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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 29 novembre 1995

.1506

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Je ne veux pas vous faire attendre trop longtemps. Le comité des finances est content de poursuivre ses audiences publiques à Saskatoon aujourd'hui.

Nous recevons cet après-midi Ian Buckwold de Concorde Group of Companies, Karen Hunter de la North Saskatoon Business Association, Debbie Brown du Prince Albert Grand Council, Pauline Molder du Saskatchewan Council for International Cooperation, et Barry Senft du Saskatchewan Wheat Pool.

Si j'ai fait une erreur, cela m'arrive trop souvent. Je crois que je n'ai pas présenté tout le monde: Lyle Hislop de Planned Giving, de l'Université de la Saskatchewan.

Je vous ai oubliée, Madame Turpel.

Mme Mary Ellen Turpel (conseillère juridique, Federation of Saskatchewan Indian Nations): Vous avez présenté quelqu'un du Prince Albert Grand Council, mais il ne viendra pas. Nous sommes plutôt accompagnés du vice-chef George E. Lafond du Saskatoon District Tribal Council.

Le président: Merci. Habituellement, chacun expose en trois minutes ce qu'il voudrait que l'on fasse, puis il y a une période de questions. À la fin, il fait un bref résumé - d'environ 30 secondes - de ce qu'il aimerait faire. Je veux m'assurer que vous ayez tous le sentiment d'avoir le temps de nous présenter vos opinions et d'avoir un échange de vues. Qui veut commencer? Voulez-vous commencer, monsieur Buckwold?

M. Ian Buckwold (vice-président, Concorde Group of Companies): Je vous remercie de nous permettre de participer à la discussion. Je représente le Concorde Group of Companies. Nos entreprises sont actives dans la restauration, l'importation de fruits et légumes, la gestion et la promotion immobilières.

Dans votre invitation, vous nous demandiez de traiter trois sujets. Je vais tenter de le faire succinctement dans l'ordre dans lequel ils étaient énumérés. Le premier est l'objectif de réduction du déficit qu'il faudrait viser.

Nous ne sommes pas certains d'être en mesure de suggérer un montant précis, mais nous croyons que la réduction devrait être importante. Selon nous, il faut avoir pour objectif à court terme d'arrêter la croissance du déficit afin de pouvoir arriver à un surplus qui permettra de ronger la dette elle-même. Je présume que je ne vous apprends rien et que vous avez sans doute entendu la même chose dans tout le Canada.

Je répète que pour s'attaquer au déficit, il faut se concentrer sur la réduction des coûts. Nous croyons qu'il est impossible d'accroître encore les recettes fiscales de l'État. Il faut passer en revue toutes les dépenses. Chaque service qui débourse des fonds devrait être examiné pour déterminer, premièrement, s'il a toujours sa raison d'être dans sa forme actuelle et, deuxièmement, dans l'affirmative, s'il accomplit une fonction nécessaire ou s'il peut jouer son rôle plus efficacement.

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Cela peut paraître simpliste, mais reste qu'il ne se passe pas une semaine dans notre entreprise sans qu'on se heurte à une des couches bureaucratiques qui n'existerait sans doute plus si on la soumettait à une analyse coûts-rendement. Cela ne veut pas dire qu'un ministère donné ne remplit pas une fonction utile. Cela dépend si la fonction peut justifier la dépense. Je pourrais vous donner quelques exemples, mais je préfère m'en abstenir pour le moment.

La question suivante demande comment les mesures budgétaires pourraient servir à établir un climat propice à la création d'emplois et à la croissance. Nous croyons que le meilleur moyen de créer des emplois et de favoriser la croissance, c'est de créer un milieu dans lequel les investissements offrent un rendement. Pour nous, cela signifie diminuer les interventions, non pas les augmenter.

Nous sommes pour le filet actuel de sécurité sociale, mais nous estimons que le coût des affaires est en train de devenir prohibitif; pensons aux cotisations de l'assurance-chômage et au reste. Si l'on pouvait réduire leurs dépenses, nous croyons que les entreprises investiraient davantage, ce qui entraînerait une augmentation de l'emploi et de la croissance.

Nous estimons que le seul moyen de relancer notre économie ou d'améliorer la situation, c'est d'essayer d'accroître les investissements, surtout étrangers probablement. À moins de réussir à créer un milieu fiscal capable de favoriser les investissements, voire de les attirer, on n'ira nulle part.

Les secteurs d'activité susceptibles de compressions et la commercialisation: nous croyons qu'aucun secteur ne devrait échapper à un examen. Nous avons eu affaire à Transports Canada dernièrement pour des certificats de navigabilité. Tous ces services sont nécessaires; il faut s'en occuper, mais nous pensons que si l'on analysait le rapport coût-avantages de toutes ces couches bureaucratiques, on se demanderait si c'est une dépense indispensable. Parcs Canada est un autre ministère que je connais bien et je me demande encore une fois si sa commercialisation n'aboutirait pas tant à une meilleure protection de l'environnement si c'était bien réglementé qu'à une réduction de ses dépenses.

Ma bête noire à moi, c'est l'augmentation du coût des permis résultant des compressions effectuées dans les divers ministères depuis un an ou deux. On dirait que les ministères auxquels nous avons affaire ont décidé d'augmenter le prix de leurs services aux entreprises au lieu de restreindre leurs dépenses pour éviter de dépasser leurs budgets réduits. À notre avis, ce n'est pas ainsi qu'on réglera le problème du déficit.

Il existe certainement des secteurs où les ministères pourraient comprimer leurs dépenses au lieu de se contenter de répercuter les réductions sur les entreprises. J'espère ne pas avoir l'air trop négatif, mais du point de vue des entreprises, le gouvernement doit se pencher sur ses propres affaires pour, premièrement, diminuer ses dépenses et, deuxièmement, favoriser les investissements.

M. Lyle Hislop (agent de développement, Planned Giving, Saskatchewan University): Merci. Tout d'abord, pour votre gouverne, la Canadian Association of Gift Planners, la CAGP, a pour objet d'encourager la philanthropie en favorisant la promotion et la croissance de la planification des dons. La CAGP fait de la sensibilisation et de l'éducation au sujet des dons de charité dont elle est partisane. C'est une jeune organisation formée il y a environ trois ans. Elle a grandi rapidement et compte maintenant plus de 400 membres dans tout le Canada.

Ses membres reflètent la résolution commune des nombreux organismes caritatifs différents qui fournissent des services de bienfaisance à la population. Dans cet ordre d'idée, ils ont indiqué clairement le désir et le besoin de coopérer avec les gouvernements fédéral et provinciaux pour définir une politique qui non seulement encouragera les dons de charité mais aussi les valorisera.

La CAGP a formulé des enjeux et des propositions mais elle est capable de poursuivre la discussion avec le Comité permanent des finances et les représentants de Revenu Canada - et elle est intéressée à le faire - pour explorer des solutions possibles:

Premièrement, serait-il possible que le don d'un bien qui s'est apprécié donne droit à une déduction équivalant à sa juste valeur marchande sans obliger le donateur à payer de l'impôt sur le gain en capital?

Deuxièmement, les fondations publiques peuvent-elles réassurer les dons de rentes?

Le président: Je ne comprends pas.

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M. Hislop: Je ne suis pas sûr de pouvoir moi-même vous l'expliquer très clairement. Il s'agit d'utiliser les polices d'assurance pour boucler la boucle en quelque sorte ou pour aider à les payer avec des dons de rentes. Cela fait un cycle complet.

Le président: J'ai compris.

M. Walker (Winnipeg-Nord-Centre): ...[Inaudible - Éditeur] ...les primes d'assurance-vie. Cela se rattache à la question spéciale des organismes de charité qui facilitent ces transactions.

M. Hislop: Troisièmement, établir avec Revenu Canada une valeur périodique du taux d'escompte pour évaluer les dons de participations résiduelles et, en outre, publier le taux dans une publication professionnelle, dans un bulletin d'interprétation ou dans les deux.

Quatrièmement, réfléchir à l'opportunité de valoriser le crédit d'impôt fédéral afin d'encourager une augmentation des dons de charité.

Cinquièmement, se pencher sur la possibilité que le statut de fondation de la Couronne crée un avantage injuste pour les institutions bénéficiaires.

Sixièmement, demander à Revenu Canada de clarifier sa position sur les dons d'obligations aux organismes de charité.

Je veux remercier le comité permanent et les panélistes de m'avoir permis de venir présenter cet exposé aujourd'hui.

Le président: Merci, monsieur Hislop.

Mme Isabel Anderson (North Saskatoon Business Association): Je m'appelle Isabel Anderson et voici Karen Hunter. Nous allons vous parler au nom de la NSBA, la North Saskatoon Business Association.

Le président: Merci.

M. Walker: M. Hislop a-t-il présenté un mémoire écrit au comité?

M. Hislop: Non, mais j'ai plusieurs copies de mon exposé.

M. Walker: Pourriez-vous...

M. Hislop: Bien volontiers.

Mme Anderson: Je suis ici pour représenter la North Saskatoon Business Association. Notre association a présenté un mémoire au comité l'an dernier et elle vient assurer un suivi cette année. Nous sommes contents de vous faire part de nos observations que nous adressons au ministre Martin par votre entremise. Quand vous recevrez un exemplaire de notre mémoire, vous verrez qu'il est adressé à M. Martin.

Nous sommes heureux de vous présenter nos commentaires par l'intermédiaire du comité qui entreprend ses consultations préalables au budget de 1996. Le présent document fait suite à notre lettre antérieure qui vous a été présentée le 26 janvier. Même si nous nous réjouissons de constater que certaines de nos suggestions de l'an dernier ont été retenues, à notre avis, vous n'êtes pas allé assez loin, assez vite. Vous nous avez demandé de répondre à trois questions. Ce faisant, nous vous rappelons certains passages de la publication «Instaurer un climat financier sain» que nous appelons le plan Martin du 18 octobre 1994.

Votre première question, c'est quelle réduction du déficit devrait-on viser et quel serait le meilleur moyen d'atteindre cet objectif? Cette affirmation dans le plan Martin résume bien notre position: «Il faut donc réduire le déficit et contenir la dette. C'est la seule solution acceptable.»

Vous remarquerez à la lecture de nos observations que le montant de la dette nous préoccupe. Personnellement, je ne crois pas - comme nombre de mes collègues, je pense - que l'ampleur du déficit ou la taille du déficit par rapport au PIB soit vraiment problématique. L'important, c'est plutôt de contenir les dépenses et la dette, et d'être en mesure de le prouver indubitablement.

Il est intéressant de noter que, d'après les résultats réels de l'exercice de 1994 qui s'est terminé le 31 mars 1995, la croissance de l'économie a été supérieure à ce que le ministre avait prévu, comme l'indique le ministre lui-même dans cet extrait du rapport financier annuel du gouvernement du Canada présenté le 1er novembre:

Durant cette période de croissance économique supérieure aux prévisions, le gouvernement fédéral a dépensé 37,5 milliards de dollars de plus que ce qu'il a gagné. Nous trouvons ça inacceptable. Selon votre propre rapport, en période de vaches grasses, il faut réduire la dette et non pas l'augmenter. C'est maintenant qu'il faut équilibrer le budget. Vous ne réduisez pas assez les dépenses. Nous recommandons de viser un budget équilibré d'ici à quatre ans au plus tard.

