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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 2 mai 1995

.1529

[Traduction]

Le président: La séance du Comité des affaires étrangères est ouverte. Au nom de mes collègues, je tiens à souhaiter la bienvenue au ministre.

Monsieur le ministre, votre visite est fort opportune. Nous sommes entrain de rédiger un rapport sur la réforme des institutions financières internationales. Nous savons que vous en avez beaucoup parlé récemment. Votre cabinet a eu la gentillesse de nous faire parvenir certains discours que vous avez prononcés sur la question. C'est pourquoi nous sommes si heureux de vous écouter aujourd'hui.

.1530

Je crois savoir que vous devez partir à 16h20, je tiens donc à le rappeler à mes collègues.

De même, monsieur le ministre, j'ignore si vous avez témoigné souvent devant les comités depuis la modification au Règlement, mais il ne nous est plus possible d'annexer un discours au procès-verbal comme nous le faisions étant donné la nouvelle méthode de compte-rendu de nos délibérations. Selon ce que vous avez à dire, j'ignore comment vous entendez procéder, mais parfois...

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances): Il est vrai que je n'ai pas témoigné devant un comité depuis quelque temps. Je pensais faire quelques réflexions liminaires, après quoi on passerait tout de suite aux questions.

Le président: Cela nous va tout à fait. J'espérais justement vous l'entendre dire. Par le passé, certains ministres nous disaient qu'ils avaient un texte et ils nous demandaient de l'annexer au procès-verbal, mais en raison des modifications que nous avons apportées à la transcription des délibérations des comités, ce n'est plus possible. Je tenais seulement à vous le rappeler.

M. Martin (LaSalle - Émard): Merci, monsieur le président.

[Français]

J'aimerais vous remercier et remercier tous les membres du Comité de m'avoir invité à vous entretenir aujourd'hui de la situation des institutions financières internationales et du prochain sommet.

J'aimerais en profiter pour vous mettre au fait des activités et des travaux qui précèdent la tenue du sommet d'Halifax. Je viens de participer aux réunions du G-7 et du FMI, à Washington, et je tiens à vous dire que la réforme des institutions et les questions monétaires ont dominé les discussions qui ont été tenues.

Ce fut la même chose lorsque, récemment, j'étais en Asie pour participer à la réunion des ministres des Finances de l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique. J'ai été frappé, je dois vous le dire, par la similitude des questions soulevées par mes collègues des pays développés et ceux des économies émergentes.

Tout le monde reconnaît l'importance que revêtent ces institutions et tout le monde souhaite une amélioration de leur fonctionnement.

[Traduction]

Monsieur le président, permettez-moi d'abord de dire que le fait que nous sommes le pays hôte du Sommet représente une chance unique pour le Canada, la Nouvelle-Écosse et Halifax. C'est une chance unique pour le Canada dans la mesure où les institutions internationales prendront ici un virage historique. Je vous parlerai essentiellement aujourd'hui des institutions issues des accords de Bretton Woods, c'est-à-dire le FMI et la Banque mondiale.

Je sais, monsieur le président, comme vous me l'avez dit, que le comité lui-même s'est rendu à Washington dans le même but. Vous savez donc que le Fonds est essentiel au bon fonctionnement des marchés des changes et, par l'aide qu'il apporte à la balance des paiements, à la croissance du commerce mondial. Le Fonds est un auxilaire précieux dans la mesure où il suit l'évolution des économies des pays membres et prodigue des conseils sur la politique macro-économique. De son côté, la Banque mondiale emprunte à des taux d'intérêt avantageux afin de prêter aux pays en voie de développement et de leur fournir une aide au développement qu'ils ne pourraient pas obtenir autrement, ou s'ils obtenaient cette aide, celle-ci ne leur serait consentie qu'à des conditions prohibitives.

Au sujet de la banque, il convient de souligner que des pays comme le Canada exercent une influence considérable par leur contribution à l'aide au développement. Le Fonds et la Banque ont prouvé par le passé qu'ils savaient relever les nombreux défis qui les attendaient, et j'ai la certitude qu'il en demeurera ainsi à l'avenir. C'est pourquoi je ne crois pas qu'une restructuration fondamentale de ces institutions soit nécessaire, mais - permettez-moi de le souligner - je crois très sincèrement que ces institutions ont besoin de réformes importantes au niveau de leur fonctionnement si nous voulons qu'elles relèvent les défis à venir.

Je parlerai d'abord - et je me permettrai de choisir ici, monsieur le président, car je n'ai pas assez de temps pour parler de tout - de la circulation des capitaux et de la volatilité monétaire.

Ces dernières années, la libéralisation, l'évolution technologique et les innovations financières ont révolutionné les marchés financiers internationaux. Même si de grands avantages sont nés de cette évolution, par exemple un meilleur accès aux capitaux internationaux pour les pays émergeants, on a vu aussi augmenter les risques pour les pays et les investisseurs.

.1535

Comme l'a démontré la crise mexicaine, la circulation internationale des capitaux peut rapidement changer de direction en entraînant de profondes conséquences. Les ondes de choc peuvent se transmettre rapidement d'un pays à l'autre. En conséquence, la contagion frappe plusieurs pays, où qu'ils soient dans le monde même si - et il convient de le souligner - leurs assises économiques sont solides.

La volatilité des cours du change qui accompagne les fluctuations des capitaux à court terme peut sembler parfois illogique et tout à fait étrangère aux conditions générales de la santé de l'économie des pays touchés. Le fait est que les marchés peuvent s'emballer et s'écarter à court terme les principes fondamentaux économiques. Mais nous ne pouvons oublier le fait que les marchés constituent aussi des mécanismes de pré-alerte importants lorsqu'ils détectent un fléchissement quelconque des engagements économiques pris par les pays ou décèlent des problèmes dans les conditions générales de l'économie.

Quelles que soient les raisons, qu'elles soient fondamentales ou illogiques, il n'en demeure pas moins que nous devons vivre avec les conséquences des variations des capitaux à court terme et de la volatilité monétaire. La question est de savoir si nous pouvons améliorer le fonctionnement des institutions internationales afin d'atténuer ces effets. J'ai la certitude que c'est le cas.

Tout d'abord, nous devons améliorer notre système de pré-alerte. Ce qui signifie que le FMI doit surveiller plus efficacement la politique économique des pays-membres. Cela suppose aussi que l'on fournira des informations plus pointues, plus pertinentes et plus cohérentes sur les changements économiques fondamentaux, au Fonds de même qu'aux marchés publics. Parallèlement à une surveillance efficace, des données opportunes, conséquentes et précises sont essentielles à des marchés financiers mieux informés et par conséquent plus performants.

Deuxièmement, si l'on veut aider efficacement les pays membres, nous devons trouver le moyen de nous consulter rapidement et de décider rapidement dans les délais voulus. Il nous faut administrer les remèdes dès qu'une crise pointe pour éviter les dégâts. Ce qui obligera peut-être le Fonds à montrer plus de franchise dans les conseils qu'il donne. Le Fonds doit aussi disposer des ressources et des mécanismes de financement voulus pour maîtriser efficacement les problèmes financiers internationaux.

Encore là, ce qui compte tout autant que les ressources, c'est la faculté de les employer en temps opportun. Nous envisageons en ce moment des moyens d'utiliser plus rapidement les ressources du Fonds dans les circonstances pressantes.

Vous avez parlé des changements à la procédure des comités, monsieur le président, mais s'il y a une chose qui n'a pas changé, c'est le fait que le café est toujours aussi mauvais.

Des voix: Ah, ah!

Le président: C'est une question d'argent.

Des voix: Ah, ah!

M. Martin (LaSalle - Émard): Le café était tout aussi mauvais à l'époque des Conservateurs.

Le président: C'est toujours une question de répartition des ressources.

