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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 novembre 1995

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[Traduction]

Le vice-président (M. Campbell): Nous reprenons nos consultations prébudgétaires à Halifax, pour notre deuxième séance de discussion du matin. Je vais d'abord vous présenter les gens qui vont témoigner devant nous aujourd'hui, après quoi nous pourrons commencer.

Nous avons avec nous M. Peter Hatt, de la société ABT Building Products Canada Limited; M. Wilde, de la Halifax County Regional Development Agency; M. MacDonnell, de la Lunenburg Industrial Foundry and Engineering; M. Charlie Macdonald, du Metro Committee for the Employment of Persons with Disabilities, et Mme Stella Lord, du groupe Real Expectations of Communities Against Poverty.

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Nous attendons quelques autres témoins de l'association étudiante de l'Université Dalhousie, de la Nova Scotia Federation of Agriculture et de l'Université Saint Mary's. Je suppose que certains d'entre eux, sinon tous, vont se joindre à nous tout à l'heure.

Selon la procédure adoptée pour nos tables rondes, nous allons vous demander de présenter chacun une déclaration préliminaire de quatre ou cinq minutes pour nous exposer votre point de vue dans ses grandes lignes et, nous l'espérons, pour répondre aux questions que nous vous avons fait parvenir dans le but d'orienter votre réflexion au sujet des problèmes sur lesquels notre comité doit se pencher. Lorsque ces déclarations préliminaires seront terminées, nous permettrons à chacun d'entre nous de répondre et de réagir aux commentaires des autres témoins, après quoi nous ouvrirons la discussion aux députés qui représentent ici tous les partis politiques présents à la Chambre.

Nous allons donc commencer par M. Hatt.

M. Peter Hatt (surintendant aux achats, Canexel Hardboard Division, ABT Building Products Canada Limited): Merci.

Au sujet de la réduction du déficit et des meilleurs moyens à prendre pour y arriver, je suis d'avis que c'est l'économie qui va décider, quoi que nous fassions. C'est notre image sur la scène mondiale qui va déterminer nos paiements d'intérêt, qui vont à leur tour influer sur toutes les décisions que nous pourrions vouloir prendre à court terme.

Je ne pense pas que notre déficit devrait être nul. Nous devrions avoir un déficit de fonctionnement qui se situe, aux yeux du G-7 et du reste du monde, à un niveau qui nous permette de maintenir une certaine croissance.

Le gouvernement devrait réduire ses interventions dans l'entreprise privée et lui permettre de faire ce qu'elle fait le mieux. Le gouvernement devrait être là pour faciliter les choses.

L'examen en cours doit viser tous les secteurs et tous les organismes du gouvernement, sans exception. Si nous nous trouvons actuellement dans une telle situation, c'est parce que nous avons laissé les gouvernements devenir trop gros au fil des années, surtout depuis 1975. Il est temps d'examiner le fonctionnement de tous les organismes gouvernementaux et d'effectuer des vérifications dans tous les ministères. Le grand public devrait être mieux informé de ce qui se passe derrière les portes closes et des décisions qui font que, cinq ans plus tard, nous nous retrouvons avec x millions de dollars qui ont disparu sans que personne puisse savoir comment.

Dans l'entreprise privée, nous devons répondre de nos décisions. Ce n'est pas le cas au gouvernement, du moins la plupart du temps, et ce n'est pas bien. Quand on prend une décision, il faut être prêt à la justifier. Il devrait y avoir des mécanismes permettant de mesurer et de suivre les progrès de chacun.

Merci.

Le vice-président (M. Campbell): Merci.

Nous entendrons maintenant le témoin représentant la Halifax County Regional Development Agency.

M. Peter F. Wilde (trésorier, Halifax County Regional Development Agency): Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner. Je suis trésorier de notre organisme d'expansion régionale à titre bénévole; c'est ma façon de travailler pour la collectivité.

Je tiens à féliciter les trois paliers de gouvernement pour avoir créé ensemble des organismes d'expansion régionale, non seulement pour le comté de Halifax, mais aussi pour d'autres districts de la Nouvelle-Écosse.

À mon avis, c'est ainsi que le gouvernement devrait procéder pour favoriser le développement communautaire et l'expansion des entreprises, et pour encourager véritablement les gens à prendre leur propre avenir en main. Plutôt que de leur permettre de dire «laissons le gouvernement payer» ou «laissons les autres payer», cette formule les encourage à dire: «Je suis responsable de mon propre bien-être et de celui de ma collectivité.»

Je suis donc très heureux de travailler à titre bénévole dans ce domaine dynamique du développement communautaire, financé et appuyé par les trois paliers de gouvernement.

Sur le plan professionnel, je suis comptable agréé. Je me suis donné pour mandat d'offrir des services de comptabilité, de fiscalité et de planification financière aux entreprises familiales, celles qui sont gérées par monsieur et madame tout le monde, et c'est à cela que je consacre ma vie depuis que j'ai eu la chance de venir m'installer, en 1974, dans ce grand pays qu'est le Canada.

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Je vous signale en passant que l'année 1974 a été la dernière pour laquelle nous avons eu un budget équilibré, mais ce n'est pas moi qu'il faut féliciter ou blâmer pour le fait que nous avons totalement perdu le contrôle, aux niveaux fédéral et provincial.

Le vice-président (M. Campbell): Je savais bien qu'un jour, monsieur Wilde, nous découvririons la source de ce déficit.

Des voix: Oh, oh!

M. Wilde: Avec la meilleure volonté du monde, le gouvernement a essayé de financer toutes sortes d'activités très louables, mais malheureusement, ses dépenses sont devenues incontrôlables.

J'ai vu les niveaux d'imposition augmenter considérablement, surtout depuis cinq ans. Au cours des 21 années pendant lesquelles j'ai eu la chance de travailler à mon compte au Canada, je me suis occupé d'entreprises familiales. Je trouve très inquiétant, personnellement, de constater que j'ai reçu au cours des 18 derniers mois plus de clients cherchant à obtenir la protection de la Loi sur la faillite que pendant les 18 ou 19 années précédentes. Il y a vraiment quelque chose qui ne va pas en ce moment dans le domaine de la fiscalité et de l'économie.

Mon opinion personnelle, c'est que si nous sommes à court d'argent, c'est parce que le gouvernement a tout dépensé et pas toujours très judicieusement. Je veux parler ici de tous les paliers de gouvernement, et pas seulement du gouvernement fédéral. Je pense que le pays devrait être géré de la même façon qu'une entreprise familiale. On ne peut pas emprunter de l'argent pour financer les dépenses de fonctionnement. On peut en emprunter pour des dépenses d'immobilisation qui vont créer des éléments d'actif dans l'intérêt de l'entreprise ou de la collectivité, mais pas pour financer ses dépenses courantes. Cela ne se fait pas, et nous ne pouvons pas continuer à le faire. C'est une des raisons pour lesquelles nous nous trouvons dans une situation qui semble aussi désespérée. Donc, je suis tout à fait d'accord pour que nous essayions de trouver des moyens d'équilibrer notre budget le plus rapidement possible.

En ce qui concerne les mesures budgétaires visant à créer un environnement propice à la création d'emploi et à la croissance, le gouvernement a prouvé à maintes reprises, depuis que j'habite au Canada, qu'il est incapable de créer de l'emploi. Les divers ministères ont consacré des milliards de dollars à toutes sortes de programmes dans ce domaine, et pourtant, j'ai bien l'impression que nous n'avons pas moins de chômage aujourd'hui que dans le passé. Le gouvernement doit trouver des moyens de libérer de l'argent pour le secteur privé parce que les petites entreprises, en particulier, sont les principaux créateurs d'emploi dans l'économie canadienne. En fait, dans la région de l'Atlantique, c'est le seul secteur où il s'est créé de l'emploi depuis 1992. Tous les autres genres d'entreprises ont plutôt réduit le nombre de leurs travailleurs.

La taxe sur les produits et services est un des principaux griefs que les petits entrepreneurs entretiennent à l'égard du gouvernement fédéral. Nous ne voulons pas dire qu'elle ne devrait pas être appliquée, mais nous sommes très inquiets de constater qu'elle a eu notamment pour résultat direct de réduire la consommation; les gens n'achètent tout simplement plus. Chaque fois que vous dépensez 100 $ en Nouvelle-Écosse, vous devez verser en plus 7 $ au gouvernement fédéral, ce qui fait 107 $, puis 11 p. 100 de ces 107 $ à la province. Si on additionne les taxes de vente fédérale et provinciale, on obtient un total d'environ 18,70 $ de taxes pour chaque 100 $ d'achats. C'est inacceptable.

L'autre grande préoccupation des petits entrepreneurs, c'est que la TPS a poussé trop de gens vers l'économie au noir. Trop souvent, les petites entreprises qui essaient de se conformer à la réglementation de la TPS sont incapables d'obtenir du travail parce qu'elles sont directement en concurrence avec des fournisseurs de biens et de services qui ne sont pas inscrits.

Nous demandons donc instamment au gouvernement de prendre des mesures pour imposer les mêmes règles à toutes les petites entreprises. Il nous importe peu que vous obligiez tout le monde à s'inscrire aux fins de la TPS, ce qui pourrait être très compliqué et très difficile, ou que vous jugiez plus approprié de hausser le niveau d'exemption en-deçà duquel les entreprises n'ont pas à s'inscrire et à participer au système très complexe de la taxe sur les produits et services. Il serait peut-être plus efficace d'imposer la TPS au niveau du gros plutôt qu'au niveau du détail.

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De plus, pour les entreprises qui doivent administrer la TPS au nom du gouvernement, il serait peut-être plus approprié de fixer à 250 000 $, plutôt qu'à 30 000 $, le revenu annuel au-delà duquel elles doivent s'inscrire. À notre avis, cette mesure réglerait le problème de l'économie au noir et encouragerait peut-être les gens à investir dans la croissance de leur entreprise, et à créer ainsi plus d'emplois.

Quant à savoir quels sont les secteurs de l'activité fédérale qui devraient subir de nouvelles réductions, il faudrait peut-être demander au gouvernement d'examiner très attentivement la question des chevauchements de compétence avant de se lancer dans des réductions visant des domaines précis. Il y a trop d'organismes fédéraux et provinciaux qui essaient d'offrir le même service aux mêmes secteurs de la population.

En particulier, nous avons examiné récemment, par l'entremise de l'organisme d'expansion régionale pour lequel je travaille, la stratégie relative au poisson de fond de l'Atlantique à laquelle participe le ministère du Développement des ressources humaines. Nous nous sommes rendu compte que ce ministère n'est pas le seul à essayer d'aider ces pêcheurs; il y a aussi les ministères fédéral et provinciaux des Pêches. Cela fait beaucoup trop d'interventions qui se chevauchent.

