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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 22 avril 1997

.0909

[Traduction]

Le président (M. Roger Simmons (Burin - Saint-Georges, Lib.)): La séance est ouverte. Nous poursuivons l'examen des politiques sur le mauvais usage et l'abus des drogues. Nous accueillons quatre groupes de témoins ce matin. Nous entendrons d'abord la présidente de Market-Media International Corp., Mme Joan E. Gadsby.

Bienvenue, madame Gadsby.

Mme Joan E. Gadsby (présidente, Market-Media International Corp.): Merci beaucoup.

Le président: Si c'était possible, je vous demanderais de nous présenter un bref exposé liminaire, pour que nous disposions de suffisamment de temps pour vous poser des questions. Vous pouvez commencer dès que vous serez prête.

Mme Gadsby: Cela ne me donne pas suffisamment de temps. J'étudie la question depuis six ans et demi, et c'est un problème très important qui existe dans le domaine de la santé.

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Mesdames et messieurs, je note que dans votre mandat on ne fait pas mention des médicaments dont je désire vous parler. Je parle des tranquillisants et des somnifères, qui sont prescrits à des milliers de Canadiens. Dans votre programme de travail vous parlez de l'alcool, de la nicotine, du cannabis, de la cocaïne, du crack, du LSD, de l'héroïne et des solvants. Les médicaments dont je vous parle sont insidieux; ils sont prescrits par les médecins. Les gens finissent par avoir une dépendance iatrogénique. C'est un grave problème.

La prescription de benzodiazépine comporte quatre éléments. Dans la note couverture qui accompagne mon mémoire, j'en fais justement mention; je signale qu'on prescrit souvent à tort la benzodiazépine, et parfois pour de trop longues périodes, de deux à quatre semaines. On ne prescrit pas ce médicament seulement pour de brèves périodes.

De plus ce médicament a des effets secondaires graves, souvent dangereux comme une agitation paradoxale, une plus grande désinhibition, des difficultés d'apprentissage, des problèmes de mémoire à court terme et à long terme, des problèmes psychomoteurs - qui entraînent souvent des accidents de la route - des états de colère violents, l'apparition ou l'aggravation de symptômes dépressifs, et une chimiodépendance totale.

Troisièmement, les effets du sevrage sont graves et durent longtemps.

Enfin, et c'est un élément très important - même si l'industrie nie que le problème existe - il existe des dangers de lésions cérébrales qui ne seraient pas toujours réversibles.

Je sais de quoi je parle, parce qu'on m'a prescrit ces médicaments après le décès de mon fils. J'étais très jeune lorsque cela s'est produit. Pendant 23 ans on m'a prescrit du Valium, du Librium, du Dalmane, du Restoril et du Serax - des sédatifs pendant la journée et pendant la nuit. J'ai failli mourir. J'ai eu une attaque de suffocation en février 1990. J'étais une femme intelligente, une femme d'affaires au sommet de sa carrière, je travaillais auprès de quatre des plus importantes compagnies canadiennes du secteur alimentaire, j'étais représentante élue depuis 13 ans, et je ne connaissais rien de l'effet que pouvaient avoir ces médicaments. Je suis retournée voir mon médecin et je lui ai dit que je ne voulais plus prendre ces médicaments. Il ne m'a pas aidée à m'en sortir. J'ai dû trouver de l'aide ailleurs. Pour être honnête, j'ai consacré pratiquement les sept dernières années à recouvrer ma santé. Je ne prends plus ces médicaments depuis six ans et huit mois.

Ces efforts représentent un engagement massif de ma part. Financièrement, cela a créé... Il m'en a coûté près d'un million de dollars pour recouvrer ma santé: perte de revenu, et vente d'actifs que j'avais à North Vancouver, pour maintenir mon niveau de vie. Pendant un an j'ai dû participer à un programme de rééducation cognitive pour composer avec les déficits neuropsychologiques qui ont été causés par ces médicaments. Vous comprendrez que tout cela n'a pas été facile.

Je ne suis pas la seule. C'est pourquoi je vous fais part de cette situation ce matin. Si les députés veulent bien regarder les documents qu'on leur a distribués ce matin...

Je vis sur la côte Nord, à North Vancouver plus précisément. Je peux ajouter quelques statistiques qui touchent la côte Nord - et qui peuvent être généralisées à l'échelle du pays - au document en date du 20 novembre.

Les diagrammes à bâtons démontrent qu'en Colombie-Britannique 23 p. 100 des aînés prennent ces médicaments; je dis bien 23 p. 100. Ce taux est de 27 p. 100 chez les aînés de la côte Nord. Chez les aînées de la côte Nord ce pourcentage passe à 30 p. 100. Chez les aînés de sexe masculin de la côte Nord le taux est de 20 p. 100. Il s'agit de personnes qui sont âgées de plus de60 ans. Je suis plus jeune, mais j'aurais pu être une de ces personnes qui prennent ces médicaments.

Les chiffres les plus récents sur ce problème ont été présentés par l'Association médicale canadienne et révèlent que 11 p. 100 des Canadiens prennent ces médicaments. Je parle des Canadiens. Les enfants ne sont pas inclus. Les enfants prennent du Ritalin, si leurs parents sont assez sots pour leur faire prendre ce médicament. De toute façon, il s'agit là d'un problème national qui a des répercussions très importantes.

Vous avez déjà entendu les représentants de l'Association médicale canadienne. Dans les documents que je vous ai remis, vous trouverez un document de recherche du Dr Mark Berner intitulé Benzodiazepines, An Overview. Ce document, qui est d'ailleurs excellent, a été préparé en avril 1982. À l'époque, le Dr Berner avait identifié les problèmes graves associés à ces médicaments.

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Dans le bas de la page 234, il signale que rien n'indique que ces médicaments sont utiles à long terme et qu'ils sont tout aussi efficaces lorsque prescrits pour des traitements à court terme. C'est aussi simple que cela.

Il parle des effets de ces médicaments - la sédation, la somnolence, les problèmes de jugement, les problèmes de concentration pour celui qui est au volant, les ruminations suicidaires, les idées de suicide où les patients sentent une impulsion au suicide comme si elle venait de l'extérieur sans qu'ils désirent vraiment mourir. Plus loin il aborde l'utilisation de ces médicaments par les femmes enceintes, par les aînés, et l'interaction avec l'alcool. À la dernière page, la page 240, il parle des problèmes cognitifs et psychomoteurs.

