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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 5 décembre 1995

.1901

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Le comité des finances reprend ses discussions prébudgétaires. Nous recevons ce soir à Ottawa un groupe de témoins très impressionnants: du Conseil canadien de la coopération, Sylvie St. Pierre Babin; de la Fédération canadienne des vêtements, Stephen Beatty; de l'Association canadienne de la construction, Michael Atkinson et John Spratt; du Conseil canadien de la coopération internationale, Betty Plewes; du Conseil canadien sur le tabagisme et la santé, Ed Arundell; de l'Association canadienne de préparation à la défense, Ed Healy et Paul Manson; du Canadian Institute of Public Real Estate Companies, Ron Daniel; de Democracy Watch, Duff Conacher.

Est-ce que j'ai oublié quelqu'un?

M. Brian Anthony (directeur général, Fondation Héritage Canada): Oui.

Le président: Je vous prie de m'excuser. Vous êtes de...?

M. Anthony: Heritage Canada.

Le président: Pardonnez-moi. Et Réjean Laflamme de...?

M. Réjean Laflamme (directeur, Développement communautaire économique et coopératif, Conseil canadien de la coopération): Conseil canadien de la coopération.

Le président: Excusez-moi, Réjean.

C'est tout?

M. Ed. Healy (président, Association canadienne de préparation à la défense): Je m'appelle Ed Healy, président de l'Association canadienne de préparation à la défense, et mes collègues sont Norman Smyth et Paul Manson.

Le président: Monsieur Manson et monsieur Smyth, bienvenue.

Melodie Tilson.

Mme Melodie Tilson (porte-parole, Fondation canadienne des maladies du coeur): Je suis de la Fondation canadienne des maladies du coeur.

Le président: Bienvenue.

Merci.

Chacun d'entre vous aura trois minutes pour faire une déclaration initiale sur l'orientation que devrait prendre notre budget. Vous aurez ensuite beaucoup de temps au cours de la période de questions ou autrement pour développer certains points et vous pourrez à la fin résumer l'essentiel de votre message.

Monsieur Conacher, peut-être voudriez-vous commencer.

M. Duff Conacher (coordinateur, Democracy Watch): Certainement. Merci de cette invitation.

Democracy Watch s'inquiète d'un certain nombre de choses à propos du budget. J'aimerais d'abord m'arrêter sur la possibilité pour les citoyens de participer à un exercice budgétaire et de tenir le gouvernement et les sociétés responsables. Nous estimons que le budget est un bon moment pour utiliser un mécanisme que j'ai déjà exposé à votre comité dans un autre contexte, à savoir un feuillet qui serait inclus dans les enveloppes de déclaration d'impôt pour inviter les contribuables à adhérer à des groupes de surveillance. Ce mécanisme exigerait également que de tels feuillets soient inclus dans les enveloppes des banques et des services publics comme les compagnies de téléphone et les cablodiffuseurs.

Dans le contexte budgétaire, la déclaration d'impôt peut être un bon moyen d'inviter les citoyens à se constituer en groupes de surveillance en cochant une case de la déclaration d'impôt invitant les gens à ajouter 10 ou 15$ à l'impôt qu'ils doivent pour financer un groupe national de citoyens qui surveillerait les dépenses du gouvernement à long terme et jouerait le rôle de vérificateur pour le compte des citoyens.

Un certain nombre de personnes ont demandé que l'on effectue une vérification du bureau du Vérificateur général. Ce serait là un bon mécanisme pour ce faire.

.1905

Pour ce qui est des institutions financières, nous estimons que les exigences concernant la divulgation des prêts, qui est jusqu'ici laissée au bon vouloir du gouvernement et des banques, devraient être énoncées dans une mesure budgétaire. On devrait exiger que les banques communiquent beaucoup plus de détails sur leurs prêts puisque cela a une telle incidence sur l'économie canadienne.

D'autre part, on devrait exiger dans le budget que les banques réinvestissent en prêtant de l'argent pour des initiatives d'expansion économique. Ce pourrait être soit un fonds général soit quelque chose comme la Banque fédérale de développement. Il s'agirait de prêter dans des secteurs très importants pour la création d'emplois qui ne sont pas actuellement bien servis par les banques.

Il s'agit de créer des emplois et de prêter à des toutes petites entreprises, que les banques, pour diverses raisons, ne servent pas bien. C'est un secteur très important pour la création d'emplois. En fait, c'est le seul secteur de l'économie qui depuis dix ans affiche une création nette d'emplois.

Nous jugeons d'autre part que toute la question du bien-être social, par rapport à l'assistance aux entreprises, doit être examinée plus étroitement. Il devrait être possible, le soir du budget - comme les médias réussissent très bien à le dire - d'expliquer ce que l'on dépense pour l'aide sociale et ce que l'on diminue, ajoute ou change cette année. On devrait également pouvoir faire cela pour l'assistance aux entreprises.

Un groupe de travail a examiné l'année dernière toute cette question et s'est penché sur les obstacles fiscaux au développement durable. Vos collègues du comité de l'environnement ont également examiné la question ces deux dernières semaines.

Toute la question des subventions aux entreprises et de l'assistance aux entreprises en général devrait se résumer à deux critères. D'une part, cela permet-il de créer des emplois? D'autre part, cela permet-il de créer des activités qui ne soient pas nuisibles à l'environnement?

On a fait beaucoup d'études détaillées à ce sujet, mais malheureusement, une des choses qui manque, c'est une étude de l'assistance aux entreprises et de ce que le gouvernement donne actuellement aux entreprises sous diverses formes de subventions et de crédits d'impôt. Tant que cela ne sera pas précisé dans la structure du budget, il sera très difficile d'examiner la question.

Enfin, un domaine particulier qui nous intéresse est le lobbying et les frais de lobbying. Cela nous ramène aux outils à la disposition des citoyens. Il y a actuellement un dégrèvement fiscal pour les frais de lobbying des sociétés qui coûte au gouvernement fédéral 50 millions de dollars par an.

Ceci devrait être éliminé parce que le gouvernement a considérablement diminué les subventions aux groupes de citoyens dans les derniers budgets tout en maintenant cette déduction d'impôt pour les sociétés. Cela signifie que la voix du citoyen n'est plus entendue par les décideurs alors que la voix des entreprises reste très claire. Cette déduction d'impôt en fait partie. Si on supprimait cette déduction et si l'on permettait grâce à la déduction d'impôt de constituer des groupes de citoyens, ces derniers pourraient se faire mieux entendre dans tout ce processus.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Conacher.

Monsieur Arundell, et madame Tilson.

M. Ed Arundell (vice-président, Affaires publiques, Conseil canadien sur le tabagisme et la santé): Monsieur le président, mon exposé prendrait probablement plus de trois minutes et je vais donc aller très rapidement.

Le président: Je vous suggérerais de nous ne lire que les grandes lignes de cet exposé.

M. Arundell: C'est ce que je me propose de faire.

Le président: Nous savons qui vous représentez. Nous connaissons le travail que vous faites. Dites-nous ce que vous voulez que nous fassions à propos du budget. Nous aurons le temps de préciser les choses plus tard si vous ne réussissez pas à tout nous dire d'un coup.

M. Arundell: Entendu. Je dirais pour commencer, à propos de l'année dernière, que vous aviez mis fin à vos travaux en convenant avec nous que le tabac et la santé étaient des sujets très importants. Vous nous avez demandé de nous faire des suggestions précises. Nous pensons l'avoir fait.

Nous aurions donc cinq recommandations à vous faire cette année. Tout d'abord, nous pensons que le ministère des Finances devrait augmenter les taxes sur le tabac et les taxes d'accise en général. Plus précisément, nous aimerions que l'on mette fin aux subventions pour le tabac à coupe fine et les autres produits du tabac. Nous aimerions que les taxes fédérales soient les mêmes dans toutes les provinces et les territoires. Que l'on maintienne la surtaxe sur les produits du tabac. Que soit maintenue la taxe aux exportations et, à certains égards, qu'elle soit réexaminée afin d'être rendue plus efficace.

La majoration des taxes sur le tabac est quelque chose d'assez simple. Si l'on considère simplement les recettes, le gouvernement, plutôt que de récupérer les recettes perdues à cause de la contrebande, entre 1991 et 1993, a doublé ses pertes en diminuant la taxe. Si l'on considère les pertes pour les provinces, les recettes totales perdues par les différents ordres de gouvernement représentent des milliards de dollars. Ce sont des dollars qui auraient pu servir à lutter contre le déficit, ajouterais-je en passant.

.1910

La réduction des taxes sur le tabac a provoqué non seuelement des pertes majeures et inutiles de recettes, mais aussi elle fait craindre une augmentation dans la consommation du tabac. D'après Statistique Canada, selon un sondage national sur la santé de la population, publié le 22 septembre 1995, pour la première fois en près de 25 ans, le nombre de Canadiens qui fument a augmenté...augmentation qui amènera davantage de problèmes de santé et provoquera des coûts économiques liés à l'utilisation du tabac. Nous pourrons y revenir pendant la période des questions.

Nous souhaitons que l'on mette fin aux subventions au tabac, notamment au tabac à coupe fine et autres produits du tabac. La taxe sur le tabac à coupe fine avec lequel on roule ses propres cigarettes est inférieure à celle des cigarettes manufacturées. Ce tabac-là est plus nocif que celui des cigarettes manufacturées étant donné qu'il contient des ingrédients toxiques en plus grande quantité et que très souvent on l'utilise sans y mettre de filtre. Le traitement fiscal favorable dont jouit cette forme de tabac constitue un manque à gagner injustifiable et il encourage le recours au tabac sous une forme plus dangereuse. Selon nous, on pourrait égaliser les choses et nous formulons des recommandations quant à la façon de s'y prendre.

Nous préconisons que vous égalisiez les taxes fédérales dans toutes les provinces et territoires. Vous savez sans doute qu'après la réduction de la taxe fédérale, le gouvernement a offert de permettre aux provinces d'en faire autant ou de réduire davantage leurs taxes. Cela a produit une différence appréciable de taxes d'accise fédérale entre l'est et l'ouest du Canada. Selon nous, on devrait égaliser les choses au nom de l'équité tout en progressant du côté des mesures d'augmentation de la taxe sur le tabac.

Nous préconisons que l'on maintienne la surtaxe sur les produits de l'industrie du tabac. Les recettes obtenues grâce à cette taxe permettaient de financer la stratégie de réduction de la demande de tabac et elle contribuait également de façon générale à compenser le manque à gagner. Même s'il est trop tôt pour affirmer quoi que ce soit, nous pensons que cela a permis de rallier certains nouveaux groupes à la campagne antitabac.

En dernier lieu, et je saute certaines choses ici, la taxe à l'exportation qui vise toutes les exportations supérieures à la limite autorisée et qui s'élève à 8$ pour 200 cigarettes et à 5,33$ pour 200 grammes de tabac à coupe fine devrait être maintenue mais on devrait la réexaminer étant donné que certaines compagnies peuvent éviter de la verser sous prétexte qu'elles versent une taxe dans le pays importateur. Nous pensons que c'est injuste. À l'égard de cette taxe également nous estimons qu'on devrait égaliser les choses entre le tabac à coupe fine et les cigarettes manufacturées car l'inégalité existe également à cet égard. C'est seulement en réexaminant les choses que l'on vérifiera si cette taxe est pleinement efficace.

Le président: Vous avez réussi à tout dire. Merci beaucoup, monsieur Arundell.

M. Arundell: J'ai sauté le paragraphe de remerciements, monsieur le président.

Le président: Ne craignez rien, vous aurez l'occasion de revenir sur cela tout à l'heure.

Nous accueillons Michael Atkinson et John Spratt de l'Association canadienne de la construction.

M. John Spratt (président, Association canadienne de la construction): Merci, monsieur le président. Je suis l'actuel président volontaire de l'Association canadienne de la construction qui est une organisation sans but lucratif représentant 20 000 compagnies.

Cette année je suis allé aux quatre coins du Canada pour rendre visite à nos membres. Ils sont au nombre de 20 000. J'ai pu donc entendre directement leurs préoccupations concernant la situation économique actuelle.

Le message de l'ACC est simple: nos membres préconisent que nous équilibrions notre budget le plus vite possible. Les Canadiens doivent commencer à vivre selon leurs moyens s'ils veulent que leur pays survive et s'ils veulent continuer de jouir du niveau de vie et des protections sociales - deux choses essentielles - qui nous définissent comme Canadiens.

Actuellement, environ 35 cents par dollar perçu par le gouvernement fédéral servent à payer l'intérêt sur la dette fédérale. Cette hypothèque sur notre avenir rogne dans les dépenses possibles sur des programmes spéciaux de valeur, comme l'assurance-maladie ou la sécurité de la vieillesse, et nous empêche de procéder aux investissements fort nécessaires dans l'infrastructure publique de notre pays. Même si nous réduisons le déficit à 3 p. 100 du PIB, l'érosion se poursuivra. En fait, les choses s'aggraveront puisque l'endettement total continuera d'augmenter.

Si l'on compare la dette et le service de cette dette aux chiffres qui caractérisent le secteur de la construction, on constate que le coût annuel de 50 milliards de dollars en intérêt représente la moitié de la valeur totale du travail de construction effectué au Canada en 1994. Il a fallu toute l'année 1994 pour que 425 000 travailleurs de la construction puissent créer une valeur égale.

