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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 30 novembre 1995

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[Traduction]

Le vice-président (M. Campbell): Bonjour. Bienvenue à cette première séance matinale du Comité des finances au Nouveau-Brunswick. Ces audiences s'inscrivent dans le cadre des consultations prébudgétaires que nous tenons cette semaine dans tout le Canada. Une moitié du comité se trouve dans l'Ouest et l'autre moitié est ici ce matin. Tous les partis de la Chambre des communes sont représentés.

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Nous allons avoir trois tables rondes aujourd'hui à Fredericton. La procédure est relativement simple. Nous commençons par les observations préliminaires que l'on vous a demandé de limiter à quatre ou cinq minutes. Nous ne nous montrons pas intransigeants à cet égard, mais nous souhaitons que les membres du groupe aient amplement le temps de discuter entre eux et que les députés ici présents aujourd'hui puissent poser des questions. Je vous demande par conséquent de vous efforcer de respecter cette règle et de limiter votre introduction aux points essentiels dont vous voulez nous faire part et aux réponses aux questions qui vous ont été envoyées dans le but d'alimenter la discussion.

Je l'ai dit, c'est ainsi que nous allons commencer, avant de passer à la discussion entre nous, puis aux questions des députés. Nous procéderons dans l'ordre où vous vous trouvez assis. Deux ou trois des témoins qui doivent se joindre à nous ne sont pas encore arrivés. Je suis sûr qu'ils ne vont pas tarder, et ils pourront prendre leur place même si nous avons commencé.

Permettez-moi de faire un tour de table et de vous présenter. De la New Brunswick Federation of Agriculture Inc., nous recevons le vice-président, Martin van Oord. Paul Daigle est venu représenter la Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique. Du Human Development Council, nous accueillons Cathy Wright et Randall Hatfield; de la New Brunswick Forest Products Association, Maxwell Cater; de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick, John Murphy; et de la Coalition de Moncton pour la justice économique et sociale, Everett Ferguson. Je vous souhaite la bienvenue à tous.

La parole est à M. van Oord.

M. Martin van Oord (vice-président, New Brunswick Federation of Agriculture Inc.): Je vous remercie de l'occasion que vous nous donnez de nous exprimer aujourd'hui. Nous espérons que ces audiences s'avéreront fructueuses, et que les organismes représentés aujourd'hui et ceux que vous aurez l'occasion d'entendre feront des contributions utiles. Nous souhaitons que cela vous aide à élaborer un budget bien construit.

Nous savons que dès qu'on parle de budgets, il est question de la réduction du déficit. L'industrie agricole est tout à fait au courant de la situation financière, et nous sommes prêts à faire notre juste part. Toutefois, permettez-moi de dire d'emblée que nous pensons avoir été doublement touchés l'année dernière. Même si le ministre Goodale nous a expliqué à Ottawa, le soir du budget, que les compressions qui nous concernaient n'étaient que de 19 p. 100, ses calculs ne tenaient pas compte des coupures dans les aux programmes de transport intéressant les exploitants agricoles - je veux parler de la LTGO et du Programme d'assistance au transport des céréales fourragères. Quand on les prend en considération, et elles devraient l'être car elles affectent l'agriculture, les réductions montent à plus de 40 p. 100. C'est en partie dans ce contexte que se situe notre présentation d'aujourd'hui.

Nous encourageons aussi vivement le gouvernement à tenir compte des conséquences à long terme de ses initiatives budgétaires. Vous comprendrez, je l'espère, que l'appui accordé à l'agriculture est un investissement nécessaire dans une industrie essentielle et dans un avenir prometteur. Il ne s'agit pas d'une simple dépense ordinaire qui ne rapporte rien.

Je souhaiterais pouvoir aborder certaines questions, notamment le recouvrement des coûts. Le recouvrement des coûts en tant que tel ne pose pas vraiment de problème à notre industrie; toutefois, si les prestataires de services publics peuvent poursuivre une politique de recouvrement des coûts, il faut que les producteurs agricoles soient, eux aussi, autorisés à le faire. Autrement, les termes de l'équation ne pourront jamais s'équilibrer. Advenant que notre industrie accepte le recouvrement des coûts comme une mesure budgétaire réaliste, le gouvernement va-t-il s'engager à nous autoriser à récupérer nos propres coûts?

Il ne faut pas oublier que des études récentes montrent qu'au Canada, le panier d'épicerie est le moins cher du monde proportionnellement au revenu familial. Et qui contribue à cela? La situation ne pourra pas perdurer si l'on s'en remet de plus en plus aux agriculteurs pour soutenir une politique alimentaire axée sur le bas prix des denrées.

La privatisation pourrait effectivement s'avérer bénéfique si l'on permettait le libre jeu des forces du marché. Il faut toutefois que le gouvernement joue un rôle en matière de réglementation et d'inspection dans les domaines qui influent directement sur la qualité et la sécurité des produits alimentaires. Les normes très élevées que nous appliquons à cet égard sont des atouts sur la scène nationale et internationale, et le seront encore plus à l'avenir du fait de l'expansion de nos marchés internationaux. Nous devons également préserver notre capacité de recherche si nous voulons rester compétitifs. D'une façon générale, la recherche est mieux servie par le gouvernement que par le secteur privé, plus préoccupé par le profit.

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Dans d'autres branches d'activité, on souhaiterait des privatisations et, si possible, une déréglementation pour générer de nouvelles perspectives d'emploi dans un secteur privé concurrentiel.

J'aimerais aborder la question du niveau de service. Il ne fait aucun doute que les fortes compressions que l'on a infligées récemment au milieu agricole lui font beaucoup de tort. Les niveaux de service d'Agriculture Canada ont tellement baissé au Nouveau-Brunswick qu'ils sont pratiquement réduits à rien. Que ce soit à dessein ou par malchance, la bureaucratie fédérale s'est montrée insupportablement apathique ou lente quand il a fallu régler des questions cruciales comme les ajustements de l'aide au transport des aliments de bétail et la mise en place d'un filet de protection sociale pour les agriculteurs.

Les exploitants et les organismes agricoles ont manifestement fait leur part dans ces domaines en montrant qu'ils souhaitaient être d'honnêtes partenaires. Est-ce là le type de partenariat souhaité ou les déclarations gouvernementales ne sont-elles que des envolées rhétoriques?

En conclusion, l'existence d'une industrie agricole viable est considérée, dans de nombreuses régions du monde, comme une question de sécurité nationale. Il ne fait aucun doute que la demande de denrées alimentaires au Canada et à l'étranger continuera de croître. Il s'agit d'une riche ressource naturelle et humaine. Notre pays a l'occasion de jouer un rôle de premier plan dans l'une des industries les plus importantes du monde.

Le moment serait mal choisi pour détruire l'agriculture canadienne. En collaborant, nous pouvons faire les ajustements nécessaires et atteindre les objectifs de réduction du déficit, puis aller de l'avant. L'essentiel est qu'on nous permette de vous aider à prendre les décisions importantes. Dans cet esprit, nous resterons à votre disposition pour participer aux consultations de fond, et nous souhaitons travailler avec le gouvernement à la réalisation d'objectifs communs.

Merci.

Le vice-président (M. Campbell): Je vous remercie, monsieur van Oord.

La parole est à M. Daigle.

M. Paul Daigle (président et directeur général, Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique): Merci, monsieur le président.

Messieurs les membres du comité, mesdames, je suis très heureux d'être parmi vous. J'aimerais vous présenter l'organisme que je dirige. La Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique est un organisme qui chapeaute quatre chambres de commerce provinciales et 125 chambres de commerce et chambres des métiers de toute la région de l'Atlantique, et qui représente quelque17 000 hommes d'affaires et membres des professions indépendantes. Il s'agit de l'organisme le plus important et le plus représentatif du milieu des affaires dans tout le Canada Atlantique.

Nous sommes heureux de l'occasion qui nous est donnée de participer à ces discussions, et nous félicitons le gouvernement fédéral de poursuivre ses consultations prébudgétaires. Il est important que les Canadiens aient la possibilité d'intervenir dans les décisions qui les concernent, mais seulement s'ils sont entendus.

Quand notre comité des politiques a fait la revue de l'ordre du jour de ces audiences et du mémoire soumis par la CCPA l'année dernière, ses membres ont unanimement exprimé leur frustration et leur déception devant le manque apparent d'initiatives de la part du gouvernement fédéral et sa lenteur à mettre en route la réforme. L'organisation de ces audiences est une bonne initiative, mais le gouvernement se doit de montrer qu'il est à l'écoute en posant des actes concrets dans les domaines les plus importants. Selon nous, le gouvernement se dérobe, particulièrement en ce qui a trait au développement économique et à la création d'emplois.

Dans nos exposés de l'année dernière, nous avions exprimé les inquiétudes du monde des affaires à plusieurs égards: objectif en matière de réduction du déficit que nous jugions trop minime; nécessité d'aiguiller les recettes gouvernementales non distribuées sur la restructuration et la redéfinition du gouvernement, pour aider ceux qui, dans les régions, sont le plus touchés par les compressions; nécessité, pour le gouvernement, d'abandonner le champ des services directs partout où cela est possible; partenariat plus efficace entre le gouvernement et les organismes d'affaires privés dans le domaine de la collecte et de la diffusion de l'information, ainsi qu'en ce qui concerne les projets et les services, en général; nécessité d'une approche coordonnée pour compenser l'effet combiné de tous les changements envisagés aux programmes et aux politiques fédérales qui touchent notre région; utilité d'une approche pondérée de la rationalisation et des réductions, qui tienne compte des handicaps régionaux; nécessité de réorienter les maigres ressources et de cibler le développement régional pour faciliter la transition vers une économie totalement nouvelle; obligation, pour le gouvernement fédéral, de résister à la tentation de résoudre les problèmes de la dette et du déficit par des hausses d'impôts.

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Nous restons inquiets et nous formulons plusieurs autres recommandations qui sont aussi valables aujourd'hui qu'elles l'étaient l'année dernière, ou même l'année précédente, lorsque nous les avons présentées pour la première fois.

Nous reconnaissons qu'il y a eu des progrès dans quelques secteurs, mais cela est loin d'être suffisant pour sortir le pays de la situation catastrophique dans laquelle il se trouve.

En ce qui a trait à la réduction de la dette et du déficit, une enquête nationale auprès des membres des chambres de commerce a montré que 85 p. 100 des répondants étaient déçus à cause de l'absence d'objectifs précis à propos de la résorption du déficit. Nous jugeons qu'il est très regrettable que le gouvernement n'ait pas fixé d'objectifs plus ambitieux. Quand on considère l'ampleur de la dette fédérale et le coût annuel du service de cette dette, qui accapare plus du tiers de nos recettes totales, cela en devient ridicule.

Nous proposons que l'on fixe des objectifs fermes et que l'on vise la suppression du déficit en trois ans. Qu'on le réduise à 25 milliards de dollars, à 15 milliards de dollars puis à zéro. Ramenons le déficit à zéro afin de pouvoir à nouveau faire s'épanouir une saine économie.

À propos de la tendance en faveur d'une solution fiscale, nous rappelons au comité la déclaration faite en juin 1993 par le sous-ministre des Finances, et je cite:

Nous devons nous rappeler qui sont nos concurrents. La compétition vient principalement des États-Unis où le taux d'imposition est de 10 p. 100 inférieur au nôtre par rapport au PIB.

En conclusion, nous pensons qu'il n'y a tout simplement pas place pour de nouvelles augmentations d'impôt. Par conséquent, la suppression du déficit et la réduction progressive de la dette devront venir principalement de compressions, des quelques possibilités de recettes non fiscales, et de l'éventuelle croissance de l'économie. Nous maintenons que cette croissance économique restera probablement minime à court terme.

L'année dernière, la CCPA a fait valoir qu'une part de nos maigres ressources devrait être consacrée au développement régional, en partant du point de vue que les économies robustes sont des économies équilibrées, et que chaque dollar investi par le gouvernement fédéral dans le développement économique régional génère 1,90 $ de recettes dans les cinq premières années. Des études ont montré que des dépenses de 1,3 milliard de dollars - fédérales et provinciales combinées, sur 10 ans - ont entraîné une augmentation du PIB de 7,8 milliards de dollars. C'est-à-dire que l'investissement a été multiplié par 5,8.

Le vice-président (M. Campbell): Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Daigle, avant que vous en arriviez à ce qui, j'espère, sera votre conclusion au sujet du développement économique, mais vous avez dit sans ambages que votre organisme était en faveur de l'élimination rapide du déficit, sans recourir à des augmentations d'impôts. Vous avez toutefois négligé de nous dire comment y parvenir en l'absence de mesures destinées à accroître les recettes. Auriez-vous l'obligeance de vous expliquer?

M. Daigle: Le gouvernement fédéral investit actuellement quelque 16 milliards de dollars par an dans l'économie de la région de l'Atlantique, une économie dont le PIB s'élève à 39,4 milliards de dollars. Moins de 3 p. 100 de ces deniers sont affectés au développement régional. C'est moins de3 p. 100, même quand le rendement des dollars investis dans le développement régional, même dans une économie...

Le vice-président (M. Campbell): Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Daigle, vous ne répondez pas à la question que je pensais vous avoir posée. Vous avez commencé à décrire les avantages du développement économique et de la réaffectation des maigres ressources - c'est l'expression que vous avez employée - mais pendant les cinq premières minutes, vous avez uniquement parlé de réduire le niveau du déficit de 3 p. 100 - c'est-à-dire 25 milliards de dollars - à zéro en trois ans. J'aimerais que vous nous disiez, au nom de votre organisme, comment vous parviendrez à zéro en trois ans sans augmenter les impôts.

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M. Daigle: L'année dernière, comme beaucoup d'autres, nous avons formulé des recommandations et conseillé fortement au gouvernement fédéral d'envisager la restructuration et la redéfinition de ses activités et l'amélioration de son efficacité grâce à des partenariats avec le secteur privé et les organismes du secteur privé. Selon nous, le gouvernement n'a pas pris de véritables initiatives en ce sens.

Le vice-président (M. Campbell): Votre organisme a-t-il effectué des recherches ou est-il en possession de statistiques qui montreraient quelles économies il en découlerait?

M. Daigle: Nous n'avons pas de statistiques sur les économies que cela entraînerait. Mais quand on observe ce qui s'est produit dans les organismes du secteur privé qui ont entrepris des restructurations et des réorganisations fondamentales, on s'aperçoit, je pense, que l'on peut réaliser des gains en efficacité beaucoup plus importants qu'on croit. Non seulement cela, on crée ainsi un gouvernement capable de soutenir le développement économique d'une façon beaucoup plus positive que ce n'est le cas actuellement.

Le vice-président (M. Campbell): Veuillez poursuivre, s'il vous plaît. Vous avez fixé un objectif très ambitieux: réduire le déficit à zéro en trois ans, mais vous n'avez formulé que de vagues concepts à propos de la façon dont on pourrait faire les économies nécessaires, si ce n'est qu'il ne faudrait pas augmenter les impôts. Peut-être allez-vous développer vos idées au cours des deux ou trois minutes qu'il vous reste.

M. Daigle: Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le président, s'il s'agit de chiffres irréalistes, nous aimerions savoir quel objectif propose le gouvernement.

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur, je n'ai pas dit qu'il s'agissait de chiffres irréalistes. Ce sont les chiffres que vous avancez et je vous demande simplement comment vous envisagez atteindre cet objectif. C'est le genre d'information que nous aimerions avoir avant de rentrer à Ottawa.

M. Daigle: Je vais vous laisser un exemplaire de notre mémoire de l'année dernière, dans lequel vous trouverez environ 16 pages de suggestions.

Le vice-président (M. Campbell): Merci. Pourriez-vous conclure?