Le ministre des finances devrait produire un document budgétaire quinquennal montrant comment vous avez l'intention d'équilibrer le budget d'ici à quatre ans et comment la première réduction nette de la dette du Canada sera effectuée d'ici à l'an 2000. Servons-nous de notre bon sens.

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En 1994-1995, vous avez dépensé 1,30 $ pour chaque dollar de recette, soit 30 p. 100 de trop. Vous devez donc réduire vos dépenses de 30 p. 100 si vous voulez arriver à un budget équilibré. Mais vous ne raisonnez pas ainsi. Votre rapport annuel montre que vous êtes fier d'avoir dépensé 30 p. 100 de plus que ce que vous avez gagné, puisque l'année précédente, les dépenses en trop excédaient les recettes de 36 p. 100. À ce rythme, il vous faudra encore cinq ans au moins pour équilibrer le budget et nous savons déjà que vous ne prévoyez pas faire des compressions aussi importantes au cours de chacune des cinq années à venir.

La dette dépasse maintenant les 446 milliards de dollars. Nous vous suggérons de prévoir commencer à rembourser la dette la première année du nouveau millénaire. Cela signifie un budget avec un surplus pour l'année financière 1999-2000 et un remboursement net le 31 mars 2000.

La deuxième question demande comment exploiter les mesures budgétaires pour établir un climat propice à la création d'emplois et à la croissance. Un budget équilibré permettra aux entreprises au Canada de se développer et de prospérer. Ce sont les entreprises qui créent des emplois. Le gouvernement n'a qu'à créer un climat favorable à la croissance des entreprises pour que celle de l'emploi suive. Pour y arriver, il faut commencer par équilibrer le budget sans pour autant augmenter déraisonnablement les taxes au point de nuire à l'établissement de ce climat favorable pour les entreprises.

Nous avons un commentaire sur les derniers développements au Québec qui a un rapport avec ce qui précède. Le prochain discours du budget fédéral doit traiter le problème de la stabilité du dollar canadien et ce que vous faites pour contrer l'incertitude associée à votre décision de vous engager dans la situation politique québécoise.

Nous comprenons bien le raisonnement habituel voulant que la Banque du Canada soit responsable de la stabilité du dollar canadien, mais c'est aussi une responsabilité du gouvernement fédéral par le biais du ministère des Finances et de son processus budgétaire.

L'intervention du gouvernement fédéral dans la politique québécoise est ce qui nuit le plus à l'Ouest canadien quand il tente de créer un climat propice à la création d'emplois et à la croissance économique. Cela favorise l'instabilité du dollar canadien sur les marchés financiers internationaux.

Si le gouvernement fédéral continue à concentrer toute son attention sur la lutte contre les prochaines élections provinciales au Québec, le dollar canadien restera faible et pour attirer les capitaux étrangers, il faudra accorder une prime de risque plus élevée. Les Canadiens de l'Ouest ont besoin d'une déclaration claire sur la participation du gouvernement fédéral ou sur ses intentions à l'égard du Québec s'ils veulent créer des emplois et favoriser la croissance économique.

Quant à ce qu'il serait encore possible de comprimer - commercialisation, privatisation ou délégation à d'autres ordres de gouvernement - , nous ne possédons pas les données nécessaires pour suggérer des projets particuliers de commercialisation ou de privatisation. Il faut peser le pour et le contre dans chaque cas individuellement. Nous tenons entre autres à ce que le gouvernement ait une idée précise du coût de la transition et des bénéfices nets à escompter. Il doit discuter sérieusement des mesures qu'il prend avec quiconque des administrations locales est le moindrement concerné. C'est seulement à ce moment-là qu'il comprendra vraiment les implications de sa décision et nous aussi.

Tout changement doit se faire sans jamais perdre de vue l'intérêt de ceux qui paient la facture, c'est-à-dire les contribuables et les gouvernements locaux. Ainsi, privatiser pour privatiser n'est pas une solution.

Le message est clair: équilibrez le budget, pas de laissez-faire, sinon les contribuables vont continuer de souffrir. Les Canadiens vous demandent de réduire les dépenses, d'équilibrer le budget et de ne pas augmenter les taxes et impôts. Les marchés monétaires internationaux vous disent de contenir vos dépenses, d'équilibrer votre budget et de rembourser votre dette.

Si vous ne suivez pas ces conseils, cela aura des conséquences dont les contribuables souffriront malheureusement bien plus que le gouvernement fédéral. Paul Martin a la responsabilité d'exécuter ces consignes claires et correctes. Ne nous décevez pas.

En résumé, nous vous donnons déjà assez d'argent pour gouverner le pays. Il est plus que temps d'arrêter de le gaspiller en programmes au-dessus de nos moyens. Vous devez comprimer les dépenses et tout de suite. Nous vous demandons de réaliser votre projet de réduire les dépenses d'un montant supérieur à vos objectifs afin d'être certain de les atteindre en dépit des imprévus.

Nous savons que vous devez lutter contre certains groupes de pression qui ne vous appuient pas et même contre certains députés de votre propre parti. Nous, nous appuyons vos efforts et nous espérons que vous aurez la force et le courage de réduire suffisamment les dépenses pour arriver à nous présenter un budget équilibré d'ici la fin du premier millénaire. Cela nous permettra de rembourser notre dette au cours du second.

Merci, monsieur le président.

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M. Barry Senft (deuxième vice-président, Saskatchewan Wheat Pool): Monsieur le président, je vous remercie de nous permettre de participer à ces consultations prébudgétaires.

Il est reconnu que l'agriculture, surtout le secteur des grains et des oléagineux, va bien mieux maintenant que ces dernières années. À preuve, en Saskatchewan, le revenu agricole net devrait atteindre entre 800 millions et 900 millions de dollars alors qu'il était de 450 millions de dollars au cours des cinq années précédentes.

Le président: Nous tenons à ce que vous sachiez, Monsieur Senft, que nous sommes tout à fait disposés à nous en attribuer le plein mérite.

M. Senft: C'est très apprécié.

Cette hausse du niveau des revenus est un changement bienvenu et nous espérons qu'elle se poursuivra longtemps. Mais il faut tout de même reconnaître que la tendance à long terme des prix du grain au vingtième siècle reste à la baisse. En termes réels, les prix récents ne sont pas plus élevés que ceux d'il y a 10 ans. Ils sont nettement inférieurs à ceux des années 70 au moment où les stocks mondiaux de grain étaient à leur plus bas niveau ou du moins à des niveaux aussi bas que maintenant.

Les agriculteurs ont réagi aux forces de ce nouveau marché en adoptant une technologie nouvelle et en cherchant des moyens différents de réduire leurs frais. Les entreprises agricoles se sont agrandies sensiblement depuis les années 70. Les producteurs se sont diversifiés dans de nouvelles cultures et même dans l'élevage du bétail.

Ils sont plus instruits et le gouvernement a joué un rôle déterminant en les aidant financièrement à s'adapter et à traverser la guerre des prix du blé. C'était une simple question de survie.

On ne sait pas encore avec certitude si cette guerre des prix, dénaturée par les subventions à l'exportation, est terminée pour de bon ou si c'est seulement une brève accalmie. Cependant, le gouvernement fédéral continue d'avoir toujours le même rôle à jouer dans l'agriculture. Il doit persister à se mêler de la recherche, des transferts de technologie et de la stabilisation des revenus agricoles. Notre gouvernement doit aussi continuer à influencer l'économie.

Il doit continuer à réglementer les domaines qui ne sont pas naturellement concurrentiels, par exemple le transport du grain. En ce moment, une nouvelle loi sur les transports - le projet de loi C-101 - est à l'étude au Parlement. Elle pourrait bien imposer des frais considérables aux expéditeurs de grain et nous recommandons avec insistance au gouvernement fédéral de faire ce qu'il faut pour atténuer les inquiétudes que ce projet de loi a déjà suscitées chez l'immense majorité des expéditeurs de l'Ouest canadien.

Au sujet des objectifs commerciaux, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, de concert avec de nombreux représentants de cette industrie, a fixé un objectif de 20 milliards de dollars pour les exportations agroalimentaires canadiennes. Cela équivaut à une augmentation de33 p. 100 par rapport à notre record de 15 milliards de dollars d'exportations en 1994. Cet objectif représente un minimum.

Uniquement pour conserver notre part de marché traditionnelle du commerce mondial de l'agroalimentaire qui est de 3,5 p. 100, il faudrait que la valeur de nos exportations grimpe de 3 milliards de plus jusqu'à 23 milliards de dollars. Le Saskatchewan Wheat Pool approuve cet objectif et le gouvernement a annoncé un train de mesures fort constructives pour faciliter les choses, notamment la création de facilités de crédit de 1 milliard de dollars pour financer les nouvelles exportations agroalimentaires, d'un service commercial pour aider les exportateurs de produits agroalimentaires à pénétrer de nouveaux marchés, ainsi que d'un conseil canadien de commercialisation de l'agroalimentaire. Notre industrie trouve toutes ces mesures très intéressantes.

Il faut souligner que le financement des services agricoles fédéraux a déjà sensiblement diminué dans l'Ouest canadien. Le budget du ministère de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire, entre autres, est censé être réduit de 19 p. 100 au cours des trois prochaines années. Certains fonctionnaires fédéraux ont soutenu que cette compression équivaut exactement à la moyenne des réductions budgétaires effectuées dans tous les ministères à l'échelle du gouvernement.

Malheureusement, une telle comparaison ne tient pas du tout compte de l'incidence, sur l'agriculture dans les Prairies, de l'abolition de la subvention du Nid-de-Corbeau résultant de l'abrogation de la LTGO. L'indemnité que le gouvernement fédéral versera l'an prochain correspond à environ 30 p. 100 de la valeur totale de ce programme. En fait, les producteurs des Prairies ont absorbé une réduction de 70 p. 100 de la plus importante dépense fédérale pour l'agriculture.

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Il faut noter que le budget de 1995-1996 exposait un plan de dépenses triennal. Pour que ce plan global ait de la crédibilité aux yeux des intéressés, il ne faut pas annoncer des réductions supplémentaires dès la première année de sa mise en oeuvre.

Enfin, il faut aussi signaler que les dépenses agricoles de nos principaux concurrents exportateurs de grain ne diminuent pas au même rythme. Aux États-Unis, la plus importante réduction proposée pendant les tractations sur le budget diminuerait d'environ 25 p. 100 les dépenses agricoles et encore, en sept ans seulement.

En conséquence, nous espérons que le gouvernement fédéral s'en tiendra au moins au plan budgétaire triennal annoncé antérieurement pour le ministère de l'Agriculture.

En ce qui concerne le filet de sécurité sociale et son efficacité, d'après le budget fédéral de 1995-1996, les dépenses qui y sont rattachées diminueront de 30 p. 100 pour se fixer à 600 millions de dollars au cours des trois prochaines années. À un tel niveau, le programme aura un effet stabilisateur modeste sur les revenus agricoles. Si l'on retranchait de nouvelles sommes des dépenses de sécurité sociale, ces programmes perdraient vraisemblablement toute l'influence bénéfique qu'ils ont pu avoir.