Je suis très content d'avoir entendu un membre du groupe de discussion précédent dire qu'il devrait peut-être y avoir un seul organisme chargé de fournir tous ces services pour la région de l'Atlantique.

Cela dit, je vais maintenant laisser la parole aux autres.

Le vice-président (M. Campbell): Merci beaucoup.

M. MacDonnell.

M. Ralston E. MacDonnell (Lunenburg Industrial Foundry and Engineering): Merci beaucoup, monsieur le président, madame et messieurs les membres du groupe de discussion.

Voici mes remarques préliminaires. Au sujet du déficit, je suis convaincu que nous devons attaquer ce problème de front le plus rapidement possible, mais je pense aussi que certaines des cibles choisies jusqu'ici par le gouvernement sont raisonnables, en ce sens qu'elles permettront d'atteindre l'objectif sans bouleverser pour autant l'ensemble du processus.

À mon avis, nous devons prendre les devants plutôt que de nous contenter de réagir. Nous devons mettre au point des instruments économiques qui permettront de stimuler l'activité économique de notre pays et de créer de la richesse que nous pourrons utiliser pour réduire notre déficit.

Je voudrais vous parler tout particulièrement de quelques questions qui tournent autour du thème de la diversité: nous devons nous assurer que nos mesures budgétaires reflètent les différences entre les diverses régions du pays et qu'elles sont sensibles aux besoins de ces régions.

Pour créer un environnement propice à la croissance et à la création d'emploi, il faudrait adopter des mesures fiscales permettant de soutenir la croissance, surtout dans les entreprises orientées vers l'exportation ou fondées sur la technologie. En particulier, je suggère que nous envisagions de réduire les impôts des entreprises qui créent de l'emploi dans le secteur de la technologie, principalement ceux des petites et moyennes entreprises, qui sont les plus nombreuses dans la région de l'Atlantique.

Je recommande également une réduction des impôts tout particulièrement pour les emplois créés par les entreprises d'exportation; encore là, il faudrait cibler principalement les petites et moyennes entreprises, qui présentent à mon avis un énorme potentiel de croissance pour l'avenir.

Je voudrais également suggérer des mesures visant à encourager les achats stratégiques, surtout dans les régions. Cela ne veut pas dire que le gouvernement du Canada ne s'est pas déjà rendu compte que les achats stratégiques sont un moyen de stimuler l'activité économique, mais cette idée est tombée en défaveur à peu près au moment où elle est arrivée dans la région de l'Atlantique. À mon avis, nous devrions examiner ces questions très attentivement dans le cadre du processus budgétaire pour répondre aux besoins de la population tout en tenant compte du potentiel de croissance des petites et moyennes entreprises.

Au sujet de la commercialisation des activités gouvernementales, là encore je voudrais encourager le gouvernement à réduire au minimum son rôle dans les domaines dont le secteur privé est normalement capable de s'occuper. Je veux parler tout particulièrement des secteurs de la technologie et des services de consultation parce qu'à mon avis, il y a là beaucoup de dédoublements, non seulement entre les divers paliers de gouvernement, mais également entre le gouvernement et le secteur privé. Nous avons une surcapacité dans bien des domaines, par rapport à nos besoins. Il semble bien que ce soit en fait le gouvernement qui a la plus forte capacité, et cela ne nous rapporte pas beaucoup.

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Donc, à mon avis, nous devrions nous retirer de certains domaines et les laisser à l'entreprise privée, ce qui représenterait pour ce secteur des possibilités de revenus très intéressantes. Nos services de consultation exportent à eux seuls pour 6 milliards de dollars, ce qui n'est probablement que la pointe de l'iceberg si nous continuons à nous fonder sur les besoins des Canadiens comme mécanisme de soutien pour assurer la croissance. Le gouvernement provincial du Québec a beaucoup appuyé de genre de politique, et on retrouve par conséquent dans cette province des entreprises de classe internationale comme SNC et Bombardier. Il faut examiner cette possibilité au niveau fédéral.

Au sujet des chevauchements et des dédoublements de services, je tiens à vous signaler que le projet de loi C-52, que le gouvernement étudie actuellement, n'est pas un bon exemple des mesures que le gouvernement doit prendre pour cesser de faire ce que le secteur privé fait déjà. Le projet de loi à l'étude permet aux entreprises de technologie relevant du gouvernement fédéral d'offrir des services aux niveaux local et régional à d'autres paliers de gouvernement, essentiellement en concurrence directe avec le secteur privé.

À mon avis, ce qu'il faut rechercher dans les mesures que vous proposerez, ce sont des mécanismes et des possibilités qui favoriseront les secteurs de la technologie et des services de consultation - puisque ces secteurs de notre économie devraient avoir un immense potentiel de croissance - et qui permettront de se servir des possibilités du gouvernement pour exploiter ce potentiel au maximum. Je pense que cela devrait permettre d'augmenter les impôts perçus auprès des entreprises et des particuliers, ou à tout le moins d'en tirer des revenus intéressants.

Le vice-président (M. Campbell): Merci beaucoup.

Charlie Macdonald.

M. Charlie Macdonald (membre, Metro Committee for the Employment of Persons with Disabilities): Merci, monsieur le président, de m'avoir permis de faire une présentation. Je n'ai aucun lien de parenté avec le témoin précédent. Bienvenue en Nouvelle-Écosse; il y a ici beaucoup de Macdonald.

Je représente le Metro Committee on the Employment of Persons with Disabilities. Nous sommes ici pour exprimer nos préoccupations au sujet du processus budgétaire.

Il est certain que la présentation que Lloyd Axworthy a faite récemment devant le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées était assez encourageante, de même que certaines des initiatives fédérales qui auront des conséquences positives pour les personnes atteintes de déficiences. Nous croyons que les mécanismes comme les bourses spéciales versées aux étudiants ayant des déficiences pour leur permettre d'avoir accès à des services de soutien, et certains des changements proposés au Régime de pensions du Canada pour réduire les obstacles que les gens doivent surmonter lorsqu'ils veulent retourner sur le marché du travail... Certaines améliorations proposées dans le domaine de l'équité en matière d'emploi sont certainement positives. La prolongation, du moins à court terme, du programme de réadaptation professionnelle des personnes atteintes de déficiences, qui est clairement un mécanisme efficace pour permettre aux gens de se trouver un emploi une fois qu'ils ont une ou des déficiences... Certaines des mesures qui ont été annoncées sont certainement très intéressantes.

Nous avons toutefois rencontré nos homologues de tout le pays en octobre, et nous avons rédigé une déclaration conjointe sur les effets qu'auront, pour les personnes atteintes de déficiences, les transferts dans les domaines de la santé et des services sociaux; je pense que le Comité des finances en a reçu un exemplaire. J'en ai ici quelques autres que je peux vous laisser. Nous demeurons très préoccupés par les effets qu'aura le financement global sur les services dont ont besoin les personnes atteintes de déficiences, en particulier dans les provinces comme la Nouvelle-Écosse qui n'ont pas le même potentiel fiscal que l'Ontario, l'Alberta ou la Colombie-Britannique.

Il est certain que le gouvernement fédéral doit assumer un certain leadership. Il doit imposer des normes nationales pour les services, que ce soit dans le domaine des soins de santé, de l'éducation postsecondaire, des services sociaux ou de la formation professionnelle. Si le financement doit être dévolu aux provinces, il faut quand même un leadership national pour veiller à ce que les différences qui existent actuellement entre les services offerts d'un bout à l'autre du pays ne s'intensifient pas davantage.

Une des choses qui nous inquiètent dans la politique relative aux transferts dans les domaines de la santé et des services sociaux, c'est qu'elle risque d'élargir le fossé entre les nantis et les démunis, de créer une atmosphère dans laquelle on n'attache pas la même importance à tout le monde, dans laquelle on fait une distinction entre les personnes méritantes et les autres, dans laquelle il existe un écart de plus en plus grand entre les riches et les pauvres, tant entre les diverses régions du pays qu'à l'intérieur d'une même province.

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Donc, le financement global n'est pas si terrible en soi, à condition qu'il existe des normes nationales et qu'il soit possible de transférer les sommes appropriées aux provinces qui en ont particulièrement besoin.

Nous avons parlé dans notre mémoire de la nécessité de maintenir des transferts de fonds suffisants aux provinces qui ont des problèmes fiscaux, mais en tant que mécanisme visant à assurer le maintien des normes nationales même dans les provinces nanties, pour éviter que les transferts de fonds disparaissent et que, par exemple, la Loi canadienne sur la santé devienne un document vide de sens.

À notre avis, le gouvernement fédéral devrait adopter une politique de plein emploi - qui devrait être le principe directeur, si je puis dire - et offrir, grâce à ce plein emploi, des mesures incitatives souples pour que les entreprises embauchent des personnes atteintes de déficiences et qu'elles leur offrent des possibilités de formation en cours d'emploi et, en gros, des possibilités d'emploi. Cela pourrait se faire par le biais de mesures souples visant l'industrie privée ou de subventions directes, ou encore par des transferts quelconques, particulièrement vers ceux qui en ont le plus besoin.

La Nouvelle-Écosse compte 189 000 personnes atteintes de déficiences, ce qui représente environ 21,3 p. 100 de la population de la province. D'ici l'an 2016, nous nous attendons à ce que ce chiffre augmente de 75 000.

Non seulement il est important d'avoir un emploi, mais il est primordial d'avoir accès à des services de soutien permettant de vivre de façon autonome. Donc, les services d'interprétation, les services de relève, les services d'auxiliaires et les autres services de ce genre sont essentiels et vont devenir de plus en plus importants.

Si elles ne peuvent plus bénéficier du potentiel fiscal du gouvernement fédéral, les provinces comme la Nouvelle-Écosse vont avoir de plus en plus de mal à offrir ce genre de services. C'est grave.

Pour ce qui est de la réduction du déficit, nous ne voulons pas que cela se fasse surtout par des compressions dans les programmes sociaux. Le déficit est un problème qu'il faut résoudre, mais par la réforme fiscale... Il y a des secteurs où les impôts payés par de nombreuses entreprises très rentables sont certainement au plus bas. J'ai l'impression que vous avez entendu beaucoup de réactions des contribuables à revenu moyen, qui assument vraiment la majeure partie du fardeau fiscal. Il faut absolument en arriver à un régime fiscal plus juste et plus équitable, ce qui vous permettra du même coup d'augmenter vos recettes.

Il y a bien sûr les droits de succession, et certaines contributions à des REER qui sont en réalité des bonis, plutôt que des contributions nécessaires pour produire un revenu; il faut en gros s'assurer que les gens qui peuvent payer paient effectivement, et qu'ils paient leur juste part.