M. Martin (LaSalle-Émard): Toute réforme du FMI ou de la Banque mondiale n'a de sens que si elle recueille le soutien de tous les pays membres, et non seulement du G-7. Il faut rechercher une concertation qui tiendra compte des préoccupations de tous les pays, y compris des pays en voie de développement. Cette concertation est essentielle à toute discussion sur la régie de ces institutions.

[Français]

C'est ce qui m'amène à parler du développement et de la Banque mondiale. Au cours des quelque dix dernières années, nous avons grandement accru notre connaissance de ce qui est efficace pour le développement et nous avons encore plus appris sur ce qui ne fonctionne pas.

[Traduction]

Le paradigme a changé. Les stratégies de développement ont changé radicalement. On comprend mieux aujourd'hui le rôle du secteur privé et du financement privé. On saisi mieux l'importance du développement des ressources humaines. On est désormais plus sensible aux effets environnementaux du développement et aux conséquences dévastatrices de la négligence dans ce domaine.

[Français]

Il est reconnu que la Banque mondiale ainsi que d'autres institutions de développement ont évolué avec le temps. Le défi de taille à relever est de déterminer comment accroître l'efficacité du développement alors que les ressources financières deviennent de plus en plus restreintes.

Comment faire pour optimiser nos ressources consacrées au développement? Les priorités doivent être précisées, le chevauchement entre les institutions réduit et la régie améliorée. Les priorités doivent être le développement durable, la réduction de la pauvreté, le développement du secteur privé et la réduction de la dette.

.1540

[Traduction]

Je souligne la priorité du secteur privé parce que celui-ci est absolument essentiel au développement de toutes ces économies émergentes, chose certaine dans les économies les plus pauvres, qui doivent retenir l'attention des institutions financières internationales.

Si l'on veut mettre fin au chevauchement des institutions, il faut coordonner les efforts au niveau des institutions de développement. Les politiques de développement doivent être axées sur les pays récepteurs, et non strictement imposées par les institutions. Les pays en voie de développement sont des partenaires dans ce processus. La co-propriété des priorités de développement est donc essentielle. Les mesures doivent valoriser l'investissement dans la santé et l'éducation aussi bien que dans les infrastructures. L'aide au développement sera plus performante si les rares ressources financières accordées à des conditions favorables sont dirigées vers les pays qui en ont le plus besoin et qui ont prouvé qu'ils pouvaient s'en servir efficacement.

Telles sont les réalités qui doivent nous guider en matière de réforme des institutions. En tant qu'hôte du Sommet cette année, à Halifax, le Canada a la chance unique d'assurer une réforme en profondeur. Nous rendons hommage au premier ministre du Canada, qui a été le premier à en avoir l'idée. Je crois que c'est grâce à ses initiatives que nous avons pu lancer un débat qui débouchera sur un meilleur système, qui sera plus à même de relever les défis qui nous attendent aujourd'hui et qui nous attendront demain.

Monsieur le président - et je le dis très sincèrement - le rapport de votre Comité jouera un rôle très important et très utile dans ce débat, particulièrement si vous vous attardez aux améliorations que ces institutions nécessitent. Le Fonds et la Banque continueront de jouer un rôle essentiel dans le développement économique et financier du monde dans le siècle à venir.

Je crois savoir que votre comité a entendu des avis autorisés à ce sujet et que vous avez examiné de près le fonctionnement de ces institutions. En ma qualité de ministre des Finances, bien sûr, mais aussi en tant que Canadien totalement acquis à la réforme des institutions multilatérales du monde, je dois vous dire qu'il me tarde de prendre connaissance de votre rapport.

[Français]

Monsieur le président, je mets fin à mes propos en vous remerciant de nouveau de m'avoir invité à prendre la parole. Il me fera plaisir de répondre aux questions que vous aimeriez poser.

[Traduction]

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

M. Leblanc suivi de M. Mills.

[Français]

M. Leblanc (Longueuil): Monsieur le ministre, bienvenue à notre Comité. J'ai deux questions.

Premièrement, vous avez dit dernièrement que le Canada devrait investir davantage dans le FMI, le Fonds monétaire international, et la Grande-Bretagne dit qu'il serait peut-être préférable, puisque les pays donateurs sont plutôt endettés eux-mêmes, que le FMI pige dans ses réserves d'or. Pourriez-vous élaborer là-dessus?

Deuxièmement, lors de nos rencontres, certains experts nous ont dit que les trois grandes puissances mondiales qui affectent davantage la monnaie, soit les États-Unis, le Japon et l'Allemagne, devraient peut-être se parler plus souvent pour essayer de trouver une formule pour que les monnaies soient plus stables à l'avenir.

Je sais que le Canada ne peut pas influencer les monnaies, mais on peut peut-être s'exprimer à cet égard pour sensibiliser ces trois puissances qui affectent la monnaie à l'importance de trouver un moyen de stabiliser la monnaie internationale pour que l'économie soit plus stable.

Puisque l'économie est de plus en plus ouverte sur le monde, il faudrait aussi que la monnaie soit plus stable pour sécuriser les investisseurs. J'aimerais vous entendre sur mes deux questions.

M. Martin (LaSalle - Émard): En ce qui a trait à la première question, j'ai dit que je croyais que les institutions internationales financières devraient certainement augmenter leurs ressources. Je n'ai pas dit qu'il serait absolument essentiel que cette augmentation de ressources provienne des pays membres. Il y a d'autres façons de le faire, que ce soit en augmentant la capacité des

[Traduction]

Accords généraux d'emprunt

[Français]

ou, comme vous venez de le suggérer vous-même à la suggestion de l'Angleterre, en puisant dans les réserves d'or du Fonds monétaire.

D'ailleurs, lorsque j'étais à Washington, à la rencontre du FMI la semaine dernière, j'ai appuyé la position de l'Angleterre, c'est-à-dire la possibilité de vendre de 5 à 6 p. 100 de ses réserves et - c'est très important - de ne pas dépenser le capital, mais plutôt les intérêts sur ce capital pour aider les pays les plus pauvres.

.1545

Quant à votre deuxième question qui portait sur les trois plus grandes puissances, c'est-à-dire l'Allemagne, les États-Unis et le Japon, qui devraient se parler plus souvent de leurs propres devises, les ministres du G-7 se rencontrent quatre ou cinq fois par année. Ces trois-là se parlent-ils à part cela? Cela se peut fort bien.

Notre position est que, pour avoir une stabilité des devises, chaque pays devrait regarder, dans son for intérieur, ses propres politiques, ses principes de base, la gestion de son économie. Comme on l'a dit la semaine dernière, lorsqu'on regarde le yen et le dollar américain, on voit qu'il y a entre eux un écart qui est loin des principes qu'on devrait voir et que, fondamentalement, la cause de ceci réside dans les politiques intérieures de ces pays. On sait qu'il y a le déficit fiscal des États-Unis d'une part et, d'autre part, la surréglementation au Japon.

M. Leblanc: On devrait regarder plus loin parce que, plus on va s'ouvrir sur les marchés internationaux, plus la stabilité sera importante. On sait très bien qu'il serait trop facile, à un moment donné, de diminuer le dollar pour pouvoir mieux exporter ou pour avantager nos industries manufacturières, pour toutes sortes de raisons.

C'est pour ces raisons-là que même si on parle de stabiliser notre déficit, de diminuer la dette, etc., je ne pense pas que cela aura une influence sur la monnaie internationale. C'est dans cet esprit-là que vous devriez... Je vous suggère fortement, en tant que ministre des Finances, de suggérer à ces pays-là de se parler sérieusement parce qu'ils sont les grands responsables de la stabilité monétaire internatioale.

M. Martin (LaSalle - Émard): Nous avons eu ces discussions. Je dois vous dire que si un pays n'affronte pas ses propres défis à l'interne, dans ses politiques économiques, ce ne sont pas de simples échanges de vues qui vont pouvoir remédier à un écart dans leurs devises.