Monsieur le président, contrairement à d'autres groupes, nous ne vous dirons pas de réduire les dépenses dans la mesure où cela ne touche pas notre secteur. Vous remarquerez, à la lecture de notre mémoire, que nous réclamons certaines compressions de dépenses qui manifestement toucheront durement nos propres membres et notre association. Nous préconisons notamment que l'on supprime complètement les subventions directes aux entreprises et en même temps, aux groupes d'intérêt politique. Nous proposons également des modifications au régime d'assurance-chômage, et nombre d'entre elles ont déjà été intégrées à la réforme annoncée récemment. Nous préconisons également que l'on sabre davantage dans les dépenses de programmes, et cela pourrait aller jusqu'à des coupures dans les dépenses d'immobilisations et dans l'aide à l'étranger, dépenses qui très souvent prennent la forme d'améliorations des immobilisations.

.1915

L'industrie de la construction est tout à fait prête à assumer sa juste part des compressions afin de garantir l'avenir du Canada.

Les membres de l'ACC trouvent encourageant les premiers jalons annoncés dans le budget de l'année dernière pour réduire le déficit. Toutefois, il y a encore énormément à faire. Nous pensons que le budget de cette année doit jouer le tout pour le tout. Le moment est venu de supprimer le déficit fédéral. Nous pensons que le temps presse.

En même temps, nous nous réjouissons des investissements faits par le gouvernement dans l'avenir de notre pays, notamment par le biais du programme national d'infrastructure. Outre l'emploi productif que ce programme a fourni à près de 100 000 travailleurs de la construction au Canada, cette initiative a permis d'améliorer l'infrastructure publique du Canada essentielle pour la compétitivité future du pays et la qualité de vie de tous les Canadiens. De tels programmes constituent un investissement dans les emplois et dans l'avenir du Canada.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

M. Beatty, de la Fédération canadienne du vêtement.

M. Stephen Beatty (directeur exécutif, Fédération canadienne du vêtement): Au nom des membres de notre association, je vous remercie de nous avoir invités à participer à cette table ronde.

Nous avons préparé un exposé, que nous avons fait parvenir à la greffière, mais il sera peut-être utile de dire que notre association est l'organisme national qui représente les fabricants de vêtements au Canada. Nous représentons quelque 500 compagnies dans un secteur où il en existe 2 000 d'un océan à l'autre.

Il me faut vous dire que je suis en train de m'habituer à exposer des contradictions. En effet, alors que bien des compagnies dans notre secteur connaissent une prospérité record sur le plan des ventes et du nombre d'emplois, nous avons constaté que cela était dû essentiellement à une augmentation des exportations ou à des efforts pour récupérer une part du marché qui avait été perdue au profit des importations. La consommation de vêtements au Canada n'a pas connu de croissance depuis plusieurs années. Au contraire, pour le troisième trimestre, les ventes au détail accusent une baisse de 17,7 p. 100 par rapport au troisième trimestre l'année dernière.

Par conséquent, c'est avec ces données en toile de fond qu'il faut accepter les conseils que nous vous donnons concernant les objectifs de réduction du déficit.

À la vérité, nous craignons que des coupures considérables des dépenses ou des augmentations considérables d'impôt ne se traduisent en une nouvelle récession sur le marché de la consommation. Nous sommes convaincus de l'importance d'un budget équilibré et il faudrait que le gouvernement se garde de dévier de la voie déjà annoncée concernant la réduction du déficit. Nous reconnaissons évidemment que la situation financière du gouvernement fédéral a évolué et nous sommes impatients d'entendre ce que le ministre des Finances aura à dire là-dessus quand il comparaîtra devant le comité demain.

On pourra lire dans notre mémoire une proposition pour rationaliser la suppression des tarifs sur les intrants des produits manufacturés et cela constituerait une mesure budgétaire qui permettrait de créer un climat propice à la croissance et à la création d'emplois. Plus particulièrement, nous proposons un décret de remise des droits de douane, les producteurs primaires ayant accès de droits. C'est là un avantage dont ils pourraient se servir ensuite pour rendre plus attrayants les produits qu'ils offrent aux fabricants. Nous pensons que cela entraînerait des épargnes considérables pour les intermédiaires en aval et pour les consommateurs, renforçant les relations commerciales entre les industries canadiennes. De plus, les investissements resteraient au Canada ou y afflueraient. Cette proposition, en plus de clore l'âpre débat concernant la politique tarifaire visant les fabricants primaires et secondaires, permettrait aussi d'abaisser les coûts associés à l'application de cette réglementation tarifaire.

À propos de la cession et de la privatisation, nous recommandons que le gouvernement s'attache à des partenariats avec l'entreprise privée. Nous pensons que cela permettra d'obtenir plus d'avantages à long terme qu'une privatisation péremptoire des activités du gouvernement. Du reste, nous donnons l'exemple de certaines activités menées par le gouvernement fédéral dans notre propre secteur.

De plus, nous pensons qu'à maintes reprises la politique actuelle de rationalisation a abouti à la suppression malvenue de certains programmes et à la lente disparition de services gouvernementaux essentiels, touchant les normes concernant les produits, la santé et la sécurité du consommateur, la surveillance et l'exécution des lois et des règlements fédéraux. À cet égard, nous donnons certains exemples dans notre mémoire.

Nos opinions sur la réduction des effectifs et la compression des dépenses peuvent mieux se résumer ainsi. Premièrement, assurez-vous que vous faites des compressions dans le bon programme. Deuxièmement, si certaines compressions nuisent beaucoup à la capacité d'un ministère de remplir un rôle donné, on devrait alors songer à réduire les responsabilités du ministère dans ce domaine et même le lui faire abandonner complètement. Troisièmement, pour que le gouvernement fédéral s'acquitte de ses responsabilités en matière de réglementation, il faut alors faire respecter ces règlements et affecter les ressources nécessaires à cette tâche. Enfin, la réduction des effectifs fonctionne seulement si les ministères ne l'utilisent pas comme excuse pour libérer des ressources afin de se lancer dans des programmes et des projets entièrement nouveaux.

.1920

Je vous remercie encore une fois, monsieur le président. J'espère m'être limité aux trois minutes prévues.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Beatty.

[Français]

Madame Sylvie St-Pierre Babin, s'il vous plaît.

Mme Sylvie St-Pierre Babin (directrice générale, Conseil canadien de la coopération): Merci, monsieur le président. Nous sommes très heureux de pouvoir rencontrer les membres du comité ce soir et de leur présenter encore une fois nos vues par rapport à toutes les rencontres qui sont faites auprès des groupes en prévision des réflexions qui mèneront vers le prochain budget.

Comme vous le savez, notre organisme représente les 3 750 coopératives francophones de tout le pays. Nous allons nous attarder davantage ce soir à l'élément qui vous préoccupe plus particulièrement, à savoir instaurer un climat financier et monétaire sain.

La réduction du déficit doit demeurer la priorité du gouvernement fédéral. Nous partageons aussi, bien sûr, l'objectif du gouvernement de ramener le déficit à 3 p. 100 du PIB d'ici l'exercice 1996-1997. Une réduction plus rapide du déficit rendrait la situation économique globale pire qu'elle ne l'est actuellement.

Le plus préoccupant dans la crise que nous vivons actuellement est qu'il est difficile pour les pays industrialisés comme le nôtre de faire face à un endettement très grand envers les étrangers. Pour assurer la crédibilité du redressement que nous envisageons et préserver les cotes de crédit, les objectifs devront nécessairement être atteints.

Le fardeau de la preuve incombe au gouvernement. S'il ne réussit pas à atteindre ses objectifs au cours du présent cycle d'expansion économique, sa crédibilité en sera malheureusement entachée. Pour ce faire, le gouvernement devra, selon nous, chercher de nouvelles sources de revenu ou réduire ses dépenses. Et nous pensons qu'il est possible de réduire les dépenses.

En ce qui concerne les mesures qui seraient à prendre pour réduire le déficit, nous trouvons opportun et souhaitable que le gouvernement du Canada s'inspire des expériences du secteur privé et qu'il axe son intervention sur la satisfaction de ses clients et sur l'engagement d'une Fonction publique responsable et imputable en favorisant une gestion incitative et compétitive.

Nous nous attendons à ce que ce gouvernement coupe dans sa propre machine avant de couper dans les transferts aux plus démunis, un élément que nous vous avions d'ailleurs déjà soumis antérieurement. Nous croyons aussi que les modèles coopératifs dans des secteurs comme la santé, la garde d'enfants et l'habitation offrent des solutions de rechange très efficaces en termes de coûts que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux devraient incorporer dans leur stratégie pour contrôler les coûts des programmes.

Afin de créer un climat favorable à la petite et moyenne entreprise, nous appuyons les mesures visant à créer un climat favorable à l'éclosion de nouvelles entreprises de petite et moyenne tailles incorporées sous la formule coopérative ou à capital-actions. La réduction du cadre réglementaire et des tracasseries administratives qui génèrent des coûts au sein des entreprises et qui nuisent au climat d'affaires devrait être une priorité du gouvernement.

La deuxième priorité doit être l'élimination des subventions aux mégaprojets pour les remplacer par un recours accru aux prêts ou contributions remboursables aux petites et moyennes entreprises, qui ont le double avantage d'être moins dispendieux et plus créateurs d'emploi.

En ce qui concerne la possibilité de créer de nouveaux emplois, nous croyons à la création de coopératives de travail. Cette formule a déjà fait ses preuves dans notre pays. Évidemment, les coopératives de travail permettent à des gens de créer leur propre emploi. Ils sont donc propriétaires de leur entreprise et négocient des contrats d'exécution, fabriquent ou transforment des produits et acquièrent des biens de consommation pour les revendre au public.

Une autre formule qui a vu le jour et qui peut présenter un certain intérêt pour la création d'emplois, c'est celle des coopératives de travailleurs actionnaires qui permettent aux travailleurs d'acquérir un pourcentage des actions d'une entreprise avec d'autres partenaires du mouvement ou encore des investisseurs privés.

Quant aux partenariats possibles, malgré les changements en cours dans l'environnement économique mondial, nous croyons que l'État continuera à jouer un rôle de premier plan au Canada. Cependant, ce rôle est appelé à évoluer considérablement dans les années à venir. Au lieu de voir l'État réaliser les choses directement, nous verrons des partenariats s'établir entre l'entreprise coopérative à capital-actions ou communautaire et les différents niveaux de gouvernement. Le fédéral devra jouer un rôle de leader vis-à-vis des autres gouvernements au Canada, pour les encourager à établir des exemples de partenariat entre le secteur privé et le secteur public.

.1925

Nous croyons aussi qu'il y a un rôle très important à jouer au niveau de l'autoroute de l'information. L'autoroute pourrait briser l'isolement actuel de nos communautés francophones, accroître la communication et permettre à nos entrepreneurs de se regrouper en réseaux et de développer ainsi des partenariats intéressants. En somme, les francophones doivent être en mesure de profiter des avantages de l'autoroute de l'information et faire en sorte que cet outil réponde de façon adéquate à leurs besoins actuels et futurs.

En ce qui concerne le financement à l'exportation, nous pensons qu'il faut accroître considérablement la capacité d'exportation des petites et moyennes entreprises, en rendant le financement des exportations plus accessible et en offrant des activités de formation et de renseignement sur le marché.

Les coopératives sont prêtes à jouer un plus grand rôle dans le développement futur des exportations canadiennes. Il s'agit qu'on leur en donne les moyens. Nous avons, au cours de la dernière année, fourni de l'emploi à 67 000 personnes dans tout le pays.

Ces quelques points constituent l'essentiel du message que nous voulions transmettre dans le cadre de ces consultations. Le CCC est aussi d'avis qu'il faut procéder sans tarder au redressement des finances publiques du Canada. Il en va de la crédibilité du gouvernement auprès des investisseurs étrangers qui financent une part croissante de notre dette.

Nous sommes d'avis...

Le président: Il ne vous reste que cinq minutes.

Mme St-Pierre Babin: Très bien. Nous pourrons terminer un peu plus tard, à la période de questions. Nous déposerons aussi un mémoire.

Le président: Merci beaucoup.

Mme St-Pierre Babin: Merci.

[Traduction]

Le président: Nous entendrons maintenant la représentante du Conseil canadien de la coopération internationale, Betty Plewes.

Mme Betty Plewes (présidente-directrice générale, Conseil canadien de la coopération internationale): Merci. Mon organisation représente plus d'une centaine d'organismes de secours et de développement, comme le Service universitaire canadien outre-mer (SUCO), Vision mondiale Canada, CARE du Canada, ainsi que les églises et les fonds de solidarité syndicale oeuvrant dans le domaine du développement international.

Dimanche, je suis revenue d'une réunion d'organisations non gouvernementales internationales aux Philippines, où j'ai pu constater encore une fois la réputation internationale vraiment étonnante que le Canada s'est faite. Cette réputation découle de notre programme d'aide et des politiques sociales progressistes adoptées par le Canada au sein des Nations Unies, de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et ici chez nous. Cependant, c'est une réputation qui se voit menacée à l'heure actuelle.

Dans les notes que vous nous avez fait parvenir, vous nous avez demandé de faire des commentaires sur la façon dont la politique macro-économique du Canada pourrait contribuer à la croissance économique et à la création d'emplois, et nous, au Conseil, voyons la question dans une perspective quelque peu différente. Nous ne croyons pas que la recherche de la croissance économique devrait être le seul guide de la politique budgétaire du Canada. Beaucoup de Canadiens sont prêts aujourd'hui à remettre en question la prospérité que nous avons connue ces trois dernières décennies et à se demander si tous les coûts environnementaux et sociaux en valaient la peine.

Depuis 1962, la disparité entre les revenus des gens les plus riches et des gens les plus pauvres a doublé. Le cinquième de la population qui représente les plus riches reçoit maintenant 83 p. 100 du revenu mondial, tandis que le cinquième de la population qui représente les plus pauvres en reçoit seulement 1,4 p. 100.