Il faudrait changer en même temps la façon dont les recettes fiscales sont dépensées. Nous avons entendu parler des dédoublements, mais la fragmentation des programmes coûte cher également. Si les services sont offerts à la pièce et si les gens passent à travers les mailles du filet de sécurité, cela coûte plus cher pour les programmes d'aide sociale, ou pour la gestion des crises, si vous préférez. Si cette fragmentation des programmes était supprimée grâce à un leadership fédéral fort, ce serait déjà plus rentable.

Le vice-président (M. Campbell): Je vais vous demander de vous arrêter ici. Nous avons encore un intervenant, encore un témoin qui doit nous présenter ses remarques préliminaires, après quoi nous allons donner aux membres du groupe de discussion la possibilité de réagir aux commentaires les uns des autres.

Madame Stella Lord.

Mme Stella Lord (membre du groupe Real Expectations of Communities Against Poverty): Je suis ici pour représenter un groupe appelé RECAP, c'est-à-dire Real Expectations of Communities Against Poverty. Il s'agit en fait d'un groupe de femmes constitué cet été en réponse aux répercussions du budget de l'an dernier, aux compressions massives dans le domaine des programmes sociaux, aux mesures touchant le financement global et à la disparition des normes nationales applicables aux services sociaux.

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Nos membres et ceux de nombreux groupes avec lesquels nous travaillons croient que le changement qui s'est produit lors du dernier budget aura des effets sur les gens, comme M. Macdonald vient de le dire; en fait, il créera dans notre pays un déficit social qui se fera sentir surtout chez les adultes et les enfants pauvres, et plus particulièrement chez les femmes, les personnes ayant des déficiences et les membres des groupes marginalisés, principalement dans la régions les plus pauvres du pays comme la région de l'Atlantique.

Je voudrais vous expliquer trois raisons pour lesquelles je suis ici, en plus de la raison la plus évidente.

La première raison, c'est que je constate avec une certaine inquiétude que les audiences actuelles semblent être en train de créer deux solitudes. J'ai participé de très près l'an dernier au processus d'examen des programmes de sécurité sociale, et pourtant, je n'ai pas été informée du fait que votre comité parcourait le pays. Je l'ai su la veille de votre séance à Lunenburg. Par conséquent, je ne pense pas que vous ayez entendu beaucoup de réactions des groupes qui ont participé l'an dernier au processus d'examen des programmes de sécurité sociale.

Le fonctionnement de votre comité, le Comité permanent des finances, me préoccupe donc beaucoup. J'ai entendu parler vendredi seulement de la séance d'aujourd'hui. Je n'ai donc pas pu préparer de mémoire en bonne et due forme. D'autres groupes que je connais, dans le domaine des services sociaux, ont eux aussi entendu parler de la séance vendredi ou lundi seulement. Ils n'ont donc pas eu beaucoup de temps non plus pour préparer un mémoire convenable. Et pourtant, c'est le ministère des Finances qui prend les véritables décisions touchant les services sociaux.

C'était très clair l'an dernier. Malgré toute l'énergie que les groupes de travail ont consacrée à la recherche de solutions pour réformer les programmes de sécurité sociale, le ministère des Finances a pris ses propres décisions.

Je veux simplement le préciser -

Le vice-président (M. Campbell): Madame Lord, je ne peux pas parler de l'autre processus, mais comme j'ai participé aux consultations du Comité des finances l'an dernier et cette année, je voudrais répondre à votre commentaire à ce sujet. Nous avons entendu l'an dernier, dans tout le pays et à Ottawa, de très nombreux groupes qui avaient également participé au processus d'examen des programmes de sécurité sociale. En fait, bon nombre des mémoires qui nous ont été présentés étaient exactement les mêmes que ceux qui avaient été soumis à l'autre comité. Je suis désolé que votre groupe n'ait pas participé aux audiences du Comité des finances l'an dernier, mais vous êtes ici cette année.

Quant à votre autre observation au sujet des effets des consultations publiques, encore là, je peux parler uniquement des effets que les interventions de la population ont eus sur le budget l'an dernier et cette année. Nous en tenons compte dans les avis que nous donnons et les recommandations que nous soumettons.

Mme Lord: Oui, je comprends que certains groupes nationaux ont présenté des témoignages à Ottawa. Mais les groupes du reste du Canada n'avaient pas les moyens d'aller à Ottawa. La plupart d'entre eux n'ont pas d'argent. En fait, le Comité des finances s'est réuni en Nouvelle-Écosse, à Lunenburg je pense, et nous n'en avons pas été avertis avant la veille.

Le vice-président (M. Campbell): Encore une fois, je tiens à préciser publiquement que nous remboursons les dépenses des groupes qui ne peuvent pas comparaître dans leur région et qui veulent venir à Ottawa. Nous l'avons fait l'an dernier et cette année aussi.

Mme Lord: C'est bien. Je veux parler du processus. Les gens doivent savoir quel est le processus. Les organisations de services sociaux doivent être au courant des dates de séance du Comité des finances. Si le Comité des finances doit prendre toutes ces décisions, les organisations doivent être informées pour pouvoir avoir leur mot à dire.

Le vice-président (M. Campbell): Alors, permettez-moi de présenter une suggestion devant les témoins qui sont ici. Les consultations prébudgétaires actuelles sont maintenant un élément permanent du processus d'élaboration du budget dans notre pays. Il y aura tous les automnes des audiences de ce genre dans les diverses régions du Canada et à Ottawa. Nous les avons annoncées l'an dernier et cette année également. Je répète donc, pour répondre à la frustration que vous avez exprimée - et je vous remercie de nous en avoir fait part - que les gens qui veulent avoir leur mot à dire dans ce processus devraient savoir que cela fait maintenant partie du processus d'élaboration du budget et qu'ils devraient par conséquent y porter attention de façon à être en mesure, quand nous parcourrons les différentes régions du pays ou quand nous tiendrons nos audiences à Ottawa...

Je suppose que, quand nous entreprenons quelque chose de nouveau, il est inévitable que les gens ne soient pas aussi bien informés que nous le voudrions. Je pense que nous pouvons tous tirer les leçons qui s'imposent et poursuivre notre travail.

Je voulais simplement que ce soit clair.

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Mme Lord: Merci beaucoup. Je voudrais dire toutefois qu'à mon avis, il incombe au gouvernement, peut-être par l'entremise du Comité des finances, de s'assurer que l'information est transmise aux organismes du domaine social, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.

L'autre raison pour laquelle je suis ici, c'est pour exprimer mon inquiétude au sujet du déficit social croissant, et plus particulièrement au sujet des problèmes qui vont découler de la décision prise par le Comité des finances l'an dernier. Il faut réfléchir à ce que nous pouvons faire à ce sujet.

La troisième chose qui me préoccupe, c'est que le ministère des Finances devrait commencer à chercher d'autres moyens que les compressions visant les programmes sociaux pour régler la question du déficit financier.

Je voudrais vous parler brièvement du déficit social. Nous n'avons pas de mécanisme de vérification de la santé sociale de notre pays, mais nous avons certains indices qui nous permettent de croire qu'il y a déjà au Canada un déficit social qui s'aggravera lorsque les effets du budget de l'an dernier commenceront à se faire sentir.

Nous avons assisté à une multiplication des banques d'alimentation au cours des 10 à 15 dernières années, et le fossé s'élargit entre le revenu des riches et celui des pauvres. Les revenus de l'ensemble des contribuables à faible et à moyen revenu ont diminué de cinq milliards de dollars au cours des années 80, et ceux des contribuables à revenu élevé ont augmenté d'autant.

Le nombre des petits salariés a augmenté de 30 p. 100 depuis 1981.

Un fort pourcentage des mères seules vivent dans la pauvreté. Parmi les jeunes familles canadiennes dirigées par une mère seule, 8 sur 10 sont pauvres.

On ne s'occupe pas des problèmes sociaux comme il le faudrait. Il n'y a pas suffisamment de ressources, par exemple, pour lutter contre les problèmes touchant les femmes, et en particulier contre la violence à l'égard des femmes. Malgré les promesses de toutes sortes qui ont été faites depuis 10 ou 15 ans, la garde des enfants est toujours un problème.

Voilà en gros quels sont les indices d'un déficit social, mais il faut essayer de trouver comment nous pourrions faire une meilleure analyse de ce que les compressions vont entraîner pour notre infrastructure sociale.

Le vice-président (M. Campbell): Madame Lord, avant que vous terminiez votre déclaration préliminaire, j'aimerais vous poser une petite question: vous avez commencé par dire qu'il y avait d'autres solutions possibles pour régler le problème du déficit, mais vous ne nous avez pas dit lesquelles. Pourriez-vous nous en faire part?

Mme Lord: Oui. Au sujet des trois questions que vous avez posées, il faut considérer la croissance de façon différente. Il faut songer à investir dans notre infrastructure sociale - dans l'éducation, les services sociaux et les services de garde d'enfants - plutôt que d'effectuer des réductions dans ces domaines, où il serait peut-être possible de créer des emplois. Il faut considérer la question sous l'angle des emplois et de la croissance.

En ce qui concerne la possibilité de nouvelles compressions, à la question trois, nous devons nous attacher à réduire les coûts des dépenses fiscales du gouvernement et envisager une réforme fiscale plutôt qu'une réduction des programmes sociaux.

Beaucoup d'organisations nationales ont déjà présenté de nombreuses recommandations; je ne fais que vous en résumer quelques-unes.

Il faut combler le fossé de plus en plus grand entre les recettes tirées de l'impôt sur le revenu et celles qui proviennent des impôts des entreprises. Ce fossé s'élargit depuis un certain nombre d'années.

Il faut veiller à ce que les bénéfices et les dividendes des entreprises soient convenablement imposés. Beaucoup d'entreprises rentables ne paient absolument aucun impôt, et pourtant les actionnaires de ces entreprises bénéficient d'allégements fiscaux particuliers sous prétexte que les entreprises ont déjà payé des impôts. Le CCDS estime que le tiers environ des entreprises rentables ne paient pas d'impôts.

Le vice-président (M. Campbell): Est-ce qu'il donne une idée de la raison de cet état de choses ou du raisonnement sur lequel il repose?

Mme Lord: Je suppose que c'est à cause des allégements fiscaux consentis aux contribuables ou des impôts différés.

Le vice-président (M. Campbell): L'utilisation de pertes des années antérieures -

Mme Lord: Oui.

Le vice-président (M. Campbell): - ou diverses autres possibilités.

Mme Lord: Je ne sais pas -

Le vice-président (M. Campbell): Vous ne savez pas. C'est une simple statistique qui n'est pas expliquée.