Au sujet de l'adaptation, l'agriculture de l'Ouest canadien entreprend une vaste restructuration rendue nécessaire par l'abrogation de la LTGO. Cela ressort des décisions prises récemment par le secteur de la manutention et du transport du grain, celui de l'agro-alimentaire et par les producteurs eux-mêmes.

Les ajustements envisagés devraient favoriser une plus grande efficacité et donc une réduction des coûts, entraîner une transformation plus poussée des produits agricoles de base et stimuler les activités à valeur ajoutée dans le secteur de l'alimentation et du non-alimentaire. Parmi les programmes d'adaptation annoncés dans le budget de février qui a aboli la subvention du Nid-de-Corbeau et la LTGO, il y avait le fonds d'indemnisation de la LTGO de 300 millions de dollars pour six ans et le fonds annuel de 60 millions de dollars pour l'adaptation et le développement rural. Le gouvernement fédéral doit s'engager à maintenir le financement de ces programmes.

Le président: Excusez-moi, monsieur Senft, mais vous en avez pour combien de temps encore?

M. Senft: Deux ou trois minutes.

Le président: Serait-il possible d'y revenir tout à l'heure? Je voulais simplement permettre à tout le monde d'avoir une idée de l'orientation générale de la discussion. Je vais m'assurer que tout ce que vous avez à dire figure dans le compte rendu.

M. Senft: D'accord.

Le président: Ça ne vous ennuie pas?

M. Senft: J'en aurais pour deux minutes à peine.

Le président: Alors, poursuivez.

M. Senft: La recherche en agriculture a toujours rapporté à l'économie nationale beaucoup plus que ce qu'on y investissait. Selon certaines études économiques, son rendement serait évalué à plus de 40$ pour chaque dollar d'investissement. Cependant, avant que l'ensemble de l'industrie puisse bénéficier des fruits de la recherche, il faut généralement restreindre le rôle de l'entreprise privée. Le secteur public doit assumer la responsabilité de financer ces travaux essentiels, car l'avenir et même la compétitivité future du secteur des céréales et des oléagineux en dépendent.

Au sujet de la fiscalité, les agriculteurs croient que deux mesures devraient retenir tout particulièrement l'attention: le rétablissement du crédit d'impôt à l'investissement pour l'achat de matériel agricole neuf et le maintien de l'exonération des gains en capital jusqu'à concurrence de 500 000$.

En ce qui concerne la réglementation et les coûts de main-d'oeuvre, quantité de règlements en matière d'environnement et de main-d'oeuvre se justifient d'un point de vue socio-économique mais ils alourdissent les charges de l'industrie agricole. Il faut entreprendre de trouver les règlements qui ne servent plus à rien. Ces recherches doivent se poursuivre et être étendues pour comprendre une analyse des moindres coûts des règlements et de tous les bénéfices qu'on en tire.

En conclusion, le gouvernement fédéral doit continuer à appliquer des mesures fiscales qui reconnaissent toutes les compressions budgétaires dont l'industrie a déjà écopé. Si de nouvelles restrictions sont envisagées, il faut examiner soigneusement leur répercussion sur la production intérieure, sur l'emploi et sur les exportations.

Pour assurer la compétitivité du secteur des grains et des oléagineux dans l'avenir, il faut que tous les segments de l'industrie coopèrent et nous sommes impatients de connaître les mesures que prendra le gouvernement, lui qui est l'un des intervenants dans cette affaire. Je vous remercie.

Mme Pauline Molder (présidente, Saskatchewan Council for International Cooperation): Je représente ici le Saskatchewan Council for International Cooperation qui regroupe 32 ONG de la province.

Nous avons déjà ressenti l'effet des mesures prises par le gouvernement fédéral pour réduire son déficit et nous reconnaissons la nécessité de contenir le déficit. Cependant, nous tenons à faire remarquer que décider du jour au lendemain de réduire radicalement les subventions déstabilise la structure de la nation. S'il devient indispensable de diminuer ou de supprimer les subventions d'un organisme, il faudrait au moins le prévenir un peu d'avance. Il y a des conventions collectives qui doivent être modifiées de façon à traiter tout le monde équitablement.

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Cet après-midi, notre préoccupation relativement à l'effet de la réduction du déficit comporte deux volets. Premièrement, nous craignons sa répercussion sur la population canadienne en général et sur les jeunes en particulier. Nous croyons qu'il faut faire montre d'un esprit plus innovateur et plus créatif afin de trouver des débouchés pour les jeunes. Nous savons que nombre d'entre eux sont découragés et se sentent mis au ban de la société.

Pour être créatif, il faudrait, entre autres, reconnaître que le bénévolat est une façon importante d'acquérir de l'expérience professionnelle. Vous n'ignorez pas combien d'argent les organismes bénévoles recueillent chaque année pour financer leurs projets de développement à l'étranger et aussi leurs oeuvres au Canada. En 1993, les organismes de charité enregistrés y ont consacré 86 milliards de dollars et ont occupé 4,5 millions de bénévoles.

Le secteur bénévole a énormément d'importance pour de nombreux segments de l'économie canadienne, mais lui aussi est en état de siège puisque bien des gens remplacent leurs heures de bénévolat par du travail rémunéré. Il faut prendre conscience de la valeur du bénévolat et l'incorporer dans notre façon de penser. Les organismes internationaux qui travaillent dans le tiers monde ont d'excellents programmes de formation et de placement pour les jeunes. Si l'on investissait un peu, on pourrait tirer des leçons de ces programmes et les appliquer à la conception des services offerts aux jeunes au Canada.

Nous sommes également très inquiets de l'impact de la réduction du déficit sur nos partenaires des pays sous-développés et en développement. Presque tout le lobbying économique du Canada est tributaire des échanges commerciaux, surtout avec les pays en développement de l'Asie de l'Est. Nous avons observé une croissance phénoménale dans nombre de ces pays, mais il ne faut pas oublier que cette croissance n'est pas uniforme, ni d'un pays à l'autre, ni d'une classe sociale à l'autre à l'intérieur d'un pays.

La Banque mondiale constate que l'un des obstacles à la croissance économique soutenue de l'Asie de l'Est et du tiers monde en général est la nécessité de se doter d'infrastructures, de développer des institutions axées sur les forces du marché et de gérer l'environnement tout en luttant contre la pauvreté, en formant les ressources humaines et en instaurant la sécurité sociale. On estime que 80 p. 100 de la population de l'Asie de l'Est vit dans des pays à faibles revenus et que 180 millions d'êtres humains ont moins de un dollar par jour pour subvenir à leurs besoins.

Les partenariats entre les gouvernements, la société civile et le monde du développement international peuvent fournir des outils indispensables pour trouver des solutions aux problèmes de ressources humaines de ces pays en développement. Le Canada possède les ressources humaines et le savoir nécessaires pour aider ces pays à surmonter les obstacles que je viens d'énumérer. Notre défi consiste à examiner, peut-être de concert avec d'autres organismes internationaux comme la Banque mondiale, la possibilité pour les ONG en développement international de contribuer encore plus au développement économique.

La taxe Tobin est une suggestion innovatrice pour réduire le déficit. Son imposition découragerait l'exode rapide des capitaux d'un pays à l'autre et procurerait des fonds supplémentaires tirés d'une nouvelle assiette fiscale. Il est vrai que cette idée serait plus efficace si elle était entérinée par d'autres gouvernements qui éprouvent les mêmes difficultés à trouver des capitaux. Toutefois, nous croyons que le gouvernement du Canada a démontré dans le passé qu'il pouvait être un chef de file pour les gouvernements du monde industrialisé et qu'il peut l'être encore.

Je vous remercie de nous avoir permis de vous entretenir de ces questions. Nous allons vous faire parvenir une documentation plus complète.

Le président: Merci, Pauline Molder.

Au nom de la Federation of Saskatchewan Indian Nations, le chef Lafond et Mary Ellen Turpel.

Le vice-chef George E. Lafond (Federation of Saskatchewan Indian Nations): Merci, monsieur le président. Le chef Blaine Favel vous fait dire qu'il est vraiment désolé de ne pas pouvoir assister à cette réunion. C'est donc nous qui sommes là au nom de la Federation of Saskatchewan Indian Nations.

La fédération représente 72 premières nations de la Saskatchewan et les 80 000 Autochtones qui les composent. La Saskatchewan actuelle recouvre cinq régions visées par un traité signé par des descendants des premières nations, le Canada et la Couronne.

La démographie de nos réserves a une incidence non seulement sur nos collectivités mais aussi sur le Canada et sur la Saskatchewan. Notre population en Saskatchewan augmente de 2,3 p. 100 par année. Des 80 000 descendants des premières nations, 60 p. 100 ont moins de 25 ans.

Nombre des emplois que nous occupons à Saskatoon - presque tout cet argent provient des paiements de transfert, de programmes gouvernementaux ou de programmes de sécurité du revenu.

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De plus, 80 p. 100 de notre population active, c'est-à-dire ceux qui ont plus de 15 ans, gagne moins de 20 000$. Statistique Canada nous a fourni ces données sur le revenu en 1991. C'est donc dire que les compressions budgétaires du gouvernement se répercutent durement sur notre population.

L'une des solutions consiste à examiner les liens réels entre les premières nations et la Couronne. Il ne faut pas tant étudier la réduction du déficit qu'analyser les rapports réels entre les premières nations et le Canada.

Bien du monde nous compte comme un passif, mais je crois que c'est ainsi depuis trop longtemps. Il faut commencer à considérer les premières nations comme des soutiens économiques en puissance et comme des partenaires compatibles au sein des nouvelles relations qui se nouent dans les provinces.

Je cède maintenant la parole à Mary Ellen Turpel qui va répondre en détail aux trois questions que vous nous avez posées.

Mme Turpel: Comme l'a signalé le vice-chef Lafond, le chef de la fédération, Blaine Favel, vous fait dire qu'il regrette de ne pas avoir pu venir. Nous avons distribué des commentaires qu'il fait transmettre au comité. Je veux aussi déposer un document d'information plus détaillé pour votre gouverne. Je n'ai pas l'intention de vous le lire aujourd'hui. Je sais que nous ne sommes pas là pour ça.

Je voudrais également ajouter quelques observations aux remarques du vice-chef du conseil tribal de Saskatoon. Premièrement, les premières nations de la Saskatchewan sont mal placées pour montrer au gouvernement fédéral comment régler son problème de déficit ou comment décider quelles compressions effectuer. Nous sommes venus ici pour vous dire que nous avons déjà subi, dans un certain nombre de domaines, des restrictions budgétaires qui ont eu d'énormes répercussions sur nos collectivités, et pour demander une augmentation des dépenses plutôt que de nouvelles réductions.

Je vais vous donner quelques exemples en cette période prébudgétaire. Premièrement, le plan de dépenses triennal du ministère des Affaires indiennes et du Nord - c'est-à-dire le plan de 1995-1996 à 1997-1998 - vise un taux de croissance de 6+3+3 pendant cette période. De fait, on l'a vanté comme étant une preuve tangible de l'adhésion du gouvernement fédéral aux principes de l'équité, de la justice et de l'égalité, puisqu'il prévoyait des augmentations plutôt que des diminutions qui équivaudraient à la baisse de 18,9 p. 100 pour l'ensemble des programmes gouvernementaux.