Le Conseil croit que la croissance économique doit être tempérée par d'autres valeurs, comme la justice sociale, l'équité et la protection de l'environnement. C'est donc un peu à contre-coeur que je fais valoir l'argument en faveur de l'aide publique au développement en fonction des paramètres de vos questions.

[Français]

Nous reconnaissons que la stabilité économique ainsi que le développement social et économique qui résultent de notre programme d'aide profitent à l'économie canadienne. En rehaussant le niveau de vie dans les pays en développement, nous créons de nouvelles alliances économiques et nous trouvons de nouveaux clients pour nos produits et services.

[Traduction]

L'analyse faite par le gouvernement nous montre que le programme d'aide internationale du Canada contribue à maintenir 40 000 emplois canadiens ainsi que 3 000 entreprises canadiennes, et que 6 000 entreprises canadiennes ainsi qu'une centaine d'universités et collèges y participent annuellement.

En ce qui concerne la réduction du déficit, nous avons recommandé l'an dernier une réduction de 4,3 milliards de dollars dans le budget de la défense. Nous avons suggéré qu'on réaffecte300 millions de dollars de cette somme aux Affaires étrangères et au Commerce international, deux milliards de dollars à l'aide au développement étranger, pour enfin appliquer les deux milliards de dollars restants à la réduction du déficit.

[Français]

Mais notre recommandation n'a pas été mise en application, même si le gouvernement a rejeté dans l'énoncé de sa politique étrangère le modèle de sécurité des années de guerre froide. Et même s'il a admis que les menaces actuelles à la stabilité mondiale ne se régleront pas à la pointe du fusil, le résultat des récentes réductions est que le budget de la défense, qui était quatre fois plus élevé que celui de l'aide étrangère, y est maintenant cinq fois supérieur.

.1930

[Traduction]

Enfin, un groupe d'organismes du secteur bénévole récemment créé a présenté au comité une proposition de modification à la Loi de l'impôt sur le revenu, des modifications qui encourageraient les particuliers et les entreprises à contribuer aux programmes sociaux que les gouvernements abandonnent. Nous y voyons une utilisation responsable de la politique budgétaire et nous appuyons ces propositions.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Plewes.

Nous entendrons maintenant les représentants de la Fondation Héritage Canada, Douglas Franklin et Brian Anthony.

[Français]

M. Anthony: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

La Fondation Héritage Canada tient à vous remercier de nous avons invités à vous rencontrer ce soir. Je dois mentionner que notre organisme a été créé il y a 22 ans par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, qui est maintenant devenu premier ministre du Canada, pour que nous soyons le porte-parole national ou la conscience nationale en matière de patrimoine.

Bien que nous nous soyons toujours concentrés jusqu'ici sur les éléments architecturaux et panoramiques de notre patrimoine, autrement dit notre patrimoine tangible, nous avons commencé dernièrement à y ajouter l'intangible, c'est-à-dire les valeurs, les croyances et les coutumes qui font autant partie de notre patrimoine et de notre identité que nos sites historiques architecturaux et naturels.

Nous avons deux types de commentaires à vous faire ce soir, des commentaires spécifiques et des commentaires généraux. De peur de manquer de temps, si vous le permettez, je vais commencer par les commentaires spécifiques et s'il me reste assez de temps, je passerai ensuite aux commentaires généraux.

Vous nous avez demandé comment on pourrait utiliser les mesures budgétaires pour créer un contexte propice à la création d'emplois et à la croissance. Permettez-moi d'abord de vous dire qu'à notre avis, il faut une mesure pour décourager les gens de démolir des immeubles et pour encourager la rénovation.

Qu'on le reconnaisse ou non, la Loi de l'impôt sur le revenu est un instrument extrêmement efficace qui touche la qualité de vie dans nos collectivités. La Fondation Héritage Canada croit profondément que le gouvernement fédéral doit éliminer le règlement actuel aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu qui permet au propriétaire d'un immeuble de déduire de son impôt sur le revenu une portion de la valeur dépréciée de cet immeuble, immédiatement après sa démolition. C'est un allègement fiscal inutile qui réduit les recettes nationales et diminue la qualité de nos villes, car il encourage les propriétaires fonciers à laisser leurs terrains vacants ou à les utiliser comme parcs de stationnement.

Deuxièmement, des mesures budgétaires pourraient être utilisées pour encourager le secteur privé à bien prendre soin des immeubles à valeur patrimoniale. Le budget de 1995-1996 a lancé le nouveau concept de mesures fiscales destinées à encourager la protection des terrains écologiquement vulnérables et nous approuvons ces mesures. C'est louable, mais nous croyons que des mesures semblables sont désespérément nécessaires pour encourager la préservation d'édifices à valeur patrimoniale.

En 1987, votre comité a justement fait au ministre des Finances d'alors la recommandation suivante:

Le ministre des Finances avait alors rejeté cette recommandation plutôt modeste du comité. Si le gouvernement explorait au moins cette question, il trouverait des indices évidents qu'une nouvelle politique fédérale - en réalité, toute politique - destinée à encourager la rénovation créerait vraiment un contexte propice à la création d'emplois et à la croissance, ce qui est précisément l'objectif de votre comité.

Nous voulons vous présenter ce soir un seul fait qui appuie l'idée de nouvelles politiques visant à encourager la rénovation des vieux immeubles. Une étude préparée par la Société canadienne d'hypothèques et de logement en 1986 dit:

Le type de mesure fiscale que nous préconisons n'a rien de radical ou d'inédit Nous ne cherchons pas à faire adopter des mesures qui entraîneraient une réduction importante des recettes nationales. Au contraire, nous vous demandons d'envisager des mesures qui pousseraient le secteur privé à investir et à créer des emplois véritables pour les Canadiens compétents qui sont prêts à occuper de tels emplois dans toutes les régions de notre pays.

S'il me reste du temps, je voudrais faire quelques commentaires de nature générale.

Depuis une quinzaine d'années maintenant, nous traversons une période de compressions croissantes, principalement parce qu'on veut juguler le déficit et réduire la dette nationale. Nous approuvons cet objectif, mais on ne semble pas arriver à le réaliser.

En tant que fondation, nous ne pouvons pas avoir de déficit, en vertu de nos lettres patentes, et nous approuvons donc toute mesure qui réduirait le déficit et la dette nationale. Permettez-moi cependant d'ajouter qu'il ne faut pas le faire à n'importe quel prix. L'érosion que nous avons subie pendant la période de restriction s'est fait sentir dans le domaine du patrimoine. Il serait ironique qu'au moment où l'avenir du pays est fortement remis en question et où vos collègues du Comité permanent du patrimoine canadien cherchent des moyens de renforcer l'identité canadienne, que notre patrimoine, que nous croyons essentiel à notre identité - qui constitue même notre identité, à notre avis - cesse d'exister au moment où nous en avons besoin.

Le président: Merci, monsieur Anthony.

.1935

Nous entendrons maintenant les représentants de l'Association canadienne de préparation à la défense, M. Smyth, M. Healy et M. Manson.

Je suppose que vous êtes ici pour manifester votre accord avec Betty Plewes, de sorte que vous n'aurez pas besoin de faire un exposé.

M. Healy: C'est justement ce que nous allions dire, monsieur le président.

Notre organisation agit en faveur de l'infrastructure industrielle de défense canadienne. Les fournisseurs canadiens du ministère de la Défense nationale dénombrent environ 600 sociétés faisant appel à un effectif de quelques 50 000 employés et enregistrant des ventes de 10 milliards de dollars au total, ou approximativement 1,3 p. 100 du produit intérieur brut. En tout, environ 70 p. 100 des besoins relatifs à la défense canadienne sont satisfaits au pays.

Notre industrie est bien diversifiée, environ 70 p. 100 de la production étant des produits commerciaux et 30 p. 100 étant du matériel et des services de défense. L'industrie de la défense canadienne est convertie en majeure partie et ne nécessite, ni ne réclame, l'intervention du gouvernement pour diversifier plus largement ses produits et services dans des secteurs non liés à la défense.

Comme le temps nous manque, monsieur le président, je voudrais maintenant paraphraser les conclusions et les recommandations contenues dans le mémoire que nous vous avons remis.

Premièrement, l'infrastructure industrielle de défense canadienne joue un rôle essentiel dans la sécurité nationale du Canada. Elle représente également un employeur important et elle fait partie intégrante du secteur de la haute technologie. Elle exporte quelque 30 p. 100 de sa production.

Deuxièmement, nous approuvons les objectifs du gouvernement en ce qui concerne la réduction du déficit et nous recommandons l'établissement d'autres limites dans le but d'établir un budget équilibré d'ici à la fin du siècle. Nous allons même jusqu'à recommander un excédent de3 p. 100 du PIB d'ici à l'an 2004.

Troisièmement, la planification d'un budget de défense inférieur à 10 milliards de dollars serait dangereusement bas pour maintenir nos modestes forces armées adéquatement équipées. Après des consultations poussées et l'élaboration d'une politique de défense réaliste, le gouvernement devrait mettre en oeuvre cette politique.

Quatrièmement, d'autres réductions des coûts sont possibles à tous les paliers du gouvernement en éliminant le double emploi et le chevauchement de fonctions, en encourageant la privatisation et en réduisant l'importance et le nombre des ministères et organismes.

Cinquièmement, le gouvernement peut faire davantage pour encourager la création d'emplois dans le secteur privé, plus particulièrement en ce qui concerne les PME. En transférant certaines activités gouvernementales au secteur privé, des industries rentables seraient créées, et elles seraient mieux placées pour entrer en concurrence sur les marchés mondiaux. Le gouvernement devrait examiner la possibilité de stimuler l'exportation et la création d'emplois en remboursant une partie de la nouvelle taxe sur le revenu.

Enfin, l'ACPD recommande fortement que le budget de la défense ne fasse l'objet d'aucune autre coupure et que le ministère de la Défense nationale soit fortement encouragé à rationaliser ses activités et à limiter son infrastructure dans le but de maintenir un budget d'équipement et d'immobilisation adéquat.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Healy.

Vous avez admirablement bien réussi à respecter le temps qui vous était alloué. Merci beaucoup.

[Français]

Nous allons commencer les questions. Monsieur Brien, s'il vous plaît.

M. Brien (Témiscamingue): Monsieur Conacher, vous dites que les banques devraient divulguer davantage d'information, mais vous n'expliquez pas pourquoi. Ma question est donc la suivante: Pour quelle raison voudriez-vous que les banques donnent de l'information plus transparente?

[Traduction]

M. Conacher: Depuis dix-huit mois, le comité de l'industrie tient des réunions régulières sur les prêts consentis par les banques. La question est de savoir si les banques prêtent dans une mesure équitable aux petites entreprises, c'est-à-dire au secteur de l'économie qui crée des emplois, comparativement aux moyennes entreprises et aux grandes sociétés. Actuellement, les statistiques disponibles ne révèlent pas si les banques prêtent équitablement, parce qu'on ne tient pas de dossiers sur le nombre de personnes qui présentent une demande d'emprunt, sur le nombre de demandes approuvées et rejetées, ainsi que sur les pertes subies par les banques dans chaque catégorie de prêt, selon la taille ou le type d'entreprise.

Le chef d'une petite entreprise qui posséderait ces renseignements pourrait savoir tout d'abord si un prêt consenti à une petite entreprise est plus risqué qu'un prêt consenti à une grande ou une moyenne entreprise, et deuxièmement, il saurait s'il est plus probable que sa demande d'emprunt soit rejetée par une banque. Si les statistiques montrent que les prêts aux petites entreprises ne sont pas plus risqués, il n'y a alors aucune raison pour que le taux de refus ou de rejet soit plus grand que dans le cas des entreprises moyennes ou grandes.

.1940

En ce qui concerne la création d'emplois, il est donc très important d'avoir ces statistiques, afin de pouvoir tenir les banques responsables, à cet égard, de l'usage qu'elles font de l'argent des Canadiens. Le prêtent-elles de manière à soutenir l'économie canadienne, ou de manière à s'assurer des profits? Vous pouvez en parler avec votre collègue M. Discepola, qui s'y connaît fort bien, puisqu'il participe depuis un an et demi aux réunions du comité de l'industrie à ce sujet.

[Français]

M. Brien: Je trouve cela intéressant, parce que très souvent, quand les gouvernements interviennent auprès des petites entreprises, que ce soit pour prêter ou pour stimuler la création d'emplois, c'est la plupart du temps à cause des banques qui cherchent des garanties supplémentaires. On s'aperçoit, en bout de ligne, que les programmes gouvernementaux de soutien aux petites entreprises servent davantage aux institutions financières qu'aux individus qui veulent se lancer en affaires. Il faudrait donc s'interroger sur les objectifs poursuivis et surveiller cela de plus près. Je trouve qu'il s'agit là d'une piste très intéressante.

Vous avez parlé de tenir une comptabilité de ce qu'on appelle le corporate welfare ou le bien-être social d'entreprise. Je ne sais pas si la traduction est exacte, mais quoi qu'il en soit, pourriez-vous me dire ce que vous incluez dans la définition de «corporate welfare»? Vous avez parlé d'y inclure les dépenses fiscales, comme par exemple ce qui est permis sur le plan des amortissements. La définition peut être très vaste. Où commence-t-elle et où s'arrête-t-elle?