Mme Lord: - mais je pense qu'elle mérite d'être examinée.

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Le vice-président (M. Campbell): Vous avez dit également que le gouvernement part du principe que les entreprises paient des impôts...

Mme Lord: Si les actionnaires bénéficient d'allégements fiscaux sur leurs dividendes, c'est censément parce que les entreprises ont déjà payé des impôts, mais le CCDS dit douter que ce soit toujours le cas. Il y a des entreprises qui ont différé le paiement de leurs impôts et qui ne les ont jamais payés. Il faut se pencher là-dessus.

Je pense que nous devons réexaminer les limites applicables aux REER et la taxe sur les gains en capital pour assurer le maintien de l'équité entre les divers groupes de contribuables dans ces domaines-là.

Le vice-président (M. Campbell): Si vous avez couvert la majeure partie des points que vous vouliez soulever, je suggère que nous terminions ici pour permettre une discussion entre nos invités, de même que des questions des députés.

Mme Lord: Je n'ai pas fini. J'avais plusieurs autres points.

Le vice-président (M. Campbell): Vous pourrez y revenir parce que nous avons aujourd'hui un groupe de discussion restreint. Vous aurez l'occasion de conclure même après la discussion.

J'aimerais demander aux témoins qui ont participé à notre deuxième groupe de discussion s'ils ont des commentaires à faire au sujet de ce que les autres témoins ont dit; je vous demanderais de ne pas ajouter à ce que vous avez déjà dit, mais plutôt de réagir à ce que vous avez entendu. Est-ce que quelqu'un voudrait commencer?

Monsieur Wilde.

M. Wilde: Je voudrais parler du cas des entreprises qui ne paient pas d'impôts.

Les entreprises se composent de gens. Elles fournissent de l'emploi. Et les gens qui travaillent pour les entreprises paient tous des impôts. Les actionnaires de ces entreprises reçoivent des dividendes sur lesquels ils paient des impôts. L'idée que les entreprises ne paient pas leur juste part...

Soit dit en passant, j'ai déjà travaillé dans le domaine fiscal. Le régime fiscal canadien est structuré de telle façon que les revenus qui passent par une entreprise sont assujettis aux mêmes impôts lorsqu'on en arrive au niveau individuel, que si ces revenus avaient été gagnés directement par les particuliers. En fait, dans le cas de certaines entreprises qui font des investissements, le fardeau fiscal global visant ces revenus est plus lourd une fois les dividendes payés que si les impôts avaient été payés sur une base individuelle.

Je pense que c'est un mythe de dire que les entreprises ne paient pas leur juste part d'impôts. Tout le régime est conçu de façon à ce que ce soit très difficile à faire, sinon impossible.

Mme Lord: Alors, vous pourriez peut-être nous expliquer pourquoi les recettes fiscales provenant des entreprises ont diminué par rapport à l'impôt sur le revenu au cours des 20 dernières années.

M. Wilde: L'impôt sur le revenu des particuliers a augmenté. Il est probable que, dans l'ensemble, la proportion totale des revenus conservés par les entreprises dans le but de réinvestir est plus faible que le revenu total des entreprises et des particuliers, pris globalement.

Le vice-président (M. Campbell): D'autres témoins nous ont dit que nous ne devrions pas comparer seulement l'impôt sur le revenu des entreprises et celui des particuliers. Les entreprises paient également d'autres taxes, que ce soit des taxes foncières ou des taxes sur le capital, et elles nous ont suggéré d'examiner l'ensemble de la question. Il y a eu des changements dans ces domaines-là aussi au fil des ans.

Y a-t-il d'autres commentaires sur cette question ou sur une autre question?

Monsieur McDonnell.

M. McDonnell: Pour commencer, je suis tout à fait d'accord avec ceux qui ont dit qu'il faudrait renforcer le tissu social de notre pays et profiter davantage des possibilités qui existent déjà, parce qu'il y en a effectivement beaucoup à mon avis, en termes de croissance et de création d'emploi.

Mais je constate, même si ce n'est peut-être pas évident, que les entreprises trouvent encore très difficile de s'implanter et de prendre de l'expansion dans notre pays, et que le régime fiscal actuel ne les aide pas. Il est bien possible que la véritable évolution, en ce qui concerne les proportions qui ont été mentionnées, ce soit qu'il y a dans notre pays de plus en plus de petites et moyennes entreprises, qui peuvent être considérées soit comme des sociétés constituées, soit comme des particuliers. Une bonne partie des impôts à titre personnel versés de nos jours par de petites entrepreneurs étaient peut-être considérés comme des impôts d'entreprises dans l'économie d'hier.

En dernière analyse, je suis convaincu que nous devons continuer de surveiller attentivement les effets de la fiscalité sur les entreprises parce qu'elles forment un élément nécessaire de notre pays.

Le vice-président (M. Campbell): Y a-t-il d'autres témoins qui souhaitent ajouter quelque chose, peut-être M. Macdonald ou M. Hatt, qui n'ont pas pris la parole sur cette question, ni à cette étape?

Monsieur Macdonald.

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M. Macdonald: Je ne suis pas spécialiste du financement des entreprises et des autres questions de ce genre, mais lorsqu'on examine rapidement les annonces annuelles au sujet des bénéfices de nos banques ou de nos compagnies d'assurances, on pourrait certainement s'attendre à ce que ces entreprises de bonne taille paient directement un certain minimum d'impôts. C'est une question de responsabilité sociale.

Il y a beaucoup de mécanismes qui entrent en jeu, par exemple pour les charges à payer ou l'amortissement, ou quels que soient les termes techniques utilisés, mais il devrait certainement y avoir un niveau minimum auquel seraient assujetties les organisations très rentables pour qu'elles paient leur juste part d'impôts.

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Macdonald, certaines personnes vous diront que c'est le rôle des impôts sur le capital, qui entraînent toujours un niveau minimum d'imposition. Je vous le signale tout simplement. D'autres ont dit qu'en fait, c'est intégré dans le régime fiscal. Il y a bien sûr des impôts sur les bénéfices, mais il y en a aussi sur le capital.

Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet-là?

M. Macdonald: Les entreprises pourraient nous montrer de façon un peu plus intelligente quels impôts elles paient. C'est peut-être un jeu d'illusions, mais il est certain que les états financiers, que ce soient les bilans ou les comptes de résultats, pourraient être présentés de façon plus appropriée. Qu'est-ce qu'elles paient exactement?

Le vice-président (M. Campbell): Oui, c'est possible.

Monsieur Wilde, après quoi nous allons passer aux questions.

M. Wilde: Je voulais simplement ajouter que, si j'ai parlé de l'importance relative des impôts des entreprises et des particuliers, ce n'est pas parce que je ne crois pas que nous ayons la responsabilité de faire tout ce qui est possible pour aider les membres les moins favorisés de notre société, loin de là. Je pense que c'est un élément tout à fait crucial de ce que nous devons faire au Canada, c'est-à-dire nous assurer que ces personnes défavorisées ne sont pas pénalisées par nos efforts pour mettre fin aux dépenses excessives du passé, qui ont causé le déficit actuel.

Le vice-président (M. Campbell): Merci.

Nous allons maintenant passer aux questions. Certains membres du comité vont sûrement vouloir poursuivre sur quelques-uns des thèmes évoqués, qui sont d'ailleurs à peu près les mêmes que ceux qu'ont soulevés les autres groupes de discussion. Est-ce que les entreprises paient leur juste part d'impôts, quelle qu'elle soit? Est-ce que les particuliers doivent assumer un fardeau trop lourd? Dans nos efforts pour réduire le déficit, quelles mesures devrions-nous prendre dans ce domaine? Est-ce que nous nous attaquons au mauvais déficit? Devrions-nous nous concentrer davantage sur des objectifs à long terme, en tant que société? Au lieu de nous demander comment payer pour atteindre ces objectifs, devrions-nous nous demander plutôt comment payer plus tard? Toutes ces questions ont déjà été soulevées également par le premier groupe de discussion ce matin.

Nous allons donc passer aux questions. Nous commencerons par Dianne Brushett.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président.

Madame et messieurs les témoins, je vous souhaite la bienvenue aux audiences de notre comité en Nouvelle-Écosse. Je voudrais revenir sur le dernier point dont vous avez discuté entre vous.

On remonte parfois aux années 50 pour démontrer comment l'écart a commencé à s'élargir entre les impôts des entreprises et ceux des particuliers. Quand on remonte à cette époque-là, lorsque les impôts des entreprises étaient beaucoup plus élevés, il n'y avait pas assez d'argent pour faire tourner l'économie; c'est pourquoi on a commencé à imposer les particuliers. Et les impôts des particuliers ont augmenté, tandis que ceux des entreprises diminuaient légèrement.

Mais si le gouvernement devait imposer les entreprises au même niveau que dans les années 50, tout en réduisant les impôts des particuliers, les entreprises seraient imposées à plus de 100 p. 100. Il n'y a pas assez de bénéfices dans le système aujourd'hui pour maintenir ce genre de choses; donc, l'économie serait à toutes fins utiles paralysée à cet égard.

L'autre observation que je voulais faire au sujet de la fiscalité des entreprises, c'est que nous examinons aujourd'hui différentes possibilités comme les impôts uniformes. Vous vous souviendrez sûrement que Bob Rae, au gouvernement de l'Ontario, avait demandé il y a un certain temps à la Commission de l'équité fiscale d'examiner ce qui serait raisonnable. Il n'avait pas fait cela pour le compte de la grande entreprise, mais plutôt pour aider les simples citoyens.

Il s'est rendu compte que les entreprises payaient leur juste part d'impôts, si vous voulez utiliser cette expression, mais qu'elles semblaient bénéficier d'allégements fiscaux parce qu'elles pouvaient reporter leurs pertes sur des années ultérieures lorsqu'elles ne faisaient aucun bénéfice. Elles bénéficiaient aussi du crédit d'impôt à l'investissement parce qu'elles essayaient de créer des emplois. Et une partie des profits étaient versés en dividendes aux particuliers, qui payaient des impôts eux aussi.

Donc, dans une certaine mesure, je pense que c'est une impression fausse; nous savons que, dans le domaine fiscal, nous ne pouvons pas vraiment augmenter beaucoup les limites.

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J'aimerais faire quelques autres observations. Je voudrais revenir à ce qu'ont dit les témoins ce matin.

Monsieur MacDonnell, vous avez parlé du projet de loi C-52 et de la façon dont il fait concurrence à l'entreprise privée. En quel sens?