Le yen est-il trop fort ou est-ce le dollar qui est trop faible? On sait une chose: c'est qu'il existe un écart et que la solution se trouve à l'intérieur de ces pays. Le reste du monde devrait-il dire à ces pays: «Réglez donc vos problèmes à l'intérieur»? Absolument. On devrait le faire et on le fait. Dans cette optique-là, je pense que votre suggestion est bonne.

Il n'y a pas de panacée. Vraiment, il faut bien gérer sa propre économie.

M. Paré (Louis-Hébert): Au cours des ans, la situation mondiale a beaucoup changé. Or, il nous semble que le mandat qui était attribué au FMI, au début, et celui qu'il exerce aujourd'hui sont sensiblement différents.

D'autre part, on a une espèce de certitude que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, dans plusieurs circontances, se chevauchent. Vous ne semblez pas prôner une restructuration fondamentale des institutions, et pourtant, vous parlez de la nécessité d'éliminer les chevauchements, de s'orienter vers le développement durable, de réduire davantage la pauvreté, de réduire la dette et de développer le secteur privé.

Personnellement, je trouve que, par rapport au mandat du FMI, en particulier, ce sont là des changements extrêmement importants. J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi vous ne trouvez pas cela important. Il me semble que c'est un changement important.

M. Martin (LaSalle - Émard): Je crois que vous avons différentes opinions sur ce qui est important dans d'autres domaines aussi. Mais je pense que l'opinion que vous venez de donner est assez valable. Il est encore nécessaire d'avoir un Fonds monétaire international et une Banque mondiale.

Cela étant dit, il n'y a pas de doute qu'il faut éliminer les chevauchements entre les deux. Il n'y a pas de doute qu'au point de vue de l'environnement, il y a beaucoup à faire. Il n'y a pas de doute qu'il y a beaucoup de chemin à faire dans la façon d'absorber toute cette capacité du secteur privé.

.1550

Je pense qu'il existe un terrain d'entente entre nous là-dessus.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

[Traduction]

Monsieur Mills.

M. Mills (Red Deer): J'ai quelques questions dans la même veine.

Le directeur général du FMI laisse entendre qu'il faut doubler les ressources en capital. Évidemment, vous avez vous-mêmes laissé entendre que nous pourrons y arriver de diverses manières sans augmenter les contributions versées par les pays.

Je me demande ce que vous envisageriez comme hausse de notre contribution. Plus précisément et sur le plan politique, je vous demande ce que les Canadiens seraient prêts à accepter, d'après vous, en matière de contribution accrue dans ce secteur.

Il y a un autre point que nous avons examiné de façon très détaillée et tout le monde semble d'accord pour dire que sur le plan bureaucratique, le FMI et la Banque mondiale.... Enfin, on a utilisé bien des formules, toutes sortes d'épithètes, mais tout cela revient à dire que c'est une histoire à dresser les cheveux sur la tête, que la bureaucratie est d'une lourdeur inimaginable et qu'il faut la réduire. Il y a notamment M. Williamson qui nous a dit à Washington qu'il n'en croyait pas ses yeux, de voir la montagne de paperasse.

Je me demande ce que vous pensez de mettre à l'ordre du jour du G-7 une véritable réforme de ces deux institutions.

M. Martin (LaSalle - Émard): Pour répondre à votre première question, je crois que dans le cas du Canada, et en fait dans le cas de la grande majorité des membres du FMI, nous sommes tous aux prises avec de graves problèmes budgétaires et personne n'est tellement disposé à voir augmenter les contributions des pays membres.

Cela dit, nous reconnaissons également qu'à titre de pays membre, nous avons énormément à gagner du bon fonctionnement du système et énormément à gagner si les pays en développement reçoivent les fonds dont ils ont besoin afin de rehausser le niveau de vie de leur population et d'occuper une place plus solide dans la communauté mondiale.

Il est donc évident qu'il faut garder l'équilibre entre ces deux considérations opposées et c'est pourquoi notre gouvernement a demandé avec insistance que nous en ayons davantage pour notre argent, à même les ressources existantes consacrées aux institutions internationales. Pour cela, il faudra peut-être que ces institutions complètent ces fonds de leur côté.

Maintenant, comment arrondir ces fonds? Eh bien, j'ai déjà dit que l'on est généralement d'accord pour emprunter et qu'il y a possibilité de vente d'or. Par ailleurs, je crois qu'il est très important que le comité examine tout le concept du financement intermédiaire par ces institutions internationales afin d'attirer beaucoup plus de capitaux du secteur privé. Également, il importe que ces institutions aident les pays à établir les règles qui permettront l'afflux de capitaux internationaux.

Parlons franchement. On pourrait doubler, on pourrait tripler, on pourrait même quadrupler les contributions versées à ces institutions. Je vous le dis tout net, ce serait une goutte d'eau dans l'océan en comparaison des montants qu'il faudrait. Par conséquent, si nous ne cherchons pas à attirer des capitaux du secteur privé, nous échouerons dans notre tâche.

Pour répondre à votre deuxième question portant sur la bureaucratie, je pense que c'est endémique dans toute grande institution. Le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et tout le groupe d'institutions internationales ne sont certainement pas à l'abri de ce qui arrive quand l'appareil bureaucratique devient trop lourd et je crois que c'est l'une des raisons pour lesquelles il faut périodiquement se pencher là-dessus et s'assurer non seulement qu'il n'y a pas trop d'employés, ce qui est toujours problèmatique, mais surtout que les employés qui sont en poste font du bon travail. Il est évident qu'il faut s'en préoccuper constamment.

M. Mills: Croyez-vous que les autres pays membres du G-7 sont déterminés à accomplir une réforme de ce genre?

M. Martin (LaSalle - Émard): Oui, absolument, je peux l'affirmer catégoriquement.

.1555

M. Martin (Esquimalt - Juan de Fuca): J'ai quelques questions à vous poser et je vais commencer par la plus importante.

Vous avez évoqué le concept de pré-alerte pour les institutions financières internationales. C'est une excellente idée. Êtes-vous disposé à envisager d'utiliser ces institutions dans le cadre d'une approche encouragement/dissuasion pour les pays en développement qui s'engageraient dans une politique intérieure qui ne serait pas conforme à leur intérêt supérieur ou qui s'engageraient dans une politique étrangère menaçant la sécurité régionale ou internationale?

Ma deuxième question porte sur le monde en développement et son endettement, dont on a dit quelques mots. Vous n'êtes pas sans savoir que les pays en développement ne pourront simplement pas se renflouer dans le cadre du mouvement actuel de capitaux que l'on observe de ces pays vers le FMI et la Banque mondiale. Proposerez-vous au Somment du G-7 que les intervenants se réunissent et mettent au point au moins l'amorce d'un plan global pour s'attaquer à ce qui est peut-être le plus grave des problèmes économiques qui se pose au pays actuellement à l'heure actuelle?

M. Martin (LaSalle - Émard): Le mouvement de capitaux inversé?

M. Martin (Esquimalt - Juan de Fuca): Oui, l'afflux de capitaux qui se produit actuellement en sens inverse.

M. Martin (LaSalle - Émard): Vous m'avez posé deux questions. Premièrement, en ce qui concerne l'encouragement et la dissuasion, la situation de la communauté financière internationale et ses rapports avec les pays est analogue à celle qu'ont vécue tous les pays industrialisés il y a 30 ou 50 ans, quand il a fallu réglementer les marchés intérieurs des valeurs mobilières. Voilà pourquoi nous mettons tellement l'accent sur la nécessité de la transparence et le besoin de données précises, cohérentes et en temps voulu.

Quant à l'encouragement et à la dissuasion, vous me demandez si le FMI a un rôle à jouer pour ce qui est d'identifier les pays qui agissent dans un sens ou dans l'autre? La réponse est oui, je le crois. Je crois que le FMI devrait [Inaudible - Éditeur] les pays, en fournissant des données à jour et cohérentes.

Quand à savoir si le FMI devrait aller plus loin et publier une liste de pays à problème ou autre mesure de ce genre, j'hésiterais beaucoup à répondre par l'affirmative, simplement parce que cela pourrait entraîner la réalisation des prohéties ainsi formulées. Je pense qu'il faut faire attention à cet égard.