Voici le passage qu'il faut retenir:

Le traitement rationnel et réussi d'un patient n'est possible que si l'on comprend et connaît complètement la personne. Le médecin ne s'acquitte pas vraiment de ses responsabilités s'il se contente simplement de prescrire des médicaments pour éliminer des symptômes liés au stress sans bien comprendre la situation psychosociale et physique du patient. Le médecin «médicalise» ainsi le problème...

J'ai apporté ce document de recherche du Dr Mark Berner, à qui j'ai parlé au téléphone, parce qu'il l'a rédigé lorsqu'il était à l'Université Western Ontario. Je suis diplômée de cette université et j'ai fait ma maîtrise en administration des affaires à l'Université de la Colombie-Britannique. Le Dr Berner est le président du Comité consultatif d'experts responsable de l'élaboration de lignes directrices sur l'usage et l'innocuité des benzodiazépines utilisées pour le traitement de l'anxiété et de l'insomnie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, il s'agit là de lignes directrices que l'AMC aurait dû adopter il y a déjà longtemps.

Je fais partie d'un groupe d'action sur la benzodiazépine. Grâce à la publicité que nous avons reçue sur la côte Ouest, nous avons appris que 15 personnes ont perdu la vie au cours des derniers mois.

J'ai déjà été membre du conseil d'administration du Lions Gate Hospital lorsque j'étais conseillère municipale. Bon nombre des admissions en salle d'urgence à l'hôpital sont attribuables à des surdoses. Parfois, il s'agit de médicaments qui ont été pris en même temps que de l'alcool, mais il s'agit néanmoins de surdoses.

Je vous remercie de m'accorder un peu plus de temps que prévu. J'aimerais également vous parler des efforts que je fais pour communiquer avec des collègues qui ont été touchés tout comme moi par ces médicaments, soit qu'ils les aient pris eux-mêmes, soit qu'un membre de leur famille l'ait fait. Nous avons proposé un appel à l'action, dont je vous ai remis les textes pertinents, nous avons formulé des recommandations, et nous avons identifié les obstacles et proposé certaines solutions. Ce document est le fruit de centaines de conversations que j'ai eues avec cinq groupes d'intérêts importants. Je vous en dirai un peu plus long dans quelques instants.

Je prépare actuellement un documentaire de sensibilisation en collaboration avec Jack McGaw, qui était jadis journaliste à W5, et qui joue le rôle de chef de production adjoint. J'ai également un projet de livre qui raconte ma vie avant que je prenne ces médicaments, pendant que j'en prenais, et depuis. J'y parlerai également des travaux de recherche qui ont été effectués et qui sont effectués dans ce domaine. Puis un film semblable à I'm Dancing as Fast as I Can, sera tourné, un film qui portera surtout sur ce que vivent ceux qui participent à un programme de sevrage. Enfin, l'ancien directeur du programme d'assurance-médicaments, Mike Corbeill, s'est engagé à fournir 50 000$ pour une conférence sur les benzodiazépines.

Tous mes efforts sont orientés vers l'action. Nous connaissons tout ce que nous avons besoin de connaître sur ces médicaments. Nous devons maintenant agir pour régler le problème.

La campagne publicitaire a été amorcée. J'ai été invitée à l'émission 50 Up de CBC en novembre dernier. On m'a filmée lorsque je courais. Je cours deux milles et demi tous les matins le long de la mer. C'est ce qui m'a sauvé la vie. Il y aura plus de publicité. Je peux vous montrer des coupures de presse. Il y a des efforts de lobbying. J'ai également rencontré le sénateur Ray Perrault pour discuter avec lui d'audiences que pourrait organiser le Sénat sur la question.

Si vous regardez la page intitulée «Benzodiazepine `Call-to- Action' Group Resource Centre», vous constaterez quels sont nos objectifs. Nous pouvons économiser des millions de dollars dans le secteur des soins de santé et améliorer la qualité de vie de milliers de gens. Nous devons sensibiliser la population à ce problème afin de dissuader les médecins de prescrire trop souvent des benzodiazépines et fournir au consommateur tous les renseignements pertinents.

Il y a des Canadiens qui sont accrochés à ces médicaments, certains d'entre eux depuis plusieurs années, comme cela a été mon cas. Ils ont besoin des services d'aide et de l'infrastructure en place pour participer à des programmes de sevrage.

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Je recommande entre autres choses - et j'exhorte sincèrement le comité à donner suite à cette proposition, car à mon avis elle est très importante - que l'on lance une initiative semblable à celle qui a été lancée aux États-Unis dans le domaine du tabagisme: en effet, un pourcentage des profits réalisés par les sociétés pharmaceutiques serait utilisé pour financer l'établissement de l'infrastructure nécessaire; de cette façon ces sociétés ne pourraient pas jouer à l'autruche.

Vous avez reçu une page publicitaire qui est parue dans le Globe and Mail il y a environ quatre semaines - cela a coûté 250 000$. Essentiellement, l'industrie pharmaceutique déclare dans son texte, qui cite le Dr Coambs, un chercheur à l'Université de Toronto:

Nos objectifs sont les suivants: nous voulons collaborer avec les législateurs, les sociétés pharmaceutiques, les pharmaciens, les médecins et les consommateurs pour trouver des solutions pour que tout le monde y gagne. Nous espérons également que notre groupe-ressource servira de modèle à d'autres groupes dans tout le pays. Nous pouvons aider beaucoup de gens de façon fort positive grâce à nos divers services: une bibliothèque de documentation, un service d'orientation, un service de défense des droits des consommateurs, des collectes de fonds, des services d'éducation et d'aide juridique.

À la page suivante, vous trouverez l'historique du problème associé à la benzodiazépine. Ce n'est rien de nouveau. Ces médicaments ont été prescrits à la fin des années 50 et pendant les années 60, 70 et 80. Nous avons fait des recherches chronologiques et nous avons présenté un résumé des principaux travaux de recherche faits sur la question et des principaux intervenants de l'industrie. Tout y est. On y mentionne par exemple l'Organisation mondiale de la santé; le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques; la U.S. National Academy of Science; Ruth Cooperstock, qui travaillait à la Fondation de la recherche sur la toxicomanie, et qui est maintenant décédée, si j'ai bien compris; le Dr Joel Lexchin, dont vous avez sans doute entendu parler, et qui est l'auteur de The Real Pushers: A Critical Analysis of the Canadian Drug Industry; le British Journal of Addiction; le B.C. Drug and Poison Information Centre; la B.C. Medical Association, et le Dr Sydney Wolf, de Washington, D.C. J'ai eu l'occasion d'être conférencière invitée à la Women of Vision, Leadership for the 21st Century Conference, où j'ai rencontré Sydney Wolf. Tous ont fait du très bon travail. L'initiative de la thérapeutique en Colombie- Britannique, assurée par le Dr Jim Wright, est excellente.