M. MacDonnell: Beaucoup d'associations de tout le pays ont fait part à la Chambre de leurs opinions au sujet du projet de loi C-52. Je voulais parler d'une disposition du projet de loi qui permet au gouvernement fédéral, et plus particulièrement à Travaux Publics Canada et à ses organismes, d'offrir des services aux provinces et aux administrations municipales. Dans certain cas, ces services pourraient être offerts dans n'importe quel domaine, par exemple l'architecture, le génie ou la comptabilité.

Le secteur privé considère qu'il s'agit d'un changement très net par rapport à ce qui se passe actuellement et que le gouvernement fédéral pourrait ainsi lui faire concurrence sur les marchés locaux, aux niveaux provincial et municipal.

Mme Brushett: Est-ce que c'était le CAMEX...ou plutôt le système AAS qui était en place quand Approvisionnements et Services a essayé de faire concurrence à de petites entreprises de gros, par exemple? Nous y avons mis fin parce que nous pensions que cela poserait un problème.

M. MacDonnell: Je suppose que la structure de base du gouvernement dans les régions que vous choisiriez, ce serait que Travaux Publics Canada aurait des entreprises d'exploitation dans les domaines de l'immobilier, de l'architecture, du génie et dans toutes sortes d'autres domaines qui sont également desservis en ce moment par le secteur privé. L'argument invoqué, c'est que le gouvernement fédéral offre actuellement des services de ce genre, ce qui est peut-être un argument raisonnable si vous croyez que vous devez tout faire à l'interne.

Mais le projet de loi C-52 permet également au gouvernement fédéral d'offrir ces mêmes services aux provinces et aux administrations locales, ce qu'il ne fait pas actuellement.

Mme Brushett: Donc, vous recommanderiez par exemple que les services immobiliers offerts par Services gouvernementaux soient éliminés, abolis, que nous nous retirions de certains de ces secteurs.

M. MacDonnell: En général, la plupart des secteurs auxquels j'ai fait allusion sont déjà très bien desservis par le secteur privé. En ce qui concerne l'analyse stratégique des besoins et la définition des exigences, je suis convaincu qu'il faut des compétences dans ces domaines au gouvernement. Mais il n'est certainement pas nécessaire que les services soient fournis sur le plan interne parce que le secteur privé non seulement peut les fournir, mais également pourrait prendre de l'expansion si on lui confiait cette charge de travail.

Mme Brushett: Merci.

Une autre question, monsieur le président, qui s'adresse à Stella Lord.

Vous avez parlé de la pauvreté et du processus. Je tiens simplement à vous rappeler que je suis députée d'une circonscription de Nouvelle-Écosse. J'ai publié une annonce dans le journal moi-même pour indiquer que le Comité des finances viendrait dans la province, à Halifax. J'ai invité l'ensemble de la population et les groupes organisés à comparaître devant le comité, ou à communiquer avec moi personnellement pour que je puisse transmettre leur point de vue s'ils n'étaient pas capables de se présenter devant le comité.

Vous n'êtes pas dans ma circonscription, mais je tiens à ce que vous sachiez que je suis à votre disposition, comme la plupart de nos députés, pour entendre ce que vous avez à dire et que nous sommes prêts à vous rencontrer n'importe quel jour de la semaine avant le processus budgétaire. Comme l'a indiqué le président, il s'agit d'un processus continu, qui se poursuivra jusqu'à ce que nous ayons réglé la question du déficit et de la dette. Je tiens à ce que vous gardiez toujours cela à l'esprit.

Vous avez souligné que 8 mères seules sur 10 vivent dans la pauvreté. Mais il y a une vingtaine d'années, dans notre province, nous encouragions en fait les jeunes filles de 16 ou 17 ans à se débrouiller toutes seules et à vivre isolées dans des appartements vétustes où elles ne pouvaient pas profiter des conseils d'une personne plus mûre chargée de s'assurer que ces jeunes filles, qui étaient en fait des enfants ayant eu elles-mêmes un enfant, étaient capables de s'organiser toutes seules. Il n'y avait personne pour leur donner des conseils et les aider à bien se nourrir. Elles quittaient l'école et ne poussaient donc pas très loin leurs études.

Nous avons consacré beaucoup d'argent à ce problème, et nous le faisons encore aujourd'hui. Mais nous favorisons le problème plutôt que de contribuer à le résoudre; à mon avis, l'argent ne règle rien. Avez-vous des idées sur la façon dont nous pourrions régler ce problème de la pauvreté chez les enfants, encourager ces gens à poursuivre leurs études, aider ces enfants? L'argent ne semble pas avoir réglé grand-chose.

Mme Lord: Je vous remercie de vos commentaires sur vos efforts pour informer la population. À ce sujet-là, et pour en revenir à mes derniers commentaires au sujet des impôts des entreprises, je pense que tout le processus doit être plus ouvert et plus transparent. Nous devons savoir ce que les entreprises paient comme impôts, et nous devons être un peu mieux informés de la façon dont les choses se passent.

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Les banques réalisent des milliards de dollars de profits; cela fait la manchette du Globe and Mail, où on peut lire en même temps toutes sortes de choses sur les compressions dans les programmes sociaux. Ce n'est pas une façon de favoriser la cohésion sociale.

Le vice-président (M. Campbell): Mais il faut être juste, madame Lord; ces manchettes sur les profits des banques ne font pas allusion aux taxes qu'elles paient, mais seulement aux profits.

Mme Lord: Ce que je dis, c'est que nous devons savoir quelles taxes elles paient, comment sont structurés les impôts des entreprises, quelles sont celles qui paient et celles qui ne paient pas, et comment toute cette affaire... Il faudrait peut-être une structure fiscale différente pour différents types d'entreprises. Je n'en sais rien. Mais il faut que tout ce processus se passe à découvert, au vu et au su de tout le monde.

Le vice-président (M. Campbell): En disant que cela doit se faire «au vu et au su de tout le monde», vous laissez entendre que ce n'est pas le cas. Mais cette information est généralement disponible. Toutes sortes de gens y ont accès, et s'en servent pour rédiger des articles pour des revues et des journaux, et pour faire des suggestions. Si vous voulez de l'information que vous avez du mal à obtenir, dites-le nous, dites-le au greffier du comité, et si cette information est du domaine public, nous vous la transmettrons. Regardez-la, étudiez-la, et revenez-nous avec des suggestions.

Ce n'est pas nécessairement facile. Comme M. Macdonald l'a dit tout à l'heure, il n'y pas ici de spécialistes des finances des entreprises. Il n'y en a pas non plus beaucoup autour de cette table, quoique certains d'entre nous aient plus de connaissances que les autres dans ce domaine.

Il faut lire, réfléchir et poser des questions. Cette information est généralement du domaine public, suffisamment en tout cas pour vous permettre de faire des suggestions sur ce que vous changeriez si c'est vous qui deviez décider.

Vous pouvez parler à notre attaché de recherche; il vous dira ce qui est disponible dans les documents budgétaires de l'an dernier. Il y a eu beaucoup d'information publiée au sujet des dépenses fiscales liées aux entreprises et des niveaux d'imposition des entreprises.

Mme Brushett: Monsieur le président, me permettez-vous de faire une petite observation pour rassurer un peu Stella? En moyenne, le taux de l'impôt sur le revenu des particuliers se situe autour de 9 p. 100 dans notre pays - mais évidemment, c'est une moyenne. Pour les entreprises, il est de 23 p. 100.

Mme Lord: Eh bien, nous pourrions continuer à citer des statistiques. Il y en a beaucoup d'autres qui réfutent celle-là.

Pour ce qui est de votre deuxième point, au sujet de l'argent versé inutilement aux pauvres, je pense que cela n'a pas été le cas. Si vous examinez les dépenses consacrées aux programmes sociaux, ce n'est certainement pas très éloigné de ce qui se fait dans la plupart des autres pays de l'OCDE. En fait, nous sommes même en bas de la liste à cet égard par rapport à certains autres pays.

Si vous parliez à soeur Joan O'Keefe, qui était ici au début de la matinée, et si vous lui demandiez si son organisme nage dans l'argent et ne sait pas quoi en faire, elle ne serait certainement pas du même avis.

Mme Brushett: Permettez-moi de vous proposer un nouveau modèle. Si nous placions la jeune fille de 16 ans, par exemple... Si nous insistions pour qu'elle reste chez elle, où il pourrait y avoir une mère, une tante, une grand-mère ou quelqu'un d'autre pour l'aider à s'occuper de son nouveau bébé, si nous laissions cette jeune fille retourner à l'école ou aller travailler, et si nous donnions de l'argent à la famille pour l'aider, est-ce que ce ne serait pas mieux que d'isoler cette jeune fille de 16 ans, en l'envoyant vivre toute seule dans un appartement?

Mme Lord: Je suis tout à fait d'accord pour dire que les jeunes mères célibataires ont besoin de beaucoup d'aide. Quant à savoir si cette aide pourra venir des membres de la famille, de la parenté ou du voisinage, comme semble le croire le gouvernement Harris en Ontario, c'est là la question. Au Canada, à l'heure actuelle, la plupart des familles ont besoin de deux revenus. D'où va donc venir l'aide dans ces familles? Encore là, on rejette le fardeau surtout sur les épaules des femmes.

Et je ne veux pas parler seulement des suggestions du gouvernement Harris, mais aussi des compressions dans les domaines des soins de santé et des programmes sociaux. Le fait est que ce sont surtout les femmes qui vont devoir assumer le fardeau de ces compressions, et je ne suis pas certaine qu'elles soient encore en mesure de le faire. La plupart doivent aller travailler à l'extérieur elles aussi pour gagner leur vie.

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On veut appuyer les jeunes mères et les aider à retourner au travail - on fait beaucoup d'efforts dans le domaine des programmes d'employabilité, par exemple - mais on n'est pas prêt à consacrer de l'argent aux services de soutien social qui permettent aux femmes de le faire, et en particulier aux services de garde d'enfants.

Le vice-président (M. Campbell): Nous allons maintenant passer à une autre question, mais j'aimerais si vous me le permettez ajouter quelque chose, du point de vue d'un député d'une circonscription de Toronto. Je suis d'accord avec Mme Lord quand elle dit que le modèle dont il a été question ici, c'est-à-dire la possibilité de se tourner vers les amis, la famille et la parenté, peut fonctionner dans certaines régions du pays, dans certaines petites villes, mais ce n'est pas possible dans un grand centre comme Toronto, où ce genre de réseau de soutien n'existe pas, pour une foule de raisons enracinées dans l'histoire et les mouvements de population. C'est une idée à explorer, mais notre pays compte de nombreuses régions différentes, qui vivent des réalités tout à fait différentes. Il faut donc envisager une myriade de solutions.

Je vais maintenant laisser la parole à M. Loubier.