M. Daigle: Vous avez fait allusion, dans votre deuxième question, à un des domaines auxquels il nous paraît extrêmement important de s'attaquer. Comment peut-on utiliser les mesures budgétaires pour créer un environnement favorable à l'emploi et à la croissance? Nous pensons aujourd'hui qu'il faut commencer par définir ce qui constitue un tel environnement dans une économie qui connaît des changements aussi importants que la nôtre. Nous devons reconnaître qu'il existe dans la région de l'Atlantique une économie régionale et agir en conséquence, et non envisager cette économie comme une partie de l'économie nationale ou comme quatre économies provinciales. Cela exige que l'on adopte une nouvelle façon de penser, de nouvelles stratégies, des structures, des organismes, des institutions et une vision du Canada tout à fait différents.

L'économie de la région de l'Atlantique exige une approche globale. Il faut repenser la façon dont nous planifions et dont nous organisons notre économie régionale pour parvenir à une plus grande prospérité. Il nous faut une nouvelle vision audacieuse. La tendance est de continuer à traiter les régions du pays comme si elles faisaient toujours partie de la vieille économie nationale. Par exemple, le rôle attribué au développement économique régional dans la région de l'Atlantique est défini ainsi:

Nous considérons qu'il s'agit d'une perspective plutôt réactionnaire, quelque peu étroite et négative. Elle ne reconnaît pas l'existence d'une économie régionale et ne correspond pas à une approche régionale.

Nous préférerions un objectif beaucoup plus audacieux et visionnaire reconnaissant l'existence d'une économie régionale. Il pourrait s'agir, par exemple, de créer dans les provinces de l'Atlantique une économie de niveau mondial avant une certaine date; ou de trouver le moyen de faire passer notre commerce d'exportation de 21 p. 100 du PIB à un pourcentage qui se rapproche plus de la moyenne nationale. Comment améliorer la productivité dans le Canada Atlantique pour qu'il se rapproche de la moyenne nationale, sachant que le niveau de productivité national doit également augmenter?

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Daigle, je voudrais vous demander de réserver le reste de votre présentation pour un peu plus tard, quand vous aurez à nouveau la parole, car vous avez déjà beaucoup dépassé le temps qui vous était alloué pour votre introduction et je veux donner aux autres l'occasion de s'exprimer.

C'est donc au tour de Mme Wright et de M. Hatfield.

Mme Cathy Wright (directrice générale, Human Development Council): Merci. Nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de formuler quelques commentaires devant vous aujourd'hui. Bien que nous ne prétendions pas être des experts en la matière, nous espérons que nos observations vous seront utiles.

Notre organisme est un conseil de planification sociale. Nous assurons la promotion et la coordination du développement social à Saint John et dans les environs. C'est, bien sûr, la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.

Je pense qu'il est très important de reconnaître que la tâche à laquelle fait face le comité est non seulement difficile, mais aussi d'importance capitale puisqu'il s'agit de fixer l'orientation que va suivre le pays à l'avenir.

Comme je l'ai dit, les questions ne sont pas véritablement de notre domaine de connaissances, mais nous nous proposons de formuler le cadre ou le contexte dans lequel des coupures radicales sont envisagées et sont actuellement effectuées.

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En tant qu'organisme, nous savons de quoi on parle lorsqu'il s'agit de coupures. Ce que l'on encaisse détermine ce que l'on dépense. Nous avons eu à faire face à des coupures au cours des quelques dernières années. De fait, il nous a fallu trouver des solutions créatrices pour nous en tirer.

Tout récemment, nous avons dû instaurer la semaine de quatre jours pour tout le personnel qui travaillait à temps plein auparavant. Cela nous a permis d'éviter de licencier une personne. Plusieurs groupes de travail du gouvernement fédéral se sont penchés sur le monde du travail et sur les changements qui pourraient être introduits.

Manifestement, une des colonnes du grand livre est la celle des recettes - autrement dit, de l'impôt. On constate qu'il existe une volonté politique favorable à la réduction du déficit, mais que ce n'est pas le cas si l'on parle d'accroître les recettes. On ne devrait pourtant pas ignorer ce moyen de parvenir au résultat escompté d'une manière équitable et équilibrée.

Vous avez entendu, dans tout le Canada, des gens qui s'y connaissent mieux que nous. Ils ont recommandé des mesures comme la réduction du plafond des REER à 8 000 $ et l'établissement d'un droit de succession de 5 p. 100. Le Canada est l'un des trois pays de l'OCDE à ne pas imposer de droit de succession. Ces deux mesures pourraient engendrer des économies se chiffrant, au minimum, à 4 ou 5 milliards de dollars par an.

On pourrait faire plus que se contenter de retoucher le système fiscal, et chercher véritablement à répartir plus équitablement le fardeau que constitue la réduction du déficit. Je crois que les Canadiens sont prêts à collaborer à cet effort, mais nous devons faire en sorte que la répartition est équitable.

On a pu entendre récemment à l'émission Ideas du réseau anglais de la SRC quelqu'un qui partait d'un point de vue diamétralement opposé et qui parlait de donner la responsabilité aux banques, de supprimer toutes les taxes de vente et de les remplacer par une taxe d'un quart de un pour cent sur toutes les sommes retirées des banques. Il existe donc une grande diversité d'idées et de perspectives sur le recours équitable et équilibré au système fiscal.

L'autre colonne du grand livre - les coupures - est devenue le sujet principal de préoccupation dans tout le pays. D'après les médias, la situation n'est pas rose et l'on craint très fortement pour l'avenir du pays. Nous aimerions attirer votre attention sur le fait que si des coupures doivent être faites sur une base continue, il y aura des conséquences à court terme et à long terme que le comité ne doit pas ignorer.

Les coupures qui ont des effets à long terme pourraient aller si loin et s'avérer si radicales qu'elles nous priveront de nos ressources humaines. Selon moi, on considère l'argent beaucoup plus comme un facteur d'unité et quelque chose qui nous stimule que comme une des ressources de notre population et de nos collectivités. Si nous ne donnons pas aux gens les outils qu'il leur faut pour devenir autonomes, nous ne pourrons pas parvenir à l'intégration sociale et économique dont le pays a besoin.

Un grand nombre des outils en question font partie du régime d'assistance publique du Canada et vont se retrouver dans l'enveloppe des TCSPS. Il s'agit d'une enveloppe budgétaire que l'on prévoit réduire régulièrement pendant les prochaines années sans que l'on ait mesuré les conséquences pour notre pays, tant sur le plan économique que social.

Localement, grâce à une étude récente des besoins des familles, nous avons découvert qu'elles sont énormément préoccupées par l'emploi et les perspectives d'éducation qui s'ouvrent aux parents et à leurs enfants. Les gens voudraient des programmes pour les adolescents, et ressentent une grande insécurité et incertitude face à l'avenir. Le nombre des personnes qui sont touchées continue de grandir; tel est l'environnement dans lequel nous nous trouvons.

Pour terminer - je suis sûre que j'aurai l'occasion de répondre à d'autres questions - j'aimerais faire un parallèle entre la façon dont le pays s'est attaqué au problème de l'analphabétisme et la façon dont on pourrait - si l'on fait preuve d'autant de perspicacité et d'enthousiasme - envisager l'économie et trouver le moyen de donner aux gens les outils qui assureront leur indépendance économique.

On a fini par reconnaître que l'analphabétisme était un problème sérieux, qui coûtait cher au pays et qui avait de sérieuses conséquences économiques pour tous. C'est devenu un problème préoccupant, et une volonté politique a fini par se manifester. Le monde des affaires a eu une grande influence sur l'émergence de cette volonté politique, tout comme l'élan communautaire.

Nous avons cessé de blâmer les individus concernés et établi des partenariats avec le monde des affaires, le monde du travail, le gouvernement, les enseignants, les associations communautaires et avec les analphabètes eux-mêmes. Le gouvernement fédéral a joué un rôle déterminant à cet égard, un rôle directeur qui a eu une influence significative sur l'attitude adoptée par les provinces. Le Nouveau-Brunswick offre un exemple typique. L'image véhiculée par les médias était positive et centrée sur des réussites et des exemples à suivre, ce qui n'est pas du tout ce que l'on fait à propos du problème qui nous occupe actuellement. Tout le pays avait un objectif commun: une société mieux instruite.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Campbell): Merci. Vous avez soulevé plusieurs questions; je suis sûr qu'il y en a qui souhaiteront intervenir. Le comité a particulièrement apprécié les idées précises que vous avez formulées au sujet des recettes fiscales. Vous avez fait allusion au droit de succession. Il nous faudra en discuter ainsi que des autres suggestions précises que vous avez faites au sujet de ce terme de l'équation. Je pense que vous avez fait le lien avec ce qu'a dit le témoin assis à votre droite, et nous aurons donc la possibilité d'examiner des questions d'importance critique pour nos délibérations.

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La parole est à M. Cater.

M. Maxwell Cater (directeur général, New Brunswick Forest Products Association): Bonjour. Je tiens à remercier ceux qui ont décidé de m'inviter à nouveau cette année à participer à ces discussions.

En bref, la New Brunswick Forest Products Association est un organisme qui regroupe les usines de pâtes et papiers du Nouveau-Brunswick et les producteurs de près de 80 p. 100 du bois débité. Les membres de l'association expédient du Nouveau-Brunswick des marchandises chiffrées à quelque 2,5 milliards de dollars. Nous sommes le principal employeur industriel au Nouveau-Brunswick et l'un des plus importants créateurs d'emplois. Notre industrie est très cyclique, et nous tentons de nous prémunir contre la prochaine récession.

Avant la réunion de l'année dernière à Moncton, nous avions reçu toute une documentation sur la fâcheuse posture dans laquelle nous nous trouvions sur le plan des recettes et des dépenses. Cette année, je ne sais pas vraiment ce qui s'est produit au cours des 12 mois qui se sont écoulés depuis la rencontre de Moncton. Les efforts qui ont été faits au cours des 12 derniers mois pour réduire le déficit ont soulevé un bon nombre de questions.

Par exemple: Sommes-nous en voie d'atteindre les objectifs? Quel est, à l'heure actuelle, le pourcentage de nos recettes affecté au service de notre déficit? Les priorités ont-elles été respectées? Ne devrait-on pas adopter une approche plus dynamique à l'égard de la réduction du déficit et de la dette, comme le souhaite M. Daigle? Est-on en train d'éliminer ce qui fait double emploi au sein du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux? Favorise-t-on l'expansion des affaires en créant un climat plus favorable aux investissements? Ces questions ont été abordées l'année dernière et des recommandations avaient été formulées. Leur donne-t-on suite?

Je ne trouve pas qu'il y a eu beaucoup de transparence au cours des 12 derniers mois. C'est mon opinion personnelle et j'essaie pourtant de me tenir au courant. Hier soir, en regardant la présentation du mini-budget de l'Ontario, un grand nombre de ces questions me sont revenues. J'ai appris hier en soir, en regardant les diverses émissions, qu'en Colombie-Britannique, par exemple, 4 p. 100 des recettes étaient consacrées au service du déficit. En Alberta, c'est 5 p. 100; en Ontario, c'est un désastreux 19 p. 100. Quant au fédéral, plus de 30 p. 100 vont au service du déficit.

Vous cherchez à savoir comment on pourrait aller plus loin, si l'on part du principe que les choses se sont améliorées au cours des 12 derniers mois. Pour commencer, nous devons continuer à nous intéresser aux taux d'intérêts et créer un climat favorable à la baisse de ces taux, que ce soit en réglant nos problèmes d'unité nationale ou autrement. Mais dans l'industrie que je représente, quelques points de pourcentage peuvent être déterminants pour une entreprise et assurer sa survie ou l'obliger à fermer ses portes.

Personnellement, je n'ai pas vu beaucoup de signes de frugalité. Cela n'a pas l'air d'intéresser grand monde mais, monsieur le président, s'il existe un problème à votre niveau ou au Nouveau-Brunswick, c'est bien celui de la frugalité. Au Nouveau-Brunswick, c'est la deuxième fois qu'on s'apprête à réduire le personnel pendant la période des fêtes, au grand chagrin des personnes mises à pied et qui ne seront pas rémunérées. Si vous avez un problème domestique et que vos finances sont en piteux état, il faut vous montrer très frugal; ce n'est pas l'attitude que l'on semble avoir adoptée dans le système fédéral.

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Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Cater, vu qu'il ne vous reste que très peu de temps, j'aimerais vous mentionner brièvement une publication du ministère des Finances qui s'appelle La revue financière, dans laquelle vous trouverez la réponse à un grand nombre de vos questions. Le dernier numéro que je possède remonte à septembre 1995. On y fait le point de la situation et, après l'avoir lue, vous n'aurez plus le sentiment d'être laissé dans l'ignorance. Le ministre indique clairement qu'il considère que l'orientation formulée dans le budget de l'année dernière est respectée.

Quant à savoir si l'on devrait aller plus loin, c'est ce dont nous sommes venus discuter ici. Vous avez soulevé la question, et c'est effectivement celle que nous posons aux témoins; et comment nous devrions nous y prendre, le cas échéant.

Quant à la frugalité dont vous venez de parler, nous avons avec nous aujourd'hui des représentants du monde du travail et ils ont peut-être une réponse. Si vous venez dans la région d'Ottawa-Hull, vous pourrez voir quelles conséquences ont eu les initiatives découlant du budget de l'année dernière, comme la suppression d'emplois dans la fonction publique et d'autres mesures prises sur la colline et ailleurs. Vous avez mentionné les mesures budgétaires annoncées par l'Ontario hier, qui reflètent aussi ce qui -

M. Cater: Par frugalité, je n'entendais pas licenciements. Vous ne mettez pas à la porte la moitié de vos enfants parce que vous avez un découvert bancaire. Il vous faut trouver une autre façon de procéder.

Le vice-président (M. Campbell): Si vous avez des suggestions précises à faire, nous vous en serions reconnaissants.

M. Cater: Il faut créer un climat plus propice à la création d'emplois. Il n'est pas réaliste de licencier 45 000 fonctionnaires et espérer économiser énormément d'argent, car il faut que les gens travaillent pour contribuer au système.

Le vice-président (M. Campbell): Je vais vous laisser conclure et j'espère que vous nous ferez part, lors de notre discussion, des mesures précises que vous nous recommandez d'adopter pour faire preuve de frugalité.

M. Cater: Merci.

Le vice-président (M. Campbell): Merci, monsieur Cater. Nous serons heureux d'en discuter.

Monsieur Murphy.

M. John Murphy (secrétaire général, Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick): Merci, monsieur le président et messieurs les membres du comité. Bienvenue au Nouveau-Brunswick. Je n'ai pas comparu devant votre comité l'année dernière quand vous êtes venus au Nouveau-Brunswick, mais notre fédération était représentée. Les membres du comité le savent parfaitement, il existe des divergences d'opinion extrêmes entre les intervenants qui comparaissent devant vous.

En ce qui concerne ce que vous avez fait l'année dernière, jusqu'où vous êtes allés, si oui ou non vous êtes allés suffisamment loin, ou si vous devriez aller encore plus loin, vous allez en entendre parler à nouveau cette année.

J'aimerais situer mes remarques liminaires en contexte et citer un article auquel il n'est guère agréable de faire allusion. Je suppose que si vous lisiez l'article en entier, vous en tireriez quelque chose d'autre, ou suggéreriez que, peut-être, ma citation est hors contexte.

Il s'agit d'un discours de David Olive, le rédacteur du magazine Report on Business du Globe and Mail. Il a fait ce discours le 24 octobre 1995 à Toronto, lors d'une conférence du Conference Board du Canada. C'est un discours tellement intéressant que notre organisme de tutelle, le Congrès du travail du Canada, l'a diffusé parmi ses membres. On y fait beaucoup de références au référendum québécois, du fait qu'il a été donné très près de la date du scrutin, mais M. Olive parle du Canada dans une perspective nationale et de la façon dont la population du Québec pourrait avoir de notre pays une vision nationale.