Le Comité de l'industrie, devant lequel a comparu Joy MacPhail, la ministre de la Santé de la Colombie-Britannique, a communiqué un message en ce qui concerne l'industrie.

En ce qui a trait aux obstacles à la lutte contre les problèmes causés par la prescription de benzodiazépines - soyez patients, je serai brève - beaucoup de travaux ont été effectués, mais on a pris très peu de mesures. Que devons-nous faire? Nous devons réorienter les fonds de recherche vers des stratégies axées sur l'action, vers des programmes d'aide destinés aux personnes accrochées et vers un programme de sensibilisation visant à empêcher les nouveaux utilisateurs à devenir accrochés à ces médicaments.

Deuxièmement, les lignes directrices sur les ordonnances ne sont pas respectées. Nous avons dit un peu plus tôt que l'AMC devrait publier des lignes directrices. Les lignes directrices du CPS, par exemple, pour le Dalmane et le Serax disaient clairement en 1978 que la sécurité et l'efficacité d'un traitement de longue durée n'avaient pas été démontrées et que ces médicaments ne devraient être utilisés que pour des traitements de courte durée. Pourtant ce n'est pas ce que font les médecins.

L'AMC et les associations médicales provinciales doivent prendre des mesures disciplinaires. Les collèges des médecins et chirurgiens de toutes les régions du pays doivent s'acquitter de leurs fonctions.

Passons au manque de formation permanente des médecins. Encore une fois, il incombe aux collèges des médecins et chirurgiens d'assurer le perfectionnement professionnel des médecins.

J'ai toujours oeuvré dans le secteur du marketing, et voici ce qui s'est produit: les sociétés pharmaceutiques, pour être honnête, y sont allées à fond de train pour la commercialisation de ces produits. Les médecins ont été convaincus et ont continué de prescrire ces médicaments. Il s'agit habituellement de médecins de 50 ans et plus qui ne veulent pas changer.

Je signale dans mon document qu'il n'y a pas de responsabilité juridique dans le secteur. En Grande-Bretagne, 5 000 poursuites ont été intentées contre les sociétés pharmaceutiques et les médecins à ce sujet. Le citoyen moyen ne peut pas se permettre d'intenter des poursuites; il ne devrait s'agir là que du dernier recours. Mais c'est un autre domaine.

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De plus, le consommateur ne dispose pas de suffisamment de renseignements, de mises en garde claires, où l'on énonce clairement tous les effets secondaires possibles. Si quelqu'un m'avait dit que 23 ans plus tard j'aurais des problèmes cognitifs... Mon meilleur atout, c'est mon cerveau; pourtant je ne peux plus fonctionner comme je le pouvais auparavant.

Des travaux de recherche prouvent ce que j'ai dit. Le dernier rapport a été présenté par le Karolinska Institutet de Suède.

Je suis convaincue que la plupart des gens ne prendraient jamais ces médicaments.

Le point suivant porte sur ce que les pharmaciens peuvent faire pour aider à régler le problème. Ils doivent prendre le temps nécessaire et ne pas être influencés par les droits qu'ils touchent sur les ordonnances.

Le septième point concerne la demande élevée de médicaments et un processus d'éducation à plusieurs volets.

Le huitième point est le sevrage. Nombre de médecins ne comprennent pas ce que cela représente. Il faut donc qu'ils reçoivent une certaine formation à cet égard.

Neuvièmement, que pouvons-nous faire? Je donne l'exemple de l'expérience britannique. Au Royaume-Uni, les médecins ont communiqué avec leurs patients accrochés et leur ont dit qu'ils pouvaient les sevrer. Grâce à leurs efforts, il y a eu une chute de 30 p. 100 de la consommation de ces médicaments en six mois, ce qui a permis d'économiser des millions de dollars.

Le gouvernement, les sociétés pharmaceutiques et les médecins minimisent l'importance du problème. Nous pouvons sensibiliser le public grâce à des conférences, des colloques et d'autres événements de ce genre.

Le onzième point concerne l'information posologique objective à donner aux médecins. Sur la côte Nord, où je vis, un pharmacien a été embauché qui va rencontrer personnellement les médecins pour leur parler des effets néfastes des médicaments pour qu'ils soient vraiment au courant.

Il existe une situation de conflit entre les sociétés pharmaceutiques qui sont inspirées par les profits, le financement de la recherche et du développement et l'absence d'aide offerte aux particuliers qui sont les victimes de cette infrastructure. Une des principales recommandations que je vous formule ce matin est la suivante: les sociétés pharmaceutiques doivent aussi rendre des comptes. Je recommande qu'un pourcentage de leurs profits - et moi j'ai toujours travaillé dans le domaine de la commercialisation, mais pour le secteur alimentaire - soit réaffecté à la solution des problèmes créés par ces médicaments.

Le treizième point est celui des solutions de rechange. Les gens n'ont pas besoin de prendre des médicaments. C'est une question d'habitudes de vie saines.

Puis le document aborde l'affectation de ressources financières au problème. Il faut de l'argent. Les efforts ne sont pas coordonnés.

Je m'excuse, monsieur le président. J'ai pris beaucoup de temps. Cette question est cependant très importante. Je ne cesserai pas mes efforts. Je partirai aujourd'hui, mais je n'abandonnerai pas ma lutte. Vous m'entendrez parler de la question de plus en plus souvent, et ce, dans toutes les régions du pays, et même à l'étranger, jusqu'à ce qu'on agisse.

Je suis sincèrement convaincue qu'en février 1990 c'est Dieu qui m'a gardée en vie alors que j'étais sur le point de mourir, et il l'a fait pour que je puisse répandre ce message et aider d'autres personnes. Heureusement, j'ai deux filles formidables qui ont encore leur mère aujourd'hui. Au moment où j'ai pris l'avion hier, ma plus jeune, qui a maintenant 26 ans et qui travaille dans le domaine cinématographique, m'a dit: «Maman, je suis vraiment fière de ce que tu fais pour aider les autres.»

J'apprécie le temps et l'attention que vous m'avez accordés ainsi que votre patience. Je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos questions. Je suis également disponible si le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont besoin d'un consultant. J'ai un spécialiste en matière de communications qui travaille avec moi.

Notre groupe a également besoin d'argent. J'ai investi environ 100 000$ de mes propres fonds dans mes travaux de recherche et de développement.

Merci beaucoup.

