: À ma connaissance, à Richmond Hill, au nord de Toronto.

M. Grubel: Combien de personnes travaillent à l'impression de Sports Illustrated?

M. Walker: Je serais prudent et je dirais une poignée. J'allais dire moins d'une poignée.

M. Grubel: Combien de papier est consommé?

M. Walker: Je ne sais pas quel est le tirage et j'ignore où ils achètent leur papier.

M. Grubel: Ça allait être ma prochaine question.

Ou bien c'est un véritable danger à cause de son tirage, ce qui ferait disparaître beaucoup d'annonces publicitaires, ou alors c'est peu. Si c'est peu parce qu'il y a peu d'employés et d'autres considérations de ce genre, dans ce cas-là ça ne devrait pas faire problème.

Là où je veux en venir, c'est que vous forcez la fermeture non seulement de Sports Illustrated mais aussi de tout ce qui va avec l'impression... Vous forcez sans doute les annonceurs qui s'en servent et qui préfèrent l'imprimer, à se tourner vers les organes électroniques. On fait donc disparaître six travailleurs et puis indirectement tous ceux à qui la gauche s'intéresse tant, ceux qui fournissent le papier, etc.

Je pensais que vous vouliez créer des emplois. Cette mesure va faire disparaître des emplois au Canada, des emplois importants, pas seulement à Sports Illustrated, mais dans tous les autres périodiques qui se tourneront vers les organes de presse électronique.

M. Walker: À première vue, vous avez raison. Si Sports Illustrated ferme sa petite boutique ici à cause de cette mesure, c'est vrai. Mais si vous vous rappelez qu'un des piliers de l'industrie canadienne leur a donné accès au marché de la publicité sans avoir recours à la technique déloyale de l'édition à tirage dédoublé, alors je crois que nous sauvons des centaines d'emplois et toute une industrie. Vous devriez être très fier des emplois que vous créez ici.

M. Grubel: Sauf votre respect, ce n'est qu'un tas de balivernes. Il est faux de dire qu'il n'y a que tant de centaines de millions de dollars de publicité qui vont dans les périodiques canadiens. C'est faux. Il y a toutes sortes d'autres vecteurs. Il y a la radio, la télévision, celle qui vient du Canada et celle qui vient des États-Unis. Il y a les tracts. Il y a toutes sortes d'autres vecteurs. Si vous ouvrez un marché pour une clientèle donnée, vous ne privez pas nécessairement les autres magazines.

M. Walker: La base de l'industrie, c'est que grâce à notre réglementation, la télévision et la radio appartiennent en majorité à des Canadiens. Ce qui fait que les capitaux circulent. L'annonceur qui choisit la télévision ou la radio canadienne voit son argent rester au pays.

Si l'on prend cette mesure - il faut revenir en arrière - c'est que si nous avions laissé le système canadien disparaître, ce sont les émulsions importées de Buffalo, de Seattle et d'autres points frontaliers qui auraient submergé l'industrie canadienne avec pour résultat qu'il n'y aurait plus rien ici. À cette époque-là, l'affrontement entre l'industrie américaine et l'industrie canadienne dans les années soixante et soixante-dix, et dont ceci est le dernier avatar électronique, a été déterminant pour la survie de cette industrie.

Il est facile de minimiser tout ça et de dire qu'à l'époque le consommateur avait le choix, que ceci ne leur plaît pas et qu'ils veulent leur Sports Illustrated.

Nous avons été très généreux... plus que ne l'a été notre gouvernement, mais ces magazines et ces émissions ont le droit d'être vus et entendus et les annonceurs ont le droit d'y faire de la publicité.

Ce que nous avons toujours dit, c'est qu'il ne devrait pas y avoir de pratiques de prix déloyales, pas d'écrémage du marché canadien qui viennent amortir le coût déjà établi aux États-Unis. Là-dessus, nous sommes très fermes.

M. Grubel: Au bout du compte, je pense que cela se résume à une absence totale de confiance en soi au Canada lorsqu'il s'agit de préserver sa culture. Au Texas, il y a des éditions dédoublées de toutes sortes de revues créées à New York. Même chose en Californie. Tous ces États ont réussi à protéger leur culture. Personne ne viendra me dire qu'il n'y pas de culture du Texas, du Tennessee, de la Californie ou de New York. De la même manière, en l'absence d'une telle protection, notre culture pourrait être encore plus vitale et dynamique.

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Nous n'avons devant nous qu'un groupe d'intérêt particulier qui cherche à se ménager une situation sans laquelle il ne pourrait agir comme il le fait. C'est avec arrogance que ces gens prétendent savoir ce qui correspond à l'intérêt des Canadiens. Au lieu de laisser aux Canadiens l'occasion de choisir eux-mêmes ce qui leur convient.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Grubel.

Monsieur Solberg, auriez-vous un bref commentaire avant l'ajournement?

M. Solberg: Oui.

En ne permettant pas la publicité canadienne dans les divers médias dont vous venez de parler, n'est-il pas vrai que nous permettons la publicité pour des produits américains, partout au Canada, sans que tous les médias étrangers ne soient soumis à quelque concurrence que ce soit? Qu'il s'agisse de la radio, du câble, du satellite, de l'Internet et certainement des magazines, il ne peut y avoir de concurrence canadienne, puisque le présent gouvernement ne le permet pas.

Ainsi, les économies d'échelle peuvent très bien fonctionner à l'avantage des Américains qui viennent ici, mais les annonceurs canadiens ne peuvent pas bénéficier des économies d'échelle en raison de cette mesure législative.

M. Walker: Si Sports Illustrated souhaite créer un magazine qui s'appellerait Sports Canada, dont le champ d'intérêt serait le sport au Canada et dont le contenu rédactionnel correspondrait à à ce qui est accepté au Canada, nous serions tout à fait disposés à accueillir ses rédacteurs compétents et ses photographes exceptionnels. Il faut bien dire que le Sports Illustrated est très attrayant.

Si on nous prépare un Sports Canada, nous nous réjouirons de sa parution. Le magazine pourrait s'établir dans des locaux spacieux à Richmond Hill et, comme M. Grubel l'a laissé entendre, créer des douzaines d'emplois pour des Canadiens dans le domaine du journalisme sportif. Nous accueillerions tout ce beau monde à bras ouverts.

Le président: J'aimerais mieux les voir s'établir à Willowdale.

Merci beaucoup, monsieur Walker, madame Katz et madame Malone.

Nous allons poursuivre l'examen de la même question jeudi après-midi, quand comparaîtront la «Canadian Magazine Publishers», et d'autres témoins. De toute évidence, cette question fait ressortir de façon très nette la différence qui existe entre la philosophie du gouvernement et celle du Parti réformiste. La question continuera vraisemblablement de susciter l'intérêt au cours de nos prochaines séances.

Je propose maintenant l'ajournement. Nous siégerons maintenant à huis clos pour une séance du comité de direction.

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