On trouve dans ce discours des observations intéressantes, particulièrement en ce qui concerne la façon dont nous faisons face au problème du déficit et de la dette, et en ce qui a trait à une vision nationale. Je vais vous lire deux ou trois arguments présentés dans ce discours, parce qu'ils sont importants lorsqu'on pense à l'avenir du pays en prenant en compte notre situation financière et notre situation économique. M. Olive déclare:

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Un grand nombre des représentants des milieux ouvriers et des groupes d'action sociale qui ont comparu devant vous l'année dernière vous ont souligné, je pense, que les mesures envisagées pour régler nos difficultés financières n'étaient pas de bon augure, et que l'on allait trop loin.

Si l'on décide de réexaminer les choses maintenant - ce que vous devez faire pour préparer le budget annuel - et s'il faut adopter une approche encore plus agressive vis-à-vis la dette et le déficit, comme le suggèrent certains, je pense qu'il va falloir se souvenir de ce qu'a déclaré ce journaliste, et ne pas oublier qu'il s'agit de quelqu'un qui est lié au milieu d'affaires, et non au mouvement ouvrier ni aux groupes d'action sociale du Canada.

Ses observations sont d'ailleurs reprises par d'autres. Le chroniqueur Dalton Camp, qui, comme la plupart d'entre vous le savent, occupe une position en vue au sein du parti Conservateur du Canada, rédige maintenant des chroniques dans plusieurs journaux, y compris le Telegraph-Journal. Il a, lui aussi, mentionné que ce serait une grave erreur de continuer à accuser les Canadiens ordinaires d'être responsables d'un problème auquel on s'attaque encore et toujours par le biais de réductions dans les programmes sociaux. Il est aussi d'avis que nous devrions réexaminer la question des recettes, et voir qui contribue, ou non, sa juste part.

Monsieur le président, je ne sais pas si vous étiez membre du comité l'année dernière, mais il y en a certainement parmi vous qui étiez là.

Le vice-président (M. Campbell): Nous nous ressemblons tous un peu, mais je me trouvais dans l'Ouest l'année dernière.

M. Murphy: Vous voulez dire que vous étiez membre du comité -

Le vice-président (M. Campbell): Nous en faisions tous partie.

M. Murphy: Que vous ayiez été parmi les membres du comité qui se sont rendus dans l'Ouest ou dans l'Est, de nombreux témoins ont parlé du budget subsidiaire. Je ne vais pas entrer dans les détails, dans le cadre de mes observations préliminaires, mais je tiens à vous suggérer, comme d'autres l'ont déjà fait, j'en suis sûr, d'examiner sérieusement les idées, les recommandations concrètes et les propositions qui se trouvent dans ce budget. Si cela a déjà été fait, les orientations prises par le gouvernement en matière de politiques ne le reflètent pas. Nous vous encourageons à procéder en ce sens et à examiner à nouveau ce budget subsidiaire.

Nous vous le transmettrons une fois mis à jour, et nous vous demandons de le prendre sérieusement en considération. Il existe bel et bien une crise de l'emploi qui va s'aggraver si l'on continue sans cesse à faire des coupures, et la situation du point de vue des recettes va également s'aggraver.

Il y a quelques jours, on pouvait lire dans le Telegraph-Journal, en gros titre, que 3 000 emplois étaient menacés. C'était à la suite d'un sondage effectué par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante auprès de ses membres du Nouveau-Brunswick, et l'on disait que cela faisait partie de leurs prévisions sur l'économie du Nouveau-Brunswick pour l'année qui vient, alors que, selon certains, cette économie est censée être solide.

Pourquoi freiner les dépenses de consommation en faisant des compressions dans le secteur public provincial? Les gens qui ont participé au sondage ne parlent pas du secteur public fédéral, où l'on a déjà fait des compressions et où l'on va en faire d'autres encore bien plus sévères que celles qu'on envisage à l'heure actuelle dans le secteur public provincial au Nouveau-Brunswick. Si les membres de la fédération font des prévisions aussi sombres pour 1996, c'est parce qu'ils ont constaté que les commandes provenant d'autres entreprises étaient moins importantes et que les cotisations salariales étaient plus élevées.

Les syndicats et d'autres groupes vous ont suggéré à maintes reprises d'examiner toutes les sources de recettes. Cela comprend, sans aucun doute, l'impôt sur le revenu des particuliers - et l'équité de ce système, ainsi que les allégements fiscaux dont les gens peuvent bénéficier. Cela comprend également la contribution fiscale des entreprises, notamment l'impôt sur les sociétés.

Cela m'agace au plus haut point que l'on ne cesse de souligner que nous ne luttons pas à armes égales avec nos partenaires commerciaux, particulièrement avec les États-Unis, alors qu'au Canada, nous ne faisons rien pour que les règles du jeu soient équitables en envisageant, par exemple, des mesures d'importance critique comme l'instauration d'un niveau minimum d'imposition pour les sociétés ou d'un droit de succession, comme l'a dit un des témoins qui m'a précédé. Cela générera des revenus. Ces dispositions existent dans d'autres pays, on l'a mentionné, et pourtant, vous ne faites pas entrer cela en ligne de compte. On ne considère pas sérieusement qu'il s'agit là de méthodes permettant de générer des revenus supplémentaires et de procéder avec une certaine équité pour réduire le déficit, ce que tout le monde accepte de faire, y compris nous. Dans le budget subsidiaire, on reconnaît également que cette question doit être réglée.

Parallèlement, il faut que nous prenions des dispositions pour protéger nos programmes sociaux. Cela tient de la même préoccupation qu'exprimait un conférencier qui s'adressait à des représentants du milieu des affaires et qui posait la question suivante: «Quelle vision avons-nous du Canada, sur le plan de notre objectif national? En avons-nous un?»

Je vous conseille d'obtenir une copie de ce discours et de le lire. Son auteur suggère que notre objectif national ne devrait pas être, tout simplement, de démanteler nos programmes sociaux et de laisser la situation aller à vau-l'eau.

.0850

C'est là-dessus que je conclus, monsieur le président, en attendant de participer à la discussion qui va suivre.

Le vice-président (M. Campbell): Merci. Il y a des questions auxquelles il va falloir répondre.

Étant donné que l'idée d'un droit de succession a été lancée par d'autres groupes et qu'un certain nombre de témoins y a fait allusion, et pour que nous ayons toutes les données en main avant d'en discuter, je souligne qu'il existe un impôt sur les gains en capital suite à un décès. C'est une forme de droit de succession. Ce ne serait pas juste de discuter de l'instauration d'un droit de succession sans prendre en compte le fait que cela existe déjà sous une certaine forme. Cette disposition vaut certainement la peine d'être discutée et prise en considération par nos témoins pour voir comment elle fonctionnait quand cela existait au Canada, quel genre de planification successorale cela favorisait et si, oui ou non, il s'agit d'un impôt qui nous permettrait de résoudre notre problème. Nous reviendrons là-dessus dans le cadre de la discussion.

[Français]

Je cède la parole à M. Ferguson.

[Traduction]

M. Everett Ferguson (membre de la Coalition de Moncton pour la justice économique et sociale): Bonjour, messieurs, et merci de m'avoir invité à participer à ce débat.

Depuis que je suis ici, je n'ai entendu parler de rien d'autre que du résultat final, et personne ne s'est intéressé à l'élément humain. C'est ce que je vais essayer de faire - en vous donnant, non pas mon point de vue personnel, mais celui de tous ceux et celles que cela touche.

Nous discutons du budget de l'an dernier. «Élaborer un budget» signifie faire des choix. Ces choix doivent refléter les valeurs politiques et les priorités du gouvernement. Ce que j'entends ici démontre que nous n'avons pas pris en compte le contexte dans lequel s'inscrivent nos délibérations. Cela comprend la politique sociale et la politique économique. On fait toujours le lien entre la politique sociale et la dette et le déficit, et pourtant, la Banque de Montréal fait des profits qui se chiffrent à 980 millions de dollars. Prises ensemble, les trois banques ont dégagé un milliard de dollars de bénéfices, et pourtant, on ne parle jamais de la contribution qu'elles pourraient faire à la réduction du déficit. Pourquoi?

L'autre sujet que j'aimerais aborder, c'est le lien entre le milieu de travail et la politique sociale. Quelle est la responsabilité de l'entreprise vis-à-vis la politique sociale, si on laisse de côté tout ce qui a trait au résultat final? Quand on examine ce qui se passe sur le marché dans le contexte de la politique sociale, on peut voir que la seule chose qui importe, c'est de tout ramener au plus petit commun dénominateur et de maximiser les bénéfices. On ne peut mettre les soins hospitaliers dans la balance, ni laisser les gens se débrouiller seuls sur le marché, uniquement parce que l'on cherche à maximiser les bénéfices. Le facteur humain est important.

Je ne vais pas m'étendre, car j'aimerais participer à une discussion avec tous ceux qui sont ici.

Les gens souffrent, messieurs, et nous vous disons ne pas aller plus loin. On veut faire le lien entre la politique sociale et le déficit, mais il devrait également y en avoir un entre le déficit et les profits énormes que font certains. S'il faut éliminer les programmes sociaux pour réduire le déficit, pourquoi ne pas aussi envisager, aux mêmes fins, faire disparaître ces bénéfices élevés portés à leur maximum?

Le vice-président (M. Campbell): Nous sommes parvenus à faire le lien, comme on dit, entre un certain nombre de choses. Un des avantages de ces tables rondes, c'est de rassembler les diverses parties prenantes. Cela nous aide tous à voir combien les questions sont complexes et combien les choix sont difficiles, mais cela donne à chacun d'entre vous la possibilité de réfléchir sur ce qu'ont déclaré les autres participants.

.0855

Vous allez pouvoir répondre et réagir aux observations qui ont été faites; ce n'est pas vraiment le moment de développer ce que vous avez déjà dit, mais plutôt celui de réagir, de répondre et de vous poser des questions entre vous. Nous passerons ensuite aux questions venant des députés.

Donc, qui voudrait faire remarquer quelque chose à propos de ce qu'a dit un autre participant ou faire des observations sur ces déclarations?

Monsieur Murphy.

M. Murphy: Je peux peut-être me lancer, monsieur le président, et commencer sur une note positive en m'appuyant sur ce qu'a dit Cathy Wright, du Human Development Council de Saint John; elle a parlé du défi posé par l'analphabétisme dans ce pays et elle a expliqué comment on a procédé de façon très positive, lorsque les gens se sont finalement rendu compte qu'il s'agissait d'un problème sérieux qui devait être réglé, car cela coûtait cher à notre pays de bien des façons, aussi bien sur le plan financier que sur le plan humain, si l'on songe à la souffrance qu'enduraient les gens qui étaient analphabètes. Tout le monde a coopéré pour trouver une solution au problème, y compris ceux qui en étaient victimes et divers organismes sociaux que cela concernait. Mais les gouvernements, le milieu des affaires et la communauté des travailleurs partout dans le pays ont également collaboré de bien des façons en poursuivant un seul et même objectif, réduire l'analphabétisme.

Pour faire suite à cela, et établir un lien avec la situation financière dans laquelle nous nous trouvons et ce qu'a dit le dernier témoin... il faut que tout le monde collabore pour régler le problème du déficit, mais d'une façon équitable pour tous. Je pense que de plus en plus de Canadiens - et cela ne se limite pas à ceux qui s'occupent de services sociaux, ni qui font partie du mouvement ouvrier - disent que dans la façon dont on procède, il est évident qu'il existe des facteurs d'iniquité.

Nous ne sommes pas les seuls à commencer à exprimer cette opinion. D'autres personnes de divers horizons le disent aussi. Elles soulignent la nécessité de procéder avec pondération et reprennent des dispositions que nous avons déjà signalées dans le passé parce que nous les jugions inéquitables. Pour parvenir à assainir la situation, il faut instaurer partout des règles du jeu qui soient équitables.

Les représentants du milieu des affaires aiment utiliser cette expression, lorsqu'ils parlent du développement de nos échanges commerciaux et de la place qu'occupe aujourd'hui notre société dans le contexte mondial. De mon point de vue, le comité devrait se soucier de cela tout autant pour ce qui est de régler le problème du déficit. À l'heure actuelle, les règles du jeu ne sont pas équitables.

Pour qu'elles le soient, on peut essayer de prendre diverses possibilités en considération. Par exemple - et je ne parle pas en économiste - , il y a beaucoup de gens qui proposent différentes façons de régler ce que tout le monde considère comme un problème difficile. C'est probablement notre problème numéro un. Même Statistique Canada déclare que 50 p. 100 de notre dette est attribuable aux intérêts que nous devons payer. Comment faire pour résoudre ce problème de façon équitable pour tout le monde? Puisque nous sommes obligés d'emprunter, il a été suggéré, par exemple, d'avoir recours à notre banque centrale pour contracter des emprunts à des taux plus favorables que ceux qui sont pratiqués sur le marché étranger.

Je propose, et c'est aussi le point de vue de notre organisme, que tous les intéressés collaborent au règlement du problème, mais d'une façon équitable pour tout le monde.

Le vice-président (M. Campbell): Est-ce que quelqu'un veut intervenir à ce stade?

Monsieur van Oord.

M. van Oord: J'ai été très impressionné par beaucoup des déclarations que j'ai entendues. Comme vous avez pu le deviner, je ne suis pas originaire de ce pays. Je suis né en Hollande. Il y a quelque chose qui m'étonne depuis que je suis arrivé au Canada, il y a 17 ou 18 ans. Je dois dire que ces années ont été des années heureuses. Le Canada est un pays où il faut bon habiter.

J'ai été élevé en Hollande. C'est un pays dont la superficie correspond à peu près à la moitié de la province du Nouveau-Brunswick. La population est de 16 à 17 millions de personnes. Je n'ai jamais réussi à comprendre, au fil des ans - peut-être ne suis-je pas assez intelligent pour cela - comment le Canada, le plus grand pays du monde, incroyablement riche en ressources naturelles et si peu peuplé, a pu en arriver à avoir les problèmes sociaux que nous connaissons aujourd'hui. Comment se fait-il qu'au Nouveau-Brunswick, il y ait 11 p. 100 de chômeurs?

J'habite aux abords de Frédéricton et je vois passer les chargements de bois que nous expédions aux États-Unis. Comment se fait-il qu'avec un taux de chômage de 11 p. 100, nous ne pouvons pas débiter nous-mêmes ce bois et en faire des planches de deux pouces sur quatre?

On insiste sur le fait - et je pense que c'est très important - que les communautés rurales, notamment dans l'Ouest, ont eu à faire face à d'énormes difficultés financières. De toutes les professions, c'est parmi les agriculteurs que le taux de suicide est le plus élevé.

Les répercussions sociales de la baisse des revenus, du chômage et de la nécessité d'avoir recours au bien-être ne se mesurent pas en dollars. Il faut voir ce qui ne va pas. Avec toutes les ressources que nous avons ici, nous n'arrivons pas à trouver du travail.

.0900

Le Nouveau-Brunswick est la province du Canada où l'on ajoute le plus de valeur aux produits agricoles. Pourquoi ne peut-on pas faire la même chose dans les autres provinces? Je pense qu'à un moment donné, nous avons dû laisser passer quelque chose. Il est impensable que le taux de chômage soit si élevé. Il faut que nous soyons prêts à faire quelque chose pour régler ce problème.