Je passe maintenant à votre deuxième question qui porte sur le mouvement inverse des capitaux. Je crois qu'il faudra vraiment s'y attaquer. D'une part, la raison d'être de la surveillance est de s'assurer qu'on comprend ce qui se passe quand il y a mouvement de capitaux, afin d'éviter que ceux-ci ne sortent aussi rapidement qu'on l'a vu dans certains cas.

Mais il y a quelques autres points dont il faut tenir compte à mon avis. C'est compréhensible qu'il n'y ait pas de contraintes sur les mouvements de capitaux sur les pays industrialisés qui ont des bassins de capitaux très riches et qui en sont arrivés à une certaine maturité de leur développement économique. Par contre, pour certaines économies naissantes qui n'ont pas de réservoir de capitaux très abondants, je crois que nous devrions être disposés à envisager une libéralisation par étapes. J'en donne comme exemple le Chili.

La Malaysia est un autre exemple intéressant. À un moment donné l'année dernière, les représentants de Malaysia ont dit essentiellement ceci: Si vous venez ici, vous y restez pour un an et nous voulons que l'argent soit investi dans l'infrastructure et dans des investissements à long terme et non pas simplement dans des portefeuilles. Ils ont ainsi réussi à se protéger considérablement. C'était une décision très controversée prise dans le sillage de la crise mexicaine.

Cela me semble parfaitement acceptable. Je pense que l'on ne peut pas imposer à certains pays les mêmes normes que nous imposerions aux marchés de Londres et des États-Unis.

M. Flis (Pardkale - High Park): Pour en revenir à ce que le ministre disait au sujet de la crise mexicaine, c'est justement cette crise qui a sensibilisé la collectivité internationale aux faiblesses de toute la structure du FMI. Pourtant, vous ne recommandez aucune restructuration fondamentale de la Banque mondiale, du FMI et des autres institutions financières. Je trouve que si nous voulons que le Sommet de Halifax soit utile, il faut absolument proposer une quelconque structure ou un modèle pour empêcher l'émergence d'une nouvelle crise, sinon nous n'aurons rien accompli.

.1600

Dans vos remarques, vous avez également parlé de la volatilité des devises. On a décrit à notre comité comment des gens jouent du jour au lendemain des parties de poker de billions de dollars. Nous aimerions connaître votre point de vue à ce sujet. Faudrait-il taxer certains de ces profits, comme le suggérait M. Tobin? C'est une situation internationale très changeante que celle des devises et pourtant, vous dites que nous n'avons pas besoin d'une restructuration majeure.

M. Martin (LaSalle-Émard): Je pense qu'il faut s'entendre sur ce qu'est une restructuration fondamentale. Cette question ressemble beaucoup à celle à laquelle j'ai répondu plus tôt et j'aurais peut-être dû mieux choisir mes mots.

Quand je disais qu'il ne devait pas y avoir de restructuration fondamentale, je pensais à ceux qui ont remis en question l'existence même du FMI et de la Banque mondiale. Je pense en effet qu'on a prouvé que ces organisations étaient tout à fait capables de s'adapter et je crois qu'elles continuent de jouer un rôle très important.

Mais cela dit, les mots que j'ai choisis ont sans doute causé le malentendu, je crois qu'il faut tout de même apporter des changements très importants au fonctionnement de ces institutions afin qu'elles vivent vraiment dans le contexte des années 1990, très différent de celui où elles ont été créées, soit celui de l'après-guerre. C'était peut-être un mauvais choix de mots mais je pense que nous sommes sur la même longueur d'ondes.

Pour ce qui est de la taxe Tobin, je ne suis pas persuadé qu'elle calmerait efficacement les choses, même en théorie. En théorie, je crois que la taxe Tobin est certes attrayante comme moyen de produire des revenus et je serais un bien mauvais ministre des Finances si je n'y avais pas songé.

Le problème, c'est que d'un point de vue pratique, il serait très difficile d'imposer la taxe Tobin, pour deux raisons. D'une part, il faudrait absolument avoir l'appui unanime de pratiquement tous les pays du monde capables d'avoir un marché boursier, ce qui est bien difficile à obtenir.

D'autre part, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que personne ne doit pouvoir douter de l'honnêteté des milieux financiers. Il serait très difficile de mettre au point une forme de taxation que les milieux financiers ne pourraient pas contourner par la création de nouveaux instruments financiers.

Pour ces raisons, en pratique, je dois vous répondre qu'à mon avis, la taxe Tobin ne fonctionnerait pas.

M. Flis: Maintenant, au sujet d'une structure ou d'un modèle que pourrait recomander le sommet pour éviter une autre crise mexicaine?

M. Martin (LaSalle-Émard): C'est quelque chose qui compte beaucoup aux yeux du premier ministre et je ne peux prévoir ce qui se produira à Halifax. Le Canada a fait preuve d'un fort leadership en la matière. Je suis persuadé qu'un bon nombre de suggestions feront l'objet de discussions.

La semaine dernière à Washington, le Canada a par exemple longuement discuté d'une collaboration accrue entre les organismes de réglementation et les bourses de valeurs de chaque pays. Pensez-y un peu. On parle du capital du secteur privé. La plupart de ces pays ont chacun une réglementation et des bourses importantes. On peut se demander quelle est l'ampleur réelle des communications.

Pour ce qui est de la crise mexicaine, dont vous avez parlé, le ministre des Finances du Mexique a précisé que tous les renseignements nécessaires étaient disponibles, au Mexique. Le problème, c'est qu'il n'y a pas eu d'analyse critique suffisante. Maintenant, c'est à vous de vous faire une opinion.

Le président: Monsieur le ministre, vous faites sans doute vous-même une réflexion sur le sujet mais je peux vous assurer que dans notre rapport, nous enrichirons considérablement votre menu par nos recommandations à ce sujet.

M. Lastewka est le suivant.

M. Lastewka (St. Catharines): Merci, monsieur le ministre, pour vos propos liminaires et pour cette discussion très ouverte.

Pendant notre voyage à Washington, pour l'examen de la Banque mondiale et du FMI, il est devenu très clair à nos yeux qu'entre ces deux institutions, il y avait des chevauchements de l'ordre de 30 p. 100 à 35 p. 100. Nous avons constamment entendu déclarer que la Banque mondiale, le FMI, les banques régionales et les autres se faisaient mutuellement concurrence.

.1605

Vous avez précisé ce que vous avez dit tout à l'heure. Je voudrais que vous me parliez de cette concurrence, mais il ne faut pas oublier qu'il n'y a qu'un seul intéressé en lice, ceux qui versent des contributions aux banques.

Lorsque nous avons essayé d'en apprendre plus sur le FMI, sur sa transparence et ses responsabilités, il a été difficile, même pour nous, de bien comprendre et d'aller au-delà d'une ou de premières questions superficielles sur son mode de fonctionnement. Je nourris des doutes assez sérieux au sujet de la transparence de ces institutions, et c'est pourquoi je commence à mettre en question leur mandat, leurs responsabilités à l'égard des intéressés.

M. Martin (LaSalle - Émard): Avant de répondre à M. Lastewka, monsieur le président, je dois avouer que j'ai commis une gaffe impardonnable sur le plan des convenances, du genre qui inspire des idées de suicide à un ministre. J'ai oublié de présenter Louise Fréchette, la sous-ministre associée des Finances. C'est elle qui est responsable du G7 et sans sa présence, je ne pourrais certainement quitter cette salle sans y laisser ma peau; je lui présente donc mes excuses.

Le président: Nous vous pardonnons bien volontiers vos impairs puisque nous connaissons tous Mme Fréchette. Nous avions tout naturellement pensé qu'elle était ici pour réfléchir et vous, pour parler.

Des voix: Oh, oh!

Le président: À mon tour de commettre un impair.