Le président: Pauline.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Bonjour, madame Gadsby. Je vous remercie de votre exposé fort intéressant. Je vous prie de pardonner mon ignorance, mais je voudrais savoir dans un premier temps ce qu'est Market-Media International Corp. Quel est son rôle, quels sont ses objectifs et quel est votre rôle à vous?

[Traduction]

Mme Gadsby: C'est le nom de mon entreprise, Market-Media International. Je fais du marketing pour de grosses sociétés. J'ai travaillé avec quatre gros fabricants de produits alimentaires au Canada: Colgate-Palmolive, les Papiers Scott, Kelly Douglas, et la Southland Corporation.

Market-Media est une compagnie que j'ai créée et qui oeuvre dans les domaines du marketing, des relations avec le gouvernement, des affaires publiques, des communications des entreprises. Ces dernières années, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, j'ai surtout essayé de retrouver la santé. C'est simplement le nom de ma compagnie.

Si je suis ici, c'est en tant que porte-parole du groupe «Call-to-Action», qui, comme je l'ai dit dans mon exposé, s'intéresse aux benzodiazépines.

.0930

J'ai bien répondu à votre question?

[Français]

Mme Pauline Picard: Oui. Vous avez raconté pourquoi vous vous intéressez aux tranquillisants. Est-ce que cela fait partie d'une étude qu'on vous avait commandée dans le cadre des services que vous offrez ou si c'est une étude personnelle parce que cette question vous tient à coeur?

[Traduction]

Mme Gadsby: C'est une étude personnelle, car j'ai été touchée personnellement. Je suis probablement un des meilleurs experts du monde à l'heure actuelle dans le domaine des benzodiazépines, qui sont des tranquillisants et des somnifères. Quand j'ai commencé mes recherches, je vous avouerai que c'était pour savoir si je survivrais. Pendant ma période de sevrage, je croyais que j'allais mourir, et j'ai ici la relation de cette période dans des coupures de journaux.

J'ai amassé un certain nombre d'articles scientifiques qui viennent du monde entier. Je vous en ai apporté quelques exemples ce matin, y compris les articles de Mark Berner. J'ai des coupures, par exemple, et des articles scientifiques: «Cognitive Impairment in long-term benzodiazepine users» (Altération cognitive chez les sujets qui prennent des benzodiazépines pendant de longues périodes); c'est une étude britannique. «Drug-Induced Cognitive Impairment» (Affaiblissement cognitif provoqué par les médicaments), une autre étude. J'ai eu l'occasion de rencontrer le médecin qui a effectué cette étude; il travaille au Pacific Medical Center, à Washington. «Sedative hypnotic dependence: Neuropsychological changes and clinical course» (Dépendance hypnotique sédative: changements neuropsychologiques et traitement clinique), un article suédois. Pendant quatre ans on a suivi 50 patients qui avaient une dépendance primaire à l'égard de sédatifs et de médicaments hypnotiques.

Je ne suis pas branchée sur l'Internet, car je préfère ce qui est sur papier, mais dans mon existence personnelle, s'il y a quelque chose qui me touche directement, j'essaie de faire quelque chose. Dans ce cas particulier, ma vie est devenue une véritable parodie, et je souhaite vivement aider d'autres personnes. Je ne suis pas la seule. Notre groupe d'action qui s'occupe des benzodiazépines a maintenant 200 membres à Vancouver, et il est appelé à devenir une force nationale.

[Français]

Mme Pauline Picard: Madame Gadsby, concrètement et brièvement, comment pourrait-on mieux contrôler la consommation de ce médicament?

[Traduction]

Mme Gadsby: Il y a deux aspects; premièrement, il faut agir au niveau des médecins. Ces médicaments sont prescrits légalement par des médecins; il faut donc sensibiliser les médecins, leur faire connaître les effets des benzodiazépines. Certains refusent d'écouter. Il faut absolument le leur dire: à utiliser à court terme uniquement. Les directives de l'Association médicale canadienne donnent de 10 à 14 jours.

En fait, il faudrait commencer par déterminer s'ils sont vraiment nécessaires. Souvenez-vous que pour les compagnies pharmaceutiques, cela représente des sommes considérables.

Il faut donc commencer par convaincre les médecins de faire quelque chose, d'aider ceux qui ont formé une accoutumance. Cela exige une infrastructure très coûteuse, le processus de désintoxication, la période de récupération.

Les médecins sont donc une priorité, mais les compagnies pharmaceutiques également. Les compagnies pharmaceutiques ont fait une publicité énorme à ces produits, ce qui représente des milliards de dollars de ventes et de bénéfices. Les bénéfices sont énormes. L'industrie pharmaceutique est le secteur manufacturier où les bénéfices par rapport aux investissements sont les plus élevés.

Je recommande qu'un pourcentage de ces bénéfices serve à trouver une solution à ce problème. Voilà ce dont nous avons besoin, de l'argent. Si elles peuvent payer 250 000$ pour insérer un encart sur papier glacé dans le Globe and Mail... Là aussi, elles disent que la connaissance est le meilleur médicament. Voilà une tentative de relations publiques accompagnée d'une vidéo. Elles prétendent vouloir former des partenariats, mais quand on leur téléphone on s'aperçoit que c'est un simple exercice de relations publiques.

Il y a donc deux éléments clés; il faut s'occuper des médecins, il faut obtenir qu'ils arrêtent de prescrire ces médicaments, il faut également prendre des mesures disciplinaires et contrôler ce qu'ils font. En Colombie-Britannique, on a adopté un système avec ordonnances en triple exemplaire. Ensuite, les compagnies pharmaceutiques doivent contribuer au processus.

De plus en plus on est conscient des problèmes causés par les benzodiazépines, les tranquillisants et les somnifères. Maintenant, les compagnies essayent de pousser les gens à prendre des médicaments comme le Prozac, des antidépresseurs. Sur un graphique, les tranquillisants commencent à baisser légèrement, mais le Prozac monte en flèche. Ce sont les données d'IMS. IMS est une grosse compagnie qui recueille des statistiques médicales et qui a un siège à Montréal et à Toronto.

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Cela doit prendre fin.

Le rôle du gouvernement - et je regrette de ne pas l'avoir mentionné, mais cela figure dans le texte - la Direction de la protection de la santé du gouvernement fédéral... J'ai parlé à Dann Michols au téléphone; il est directeur de ce service. Je lui ai dit: Dann, il suffirait d'envoyer une lettre aux médecins et de leur dire: «À utiliser à court terme seulement.» J'ai dépensé des milliers de dollars à appeler des fonctionnaires fédéraux pour leur parler de ce problème. Il ne m'a pas encore répondu. Je ne manquerai pas de l'appeler aujourd'hui, puisque je suis ici.