En ce qui concerne le bois - je sais que la raison pour laquelle on l'expédie de l'autre côté de la frontière, c'est que l'on en tire plus d'argent - pourquoi ne pouvons-nous pas le transformer ici, au Nouveau-Brunswick? Nous avons 11 p. 100 de chômeurs, et cela ne comprend pas les gens qui bénéficient de l'aide sociale. Si l'on en tenait compte, le pourcentage grimperait probablement à18 ou 20 p. 100. À mon avis, il va falloir revenir à des principes stratégiques très fondamentaux car, si les gens peuvent travailler, il me semble que cela résoudra une bonne part de nos problèmes sociaux.

Je pense que ce sera bon pour le déficit puisque vos recettes augmenteront, mais ce sera aussi un bien en ce qui concerne toute la structure sociale de la communauté.

M. Cater: Nous produisons annuellement, au Nouveau-Brunswick, plus d'un milliard de PMP de bois, et je dirais que le pourcentage que nous pouvons écouler sur le marché du Nouveau-Brunswick est dérisoire.

J'aimerais mentionner une ou deux choses que vous ignorez probablement tous; il s'agit des statistiques que nous élaborons et dont nous nous servons d'année en année. Nous coupons10 millions de mètres de bois chaque année au Nouveau-Brunswick et cela génère 28 000 emplois directs et dérivés, c'est-à-dire 2,8 emplois par mille mètres de bois. La moyenne, pour tout le Canada, est d'environ 5 emplois.

Nous sommes une des provinces les moins bien nanties. Une des raisons pour lesquelles il en est ainsi c'est qu'avec le bois que nous coupons ici, nous contribuons à la création d'emplois dans le Sud de l'Ontario, par exemple, ou dans le Sud du Québec. Malheureusement pour nous, au Nouveau-Brunswick, nous sommes restés des bûcherons. C'est ce que vous avez dit, ça, je l'ai bien compris. Nous sommes restés des bûcherons parce que, même si nous sommes 726 000, à l'heure actuelle, nous ne fabriquons quasiment rien de ce qui pourrait servir à manufacturer des produits forestiers, que ce soit des scies à chaîne, du matériel de tronçonnage, des lames de scies ou les ordinateurs dont on se sert dans les usines de papier ou dans les scieries - tous nos camions, nos moteurs et nos remorques viennent du Sud de l'Ontario; les semi-remorques viennent du Sud du Québec et une bonne partie de l'équipement utilisé dans les scieries vient également du Québec.

Donc, nous coupons le bois, nous en faisons des planches de deux pouces par quatre, et tout cela file par l'autoroute 95. Jusqu'à ce que l'on instaure un climat que nous n'avons jamais connu auparavant, c'est ce qui va se passer. Pratiquement tout le bouleau blanc qui est coupé ici, au Nouveau-Brunswick, notamment sur les terrains privés, est expédié dans le Maine, il y a là-bas des usines à fort coefficient de main-d'oeuvre où l'on fabrique des tés de golf et des manches de tournevis; nous n'avons pas été capables de faire la même chose ici.

S'il en est ainsi, c'est à cause du filet de protection sociale. C'est une des raisons. Les gens préfèrent rester assis chez eux, devant un bon feu plutôt que de s'installer devant un tour pour fabriquer des tés de golf. Et voilà pourquoi nous sommes toujours des bûcherons et il y a de bonnes raisons pour qu'il en soit ainsi; cela vient notamment de la politique à tendance socialiste que nous avons adoptée ici, ce qui n'est pas le cas aux États-Unis. Et il faut que nous fassions des comparaisons entre le Canada et les États-Unis, car ce pays est notre partenaire commercial le plus important.

Le vice-président (M. Campbell): Merci, monsieur Cater.

Je suis sûr qu'il y a d'autres témoins qui veulent réagir à cette description des causes probables du problème. Nous voulons savoir comment nous pourrions changer cela par le biais de mesures budgétaires.

M. Ferguson: J'aimerais dire quelque chose à propos des gens qui restent à la maison à ne rien faire. Je pense que cette tendance à stéréotyper les gens constitue un de nos plus gros problèmes. Ce n'est pas parce qu'une ou deux personnes agissent ainsi que l'on doit conclure que c'est l'attitude de tout le monde, qu'il s'agisse de travailleurs ou de prestataires de l'aide sociale. Ce sont des êtres humains, des gens qui ne sont pas insensibles, et on ne devrait pas les traiter de cette façon. De mon point de vue, c'est le problème que pose ce financement global - nous allons en parler également; c'est lié à la remarque que vous venez juste de faire - ainsi qu'à la délégation de pouvoirs aux provinces.

.0905

Lorsqu'on alloue un financement global aux provinces et que l'on délègue la responsabilité de l'application de la politique sociale, les gens qui vont le plus en souffrir sont ceux qui sont stéréotypés, les minorités. Ces gens-là vont être ceux qui vont le plus en souffrir car, dans notre société, ce sont les provinces qui se montrent les plus racistes, et il est impossible de protéger ces gens-là, même plus les pauvres.

Le gouvernement fédéral s'en désintéresse. Nous avons besoin du gouvernement fédéral, il faut qu'il y ait un gouvernement fort, qui ne soit pas désarmé, pour protéger les plus pauvres et les plus démunis. Nous ne pouvons pas laisser agir les forces du marché; ce n'est pas cela qui va les aider.

M. Daigle: Je pense qu'une partie du problème vient aussi du fait que nous n'avons pas eu à nous montrer concurrentiels sur les marchés internationaux au point où nous devons l'être aujourd'hui. Nous avons pu vivre très confortablement de nos ressources naturelles dans le contexte d'une économie nationale, avec des manufactures regroupées dans le Canada central et en nous cachant derrière des barrières tarifaires protectionnistes. Avec le libre-échange, les changements apportés aux subventions accordées au transport et l'émergence d'une toute nouvelle économie, la situation n'est plus la même.

Pour ce qui est du prix des ressources, la tendance à long terme est à la baisse; nous vivons, dans une large mesure, sur des ressources naturelles qui diminuent. Ce que je veux faire valoir, c'est que l'économie change, et cela est dans la ligne de l'argument que j'ai présenté plus tôt lorsque j'ai dit que nous devrions reconnaître que notre économie évolue et que les économies régionales ont plus d'importance par rapport à l'économie nationale. Cela n'est pas seulement vrai ici, c'est ce qui se passe aussi ailleurs dans le monde. Je pense qu'il est important que le gouvernement fédéral reconnaisse cela et réagisse d'une façon tout à fait différente.

Tout l'argent que l'on alloue au Canada Atlantique sert à soutenir des économies provinciales. À l'échelle régionale, il n'y a rien: pas de vision, pas de centre d'intérêt, pas de stratégie ni de plan d'expansion économique, aucun organe de prise de décision. Pour commencer, l'argent alloué par le gouvernement fédéral ne sert pas à financer des initiatives visant toute la région de l'Atlantique, ni aucun plan d'action concerté; de mon point de vue, ce financement est lié à une conception traditionnelle de l'économie, une économie à dimension nationale.

Je suis vraiment convaincu que le financement limité dont bénéficie cette économie devrait être dicté par une toute nouvelle vision, une vision qui permettrait de reconnaître que le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard et probablement Terre-Neuve et même au-delà forment un seul bloc économique régional.

En cherchant à répondre à la question que vous avez posée, monsieur le président, c'est-à-dire comment procéder sur le plan financier, je pense que le gouvernement fédéral doit reconnaître cela et réfléchir à ce qu'il finance par le biais de ses contributions. Il faut qu'elles soient liées bien plus qu'elles ne l'ont été jusqu'ici à l'expansion économique régionale.

Je ne crois pas que le genre d'expansion économique régionale que nous avons connue jusqu'ici corresponde à une vision idéale des résultats économiques que l'on pourrait obtenir ici, dans le Canada Atlantique. C'est ce que j'essaie de faire valoir quand je parle de restructurer et de redistribuer les ressources limitées que l'on consacre à l'expansion économique.

Le vice-président (M. Campbell): Merci. Y a-t-il d'autres personnes qui voudraient intervenir à ce stade? Nous allons passer dans quelques instants aux questions des députés, mais il nous reste encore un peu de temps si vous voulez réagir.

Madame Wright.

Mme Wright: Judith Maxwell, que beaucoup d'entre vous connaissent probablement - ses opinions sur la politique sociale et économique sont hautement considérées - a une façon très intéressante de décrire le rôle du gouvernement. Selon elle, ce rôle est de fournir les bases et les structures dont les gens ont besoin pour s'adapter à l'évolution de la situation.

Comme l'a dit mon collègue, je pense que notre économie est en pleine évolution, et qu'il faut redéfinir le rôle du gouvernement et confirmer que l'État a la responsabilité d'aider les gens lorsque la situation économique change. Si la seule façon dont nous nous attaquons à ce problème c'est en y consacrant de maigres ressources et non en cherchant d'autres moyens de stabiliser la situation, cela signifie que nous n'allons pas être en mesure de donner aux gens les outils dont ils ont besoin pour s'adapter à une situation économique en pleine évolution.

.0910

Le vice-président (M. Campbell): Merci. Nous allons passer aux questions dans un instant. J'ai quelque chose à demander à monsieur Daigle pour faire suite à sa présentation.

Vous avez lancé une idée très intéressante, qui mérite d'être sérieusement examinée par les provinces de l'Atlantique et par le gouvernement fédéral, lorsque vous avez parlé de réorienter ou de distribuer différemment les fonds alloués jusqu'ici aux régions pour soutenir l'économie traditionnelle - l'économie qui, d'après nous, existe dans le Canada atlantique - et de les utiliser plutôt pour soutenir l'économie qui existe réellement ou qui devrait exister. Mais, dans l'autre partie de votre exposé, si j'ai bien compris, parallèlement à cet objectif - c'est-à-dire dépenser plus intelligemment, si je peux m'exprimer ainsi, ces maigres ressources - vous en avez fixé un autre qui est assez ambitieux, celui de réduire le déficit à zéro en trois ans.

Même s'il est intéressant et extrêmement important de discuter de la redistribution des dépenses actuelles, vous n'avez pas expliqué comment nous pourrions réduire le déficit à zéro en trois ans, ni où nous irions trouver les 25 à 30 milliards de dollars que cela exigerait. Je vais vous donner une autre occasion de répondre à cela.

M. Daigle: Ce n'est pas facile à faire. Lorsque 60 p. 100 du budget fédéral est consacré aux programmes sociaux et un tiers au paiement d'intérêts, vous n'avez pas grande marge de manoeuvre. Même si vous vous débarrassez de toute la machine gouvernementale fédérale, cela ne résoudra pas le problème.

Je ne dis donc pas que c'est un défi facile à relever. La difficulté est de taille. Nous ne pouvons pas nous y attaquer sans toucher aux programmes sociaux, mais je pense que nous n'avons pas vraiment défini assez précisément quels sont les services essentiels.

Je reviens au point soulevé par John, et je suis d'accord avec lui. Certains facteurs faussent les mécanismes du marché et, à l'heure où nous commençons à réduire les dépenses, il est extrêmement important de prendre des mesures réellement équitables et perçues comme telles. Il est possible, au moins, de continuer à rationaliser les choses, non seulement dans le secteur du développement social, mais aussi dans tout l'appareil gouvernemental.

Prenez, par exemple, les arguments présentés hier par la Chambre de commerce de Terre-Neuve. Prenez le développement économique et tous les organismes que cela concerne. Il y en a qui font double emploi ou dont les activités se chevauchent, comme peuvent le constater ceux d'entre nous qui y avons recours. Ce n'est qu'un exemple.

L'an dernier, nous avons formulé un certain nombre de suggestions concernant le ministère des Pêches et les inspecteurs des viandes - un cas de triple emploi, puisqu'il y en a aux trois paliers de gouvernement. J'apprécie beaucoup les efforts qui sont faits dans le secteur des transports où l'on rationalise les activités. Mais il arrive trop souvent que l'on aboutisse à un transfert des responsabilités à un autre niveau de gouvernement. Cela n'allège pas le fardeau assumé par les particuliers. Comme nous le savons, cela revient seulement à le transmettre d'un palier de gouvernement à l'autre.

Prenez les initiatives du gouvernement dans le domaine de la dissémination de l'information. Il y a quelques jours à peine, quatre personnes différentes, appartenant au même ministère, m'ont appelé pour obtenir les mêmes renseignements. En fin de compte, j'ai tout mis dans un gros dossier que je leur ai envoyé. Ces personnes étaient en train d'élaborer un programme d'information sur les services de gestion, je crois, pour distribution sur l'Internet.

Pour l'amour du ciel, pourquoi est-ce des employés du gouvernement fédéral qui réunissent ce genre d'information? Pourquoi ne pas sous-traiter ce type de contrat? Pourquoi le gouvernement ne peut-il pas établir des partenariats avec des organismes du secteur privé, plutôt que de créer des organismes parallèles qui font concurrence à ceux du secteur privé?

On retrouve cela partout. C'est exactement ce dont on parle dans Reinventing Government. Les activités superflues ne sont pas toujours évidentes. On en trouve ça et là dans tout le système et cela se traduit par un manque d'efficacité et par des structures et des politiques de gestion dépassées. Il faut s'attaquer à cela.

Cela dit - je vous renvoie d'ailleurs aux pages du mémoire que nous avons présenté l'an dernier où nous faisions des recommandations spécifiques, et aux suggestions présentées par la Chambre de commerce de Terre-Neuve - nous ne pouvons pas réduire la dette et le déficit tout simplement en rationalisant et en restructurant le gouvernement en place; il faut aussi que nous nous attaquions au manque d'efficacité et aux abus qui marquent les programmes sociaux. Est-ce que l'argent que nous investissons dans l'éducation peut être dépensé à meilleur escient? Peut-on obtenir un meilleur rendement? Même chose pour les services sociaux.

Le vice-président (M. Campbell): Je vais laisser M. Ferguson ajouter un mot et ensuite, nous passerons aux questions.

M. Ferguson: Monsieur Daigle prétend que 60 p. 100 du budget est consacré aux politiques sociales. J'aimerais lui demander quel pourcentage du budget représentent les subventions aux entreprises. À combien est-ce que cela monte?

.0915

En ce qui concerne le manque d'efficacité, vous savez très bien, comme moi, que ce n'est pas l'apanage du gouvernement, cela existe aussi dans le secteur privé.

M. Daigle: Oui, mais dans le secteur privé, il y a au moins un mécanisme qui permet de faire disparaître un plus grand nombre de facteurs d'inefficacité. C'est le bénéfice net qui compte.

Étant donné que j'ai travaillé dans le secteur privé et au gouvernement, je peux vous dire que les moyens de contrôle sont extrêmement différents. Dans le secteur privé, c'est le bénéfice net qui impose une certaine discipline. Mais de notre point de vue, dans le cas du gouvernement, c'est la période des questions ou la prochaine élection qui impose une discipline. La planification à long terme n'existe pas au gouvernement.

J'ai été haut fonctionnaire à un moment donné et j'ai pu constater, à mon grand étonnement, que l'on évitait délibérément de fixer des objectifs exprimés de façon telle que l'on aurait pu nous tenir responsables des résultats obtenus. Cela ne favorise pas l'efficacité au sein du gouvernement. Dans les affaires, c'est le bénéfice net qui compte. La notion d'efficacité se présente sous un jour très différent.

M. Ferguson: Bon, mais qu'en est-il de la première partie de ma question, quel rôle jouent les subventions aux entreprises dans tout cela?

M. Daigle: Je ne peux vous donner de chiffres précis.

M. Ferguson: Tiens, vous savez quel pourcentage représente l'aide sociale, mais vous ne savez pas à quoi correspondent les subventions accordées aux sociétés.

M. Daigle: Il y a une chose que j'aimerais vous rappeler: les chambres de commerce et les organismes qui représentent le monde des affaires ont recommandé au gouvernement de cesser de subventionner les entreprises dans tous les cas où cela est possible.