M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Je voudrais faire un bref commentaire, monsieur le président. Les députés présents ici parlent de la politique fiscale et des entreprises canadiennes, et donnent l'impression qu'il n'y a aucun problème à cet égard. À mon avis, il y a un problème parce que, jusqu'à 1990, le ministère des Finances publiait des données sur les profits réalisés au Canada sans que les entreprises paient d'impôts, et que ces données ne sont plus disponibles depuis ce temps-là. Il y a donc un problème parce que les dernières données publiées, en 1990, indiquaient que des profits de 26 milliards de dollars avaient échappé complètement à l'impôt fédéral.

Je pense que nous devons examiner ce problème et que c'est notre responsabilité, surtout à l'occasion de l'examen de la dette du gouvernement fédéral, de nous pencher sur ces données, de les analyser et d'explorer la possibilité de réformer la politique fiscale visant les gens d'affaires du Canada.

[Français]

Le vice-président (M. Campbell): Avez-vous aussi une question, monsieur Loubier?

M. Loubier: Non, pas nécessairement.

[Traduction]

Il n'y a pas de questions.

Le vice-président (M. Campbell): Madame Lord.

Mme Lord: Le Conseil canadien de développement social a recommandé notamment que le gouvernement établisse un compte annuel des dépenses fiscales, dans ses comptes publics, pour démontrer ou évaluer les diverses dépenses fiscales qui se produisent dans notre pays. Cela permettrait l'ouverture et la transparence dont j'ai parlé tout à l'heure, puisque les gens auraient une idée de ce qui se passe exactement au sujet des impôts différés, des crédits d'impôt et des autres genres de déductions.

Le Conseil a également suggéré d'examiner les droits successoraux, dont il a déjà été question ce matin. Il estime apparemment qu'il y aura des transferts d'un billion de dollars d'une génération à l'autre au cours des 15 prochaines années et qu'un taux d'imposition de 5 p. 100 produirait des recettes de 50 milliards de dollars. Si je comprends bien, le Canada est un des rares pays occidentaux qui n'impose pas de droits successoraux. À mon avis, c'est quelque chose que nous devrions examiner.

L'autre suggestion, qui ne vient pas du CCDS, mais du sommet du développement social qui a eu lieu à Copenhague l'an dernier, c'est que le Canada devrait envisager une taxe Tobin, une nouvelle taxe sur les transactions financières internationales, pour tenir compte davantage de la mondialisation actuelle de l'économie. La taxe suggérée était de 1 p. 100.

Le vice-président (M. Campbell): Il ne s'agit pas de Brian Tobin.

Mme Lord: Non, ce n'est pas Brian Tobin.

Le vice-président (M. Campbell): C'est un économiste.

Je vous répondrai que cette question de la taxe Tobin a été soulevée au sommet du G-7 ici même à Halifax, il y a quelques mois, et qu'une des complications que cette mesure soulèverait, évidemment, c'est que même s'il est question de chiffres impressionnants, le degré de coopération internationale nécessaire pour que cette mesure soit efficace la rend à peu près inapplicable.

.1115

C'est une idée intéressante, mais extrêmement difficile à mettre en oeuvre, et qui aurait l'inconvénient suivant: si vous croyez à la libre circulation des capitaux, dont dépend le Canada - énormément d'ailleurs - cette mesure constituerait un obstacle. La critique la plus dure qui a été formulée au sujet de la taxe Tobin est la suivante: comment la fixer à un taux permettant de produire des recettes suffisantes sans pour autant influer sur les décisions que les gens pourraient prendre au sujet des mouvements de capitaux?

Donc, c'est une idée intéressante, mais comme dans bien des cas, quand on commence à éplucher l'oignon - ou à effeuiller la rose, selon l'analogie que vous préférez - les choses se compliquent beaucoup.

Mme Lord: Sur ce point, je pense que bien des gens ont été très déçus de la façon dont notre gouvernement a répondu à cette suggestion lors du sommet sur le développement social; la chose avait en fait été présentée comme une possibilité à examiner et à raffiner, mais notre ministre des Finances l'a immédiatement rejetée en disant que cela ne l'intéressait absolument pas. Je ne dis pas que cela pourrait se faire du jour au lendemain. Ce que je dis, c'est qu'il faudrait examiner la question. Après tout, le Canada a été un des pionniers des Nations Unies, même si bien des gens jugeaient il y a 50 ou 60 ans que c'était une impossibilité. Pourquoi ne pas envisager une nouvelle vision des choses et essayer d'améliorer cette idée plutôt que de nous contenter de -

Le vice-président (M. Campbell): Nous avons soulevé la question au sommet de Halifax.

Je voudrais également répondre à une autre de vos observations, après quoi je laisserai la parole à M. Solberg. Nous avons une certaine forme de droits successoraux dans notre pays. Nous avons une disposition présumée au moment du décès, une taxe sur les gains en capital qui s'applique au moment du décès et qui est essentiellement une évaluation des actifs du défunt. Ce n'est pas comme un impôt sur le revenu parce que ce n'est pas au même niveau, mais c'est une forme de droits successoraux. Et nous en avions une autre forme avant d'avoir une taxe sur les gains en capital au moment du décès.

Donc, vous n'avez pas tout à fait raison de dire que nous sommes le seul pays au monde à ne pas imposer de droits successoraux. Les pays qui en imposent n'ont pas de taxe sur les gains en capital au moment du décès.

Monsieur Wilde.

M. Wilde: Une bonne partie de la discussion semble laisser sous-entendre jusqu'ici qu'il ne se paie pas assez d'impôts au Canada. Je pense que c'est probablement faux. Les Canadiens sont déjà parmi les plus taxés au monde, et ce qui va se produire inévitablement si vous augmentez leurs impôts, c'est que ceux qui paient - et la plupart d'entre nous considèrent que nous payons plus que notre juste part - vont voter avec leurs pieds, comme on dit, et vont quitter le pays en emportant avec eux l'activité économique qui produit ces impôts.

J'ai eu hier une rencontre de trois heures avec un client orthodontiste, qui m'a dit qu'il ne pouvait pas se permettre d'acheter un REER cette année à cause des impôts qu'il doit verser sur son revenu. Il m'a dit que, si cela continuait, il ne resterait pas au Canada.

C'est une préoccupation très sérieuse; tous ceux qui pensent que nous devrions augmenter les taxes... Cela aurait un effet très négatif parce que les gens qui créent la richesse dans notre pays vont tout simplement s'en aller.

M. Macdonald: Je pense que personne ici ne dit qu'il faudrait augmenter les impôts sur le revenu des particuliers ou de la classe moyenne; nous parlons plutôt d'un régime fiscal plus juste et de la nécessité de nous assurer qu'il est effectivement équitable, tant en réalité qu'en apparence. Ce ne sont pas le médecin, l'avocat, le comptable agréé ou le bureaucrate qui devraient faire les frais des augmentations d'impôts. Ce sont les secteurs qui en paient moins que les autres, toute proportion gardée, ou qui n'en paient pas leur juste part.

Le vice-président (M. Campbell): Pourriez-vous nous donner un exemple? Aidez-nous un peu. Nous entendons cela très souvent. Je ne sais pas ce que cela signifie. C'est une idée intéressante, mais quel est ce niveau, qui sont ces gens, où sont-ils, comment pouvons-nous les trouver?

M. Macdonald: J'imagine que le gouvernement fédéral doit avoir les capacités statistiques et les compétences... Je travaille juste à côté d'un immeuble abritant une compagnie d'assurances. Il y a continuellement des gens du gouvernement fédéral, de Revenu Canada, qui s'y rendent pour voir où diable passe l'argent. Il y a certainement des méthodes comptables et des règles de comptabilité imaginatives qui accordent un avantage aux grandes entreprises.

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Ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'il est important de réduire le déficit, qu'il est important d'essayer d'augmenter notre potentiel fiscal et de susciter la croissance économique, mais il y a dans ce débat des positions extrêmes d'un côté comme de l'autre, de sorte qu'il est aussi difficile d'effectuer des réductions que d'augmenter les impôts. Donc, c'est à vous de trouver une solution.

Je pense qu'il y a une façon pragmatique de déterminer les secteurs - et il en a été question ce matin - où il y a des dédoublements de programmes, de savoir quelles sont les dépenses excessives et inappropriées, de redéfinir les priorités du gouvernement pour qu'il s'occupe des services essentiels et non de ceux qui ne profitent aucunement aux Canadiens, et d'examiner de façon pratique la source de la croissance économique, pouce par pouce.

Je ne suis pas spécialiste des questions fiscales, mais la situation a changé depuis les années 50. Les gens payaient des taxes à cette époque-là, et il y a eu quand même une croissance incroyable.

Les entreprises ne vont pas quitter le Canada si les impôts augmentent légèrement. Nous vivons dans un pays riche. Nous avons une richesse incroyable, et nous devrions nous en servir et inciter les gens à s'en servir.

Nous devrions même examiner notre politique d'immigration pour encourager plus de gens à venir chez nous créer des emplois.

De toute évidence, nous traversons une crise financière, et tout le monde reconnaît la nécessité du financement global et de la réduction de certains services. Mais il faut le faire intelligemment.

Le vice-président (M. Campbell): Un dernier commentaire avant que nous passions à M. Solberg.

Même si nous augmentions du tiers les recettes provenant des impôts des entreprises et si nous éliminions toutes les dépenses fiscales liées aux entreprises, y compris les déductions accordées aux petites entreprises, nous aurions quand même un déficit de 10 milliards de dollars par année.

M. Macdonald: C'est un bon début.

Le vice-président (M. Campbell): Oui. Ce ne serait peut-être pas spectaculaire, mais ce serait un bon début.

M. Macdonald: Et ensuite, nous pourrions développer...

Le vice-président (M. Campbell): Je m'excuse; j'ai parlé de 10 milliards de dollars, mais il s'agit plutôt de 20 milliards. Je me suis trompé. Cela réglerait seulement le tiers de la question, et il resterait un déficit de 20 milliards de dollars.

M. Macdonald: D'accord. Seriez-vous prêt à l'accepter? Est-ce qu'un tiers, ce n'est pas déjà un excellent début?

Le vice-président (M. Campbell): Je ne suis pas prêt à accepter quoi que ce soit sans en examiner les effets sur l'emploi et sur la croissance dans notre économie.

Nous allons maintenant laisser la parole à M. Solberg, parce qu'il veut tout particulièrement parler de la question de l'immigration que vous avez soulevée.

M. Solberg (Medicine Hat): Je voudrais mettre quelque chose en perspective. Si j'ai bien compris - et notre attaché de recherche pourra m'indiquer d'un signe de tête si j'ai raison - les 1 p. 100 des contribuables qui ont les revenus les plus élevés paient déjà 10 p. 100 de l'impôt sur le revenu dans notre pays. Voilà, il le confirme. Donc, quand on laisse entendre que nous devrions percevoir plus d'impôts et que certaines personnes n'en paient pas leur juste part, ce n'est tout simplement pas vrai dans les faits.