[Traduction]

M. Conacher: Là est la question: où commence-t-elle et ou s'arrête-t-elle? Nous soulevons seulement cette question en disant qu'elle mérite un examen plus approfondi, car il semble qu'au moment du budget, tout le monde est capable de donner des chiffres exacts quant à ce que nous remettons aux assistés sociaux, aux travailleurs, on dit exactement à quoi s'élèvent les coûts, ce qu'on en retranche, ce qu'on y ajoute, ce qu'on modifie, pourtant, lorsqu'il est question de l'aide gouvernementale aux sociétés, on se trouve soudain incapable de donner des chiffres, on ne peut pas définir une subvention. Eh bien, si nous pouvons définir l'assistance sociale, nous devrions pouvoir définir l'assistance accordée aux sociétés, et il faudrait l'examiner d'aussi près que l'assistance sociale pour voir si les Canadiens en ont vraiment pour leur argent, si vous me permettez l'expression. L'argent accordé aux sociétés crée-t-il vraiment des emplois, aide-t-il l'économie, contribue-t-il à la santé et au bien-être des Canadiens, à l'environnement, ou est-ce le contraire: aide-t-on des sociétés qui ont des activités à l'étranger et qui ne créent pas d'emplois ici et qui nuisent à l'environnement, à la santé et au bien-être des Canadiens?

Certains des crédits fiscaux dont on a parlé ici, ainsi que diverses subventions, doivent être examinés. Je veux parler des crédits d'impôt, du financement direct de programmes, des renflouements, des reports d'impôt. La gamme est très vaste. Nous disons seulement que c'est une question qui mérite d'être examinée plus directement.

[Français]

M. Brien: Ma dernière question s'adresse à la représentante du Conseil canadien de la coopération internationale.

Vous avez fait un lien entre l'aide internationale et les retombées économiques qui peuvent s'ensuivre.

Quand on demande aux gens dans quels secteurs de dépenses ils couperaient, l'aide internationale est très souvent visée. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi il y aurait des effets négatifs si on coupait dans l'aide internationale plutôt que dans le développement économique des entreprises canadiennes?

[Traduction]

Mme Plewes: Premièrement, il n'est pas toujours vrai que les Canadiens disent automatiquement qu'il faut réduire l'aide. Ils sont souvent très prompts à suggérer qu'on réduise le budget de la défense, mais l'aide est mentionnée pas très loin derrière.

L'aide canadienne apporte un grand nombre d'avantages au Canada - je les ai déjà expliqués dans mon exposé - en termes d'emplois et d'avantages pour les sociétés canadiennes de même que pour les particuliers. En outre, cette aide a permis au Canada de se faire une réputation internationale vraiment remarquable qui nous a donné accès à bien des contacts en plus de nous donner du pouvoir au sein de diverses institutions comme le Commonwealth, la Francophonie et l'OCDE, ce que nous n'aurions pas si nous avions un programme d'aide moins efficace.

.1945

Il est également vrai, cependant, qu'à plus long terme, si l'on investit dans des pays dans le cadre de programmes d'aide visant à fournir de l'eau potable, des logements, des écoles, on peut empêcher dans une certaine mesure des catastrophes comme celles que nous avons vues en Somalie ou au Rwanda, où nous devons alors intervenir d'une manière qui coûte beaucoup plus cher, afin d'essayer de neutraliser les conséquences d'un problème qui, en réalité, et de nature socio-politique et économique.

Nous n'approuvons pas l'idée selon laquelle l'aide devrait servir à promouvoir les entreprises canadiennes. Nous pensons que l'objectif du programme d'aide est de soulager la pauvreté dans le tiers monde. Il est cependant également vrai que l'aide canadienne profite à l'économie du Canada non seulement par la création d'emplois, de produits et de services, mais aussi grâce aux relations économiques positives qu'elle crée avec les pays du tiers monde.

[Français]

M. Brien: Ma dernière question est pour M. Spratt. Au Québec, le vérificateur général a fait mention de pertes de revenus incroyables à cause du travail au noir, dans le domaine de la construction notamment.

C'est un problème majeur, car les gens, pour toutes sortes de raisons, se sentent de plus en plus justifiés de se tourner vers l'économie souterraine, et le secteur qui vient en tête de liste est la construction.

Quelles solutions entrevoyez-vous pour régler ce problème à court et moyen termes?

[Traduction]

M. Spratt: C'est un problème très grave. L'économie souterraine a certainement progressé, car je pense que beaucoup de gens jugent qu'ils paient essentiellement trop d'impôts. À mon avis, la TPS a jeté de l'huile sur le feu et maintenant, l'économie souterraine est importante. C'est certainement le cas dans l'industrie de la construction.

Revenu Canada est en train de lancer un programme dans l'industrie de la construction, de même que dans plusieurs autres secteurs, exigeant qu'on fasse rapport à Revenu Canada de tous les paiements faits à tous les paliers. Je crois que c'est une façon d'exercer une surveillance. À mon avis, il faudra probablement d'autres moyens de surveiller... Les processus de perception de l'impôt sur le revenu sont en place. Il s'agit d'attraper les tricheurs.

L'industrie de la construction souffre de l'activité des tricheurs qui ne paient pas leur juste part d'impôts, car dans ces conditions, les règles du jeu ne sont pas uniformes. Certains segments de notre industrie souffrent beaucoup plus que d'autres. Nous aimerions que chacun paie sa juste part d'impôts.

Je crois qu'il y a actuellement un problème du côté de l'exécution de la loi, mais le problème fondamental tient au fait que les gens qui trichent sont convaincus que la fiscalité est beaucoup trop lourde. Ils estiment qu'ils n'en ont pas pour leur argent et ils cherchent donc des petites combines pour s'y dérober. Le secteur de la construction n'est qu'un élément du problème.

[Français]

M. Brien: Je voudrais seulement ajouter qu'à court terme, vu notre niveau d'endettement et notre déficit, il est irréaliste de penser que le niveau de taxation diminuera.

Donc, la solution au problème de l'économie souterraine passe par le renforcement des mesures d'exécution à Revenu Canada. C'est, selon vous, l'approche qu'il faut mettre de l'avant.

[Traduction]

M. Spratt: C'est une méthode. Je pense qu'il y en a d'autres, mais les mesures d'inspection et les nouvelles obligations de déclaration à Revenu Canada qui toucheront bientôt de nombreux secteurs seront à mon avis très utiles.

Le président: Merci, monsieur Spratt.

[Français]

Merci beaucoup, monsieur Brien.

[Traduction]

Monsieur Grubel.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Merci, monsieur le président. J'ai deux questions à poser à Mme Plewes.

Mes commettants me disent que l'argument de la création d'emplois au Canada est quelque peu fallacieux, parce qu'on enlève de l'argent aux Canadiens pour le donner à des pays étrangers; si on n'avait pas donné cet argent aux étrangers pour qu'ils achètent ici, il serait resté entre les mains des Canadiens. Ces derniers l'auraient dépensé eux-mêmes et ils auraient créé le même nombre d'emplois, sinon plus. Je pense que ce n'est pas un très bon argument en faveur de l'aide à l'étranger.

.1950

Pour ce qui est des pays qui font partie du cinquième le plus pauvre de la population et qui disposent de 1,7 p. 100 du revenu total de la planète, pouvez-vous me donner quelques exemples de pays qui sont dans cette catégorie?

Mme Plewes: Le Niger, le Mali, le Mozambique, l'Angola, la Somalie.

M. Grubel: Quand j'essaie de défendre l'aide au développement auprès de mes commettants, ceux-ci me demandent toujours pourquoi ces pays-là sont-ils dans un tel pétrin? Pourquoi sont-ils si pauvres?

Que pourrais-je leur répondre?

Mme Plewes: Que leur dites-vous?

M. Grubel: Vous dites qu'il faut donner davantage d'argent à ces gens-là, et mes commettants veulent savoir pourquoi ces pays sont dans un tel pétrin. Ils aiment bien aider les gens, mais ils veulent avoir l'assurance que ce n'est pas seulement... Comment en sont-ils arrivés là?

Mme Plewes: En fait, les sondages les plus récents de l'ACDI montrent que les Canadiens appuient l'aide à l'étranger, surtout quand ils ont l'impression que les programmes aident les gens à s'aider eux-mêmes.

Comment les pays d'Afrique en sont-ils arrivés là? Après 500 ans d'esclavage, après que des millions d'individus eurent été enlevés en Afrique pour être expédiés dans d'autres coins du monde. Ils en sont arrivés là après une longue période de colonialisme qui, dans bien des cas, a ruiné les États et les entreprises économiques qui étaient florissants. Aujourd'hui, ces pays sont victimes d'un système économique international qui traite leurs produits de façon discriminatoire, qui les traite de façon inéquitable, qui les a obligés à s'endetter tout au long des années 1970 et 1980, au point que certains de ces pays consacrent maintenant 60, 70 ou même 80 p. 100 de leur budget au remboursement des dettes accumulées pendant les années 1970 et 1980.

Ces pays sont maintenant ravagés par des maladies comme le sida, la tuberculose, la malaria et sont essentiellement laissés pour compte par le reste du monde.

Ce ne sont pas les habitants de ces pays qui se sont mis dans cette situation, qui ont provoqué le désastre; c'est l'aboutissement d'une période d'environ 500 ans.

Le président: Bravo!

M. Grubel: Dois-je dire aux gens qu'en fait, ces pays-là n'étaient pas obligés de dépenser la moitié de leur budget pour les forces armées, qu'ils n'étaient pas obligés d'envoyer leurs plus brillants jeunes gens en Union soviétique pour y prendre des cours de goulag, de planification, etc., mais qu'ils avaient bel et bien le choix? Ou bien devrais-je leur dire que tout cela est le résultat inéluctable d'un déterministe historique amorcé il y a 10 000 ans?

Mme Plewes: Je pense que si vous en aviez le temps, vous pourriez passer en revue l'histoire de la guerre froide; vous apprendriez que l'Union soviétique et les États-Unis ont tous deux alimenté des guerres en Afrique pour appuyer leur propre idéologie; les États-Unis ont soutenu des dictateurs, notamment au Zaïre et en Somalie, où l'on récolte aujourd'hui les fruits de ce qu'ils ont semés.

Il ne s'agit pas de pointer quiconque. Le fait est qu'il y a des milliards de gens qui ne mangent pas à leur faim et que ce n'est pas de leur faute, contrairement à ce que vous dites, quels que soient les antécédents historiques. Nous estimons que le Canada doit assumer ses responsabilités, dans la limite de ses contraintes financières, et doit continuer de jouer le rôle que nous jouons avec succès depuis 45 ans.

M. Grubel: Ce qui est regrettable, c'est que trop souvent, on apprend en lisant ces rapports que l'argent ne va pas à la population, qu'il sert plutôt à acheter des armes pour alimenter les conflits internes, etc. Mais je comprends votre point de vue.

Merci, monsieur le président, de m'avoir donné l'occasion d'obtenir des réponses à l'intention de mes commettants.

Le président: Merci, monsieur Grubel.

Madame Stewart.

Mme Stewart (Brant): Merci, monsieur le président, et merci à tous. J'ai trouvé que cette série d'exposés étaient tous plus intéressants les uns que les autres.

Monsieur Arundell, compte tenu des répercussions des mesures fiscales prises il y a environ un an et demi, et compte tenu des statistiques qui montrent une recrudescence du tabagisme parmi les jeunes, dans quelle mesure cette hausse est-elle attribuable au fait que nous pouvons maintenant mieux suivre l'évolution de la situation? En effet, les jeunes achètent maintenant des cigarettes légales et non plus des produits de contrebande.

.1955

M. Arundell: C'est une question légitime, on peut en effet se demander dans quelle mesure la hausse enregistrée correspond au remplacement des ventes de cigarettes de contrebande des années précédentes, avant la baisse de taxe.

Je peux toutefois vous dire, et Mélodie pourra vous en dire plus long là-dessus, que Santé Canada a mis sur pied un groupe de travail dont les membres ont examiné les résultats de la plupart des enquêtes publiées pendant cette période, car il y a un manque de données, et en sont arrivés à la conclusion qu'il y a eu augmentation nette de la prévalence en sus du ressac faisant suite à l'arrêt de la contrebande. Le chiffre exact figure dans le rapport, mais je ne le sais pas par coeur.

À mes yeux, la statistique la plus troublante est celle qui est ressortie de l'enquête nationale sur la santé qui a été menée cet été. Ces chiffres ne correspondent pas aux achats ou à la consommation, mais aux déclarations des personnes interrogées. Le chiffre était stable ou en baisse depuis près de25 ans au Canada, ce qui reflétait l'engagement du Canada envers une politique anti-tabac et pro-santé pendant cette période, pendant laquelle plusieurs gouvernements se sont succédé. Pour la première fois en 25 ans, nous avons vu cette année une augmentation de la prévalence et ce n'est pas fonction d'une baisse correspondante de la contrebande, parce que cette enquête est fondée sur les déclarations des intéressés eux-mêmes.

Mélodie, j'ignore si vous avez quelque chose à ajouter.

Mme Tilson: Je voudrais faire quelques observations.

Le rapport mentionné par Ed Arundell est le fruit d'un atelier réunissant un groupe d'experts dans ce domaine qui se sont penchés sur des estimations des activités de contrebande et sur les données de diverses enquêtes des années 1990 à 1994 en vue de tirer au clair ce qui s'est passé exactement pendant ces années-là.

Ce groupe a conclu que la consommation globale est en hausse de 9,2 p. 100 depuis la baisse des taxes, en tenant compte des estimations les plus élevées tout en étant crédibles pour ce qui est de la contrebande. C'est une hausse de la consommation globale. On a également tenu compte des données de divers rapports qui montrent qu'il y a augmentation spectaculaire des nouveaux fumeurs, surtout dans les provinces où les taxes sont les plus faibles.