À mon avis, on a encore besoin de l'investissement du gouvernement dans le secteur de la recherche et du développement. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre d'effectuer des coupures sans investir dans l'avenir.

Le vice-président (M. Campbell): Pour l'information de monsieur Ferguson, on estime généralement que les dépenses fiscales liées à l'entreprise se chiffrent à environ 5 milliards de dollars, dont 2 milliards sont attribuables au régime fiscal dont bénéficient les petites entreprises. Donc, si vous cherchez des renseignements sur les dépenses fiscales, c'est ce chiffre de 5 milliards de dollars, environ, que vous allez trouver dans les documents d'information.

M. Ferguson: Eh bien, j'aimerais les voir, car on parle toujours du rôle de l'aide sociale par rapport au déficit, mais on ne mentionne jamais les subventions aux entreprises.

[Français]

Le vice-président (M. Campbell): Nous commençons maintenant la périodes de questions.

Je cède la parole à M. Loubier.

M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue au Comité des finances et je vous remercie de nous accueillir à Fredericton qui, en passant, est une très belle ville. C'est la première fois que j'y viens et ce ne sera sûrement pas la dernière!

J'ai trois questions à poser à M. Daigle, s'il me le permet.

La première concerne une partie de son exposé. Tout à l'heure, vous parliez de la nécessité, pour le gouvernement fédéral, d'atteindre un déficit zéro en trois ans sans préciser, toutefois, la façon d'y arriver.

Si je me rappelle votre mémoire de l'an dernier, il était très avare de suggestions vraiment concrètes pour éliminer le déficit du gouvernement fédéral. Vous exprimiez la nécessité de réduire le déficit à zéro d'une part et d'autre part, vous disiez qu'il fallait continuer à soutenir le développement régional en arguant qu'un dollar dépensé dans le secteur du développement régional entraînait 1,90 $ de retombées économiques.

Si on pousse votre raisonnement jusqu'au bout, on se rend compte que le un dollar investi dans le développement régional par le gouvernement fédéral est en fait un dollar emprunté et que, par conséquent, il n'aura sûrement pas la retombée escomptée de 1,90 $, puisque au bout de huit ans, il doublera en valeur.

Autrement dit, le dollar investi par le gouvernement fédéral dans le développement régional aujourd'hui équivaudra, dans huit ou dix ans, à une dépense de 2,00 $. Donc, en huit ans, votre retombée économique de 1,90 $ est anéantie.

.0920

D'ailleurs, la dernière analyse faite par le vérificateur général du Canada le démontre bien. Il y a eu des milliards de dollars investis dans le développement régional au cours des dix dernières années, et le vérificateur général se demande où sont les retombées à moyen terme en matière de renforcement de la structure industrielle des entreprises canadiennes.

Je vous lance cette première constatation en vous demandant de commenter si possible.

[Traduction]

M. Daigle: Je pense que, dans la mesure du possible, j'ai suggéré ce à quoi, selon nous, vous devriez vous attaquer pour préparer le budget.

Comme je l'ai indiqué, j'ai travaillé pour le gouvernement et à moins d'avoir accès aux livres comptables et de savoir exactement quelle est la ventilation des ressources, on n'est pas très bien placé pour préciser ce qui devrait être fait. Les gens qui travaillent au sein du gouvernement possèdent cette information, et ce sont eux qui devraient prendre ce type de décision.

Nous suggérons des méthodes, des principes ainsi que certains secteurs précis qui devraient être examinés et certaines choses auxquelles on devrait s'intéresser pour parvenir à cette fin. Nous reconnaissons que c'est un objectif très ambitieux, mais c'est aux hauts fonctionnaires qu'il appartient de faire le nécessaire. Ce n'est pas au secteur privé, ni aux gens de l'extérieur qui n'ont pas toutes les données en main, d'essayer de trancher - ni de se donner les moyens de le faire. Je le sais bien pour en avoir fait l'expérience.

Toutefois, il y a des choses qui sont évidentes, des choses que nous vous avons signalées, des activités dont vous pourriez améliorer la rentabilité et d'autres que vous pourriez réduire. Nous vous suggérons d'examiner cela et de prendre des décisions qui, selon nous, n'ont pas été prises.

Car il n'est pas évident que ces décisions aient été prises. Si c'est un manque de communication, si nous n'avons pas écouté ce qui a été dit, alors, dites-le à nouveau. Mais en ce qui nous concerne - et j'ai entendu une autre personne qui participe à cette table ronde le dire également - nous ne sommes pas convaincus que les décisions les plus difficiles sont déjà prises.

Revenons au développement régional. Voici ce dont nous parlons. Le gouvernement fédéral fait maintenant, dans cette région, des investissements importants, qui se chiffrent à 16 milliards de dollars, soit 40 p. 100. Cela représente plus de 40 p. 100 du total de notre PIB. Je préférerais, si l'on décide d'investir un tel montant d'argent, que l'on puisse obtenir un meilleur rendement que la parité par rapport à l'investissement.

Nous ne sommes pas convaincus, comme je l'ai également déclaré, que nos initiatives de développement économique régional soient les meilleures. De notre point de vue, s'il en est ainsi, c'est que la cible et le cadre de ce développement économique ne tiennent pas compte du fait - et je l'ai déjà signalé - que l'on devrait envisager notre économie régionale sous un autre angle. Si nous parvenons à mieux cibler le financement du développement régional et à lancer de meilleures initiatives en ce domaine, rien ne nous empêchera d'obtenir un rendement encore meilleur.

Ce sont des questions que nous demandons au gouvernement fédéral d'examiner de près. Si vous l'avez déjà fait et que vous êtes parvenus à une conclusion différente, nous aimerions le savoir. Par exemple, rien n'indique que le gouvernement fédéral a examiné la situation sous un autre angle et reconnaît que, dans le contexte du développement régional, le Canada Atlantique représente une économie régionale; rien n'indique que le gouvernement envisage des initiatives destinées à motiver les gouvernements et les parties prenantes de cette économie à adopter des méthodes très différentes.

Si vous vous êtes penchés là-dessus, nous aimerions le savoir.

[Français]

M. Loubier: Vous avez dit tout à l'heure, monsieur Daigle, que vous étiez prêt à envisager l'élimination des subventions versées directement aux entreprises canadiennes, subventions qui totalisent environ 2,5 milliards de dollars. Cela m'a étonné car l'année dernière, quand je suis allé à Moncton, - j'ai aussi fait le tour des provinces Maritimes - , aucun représentant des chambres de commerce ne m'a fait la suggestion d'éliminer les 3,2 milliards de dollars de subventions aux entreprises qui existaient à ce moment-là.

Alors je vous repose la question. Pour contribuer à l'assainissement des finances publiques, est-ce que les entreprises canadiennes, du point de vue de votre organisation, devraient ne plus bénéficier de subventions directes?

.0925

Au lieu de vous attaquer toujours aux programmes sociaux, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de donner l'exemple et de nous suggérer - comme je l'ai demandé à plusieurs de vos collègues des Maritimes depuis le début de cette tournée - d'éliminer immédiatement toutes les subventions versées aux entreprises canadiennes?

Il faut avoir une certaine cohérence. Si on parle de libre-échange, de liberté d'entreprise, de concurrence, il faut être prêt à renoncer tout de suite aux subventions gouvernementales.

[Traduction]

M. Daigle: Je pense que les entreprises, à l'échelle nationale et certainement à l'échelle régionale, ont indiqué qu'elles souhaitaient donner l'exemple, contribuer à résoudre le problème de la dette et du déficit.

Pour moi, un des problèmes, c'est que très souvent, on parle des subventions aux entreprises sans reconnaître, du moins publiquement, que l'on essaie de stimuler la croissance économique et le développement. S'il s'agit tout simplement d'une subvention, d'une faveur que l'on accorde aux entreprises et dont la société ne tire aucun profit, je trouve cela très grave et très inquiétant. Très souvent, la plupart de ces prétendus subventions, allégements fiscaux et stratagèmes d'évitement fiscal dont on entend parler ont été, en réalité, conçus par le gouvernement pour tenter d'encourager les gens à se lancer dans les affaires, à les développer et à leur donner de l'expansion, afin de générer des recettes et des emplois et de contribuer à la prospérité économique.

Si l'on pense pouvoir régler le problème de la dette et du déficit simplement en effectuant des coupures - et quand on les fera, j'estime qu'il est très important qu'elles soient équitables pour tous, et qu'elles soient perçues comme telles; autrement, les gens ne se serreront pas les coudes pour traverser ensemble cette période difficile. Toutefois, si nous pensons que nous n'avons pas besoin d'investir pour l'avenir, alors, je me demande bien comment nous allons financer des politiques sociales que nous ne pouvons nous permettre d'avoir actuellement.

Et nous n'en finissons pas de rejeter le fardeau sur les générations futures. Peut-être que pour nous, cela ne coûte pas plus de financer ces programmes sociaux, mais ce ne sera pas le cas pour nos enfants et leurs enfants, à moins que nous trouvions la formule magique pour jouir de la plus grande prospérité qui nous aidera à défrayer certains de ces coûts et à nous payer les programmes en question.

Un des problèmes que posent nos programmes sociaux - et le fait que nous ayons un gouvernement fédéral fort - c'est que ce gouvernement n'a pas l'argent dont il disposait auparavant et, en conséquence, comme nous le savons tous, il est en train de perdre le pouvoir et l'influence qui sont nécessaires pour soutenir ce genre de programmes sociaux et pour créer un climat de solidarité dans tout le pays.

C'est une chose qui nous inquiète énormément et le monde des affaires est prêt à faire sa part, mais je veux simplement rappeler ceci aux fonctionnaires: assurons-nous de savoir ce que nous voulons créer et dans quels domaines nous voulons offrir des stimulants à cette fin. Pour nous, l'emploi et le développement économique sont importants.

[Français]

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Loubier, c'est M. van Oord qui veut répondre.

[Traduction]

M. van Oord: J'ai une petite entreprise, une exploitation laitière. Ce que vous appelez subventions aux entreprises, est pour nous une subvention à la consommation. Je pense qu'il faut faire très attention et ne pas mettre toutes les subventions dans le même sac. Pendant longtemps, le Canada a eu pour politique de maintenir le prix des denrées alimentaires à un niveau peu élevé. J'ai ici des statistiques qui démontrent que nulle part ailleurs dans le monde, il en coûte si peu, par rapport aux salaires, pour se procurer un certain panier d'épicerie. C'est très bien, et je pense que le principe sur lequel repose cette politique est évidemment que moins on dépense pour une chose, plus on a d'argent à consacrer au reste.

Si vous voulez arrêter les subventions, les agriculteurs n'y voient aucun inconvénient, mais vous devez alors leur donner la possibilité de faire payer leurs produits au prix qu'ils devraient demander. Je ne parle pas de faire d'énormes profits. Je parle de quelque chose d'équitable. Par exemple, si vous voulez que les agriculteurs offrent ce panier d'épicerie à moindre prix, il faut que vous les aidiez. Il ne s'agit pas toujours de subventions aux entreprises. Parfois, il s'agit de subventions à la consommation.

[Français]

M. Loubier: Monsieur van Oord, je ne parlais pas du secteur agricole, que je connais fort bien pour y avoir oeuvré pendant six ans. Je parlais du secteur industriel en général. Si j'ai bien compris la réponse de M. Daigle, la communauté des affaires qu'il représente serait prête à couper 2,5 milliards de dollars dans les programmes sociaux, mais ne serait pas prête à couper les 2,5 milliards de dollars de subventions aux entreprises.

Je vais vous poser ma dernière question.

Le président: Monsieur Loubier, je crois que Mme Wright voudrait ajouter quelques mots.

.0930

[Traduction]

Mme Wright: Merci beaucoup.

Je veux simplement répondre aux observations qu'ont faites mes collègues.

Tout d'abord, en ce qui concerne l'économie, on sait d'après un article publié l'autre jour dans les journaux, que le PIB est à la hausse. On sait que les profits augmentent. Lorsqu'on pense à ceux qui bénéficient des programmes sociaux, pensons aussi aux avantages qu'en tirent les entreprises - le niveau d'instruction de la main-d'oeuvre qu'elles emploient, les soins de santé dont nous bénificions tous.

Je voudrais réitérer le message que nous essayons de vous transmettre: il faut, en la matière, faire preuve de pondération et d'équité. Si nous n'arrêtons pas de nous attaquer aux programmes sociaux et si nous n'essayons pas de les considérer comme un investissement et comme une part intégrante de notre expansion économique... Notre économie se développe. C'est ce que l'on dit dans les rapports, c'est ce que les résultats démontrent, mais les gens, eux, font du sur place. Tous ceux et celles qui sont obligés... Du point de vue des revenus et des droits fondamentaux que nous voulons préserver dans ce pays, nous avons de sérieux problèmes. Nous sommes loin d'un équilibre.

Merci.

Le vice-président (M. Campbell): Voilà qui ouvre un sujet de discussion.

Monsieur Loubier.

[Français]

M. Loubier: Je voudrais poser ma dernière question parce que j'ai l'impression qu'elle va ajouter à la la discussion.

Le vice-président (M. Campbell): Bon, d'accord.

M. Loubier: Je m'adresse aux représentants de la communauté des affaires.

Vous avez dit, tout à l'heure, que la communauté des affaires était prête à contribuer à l'assainissement de la situation budgétaire du gouvernement fédéral. Cela étant, seriez-vous d'accord pour que le gouvernement fédéral procède à un examen en profondeur de la fiscalité des entreprises - et ça rejoint la suggestion que M. Murphy faisait tout à l'heure en citant un journaliste de la communauté des affaires - , afin qu'il n'y ait pas qu'une partie des entreprises canadiennes qui fait son devoir de citoyenne corporative, mais que l'ensemble de la communauté des affaires et toutes les entreprises contribuent de façon tout à fait juste et équitable?

Comme il n'y a pas eu d'examen exhaustif de la fiscalité canadienne depuis de nombreuses années - bien sûr, on a ajouté certaines mesures, on en a enlevé d'autres, mais il n'y a pas eu d'examen en profondeur - , on a l'impression, à tort ou à raison, qu'il y a des injustices sur le plan de la fiscalité. En effet, il y a des entreprises qui paient leur quote-part, mais il y en a d'autres qui réussissent à ne pas la payer grâce à toutes sortes de subterfuges ou d'échappatoires contenues dans la fiscalité.

Ça va tellement loin que dans la section affaires de n'importe quel journal, on voit qu'il se fait des transactions de déductions fiscales. Il est possible pour une entreprise de vendre ses déductions fiscales inutilisées. C'est un peu révoltant, surtout en regard de la situation des finances publiques canadiennes. Je vous pose la question.

[Traduction]

M. Daigle: Je reviens sur une observation que vous avez faite à propos de quelque chose que, selon vous, j'ai déclaré. Je ne pense pas que nous ayons dit être d'accord pour que l'on coupe x millions de dollars.

Pour passer à un autre de vos commentaires, un des problèmes qui se posent lorsqu'on est très précis - vous le savez mieux que moi - c'est qu'il y a beaucoup de compromis à faire pour essayer d'atteindre les objectifs qui nous permettront de financer nos obligations, dans la mesure où nous le pouvons. Je veux dire que, lorsqu'on rationalise, que l'on réorganise et que l'on prend ce genre de décision, il faut veiller à ce que ce qui reste soit suffisant pour assurer une expansion économique constante qui nous permettra de traverser la prochaine récession et de nous maintenir ensuite à flot. De nombreux facteurs entrent donc en jeu, comme vous pouvez le constater.