Le rôle du gouvernement, la Direction de la protection de la santé, est essentiel, et c'est le seul organisme qui puisse envoyer cette lettre aux médecins. Lorsque les compagnies pharmaceutiques ne se réglementent pas elles-mêmes, le gouvernement doit intervenir. Le ministre Dingwall est au courant de mes efforts dans ce domaine.

Quant aux consommateurs, il faut également les sensibiliser. J'ai moi-même fait des études, mais je n'étais pas au courant. J'étais trop occupée à élever mes enfants, à gagner ma vie, à planifier mon avenir. Je faisais confiance à mon médecin.

Le président: Je souhaite la bienvenue à John Duncan. Ce n'est pas un membre régulier de notre comité, mais nous sommes heureux de l'avoir parmi nous.

John, allez-y.

M. Harbance Singh Dhaliwal (Vancouver-Sud, Lib.): C'est un type régulier.

M. John Duncan (North Island - Powell River, Réf.): Oui, je suis un type assez régulier; merci, Herb. Cela dit, j'aimerais bien que Paul arrête de lire son journal.

Dans votre exposé, vous parlez de cette étude qui a été effectuée au Royaume-Uni: on a suivi des patients qui avaient pris ces médicaments pendant un certain temps. Les résultats semblaient assez positifs. S'agissait-il d'une initiative du gouvernement ou bien de l'association médicale? Comment les choses se sont-elles passées?

Mme Gadsby: Il s'agissait d'une initiative du gouvernement. Étant donné que des milliards de dollars sont dépensés pour des médicaments d'ordonnance, c'est le gouvernement qui a pris cette initiative.

Cela dit, elle a eu de nombreuses répercussions. Outre que la consommation a beaucoup diminué, l'infrastructure qui devait exister... Quand les gens cessent de prendre ces médicaments, ils doivent s'y prendre progressivement, un quart, un quart, et un quart, et il faut parfois un mois ou deux pour réduire la consommation. On passe ensuite à une période de «sevrage aigu», qui peut durer des semaines, ou même des mois, et ensuite à une période de sevrage prolongé qui peut durer plusieurs années. Quoi qu'il en soit, dans ce cas particulier cela a été efficace, et nous pensons que c'est un exemple à suivre.

M. John Duncan: Prenons un groupe de personnes âgées, supposons qu'elles sont toutes réunies dans une même pièce et qu'on leur explique qu'un certain nombre d'entre elles souffrent de dépendance. Quelle est la réaction typique? Est-ce qu'elles refusent de le croire? Est-ce qu'une autre personne doit...? À partir de quel moment se rend-on compte qu'on a une accoutumance?

Mme Gadsby: Dans mon cas personnel, je vous ai dit que le 2 février 1990, tout à fait sans le savoir, j'ai pris une surdose. Cela a été très soudain; j'ai arrêté de respirer. On m'a emmenée à l'hôpital, et je me suis retrouvée aux soins intensifs. Je ne savais absolument pas ce qui se passait. C'est seulement par hasard, deux semaines plus tard, que j'ai parlé une autre femme qui m'a dit: «Les benzos, vous prenez des benzos.» Je suis retournée voir mon médecin, qui m'a dit que si je cessais de prendre des benzos ma main deviendrait paralysée, ce qui est une complète idiotie.

Le plus important, c'est l'éducation. C'est une stratégie. J'aimerais énormément travailler avec le gouvernement fédéral à l'élaboration de cette stratégie.

Cela vous étonnera peut-être, mais la première fois que j'ai arrêté de prendre ces pilules, je ne voyais plus la démarcation entre les nuages. Ces produits attaquent le système nerveux et affaiblissent les sens. Je ne voyais plus le détail des nuages. Je ne voyais plus les pistils et les étamines des fleurs. Je ne sentais plus l'arrière de mes dents dans ma bouche. Autrement dit, les sensations sont tellement amoindries qu'on ne sait même plus ce qu'on rate.

Je me suis brûlé les chevilles avec un coussin chauffant parce que j'avais froid aux pieds. J'avais des ampoules et je ne le savais pas. Voilà comment se passe le sevrage.

À mon avis, la meilleure stratégie pour convaincre les gens d'arrêter de prendre ces médicaments, c'est de leur dire: voilà la qualité de votre vie aujourd'hui, mais imaginez ce que votre vie peut devenir. Cela prend une énorme dose de détermination. Il est probable que certaines personnes âgées ne se débarrasseront jamais de cette dépendance. Elles ne réussiront pas à renoncer à ces médicaments.

.0940

M. John Duncan: Ce même groupe de la population est également très vulnérable dans d'autres domaines, comme l'alcoolisme. Je suis donc assez d'accord avec vous.

Mme Gadsby: Mais l'important, c'est qu'il faut essayer, et il ne s'agit pas uniquement des personnes âgées. Nous avons des gens de 22 ans jusqu'à 79 ans qui nous ont appelés. Il s'agissait d'hommes et de femmes, et je connais personnellement deux PDG de Vancouver, des hommes, qui n'ont pas réussi à reprendre leur carrière à cause de ce qui leur était arrivé. Il y a un léger préjugé, on pense plutôt aux femmes: le syndrome de la «petite femme au foyer».

Mais l'important, c'est que cela est évitable.

J'ai apporté à titre d'exemple... et je vais laisser cette documentation à votre greffier, monsieur le président, car c'est important. Encore une fois, vous m'excuserez de prendre autant de temps, mais c'est une question extrêmement grave.

Déjà en 1979 Santé Canada avait publié un livret intitulé C'est les nerfs. On était au courant du problème en 1979. Il y avait le vieux stéréotype au sujet des femmes. On y parle des femmes et des tranquillisants mineurs ainsi que de l'alcool. On y cerne le problème. On y parle des tranquillisants... utilisés à court terme pour soulager l'anxiété, de la somnolence; de l'usage à long terme et de l'accoutumance, de la dépendance psychologique et physique, de la perte de mémoire, de l'altération du jugement, des réactions inattendues. Tout est déjà là.

M. John Duncan: J'aimerais parler un instant du médicament Ritalin. Vous avez mentionné le Ritalin. Je sais que dans ma région c'est un médicament prescrit de plus en plus aux enfants scolarisés, et cela semble socialement accepté. C'est quelque chose de nouveau pour moi, et je n'y connais pas grand-chose, mais de toute évidence le mouvement est important. Je ne pense pas que le cas de ma région soit particulier. Que pensez-vous de la façon dont ce médicament est prescrit à nos enfants?