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Solberg, je voudrais répondre à cela pour le compte rendu.

Ces chiffres viennent du ministère des Finances. Les 10 p. 100 qui paient le plus d'impôts, et dont le revenu compte pour le tiers seulement du revenu imposable au Canada, ont payé la moitié de l'impôt sur le revenu total.

Est-ce à cela que vous voulez en venir?

M. Solberg: Je pense que c'est une confirmation. Donc, les 10 p. 100 du haut paient la moitié de l'impôt total sur le revenu.

Pour en revenir à ce que le président a dit au sujet du départ de certaines personnes si les impôts étaient augmentés, nous avons assisté il y a quelques années à un véritable exode d'entreprises et de particuliers, surtout du centre du Canada, et plus particulièrement de l'Ontario, à cause des régimes fiscaux. Nous avons tous entendu la vieille blague au sujet de Bob Rae qui aurait été nommé l'homme de l'année à Buffalo, dans l'État de New York, parce que tous ces gens-là se sont précipités vers les États-Unis. Donc, il ne faut pas oublier que ces entreprises et ces particuliers peuvent déménager, que certains l'ont déjà fait et que d'autres y songent encore.

Je voudrais poser quelques questions à Mme Lord à propos des commentaires qu'elle a faits au sujet du déficit social et de la nécessité d'investir davantage dans les programmes sociaux.

Vous conviendrez sûrement que nous avons augmenté considérablement nos dépenses sociales au Canada au cours des 25 dernières années. Et pourtant - comme le soulignait d'ailleurs Mme Brushett - nous avons encore toutes sortes de problèmes sociaux. Il est donc difficile de prétendre que tout cet argent a contribué sensiblement à améliorer la situation sur le plan social. Ce que j'aimerais savoir, c'est si certaines personnes devraient avoir des comptes à rendre au sujet de la façon dont cet argent est dépensé.

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Nous demandons aux entreprises de rendre des comptes. Nous demandons aux représentants politiques de rendre des comptes. Nous demandons à tout le monde de dire où va leur argent. Mais je n'ai entendu personne dire que nous devrions examiner très attentivement quels sont les programmes sociaux qui se sont révélés efficaces - quels sont ceux qui ont véritablement aidé les gens à ne plus dépendre des programmes sociaux et à retourner sur le marché du travail.

Ne devrions-nous pas demander à votre industrie ou aux gens qui s'occupent des programmes sociaux - dans l'intérêt de leur propre survie, en fait - de nous dresser la liste des programmes qui fonctionnent bien et de ceux qui ne fonctionnent pas, et d'exiger des comptes de l'industrie elle-même pour que l'argent disponible aille à des programmes vraiment efficaces?

Mme Lord: Premièrement, je pense que notre situation sociale n'est pas tellement différente de ce qui se passe ailleurs. Tout dépend de la façon dont on interprète les statistiques. Il est certain que beaucoup de travailleurs et de travailleuses des services sociaux ont été insultés l'an dernier d'entendre dire que le déficit était imputable aux programmes sociaux. Ce n'est pas le cas.

M. Solberg: Eh bien, ce n'est pas ce que je veux dire, mais j'aimerais que vous répondiez à ma question sur la nécessité de rendre des comptes. Encore une fois, l'attaché de recherche peut confirmer si j'ai raison, mais je pense que les trois paliers de gouvernement dépensent actuellement des sommes de l'ordre de 150 milliards de dollars par année dans notre pays pour les programmes sociaux. Si c'est vrai, c'est énorme.

Les gens veulent en avoir pour leur argent; ils veulent savoir si ces programmes produisent des effets. Sinon, la population est en droit de se demander pourquoi on devrait se donner tout ce mal. Si les programmes sont efficaces, nous ne devrions pas avoir certains des problèmes sociaux que nous connaissons actuellement.

M. MacDonnell: Monsieur le président, pourrais-je intervenir un instant? Je vais devoir partir.

Je voudrais faire un commentaire au sujet de cette discussion, mais je veux également souligner avant de partir que le financement qui sera versé à notre région au cours des quatre prochaines années va changer profondément. Les choses en sont rendues à un point tel que c'est effrayant.

Il n'y a probablement pas d'autres solutions à court terme que de nous assurer d'augmenter le plus possible l'emploi dans notre région. Cela dit, je pense que nous devons tous travailler en équipe pour exploiter notre potentiel au maximum et nous servir des mécanismes fiscaux à notre disposition pour favoriser l'emploi.

Quant à la discussion en cours, je pense qu'il n'appartient pas aux organismes et aux groupes bénévoles qui s'occupent d'aide sociale dans notre pays de justifier ou de concevoir le programme d'aide sociale du gouvernement. C'est la responsabilité du gouvernement.

M. Solberg: Eh bien, j'aimerais répondre à cela parce que, même si c'est peut-être le gouvernement qui est responsable de concevoir ce programme, à quoi servent les audiences auxquelles vous participez, monsieur MacDonnell, si ce n'est pas à demander aux gens leur avis sur ces programmes? Si nous tenons ces audiences, c'est notamment pour établir des priorités. Si les programmes ne sont pas efficaces, personne n'a intérêt à ce que nous en favorisions le maintien.

M. MacDonnell: Je suis tout à fait d'accord. Je pense que vos audiences sont excellentes et que c'est ce qu'il faut faire sur une base consultative, mais à mon avis, tout le monde sait très bien à qui revient la responsabilité finale. Si certains programmes ne fonctionnent pas, alors laissons nos bons représentants élus déterminer ceux qui fonctionnent et ceux qui ne fonctionnent pas, et prendre des décisions sages à ce sujet.

Merci.

M. Macdonald: Il est certain que la question de l'imputabilité est cruciale dans nos discussions et dans nos mémoires. Que ce soit par suite du transfert des services de santé et des services sociaux ou d'un autre genre de financement global, il est certain que l'imputabilité publique est essentielle, tout comme un bon suivi et une bonne évaluation des programmes.

Mais je suis d'accord avec M. MacDonnell quand il dit que c'est l'organisme de financement qui est responsable de veiller à ce que les fonds dépensés soient consacrés aux fins prévues. Le financement direct, qui permet aux individus de faire des choix en leur confiant directement de l'argent, est un moyen efficace d'y parvenir et a déjà fait ses preuves.

Je pense que ce n'est pas de l'argent gaspillé. Cela n'aide en rien de présenter la question sous cette angle. En Nouvelle-Écosse, il y a 32 000 personnes qui touchent des prestations familiales du gouvernement provincial. Environ la moitié sont des mères seules.

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Certaines personnes pourraient bien sûr recevoir les services dont elles ont besoin dans leur famille, mais dans la vaste majorité des cas, elles doivent partir et quitter le milieu familial. Les transferts de fonds permettent de soutenir les centres d'emploi, les services de recyclage et les services de soutien essentiels pour aider les mères seules à retomber sur leurs pieds, à se trouver du travail et à subvenir chez elles aux besoins de leur enfant.

Nous pouvons certainement améliorer la façon dont nous offrons nos services. Nous pouvons augmenter l'efficacité des programmes, mais ces gens-là ne vivent pas dans le luxe, c'est certain.

M. Solberg: Sur ce point, je n'ai certainement pas prétendu que c'était de l'argent gaspillé. Ce n'est pas moi qui ait dit cela. Mais encore une fois, je pense vraiment que, si vous recevez de l'argent du gouvernement, vous devriez vous réglementer vous-mêmes le plus possible pour dépenser cet argent le plus efficacement possible et pour déterminer s'il est dépensé de façon vraiment judicieuse.

Si cet argent vise à soulager le pays de certains de ses problèmes sociaux et si c'est ce que vous essayez de faire, est-ce que vous ne devriez pas mesurer si oui ou non vous êtes efficaces, et si ou non certains de ces problèmes disparaissent? J'entends constamment des gens nous dire que, si nous avions plus d'argent, nous pourrions nous débarrasser du chômage et de tous les autres maux de notre société. Mais nous continuons à dépenser de l'argent, et les problèmes demeurent. Je pense que quelqu'un doit nous dire pourquoi on pense vraiment que la solution consiste à dépenser de l'argent pour toutes ces choses.

Mme Lord: J'aimerais vous donner un début de réponse à ce sujet.

Premièrement, vous ne pouvez pas prétendre que nos programmes sociaux n'ont pas été efficaces, comme vous semblez le laisser entendre quand vous demandez des preuves qu'ils fonctionnent bien.

M. Solberg: Donc, vous pensez qu'ils fonctionnent?

Mme Lord: Si nous comparons le Canada aux États-Unis, par exemple, nous ne voyons pas beaucoup de gens qui doivent dormir dans la rue ici. Nous en voyons à l'occasion; il y en a qui doivent le faire - des indigents, par exemple - et c'est un problème que nous n'avons pas encore vraiment essayé de résoudre.

Mais il n'y a pas autant de gens ici qui vivent dans la rue. Nous n'avons pas le même genre de pauvreté qu'aux États-Unis. Nous ne voyons personne faire faillite pour avoir dû dépenser tout son argent pour des soins de santé, par exemple. Je pense qu'il faut être conscient du fait que, en un sens, nos programmes sociaux fonctionnent.

Mais en revanche, avec les changements économiques en cours - la mondialisation et toute le reste - le chômage a augmenté massivement au cours des dernières années, à tel point qu'un taux de chômage de 8 p. 100 semble maintenant assez bas, alors que le taux de chômage normal était d'environ 4 p. 100 il y a 25 ans.

Dans une période de changement comme celle que nous traversons dans la plupart des pays occidentaux, les choses se passent un peu comme au moment de la révolution industrielle. De nombreux observateurs ont établi un parallèle entre les deux époques; le milieu de la révolution industrielle au Canada - vers les années 1880 - marque le début de nos programmes sociaux. C'est à ce moment-là que les gens et les collectivités se sont regroupés, qu'ils ont commencé à dire qu'ils ne pouvaient pas laisser certaines choses aux particuliers et aux familles et qu'il fallait par conséquent mettre en place des organisations et des programmes permettant de régler certains problèmes dans une perspective publique. C'est à ce moment-là que les programmes sociaux ont commencé au Canada, même s'ils étaient vraiment très fragmentaires jusqu'aux années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale.