L'enquête nationale sur la santé publique dont on vient de publier les résultats en septembre montre que parmi ceux qui fument tous les jours et sur le plan de la prévalence globale, qui comprend à la fois ceux qui fument tous les jours et les fumeurs occasionnels, il y a un écart d'environ 4 à5 p. 100 entre les provinces où les taxes sont faibles et celles où elles sont élevées.

Par ailleurs, si l'on regarde les chiffres pour ceux qui arrêtent de fumer, le taux est d'environ5 p. 100 plus élevé dans les provinces où les taxes sont élevées par rapport aux autres. Il y a donc des preuves écrasantes qu'en dépit du fait que la contrebande était généralisée avant la baisse de taxe, cette baisse a bel et bien entraîné une augmentation nette du tabagisme.

Mme Stewart: Merci pour ces statistiques.

Madame St. Pierre Babin, vous avez parlé de l'élimination des subventions aux mégaprojets. Songiez-vous à des projets en particulier quand vous avez fait cette recommandation?

[Français]

Mme St-Pierre Babin: Oui, en effet. On faisait référence, l'année dernière, à de grands projets de type Hibernia, par exemple. Pour les réaliser, on doit aller chercher la main-d'oeuvre dans d'autres provinces. Par conséquent, on ne règle pas le problème de la création d'emplois en finançant ce type de projet. On favorise davantage la création de nouvelles entreprises qui vont prendre graduellement leur place dans l'économie des localités.

[Traduction]

Mme Stewart: Nous avons accueilli hier, je crois, des représentants du secteur de l'aérospatiale et ils continuent d'être fermement convaincus que l'aide gouvernementale leur est nécessaire pour poursuivre leurs activités.

Qu'avez-vous à dire au sujet de ce secteur dans l'optique de votre organisation?

[Français]

Mme St-Pierre Babin: Je ne saurais que répondre quant à l'aide qu'ils ont sollicitée. Évidemment, quand on est dans des secteurs de pointe, on peut considérer que l'aide gouvernementale s'avère parfois nécessaire. Mais quand on regarde la situation financière de notre pays, il faut choisir des orientations comme celles que j'ai mentionnées antérieurement.

Réduisons d'abord les dépenses et essayons de stabiliser un tant soit peu la situation financière de notre pays avant d'entreprendre d'autres mégaprojets.

.2000

Mais il ne nous appartient pas d'identifier les secteurs qu'il est pertinent d'aider financièrement ou pas.

[Traduction]

Mme Stewart: Merci beaucoup.

Monsieur Anthony, j'ai été saisie par certaines des propositions que vous nous avez faites. Je n'avais jamais pensé à certaines des répercussions fiscales dont vous parlez.

Je viens du sud-ouest de l'Ontario. Ma localité est certainement comme bien d'autres. Le centre-ville est tout à fait mort et un effort considérable de revitalisation s'impose. Bon nombre des bâtiments ont une valeur patrimoniale.

Croyez-vous que la stratégie que vous proposez et qui consiste à remplacer l'amortissement par une forme quelconque d'incitation fiscale à la rénovation des propriétés à valeur patrimoniale aurait un effet positif sur des villes comme la mienne?

M. Anthony: Permettez-moi de répondre en abordant deux aspects.

Je vous dirai d'abord que, depuis les quinze dernières années, nous parrainons un programme de revitalisation de la rue principale. De concert avec les autorités locales, les chefs de file des milieux communautaires et des milieux d'affaires, nous avons participé à plus de 120 projets de rénovation ou de revitalisation de centres historiques des municipalités de diverses tailles un peu partout au pays.

Notre organisation représente une exception à la règle, d'une certaine manière. Elle a été créée par le gouvernement à titre d'organisation non gouvernementale dotée d'une fondation et bénéficiant d'un avantage fiscal conféré par l'État. Nous sommes ainsi en mesure de démultiplier les dons du secteur de l'entreprise pour financer le genre de projets dont je vous ai parlé.

Nous nous butons cependant à un obstacle: celui de la réglementation - et pas seulement au palier fédéral - qui fait en sorte qu'il est non seulement possible mais souhaitable, compte tenu de la législation fiscale fédérale et de dispositions à l'échelle provinciale et municipale, pour les propriétaires ou les acheteurs d'un bâtiment de le démolir pour des raisons financières au lieu de le conserver avec soin et d'envisager une autre utilisation.

Il ne faudrait pas grand-chose, selon nous, sinon certaines modifications apportées aux dispositions dont j'ai parlé, pour faire en sorte que les propriétaires de bâtiment à valeur patrimoniale soient incités à rénover et à continuer d'utiliser les bâtiments. Nous ne sommes pas de ceux qui estiment qu'il faut conserver de vieux bâtiments simplement parce qu'ils sont vieux. D'après nous, il faut continuer à les utiliser, sans quoi les bâtiments à valeur patrimoniale n'ont pas de valeur réelle.

Pour ce qui est du régime fiscal fédéral, nous ne croyons pas que de tels changements entraîneraient des pertes importantes de recettes. Au contraire, il nous semble que, en définitive, cela contribuerait à créer un certain nombre d'emplois par million de dollars investis. Si on fait travailler un plus grand nombre de Canadiens, ces derniers paient davantage d'impôts, ce qui est avantageux pour Revenu Canada.

L'opposition traditionnelle à ce genre de mesure provient de fonctionnaires fédéraux pour qui les effets de la Loi de l'impôt sur le revenu doivent être neutres. Or, quiconque connaît la Loi de l'impôt sait fort bien qu'elle est truffée d'anomalies et de dispositions à fins spécifiques qui dérogent de cette fameuse neutralité.

Nous estimons donc avoir des arguments valables pour une modification mineure et peu coûteuse qui aurait des répercussions profondes partout au pays sur des localités comme la vôtre.

Mme Stewart: Merci.

Monsieur le président, j'aurais des questions à poser à chaque témoin, mais je cède la parole à mes collègues. Merci.

Le président: Nous vous reviendrons. Merci, madame Stewart.

Monsieur Pillitteri.

M. Pillitteri (Niagara Falls): Merci, monsieur le président.

Monsieur Anthony, votre exposé sur la conservation des édifices m'a fort impressionné. J'ai eu pour ma part la bonne fortune de vivre dans la localité de Niagara-on-the-Lake, l'une des plus petites, si je ne m'abuse... Je suis fier d'y vivre puisqu'il s'agit d'une petite localité et de l'une des mieux conservées de l'Ontario, ou peut-être même du Canada dans son ensemble.

Tout cela est dû au secteur privé. Aucune espèce de désignation fédérale ou provinciale n'est venue y contribuer.

.2005

À l'époque où j'étais conseiller municipal, nous avons désigné pratiquement le tiers de la ville comme secteur patrimonial. À un moment donné, il semblait que cela allait susciter la controverse mais je crois que lorsque les gens croient en leur ville ou en leur communauté et lorsqu'ils ont un patrimoine architectural valable, comme c'est le cas dans notre région, ils sont fiers de ce qu'ils font et sont donc disposés à dépenser.

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il faut vraiment la participation du fédéral ou du provincial... J'estime que les gens ont fait du bon travail à l'échelle locale. Les résultats sont essentiellement attribuables au secteur privé. Je sais que le palier municipal a participé à certaines activités de restauration. Je pense, par exemple, au palais de justice mais, dans ce cas, toute la communauté a participé à une campagne de financement.

Si on souhaite conserver quelque chose, il faut se demander si cela en vaut la peine. La population est-elle prête à le faire au lieu de simplement y penser?

Le président: Je tiens à vous souligner, monsieur Anthony, que M. Pillitteri est le propriétaire d'une maison très moderne et d'un établissement vinicole tout aussi moderne qui s'est mérité de nombreux prix.

M. Anthony: Je vous remercie de ces commentaires. Je dois dire que je ne suis pas d'accord avec vous. J'aime beaucoup Niagara-on-the-Lake. Votre localité représente probablement l'exception qui confirme la règle. Évidemment, lorsque le civisme, la fierté, le sens du devoir peuvent être mis à contribution, lorsque les revenus du tourisme et la volonté des propriétaires de résidences secondaires qui souhaitent conserver le caractère pittoresque des lieux convergent, alors tout ce que vous venez de dire est possible. Malheureusement, il n'en est pas ainsi partout au pays.

Dans la mesure où il est possible de couper la poire en deux, nous pourrions convenir du fait que si le régime fiscal ne favorise pas la rénovation, alors il ne devrait certainement pas favoriser la destruction. À l'heure actuelle, et la chose est vraie pratiquement pour tous les paliers de gouvernement, il est moins coûteux ou plus rentable de transformer un vieux bâtiment en terrain de stationnement ou même en amas de débris gazonné. C'est moins coûteux que d'entretenir un bâtiment à valeur patrimoniale. Nous sommes donc perdants.

Nous avons pu constater ce qui s'est passé dans la plupart des localités du pays au cours des années 1960 et 1970 au nom de la modernité et du développement. Nous sommes maintenant entourés de carcasses de 25 ans dont la vie utile tire à sa fin, ce qui donne lieu par ailleurs à toute une autre série de problèmes. Tout cela s'est produit parce que la destruction est rentable.

M. Pillitteri: Je suis d'accord avec vous jusqu'à un certain point. À mesure que sont désignés certains secteurs patrimoniaux aux fins de la restauration, les règlements pertinents pourraient être adoptés. On pourrait refuser d'accorder le permis de démolition.

Il y a toute une série de possibilités, et ce genre de dispositions pourraient donc être prévues. Et il y en a d'autres.

Pour ma part, je préfère que les initiatives proviennent du secteur privé.

Le président: Si vous êtes d'accord, monsieur Pillitteri, je céderai maintenant la parole à Mme Brushett.

Mme Brushett (Cumberland-Colchester): Merci, monsieur le président.

Notre comité comporte notamment l'avantage de permettre à des collègues d'exprimer des points de vue divergents.

Je tiens à dire que j'ai fait appel au programme de revitalisation de la rue principale à l'échelle municipale en Nouvelle-Écosse et j'ai pu constater qu'il pouvait servir de moteur à des initiatives de revitalisation du centre-ville dans de petites localités des provinces de l'Atlantique. Le programme a été couronné de succès et nous avons réalisé un grand nombre de projets de rénovation qui ont permis de protéger le paysage urbain en conservant des propriétés à grande valeur architecturale et patrimoniale. Nous avons pu du même coup moderniser l'intérieur d'un grand nombre de vieux bâtiments, d'églises, de palais de justice et ainsi de suite. Je tenais à souligner la réussite du programme et, du même coup, la pertinence de votre intervention.

M. Anthony: Merci.

Mme Brushett: Avant de poser ma question, monsieur le président, j'aimerais féliciter Betty Plewes. Je n'ai jamais entendu quelqu'un dire de façon aussi éloquente devant ce comité pourquoi le Canada doit participer à l'aide à l'étranger. J'ai trouvé son intervention excellente.

Ma question s'adresse à Norman Smyth et elle porte sur la défense. Hier soir, nous avons accueilli Pratt & Whitney, du secteur de l'aérospatiale. Les représentants de cette entreprise nous ont fait valoir très clairement que, sans interventions gouvernementales, et en l'absence du pouvoir d'achat du gouvernement, ils n'étaient pas en mesure d'être compétitifs à l'échelle internationale. Vous avez pour votre part déclaré ce soir que vous vous portez fort bien merci sans l'intervention gouvernementale. Je me demande comment il se fait que vos positions sont si différentes.

.2010

M. Healy: Elles ne le sont peut-être pas tant. Nous laissions entendre que, selon nous, l'intention exprimée par le gouvernement actuel dans le livre rouge de contribuer à la diversification de notre secteur n'était pas la bienvenue. Nous n'avons besoin ni d'argent, ni de subventions. Contrairement au secteur de l'aérospatiale, dont nous faisons partie dans certains cas, nous ne croyons pas que des subventions soient nécessaires à notre secteur.

Il est cependant évident que notre secteur dépend des achats gouvernementaux. C'est l'industrie canadienne qui répond 70 p. 100 des besoins du ministère de la Défense. Si tout cela était transformé en aide à l'étranger - et ce n'est pas cela que je propose, pas plus qu'une réduction de l'aide à l'étranger - , le secteur de la défense disparaîtrait au Canada.

En plus d'être interdépendants, nous sommes, jusqu'à un certain point, indissociables. En période de crise, le ministère de la Défense doit faire appel à la capacité industrielle du pays pour s'approvisionner en matériel, en pièces de rechange et en services de toutes sortes pour exercer les fonctions qui sont les siennes comme entité gouvernementale, que ce soit au pays ou à l'étranger, en Bosnie, qu'il s'agisse de rescaper des gens quelque part dans l'Atlantique comme cela s'est passé durant le week-end dernier ou encore qu'il s'agisse d'Oka ou de Gustafson Lake. Les militaires ont besoin de matériel et nous sommes là pour le fournir.

Mme Brushett: Puis-je interroger brièvement M. Conacher? Vous avez dit que vous souhaitez abolir les déductions fiscales que l'on peut réclamer pour les activités de lobbyistes. Cela entraînerait, avez-vous ajouté, des recettes fiscales de 50 millions de dollars environ. Ai-je bien compris?

M. Conacher: C'est là notre évaluation, en effet.

Mme Brushett: Pensez-vous que nous sommes en mesure de le faire?