M. Martin (LaSalle - Émard): Je dois préciser que le président de comité et moi-même avons fait nos études de droit ensemble et que nous nous connaissons donc depuis fort longtemps. En tant que membres du même parti, il nous est fréquemment arrivé de parler l'un pour l'autre. Mais c'est la dernière fois que je le fais.

Des voix: Oh oh!

M. Martin (LaSalle-Émard): Quoi qu'il en soit, nous avons, comme vous, constaté qu'il y avait chevauchement des fonctions. Ces chevauchements sont extrêmement fréquents, et je crois que les deux institutions le savent bien. Par exemple, à la Commission des institutions financières de Bretton Woods, chargée d'étudier les mesures à prendre, c'est un point qui a été soulevé. J'imagine que vous allez également le faire.

Je crois qu'à peu près tout le monde sera d'accord avec vous sur la question de la transparence, mais il y a cependant un point à noter. Il convient en effet de se demander si c'est le véritable responsable que vous accusez. Il se peut en effet que le fonctionnement du FMI ne soit pas aussi transparent que certains le voudraient - qu'on le trouve un peu cachotier - mais la question est de savoir si c'est la faute du FMI lui-même ou si c'est la volonté des pays membres. Neuf fois sur dix, la plupart de ces pays fournissent des informations extrêmement confidentielles à condition qu'elles le demeurent.

Donc, presque par définition un problème se pose: lorsqu'un pays demande des conseils au FMI si ce pays connaît de graves difficultés ou des prêts vont être consentis... Si cela se faisait publiquement et que tout le monde l'apprenait immédiatement, cela provoquerait non seulement une crise pour certains de ces pays, mais en fait, le FMI ne serait pas appelé à intervenir plus tôt. Ce que celui-ci souhaite est, en effet, d'être appelé à l'aide bien avant que le problème ne se produise.

Votre remarque est donc tout à fait pertinente, mais un certain nombre de raisons entrent en jeu.

M. Lastewka: Je n'ai rien à redire à cela. Cependant, si des parlementaires d'un pays membre viennent poser des questions, il faudrait bien préciser ce qui est confidentiel et quelle méthode le FMI utilise pour agir.

Personnellement, je considère que lorsque nous étions à Washington, le FMI ne s'est pas montré tout à fait franc à notre égard. Je ne sais pas combien de membres du comité partagent mon impression, mais je me suis senti très frustré lorsque j'ai essayé d'obtenir des renseignements. En tant que député, j'estime que ce sont des renseignements que je devrais pouvoir obtenir.

Si la question de la confidentialité entre en jeu, je ne vois pas la différence avec ce qui se passe chez nous lorsque nous posons des questions à nos banques, à nos institutions financières ou aux surintendants des banques. Je comprends parfaitement qu'à un moment donné, ils nous disent que l'on entre dans un domaine confidentiel; il n'en reste pas moins, qu'il faudrait que le système se montre plus ouvert. Peut-être que nous ne leur faisons pas confiance en partie parce qu'ils n'ont pas été ouverts.

.1610

Le président: Il reste sept minutes au ministre. J'aimerais donc proposer aux membres que nous fassions rapidement le tour pour permettre à tous d'avoir un deuxième tour.

Mme Debien et M. Penson étaient les prochains sur ma liste. Ensuite, nous passerons du côté du gouvernement..

[Français]

Mme Debien (Laval-Est): Bonjour, monsieur le ministre. Vous avez mentionné dans votre allocution qu'un des rôles des institutions financières devrait être d'identifier les faiblesses des fluctuations économiques. Vous avez proposé quatre façons de les améliorer, c'est-à-dire un dispositif d'avertissement et de surveillance, une mise à jour des informations clés sur l'économie, la consultation et les décisions rapides. Vous avez parlé d'un processus de détection et d'action rapide. Vous avez parlé d'accorder des fonds suffisants pour gérer et déployer les ressources et enfin vous avez dit qu'il fallait entamer une démarche coopérative incluant les pays en voie de développement.

Ma première question concerne l'accord que vous feriez concernant les demandes de ressources additionnelles du Fonds monétaire international. Est-ce qu'on ne devrait pas attendre un début de réforme des institutions financières qui serait initiée à partir d'Halifax, à laquelle le Comité travaille sérieusement ici, avant de gaver le FMI de fonds supplémentaires? Est-ce que ce ne serait pas plus respectueux du processus que le Canada veut lui-même initier à Halifax?

Ma deuxième question a trait aux pays en voie de développement. Selon vous, est-ce que l'aide aux institutions financières des pays en voie de développement devrait être conditionnelle au respect des droits de la personne? Vous savez que c'est la position de votre gouvernement que de promouvoir le respect des droits de la persoonne par le biais des actions multilatérales. J'aimerais que vous répondiez à ces deux questions, s'il vous plaît.

M. Martin (LaSalle - Émard): Vous me demandez si on devrait d'abord faire la réforme avant d'augmenter les ressources de ces institutions. Il ne sera pas question d'augmenter les ressources avant Halifax. Je pense que l'objectif que vous préconisez sera réalisé. On va amorcer la réforme d'abord et éventuellement augmenter les ressources.

Vous me demandez aussi s'il devrait y avoir un lien entre l'argent donné par ces institutions et les droits de la personne. Vous savez qu'il s'agit d'un sujet très controversé. Cela dépend des raisons pour lesquelles on donne ces fonds et à qui on donne ces fonds. Lorsque ces fonds sont donnés, par exemple, à des institutions non gouvernementales dans un pays, je crois qu'on peut les leur donner. Cela dépend de l'ampleur des freins à la liberté de la personne ou aux droits civils qui existent. Il y a des différences entre les pays et, d'après moi, il faudra les juger cas par cas.

[Traduction]

Le président: Il ne nous reste plus qu'une minute, donc si vous avez une question rapide, monsieur Penson, vous pouvez la poser.

M. Penson (Peace River): Bienvenue, monsieur le ministre. Je me demandais si vous partagiez mon point de vue, à savoir que même si le FMI et la Banque mondiale sont des institutions importantes, surtout pour les pays du Tiers monde, le véhicule qui pourrait peut-être le mieux leur servir serait l'Organisation internationale du commerce, car il représente le commerce. Il représente aussi un plus grand pourcentage de fonds et du genre de ressources disponibles que la Banque mondiale ou le FMI.

Si ces pays pouvaient commercer librement avec des pays tels que le Canada, les États-Unis, et les pays du G-7 en particulier, est-ce que cela n'ouvrirait pas des voies plus importantes pour eux, pour ce qui est d'avantager leur économie, plutôt que d'avoir à se fier à la Banque mondiale et le FMI?

.1615

M. Martin (LaSalle - Émard): C'est une perspective très intéressante que vous apportez au débat. L'importance du commerce versus l'aide ne fait aucun doute. Nous espérons tous bien sûr que l'OMC évoluera dans ce sens au fur et à mesure de son développement.

Je répondrai donc oui à la première partie de votre question et vous avez soulevé un point très important. Cela dit, et j'ai mis l'accent sur l'importance du développement du secteur privé, c'est sûr que lorsqu'on considère l'ampleur de la demande par rapport au financement disponible dans le secteur privé, il est très clair que tout ce qu'on peut faire pour mêler le secteur privé à l'affaire prend son importance.

Cela dit, je crois aussi, cependant, que le FMI et la Banque mondiale ont un rôle important à jouer lorsqu'il s'agit d'encourager le financement venant du secteur privé. Je vous en donne quelques exemples.

Tout d'abord, beaucoup de ces pays doivent comprendre que le secteur privé exigera un rendement raisonnable. Le FMI est l'organisme le mieux placé pour le leur faire comprendre. Il est crucial pour beaucoup de ces pays de comprendre qu'il faut éliminer tout un tas de chinoiseries administratives et de simples obstacles qui font échec au développement. L'organisme le mieux placé pour le faire comprendre est la Société financière internationale qui fait partie du Groupe de la Banque mondiale.