L'an dernier, nous avons dit qu'il était peut-être temps d'entreprendre un examen du régime fiscal; mais j'ai ajouté que, si ce prochain examen a les mêmes résultats que le rapport de la commission Carter, vous feriez aussi bien de garder votre argent et de nous épargner à tous la dépense que représente un examen du régime fiscal. Je suis convaincu que nous devrions nous intéresser de très près à l'équité des impôts et du régime fiscal qui existe au Canada. Il faut que nous nous débarrassions des nombreuses distorsions qui amènent les gens à penser que le système n'est pas équitable. Toutefois, si nous examinons le régime fiscal, je le répète, nous devons nous assurer qu'il existe la volonté politique nécessaire pour mettre en oeuvre les recommandations qui seront faites.

Le vice-président (M. Campbell): Merci.

Je veux donner la parole à M. Solberg, mais d'autres personnes avaient levé la main. Pourrais-je demander à M. Murphy d'intervenir, car il n'a pas parlé depuis quelque temps, et ensuite, nous passerons à M. Solberg. Après que les autres députés auront posé leurs questions, il nous restera du temps pour récapituler, et vous pourrez reprendre certains des points qui ont été abordés, si vous n'avez pas eu la possibilité de le faire auparavant.

.0935

Monsieur Murphy.

M. Murphy: J'ai trouvé les commentaires de M. Loubier sur les déclarations de M. Daigle très intéressants.

En toute justice, je trouve que vous avez formulé vos réponses, vos paroles... Que vous appeliez cela subventions aux entreprises, développement régional, ou tout ce que vous voulez, cela revient à ce que le gouvernement prenne nos impôts - c'est-à-dire vos impôts, l'impôt des sociétés, l'impôt des particuliers - et l'utilise de façon différente. Il semble qu'utiliser nos impôts pour donner carrément des subventions pures et simples aux entreprises ne soit plus de mise. On ne parle plus de cela. Mais on va continuer à utiliser nos impôts pour financer le développement régional; et cela, on va le crier sur les toits. Le mouvement ouvrier est en faveur de cela.

Mais comme l'a dit Cathy Wright, et comme vous l'avez vous-mêmes mentionné, les compromis... mais je suppose que cela dépend de la définition que l'on va donner au mot «compromis». Voyons les choses en face, il faut également investir dans le capital humain. Nous trouvons que les attaques acharnées - on en a eu un autre exemple ici aujourd'hui - dont les programmes sociaux sont la cible...

Les statistiques donnent une autre image des programmes sociaux. Nous avons réussi à contrôler les dépenses qu'ils représentent. Faites une comparaison avec les dépenses sociales engagées par d'autres pays. La situation est sous contrôle. J'ai essayé de tirer le signal d'alarme. Il y a d'autres personnes qui essaient d'avertir le milieu des affaires et les Canadiens, en général. Nous allons trop loin - beaucoup trop loin - et nous allons payer cette erreur. Notre société va la payer.

Encore une fois, nous sommes d'accord pour que le gouvernement joue un rôle adéquat, pour qu'il facilite l'expansion économique, car c'est l'expansion économique qui va nous donner des emplois, comme l'a dit mon collègue, et c'est ce dont nous avons besoin désespérément. Mais il faut procéder en tout de façon équitable.

Et puis, oui, instituer une commission sur les pertes fiscales, c'est une perte de temps. Nous aussi, nous sommes contre. Mais vous parlez de volonté politique. Eh bien, est-ce que le milieu des affaires a la volonté politique nécessaire pour accepter ce qui serait recommandé? Il ne fait aucun doute qu'une telle commission recommandera de s'attaquer sans pitié à des allégements fiscaux et à des crédits d'impôt qui sont beaucoup trop généreux pour l'époque où nous vivons. Je pense que l'on montrera surtout du doigt les entreprises, car au cours de la dernière décennie, ce sont les particuliers, en général, qui ont été visés et qui ont le plus souffert.

Le vice-président (M. Campbell): Merci, monsieur Murphy.

Avant de donner la parole à M. Solberg, je veux juste ajouter quelque chose, à titre de député de l'Ontario, à propos du développement régional. Dans ma circonscription et dans la région du grand Toronto, je rencontre constamment des petits entrepreneurs qui se plaignent de ne pas être traités de façon équitable. M. Daigle parle de redistribuer le financement du développement économique régional. Les gens de l'Ontario qui ne bénéficient d'aucun fonds de développement et d'investissement disent ne pas pouvoir lutter à armes égales avec leurs concurrents. Lorsqu'ils cherchent à obtenir des contrats et explorent de nouveaux débouchés, ils se retrouvent en concurrence avec des entreprises de cette région-ci et d'autres régions du Canada qui bénéficient de subventions à l'expansion régionale. Ce n'est pas juste pour eux qui essaient de faire démarrer une entreprise.

Donc, il y a un tout autre développement -

M. Loubier: Allons donc! On donne beaucoup à l'Ontario.

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Loubier, je ne parle pas de ce que donne qui que ce soit. Je parle de la concurrence que se livrent entre elles des entreprises du secteur privé canadiennes. C'est une autre observation dont nous devrions tenir compte dans le cadre de notre discussion.

Gardons la réponse -

M. Daigle: Je ne peux pas laisser passer cela.

Lorsque le gouvernement fédéral investit dans des régions qui sont périphériques, on appelle cela «expansion régionale». Mais le Pacte de l'automobile, la voie maritime du Saint-Laurent et même la fameuse Loi sur les pipe-lines résultent, il me semble, de politiques nationales dont bénéficie... Qui? Le Canada central. On n'appelle pas cela «expansion régionale» -

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Daigle, je parle de petites entreprises qui font concurrence à d'autres petites entreprises de cette région-ci ou de l'Ouest canadien qui ont reçu des fonds spécialement réservés à l'expansion régionale, sous forme de subventions ou d'avantages fiscaux, ce dont les petites entreprises du Canada central ne bénéficient pas. Je ne conteste pas la validité de l'autre point que vous avez soulevé.

M. Daigle: Il ne fait aucun doute que dans le Nord de l'Ontario, il y a une différente -

Le vice-président (M. Campbell): Je ne parle pas du Nord de l'Ontario.

M. Daigle: Mais moi, je dis que si tout l'argent est consacré à l'infrastructure et si, pendant128 ans, cela a été financé par le biais d'un système que nous subventionnons, ici et dans d'autres régions du Canada, en payant plus cher les biens de consommation et les services, parce que le système sert à consolider l'infrastructure du Canada central, alors, j'ai bien le droit de vous dire que vous nous faites la leçon parce que nous recevons des faveurs, alors qu'en toute franchise, les faveurs que l'on nous accorde représentent trois fois rien par rapport à tout ce dont le Canada central a bénéficié depuis 128 ans.

.0940

Le vice-président (M. Campbell): Je ne vous faisais pas la leçon. Vous avez vous-même mentionné que l'on injectait 15 milliards de dollars par an dans cette région depuis je ne sais combien d'années.

Je veux m'assurer que toutes les questions qui se posent sont prises en considération. Nous voyageons dans tout le pays et nous écoutons ce que divers groupes ont à dire. Au bout du compte, c'est le gouvernement fédéral qui doit prendre des décisions, dans l'intérêt du pays tout entier et de l'économie dans son ensemble. Ce ne serait pas juste de ne pas vous faire part des observations faites par de petits entrepreneurs installés dans une autre région du pays qui voient la question du développement régional sous un autre angle.

Monsieur Solberg.

M. Solberg (Medicine Hat): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais intervenir parce qu'à mon avis, cette discussion fait ressortir tout ce que les allocations régionales et les subventions en tout genre que l'on accorde aux entreprises ont de ridicule. D'après moi, ce que cette discussion permet tout d'abord de constater, c'est à quel point on sème la discorde lorsqu'on favorise une région parmi d'autres, combien cela peut retarder l'expansion, dans bien des cas.

M. van Oord parlait de valeur ajoutée. Eh bien, je peux vous dire que la meilleure chose qui soit arrivée à l'Ouest, c'est que l'on fasse disparaître le tarif de la Passe du Nid-de-Corbeau, parce qu'enfin, on ne va plus subventionner les agriculteurs pour expédier des matières premières à l'étranger ou vers le Canada central. De fait, il va maintenant y avoir une industrie à valeur ajoutée qui va naître dans l'Ouest de la culture du grain et de l'élevage du bétail.

Je pense donc que ces politiques d'expansion régionale, ces subventions aux entreprises - peu importe le nom qu'on leur donne, et qu'elles concernent la voie maritime du Saint-Laurent ou quoi que ce soit d'autre - créent des distorsions et retardent la croissance, et cette façon de procéder n'est pas juste vis-à-vis les autres régions.

Nous avons beaucoup parlé des recettes. Nous avons parlé du régime fiscal et nous avons dit qu'il y a peut-être des lacunes et autres choses du genre que nous pouvons éliminer. Nous pouvons nous étendre là-dessus, mais je tiens à faire remarquer que lorsqu'une entreprise paie des impôts et que ses actionnaires en paient aussi, cela revient en réalité à imposer deux fois ces gens-là. Je pense qu'il est important de souligner cela.

Je veux également faire remarquer quelque chose à M. Ferguson. Il a parlé des profits que font les banques et il a dit qu'ils étaient énormes, ce dont je conviens. Mais je pense que cela vaut la peine de noter qu'environ 50 p. 100 des actions des banques à charte sont détenues par des fonds de pension de travailleurs. Dans le cas de l'Association des municipalités de l'Ontario, ce sont des gens dont le revenu annuel moyen est de 30 000 $ qui ont investi dans les banques et qui bénéficient, dans une large mesure, des bénéfices qu'elles réalisent.

Par conséquent, même s'il est très facile de relever une information qui fait les gros titres, si l'on décide tout d'un coup de s'attaquer à ces bénéfices, il faut se rappeler qu'il y a des gens qui en subiront les conséquences. Les entreprises ne paient pas d'impôts; au bout du compte, ce sont des particuliers qui les paient. En l'occurrence, beaucoup d'entre eux sont des gens qui n'ont pas de gros revenus et ne sont pas extrêmement riches. De fait, ce sont des gens qui ne peuvent plus compter sur le Régime de pensions du Canada parce que sa pérennité n'est pas assurée. À la place, ils comptent sur leurs investissements dans des entreprises canadiennes, comme les banques.

Je tenais simplement à mentionner cela. N'hésitez pas à dire ce que vous en pensez.

Je veux juste ajouter une chose. Nous avons beaucoup parlé des recettes. Si nous nous mettions à la chasse de toutes les recettes que nous estimons pouvoir nous assurer à l'heure actuelle, permettez-moi de vous dire que cela ne serait pas suffisant, et de loin, pour obtenir ce dont nous avons besoin pour équilibrer le budget. On a fait remarquer que les programmes sociaux représentent un fort pourcentage des dépenses, environ 70 p. 100 des dépenses de programme. Par rapport à la totalité des dépenses, ce pourcentage est moins élevé car dans ce cas, il faut prendre en compte les versements d'intérêts. Mais pour ce qui est des intérêts, nous n'y pouvons rien; il faut les payer. Donc, c'est environ 70 p. 100.

Nous avons dit que si nous éliminons les subventions aux entreprises, si nous allons chercher tous les revenus que nous pouvons obtenir en prenant d'autres mesures fiscales - en mettant entre parenthèses, pour l'instant, le fait que cela freinera la croissance économique - nous allons encore être bien loin d'avoir ce dont nous avons besoin pour équilibrer le budget. Je vous mets au défi de nous dire où nous allons trouver le reste de l'argent qu'il nous faut si nous voulons équilibrer le budget.

Le vice-président (M. Campbell): Est-ce que quelqu'un veut répondre à cela?

Monsieur van Oord.

M. van Oord: J'apprécie beaucoup ce que vous avez dit à propos du tarif de la Passe du Nid-de-Corbeau. On aurait pu vous faire économiser 1,6 milliard de dollars si vous aviez fait cette observation l'année dernière. Si l'élimination du tarif de la Passe du Nid-de-Corbeau est la meilleure décision qui ait été prise en faveur de l'Ouest canadien, pourquoi avez-vous versé aux gens de cette région des indemnités qui se chiffrent à 1,6 milliard de dollars? Vous auriez dû garder cet argent dans votre poche; vous vous en sentiriez beaucoup mieux.

Je pense que vous vous engagez sur un terrain dangereux. C'est une bonne chose pour l'Ouest canadien, mais vous faites partie d'un gouvernement qui vient juste de verser des indemnités de1,6 milliard de dollars. Les chèques sont dans le courrier.

.0945

M. Solberg: J'aimerais dire quelque chose. Premièrement, je ne fais pas partie du gouvernement, mais de l'opposition. Deuxièmement, il ne fait aucun doute que les industries à valeur ajoutée se développent énormément à l'heure actuelle suite à cette décision. L'Ouest canadien va en tirer des avantages incommensurables, et payer... Cela n'aboutissait qu'à une chose, monsieur, à subventionner le Canada central, c'est bien là l'ironie, parce que tous ces produits étaient expédiés vers le Canada central et vers les États-Unis pour y être transformés. Par conséquent, au bout du compte, les subventions au transport s'avèrent extrêmement inefficaces; en réalité, elles pénalisent le secteur qu'elles sont censées appuyer.

M. van Oord: Je pense que vous allez avoir des ennuis avec votre président si vous parlez de subventionner le Canada central.

M. Murphy: Tout d'abord, en ce qui concerne les banques et ceux qui y investissent - c'est-à-dire, je suppose, les actionnaires, etc. - en ce qui a trait aux pensions et aux gens qui contribuent à ces caisses de retraite, il faut aussi voir le revers de la médaille. Premièrement, il y a très peu d'organisations syndicales qui contrôlent leur régime de retraite et qui décident où les fonds doivent être investis. Deuxièmement, on trouve aussi parmi les bénéficiaires de ces régimes de retraite... par exemple, dans toute entreprise, les cadres bénéficient de ces régimes tout autant, sinon plus, que les ouvriers au bas de l'échelle.

En ce qui a trait à la double imposition, je pense qu'au Canada, un grand nombre de particuliers sont bien plus que doublement imposés. Il y a les retenues à la source sur nos salaires. Nous payons d'autres taxes à titre de consommateurs. Et si nous investissons de l'argent, nous sommes, encore une fois, imposés.

Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faut implanter dans ce pays des industries à valeur ajoutée. C'est une idée que la fédération du travail de cette province a mise cent fois de l'avant. Je fais partie de la Fédération des travailleurs et travailleuses depuis 1972, et dans l'un des mémoires que j'ai soumis précédemment qui, de fait, portait sur les questions budgétaires et l'élaboration du budget national... j'ai souligné la nécessité de mettre un frein à l'exportation d'une des ressources naturelles de cette province. Il ne s'agissait pas d'un produit agricole, ni d'arbres que l'on peut faire pousser à nouveau; il s'agissait d'un corps minéralisé - les dépôts de zinc que l'on trouve au Nord du Nouveau-Brunswick. Tout le monde pensait qu'il serait bon d'établir une deuxième fonderie dans cette région, vu tout le minerai brut que l'on exportait; cette année-là, on a donc apporté des ajustements au budget en ce sens.

M. Solberg: Permettez-moi d'intervenir, car je ne veux pas que l'on s'éloigne trop de l'argument que je cherchais à faire valoir. Tout le monde est probablement d'accord pour dire que c'est très bien d'ajouter de la valeur, et que l'on devrait prendre des mesures pour que cela puisse se faire au Canada. Mais le but de tout cet exercice est de trouver un moyen d'équilibrer le budget, et c'est à cela que je voulais en venir.

M. Murphy: Et c'est exactement là où je vais moi-même en venir.

M. Solberg: Parfait.

M. Murphy: Dans le budget auquel je faisais allusion, qui a été élaboré, je pense, au milieu des années soixante-dix par Allan MacEachen, on a inclus une disposition concernant l'établissement de cette deuxième fonderie au Nord du Nouveau-Brunswick. C'était au milieu des années soixante-dix et cette fonderie n'est toujours pas installée parce que l'industrie en général, et Noranda en particulier, ont décidé, dans leur infinie sagesse, que nous n'avions pas besoin d'une deuxième fonderie ni des emplois bien rémunérés et des emplois dérivés que cela apporterait.