Cependant, étant donné notre situation en Saskatchewan, cette croissance réduite nous a causé de sérieuses difficultés. Au cours des dix dernières années, le budget du ministère des Affaires indiennes s'était accru à un taux annuel moyen de 8 p. 100, ce qui signifie un recul réel de 5 p. 100.

Comme l'a dit le vice-chef Lafond, en Saskatchewan, le taux de croissance démographique est trois fois supérieur à la moyenne nationale. Les membres des premières nations dans la province sont actuellement 80 000. En se basant sur l'enquête sur les peuples autochtones du recensement de 1991, Statistique Canada prévoit que d'ici à l'an 2001, notre population aura doublé dans la province.

Donc, le plafonnement de l'augmentation du budget du ministère des Affaires indiennes a eu des répercussions considérables sur la collectivité. Nous estimons que pour la Federation of Saskatchewan Indian Nations, la capacité des gouvernements des bandes sera réduite d'au moins 15 p. 100, ce qui représente jusqu'à 500 millions de dollars, et c'est seulement pour l'année 1997-1998. Nous subirons donc un manque à gagner important même si les restrictions budgétaires du ministère des Affaires indiennes ne sont pas aussi marquées que les compressions généralisées des dépenses ministérielles.

De plus, les dépenses pour les services médicaux aux premières nations ont augmenté moins que prévu. Nous estimons qu'à cause de ça, la Direction générale des services médicaux de Santé Canada aura une capacité réduite d'environ 12 p. 100 en 1997-1998. Je n'ai pas besoin de vous présenter des statistiques sur la santé de nos populations. Elle fait pitié. Les services de santé aux premières nations ont sensiblement diminué alors même que le diabète atteint des proportions quasi épidémiques, etc..

En outre, au ministère du Développement des ressources humaines, il y aura une diminution de 35 p. 100 pendant ces trois mêmes années. En 1995-1996, il y a déjà eu une réduction de 15 p. 100 de la capacité du programme Chemins de la réussite pour la formation des premières nations. Là encore, étant donné les assistés sociaux et chômeurs chroniques, nous sommes touchés parce que nos possibilités de formation professionnelle sont amenuisées.

.1545

Enfin, je signale que les nouveaux transferts annoncés dans les domaines de la santé et des services sociaux diminueront de 15 p. 100, en 1997-1998, le niveau actuel des contributions fédérales à la sécurité du revenu, aux services sociaux, aux services de santé et à l'enseignement post-secondaire en Saskatchewan. Cette modification des transferts et des points d'impôt signifiera une diminution réelle d'environ 35 p. 100 des transferts de fonds à la Saskatchewan.

Depuis quelques années que le fédéral se décharge sur les autres ordres de gouvernement, nombre de nos membres dépendent de services qui relèvent maintenant de la province alors qu'ils relevaient auparavant du fédéral. Pourtant, rien n'indique que le gouvernement provincial sera en mesure d'absorber le manque à gagner et d'assurer les services qu'on lui abandonne, étant donné la situation économique relativement piètre de la Saskatchewan.

Ce ne sont là que des exemples des problèmes auxquels nous sommes confrontés, pour vous montrer qu'il nous est impossible de supporter de nouvelles réductions généralisées. Nos collectivités éprouvent déjà de graves problèmes de logement, de santé et autres.

En terminant, la Federation of Saskatchewan Indian Nations veut vous rappeler que nous ne disposons pas des instruments financiers habituels du régime fédéral tels que les paiements de péréquation et les points d'impôt, parce que les Indiens de la province et de tout le Canada ne sont pas considérés comme des gouvernements.

Malgré notre cheminement vers l'autonomie gouvernementale, nous restons à la remorque des ententes individuelles négociées avec les divers ministères responsables. Cela ne permet absolument pas de financer adéquatement nos collectivités et de ressourcer notre peuple.

Nous préférerions une discussion plus étendue, en dehors du contexte de ces consultations prébudgétaires assez restrictives, sur les liens financiers entre les premières nations et la Couronne.

Nous aimerions aussi discuter de l'opportunité de mettre à notre disposition certains des instruments fiscaux du fédéralisme dont nous n'avons jamais bénéficié. Par exemple, le mode optionnel de financement qui serait négocié en fonction de nos populations et des besoins des premières nations, l'argent étant versé directement aux premières nations sans passer par le ministère des Affaires indiennes, Santé Canada et les autres.

En conclusion, monsieur le président, nous sommes impatients de travailler sur ce projet avec le ministère des Finances et les autres ministères. Nous sommes disposés à le faire, mais jusqu'à maintenant, nous n'en avons jamais eu l'occasion.

Nous aimerions que notre situation socio-économique soit étudiée dans le cadre de l'analyse prébudgétaire.

Il faut aussi que l'on reconnaisse qu'en dépit de l'énoncé de principe du gouvernement fédéral sur l'autonomie gouvernementale et de certains engagements formels de sa part à ce sujet, il nous sera extrêmement difficile de réaliser quoi que ce soit de concret tant que nos contraintes financières n'auront pas été analysées avec précision et comprises.

Le président: Merci beaucoup.

Je veux vous présenter les membres du Comité qui sont présents. Il y a M. Pierre Brien

[Français]

de la province de Québec;

[Traduction]

M. Ron Fewchuk, qui est du Manitoba; M. Brent St. Denis, du nord de l'Ontario; M. David Walker, du Manitoba; et Georgette Sheridan de la magnifique province de la Saskatchewan.

[Français]

Nous allons commencer les questions avec M. Brien.

[Traduction]

Madame Turpel, pendant que tout le monde s'installe, puis-je vous demander si la situation lamentable des Autochtones qui vivent ailleurs au Canada ressemble plus ou moins à celle des premières nations de la Saskatchewan.

Mme Turpel: Je trouve important de faire remarquer, monsieur le président, qu'en Saskatchewan la population autochtone est plus nombreuse que dans les autres provinces.

De fait, elle est concentrée dans l'Ouest canadien. Nous sommes plus nombreux, en Saskatchewan tout particulièrement, puisqu'il y a 72 bandes et un taux de croissance démographique quelque peu inhabituel.

.1550

Prévoir ces modifications, surtout que 40 p. 100 de nos membres ont moins de 25 ans, ce qui donne une population assez jeune... Il faut planifier différemment.

Le vice-chef Lafond: Le gouvernement de la Saskatchewan est parfaitement au courant. Quand il discute d'avenir, il retient trois choses concernant la démographie.

Premièrement, le vieillissement de la population, deuxièmement, la déruralisation de la province, et troisièmement, bien sûr, les Autochtones.

Ce n'est donc plus un problème autochtone marginal. Le gouvernement provincial lui-même le soulève et déclare vouloir s'en occuper parce que c'est un problème qui concerne toute la Saskatchewan.

Le président: Puis-je vous poser une autre question? Vous dites que vos dépenses augmentent de 8 p. 100 par année; est-ce que c'est à peu près la même chose pour les autres premières nations dans tout le Canada?

Mme Turpel: Je voudrais apporter une précision, monsieur le président. Je faisais remarquer que, pendant 10 ans, le budget du ministère des Affaires indiennes a augmenté annuellement de 8 p. 100.

Le président: Ah! bon, je comprends.

Mme Turpel: Ce n'était quand même pas suffisant.

Nous constatons maintenant - et cela demande une analyse assez minutieuse - qu'en moyenne, notre manque à gagner est plutôt de l'ordre de 20 à 25 p. 100.

Le ministère des Affaires indiennes a produit une étude récemment dans laquelle il ne propose malheureusement aucune solution. Néanmoins, cette étude porte sur le degré d'endettement des gouvernements des premières nations dans tout le Canada.

En Saskatchewan, des bandes et certains gouvernements des premières nations ont un niveau d'endettement catastrophique. Quelques-uns sont maintenant administrés par des tiers.

Notre endettement résulte de budgets qui sont exceptionnellement grevés, par exemple celui du logement et d'autres, ainsi que de l'impossibilité de faire face à la situation actuelle.

Ce que je veux dire, c'est que même avec une augmentation annuelle de 8 p. 100 du budget du ministère des Affaires indiennes, étant donné la démographie que l'on sait et nos besoins, nous ne pourrons pas supporter de nouvelles réductions. D'ailleurs, à ce stade-ci, nous ne pouvons faire aucun projet parce que toute planification nous ramène à la faillite et à la résolution du problème de dette des bandes.

Le président: Merci.

[Français]

M. Brien (Témiscamingue): Ma première question sera pour M. Buckwold. Dans votre présentation, vous avez dit que le gouvernement n'avait pas le choix, qu'il devait réduire ses dépenses et ne pas regarder du côté des revenus. Selon vous, tout ce qui touche la fiscalité peut-il être perçu comme une dépense, par exemple certains crédits d'impôt et certaines déductions? Si l'on y touche, cela va-t-il augmenter les revenus ou réduire les dépenses?

[Traduction]

M. Buckwold: Selon nous, intervenir dans les affaires en accordant des crédits d'impôt ne serait pas la solution indiquée. Je ne pense pas que ce soit le meilleur moyen. Je crois qu'il faut plutôt réduire les dépenses.

Nous pensons que les divers programmes offrant des crédits d'impôt et toutes sortes de mesures pour stimuler artificiellement les entreprises ne constituent pas des solutions à long terme aux problèmes.

À court terme, elles marcheront peut-être. Je suppose qu'elles valoriseront les occasions qui s'offriront à certaines industries en particulier, mais à long terme, nous croyons qu'elles ne conviennent pas.

[Français]

M. Brien: Je pose la même question à Mme Anderson. Elle a dit, chiffres à l'appui, que l'effort demandé représentait une réduction de 30 p. 100, parce que l'on dépense 30 p. 100 de plus que ce que l'on amasse.

Selon vous, pourrait-on régler une partie du problème en réduisant les dépenses de programmes et en examinant les dépenses fiscales actuelles?

[Traduction]

Mme Anderson: On pourrait envisager certains programmes de dépenses fiscales qui seraient acceptables. Mais il y en a d'autres qui ne le sont pas, surtout pour les contribuables.

Le message le plus important que le comité doit faire passer dans ses consultations pan-canadiennes, c'est que les dépenses - les dépenses effectives - sont trop élevées et qu'il existe des moyens pour arriver à les comprimer.

Quand je rencontre des gens et que j'écoute ce qu'ils disent du budget fédéral et des budgets provinciaux aussi - car vous savez parfaitement que la plupart des gouvernements provinciaux ont tous les mêmes problèmes - le message qui ressort le plus distinctement, c'est qu'on évite la question de la limitation des dépenses. On n'en traite pas. C'est pourquoi la première question...

.1555

Selon moi, la première question que pose le comité n'est pas la bonne. Vous nous demandez quel devrait être notre objectif de réduction du déficit.

Ce que nous avons appris entre autres au cours des derniers mois, c'est que l'ampleur du déficit importe peu; ce qui compte, c'est de prouver à tout le monde, y compris au système monétaire international, que nous réussissons à contenir notre dette et nos dépenses. Quand nous y serons parvenus, le problème du déficit se réglera de lui-même.