Il est très clair qu'il y a un besoin énorme de financement secondaire pour attirer les capitaux du secteur privé. La Banque mondiale est probablement un des organismes qui peut faire le mieux passer ce message. Si vous avez raison à propos du secteur privé, je n'en crois pas moins qu'à l'avenir le FMI et la Banque mondiale vont jouer un rôle très important lorsqu'il sera question d'encourager le secteur privé à s'intéresser à beaucoup de ces pays.

[Français]

Le président: Monsieur le ministre, je sais très bien que vous devez partir immédiatement parce que vous avez un rendez-vous à 16h30. Je vous remercie beaucoup d'être venu parmi nous. Vous avez enrichi notre compréhension de ce dossier. Mme Fréchette peut-elle rester pour continuer de répondre aux questions?

[Traduction]

M. Martin (LaSalle - Émard): En d'autres termes, monsieur le président, et je n'y vois aucune objection, vous voulez continuer sans l'intermédiaire.

Le président: Nous savons où se trouvent le haut et le bas et tous les points intermédiaires - enfin, l'expression courante dont se sert le gouvernement du jour.

M. Martin (LaSalle - Émard): Merci. Si les réponses diffèrent, monsieur le président, dites-le moi.

Le président: Oui, vous avez quelques gens dans la salle qui s'en chargeront bien.

[Français]

Madame Fréchette, on nous a dit que vous pourriez rester une vingtaine de minutes pour répondre aux quelques questions que les députés ont encore à poser.

[Traduction]

M. Regan (Halifax-West): Madame Fréchette, une des questions qui nous préoccupent, c'est de savoir à qui les directeurs de la Banque mondiale et du Fonds international rendent des comptes, surtout dans le cas des divers Parlements. D'après le ministre, un des problèmes du FMI c'est qu'avant de donner des renseignements à cet organisme, les divers pays exigent une promesse de confidentialité et il devient donc difficile de partager publiquement l'information.

Cependant, il me semble que les parlementaires devraient avoir plus souvent l'occasion de voir les directeurs représentant notre pays au sein de ces organismes se présenter chez-nous à titre de témoins, par exemple. Je comprends que nous-mêmes et quelques autres pays avons un directeur commun, mais on devrait quand même avoir l'occasion de faire comparaître les intéressés devant nos comités parlementaires pour répondre de leurs faits et gestes à la fois au Parlement et au grand public.

Une voix: Bonne question.

Mme Louise Fréchette (sous-ministre adjoint, ministère des Finances): Oui, monsieur le président, au FMI, évidemment, l'on rend formellement des comptes au conseil de direction composé des divers ministres des finances qui, à leur tour, doivent rendre des comptes à leurs propres Parlements.

Cela dit, il n'y a rien qui empêche les comités du Parlement d'inviter nos directeurs exécutifs à venir expliquer ce qui se passe chez-eux ainsi que les décisions qui ont été prises de même que les raisons qui les ont motivées. Je sais que les directeurs exécutifs canadiens des diverses institutions financières internationales seraient on ne peut plus heureux de profiter d'un voyage à Ottawa pour rencontrer votre comité. Ce serait un excellent exercice.

.1620

Une autre responsabilité qui incombe au ministre des Finances est le dépôt d'un rapport annuel sur les activités des IFI. Il serait très utile que votre comité ait des contacts directs avec les directeurs exécutifs.

M. Regan: On a, bien sûr, critiqué les activités du FMI et de la Banque mondiale dans le domaine du développement durable, de la réduction de la pauvreté et des mesures d'adaptation structurelle.

Lorsque nous avons rencontré les représentants de ces institutions, ils ont fait valoir avec éloquence qu'ils avaient obtenu d'excellents résultats et réalisé de grands progrès dans ces domaines. Je voudrais savoir ce qu'en pense le gouvernement et ce qu'il estime que l'on devrait faire pour réduire la dette.

Mme Fréchette: De fait, le FMI et la Banque mondiale ont tiré des leçons très utiles de leur première expérience du programme d'adaptation structurelle. Les programmes qu'ils négocient aujourd'hui avec les pays bénéficiaires sont fort différents de ce qu'ils étaient il y a quelques années.

Cela dit, il reste encore beaucoup à faire. Ce que nous recommandons à ces institutions, c'est d'accorder beaucoup plus d'attention à l'aspect social du développement, à la réduction de la pauvreté, à une meilleure intégration, dans leur politique, des préoccupations écologiques, au lieu de ne se préoccuper de celles-ci qu'en dernier essort.

Des progrès importants sont donc possibles, mais il ne faut pas oublier que les institutions elles-mêmes ont évolué au cours des années. Il convient donc d'insister pour que des progrès peu marqués soient réalisés dans ces domaines.

Sur le plan de la dette, depuis les années 1980, beaucoup de progrès ont été réalisés et on a créé des mécanismes adaptés à divers types de dettes. La dette des pays en développement à des gouvernements créanciers tels que le nôtre passe par l'entremise du Club de Paris. Il y a une foule de mécanisme qui permettent de réaménager les échéances et de s'assurer que les paiements annuels ne sont pas excessifs pour ces pays.

Un petit nombre d'entre eux ont cependant encore des difficultés à rembourser ce qu'ils doivent au FMI et à la Banque mondiale puisque leur aide prend essentiellement la forme de prêts. Il y a, certes, des fonds versés à des conditions favorables sous forme de subventions, mais d'une façon générale, l'argent de ces institutions prend la forme de prêts, et certains pays qui connaissent de graves problèmes ont donc de grandes difficultés à rembourser le FMI et la Banque mondiale.

Pour protéger la viabilité financière de ces institutions, étant donné que la Banque mondiale se procure l'essentiel de ses ressources sur le marché des capitaux, il est très important que la cote qui lui est accordée lui permette d'emprunter au taux le plus bas possible. La remise pure et simple de la dette de ces pays n'est pas considérée comme la méthode la plus souhaitable.

Il y a cependant de nombreuses manières d'alléger la charge, en étalant, par exemple, la dette sur une période beaucoup plus longue, ou même en trouvant des ressources qui permettent de réduire le taux du remboursement de l'intérêt. C'est là une des utilisations possibles de l'argent fourni par un modeste [Inaudible - Éditeur] au FMI, par exemple. Le Canada joue un rôle très actif dans les discussions qui se déroulent à la Banque mondiale et au FMI à ce sujet.

Très peu de pays ont beaucoup de difficultés à assurer le service de leur dette aux IFI. Avec quelques efforts et un peu d'imagination, nous devrions permettre à ces pays de faire face au problème. Cela n'obligerait pas le Canada à engager des ressources supplémentaires. Il s'agirait simplement d'utiliser plus efficacement les ressources internes dont disposent ces institutions.

M. Regan: Je crois que le chiffre que j'ai entendu - reprenez-moi si je me trompe - en ce qui concerne le mouvement net de capitaux entre les pays pauvres et les pays riches atteint 9 milliards de dollars. Cette somme est très supérieure à l'argent versé à ces pays pauvres.

Donc la dette supportée par ces pays, qui est en partie due aux taux d'intérêts élevés des années 1980... Je crois que c'est là le principal problème auquel se heurtent ces nations et l'obstacle le plus important à leur développement et à l'éradication de la pauvreté. J'estime donc que c'est la-dessus que nous devons concentrer nos efforts.

.1625

M. Fréchette: Une mise en garde à propos des remboursements de la banque. Beaucoup de gros emprunteurs du passé sont aujourd'hui des pays qui n'ont plus besoin de l'aide de la Banque. En fait, ils s'en sortent si bien qu'ils leur est maintenant possible de rembourser. Donc, beaucoup de ces gros emprunteurs d'il y a 20 ans, renvoient maintenant beaucoup d'argent à la banque. Comme leur économie est très saine, ils n'ont plus besoin d'emprunter.