M. Conacher: Comme pour toute mesure fiscale, il s'agit de formuler la règle et de ne pas autoriser la déduction.

Mme Brushett: Ma question va un peu plus loin. Nous entendons dire, par exemple, que la petite entreprise n'arrive jamais à obtenir sa juste part des marchés et n'a pas l'oreille du gouvernement au même titre que les grandes sociétés. Serait-ce parce que les PME ne sont pas en mesure de se payer des lobbyistes? Y aurait-il un moyen de faire en sorte qu'une telle mesure soit avantageuse pour tout le monde?

M. Conacher: Notre proposition ne vise pas la petite entreprise mais plutôt le citoyen en général. Il y aurait un moyen de venir en aide aux citoyens, il s'agirait d'intégrer au formulaire de déclaration d'impôt une case que le contribuable pourrait cocher en consentant d'ajouter 10$ d'impôt. Le montant pourrait servir à des groupes de surveillance des dépenses gouvernementales, de surveillance de l'éthique gouvernementale, à financer un vérificateur du Vérificateur général, à constituer des groupes de surveillance dans certains domaines précis comme les soins de santé ou le service postal.

Si nous abordons la question, c'est que le financement des groupes de défense des citoyens a été réduit de 20 p. 100 ou de 25 p. 100 lors du dernier budget - et c'est même davantage si on tient compte des budgets des dernières années. Ainsi, les gens ordinaires sont beaucoup moins en mesure de faire valoir leur point de vue, alors que la subvention continue d'exister pour que le secteur de l'entreprise puisse faire entendre les siens.

Il s'agit donc d'une question d'ordre général. Si on supprime la subvention, les sociétés vont continuer de financer des lobbyistes. Vous avez déjà réduit les dépenses pour les groupes de citoyens et elles vont l'être encore davantage. La voix des citoyens ne pourra plus s'exprimer.

.2015

Je vous pose donc la question, à vous parlementaires: comment allez-vous prendre des décisions éclairées en pesant le pour et le contre si l'une des deux parties n'est pas en mesure de se faire entendre?

Mme Brushett: Merci.

Le président: Merci, madame Brushett.

Monsieur Benoît.

M. Benoît (Vegreville): Si j'ai bien compris la dernière question, vous parliez du financement de groupes d'intérêts par le gouvernement. Si un certain groupe d'intérêts est important pour certaines personnes, pourquoi ces personnes ne peuvent-elles pas financer les groupes pour qu'ils puissent les représenter de façon efficace?

M. Conacher: Je vous donne un exemple de ce que nous préconisons. Il s'agit d'un feuillet qui accompagnerait le relevé de compte bancaire ou la facture de carte de crédit et par lequel les destinataires seraient invités à se joindre à une association de consommateurs de services financiers. Il nous semble que c'est là une mesure qui convient tout à fait dans le budget.

À l'heure actuelle, tous les lobbyistes des banques et des entreprises de services financiers sont rémunérés par les consommateurs. Les banques prélèvent des sommes qu'elles obtiennent des consommateurs et les transfèrent à leurs lobbyistes. Il suffit que les six PDG des six grandes banques se réunissent quelque part pour que soit organisé un lobby des banques.

Comment les consommateurs peuvent-ils agir aussi facilement? C'est impossible. Les banques canadiennes comptent 20 millions de déposants. Il en coûterait 10 millions de dollars environ pour faire parvenir à ces 20 millions de personnes un message qui les inciterait à s'organiser pour que leurs intérêts soient représentés.

Or, il n'y a personne qui offre de dépenser 10 millions de dollars pour aider les consommateurs canadiens à s'organiser dans le domaine des services financiers.

Ainsi, les obstacles au regroupement des citoyens sont beaucoup plus considérables que ceux qu'ont à surmonter les entreprises et, à l'heure actuelle, ce sont les citoyens qui, indirectement, financent toutes les activités de lobbying des entreprises.

Nous proposons que le gouvernement actuel fasse quelque chose pour que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Il en coûterait très peu de transmettre un feuillet ou de proposer aux contribuables de cocher une case et de telles méthodes se sont avérées très efficaces aux États-Unis.

M. Benoît: Par exemple, dans le cas des groupes de femmes, le Comité canadien d'action sur le statut de la femme a reçu des sommes considérables du contribuable. Par contre, REAL women, qui n'a pratiquement rien reçu, fait un lobbying extrêmement efficace.

Si la question est suffisamment importante, je ne vois pas pourquoi les gens ne seraient pas disposés à payer et pourquoi ils ne seraient pas en mesure de se regrouper pour défendre une cause commune.

M. Conacher: Revenons à la question des services financiers. Elle est importante. Les gens ont l'impression d'être assassinés à petit feu par les frais de service et autres frais que les banques imposent à leur clientèle.

Pour une personne, cela ne représente peut-être que quelques dollars par mois en frais de service, mais, dans l'ensemble, il s'agit de millions de dollars de bénéfice pour les entreprises bancaires, comme nous l'indiquent les états financiers des dernières semaines.

Il se peut que le montant en jeu ne soit pas suffisant pour qu'une personne décide de consacrer ses loisirs à revendiquer des changements aux frais de service et à la réglementation bancaire. Voilà pourquoi nous préconisons un mécanisme très simple qui permet aux citoyens de se regrouper. Il s'agirait d'insérer un feuillet dans l'enveloppe du relevé ou de prévoir une case réponse, ce qui permettrait aux gens de décider à quel groupe serait affectée leur contribution volontaire au lieu de laisser ce soin au gouvernement.

M. Benoît: Ce pourrait-il que les gens estiment que les quelques dollars auxquels correspondent les frais de service ne leur importent pas suffisamment pour qu'ils soient prêts à dépenser leur argent à des démarches qui auraient pour objet de faire réduire ces frais?

M. Conacher: C'est possible, mais le gouvernement peut savoir si c'est vrai ou non pour pas cher du tout en demandant aux banques d'inclure ces feuillets.

Est-il possible que la dernière restructuration et les dernières augmentations des services postaux ne dérangent pas outre mesure les Canadiens? C'est possible, mais pourquoi ne pas ajouter dans la déclaration d'impôt une ligne invitant les contribuables à participer à la «Surveillance des Postes» en versant une contribution de 10$ s'ils s'estiment suffisamment motivés pour le faire?

.2020

M. Benoit: Les députés sont ici pour représenter les habitants de leurs circonscriptions. Mes électeurs ne se gênent pas pour me parler des tarifs postaux. Ils étaient contre cette augmentation. Ils étaient contre la dernière augmentation des tarifs postaux. Ils ne sont pas contents du service postal. Par contre - et c'est un simple exemple - , ils ne se plaignent pas amèrement des frais bancaires. Il y en a quelques-uns mais ce n'est certainement pas la majorité.

Je reviens aux questions que j'avais préparées. La première question s'adresse à M. Spratt ou à M. Atkinson.

Dans votre mémoire vous réclamez une élimination immédiate du déficit. Vous être contre la majoration des impôts pour y arriver. Vous dites comment y arriver. Vous avancez quelques suggestions pour équilibrer le budget. Pourquoi est-il, selon vous, si important d'éliminer immédiatement le déficit?

M. Spratt: J'ai dit tout à l'heure que le service de la dette nous coûtait 50 milliards de dollars par an. Cela représente presque 60 p. 100 de la valeur totale du marché de la construction au Canada qui l'année dernière représentait 90 milliards de dollars.

La valeur totale de ce marché tend à diminuer, la valeur en dollars. La santé de notre industrie est vacillante. Cela fait déjà un certain nombre d'années. Je crois que l'année 1996 sera excessivement difficile pour l'industrie de la construction au Canada pour toutes sortes de raisons. Nous avons peut-être trop construit dans les années 1980. Il n'y a ni création ni agrandissement d'entreprises, donc moins de chantiers.

Ce qui nous inquiète c'est que notre industrie traverse déjà une période très difficile. Si la réduction du déficit est programmée sur 5, 10 ou 12 ans, la route sera difficile pendant 10 ou 12 ans. Nous n'avons pas 10 ou 12 ans. Si nous ne réglons pas immédiatement les problèmes de déficit, à très court terme, notre pays ne pourra plus emprunter sur les marchés internationaux, il n'y a aura plus d'argent pour les programmes d'infrastructure, la confiance des consommateurs disparaîtra et les investissements aussi. Notre industrie qui est de loin l'industrie la plus importante et le plus gros employeur du Canada va connaître de très graves problèmes. L'année dernière, 750 000 personnes travaillaient dans votre secteur. Sans relance de la construction et sans espérance d'avenir, beaucoup de ces personnes vont devoir trouver un autre travail.

La réduction du déficit doit se faire immédiatement et beaucoup plus vite que le calendrier actuellement prévu.

M. Benoit: Je comprends très bien votre point de vue. J'apprécie vos commentaires et votre mémoire. Cependant, j'ai quand même une question à vous poser... Vous parlez de l'importance d'éliminer le déficit mais en même temps vous dites être pour le programme d'infrastructure et pour un nouveau programme d'infrastructure routière. J'ai deux questions en fait à vous poser à ce sujet.

Premièrement, si vous étiez le gouvernement, que financeriez-vous en priorité, le programme actuel d'infrastructure ou un vrai programme d'infrastructure englobant les réseaux routiers, d'égouts, d'adduction d'eau, etc.? Deuxièmement, vous avez parlé du service élevé de la dette. Si on met dans la balance ce service élevé de la dette, qui ne cesse d'augmenter, et la réduction rapide du déficit, n'est-il pas plus important, même au prix de petites erreurs, de réduire rapidement ce déficit?

M. Spratt: La réduction du déficit est primordiale pour notre industrie. Investir dans les infrastructures entraîne des dépenses, c'est vrai.

.2025

Nous ne croyons pas que seul le gouvernement doit investir dans l'infrastructure routière et dans les infrastructures essentielles. Il y a plusieurs autres moyens de financer ces programmes - le lien fixe, la route 407 et certains autres projets ont été financés par des partenariats publics-privés. Lorsqu'il y a d'autres possibilités de financement, il faut absolument en tenir compte. Le gouvernement fédéral a un rôle de leader à jouer. Un plan pour le programme national d'infrastructure routière est absolument indispensable, en concertation avec les provinces, pour déterminer ce qui doit être fait, dans quel ordre et selon quel calendrier.

La taxe d'accise du fédéral sur les carburants devrait servir en grande partie à financer ce programme d'infrastructure routière. Les provinces versent près de cinq milliards de dollars par an sous forme de taxe d'accise sur les carburants et seuls 4 p. 100 sont réinvestis dans le réseau routier. En même temps, certains envisagent des péages, ce qui serait taxer doublement les mêmes usagers.

L'entretien des infrastructures essentielles est tout simplement inévitable. C'est comme si vous achetiez une maison et que vous preniez une hypothèque de 25 ans et que le toit se mette à fuir au bout de dix ans. Vous ne pouvez pas ignorer ce problème simplement parce que vous n'avez pas l'argent pour réparer ce toit. Vous ne pouvez pas. Il faut que vous trouviez l'argent pour réparer le toit même si votre hypothèque est déjà élevée. Il faut trouver le moyen d'entretenir ces infrastructures essentielles tout en réduisant les dépenses. Nous donnons dans notre mémoire des exemples de domaines dans lesquels le gouvernement devrait réduire ses dépenses.

Le président: Merci.

Monsieur St. Denis.

M. St. Denis (Algoma): Ce groupe est des plus stimulants. M. Beatty pensait qu'il était peut-être sorti du bois mais j'ai une question légitime à lui poser.

Pour nos consultations prébudgétaires dans l'Ouest, nous sommes allés entre autres à Winnipeg. Nous y avons entendu les représentants de l'Institut de la mode du Manitoba. Excellent témoignage. Ils nous ont signalé les difficultés qu'ils avaient à trouver des travailleurs qualifiés pour l'industrie du vêtement. Étant donné qu'une des questions à laquelle nous devons trouver une réponse est celle de l'emploi, pourriez-vous nous situer le problème du Manitoba dans le contexte général de votre industrie? Est-ce un problème unique au Manitoba ou votre industrie a-t-elle autant de difficulté à trouver des travailleurs qualifiés partout et pas seulement au Manitoba? Est-ce un problème endémique d'un bout à l'autre du pays ou est-ce un problème isolé? Avez-vous des solutions à proposer qui mèneraient à des créations d'emplois?

M. Beatty: La situation au Manitoba est peut-être plus prononcée à cause des problèmes structurels du marché local de l'emploi mais nous sommes partout confrontés à une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée et l'industrie, au prix de gros efforts, a mis en place de nouveaux programmes de formation pour y pallier. Mais nous sommes aussi confrontés à certains problèmes structurels.

Un des problèmes majeurs au Manitoba jusqu'à tout dernièrement était que nos efforts d'offres d'emplois dans notre industrie aux assistés sociaux étaient contrecarrés par le fait que même s'ils étaient payés pendant leur formation, ils se retrouvaient perdants au niveau des prestations car lorsqu'ils étaient inscrits au bien-être, toutes leurs dépenses médicales étaient payées et ils bénéficiaient d'autres avantages. Ce n'est que depuis fort peu que les règles ont changé et que tout en étant rémunérés pour ces stages, ces gens continuent à bénéficier de leurs avantages avant qu'ils ne touchent un vrai salaire et cela fait longtemps que cela devrait être comme cela. Il importe que cet argent que nous dépensons ne serve pas à renouveler le cycle de dépendance mais au contraire à aider ces gens à ne plus dépendre du bien-être, de l'assurance-chômage et à retrouver un emploi. C'est un des outils à notre disposition.