Le fait est que nous vivons actuellement des changements profonds; je ne dis pas que nous ne devons pas modifier nos programmes sociaux et que la réforme n'est pas nécessaire. Personne ne prétend que le Régime d'assistance publique du Canada a été vraiment efficace ou qu'il a permis de répondre aux besoins d'une grande société contemporaine. Mais ce que nous disons, c'est que vous ne pouvez pas effectuer une réforme des programmes sociaux simplement en effectuant des compressions sauvages, en versant l'argent dans un fonds global et en disant: «Débrouillez-vous et essayez de régler les choses vous-mêmes.»

Je pense que les gouvernements ont jusqu'à un certain point la responsabilité d'examiner tout ce qui a déjà été dit au sujet du processus de réforme de la sécurité sociale, qu'on a tout à coup mis en veilleuse sans rien faire à ce sujet.

Je pense qu'il y a de la place pour le changement, pour la réforme, mais qu'il faut examiner l'ensemble du contexte social dans lequel nous vivons.

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Le vice-président (M. Campbell): Merci.

Nous allons terminer par une question de Mme Skoke.

Mme Skoke (Central Nova): Merci, monsieur le président. Je serai très brève parce que le temps file.

Je voudrais m'attarder quelques instants sur ce que M. Wilde a dit au sujet de la nécessité de gérer le pays comme une entreprise familiale. Les petites entreprises sont les principales créatrices d'emploi, surtout ici dans la région de l'Atlantique. Par conséquent, j'aimerais poser la question suivante à nos invités: si vous étiez ministre des Finances, quelles initiatives ou quelles mesures d'encouragement introduiriez-vous dans le budget qui s'en vient pour aider nos petites et moyennes entreprises? Que feriez-vous pour leur donner le coup de pouce dont elles ont besoin et qu'elles méritent en ce moment?

M. Wilde: Depuis que je vis au Canada, et plus particulièrement en Nouvelle-Écosse, je me suis toujours posé des questions en constatant que le potentiel de croissance et d'activité économique de la Nouvelle-Écosse et de l'ensemble du Canada n'est pas exploité parce que les gens ne semblent tout simplement pas prêts à faire quelque chose. Ici, en Nouvelle-Écosse, nous sommes à mi-chemin entre deux des plus grands marchés économiques du monde: la Communauté économique européenne et la zone nord-américaine de libre-échange. Je ne comprends vraiment pas pourquoi notre province et notre pays ne profitent pas de cette situation. Je ne comprends pas pourquoi nous n'avons pas ici même en Nouvelle-Écosse, dans notre merveilleuse province, toutes sortes de sièges sociaux d'entreprises internationales.

Le mode de vie est fabuleux ici. Nous avons un climat magnifique. Nous avons une population merveilleuse. Nous avons les personnes les plus instruites qui soient, et d'excellentes universités. Et malgré tout cela, pour une raison que j'ignore, il ne semble pas y avoir de volonté publique, de volonté générale... Je ne sais pas pourquoi. Les possibilités sont là, et je pense que le gouvernement a la responsabilité de favoriser une réflexion plus positive au sujet de notre grand pays.

Chaque fois que nous lisons les journaux, que nous voyons des reportages à la télévision ou que nous participons à des réunions, nous sommes tous obsédés par le fait que nous n'avons plus d'argent, que nous payons trop d'impôts et qu'il n'y a pas assez d'argent pour nos besoins. Pourquoi le gouvernement - pas seulement le ministère des Finances, mais l'ensemble du gouvernement - ne pourrait-il pas être beaucoup plus positif au sujet de notre grand pays? Nous avons toutes sortes de possibilités ici. Nous devons encourager les gens à assumer leurs responsabilités et à prendre leur vie en main. Nous devons favoriser l'exploitation des ressources et l'épanouissement des gens, et tirer un meilleur parti de l'excellente situation écologique et géographique dans laquelle nous nous trouvons. Mais de grâce, envisageons l'avenir de notre pays de façon plus optimiste!

Le vice-président (M. Campbell): Merci. Je n'ai encore rencontré aucun Canadien qui ne trouvait pas qu'il payait trop de taxes.

Mme Brushett: Je voudrais faire un dernier commentaire.

Je suis d'accord avec Peter pour dire que la Nouvelle-Écosse est vraiment une province magnifique et que le Canada est un grand pays. Le défi que nous devons relever, c'est de veiller à maintenir les programmes sociaux à un niveau abordable tout en créant des emplois en même temps.

Pour les gens comme Stella Lord qui semblent croire que les entreprises ne paient pas d'impôts, la Nouvelle-Écosse devrait être un paradis fiscal si l'on en croit Peter. Ces gens-là devraient venir s'installer ici par milliers. Or, s'ils ne se précipitent pas ici en grand nombre, c'est parce qu'ils y sont effectivement taxés. Donc, laissons cela de côté.

Le vice-président (M. Campbell): Je voudrais demander aux membres de notre groupe de discussion de nous présenter une conclusion de quelques minutes chacun - au maximum - pour nous donner quelques conseils avant de partir; j'aimerais surtout que vous nous donniez des suggestions précises ou que vous dégagiez des thèmes généraux pour que nous puissions retirer des messages très directs de notre rencontre avec vous ce matin.

Nous allons commencer par Mme Lord.

Mme Lord: Comme je l'ai dit tout à l'heure, quand nous discutons de déficit, nous devons réfléchir aux effets qu'auraient sur le déficit social les mesures que nous envisageons pour lutter contre le déficit financier. Nous devons regarder la société dans son ensemble, de façon plus cohérente, plutôt que de nous attarder à un seul de ses éléments.

Je pense que nous devons vraiment examiner la réforme fiscale de façon globale, et qu'il faut le faire de façon ouverte et transparente. Il y a de grandes différences entre les grandes entreprises et les petites. À mon avis, il faudrait vraiment appuyer les petites entreprises. Ce sont elles qui aident à bâtir les communautés. Il y a peut-être des moyens à prendre pour les aider.

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À mon avis, plutôt que de nous concentrer sur les réductions des programmes sociaux, nous devons examiner des moyens de les soutenir. La réforme fiscale pourrait être un de ces moyens.

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Macdonald.

M. Macdonald: Nous devons viser le plein emploi, ce qui peut se faire dans tous les segments de la société grâce à des mesures comme l'octroi de financement flexible pour offrir des possibilités d'emploi à tous les individus; les mesures incitatives destinées aux entrepreneurs, et plus particulièrement les personnes ayant des déficiences - parce que c'est mon mandat - afin de les encourager, de les former et de promouvoir chez eux l'esprit d'entreprise; et les services de soutien qui mèneront à l'employabilité. Il faudra peut-être investir de l'argent pour y arriver, pour assurer l'autonomie de ces gens-là. Mais il faut que les restrictions budgétaires soient rationnelles.

Bonne chance dans vos efforts.

Le vice-président (M. Campbell): Merci.

Monsieur Wilde.

M. Wilde: Comme je l'ai déjà dit, le gouvernement a la responsabilité de susciter l'enthousiasme et d'inciter les gens à profiter des occasions qui existent déjà.

Pour ce qui est de la bureaucratie fédérale, j'aimerais voir le gouvernement s'inspirer de la Nouvelle-Zélande et exiger des comptes de ses bureaucrates; lorsqu'un ministre dit à son sous-ministre qu'il doit faire quelque chose au cours de l'année et que ce dernier ne le fait pas, alors il doit perdre son emploi. Il y a trop de fonctionnaires qui sont là simplement pour faire carrière dans la fonction publique, plutôt que pour réaliser quelque chose.

Le vice-président (M. Campbell): Il est regrettable que le représentant de la fonction publique qui a participé à l'autre séance de discussion ne soit pas ici pour répondre à cela.

Monsieur Hatt.

M. Hatt: Premièrement, je tiens à dire que je suis tout à fait d'accord avec ceux qui prônent l'imputabilité des employés du gouvernement.

Par ailleurs, étant donné la taille de notre pays, je crois que nous devons encourager l'immigration. Quand je parle d'immigration, je veux parler du genre de personnes qui pourraient aider à promouvoir la petite entreprise.

La famille est extrêmement importante. Une partie du problème, dans notre pays, c'est l'érosion de la cellule familiale. Nous le savons tous. Il n'est pas nécessaire de le dire. Tout ce que le gouvernement peut faire pour encourager un retour vers la cellule familiale est crucial. Je pense que cela permettrait de supprimer beaucoup de nos problèmes sociaux, beaucoup de problèmes de toxicomanie et d'autres problèmes du même genre si nous pouvions encourager la cellule familiale telle que nous la connaissions quand nous avons grandi, ou du moins telle que moi, que je la connaissais.

L'éducation est extrêmement importante pour nos jeunes. Mais je pense que ces jeunes ont besoin aussi de meilleurs services d'orientation avant de se diriger dans un domaine particulier, pour éviter de se retrouver avec un diplôme qui ne leur permet pas de se trouver un emploi.

Le vice-président (M. Campbell): Merci, monsieur Hatt. Permettez-moi de souligner que les deux questions que vous venez de soulever sont en fait reliées. Un des problèmes que nous connaissons dans la région de Toronto, c'est que même si nous avons encouragé l'immigration, dans la mesure où nous ne permettons pas la réunification des familles... Nous constatons dans la ville de Toronto, d'où je viens, dans la grande région torontoise, qu'un grande nombre de communautés ont choisi de s'établir à Toronto en raison de notre politique d'immigration, mais que les membres de ces communautés ne disposent pas du genre de structures dont il a été question ici pour assurer le soutien des familles. Ces gens-là ne constituent pas de cellules familiales.

Cela s'est produit tout au long de l'histoire du Canada, à chaque vague d'immigration. En général, c'était le soutien de famille qui arrivait en premier, après quoi le reste de la famille suivait. Mais pour une raison ou pour une autre, cela ne se fait plus.

M. Hatt: Permettez-moi de vous dire qu'il y a seulement deux choses que je voudrais vraiment que vous examiniez. Il y a d'abord le Sénat; personne n'en a parlé jusqu'ici. À mon avis, le Sénat est totalement désuet.

Le deuxième chose que je voudrais vous dire, c'est qu'il y a quelques années, un ancien premier ministre a mentionné pendant une campagne électorale que les intérêts sur les hypothèques pourraient être déductibles de l'impôt sur le revenu. Je pense qu'une proposition de ce genre permettrait de stimuler considérablement le marché domiciliaire et le secteur de la construction.

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Le vice-président (M. Campbell): Merci à tous. La rencontre de ce matin a été très intéressante, comme le sont toujours les séances de discussion de ce genre. Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps, même si vous êtes tous très occupés, de venir nous faire part de vos réflexions et de vos observations. Nous vous en sommes très reconnaissants. Je vous remercie donc au nom de tous les membres du Comité des finances.

Voilà qui met fin à notre séance du matin et à notre deuxième séance de discussion ici à Halifax.

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