Il n'est donc pas surprenant que ce mouvement de capitaux vers la Banque mondiale soit très important. Cela indique que la santé économique de certains pays est excellente. En revanche, d'autres - parmi les plus pauvres - ont de grosses difficultés à assurer le service de leur dette aux IFI, qui sont leur seule source de capital. Ces pays-là ne peuvent pas emprunter sur le marché financier; ils sont très petits et très pauvres. Leur seule source d'aide financière sont les IFI ou les donneurs dans le cadre d'accords bilatéraux. Donc, le problème existe pour ces pays-là, mais il est moindre.

Il n'y a probablement pas plus de 20 pays qui seront incapables de rembourser ce qu'ils doivent au FMI et à la Banque mondiale dans un avenir prévisible. Les montants sont assez importants, mais avec un peu d'imagination, le FMI et la Banque mondiale pourraient les contrôler.

Nous sommes très favorables au réechelonnement des dettes sur une période très longue. Techniquement, il n'y aurait donc pas de radiation, mais le rééchelonnement permettrait d'alléger considérablement les montants annuels remboursés.

M. Jackson (Bruce - Grey): Monsieur le président, j'ai une très brève question à poser.

La Banque Barings s'est effondrée à cause de l'utilisation des effets accessoires. Toutes les banques utilisent-elles ce mécanisme pour se protéger contre les problèmes de devises?

Mme Fréchette: Les effets accessoires sont utilisés par divers intervenants sur le marché, des banques aux courtiers, en passant par les exportateurs. Ils s'en servent pour se protéger.

Les publications consacrées aux effets accessoires montrent que, dans l'ensemble, ils se sont avérés très utiles. Par exemple, un exportateur qui veut se protéger contre des changements subits des taux de change dans le pays de destination peut acheter des effets accessoires pour se protéger, et le reste est donc transféré. Ce mécanisme de protection est donc très utile pour nous.

Je crois que l'enquête qui se déroule actuellement au Royaume-Uni nous révèlera tout sur l'affaire de la Banque Barings. Je crois que l'on verra alors que ce ne sont pas ces effets eux-mêmes qui sont responsables du problème mais la grande imprudence du bureau de cette banque à Singapour ainsi, probablement, que des méthodes de supervision très relâchées au sein de la banque elle-même.

M. Jackson: La réponse est donc que toutes les banques, ou en tout cas la plupart d'entre elles, utiliseront ce mécanisme comme forme d'assurance.

Mme Fréchette: La plupart des intervenants sur le marché peuvent actuellement utiliser les effets accessoires et ne s'en privent pas. Le problème n'est pas nécessairement là; il est peut-être dû à la manière dont vos marchés sont supervisés et aux restrictions plus ou moins grandes imposées à l'utilisation de ces effets.

M. English (Kitchener): Madame Fréchette, nos propres contributions aux BMD est la plus élevée des pays du G7. Dans le contexte de notre APD, cela constitue une part qui augmentera considérablement au cours des deux prochaines années, ce qui est en partie dû à des engagements antérieurs.

J'ai deux questions à vous poser. Cette importante contribution accroît-elle notre influence? Deuxièmement, pouvons-nous vraiment la maintenir à un niveau aussi élevé?

Nous avons entendu des témoignages contradictoires. Au cours d'une de nos séances, le professeur Kirton a déclaré que nous versions trop d'argent aux BMD, alors que le professeur Helleiner n'était pas de son avis. Il n'y a pas d'unanimité sur la question. Je voudrais donc savoir ce que le gouvernement en pense.

Mme Fréchette: Il faut tout d'abord faire une distinction entre les «contributions à la banque elle-même, qui est un article non budgétaire, et la contribution que l'on décide de faire au service d'aide versée à des conditions favorables de ces institutions, qui fait partie de l'enveloppe réservée au développement.

.1630

Nous avons toujours assumé une part assez importante de cette aide versée à des conditions favorables. Mais il s'agit là d'un choix que l'on doit faire dans son propre programme d'aide. On a le choix soit de verser plus d'argent à ces banques soit d'en réserver plus à son programme d'aide bilatéral. C'est donc un choix à faire. Cela ne constitue pas une ponction plus grande sur l'enveloppe; il s'agit simplement d'un choix de politique.

Comme nous avons été obligés de limiter la taille de notre enveloppe de développement, ces dernières années, nous en sommes venus à revoir la manière dont nous répartissons l'argent versé à des conditions favorables entre les divers mécanismes possibles, puisque ces fonds sont renégociés et reconstitués à intervalle réguliers.

La prochaine fois, nous aurons encore une fois à prendre une décision. Allons-nous prendre 5 p. 100, 4 p. 100, ou 3 p. 100 du total prévu? La décision s'impose chaque fois que vient le moment de reconstituer le fonds. Manifestement, la taille globale de notre enveloppe de développement ayant été réduite, nous serons peut-être amenés à revoir à la baisse certaine de nos formes de participation à ces institutions.

M. English: J'ai une autre question à poser. M. Martin a insisté sur la maximisation des investissements privés. Dans un document du comité mixte ministériel des conseils d'administration de la banque et du fonds, distribué je crois par le ministère, on relève deux choses. La première est le niveau élevé des mouvements globaux de ressources depuis 1990, et en particulier de la part du secteur financier privé. On note cependant aussi dans ce document que les mouvements provenant des divers portefeuilles ont diminué. Les ministres reconnaissent que les marchés se serviront probablement des capitaux de manière plus sélective. Je voulais insister sur le terme «plus sélective».

Si nous insistons sur les mouvements de capitaux... et au cours de ces travaux, ce comité a vu des statistiques sur la destination de ces capitaux qui allaient plutôt aux pays en transition ou aux pays en développement avancé qu'aux nations les plus pauvres. Si nous prenons des cas comme celui de l'Afrique, même dans des pays tel que le Ghana, où il y a un an seulement il semblait que des marchés de capitaux privés pourraient se développer, la situation n'y est pas très encourageante aujourd'hui.

Si nous voulons tant privilégier les mouvements de capitaux privés, je me demande dans quelle mesure, en utilisant ces effets, nous ne favorisons pas les pays en transition ou en développement au dépens de pays tels que ceux de l'Afrique subsaharienne, qui sont indéniablement les plus pauvres et qui ont le plus besoin d'aide en ce moment?

Mme Fréchette: Au cours de divers discours prononcés au Canada et dans le discours qu'il a fait à Washington la semaine dernière, le ministre a déclaré que dans toute la mesure du possible, nous devrions essayé de promouvoir le financement des besoins en matière de développement par le biais du secteur privé. Nous devrons donc concentrer les fonds publics, en partie ceux versés à des conditions favorables, au profit des pays qui n'auront pas accès à ces marchés, soit parce qu'ils sont à un stade de développement si primitif que les bailleurs du secteur privé ne tiennent pas du tout à intervenir chez eux, soit que, à cause de circonstances particulières, et ils sont très peu attrayants pour les investisseurs du secteur privé.

Voilà pourquoi, même si les capitaux privés pourraient être bien plus largement utilisés, ils ne remplaceront jamais ce que les institutions de financement peuvent fournir. Pour certains de ces pays, les IFI et notre propre programme d'aide seront encore, pendant un certain temps, la seule source d'aide financière.

Il est également évident que le secteur privé préfèrera investir dans certains secteurs pour répondre à des besoins particuliers que dans d'autres. Il n'est pas certain que des secteurs tel que celui de la santé ou de l'éducation pourront compter totalement sur des sources privées et ils auront donc besoin de fonds publics.

Je crois cependant que le principe de base est d'obtenir autant d'argent que possible du secteur privé de manière à ce que les fonds publics puissent être utilisés pour combler les lacunes laissées par celui-ci. Mais ce principe est très bon et paraît recueillir actuellement l'agrément de toutes les IFI.

.1635

Le président: Pourrais-je poser deux autres questions à ce sujet avant que nous ne levions la séance?