À moins que les gouvernements interviennent dans le jeu que l'industrie décidera ou non de jouer dans le secteur de la production à valeur ajoutée de ce pays - à moins qu'on ne laisse, tout simplement, s'exercer librement les forces du marché - notre position ne sera pas meilleure dans dix ans qu'elle ne l'est aujourd'hui. Il faut faire un effort délibéré pour créer ces emplois à valeur ajoutée qui sont très rémunérateurs. Oui, cela implique des échanges et nous avons toujours souscrit à cela, car le Canada et le Nouveau-Brunswick se sont depuis toujours montrés favorables aux échanges. Mais au bout du compte, la solution, c'est l'emploi. C'est ce que nous avons dit dans nos observations préliminaires. Il y a une crise de l'emploi, mais vous n'allez pas la résoudre en freinant les dépenses à la consommation.

Dans le sondage auquel j'ai fait allusion, un des points inquiétants était la faiblesse des dépenses de consommation. Vous ne pouvez pas détruire -

M. Solberg: Permettez-moi de vous répondre au fur et à mesure que vous soulevez certaines questions.

Vous avez parlé du rôle que le gouvernement pouvait jouer. Nous venons de recevoir un rapport du vérificateur général où l'on critique vivement les programmes d'expansion économique régionale pour un certain nombre de raisons, dont certaines ont déjà été mentionnées. Le fait est que ces programmes ne permettent pas de créer des emplois à long terme.

M. Murphy: Cela signifie-t-il que les facteurs d'inefficacité ne peuvent pas être éliminés?

M. Solberg: Permettez-moi de vous demander ceci: peuvent-ils être éliminés si le gouvernement utilise l'argent des contribuables et les impôts qu'il perçoit des entreprises pour se remettre à flot et ensuite, faire concurrence à ces mêmes entreprises? Ne devrait-on pas prendre en compte les résultats obtenus jusqu'ici qui, même si l'on est très indulgent, ne sont pas très bons en ce qui concerne le développement économique régional dans le Canada Atlantique ni, d'ailleurs, dans le reste du pays?

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Solberg, si vous avez une dernière question à poser, c'est le moment.

M. Solberg: Le problème, encore une fois, c'est que nous sommes loin de pouvoir équilibrer notre budget. Même si l'on fait disparaître toutes ces lacunes fiscales et si l'on cherche à augmenter les recettes de toutes les manières possibles, l'obstacle reste de taille. Si l'on élimine les subventions aux entreprises, il reste toujours un gros problème à résoudre pour équilibrer le budget. Permettez-moi de vous dire qu'il faut passer les programmes sociaux au peigne fin car, si on ne le fait pas, l'intérêt composé nous obligera à le faire dans quelques années, lorsque l'intérêt de la dette dépassera le total de nos dépenses.

.0950

M. Murphy: Ce qui met tout à fait dans la ligne de mire les taux d'intérêts et la création d'emplois.

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Murphy, merci. Je veux donner la parole à M. Ferguson et passer ensuite à ceux qui sont assis de ce côté-ci de la table. Nous aurons le temps de faire une récapitulation rapide.

M. Ferguson: Je vous ferais remarquer qu'en 1950, les entreprises payaient 50 p. 100 des impôts, alors qu'aujourd'hui, elles n'en paient que 7,8 p. 100. Voilà la raison pour laquelle nous ne pouvons nous permettre de financer nos programmes sociaux: le milieu des affaires ne fait pas sa part. Selon vos statistiques, il est évident que la part de la dette attribuable aux programmes sociaux n'est que de 6 p. 100. Ce n'est pas 70 p. 100, comme vous l'avez dit. Je ne suis pas d'accord avec ça.

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Cater, cela fait longtemps que vous avez levé la main. Excusez-moi de ne pas l'avoir remarqué plus tôt. Est-ce que les entreprises peuvent payer plus d'impôts?

M. Cater: Eh bien, un bon nombre de questions ont été soulevées, mais pour reprendre la dernière.... Au Nouveau-Brunswick, par exemple, on entend beaucoup de gens se plaindre du droit de coupe sur les terres publiques; la province dit qu'elle perd de l'argent. La province perd de l'argent, mon oeil. La province gagne au contraire énormément d'argent avec cela, une somme coquette qui s'élève à 2,5 milliards de dollars. Peut-être que le droit de coupe représente une dépense de 35 millions de dollars, mais...

C'est la même chose que ce dont nous discutons. Je vais vous raconter quelque chose. Au cours de la dernière récession dont nous venons de sortir, celle qui a commencé en 1990 et qui a duré trois ans, toutes les usines de pâtes et papiers du Nouveau-Brunswick ont perdu de l'argent et nombre d'entre elles avaient des flux nets de trésorerie négatifs; dans ces conditions, vous ne pouvez pas continuer à fonctionner pendant bien longtemps. En fin de compte, deux usines de pâtes et papiers ont fermé leurs portes. L'une vient de rouvrir et l'autre est restée fermée pendant deux ans.

Ces usines qui sont fermées... et je pense à celle de Bathurst, où je travaillais. Lorsque cette usine est fermée, l'impôt foncier perçu par le Nouveau-Brunswick - 750 000 $... les taxes municipales, l'impôt foncier. Lorsque les usines perdent de l'argent au Nouveau-Brunswick... Il y a ici des usines qui ont perdu de l'argent, 3 millions, 5 millions de dollars par mois... et vous n'aviez pas besoin d'aller bien loin pour les trouver. Mais la province du Nouveau-Brunswick n'a pas perdu d'argent avec toutes les cotisations sociales qui rentraient, la taxe de vente, la TPS, l'indemnisation des accidents de travail, l'impôt sur le revenu des travailleurs, le droit de coupe pour le bois utilisé... Toutes ces taxes, c'est l'industrie qui les paie. Il ne s'agit pas uniquement de l'impôt sur les sociétés. Ce sont toutes les cotisations sociales qui s'ajoutent. Cela représente plus que les 50 p. 100 dont vous parliez, enfin, quelque chose comme cela.

Le vice-président (M. Campbell): Merci, monsieur Cater. Je vais donner la parole à Mme Brushett, puis à M. Pillitteri, et tout le monde aura ensuite la possibilité de faire une récapitulation.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): J'aimerais faire quelques observations en réponse à certaines des déclarations qui ont été faites plus tôt.

Dans le dernier budget, les entreprises ont été visées, puisque nous avons réduit les subventions qui leur étaient allouées. Nous avons coupé à peu près 2 milliards de dollars de subventions dans le dernier budget. Je veux simplement vous mentionner cela pour vous montrer que nous essayons d'agir avec équité et pondération, pour réduire le déficit de ce pays et répondre aux besoins de tous les Canadiens.

M. Daigle a parlé de la différence qui existe entre le Canada et les États-Unis sur le plan du pourcentage d'imposition par rapport au PIB. La différence, dit-il, est de 10 p. 100. D'après nos recherches et nos données, il s'agit plutôt de 5 p. 100. Ce n'est pas aussi marqué que certains le disent.

Je pense qu'il faut que nous fassions des comparaisons avec les États-Unis, car ce pays est notre premier partenaire commercial. Il est donc très important de s'assurer que nous sommes sur la bonne voie et de comprendre l'origine de ces différences. Cela est dû, en partie, au fait qu'aux États-Unis, les cotisations sociales sont un peu plus élevées alors qu'ici, au Canada, c'est l'impôt des particuliers qui est plus élevé.

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À ce propos, dans les villes de l'Est canadien où nous nous sommes rendus ces derniers jours, on nous a fait remarquer plusieurs fois qu'il est possible d'envisager augmenter les cotisations sociales. Pourtant, d'autres disent qu'il faut les diminuer pour stimuler la croissance et la création d'emplois.

Je pense que c'est un mythe qui se dissipe lorsqu'on constate que nos cotisations sociales ne sont pas aussi élevées que dans certains pays. Parallèlement, la caisse d'assurance-chômage enregistre un excédent, et nous examinons comment on pourrait restructurer ce fonds. Je pense que vous allez voir ce gouvernement s'orienter vers une réduction des cotisations de l'employeur et de l'employé, de façon à ce que les gens aient plus d'argent dans leur poche, ce qui va stimuler les dépenses de consommation, comme M. Murphy l'a suggéré.

Il y a un autre point que je voudrais préciser à propos des provinces de l'Atlantique et de l'expansion régionale. Si l'on considère l'argent qui est injecté dans la région, la contribution du gouvernement fédéral se situe entre 41 et 51 p. 100. Que ce soit sous la forme de paiements de transfert aux hôpitaux ou aux universités, de pensions de vieillesse, de prestations d'assurance-chômage ou de capital-risque par l'entremise de l'APECA, entre 40 et 51 p. 100 de l'économie des provinces de l'Atlantique dépend des contributions fédérales. Les coupures qui sont faites pour régler le problème du déficit touchent plus durement cette région. Ces 40 à 51 p. 100 de contributions ne viennent pas des entreprises ni de la croissance économique, mais de paiements de transfert qui servent à financer des programmes sociaux, dans le cadre de l'appui consenti à la région ou du développement économique régional.

Le défi qui nous est lancé, à nous tous qui sommes aujourd'hui ici, à Frédéricton, est de trouver la bonne façon de procéder vis-à-vis la région. Comment devons-nous nous y prendre pour trouver l'argent dont nous avons besoin pour réduire le déficit tout en continuant à financer les programmes sociaux?

Le vice-président (M. Campbell): Posez-vous cette question à quelqu'un en particulier?

Mme Brushett: Je la pose à tout le monde, car je pense que c'est la question fondamentale que nous avons à résoudre.

Le vice-président (M. Campbell): Très bien, écoutons ce qu'ont à dire deux ou trois personnes.

Monsieur Cater.

M. Cater: L'observation que j'ai faite plus tôt, à propos des 2,8 emplois par mille mètres de bois coupé, est liée à ce que vous venez de dire. Le gouvernement fédéral nous octroie bel et bien de l'argent, mais le Nouveau-Brunswick finance autant d'emplois à l'extérieur de la province qu'ici même. Personne n'a jamais reconnu cela.

Mme Brushett: Que faut-il faire pour changer cela, pour ramener plus d'emplois ici, dans les provinces de l'Atlantique?

M. Cater: Pour changer cela, il faut instaurer un climat favorable au travail, afin que nous puissions donner de l'expansion au secteur des produits secondaires du bois, pour commencer. Nous ne voulons pas voir partir les planches de deux pouces sur quatre. Nous voulons les voir se transformer en cadres de fenêtre et de porte ou en n'importe quel gadget que nous pouvons commercialiser à un prix plus élevé. C'est bien connu, l'effet multiplicateur des produits secondaires du bois est plus marqué que celui du produit brut.

Mme Brushett: Que peut faire le ministère des Finances pour faciliter cela? C'est la question qui se pose aujourd'hui.

M. Cater: Nous venons de mentionner l'argent qui est versé au titre du développement régional et j'ai aussi parlé de frugalité tout à l'heure. Quand je vois où va cet argent, je me rends compte que les règles établies ne sont pas adéquates car, de la façon dont cela est organisé à l'heure actuelle, tout le monde peut avoir accès à ces fonds. Tous ceux qui ont une histoire qui sonne bien peuvent obtenir de l'argent. Cela est lié aux bénéfices des banques. L'APECA est censée être la banque de dernier recours, mais on l'utilise comme banque de premier recours dans bien des cas. L'argent n'est pas distribué là où il faut dans un grand nombre de cas. Je ne dis pas qu'il y a des abus ou quoi que ce soit, mais on pourrait se montrer beaucoup plus exigeant qu'on ne l'a été jusqu'ici.

Mme Brushett: Avez-vous des suggestions à faire? Je suis député de la Nouvelle-Écosse. Ma famille est originaire du Nouveau-Brunswick et je connais bien l'industrie du sciage. Pourriez-vous nous dire comment nous pourrions nous montrer plus exigeants? Nous voulons des suggestions précises et notre requête est très sincère. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Vous pouvez prendre le temps d'y réfléchir après cette audience.

M. Cater: Il faut que les gens qui décident comment l'argent est distribué se montrent plus exigeants. Nous aimerions recevoir des fonds. Mais il faut qu'ils rapportent à la région des emplois et des avantages plus nombreux.

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Le vice-président (M. Campbell): Je dois souligner que nous avons tous, d'une façon ou d'une autre, des racines dans les provinces de l'Atlantique. M. Pillitteri a vécu à Halifax. Mon père est né à Frédéricton. Quant à Mme Brushett, elle semble avoir de la famille partout dans la région.

Monsieur Pillitteri.

M. Pillitteri (Niagara Falls): Vous savez, ce matin nous nous sommes chamaillés pour savoir qui recevait le plus de subventions, et de quel côté allaient ces fonds.

Entre parenthèses, pour répondre à mon collègue et aussi à l'autre... Nous pourrions très bien privatiser la voie maritime du Saint-Laurent et faire disparaître ces subventions-là.

Pour l'information de mon collègue de l'autre bord, nous avons en Ontario du blé et du maïs à ne pas quoi savoir en faire, et nous n'avons certainement pas besoin de la subvention de la Passe du Nid-de-Corbeau. Bien des produits qui étaient subventionnés étaient expédiés dans l'autre sens; vers l'Ouest plutôt que vers le Canada central.

Je veux faire d'autres observations, étant donné que je suis de l'Ontario. Je tiens simplement à préciser ce que nous recevons et à énumérer, encore une fois, ce que les autres régions reçoivent.

J'ai entendu dire ici, ce matin, que ce que vous appelez un impôt minimum sur les sociétés... De fait, cet impôt minimum - quel que soit le montant de l'impôt sur les sociétés versé ici, au Canada - est plus élevé qu'aux États-Unis; et ce pays est notre partenaire commercial le plus important.

Je veux également prendre du recul par rapport à la question dont nous débattons... et avoir votre avis sur la façon dont nous nous y prenons pour tenter de réduire le déficit ou de le ramener à zéro, ou de faire mieux encore.

Laissez-moi vous dire une chose. Ce matin, M. Cater a dit ne pas avoir pu constater que les mesures prises dans le cadre du budget de l'an dernier avaient porté fruit. Laissez-moi vous rappeler que depuis que ce gouvernement est en place... et, étant donné que nous ne sommes pas entièrement objectifs, je soulignerais que le secteur privé canadien a créé 460 000 emplois. Cela a permis au chômage de passer de 11,5 p. 100 à 9,2 p. 100 à l'échelle nationale. Vous avez donc joui, au Canada, d'un climat favorable à la création de quelques emplois.

Mais vous avez également dit, monsieur Cater, que d'après ce que vous avez pu constater, le budget n'a pas vraiment porté fruit. Laissez-moi vous dire que, dans le cadre du budget de l'an dernier, nous avons effectué des coupures qui, sur trois ans, se chiffrent à 25 milliards de dollars. Tous les objectifs que ce gouvernement s'est fixés depuis qu'il est au pouvoir ont été atteints, c'est la première fois en vingt ans que cela arrive. Tous les objectifs en ce qui concerne le déficit ont été atteints. Notre tâche est bien avancée. Nous avons atteint l'objectif cette année... peut-être même que le déficit tombera de 1 milliard à 2 milliards de plus que nous l'avions prévu... et il passera à 3 p. 100 du PIB en 1997.

J'ai entendu quelqu'un parler de ramener le déficit à zéro en trois ans. Faites-nous des propositions concrètes, c'est pour cela que nous sommes ici. Nous pourrions parler de ce qui s'est passé jusqu'ici: Nous avons atteint nos objectifs, oui, ce gouvernement a atteint ses objectifs. Nous voulons savoir ce que vous proposez pour l'avenir. C'est à vous tous que je m'adresse.