M. St. Denis: Est-ce que vous offrez vous-mêmes cette formation? Est-ce que vous dépendez du système d'éducation, secondaire ou postsecondaire, ou l'industrie de la mode et de la confection offre-t-elle elle-même une formation supérieure?

.2030

M. Beatty: Nous avons des programmes de bourses et nous encourageons la formation sur le tas, mais nous avons un problème de perception depuis quelques années. Pour les centres d'emploi du Canada ou les agences provinciales, les emplois dans notre secteur et dans le secteur manufacturier en général n'ont aucun avenir.

Nous avons fait mentir tous les spécialistes. L'emploi dans notre secteur augmente. Nous avons une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée et nous devons y trouver une solution. Les programmes de formation offerts par les collèges communautaires ne répondent pas à nos besoins. Par exemple, dans notre secteur, un des métiers les mieux payés est celui de mécanicien de machine à coudre. On peut considérer cela comme une spécialisation peu intéressante, mais sans ces spécialistes, toute une chaîne de fabrication peut être bloquée.

Le dernier collège à offrir cette formation était George Brown. Ils viennent de l'annuler, et le seul moyen maintenant de former ces spécialistes, c'est de travailler en consultation avec nos fournisseurs d'équipement. Nous n'avons pas le choix. Mais ces mécaniciens ne sont plus des mécaniciens; ce sont des programmeurs d'ordinateur, car nos chaînes de fabrication sont informatisées.

Nous avons un problème d'image. Il faut le dissiper auprès des centres d'emploi, des collèges communautaires et des universités.

M. St. Denis: J'espère que vous trouverez des solutions qui vous apporteront des résultats.

J'aimerais poser une question à l'Association canadienne de préparation à la défense.Mme Plewes voudra peut-être également y répondre. C'est une question dont on ne cesse de parler depuis longtemps et dont on continuera de parler pendant longtemps, soit la concurrence entre les ressources consacrées à la préparation militaire - à la défense, si vous voulez - et celles consacrées aux plus démunis de la terre. Nous ne pourrons pas parler de progrès tant qu'il y aura des centaines de millions de laissés - pour - compte sur cette planète.

Étant donné l'inexorable réduction de l'importance de la chose militaire, et je crois que nous prions tous pour que cela aille encore plus vite, l'industrie fait-elle travailler ses ingénieurs et ses scientifiques à des projets de recherche-développement non militaires, non traditionnels pour elle, pour aider le monde à progresser? Il y a dans votre secteur un énorme réservoir d'intelligence et de connaissances qui pourrait être ainsi utilisé, en espérant qu'il finisse par ne plus être utilisé qu'à cela.

Le général Paul D. Manson (retraité) (membre, Association canadienne de préparation à la défense): C'est une bonne question, que posait le gouvernement actuel dans son Livre rouge. Il est évident qu'une industrie conçue essentiellement pour répondre aux demandes de la guerre froide doit se redéfinir quand cette même guerre froide est terminée, et c'est précisément le cas.

Il suffit de remonter dans l'histoire de l'industrie de défense canadienne à environ 1960 pour constater que le pourcentage consacré aux produits de défense est passé de 70 p. 100 en 1960 à 30 p. 100 aujourd'hui. En d'autres termes, de manière délibérée et pour répondre aux forces du marché, l'industrie s'est très bien reconvertie, pour utiliser une expression courante, et elle continuera sans doute sur cette voie tant que la situation dans le monde restera la même.

Le problème, c'est que si le Canada convertissait et éliminait l'ensemble de son industrie de défense, il est évident que cela affaiblirait considérablement la position du Canada au niveau de sa sécurité nationale et au niveau de sa participation aux missions de maintien de la paix et à des activités telles que la recherche et le sauvetage, la protection des pêches, la protection de l'environnement, la lutte contre le trafic de drogues, et toutes les autres missions que les Forces armées canadiennes remplissent aujourd'hui.

.2035

L'industrie de défense du Canada doit donc être prête à soutenir ses forces armées dans la mesure où elle...

M. St. Denis: Ces dollars de recherche et de développement qui pourraient être consacrés à autre chose... Nous ne pouvons pas nous passer de défense du jour au lendemain. C'est impossible. Quel est le pourcentage de recherche et de développement consacré à des projets non militaires...?

M. Norman Smyth (ancien président, Association canadienne de préparation à la défense): Oui, je peux vous répondre. Je m'appelle Norm Smyth et je dirige une petite entreprise.

En gros, 70 p. 100 de ce qui se fait dans le secteur de la défense est commercial. Donc, 70 p. 100 de la recherche et du développement sont consacrés à des entreprises commerciales et à des produits commerciaux. Beaucoup d'entre nous fabriquent des produits à double vocation. Il y a l'exemple de l'industrie spatiale, qui, à partir d'un programme de recherche de défense, a abouti à la fabrication du satellite Alouette. Il y a beaucoup d'exemples de recherche - développement commerciale qui ont servi dans le secteur de la défense ou d'exemples de recherche - développement de défense qui ont abouti à une application commerciale.

M. St. Denis: Monsieur le président, dans cette quête pour le juste équilibre, ou dans la perspective de ce changement d'équilibre, je crois qu'un des problèmes du secteur des ONG, du secteur de l'aide, c'est que peut-être nous n'avons pas suffisamment fait comprendre aux Canadiens combien notre réputation dans le monde est confortée par nos initiatives dans ce domaine et combien c'est important pour nous - sans parler des emplois créés au Canada par cette aide internationale.

De temps à autre, l'UNICEF ou d'autres organisations font des campagnes de publicité, mais je me demande si... Pour répondre au genre de questions posées tout à l'autre par M. Grubel... Sa question était juste, car aussi bien ses électeurs que les miens nous posent des questions sur ce que nous faisons exactement. Y a-t-il un programme qui permettrait de mieux sensibiliser les Canadiens, de mieux leur faire comprendre la nécessité de continuer à faire ce que nous faisons un peu partout dans le monde?

Mme Plewes: Nous avions un programme. Nous avons toujours un programme, mais le poste des activités éducatives du budget de l'ACDI a été pratiquement réduit à néant l'année dernière. À part cela, les Églises, les syndicats, l'UNICEF, CUSO et CARE ont tous des programmes éducatifs qui essaient d'expliquer cette relation de cause à effet à l'opinion publique. Au CCCI, cette année, nous nous sommes rendu compte de l'insuffisance de ce que nous avions fait jusqu'à présent et nous avons formé un nouveau groupe de travail pour étudier ces questions et préparer de nouveaux programmes.

Pourrais-je revenir sur la question des industries de défense? Nous avons une nouvelle politique étrangère canadienne qui contient une nouvelle définition de la sécurité qui s'écarte de la définition militaire de la sécurité en faveur d'une définition qui inclut l'élimination de la pauvreté et la promotion des droits de la personne. Ce que nous aimerions voir maintenant, c'est un budget pour financer cette politique.

Le président: Merci, monsieur St. Denis.

Monsieur Grubel.

M. Grubel: Monsieur le président, je trouve consternante cette idée de demander au gouvernement de subventionner une attaque en règle de la libre entreprise.

Adam Smith a écrit un ouvrable célèbre en 1776 dans lequel il disait que c'était leur propre intérêt qui poussait les particuliers et les entreprises à servir l'intérêt public. Cette conclusion a marqué un des grands progrès de notre civilisation, de concert avec l'idée selon laquelle le gouvernement devrait encourager la concurrence afin que lorsque des banques, par exemple, essaient de voler leurs clients, ces derniers n'aient qu'à simplement s'adresser ailleurs, à une autre banque. Même aujourd'hui, les banques ne font pas payer un million de dollars pour les transactions. Peut-être 5c.

.2040

Est-ce que nous voulons vraiment que nos vies soient encore plus politisées en ayant des groupes de consommateurs très bien organisés et très bien financés qui se permettent de déclarer péremptoirement que les banques ne devraient faire payer que 4,5c. plutôt que 5c.?

Préférons-nous une société dans laquelle les 5c. sont déterminés par la concurrence et le processus décrit par Adam Smith ou par un processus politique financé de la façon proposée parM. Conacher? C'est une question d'idéologie.

Il y a place pour une action de la part des citoyens là où il n'y a pas de concurrence, comme aux Postes. Cependant, dans ce cas, la solution, à mon avis, consiste à privatiser.

Je tiens donc à dire publiquement que, selon moi, l'idée de M. Conacher est affreuse et doit être rejetée.

Le président: Monsieur Discepola.

M. Discepola (Vaudreuil): J'ai deux questions à poser, l'une à l'intention de M. Spratt et l'autre à l'intention de Mme Plewes.

Si je vous ai mal compris, je m'en excuse d'avance. Cependant, je crois vous avoir entendu vous prononcer contre l'idée de lier l'aide étrangère aux occasions d'affaires dans ces pays.

Mes commettants me demandent toujours pourquoi nous devons payer quelqu'un d'autre pour faire le travail, par exemple; pourquoi ne pas envoyer des Canadiens? C'est nous qui payons d'une manière ou d'une autre. Pourquoi ne demandons-nous pas à un enseignant sans emploi d'aller enseigner dans des pays du Tiers monde? Pourquoi ne demandons-nous pas à un ingénieur canadien sans emploi d'aller transmettre son savoir-faire?

Vous n'êtes pas les seuls à rejeter l'idée de lier directement l'aide étrangère. Vous dites que ce qui devrait nous pousser à agir, ce sont des motifs humanitaires. Quel mal y a-t-il à voir les choses un peu différemment?

Mme Plewes: Il n'y a aucun mal. Le but du programme d'aide est de soulager la pauvreté; tout le reste doit suivre.

Par exemple, s'il y a un appel d'offres pour un projet d'approvisionnement en eau dans un pays, et que les entreprises canadiennes sont concurrentielles, pourquoi ne pourraient-elles pas être choisies? S'il y a des consultants canadiens concurrentiels, pourquoi ne pourraient-ils pas être utilisés?

La forme d'aide liée à laquelle nous nous opposons est celle qui exige que l'argent soit utilisé pour acheter des produits canadiens; ainsi, la concurrence nécessaire à un bon travail n'intervient pas. Dans certains cas, il y a un avantage possible pour certains pays du Sud. L'industrie d'autres pays africains, par exemple, peut être stimulée. C'est préférable que d'avoir toujours nécessairement recours à une entreprise canadienne.

M. Discepola: Merci de cette précision.

Monsieur Spratt, je vois d'un assez mauvais oeil, surtout cette année, les entreprises venir devant le comité proposer non seulement l'élimination du déficit le plus tôt possible, mais encore... Je pense qu'à Winnipeg quelqu'un a suggéré d'éliminer la dette en la réduisant sur une période de25 ou 30 ans.

Je suis estomaqué par votre témoignage, parce que pour l'industrie de la construction je pense que le facteur le plus important, le plus décisif, ce sont les taux d'intérêt, qui devraient stimuler... La réduction du déficit, en ce qui concerne notre gouvernement, est censé stabiliser les taux d'intérêt de façon à ce que le pays contrôle les paiements sur sa dette et l'intérêt sur la dette.

Je me souviens qu'en 1982 ou 1983 - j'avais une petite entreprise - je faisais des affaires d'or même si les taux d'intérêt et les hypothèques étaient à 18 ou 19 p. 100. Le taux d'inflation se situait à environ 12 p. 100.

Le président: C'est parce que vous étiez dans les prêts usuraires.

Des voix: Oh, oh!

M. Discepola: L'économie allait bien.

Si vous nous dites de réduire à tout prix, vous nous dites indirectement de réduire nos dépenses, parce que nous ne pouvons certainement pas augmenter les taxes, si nous nous fions à ce que nous avons entendu autour de la table.

Nous les avons réduites de plus de 20 milliards de dollars l'année dernière. Si nous retranchons encore, 8, 10 ou 14 milliards de dollars et que les provinces diminuent leurs dépenses de leur côté, nous devons considérer que le retrait d'une telle somme de l'économie ne peut qu'avoir un impact négatif.

.2045

Je m'interroge au sujet des effets des taux d'intérêt sur votre industrie. Au cours des deux ou trois dernières années, par exemple, les taux hypothécaires ont chuté jusqu'à 6,5 p. 100, 7 p. 100, mais la construction domiciliaire, ou la construction de façon générale, n'en a pas été stimulées pour autant. Est-ce devenu une fixation pour nous que de vouloir réduire à tout prix? Ne devrions-nous pas avoir une approche plus rationnelle?

En ce qui me concerne, 3 p. 100 est un excellent objectif. C'est pourquoi nous l'avons appuyé. Je me demande s'il est vraiment avisé de recommander que nous en arrivions à zéro le plus tôt possible.

M. Spratt: J'ai dit bien des choses ce soir. Je vais laisser le président de l'association, Michael Atkinson, répondre à cette dernière question. Ce qui est certain, c'est que nous voulons voir diminuer les dépenses.

M. M.A. Michael Atkinson (président, Association canadienne de la construction): D'abord, le gouvernement actuel s'est fixé comme objectif un budget équilibré. Tout ce que nous disons, c'est que, selon nous, le processus peut être accéléré quelque peu. Nous ne recommandons pas la vitesse de la lumière. Nous rappelons que c'est l'objectif du gouvernement actuel.

M. Discepola: Quand l'a-t-il dit?

M. Atkinson: Le ministre Martin fait bien toujours partie de votre gouvernement?

M. Discepola: Oui.

M. Atkinson: Il l'a affirmé à plusieurs reprises. Je suis sûr qu'il le répétera demain.

Deuxièmement, en ce qui concerne les taux d'intérêt, ils ne sont pas déterminés à 100 p. 100 par le Canada. Notre industrie dépend de l'investissement, de l'investissement étranger, de l'investissement du secteur privé dans notre pays. Nous voyons ce qui se passe. Notre client, le secteur public, prend de moins en moins d'importance. Nous devons pouvoir attirer l'investissement privé. Et cet investissement n'a pas d'allégeance nationale. Ils vont là où leur argent leur rapporte le plus.