Selon vous, quelle sera la réaction du Sommet du G7 à l'égard de la recommandation en faveur du retour à un régime de change fixe conforme au principe de Bretton Woods ou, en tout cas, une modification du seuil et du plafond, un peu comme le système Sherpa européen? Cela doit-il même seulement faire partie des discussions?

Mme Fréchette: L'expérience européenne montre que pour que les systèmes d'interdiction ou d'établissement d'un niveau fonctionnent, il faut une forte convergence du rendement des économies. Des économies qui se développent dans des directions opposées, dans des directions qui ne sont pas en totale harmonie, ont en fait beaucoup de difficultés à maintenir leurs devises à un niveau fixe.

S'il est difficile pour les Européens d'aligner suffisamment leurs économies pour rendre le système viable, ce serait encore bien plus difficile de le faire à l'échelon planétaire où les Japonais, les Américains et les Européens participeraient à une harmonisation générale de l'élaboration de la politique et du rendement. Je ne pense donc pas que l'on s'orientera dans cette voie à la suite de la rencontre de Halifax.

Le président: Pensez-vous qu'à Halifax, on s'attaquera au problème, aux niveaux supérieurs, comme on le fait aux niveaux inférieurs? Nous entendons tant parler d'économies déficitaires et du rôle de réglementateur du FMI.

Bien sûr, dans le cas du Japon, le problème tenait au fait que le yen avait augmenté à cause des mesures en vigueur dans ce pays. Comme certains l'ont fait remarquer, cela a été un des échecs du système de Bretton Woods qui n'avait jamais porté sur le problème des pays qui accumulaient trop d'argent parce qu'ils refusaient d'ouvrir leurs propres économies à l'importation.

Pensez-vous donc que dans ce contexte nouveau de surveillance par le FMI, on sera plus disposé à concentrer son attention non seulement sur les économies de pays emprunteurs mais aussi sur celles des nations qui deviennent de trop gros créanciers?

Mme Fréchette: Eh bien, on considère que la surveillance exercée par le FMI devrait s'appliquer à tous les pays et pas seulement à ceux qui lui empruntent de l'argent. C'est le premier point que je voudrais souligner.

Deuxièmement, une surveillance très active a lieu aux réunions du G7. Une grande partie de nos discussions à ces réunions ainsi qu'à celles des ministres porte précisément sur cette question. Tout le monde est d'accord pour reconnaître que nous ne réussirons à surmonter le problème d'une instabilité excessive de devises que si chaque pays prend les mesures appropriées dans sa propre économie. Ce sont là les conclusions de la réunion de Washington.

Dans le cas du Japon, cela signifie que la réglementation excessive en vigueur dans ce pays est un problème qu'il faudra qu'il règle s'il veut éviter une surévaluation du yen. Les pays qui ont aujourd'hui des déficits graves verront également leurs devises soumises à des pressions et pour les éliminer, ils devront régler leurs problèmes de déficit.

Le président: Quelle est la différence entre la surveillance et les plaintes au sujet du comportement d'autres pays, qui restent sans effet?

Mme Fréchette: Eh bien la surveillance...

Le président: Ce que je voudrais savoir, c'est en quoi les sanctions seront plus rigoureuses dans le nouveau système. Dans quelle mesure pourrait-on espérer que le système de surveillance sera rigoureux?

Mme Fréchette: En ce moment, si vous empruntez de l'argent au FMI, vous êtes soumis à une surveillance fort active et directe, mais si vous essayez d'emprunter, votre économie fait l'objet d'un examen annuel. Cela ne donne pas les moyens au fonds de prévoir les crises. Si vous devez vous contentez d'un examen annuel de l'économie de pays qui sont fragiles ou qui risquent de connaître de sérieuses difficultés, il est fort peu probable que vous pourrez repérer leurs problèmes.

Deuxièmement, je crois qu'une plus large divulgation des données économiques s'impose. Certains pays publient l'état de leurs réserves une fois par an. Eh bien, ce n'est peut-être pas suffisant si vous voulez pouvoir prévoir les problèmes et les régler avant qu'ils ne se transforment en une crise véritable.

.1640

Autre chose, le FMI s'est toujours montré, disons, très courtois, dans la manière dont il fournissait des conseils aux états membres. La courtoisie, c'est très joli, mais le FMI devrait peut-être se montrer plus direct et plus explicite dans ses conseils.

D'autre part, le conseil d'administration devrait discuter plus ouvertement de l'état des économies des pays membres et des conseils à donner aux nations qui risquent de provoquer une crise véritable, en particulier si cette crise doit être contagieuse. Il devient donc important d'adopter une vision collective du règlement de la situation dans ces pays.

Le président: Une dernière question; j'abuse un peu de la patience des membres. À quel moment ces conseils sont-ils rendus publics, compte tenu de l'obligation d'ouverture et de responsabilité dont on nous a tant parlé, sans...?

On nous a parlé de l'équilibre délicat entre la nécessité pour le FMI de ne pas créer une crise de devises... Pourtant, si le FMI s'était montré moins discret, il aurait été possible d'éviter certaines crises de devises qui étaient liées à la libre diffusion de l'information sur le marché. Je songe au Mexique. Quand franchit-on ce cap?

Mme Fréchette: Grave dilemme. Allez-vous obtenir des conseils francs et sincères si ceux-ci sont rendus publics? Je n'en suis pas certaine.

Une certaine transparence aiderait certainement les pays à se protéger contre des réactions subites des marchés. Il faudrait pour cela qu'ils assurent la transparence de leurs données, non seulement pour le FMI mais pour les marchés eux-mêmes. Il y a moins de chance qu'un marché bien informé réagisse par la panique qu'un marché pris par surprise. Il s'agit en tout cas là du niveau de transparence vigoureusement recommandé par le Canada et d'autres nations.

Il est plus difficile de dire si nous devrions aller plus loin et rendre vraiment publics les conseils du Fonds. On craint en effet que beaucoup plus de pressions ne soient exercées sur le FMI pour qu'il présente ses conseils...

Le président: Qu'il les adoucisse.

Mme Fréchette: ...en termes plus indulgents. Je ne suis donc pas sûre qu'on y gagnerait à rendre totalement transparents ce genre de conseils. La question fait actuellement l'objet d'un vif débat au sein du FMI.

Le président: Au sein de notre comité aussi.

Personne d'autre ne levant la main, je tiens à vous remercier, madame Fréchette, de nous avoir donné des conseils aussi francs qu'utiles. Je rappelle aux membres du comité que nous discuterons de ces questions jeudi matin.

L'ébauche de rapport que nous présenterons également jeudi matin est disponible. Mme Hilchie l'a entre les mains et je vous demande donc de prendre votre copie avant de quitter cette salle.

[Français]

L'ébauche de la deuxième partie du rapport est disponible. Je vous suggère de l'obtenir avant de partir.

M. Paré: Avant que la réunion ne se termine, me serait-il permis encore une fois de déplorer la tenue de réunions le lundi après-midi alors que tous les représentants du Bloc sont dans leur circonscription? On a déjà eu ce problème sous une ancienne présidence.

Le président: Le problème d'hier était dû au fait que quatre personnes d'un peu partout dans le monde, de l'Inde, du Mexique et d'ailleurs, étaient en visite à Ottawa hier. Elles y étaient pour une réunion du CRDI qui a eu lieu lundi. Nous nous sommes réunis lundi pour être sûrs de pouvoir les rencontrer.

M. Paré: Ce n'était sûrement pas le cas de M. Bezanson, qui est du CRDI.

Le président: Sûrement pas pour M. Bezanson. On peut lui parler n'importe quel jour. Pour les trois autres, ils venaient de l'Inde, du Mexique et de l'Indonésie. Ils ne voulaient pas rester un jour un plus.

Je vous assure que lundi n'est pas un jour normal pour nos réunions, sauf de temps en temps, dans le cas de délégations visitant Ottawa pour un court laps de temps.

[Traduction]

Le comité directeur se réunira demain à 15 heures et jeudi matin à 9 heures.

La séance est levée.

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