M. Cater: J'aimerais juste apporter une petite correction. Lorsque j'ai dit que je n'avais vu aucun résultat, je ne voulais pas dire qu'il n'y en avait pas eu. L'an dernier, avant que ce processus de consultation ne soit lancé, nous avons reçu d'Ottawa un document d'un pouce d'épaisseur dans les deux langues officielles. Cette année, nous n'avons rien reçu.

Une voix: C'est cela, la frugalité.

M. Cater: Peut-être est-ce une preuve de frugalité.

Quoi qu'il en soit, je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas eu de résultats. Je savais que vous aviez réussi à réduire le déficit de 2 milliards de plus, mais c'est quelqu'un d'autre qui me l'a dit, je ne l'ai jamais vu écrit noir sur blanc.

Lorsque je regarde la chaîne parlementaire le soir, je n'entends pas beaucoup parler de résultats. Je ne vois plus M. Martin taper du poing sur son bureau, je le vois très rarement.

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Le vice-président (M. Campbell): Je vais demander à M. Murphy de récapituler rapidement et ensuite, nous ferons un tour de table.

L'une des choses qui rend ce cadre de discussion si fantastique, c'est que cela permet de soulever toutes sortes de questions alors que toutes les parties prenantes sont rassemblées autour de la table, si bien que vous ne vous adressez pas seulement à nous, mais que vous pouvez discuter entre vous. Nous entendons formuler certaines idées très utiles, il y a des réactions qui, à première vue, le paraissent tout autant et ensuite, on nous fait voir l'autre côté des choses. Pour nous, c'est une expérience très profitable. J'espère que ça l'est autant pour vous.

À la fin de la discussion, nous donnons habituellement aux participants la possibilité de faire une brève récapitulation. Je vais tout d'abord donner la parole à M. Murphy et ensuite, nous ferons un tour de table.

M. Murphy: Très bien, monsieur le président. D'après ce que je comprends, vous faites partie du gouvernement. M. Solberg s'est défendu d'en être.

Le vice-président (M. Campbell): Oui, j'en fais partie.

M. Murphy: M. Pillitteri fait partie du gouvernement, c'est évident.

Le vice-président (M. Campbell): Je suppose que l'on peut dire que les députés libéraux qui sont assis à cette table font partie du gouvernement.

M. Murphy: Après avoir apporté ces précisions, je vais citer certaines promesses contenues dans le Livre rouge, et tant pis si cela vous contrarie, puisque, de toute façon, il semble que j'aie épuisé mon temps de parole.

Tout d'abord, M. Pillitteri a fait allusion aux objectifs de création d'emplois. J'ai assez de mal à suivre ce que fait ou ne fait pas Frank McKenna, je ne m'intéresse donc pas de très près aux agissements du gouvernement fédéral mais, d'après ce que je comprends, dans le budget, l'objectif en matière de création d'emplois était de 400 000. D'après les renseignements que l'on nous a fournis, vous en avez créé autour de 200 000.

Mme Brushett: L'objectif était de 450 000.

M. Murphy: Eh bien, c'est encore plus élevé que je ne le pensais. S'il est vrai que vous en avez créé à peu près 200 000, alors, en ce qui a trait aux emplois, vous n'avez pas atteint votre objectif.

Le vice-président (M. Campbell): Non, non, ce que l'on a dit, c'est que plus de 400 000 nouveaux emplois ont été créés au cours des deux dernières années et demi.

M. Murphy: Eh bien, j'ai des chiffres différents. Je suppose que tout vient des chiffres.

Il y a aussi la question de l'impôt minimum des sociétés. Encore une fois, je ne suis pas comptable, mais d'après ce que je comprends, aux États-Unis, il y a un impôt minimum des sociétés. Après avoir fait jouer tous les échappatoires et mécanismes d'allégement fiscal, au bout du compte, les sociétés doivent payer un impôt minimum. À ce que je sache, au Canada, cela ne fonctionne pas ainsi. Sinon, pourquoi - d'après les données publiées par Statistique Canada, pas par nous - y a-t-il tant de sociétés qui ne paient pas d'impôts et d'ailleurs, tant de particuliers qui n'en paient pas non plus?

Donc, c'est une chose d'instituer un certain niveau d'imposition, comme c'est le cas pour l'impôt sur le revenu des particuliers, cela ne signifie pas qu'au bout du compte, c'est cette somme que vous allez payer, car il peut y avoir d'autres dispositions dans le cadre du régime fiscal qui vous permettent d'éviter d'avoir à payer des impôts. On peut appeler cela des incitatifs, des compromis ou je ne sais quoi. Pour les Canadiens, pour moi, en tout cas, et pour les gens que je représente, je pense que c'est le résultat final qui compte. Nous devons tous faire notre part, en toute équité.

En terminant, les Libéraux ont fait un certain nombre de promesses à la population canadienne en 1993. Je vais en citer quelques-unes. Ils ont promis, par exemple, que «notre politique budgétaire se développera selon deux grands axes: relancer l'emploi et la croissance tout en maîtrisant la dette et le déficit.» Le parti a défini une série de mesures permettant de remettre les Canadiens au travail et de favoriser la croissance économique.

Le parti a déclaré: «un gouvernement libéral aura pour objectif de réduire le déficit tout en relançant l'emploi», et a demandé aux Canadiens s'ils voulaient vraiment vivre dans «une société à deux vitesses qui sépare riches et pauvres, ceux qui ont de l'instruction et ceux qui n'en ont pas, avec des classes moyennes qui rétrécissent comme peau de chagrin.» Le message que je vous ai transmis dès le début de cette discussion, c'est que non seulement les gens qui appartiennent au mouvement syndical, mais tous ceux qui oeuvrent dans le secteur social, commencent à dire que c'est exactement ce qui se passe.

Dans le budget que vous préparez, je vous suggère de couvrir tous les angles. Même si, j'en conviens, vous vous êtes déjà intéressés aux entreprises, vos initiatives ont eu un effet très anodin et très précaire. Il faut que, dans tous les secteurs, votre action soit un peu plus impartiale; les programmes sociaux ont été beaucoup trop gravement touchés.

Le vice-président (M. Campbell): Merci, monsieur Murphy.

La parole est à M. Daigle.

M. Daigle: Merci, monsieur le président. J'ai seulement deux ou trois choses à mentionner avant de conclure.

On a parlé du rapport du vérificateur général. Je l'ai lu, au moins les chapitres 17 et 18. D'après ce que j'ai compris, le vérificateur n'était pas satisfait des performances dans le domaine du développement économique régional; les objectifs qui avaient été fixés n'étaient pas mesurables, et il a relevé des facteurs d'inefficacité partout dans le système.

Parmi tous les organismes de développement économique régional, c'est probablement l'APCEA qui a le mieux réussi quand on considère la façon dont elle s'est attaquée aux problèmes et a rendu compte des initiatives qu'elle a prises. Je voulais simplement souligner cela.

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Nous avons également parlé de l'impôt exprimé en pourcentage du PIB, et nous avons fait une comparaison entre le Canada et les États-Unis. Cela doit englober les impôts perçus par tous les paliers de gouvernement car, du point de vue des entreprises, peu importe qu'elles paient Frédéricton, Halifax, Ottawa ou les autorités municipales; il y a un véritable fossé entre le Canada et les États-Unis, une différence qui, d'après ce que nous savons, est de 10 p. 100, ce qui nous inquiète beaucoup, je tiens à le souligner.

Le vice-président (M. Campbell): Bon. Nous avons pris plus de temps que prévu et il y a un autre groupe qui devait se joindre à nous il y a sept minutes. Alors, s'il vous plaît, pourriez-vous conclure très rapidement?

M. Daigle: J'aimerais ajouter que cette discussion a été très intéressante. Nous avons de gros problèmes dans ce pays, c'est évident, et nos lendemains sont remplis d'incertitudes. En toute franchise, je pense que nous sommes tous, comme vous, pris entre le marteau et l'enclume.

Nous avions un bon système. La politique nationale dont rêvait John A. Macdonald a bien fonctionné pendant cent ans et plus. Mais ce n'est pas le système économique qu'il faut pour affronter le XXIe siècle.

Il me semble que nous nous battons pour trois fois rien, alors que nous devrions prendre des dispositions pour assurer notre prospérité économique et veiller à ce que tous puissent en profiter. Nous voulons faire fonctionner le système.

Le vice-président (M. Campbell): Merci. Madame Wright ou monsieur Hatfield. Très rapidement, s'il vous plaît.

Mme Wright: J'aimerais dire qu'en ce qui concerne les recettes, ce que nous avons entendu aujourd'hui est encourageant. On a mentionné que le ministre Martin parle d'examiner le régime fiscal et que le vérificateur général s'intéresse à la question.

Quand M. Daigle a dit que, si l'on examine le régime fiscal, il faut avoir la volonté politique de mettre en oeuvre les recommandations qui seront formulées, j'ai trouvé cela très encourageant.

Pour ce qui est des dépenses, de l'investissement que cela représente dans notre société, il faut se rappeler que nous avons établi des programmes sociaux en vertu de principes fondamentaux, et que tout le monde n'est pas capable de s'adapter rapidement aux changements de situation. Il faut préciser quel est le véritable rôle du gouvernement et reconnaître qu'au cours de l'année écoulée, nous n'avons pas examiné nos programmes sociaux en les situant dans un plus large contexte. Le processus a déraillé.

Troisièmement, rappelons-nous les leçons que l'on peut tirer des programmes d'alphabétisation: les conséquences économiques que cela peut avoir, le rôle de chef de file du gouvernement fédéral, l'établissement d'un objectif commun à l'échelle nationale et la participation communautaire.

Quatrièmement, merci de nous avoir donné l'occasion de comparaître.

Le vice-président (M. Campbell): Merci.

Monsieur Cater, très brièvement.

M. Cater: Je voudrais à nouveau remercier le comité de m'avoir invité.

Nous devons instaurer un climat favorable à la création d'emplois plus nombreux dans cette région. En ce qui me concerne, cela signifie que nous allons devoir apporter des changements à nos programmes sociaux, malheureusement, même si cela ne nous plaît guère.

Nous devons épargner le moindre sou. Quand je lis qu'un membre du gouvernement fédéral a dépensé des mille et des cents l'an dernier, à Noël, pour aller passer une lune de miel au Brésil, ou quelque chose comme cela, cela me rend malade.

Les pensions des hommes politiques, ce qui est un peu -

Le vice-président (M. Campbell): Vous ne parlez pas d'une lune de miel au sens littéral, n'est-ce pas?

M. Cater: Si, je parle bien d'une lune de miel au sens littéral.

Le vice-président (M. Campbell): Je ne sais pas de quoi vous parlez.

M. Cater: C'était dans les journaux d'Ottawa après Noël.

Le vice-président (M. Campbell): Bon. Si vous voulez bien conclure...

M. Cater: Il y a beaucoup de choses comme cela que l'on ne relève pas. Il faut compter le moindre sou. Si l'on faisait disparaître l'appareil gouvernemental, cela ne résoudrait pas nos problèmes, mais tous les efforts que nous pourrons faire nous aideront à nous en sortir.

Le vice-président (M. Campbell): Eh bien, comme quelqu'un l'a déjà fait remarquer à ce comité, si nous éliminions le Sénat et la Chambre des communes, nous économiserions 300 millions de dollars, mais nous aurions encore un déficit de plus de 32 milliards.

M. Cater: Mais ce n'est pas une raison pour ne pas s'y intéresser -

Des voix: Oh, oh.

M. Cater: - sans aller jusqu'à vous faire mettre la clé sous la porte.

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Cater, j'allais moi-même conclure sur le ton de la plaisanterie en disant, comme la personne en question, eh bien, au moins, c'est un début. Merci.

Monsieur Ferguson.

M. Ferguson: C'est bien de se quitter sur un sourire.

Pour moi, comme pour la coalition, le défi que vous nous avez lancé s'est révélé fort intéressant. Nous avons essayé de vous montrer le côté humain du problème que pose le déficit. Je connais un peu mieux les difficultés que cela crée pour les entreprises. J'espère qu'elles reconnaîtront l'impact que cela a sur les gens.

Cela me rappelle une idée que j'ai eue à propos d'Expo 67 - peut-être y en a-t-il parmi vous qui y sont allés. Moi, j'y ai travaillé pendant tout le temps que j'ai passé sur place.

Le thème de cette exposition était «Terre des hommes». Les organisateurs voulaient que l'on s'intéresse à l'homme et à son avenir sur la terre. J'aimerais qu'en définissant l'avenir du Canada, on s'intéresse parallèlement à la population et à l'économie. On peut combiner les deux.

Monsieur Daigle, je ne m'en suis pas pris à vous.

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Ne cherchons pas à avoir un gouvernement défini par les conditions du marché, dont les actes sont dictés par ses conditions et qui ne se préoccupe que de cela. Pensons aux gens.

Merci.

Le vice-président (M. Campbell): C'est vous qui avez le dernier mot, monsieur van Oord.

M. van Oord: Merci. Je devrais être flatté, puisque vous m'avez gardé pour la bonne bouche.

De mon point de vue, nous avons entendu aujourd'hui d'excellents commentaires. J'espère que le gouvernement se rend compte que, lorsqu'on parle de déficit et de coupures, il faut examiner de près ce que l'on coupe. Je peux dire: je vais économiser 200 ou 220 $ en ne payant pas ma facture d'électricité. Bien entendu, dans six semaines, je n'aurai plus de courant chez moi. Ce n'est pas faire des économies; c'est me causer des ennuis à moi-même.

Je pense qu'une des choses auxquelles le gouvernement canadien va devoir s'intéresser de très près, c'est l'instauration de règles du jeu équitables. Au Canada, on ne lutte pas à armes égales. Il y a des mesures qui nous désavantagent par rapport à d'autres régions du Canada.

Pour vous donner un exemple flagrant, si vous voulez faire venir du grain de Montréal à Halifax, vous êtes obligés d'avoir recours à des navires canadiens. C'est du protectionnisme. Nous sommes tous en faveur d'un certain protectionnisme, mais cela ne nous aide guère.

Je demande au gouvernement, comme l'a dit clairement, je pense, M. Murphy, d'examiner la situation sous tous les angles, car épargner un dollar peut parfois vous en coûter deux. Aidez-nous à instaurer un climat favorable à une prospérité économique dont tout le monde bénéficiera. S'il y a une chose qui a été dite qui m'encourage vraiment, c'est que nous jouissons d'un grand avantage... la responsabilité mutuelle que nous avons tous dans ce pays les uns envers les autres.

Merci.

Le vice-président (M. Campbell): Il me reste à vous remercier tous de nous avoir réservé un peu de temps dans vos agendas chargés, pour nous faire part de vos idées et avoir des échanges de vues très honnêtes entre vous qui êtes tous parties prenantes dans ce pays. Cela nous a été extrêmement utile, en tant que comité, et j'espère que c'est aussi le cas pour vous.

Les consultations que nous menons font maintenant partie des étapes jugées nécessaires à la préparation du budget. C'est la deuxième année que nous procédons ainsi, et vous pouvez vous attendre à nous revoir dans cette région l'année prochaine.

Cela me gêne un peu que le Comité des finances n'ait pas réussi à respecter l'horaire ni à dépenser moins que ne l'autorisait son budget, ce que nous essayons de faire lorsque nous organisons ces tables rondes. Nous avons pris un peu plus de temps que prévu; je vais maintenant demander aux témoins qui font partie du groupe suivant de Frédéricton de s'installer. Nous allons faire les présentations et entendre leur témoignage.

Je vous remercie infiniment. La séance est levée.

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