Il faut se fixer des objectifs pour réduire la dette; c'est ça l'important à retenir.

Alors, si vous voulez réduire les dépenses en trouvant des mécanismes qui généreront des revenus, je crois que vous ne ferez pas ce que les gens vous demandent. Ce que le monde veut savoir, c'est comment vous avez l'intention de contenir les dépenses actuelles.

Je serais d'accord avec M. Buckwold là-dessus. Il y a en quelque sorte digression au départ; on s'éloigne du sujet quand on commence à parler des mécanismes recettes-dépenses et des moyens de les utiliser.

Vous devez contenir les dépenses. Les gouvernements dépensent trop. Ils essaient d'en faire trop avec l'assiette de revenus à leur disposition. Voilà ce qu'il faut corriger.

[Français]

M. Brien: Je peux comprendre que, pour les prochaines années, le seuil du revenu maximum est presque atteint. Les gens qui nous disent qu'il faudrait des réductions d'environ 30 p. 100 sont aussi ceux qui nous disent d'essayer de ne pas toucher aux programmes sociaux, à ceci ou à cela. Ils nous lancent un message contradictoire. Il faut faire des choix. Cela veut aussi dire qu'il faut toucher aux paiements de transfert. Ce sont des sommes importantes. Selon vous, faut-il frapper à peu près tous les secteurs de dépenses ou s'il y a des secteurs dans lesquels des sacrifices plus importants devraient être faits?

[Traduction]

Mme Anderson: La plupart des gouvernements commencent à réaliser une chose - et je ne vois pas pourquoi le gouvernement fédéral ne ferait pas de même - , c'est que tous les gouvernements ont l'obligation de fournir certains services de base.

Quand j'étais professeure, je disais souvent à mes étudiants que l'inconvénient des programmes sociaux publics, c'est qu'il est impossible de revenir en arrière. Il y aura toujours quelqu'un qui déplorera leur existence et un autre qui sera lésé. C'est pareil pour n'importe quelle politique d'ordre public.

Mais en réalité, il y a des services que l'on s'attend à recevoir du gouvernement et nous devons centrer notre attention sur le choix de ces services. Il faut reconnaître qu'il existe d'autres types de programmes. Les contribuables n'ont tout simplement pas les moyens de financer ces programmes supplémentaires et il faut prendre faire des choix difficiles.

Vous voulez savoir ce que je supprimerais et ce que je garderais. Votre question est valable et justifiée, et si j'étais à votre place, je poserais sans doute la même.

Il faut effectivement commencer à placer les programmes par ordre de priorité. Comme c'est vous le comité des finances, nous, les contribuables, nous attendons que vous nous disiez quelles devraient être les priorités et jusqu'à quel rang vous avez l'intention de vous rendre; à moins que vous n'exploriez les possibilités avec nous. Ensuite nous pourrons juger si vous allez assez loin ou non.

On ne peut plus reculer; il faut le faire. Il faut apprendre à vivre dans les limites de notre budget parce que les contribuables... Je ne pense pas que les Canadiens soient du genre à se révolter, mais ils ne seront certes pas heureux. L'expansion de l'économie souterraine montre ce qui arrive quand les taxes sont trop élevées.

Il faut fixer un seuil d'imposition, un niveau de revenus qu'on peut se permettre. Et si l'on ne veut pas dépenser plus, il faut commencer à définir très clairement les services qui sont fondamentaux, ce que le gouvernement devra fournir et ce que l'on peut supprimer.

Le président: Vous avez réussi à éluder la question.

Des voix: Oh, oh!

Mme Anderson: Vous voulez que je vous donne une liste?

Le président: Certainement.

Une voix: Et comment!

.1600

Le président: Il est tout à fait faux de prétendre que les gens vous demandent de réduire les dépenses. Certains nous le demandent à nous. D'autres nous demandent au contraire de les augmenter. À cette table, quatre des six groupes représentés ont dit qu'il fallait soit maintenir à leur niveau actuel les dépenses dans le domaine qui les intéresse, soit les augmenter.

Mme Anderson: Ils ne demandent pas nécessairement une hausse globale des dépenses. Ils font une distinction entre leurs programmes qu'ils jugent importants et d'autres qui le seraient moins. C'est ça leur argument.

Le président: Nous serions ravis de vous avoir de notre côté de la table, madame Anderson.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Georgette Sheridan, pouvez-vous nous aider à régler ce problème?

Mme Sheridan (Saskatoon - Humboldt): Comme nous avons réussi à coincer Isabel, je vais en profiter. Je la connais assez bien pour savoir qu'elle ne m'en voudra pas. Je veux néanmoins poursuivre dans la foulée de mon collègue parce que nous touchons le noeud du problème qui nous occupe.

C'est très bien de venir s'asseoir ici pour expliquer que diverses choses sont importantes. Supposons que c'est acquis.

Isabel, voilà ce que je vous demande maintenant - dans l'espoir de lancer le dialogue autour de la table - comme l'a constaté le président, j'ai moi aussi entendu quatre des six groupes présents déclarer qu'il fallait réduire le déficit, mais sans toucher à leurs programmes respectifs dont ils ont besoin.

Supposons qu'Isabel Anderson est ministre des Finances pour la journée - et je sais que c'est l'une de vos ambitions. Comment allez-vous expliquer à des groupes comme celui de Pauline, dont j'ai entendu parler après le dernier budget, qu'on va réduire son financement? C'est vrai, ça a été radical. Ça a été fait d'une manière qui ne permettait aucune forme de transition, surtout que l'organisme avait des obligations.

Oui, il faut lutter contre le déficit et rembourser la dette. Mais comment expliquer ce que vous faites à tous ces groupes, pourquoi il importe de viser l'un plutôt que l'autre?

De plus, quant à l'établissement d'un ordre de priorité, c'est vrai que nous sommes ici pour ça. Mais dites-moi comment établit-on cet ordre?

Je ne veux pas vous mettre sur la sellette. J'attends une réponse des autres aussi.

Qu'est-ce qui est important? Après avoir entendu les autres, croyez-vous qu'il faut donner un coup de pouce spécial à la culture? Aux expéditeurs?

Certains pourraient soutenir que le Saskatchewan Wheat Pool est une grande entreprise. Si j'ai bien compris les propos de M. Buckwold, les grandes entreprises n'ont pas besoin que le gouvernement se mêle de leurs affaires et vous, vous dites la même chose.

Mais en grattant un peu, on découvre derrière l'expéditeur un producteur dans une ferme.

C'est pareil pour les questions autochtones et pour l'aide aux pauvres non seulement du Canada, mais des quatre coins de la planète. Pourtant, si l'on regarde au-delà de la surface, une valeur fondamentale de la société canadienne apparaît.

Cela dit, je vous redemande de classer les programmes par ordre de priorité. Qu'est-ce qui prime, la santé? Les garderies? Les garderies seulement s'il est démontré qu'elles encouragent à travailler et donc qu'elles permettent de grossir les rangs des contribuables? Les subventions au transport ferroviaire?

On parle de révolte. Je commence à penser que la société canadienne sera l'une des plus révoltées sur la terre, mais sera-t-elle révoltante aussi?

D'une part il y a les contribuables en révolte - le Parti réformiste passe son temps à me le répéter - et, d'autre part, il y a les Ontariens qui se révoltent contre toutes les réductions que Mike Harris est en train d'imposer.

Il y a des organisations comme celle des travailleurs de garderie. Ce ne sont pas des gens qu'on s'attendrait à voir parader dans les rues, l'air méchant. C'est pourtant ce qui se passe. Alors réunir les deux groupes...

C'est un long préambule à...

Mme Anderson: ...la question.

Mme Sheridan: ...la discussion. Je voudrais vous entendre expliquer ça à Pauline. Ensuite, je voudrais que Pauline vous réponde, puis tous les autres, si vous êtes d'accord, monsieur le président.

Le président: Je trouve que c'est une façon formidable de procéder.

Mme Molder: Mais je suis désavantagée.

Des voix: Oh, oh!

Mme Anderson: Je pense que Pauline sait déjà ce que je vais répondre.

Le président: C'est l'occasion pour vous de lui corriger son examen.

Mme Anderson: J'ai déjà fait partie du conseil d'administration de l'organisme que Pauline représente. Je connais donc déjà leurs difficultés et je les comprends très bien.

.1605

Je trouve que c'est bien ce qu'ils essaient de faire, mais le fait est que le gouvernement fédéral a certaines obligations fondamentales. Vous nous demandez comment les définir. Je pense qu'elles le sont déjà assez clairement. La Constitution canadienne définit les champs de compétence du gouvernement fédéral qui est chargé notamment d'encadrer le commerce international, de s'occuper de la monnaie... Il y a certains services de base que le gouvernement fédéral doit offrir parce qu'il a été désigné pour le faire.

Il est vrai aussi que depuis plusieurs dizaines d'années, nous nous sommes placés dans une certaine situation parce que le trésor public était suffisamment bien garni pour nous permettre de financer un large éventail de programmes. Nous avons pris en charge des domaines tels que les services de santé et l'éducation. Mais à un moment donné, si les recettes fiscales ne suffisent plus - parce que les gens refusent de payer ou simplement parce que leur rémunération ne leur permet plus de payer - il faut commencer à faire le tri des programmes qu'on peut se permettre, probablement parce qu'ils génèrent des revenus. Il faut être en mesure de prévoir qu'on recevra des fonds du fédéral.

Il ne s'agit pas d'augmenter encore les impôts, mais de mettre en place une structure qui crée des emplois et à l'intérieur de laquelle on peut tous agir au profit des peuples autochtones. Pour l'amour de Dieu, il faut que leurs localités soient mises en valeur. Il y a certaines obligations fondamentales, par exemple financer les infrastructures et d'autres choses encore, mais subventionner des programmes, ce n'est pas une solution. C'est sûrement un peu à cause de ça que nous nous retrouvons dans ce bourbier. Nous avons été extrêmement généreux pour toutes sortes de programmes.

Traitons de l'agriculture. Le comité n'a même pas à se poser la question. Le fait est qu'en vertu de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, le gouvernement fédéral est obligé de faire certaines choses relativement à l'agriculture. Si cela implique qu'il faut laisser tomber des programmes, alors il faut se demander comment aider autrement ce secteur. Il doit bien y avoir d'autres mécanismes. L'aide au transport du grain de l'Ouest a certainement été repensée pour cette raison. Qu'on le veuille ou non, les choses sont ainsi. Si l'on tient à aider ce secteur, il faut examiner l'industrie de l'agriculture pour déterminer où apporter cette aide sans que cela coûte plus cher aux contribuables.

Je n'élude pas la question. Le gouvernement fédéral a certaines obligations... Il doit s'en acquitter, mais ça ne veut pas dire qu'il doit faire la charité à tout un chacun. Il va falloir choisir ce qu'on veut garder et ce ne sera pas facile.

Il est évident que le développement communautaire est important pour les peuples autochtones. Le dire ne suffit pas, il faut encore s'en occuper. Que faut-il faire au juste pour développer les collectivités? Comment les gouvernements fédéral, provinciaux et locaux vont-ils coopérer pour trouver l'argent nécessaire à ce projet? Voilà une réflexion constructive, il me semble.