Mme Gadsby: C'est une préoccupation majeure. Le Ritalin est un premier pas, et d'autres benzodiazépines et le Prozac suivront sans doute.

Une de mes collègues, le Dr Susan Penfold... Ne vous y méprenez pas, je sais comment choisir un bon docteur, un docteur vraiment au courant. Ce Dr Susan Penfold, monsieur Duncan, est une personne... Je peux vous donner son nom et son numéro de téléphone.

On prescrit du Ritalin aux enfants hyperactifs, mais les problèmes qui surgissent avec les benzodiazépines surgissent dans une certaine mesure avec le Ritalin également. Je ne suis pas experte en la matière, mais c'est le même genre de produit. Nous droguons nos jeunes exactement comme nous continuons à droguer les adultes.

M. John Duncan: Donc, vous nous dites que le Ritalin n'est pas une benzodiazépine?

Mme Gadsby: Non, pas à strictement parler. Mais je le répète, je ne peux pas vous donner de détails au sujet du Ritalin; je connais les autres médicaments.

Le président: Je vous ai accordé plus de temps, nettement plus. Joan, merci beaucoup d'être venue ici.

Mme Gadsby: Je voulais seulement dire que je vais vous laisser tout un dossier de coupures de journaux. De Toronto, «Prescription for Hell: Survivors of Benzodiaezpine Addiction Speak Out», le témoignage de l'enfer qu'a connu une personne ayant survécu aux benzodiazépines. Il y a des articles de journaux de la côte, d'autres sur des accidents de voitures. Les accidents de voitures sont à l'origine... C'est toute une documentation; je vous laisse tout cela.

Le président: Merci. Nous allons la transmettre à nos attachés de recherche.

Encore une fois, merci beaucoup.

Mme Gadsby: Merci de m'avoir écoutée.

Le président: Nous invitons maintenant le groupe de témoins suivant à venir s'installer à la table. M. Art Steinmann représente le Alcohol-Drug Education Service et est directeur administratif de cet organisme. Il semble qu'il est accompagné d'au moins un collègue, et je suis certain qu'il va nous le présenter.

M. Art Steinmann (directeur administratif, Alcohol-Drug Education Service): Je vous présente Karl Burden.

Le président: Très bien; dès que vous serez prêt, vous pouvez y aller.

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M. Steinmann: Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie d'avoir accepté de nous écouter; nous avons l'intention de parler des étiquettes de mise en garde sur les bouteilles d'alcool. Nous sommes ici pour vous prier instamment de faire apposer des étiquettes d'information sur les bouteilles d'alcool.

Notre organisme, Alcohol-Drug Education Service, se livre à des activités d'éducation et de prévention. Nous avons mis au point un certain nombre de programmes uniques d'éducation et de prévention qui sont utilisés principalement en Colombie-Britannique, mais également dans d'autres provinces.

En 1994, nous avons formé une coalition. Vous trouverez tout cela dans le mémoire que vous avez sous les yeux: «Consistency for Consumers: Warning Labels on Alcohol Containers» (Uniformisation de l'information: étiquettes de mise en garde sur les bouteilles d'alcool). À la fin du mémoire, vous trouverez une liste de plus de 80 organismes qui s'associent à notre prise de position et également à nos activités de lobbyisme en faveur d'étiquettes de mise en garde sur les bouteilles d'alcool.

Un de ces groupes est Concerns Canada, et je suis heureux d'être accompagné aujourd'hui de Karl Burden, qui est également un membre de notre coalition.

Je m'occupe d'éducation en matière d'alcoolisme et de toxicomanie depuis une vingtaine d'années. De son côté, Karl travaille dans ce domaine depuis environ 18 ans. Nous sommes des éducateurs, nous sommes des spécialistes de la prévention de l'alcoolisme, et nous sommes ici pour vous dire que l'éducation, en soi, n'est pas une solution suffisante. Les fabricants d'alcool vous diront, entre autres choses, que ces étiquettes de mise en garde sont inutiles, qu'il suffit d'éduquer les gens. Nous sommes ici pour vous dire que les deux types d'action sont essentiels.

Nous espérons que vous étudierez notre mémoire attentivement. À notre avis, les étiquettes ne sont pas là pour forcer les gens, mais bien pour les informer. C'est une information à laquelle les consommateurs ont droit.

Il y a 20 ans déjà au Canada on réclamait des étiquettes de mise en garde sur les bouteilles d'alcool. Plus récemment, en 1988, des étiquettes de mise en garde obligatoires ont été imposées dans tous les États américains. Aujourd'hui, les produits alcoolisés canadiens qui sont exportés aux États-Unis doivent porter une étiquette de mise en garde.

J'ai ici un produit importé du Portugal. Comme il est destiné au marché américain, il porte à l'arrière une étiquette de mise en garde au sujet des dangers de la consommation d'alcool pendant la grossesse et des dangers de la conduite en état d'ivresse.

La Canadian de Molson et tous les produits canadiens exportés au sud de la frontière portent une étiquette similaire. Comme le Dr Hedy Fry l'a déclaré à la Chambre en 1996, je crois, ce qui est bon pour les Américains n'est pas bon pour les Canadiens. Pourquoi ne faisons-nous pas la même chose pour nos enfants et pour notre population, ici même, au Canada?

En 1991, le Yukon a fini par être si frustré par la situation qu'il a mis au point sa propre petite étiquette de mise en garde; en voici un exemplaire. C'est une étiquette autocollante qui est apposée sur les bouteilles quand elles arrivent au magasin. Cela prend beaucoup de temps, c'est beaucoup plus coûteux, et ce n'est pas très efficace. Puisque les fabricants canadiens apposent déjà des étiquettes pour l'exportation, il ne serait pas très difficile de le faire également pour le marché local.

En 1987, le groupe dont Karl fait partie a comparu devant ce comité au sujet des étiquettes d'avertissement sur l'alcool. En 1992 - et certains d'entre vous s'en souviendront - le Dr Stan Wilbee, membre de ce comité, et son sous-comité ont fait une étude approfondie du syndrome d'alcoolisme foetal. Deux des recommandations portaient directement sur la nécessité des étiquettes d'avertissement sur l'alcool.

En 1992, le ministre de la santé de l'époque, M. Benoît Bouchard, a réagi en demandant que l'on mette à l'essai les étiquettes d'avertissement sur l'alcool au Canada. Des fonds ont été prévus à cet effet et il y avait du travail à faire, mais je regrette de vous dire que jusqu'à aujourd'hui rien de concret n'a été fait. Les projets pilotes n'ont jamais eu lieu.