M. Discepola: Vous dites donc que nous devrions avoir une politique de taux d'intérêt élevés.

M. Atkinson: Je sais que si j'étais un investisseur et que je voyais le gouvernement fédéral dépenser 35c. sur chaque dollar en intérêt sur sa dette, je serais nerveux, et si je voyais la proportion augmenter chaque année - ce sera le cas même si l'objectif de 3 p. 100 du PIB est atteint - je serais encore plus nerveux. Je suis loin d'être rassuré de constater que l'on se demande uniquement où et combien dépenser, plutôt que de se soucier d'équilibrer le budget.

Nous convenons avec vous que les taux d'intérêt sont un facteur très important pour notre industrie - extrêmement important même. Cependant, nous devons également attirer l'investissement, et la seule façon d'y arriver, c'est de faire preuve de prudence dans la gestion des deniers publics.

M. Discepola: Vous ne pouvez pas diriger le pays de la même façon qu'une entreprise. Si vous le faisiez, vous fermeriez presque tous les ministères et mettriez fin à presque tous les services du gouvernement, parce qu'aucun n'est véritablement rentable.

M. Atkinson: Si vous utilisiez les mêmes critères...

Le président: Attention. Cela devient intéressant.

M. Atkinson: Si vous utilisiez les même critères que pour l'entreprise, notre pays serait en faillite depuis longtemps.

M. Discepola: Nous avons quand même un actif important dans notre pays. Comme homme d'affaires, vous pouvez amortir vos immobilisations sur la vie utile de l'actif. Vous êtes bien d'accord? Vous pouvez déduire la dépréciation. Une administration, qu'elle soit municipale, provinciale ou fédérale, ne peut en faire autant lorsqu'elle construit un hôpital, une route, un stade. Ce sont pourtant des éléments d'actif pour les générations futures.

Je n'accepte pas l'argument selon lequel nous sommes en train d'endetter les générations futures. Mes parents n'avaient pas le même système de santé que moi. Mes parents n'avaient pas le même système d'éducation que moi. Nous laissons quand même un certain nombre de choses à nos descendants.

M. Atkinson: Je suis d'accord avec vous. Le problème, c'est que même lorsque la conjoncture était favorable nous avons négligé cet actif, cette infrastructure publique si importante pour nos enfants et nos petits-enfants. Nous en sommes actuellement au point où plus nous augmentons ces 35c. sur chaque dollar moins nous avons de revenus à investir dans l'avenir de nos enfants et de nos petits-enfants.

M. Discepola: L'inverse est également vrai. Nous risquons de perdre nos excellents programmes datant des années 60 ou 70 si nous n'agissons pas avec prudence et circonspection.

Je ne suis pas d'accord pour que nous réduisions - de façon massive comme certains le préconisent - aussi rapidement. Nous devons nous montrer prudents. Nous devons tenir compte de tous les facteurs. Je pense que nous pouvons y arriver. Cessons d'être obsédés par la nécessité de tout faire en deux ou trois ans, ou en deux mois, comme certains le suggèrent.

.2050

M. Atkinson: Nous ne disons pas de le faire en deux mois, mais nous souscrivons à l'objectif que s'est donné le gouvernement actuel d'équilibrer le budget. Nous devons avoir un objectif qui indique à la communauté internationale, aux investisseurs internationaux, que nous sommes sérieux dans notre désir d'équilibrer le budget.

Le président: Merci, monsieur Discepola.

Nous en sommes maintenant à l'étape où nous vous permettons de faire le point très brièvement - en trente secondes, par exemple.

Auparavant, quelqu'un estime-t-il ne pas avoir eu l'occasion de bien se faire entendre?

Très bien. Nous allons commencer par M. Manson ou M. Healy. Vous avez trente secondes pour résumer.

M. Manson: L'industrie de défense au Canada appuie fermement ce que fait le gouvernement et ce qui s'impose, c'est-à-dire la réduction de la dette et du déficit à un point où l'économie du pays puisse redevenir contrôlable.

Préconiser des réductions énormes du budget de la défense est devenu à la mode. Il en a été question autour de cette table aujourd'hui. Cependant, les gens ne parlent jamais des conséquences possibles d'une telle action. Je parle maintenant plus à titre d'ancien chef de l'état-major de la défense qu'en tant que président d'une entreprise. Je peux vous dire que les répercussions pourraient être énormes et graves, très dommageables pour le Canada en tant que nation souveraine.

Le président: Merci, monsieur Manson.

Monsieur Anthony ou monsieur Franklin.

M. Anthony: Je vous remercie et je remercie vos collègues de nous avoir donné l'occasion de comparaître ce soir.

Je vais simplement vous faire parvenir, ainsi qu'à vos collègues, un certain nombre de recommandations précises. Pour l'instant, je vais simplement répéter ce que M. Manson a dit. Notre patrimoine est un actif - M. Discepola y faisait également allusion un peu plus tôt - et même si nous applaudissons vos efforts en vue de mettre de l'ordre dans nos affaires en tant que nation, nous devons être conscients du fait que nous avons mis des années à le construire et que nous devons le préserver pour les générations futures.

Le président: Nous attendons avec impatience vos recommandations détaillées. Merci, monsieur Anthony.

Madame Plewes.

Mme Plewes: J'aimerais dire que nous sommes d'accord avec la nouvelle définition de «sécurité» que le gouvernement a formulée dans son énoncé de politique étrangère. Nous aimerions que le budget reflète ce nouvel énoncé de politique étrangère.

Le président: Merci, madame Plewes.

[Français]

Monsieur Laflamme.

M. Laflamme: On s'est beaucoup penché, ce soir, sur les questions des dépenses et de la réduction du déficit, mais on a peu discuté de la création d'emplois, objectif fondamental à l'augmentation des revenus du gouvernement.

Madame nous demandait pourquoi on s'attaquait à la question des mégaprojets. Or, le Conseil canadien de la coopération s'est davantage employé à favoriser la création d'emplois par le biais du développement économique communautaire, en particulier des petites et moyennes entreprises et des coopératives de travail.

Le président: Merci, monsieur Laflamme.

[Traduction]

Monsieur Beatty.

M. Beatty: Merci, monsieur le président. Pour revenir à ce que je disais plus tôt, notre association félicite le gouvernement de ses efforts en vue de réduire le déficit, mais appuie une politique modérée à cet égard, parce qu'elle craint l'impact économique d'une attaque trop rapide contre le déficit.

Selon nous, lorsque les Canadiens songent à leur avenir, ils ne pensent pas à la réduction du déficit; ils entrevoient des emplois, la sécurité économique, des débouchés. Nous espérons que le message du gouvernement fédéral, dans son prochain budget, le reflétera.

Le président: Merci, monsieur Beatty.

Monsieur Spratt ou monsieur Atkinson.

M. Spratt: En résumé, nous continuons de penser que la réduction des dépenses fédérales est actuellement la grande question. L'industrie de la construction est prête à faire des sacrifices, mais au cours des prochaines années, non pas au cours de la prochaine décennie. Nous pensons que si cela devait durer pendant la prochaine décennie, le pays en viendrait tout simplement à ne plus pouvoir emprunter pour survivre.

Nous avons dit au départ représenter environ 20 000 entreprises dans l'industrie de la construction; 80 p. 100 d'entre elles ont probablement moins de 20 employés, car ce sont des entreprises familiales avec quelques employés supplémentaires. Ces gens sont la cheville ouvrière du pays et doivent pouvoir se maintenir en affaires. Pour qu'ils le fassent, l'économie doit être saine. Nous souhaitons qu'elle se rétablisse le plus rapidement possible, mais nous estimons que ce ne sera pas possible tant que le budget ne sera pas équilibré.

Le président: Merci, John Spratt.

Monsieur Arundell.

M. Arundell: Merci, monsieur le président.

Monsieur Discepola, certains d'entre nous autour de cette table estiment que vous avez encore une certaine marge de manoeuvre du côté des recettes comme du côté des dépenses. Nous vous avons soumis cinq idées que vous pouvez examiner, y compris le nivellement des taxes fédérales dans toutes les provinces, les taxes d'accise sur le tabac.

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Nous voulons conclure en soulignant que les produits du tabac tuent 42 000 Canadiens directement tous les ans. Il y a une littérature discutable, y compris les travaux d'Adam Smith, qui établit un lien entre le prix et la consommation. Nous pensons que vous devez indiquer à vos collègues du Cabinet que vous pouvez encore agir au niveau des taxes sur le tabac, tant pour la consommation au pays que pour l'exportation.

Des mesures en ce sens ne feraient pas qu'accroître vos recettes. Les gens qui sont incités à ne pas fumer ou à cesser de fumer à cause des augmentations de prix, comme le mentionne un article récent des Archives of Internal Medicine, visitent moins souvent leur médecin, sont admis moins souvent dans les hôpitaux et utilisent moins souvent les ressources hospitalières. Le système canadien de santé ne pourrait que s'en porter mieux à longue échéance.

Le président: Ed, vous parlez comme ma mère.

M. Arundell: Elle avait raison.

Le président: Duff Conacher.

M. Conacher: Le processus de politique budgétaire tient essentiellement à la définition de ce qu'est un coût, de ce qu'est un avantage, de ce qu'est la richesse, de ce qu'est la santé et de ce qu'est le bien-être social. Nous, de Démocratie en surveillance, vous incitons à ne pas perdre de vue, dans vos recommandations et vos décisions sur le budget, la perspective des citoyens et l'idée que les citoyens se font de toutes ces notions.

S'il vous plaît, songez également à des mécanismes qui permettent aux citoyens de s'exprimer davantage, d'équilibrer les points de vue relativement au marché et au processus politique, de façon à ce qu'ils puissent s'exprimer également entre les élections, et non pas seulement lors des élections, selon la formule «une personne, un vote».

Le président: Merci. Monsieur Conacher, vous nous avez fait des suggestions très concrètes sur la façon d'équilibrer les règles du jeu pour l'accès au gouvernement, pour le lobbying, à un moment où nous réduisons justement notre aide directe à certains groupes de défense de l'intérêt public.

Madame Tilson et monsieur Arundell, ce comité a recommandé l'année dernière une augmentation des taxes sur le tabac dans la mesure du possible, compte tenu du risque que les avantages de cette augmentation soient annulés par la contrebande. Je me sens personnellement tenu de faire la même recommandation cette année, et d'examiner les autres suggestions que vous nous avez faites en vue de faire grimper les prix. Je suis impatient de lire votre mémoire. Merci beaucoup.

Le secteur de la construction est l'un des employeurs les plus importants au Canada, ainsi que celui qui a créé notre énorme infrastructure. Nous vous remercions de votre contribution à notre économie, ainsi que de la suggestion que vous nous avez faite, soit que nous réexaminions non seulement la question de la réduction de nos taux d'intérêt et de notre déficit, mais aussi la question d'un autre programme d'infrastructure.

Monsieur Beatty, je suis très content d'apprendre qu'enfin nous avons fait des progrès en vue de nous débarrasser du problème structurel que pose la transition entre le bien-être social et le marché du travail. N'hésitez pas à nous dire si cela fonctionne, s'il y a d'autres façons de vous aider, et s'il y a moyen d'établir des programmes de formation coopérative pour que vous puissiez répondre à vos besoins en ouvriers qualifiés, surtout lorsqu'il y a des taux de chômage si élevés au Canada. J'ai bien aimé votre suggestion quant à la possibilité de réduire les tarifs sur les produits importés pour la fabrication.

[Français]

Je remercie le Conseil canadien de la coopération de nous avoir proposé des moyens de favoriser la création d'emplois tels que l'utilisation des communautés et des PME ainsi que la stimulation des exportations. Je voudrais ajouter qu'en tant que gouvernement, nous sommes d'avis, nous aussi, qu'il faut protéger les plus démunis.

[Traduction]

Betty Plewes, M.Grubel vous a posé une question que chacun de nous, en tant que politicien, a entendu à maintes reprises: comment pouvons-nous justifier des dépenses à l'extérieur du Canada alors que la conjoncture est très difficile ici? La situation devient de plus en plus dure pour des groupes tels que le vôtre. Je ne peux que répéter ce qu'a dit Dianne Brushett. Je n'ai pas entendu de justification plus éloquente, ou plus vigoureuses, des raisons pour lesquelles nous devons poursuivre l'APD Merci.

l'industrie de défense - vous avez subi des compressions. L'année passée, votre budget était d'environ 11,5 milliards de dollars. Il sera réduit au cours des trois prochaines années de 1,6 milliard de dollars, soit à 9,9 milliards de dollars. Nous l'étudions encore. C'est l'un des derniers grands programmes de dépenses où il reste encore des fonds. On demande aux gens de le revoir, vu l'évolution de la situation internationale. Je crois qu'il va falloir le faire en collaboration avec les responsables de la défense et de la politique étrangère. Mais nous sommes contents de vous voir parmi nous, monsieur Manson, qui avez fait une remarquable carrière militaire notamment.

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Pour ce qui est de la Fondation Héritage Canada, j'aimerais simplement dire que depuis que j'ai 39 ans j'ai un profond respect ainsi que de l'affection pour tout ce qui est vieux. Merci beaucoup.

De la part de tous les députés qui sont ici, j'aimerais vous remercier tous pour vos excellents esposés.

La séance est levée.

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