Le président: Pauline, je crois que c'est à votre tour maintenant.

Mme Molder: Je ne peux pas répliquer directement. Je vais répondre par une question. J'entends le monde des affaires parler de la nécessité de le laisser créer des emplois, mais en tant qu'observatrice de l'extérieur, j'ai souvent pu remarquer que, quand une entreprise a du capital, elle fait des investissements qui ne créent pas d'emplois. Je voudrais entendre des suggestions créatives sur la manière de créer des emplois. Le milieu dans lequel nous faisons des affaires nous oblige à être plus efficaces, ce qui signifie substituer du capital à la main-d'oeuvre et comprimer les effectifs. Au Canada, la productivité s'est accrue. Le Canada est l'un des pays les plus productifs au monde, mais l'emploi ne suit pas.

.1610

Voici donc ma question à Isabel. Si l'on vous rend cet argent que vous ne voulez plus payer en impôts, comment allez-vous vous le dépenser pour créer des emplois? Comment va-t-on s'occuper des démunis de notre société et des consommateurs des pays étrangers auxquels il faut assurer des revenus afin qu'ils puissent acheter nos produits, étant donné la mondialisation de l'économie?

Mme Anderson: Il n'est pas question de rendre quoi que ce soit. Il s'agit de savoir si les gens ont les revenus voulus pour payer des impôts et la réponse c'est qu'ils ne les ont pas. Plus on augmente les impôts, moins les entreprises sont susceptibles de faire les investissements qui créent des emplois. Voilà ce que je veux dire.

Évidemment, notre association veut aussi faire savoir que le gouvernement a déjà tout l'argent dont il a besoin étant donné les taux d'imposition et le niveau des revenus. Il ne devrait pas avoir à demander à qui que ce soit de payer encore plus d'impôts. Ses recettes fiscales sont suffisantes. Il faut s'interroger sur la façon dont il dépense cet argent, car presque toute la population, je crois, trouve qu'il ne fait pas pour le mieux avec les sommes dont il dispose.

Le président: C'est faux. Les représentants clés de l'agriculture en Saskatchewan ont comparu pour nous dire que les dépenses des programmes qui leur viennent en aide sont fort judicieuses et qu'il ne faut pas les réduire. Est-ce que je me trompe?

M. Terry Harasm (directeur de la recherche sur les politiques et l'économie, Saskatchewan Wheat Pool): Je pense que vous faites erreur au sens où nous nous dirigeons... Il faut revenir un peu en arrière. Une bonne partie des recettes fiscales du gouvernement, surtout du fédéral, a été investie dans l'agriculture. Cependant, les chiffres les plus récents indiquent que ce montant a chuté vertigineusement.

Ce que nous voulions vous montrer en venant ici, ce n'est pas que nous sommes contre un budget équilibré globalement, comme l'a fait remarquer Mme Anderson, mais qu'il faut l'équilibrer en tenant compte du fait que l'industrie a subi un dur coup au moment où elle tente de s'adapter à la nouvelle mondialisation de l'économie. Dans un sens, pour que notre industrie progresse, devienne compétitive et fasse des affaires dans un marché planétaire, il faudra en grande partie que tous ses segments et le gouvernement fassent le nécessaire pour nous permettre de survivre et de prospérer dans ce nouveau milieu.

De notre côté, nous devons accroître notre efficacité et nous adapter aux nouveaux accords commerciaux, à la concurrence internationale qui prévaut, parce que si nous sommes incapables d'être compétitifs à l'échelle mondiale, nous allons aussi disparaître du marché intérieur.

Pour nous aider à y parvenir, il ne faut pas augmenter les impôts au point de nous désavantager par rapport à nos concurrents dans les systèmes américain, européen ou autre. Je vous donne un exemple. Nos silos fin de ligne paient probablement cinq fois plus de taxes en ce moment que des silos comparables qui se trouvent juste de l'autre côté de la frontière, aux États-Unis. Cela nous oblige à une bien plus grande efficacité dans le reste du système si nous voulons être compétitifs sur le plan international.

Nous vous avons demandé de ne pas réduire les dépenses de R-D. C'est vrai. Si l'on songe à l'avenir, et je pense que Mme Sheridan demande comment classer les dépenses par ordre de priorité... Selon moi, pour le faire, il faut entre autres se projeter dans l'avenir. Comment s'imagine-t-on dans le futur? Moi, je trouve que réduire les dépenses de R-D, c'est comme manger son blé de semence. Quelqu'un a dit ça l'autre jour et c'est vrai. Si l'on veut que l'industrie soit concurrentielle et capable de survivre dans 20 ou 30 ans, il ne faut pas réduire certaines dépenses comme celles de R-D.

Selon moi, il serait faux d'en conclure que nous nous sommes présentés devant vous pour demander de ne pas diminuer les fonds consacrés à l'agriculture. Tenez compte du fait que nous avons subi de durs coups, que nous sommes en pleine adaptation et que nous avons besoin de votre aide pour devenir concurrentiels dans l'avenir étant donné l'évolution du monde.

.1615

Accessoirement, de mon point de vue à moi, il faut soulever une autre question ayant trait aux secteurs à comprimer et à l'ampleur des compressions. Sans vouloir trop insister, je dirais que le gouvernement n'a pas une très grande marge de manoeuvre pour les dépenses facultatives, c'est-à-dire qu'il ne reste plus grand-chose à comprimer.

Pour arriver à réduire les dépenses de 30 p. 100 ou même pour atteindre votre propre objectif, vous devrez vous attaquer aux dépenses législatives. Vous devrez revoir les gros budgets de la santé et de l'éducation si vous voulez réussir à diminuer la dette et à ne pas faire de déficits.

Une autre question doit encore être abordée. Il faut se demander s'il ne faudrait pas viser une efficacité accrue plutôt qu'une réduction des services, et analyser la façon dont certains de ces services sont offerts à la population, aux consommateurs.

Je ne sais pas, mais peut-être que les services restent les mêmes malgré la compression des dépenses. Peut-être qu'il y a moyen de faire les choses de façon plus ingénieuse, plus économique que maintenant.

Il faudrait discuter du principe du report de fonds à des fins autres que celles auxquelles ils étaient destinés au départ, mais à l'intérieur d'une même enveloppe, dans le but d'en avoir plus pour son argent.

Merci.

Mme Turpel: Je voudrais faire deux observations. Premièrement, je vous fait remarquer que la discussion que nous avons en ce moment est exactement la même que celle qui trouble profondément les premières nations.

Nous avons l'impression qu'on veut nous monter contre ceux considérés comme des groupes d'intérêt et que nous sommes sur le même pied que les autres relativement aux compressions.Mme Sheridan a soulevé la question de la révolte et des problèmes que nous affrontons.

Il importe de noter qu'il y a effectivement eu des manifestations dans tout le Canada à cause du budget de certains gouvernements provinciaux et des stratégies pour réduire les déficits; les gens de divers secteurs se rassemblent devant les assemblées législatives et ailleurs pour protester contre les stratégies employées, etc. Mais nous, à la dernière de nos manifestations à Ipperwash, l'un des nôtres a été tué par un agent de la Police provinciale de l'Ontario.

Il est vraiment important de souligner que quand nous, nous manifestons, on déploie des forces imposantes pour nous calmer.

Au sujet de la révolte, nous, dans l'Ouest canadien, nous sommes révoltés depuis 1870, depuis que la Compagnie de la Baie d'Hudson a décidé de vendre ses intérêts dans l'Ouest au Dominion du Canada. Elle l'a fait et a aliéné les droits des Métis et des Indiens, ce qui a donné lieu à la négociation de traités.

En Saskatchewan, il y a cinq traités avec les Indiens, les traités numéros 4, 5, 6, 8 et 10 qui ont été négociés avec nos peuples sur la foi de certaines promesses expresses.

Il y a la clause relative aux médicaments: nous vous fournirons des services de santé. Il y a la clause sur l'éducation: nous nous occuperons de vous faire instruire. Nous vous fournirons la nourriture, le logement et les vêtements quand vous serez dans le besoin. Nous vous fournirons le matériel agricole et la formation nécessaire. Nous vous verserons une rente. Nous protégerons vos droits de chasse, de trappage et de pêche.

Je pourrais vous parler indéfiniment de nos traités, mais il importe de noter que...

Le président: C'est bien dit.

Mme Turpel: ...nos droits issus de traités sont garantis par la Constitution. Nous ne sommes pas un groupe d'intérêt comme un autre qui peut être opposé à n'importe qui. L'Ouest canadien n'aurait pas été colonisé si nous n'avions pas conclu de traités.

Malheureusement, ces traités n'ont pas été appliqués et nos peuples sont totalement exclus de l'économie.

Tels que vous nous voyez le vice-chef Lafond et moi, nous sommes des privilégiés puisque nous sommes des membres instruits des premières nations et que nous pouvons venir vous rencontrer.

Je vous encourage à rendre visite à la bande de La Ronge. Je vous mets même au défi d'aller y passer une semaine dans une maison surpeuplée, sans eau courante, probablement sans électricité, où l'on vit à 10 ou à 15.

Voilà les conditions dans lesquelles on vit dans nos agglomérations. Alors, tandis que le Canada se trouvait dans l'abondance, nos peuples étaient mis à l'écart.

Je ne veux pas dire qu'il faut changer les choses à cause des griefs historiques, mais les traités sont toujours en vigueur. Ils n'ont pas de date d'échéance.

En tant que peuple des premières nations, nous voulons simplement que les obligations financières du Canada envers nous soient évaluées équitablement. Nous ne voulons pas être confiés aux soins du ministère des Affaires indiennes. Nous ne sommes pas certains qu'il soit un bon gestionnaire de ses finances. Je pense que même le gouvernement fédéral n'en est pas convaincu. Le ministre des Affaires indiennes lui-même en doute.

D'ailleurs, nous sommes incapables de savoir comment le ministère dépense son argent. Les fonctionnaires refusent de nous le dire. Même en Saskatchewan, il nous est impossible de découvrir de quoi se compose l'enveloppe budgétaire de la province, parce qu'on refuse de nous laisser voir les livres.

.1620

Du point de vue des premières nations, ce sont des questions très explosives. Monter nos peuples contre d'autres intérêts, c'est faire jouer la race; c'est explosif. Certains partis politiques canadiens ont tenté récemment de le faire, mais la révolte gronde déjà.

Notre position est très claire: nous ne faisons pas abstraction du déficit et de la dette, mais nous n'approuverons pas une stratégie qui dépossédera encore plus notre peuple au profit d'objectifs à court terme comme la réduction du déficit.

De fait, vous devrez faire face à la génération qui viendra après nous et que vous vous serez tant aliénés que même des discussions comme celle-ci seront impossibles.

Le président: Vous avez raison. Autrement dit, cela ne concerne pas seulement le budget; c'est une affaire de traités qui n'ont rien à voir avec les décisions humanitaires qu'il faudra prendre.

Georgette, avez-vous d'autres questions?

Mme Sheridan: Oui, j'ajouterais que nous en arrivons toujours à la même conclusion: comme il ne faut en aucun cas augmenter les taxes et les impôts, il ne reste plus qu'à réduire les dépenses.