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Aujourd'hui, nous sommes encore là pour vous dire que des recherches supplémentaires ne sont pas nécessaires. Dans un instant, je vais vous montrer que le phénomène a déjà été largement étudié. À notre avis, il faut maintenant passer aux actes.

En 1994, les Territoires du Nord-Ouest ont également conçu une étiquette autocollante parce qu'ils croyaient que c'était important.

En 1995, les ministres provinciaux de la Santé ont unanimement écrit à Diane Marleau pour lui demander d'imposer les étiquettes d'avertissement sur l'alcool au Canada. Tous les ministres de la Santé sont d'accord là-dessus. En fait, c'est la deuxième fois que cela se produit.

En 1996, l'honorable Paul Szabo, qui est membre de votre comité, a déposé un projet de loi d'initiative parlementaire qui a fait l'objet d'un travail énorme. Ce projet de loi est allé en troisième lecture et a survécu à la prorogation du Parlement, ce qui est tout à fait inhabituel, si j'ai bien compris. Cela démontre l'ampleur de l'appui. Tous les partis ont appuyé ce projet de loi. Malheureusement, il n'a pas franchi l'étape du comité pour devenir une loi, mais nous espérons que cela va arriver.

Aujourd'hui, j'ai une lettre du procureur général de la Colombie-Britannique. Elle a été rédigée il y a seulement quelques semaines. Elle nous apprend que c'est la Colombie-Britannique qui a lancé l'idée des étiquettes d'avertissement sur l'alcool au Canada, qu'elle continue d'appuyer cette idée, et qu'elle s'attend à ce que ce comité prenne des mesures pour la mettre en oeuvre.

Pourquoi avons-nous besoin d'étiquettes? Eh bien, l'histoire montre qu'elles jouissent d'un appui considérable de la population. De plus, cela se fait déjà aux États-Unis.

Nous en avons aussi besoin en raison de l'ampleur du problème de l'alcoolisme. Je suis sûr que vous en avez déjà beaucoup entendu parler. Au Canada, les toxicomanies coûtent environ18 milliards de dollars par an. L'alcoolisme entraîne de 6 000 à 10 000 décès chaque année. En un an, 966 personnes sont mortes intoxiquées par l'alcool.

Vous direz que la plupart des gens, surtout les jeunes, ne savent même pas que si l'on boit trop d'alcool trop vite - c'est une substance toxique - on peut se tuer, et les enfants le font chaque année. Cela se produit en ce moment même. Je ne connais pas d'autre produit aussi toxique qui ne porte aucune étiquette d'avertissement et fait l'objet d'aussi peu de réglementation.

Notre coalition a trouvé cinq raisons pour lesquelles nous appuyons l'idée des étiquettes d'avertissement.

L'alcool est une drogue et peut causer de la dépendance.

Il est prouvé qu'une femme enceinte qui consomme de l'alcool met en danger son foetus. Une fois de plus, je suis sûr que vous avez beaucoup entendu parler de la tragédie du syndrome d'alcoolisme foetal et de l'effet de l'alcoolisme sur le foetus. Si les étiquettes d'avertissement permettent de sauver un enfant du SAF, cela vaudra la peine du point de vue financier, économique, social, spirituel, etc.

La conduite en état d'ébriété est toujours une cause principale de décès, surtout chez les jeunes.

Les personnes âgées sont particulièrement vulnérables aux effets secondaires du mélange de l'alcool et des médicaments. Nous venons d'entendre un exposé troublant sur notre dépendance vis-à- vis des médicaments d'ordonnance, et nous savons que la plupart des personnes âgées ne savent même pas que leur tolérance à l'alcool diminue lorsqu'elles atteignent 60 ou 65 ans. Si l'on tient compte de la prise de médicaments et de tous les autres problèmes liés au vieillissement, on se rend compte que les personnes âgées sont un groupe très vulnérable.

La consommation d'alcool pourrait entraîner des problèmes de santé et des maladies chroniques. Aux États-Unis, le Center for Science in the Public Interest, de Washington, a énoncé sept raisons pour lesquelles il faudrait imposer les étiquettes d'avertissement, et, comme je l'ai déjà mentionné, ces étiquettes sont obligatoires dans tous les États-Unis.

L'alcoolisme entraîne des coûts énormes dans de nombreux domaines. Pour bien des gens, même la consommation modérée présente des risques pour la santé. Beaucoup de gens connaissent à peine les effets à court terme et à long terme de la consommation d'alcool.

Si vous le permettez, je vais insister un peu là-dessus. Karl et moi nous nous occupons de sensibiliser les gens aux effets de l'alcool. Après quelque 38 années d'expérience combinées, nous sommes sidérés par le nombre d'idées fausses, de mythes et de malentendus qui existent, non seulement chez les jeunes, mais aussi chez les adultes.

Les fabricants d'alcool vous diront que tout le monde connaît les dangers de la conduite en état d'ébriété et de la consommation d'alcool pendant la grossesse. Je tiens à affirmer fermement que tel n'est pas le cas. De plus, nous observons chaque année un nombre important de grossesses chez les adolescentes, de cas de SAF chez des enfants très jeunes et de jeunes qui ne connaissent pas les effets de l'alcool. Il en est de même chez les personnes âgées.

De nombreux produits de consommation portent déjà des étiquettes d'avertissement. J'ai ici un échantillon d'étiquette. Je ne sais pas si vous en connaissez la provenance. À la lecture, vous constaterez qu'elle provient d'une planche à neige. Les skis portent des étiquettes d'avertissement. Voici une tasse à café avec une étiquette comportant le message suivant: «Attention, contenu chaud». Évidemment, il y a les étiquettes des médicaments et du tabac, que nous connaissons très bien. Bon nombre d'autres produits de consommation portent des étiquettes d'avertissement et des informations sur la santé.

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Les autres raisons avancées par le centre sont les suivantes: les étiquettes d'avertissement jouent un rôle important d'information et d'éducation. Dans le cadre des efforts généraux de prévention, les étiquettes d'avertissement spécifiques sur la santé sensibilisent la population aux problèmes liés à l'alcool et aident les consommateurs à modifier des comportements malsains. Une grande partie de la population est favorable à l'imposition des étiquettes d'avertissement sur les boissons alcooliques.