Mais quand il est question d'établir des priorités - et nous venons d'entendre un plaidoyer éloquent en faveur d'une priorité, selon moi - cela ne veut pas dire monter les gens les uns contre les autres.

On a simplement dit que le gouvernement fédéral devait passer en revue sa liste de compétences constitutionnelles. Or, les affaires autochtones y figurent très certainement. Je ne suis pas convaincue que cette seule méthode suffise, parce qu'il y a des pouvoirs dérivés dans la santé, l'éducation et bien d'autres. Je tente uniquement de mettre en lumière à quel point la délimitation des champs de compétence peut être complexe.

De plus, à propos du Saskatchewan Wheat Pool, j'aime bien votre analogie avec le blé de semence. J'irais même plus loin et je dirais que selon certains, ne pas investir dans des garderies convenables pour nos enfants équivaut à manger son blé de semence.

Il ne faut pas déterminer uniquement ce qui rapporte le plus, mais ce qui rapporte le plus globalement.

J'ai fini, monsieur le président; je n'ouvrirai plus la bouche.

Le président: Mais non, j'ai trouvé vos propos tellement intéressants que je voulais au contraire vous encourager à continuer. Et vous en avez long à dire à Ottawa. Là-bas, vous nous parlez constamment de l'Ouest.

Une voix: Oh, oh!

Mme Sheridan: On dit que je suis un moulin à paroles.

Le président: Madame Anderson, vous voulez...

Mme Anderson: Oui, je veux revenir sur l'observation de Mme Turpel parce que je la trouve fort judicieuse. Ça se rapporte aussi à ce que Georgette a dit. Cela me rappelle que le processus budgétaire auquel vous ne pouvez pas échapper... et il y a le fédéral, les provinces, le municipal. Cela ressort surtout au niveau municipal.

Vous savez, nous avons passé beaucoup de temps dans notre monde. Nous participons au processus budgétaire et on nous présente cette liste de priorités au comité ou au ministère des Finances.

Il faut ensuite passer par le processus décisionnel. Quand on entend parler de priorités, on se demande immédiatement quelles priorités sur la liste on est censé retenir et lesquelles on peut laisser tomber.

Pourtant, ce n'est pas ainsi que les décisions financières se prennent la plupart du temps. Je ne suis pas ici pour décider quelles dépenses sont les plus rentables et lesquelles ne le sont pas.

Écoutez, le fait est que les peuples autochtones de la province et du pays tout entier ont vraiment de graves problèmes économiques ou financiers à régler. La méthode habituelle de la liste de priorités n'est pas très utile dans leur cas.

Pourtant, il faut modifier le processus budgétaire de façon à pouvoir intégrer leurs besoins à la situation financière globale. Ensuite on pourra classer par ordre d'importance les priorités collectives, et non pas les priorités individuelles.

Je sais que vous êtes en pourparlers, mais il faut trancher cette question.

Le président: Et je sais que vous n'arriverez pas à vous entendre aujourd'hui sur la dépense qui devrait se trouver tout en haut de la liste des priorités.

Mme Anderson: Parce que je vous dis qu'il ne s'agit plus de prendre une liste de priorités et de les classer par ordre d'importance.

Le président: D'accord.

Mme Anderson: Il faut aussi s'interroger sur l'origine des recettes et comme on l'a dit tout à l'heure, sur ce qui revient, en fin de compte, au gouvernement d'une part et, d'autre part, à la collectivité en général, y compris au municipal.

Le président: C'est une bonne théorie.

Monsieur Walker.

M. Walker: Merci, monsieur le président.

Je voudrais revenir à M. Hislop et à son exposé.

.1625

L'une des questions qui fait surface au comité depuis un an et que nous n'avons pas du tout abordée lors de notre première tournée l'an dernier, c'est celle des organismes caritatifs et des dons de charité.

Bien sûr, quand je parle d'organismes caritatifs, je pense à tous les organismes qui sont qualifiés de tels: les universités, les hôpitaux, etc., ainsi que toutes les oeuvres de bienfaisance plus traditionnelles. Je voulais être bien certain de comprendre ce que les divers groupes sont venus nous exposer.

Qu'est-ce qui est le plus problématique pour vous: les dons en capital ou les contributions annuelles, ou encore les deux conjugués?

M. Hislop: Je dirais que c'est probablement les deux conjugués.

M. Walker: En ce qui concerne les dons annuels, vous aimeriez que nous rendions d'une manière ou d'une autre les déductions pour dons de charité un peu plus - non pas riches, ce n'est pas le mot que je cherche - généreuses.

M. Hislop: On voudrait savoir si la hausse du crédit d'impôt aux donateurs entraînerait une augmentation du montant global des dons de charité; il faudrait étudier la question et déterminer si cela aiderait vraiment les organismes caritatifs...

Si les dons augmentaient, c'est sûr que ça les aiderait. Reste à savoir si, avec le temps, d'autres secteurs risqueraient d'en souffrir parce que les gens seraient incités à être plus généreux envers les organismes de charité à cause du crédit d'impôt... Y aurait-il une diminution dans d'autres secteurs aussi?

M. Walker: Quel est le principal problème auquel tout le monde se heurte pour les dons en capital?

M. Hislop: Je ne suis pas certain de comprendre votre question.

M. Walker: Certains nous ont dit qu'aux États-Unis, les universités, par exemple, ont réussi à recevoir autant de dons en capital parce que, entre autres, les donateurs ne peuvent pas être imposés sur la plus-value du capital donné.

Bien entendu, au Canada cet abri n'existe pas.

M. Hislop: C'est vrai.

M. Walker: Avez-vous établi précisément ce que vous recherchez?

M. Hislop: Je ne suis pas certain de pouvoir vous donner une réponse complète cet après-midi, et ce n'est pas parce que j'essaie d'éluder la question. Je sais que demain, à Calgary, quelqu'un de mon organisme va vous faire un exposé beaucoup plus détaillé.

M. Walker: Très bien. Je voulais seulement m'assurer que tous les témoins s'intéressent vraiment au sujet.

Nous avons entendu hier un excellent exposé de la Thomas Sill Foundation, à Winnipeg, au sujet d'une modification de la Loi de l'impôt sur le revenu qui lui permet de faire ses décaissements différemment en mettant sur pied plusieurs sociétés dans les petites villes.

C'était une idée fort intéressante que nous...

Le président: Monsieur Walker, je m'excuse, vous permettez que je vous interrompe? Je sais que deux de nos très importants témoins doivent partir.

Aimeriez-vous faire un bref résumé de 30 secondes avant votre départ?

Mme Turpel: Je veux simplement remercier le comité d'avoir pris le temps de nous écouter et de se donner la peine d'étudier nos commentaires.

Je suis désolée que nous soyons obligés de partir si tôt, mais nous avons un autre engagement. Cela ne veut pas dire...

Le président: Non!

Mme Turpel: ...que nous n'apprécions pas l'importance de ces consultations. Nous devons malheureusement nous sauver.

Le président: Personnellement, je trouve que c'est le signe d'un jugement sûr.

Des voix: Oh, oh!

Mme Turpel: Nous avons peut-être choisi le moment idéal pour partir; je ne sais pas. De toute façon, merci beaucoup et bonne chance dans vos délibérations.

Le président: Avant que vous ne partiez, je tiens à dire que l'an dernier, les affaires autochtones constituent l'un des deux ou trois secteurs dans lesquels le comité a recommandé qu'il n'y ait absolument aucune compression.

Je vous remercie de votre exposé très éloquent, vigoureux et mémorable.

Mme Turpel: Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Walker, excusez-moi de vous avoir interrompu.

M. Walker: Je pense que j'avais terminé.

Le président: Ah! très bien.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Bon, monsieur Fewchuk.

M. Fewchuk (Selkirk - Red River): Si j'osais, je vous poserais une question,Mme Anderson, à laquelle j'aimerais que vous répondiez. Votre réponse serait confidentielle. Par écrit, elle sera différente.

Pourriez-vous - si vous le voulez, bien sûr - me dire à moi personnellement ce que vous aimeriez faire si vous étiez la première ministre du Canada. Je serais très curieux de le savoir. Mais il faudrait le dire au micro...

Mme Anderson: Mais bien volontiers. Je pense que Georgette sait d'avance ce que je vais dire, étant donné mes propos sur le budget l'an dernier.

J'espère que personne ne présume posséder tous les renseignements pertinents. J'ai travaillé avec des fonctionnaires du ministère des Finances. Je comprends leurs problèmes et je comprends que vous ayez du mal à définir à quoi le budget devrait ressembler.

Mais je crois comprendre également une partie de la frustration des contribuables et du public. Je pense aussi savoir que c'est très facile quand on est sur la colline du Parlement. Quand j'étais à Ottawa, on disait toujours que les gens sur la colline vivaient comme dans une île et perdaient de vue les détails.

Cela dit, je me dois de préciser que certaines choses sont importantes. Au Canada, en ce moment, il est important de pouvoir démontrer qu'on tient la gestion financière du pays bien en main.

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On ne saurait présumer connaître en détail la façon dont le comité décide de procéder. Mais le message sans équivoque que doivent faire passer aux contribuables canadiens tous ceux qui auront à se présenter sous peu devant l'électorat, c'est qu'ils ont bien en main la gestion financière du pays. Autrement dit, il faut montrer que vos choix ont été judicieux... Vous ne vous contentez pas de payer, vous vous intéressez à ce qui arrivera par la suite, à ce qui se passera dans les localités autochtones, et tout le reste.

Vous allez me répondre que c'est bien vague, mais je crois que vous comprenez ce que je veux dire.

M. Fewchuk: Une dernière chose que je voudrais...

Mme Anderson: Oui, vous voulez que je vous dise quelle doit être la décision, mais bien entendu, je ne suis pas à votre place. C'est à vous de décider.

M. Fewchuk: Si vous ne voulez pas le dire au micro, peut-être que vous pourriez me l'écrire confidentiellement, pour moi seul, sur un bout de papier.

Mme Anderson: Permettez-moi d'aller un peu plus loin. Dans le budget du printemps dernier, une chose a fait défaut selon moi... et il arrive que la communauté internationale par la suite a posé le même jugement que moi. Il ne suffit pas de contenir les dépenses, il faut aussi contenir la dette. C'est à cause de l'instabilité exacerbée par la situation politique québécoise; vous le savez et nous le savons tous.

Il s'agit de ramener la dette à un niveau acceptable pour démontrer que vos décisions ont été prises en tenant compte de leurs implications, des coûts d'adaptation et de leur effet net à moyen et long terme. Je pense que beaucoup de monde croit, à tort ou à raison, que les décisions prises et recommandées par votre comité sont improvisées. C'est en partie à cause du processus.

M. Fewchuk: J'ai la même discussion avec ma bru. Elle est enseignante et de temps en temps, je lui dis de cesser de faire le professeur et de me mettre tout ça par écrit.

Mme Anderson: Je n'ai pas de modèle... Je ne suis pas ici comme économiste. C'est une question très pratique. Le processus même vous encourage tous, et nous aussi d'ailleurs, à établir une liste de priorités que vous placez ensuite par ordre d'importance. Et cela se fait sans tenir compte de la provenance des recettes. Dans une entreprise, toutes les dépenses sont fonction des revenus parce que ce sont les profits qui comptent. Vous, on vous demande seulement d'atteindre le seuil de rentabilité.

M. Fewchuk: Merci beaucoup.

Mme Anderson: Comprenez-moi bien. Le second élément consiste à démontrer que la dette est maîtrisée.

Il me semble qu'il aurait été très simple de le faire dans le budget du printemps dernier - et c'est quelque chose qui existe déjà. Il aurait suffi d'indiquer qu'une partie au moins des recettes de la TPS allait servir à rembourser la dette et, en corollaire, que le remboursement allait être fait à tel moment parce que les dépenses seraient alors contenues. Autrement dit, annoncer ce qu'il faut.

Vous trouvez que ce n'est pas grand-chose, mais en fait, c'est très difficile à faire parce que cela oblige à prévoir le cours de la gestion financière. Ce que nous sommes vraiment en train de faire, c'est insister pour voir à quoi ressemble cette gestion financière. Il me semble que dans le budget de 1996, il devrait y avoir des signes clairs du bon fonctionnement de ce mécanisme de gestion afin que tout le monde pense que vous avez la situation bien en main, même sans connaître les détails, et qu'ils vous croient quand vous affirmez que le remboursement de la dette commencera à telle date.

M. St. Denis (Algoma): Comme je l'ai dit aux deux panels qui vous ont précédés aujourd'hui, je suis très heureux d'être à nouveau à Saskatoon.

Madame Molder, il y a une chose qui m'a intrigué dans votre exposé et j'espère que vous pourrez m'expliquer. Dans votre partie 1, il y a une question concernant les besoins des jeunes du pays. Quand on examine les taux de chômage des différents segments de notre société, il ressort nettement que le chômage chez les jeunes est cruellement élevé. L'un des mandats de notre comité, l'un des sujets dont nous devons nous occuper, c'est l'emploi.

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Vous mentionnez dans la dernière phrase de cette première partie que les organismes internationaux qui travaillent dans le tiers monde ont conçu des programmes de placement et de formation pour les jeunes dont on pourrait s'inspirer. Je crois que l'on peut tirer des leçons non seulement de notre histoire mais aussi de ce que font les pays étrangers qui sont aux prises avec les mêmes problèmes que nous.

Je me demande donc si vous ne pourriez pas nous donner quelques exemples de ces programmes qui marchent bien dans d'autres pays et qui pourraient s'appliquer chez nous. Si non, pouvez-vous nous en envoyer?

Mme Molder: J'ai ces renseignements, mais pas ici. Je vais vous les faire parvenir.

M. St. Denis: Vous pourriez peut-être les envoyer à Georgette. Ce serait utile.

J'ai une deuxième question brève pour M. Hislop, monsieur le président.

M. Walker vous a interrogé au sujet de la déduction pour dons de charité et des dons en capital. Selon moi, il y a les dons modestes - à la Société du cancer, à la Fondation du rein, etc. - , ceux de 10$, 15$ ou 100$ qui proviennent des citoyens ordinaires et qui sont déductibles, et il y a les dons plus importants. La déduction n'est pas utile dans le cas des dons de grosses sommes d'argent parce que l'avantage fiscal a ses limites. Donc, les dons élevés sont considérés comme du capital.

Alors, il y a deux catégories différentes de donateurs. Il y a probablement très peu de donateurs qui font des dons des deux types. Si vous deviez choisir entre une mesure conçue pour encourager un bien plus grand nombre de Canadiens à donner des sommes plus modestes - c'est-à-dire élargir l'assiette des donateurs moins privilégiés - et une autre qui permettrait aux riches donateurs de faire des dons encore plus généreux - même s'ils sont moins nombreux - , laquelle est-ce que vous privilégieriez? Les deux coûtent quelque chose. Laquelle bénéficiera le plus à la société à long terme?

M. Hislop: Je crois que personne dans le milieu des oeuvres de charité n'appréciera une telle alternative, car on vise les deux types de donateurs. On tient à avoir une base de bienfaiteurs qui ont pris l'habitude de donner régulièrement de petits montants et qui continueront de le faire longtemps.

M. St. Denis: Et vous espérez qu'ils s'enrichiront pour vous faire un jour des dons plus généreux.

M. Hislop: Effectivement et qui nous laisseront un important legs. C'est ce qui arrive généralement aux organismes caritatifs. Les bienfaiteurs commencent par de petits dons et s'ils continuent à encourager l'organisme pour des raisons personnelles par exemple, ils ont tendance à donner de plus en plus, à la mesure de leurs moyens.

Alors, vous me demandez de choisir, mais j'espère ne jamais avoir à faire ce choix. C'est comparable à la situation dans laquelle vous vous trouvez quand vous essayez de préparer un budget.

M. St. Denis: Dans un sens, la question est très vague, n'est-ce pas?

M. Hislop: Ce n'est pas une question facile.

Du point de vue de mon travail à l'université, on est sur le point de créer des fondations de la Couronne pour les deux universités de la province, ce qui permet d'augmenter considérablement le crédit d'impôt. Les deux institutions seront donc susceptibles d'attirer des dons très importants. Pour le moment, je dirais que nous visons plutôt cette catégorie de donateurs dans l'espoir de recevoir des dons plus élevés. Nous avons d'ailleurs examiné la question de savoir si, à long terme, les organismes qui avaient le statut de fondation de la Couronne étaient vraiment avantagés.

C'est une question difficile. Je crois que de nombreux organismes de charité commencent avec, à la base, une foule de petits donateurs; ensuite ils se mettent en quête de donateurs plus riches. Ils espèrent un effet boule de neige avec le temps et c'est pourquoi ils visent les deux catégories.

M. St. Denis: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur St. Denis.

Puis-je vous poser rapidement une petite question, madame Anderson? Vous êtes de la Saskatchewan. Nous avons diminué les subventions à l'agriculture et l'agro-alimentaire au Canada d'environ 445 millions de dollars en trois ans de 1995 à 1998. Cela équivaut à une baisse de 20 p. 100. De combien peut-on encore comprimer ces subventions l'année suivante, en vue de réduire le déficit? Si, pour atteindre les objectifs que vous suggérez, nous recommandions de diminuer de 200 millions de dollars encore les subventions au secteur du grain, la population de la Saskatchewan nous appuierait-elle?

.1640

Mme Anderson: Ce que je disais tout à l'heure...

Le président: Ne...

Oui ou non?

Mme Anderson: Ce que vous faites d'un programme en particulier dépend du reste du budget. Je soupçonne que - et je crois que c'est de notoriété publique à Ottawa même si les gens ici n'en parlent pas - la situation économique de la Saskatchewan lui permettrait de prendre en charge certaines des subventions qui étaient versées avant par le fédéral. Je pense que la réponse à votre question ne saurait être générale et je crois que vous la connaissez.

Il ne s'agit pas de savoir si toute la population de la Saskatchewan vous approuverait, n'est-ce pas? Il faut s'en tenir à ce qui est du domaine du possible; or, il est possible que le secteur de l'agriculture en Saskatchewan subisse de nouvelles réductions de ses subventions fédérales. S'il veut recevoir autant d'argent qu'avant, il devra se tourner vers le gouvernement provincial. C'est pareil pour tous les paiements de transfert et si les gens ne s'en sont pas encore rendu compte, l'une de vos fonctions consiste à le leur expliquer, n'est-ce pas?

Le président: Merci, madame Anderson.

[Français]

Monsieur Brien, c'est votre faute si nous avons abordé cette question.

[Traduction]

Cette réunion sera très mémorable pour moi.

Monsieur Buckwold, vous avez parlé d'abondance sur la nécessité de faire baisser les taux d'intérêt et donc d'avoir un budget équilibré, mais vous nous avez aussi parlé de paperasseries inutiles dans certains secteurs, de frais bureaucratiques qui grèvent le budget du système et de l'entreprise privée. Si vous nous en fournissez des exemples précis, nous tenterons de les étudier et de corriger la situation, car tout le monde y perd pour le moment et les économies qu'on pourrait réaliser sont essentielles.

Monsieur Hislop, nous sommes d'accord avec vous et c'est pourquoi nous avons lancer l'idée de cette recherche. Ainsi, dans notre rapport de l'an dernier, nous avons dit qu'il fallait faire une étude approfondie des organismes caritatifs et des moyens de les encourager. Comme les gouvernements effectuent des compressions, ils ont l'obligation d'encourager les particuliers à donner, de permettre au secteur privé de faire plus. Nous vous remercions de votre initiative. J'espère que vous trouverez notre rapport constructif.

Madame Anderson, nous avons eu beaucoup de plaisir à discuter avec vous. Vous êtes quelqu'un d'énergique qui sait s'exprimer. Vous avez bien plaidé votre cause. Je comprends pourquoi vous étiez - si vous ne l'êtes plus - un professeur très respecté.

En ce qui concerne l'industrie du grain, elle a été très durement touchée. Je n'aurais jamais cru qu'un gouvernement libéral imposerait l'abolition de la subvention du Nid-de-Corbeau dont vous profitiez presque depuis le début du siècle. Jamais je n'avais pensé que le climat politique ou les circonstances seraient telles un jour que l'on prendrait cette décision. Je dois néanmoins féliciter les gens de l'Ouest pour la manière dont ils ont réagi et dont ils relèvent le défi.

Dieu merci, les prix du grain sont intéressants. Ils le resteront certainement tant que les Libéraux seront au pouvoir à Ottawa...

Des voix: Oh, oh!

Une voix: Allez le dire aux banquiers.

Le président: ...mais nous vous tirons notre chapeau pour la façon dont l'industrie a réagi et nous avons hâte de travailler avec vous d'une manière constructive.

Quant à vous, Pauline Molder, je crois que la taxe Tobin pourrait marcher à condition que tous les pays du monde, y compris le Luxembourg, l'adopte. Par conséquent, il faut trouver d'autres moyens de récupérer cet argent et de faire cesser la spéculation internationale nuisible. Ça ne diminue en rien l'importance du bénévolat que vous représentez et des ONG qui font un travail incroyable au Canada et dans le monde entier.

Je crois qu'on détiendra une partie de la solution quand on aura trouvé des moyens de vous permettre de faire plus, pas nécessairement avec plus, et - sans dénigrer vos efforts - de recruter bien plus de monde pour travailler dans vos organisations parce que, d'après mon expérience personnelle, vous faites un travail extraordinaire dans certains secteurs.

En mémoire de ceux qui nous ont quittés, je dois dire qu'ils ont fait un excellent exposé au nom des premières nations.

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Au nom des membres du comité, je veux vous remercier tous d'avoir pris le temps de venir passer l'après-midi avec nous pour nous mettre au courant de ce qui se passe.

J'aime énormément la Saskatchewan. Mon père et ma mère y sont nés et je devrai leur faire un rapport de mon séjour, leur dire que j'ai été respectueux, que j'ai su me tenir, et que je me suis bien amusé à rencontrer tous ces gens auxquels ils viennent encore souvent rendre visite.

Messieurs et madame les députés de tous les partis ont apprécié vos excellents exposés. Merci.

Nous reprendrons nos travaux à 9 heures, demain, à Calgary. La séance est levée.

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