En ce qui concerne l'appui populaire en faveur des étiquettes d'avertissement, il se situe entre 80 et 90 p. 100 aux États-Unis. Parmi les personnes consultées, 18 p. 100 estiment que les étiquettes d'avertissement ont eu une incidence sur leur façon de boire. Par rapport à d'autres moyens de prévention, les étiquettes sont parmi les plus populaires. Quatre-vingt-sept p. 100 des répondants de l'étude ont affirmé que les boissons alcooliques doivent porter des étiquettes d'avertissement sur les risques pour la santé.

La raison primordiale pour laquelle nous militons en faveur des étiquettes d'avertissement n'est pas simplement leur efficacité, car les données sont contradictoires, mais nous croyons aussi que les consommateurs ont droit à l'information. Cependant, bon nombre d'études ont indiqué qu'elles sont efficaces. Des sujets ayant pris connaissance des étiquettes d'avertissement ont bu moins d'alcool.

Je ne lirai pas tous les résultats de l'étude. La conclusion en est que, d'après les premiers résultats de l'étude, les étiquettes d'avertissement ont une petite incidence sur les comportements. Combien d'autres mesures de prévention connaissons- nous qui peuvent entraîner des changements de comportement?

Il s'agit là d'études qui comparaient la situation de l'Ontario à celle des États-Unis, où les étiquettes d'avertissement sont obligatoires. Je proposerais que cette province ne fasse plus l'objet d'une comparaison, ni même le Canada. Nous devrions imposer les étiquettes d'avertissement au Canada.

Les preuves s'accumulent. Comme je l'ai dit, beaucoup de recherches indiquent que les étiquettes d'avertissement sont efficaces. Elles atteignent les gros buveurs. Même les sans-abri rapportent qu'ils les lisent et en subissent l'influence.

Je vous signale aussi que l'utilisation des étiquettes d'avertissement est un exemple classique d'une bonne stratégie de promotion de la santé et de réduction des risques. C'est très rentable. Cela ne coûterait pratiquement rien au gouvernement. Les étiquettes sont discrètes. La population s'attend déjà à ce qu'on les impose. En fait, bon nombre de gens sont étonnés qu'elles ne le soient pas déjà et se demandent comment l'alcool a pu y échapper jusqu'ici. Elles jouissent d'un appui considérable.

Il ne s'agit pas d'une mesure extrême. Nous ne demandons pas que l'on affuble le produit d'une énorme étiquette mettant en garde contre les risques de décès. Nous demandons simplement des informations fondamentales, exactes et objectives sur la santé. C'est rentable. Cela atteint beaucoup de gens à maintes reprises. Ce sont là les caractéristiques de la meilleure stratégie de promotion de la santé et de réduction des risques que l'on puisse mettre en oeuvre.

Le fait de ne pas étiqueter les produits alcooliques suggère que l'alcool est sûr pour tout le monde en tout temps, et nous savons que tel n'est pas le cas. Ceux qui militent contre les étiquettes d'avertissement sur l'alcool vous diront que celles-ci ne changent ni les attitudes ni les comportements. Nous avons déjà indiqué qu'il existe des preuves du contraire. L'étiquetage est rapide et facile à mettre en oeuvre, il est peu coûteux, il atteint un grand nombre de personnes, et c'est en quelque sorte un premier pas vers la prévention.

Nous ne disons pas que les étiquettes en soi représentent la solution, mais elles en sont un élément clé. Ne cherchez pas trop loin. En fait, certaines études indiquent le contraire, c'est-à- dire qu'elles ne seront pas lues. Il existe assez de preuves attestant qu'elles sont lues. Permettez-moi de vous rapporter ce que Paul Szabo m'a dit, à savoir qu'il est intéressant que les fabricants d'alcool inscrivent la date du produit sur l'étiquette afin que vous sachiez qu'il s'agit d'un bon produit frais. Pourquoi le feraient-ils si les consommateurs ne lisaient pas les étiquettes?

Les producteurs de vin veulent énumérer les avantages de leurs produits pour la santé. Où? Sur l'étiquette. Personne ne lit l'étiquette, n'est-ce pas? Nous savons que les gens la lisent. C'est clair.

De plus, dit-on, cela pourrait alarmer les consommateurs. Si on le fait correctement, il n'y a aucune raison de le craindre. Au Canada, la population est habituée aux étiquettes d'avertissement. Dès la tendre enfance, nous apprenons à reconnaître les symboles de la corrosion et du poison. Il est évident que si on le fait correctement, il n'y a aucune raison de s'inquiéter.

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D'aucuns craignent aussi que les étiquettes ne soient surchargées d'informations. Une fois de plus, nous pouvons établir un ordre de priorité et n'y inclure que des informations importantes. Certains diront que ces informations ne sont pas nouvelles, mais nous affirmons que tout le monde ne le sait pas - du moins de façon égale et cohérente - et on ne le lui rappelle pas.

Je tiens à souligner que les étiquettes d'avertissement sont obligatoires aux États-Unis depuis presque 10 ans. Je n'avais jamais imaginé que le Canada tarderait tant à suivre le mouvement. J'espère vraiment que nous allons passer aux actes.

Les étiquettes d'avertissement appuient l'éducation. En raison de ce que sont devenus la stratégie nationale antidrogue et le financement provincial pour l'éducation préventive, l'éducation a besoin de toute l'aide et de tout l'appui possibles.

Il y a quelques années, nous avons failli interdire le fromage au Canada. Vous en souvenez-vous? Je crois qu'il y a eu quelques décès - deux ou trois - en Californie, et nous avons retiré pratiquement tout le fromage des tablettes pendant un certain temps. L'alcool tue des milliers de personnes chaque année, et nous n'avons même pas la courtoisie d'afficher, aux points de vente mêmes, le danger que ce produit présente pour la santé.

Nous savons que l'étiquetage des produits de l'alcool nous permettrait d'économiser des millions de dollars. Nous ne croyons pas qu'il faille faire des recherches supplémentaires.

Je terminerai en vous parlant d'une femme que je connais et qui buvait pendant sa grossesse parce qu'elle ne connaissait pas les conséquences de cet acte. Personne ne lui en avait jamais parlé. C'est une personne instruite et bien informée. Cela s'est passé il y a quelques années. À l'adolescence, son fils avait tous les symptômes de l'effet de l'alcool sur le foetus. Il a succombé à un mélange d'alcool et d'autres drogues. La femme est convaincue que cela est dû en grande partie à la diminution de ses facultés résultant des dommages qu'il a subis avant sa naissance.

J'estime que le comité est bien placé pour faire avancer ce dossier et amener le gouvernement à imposer des étiquettes d'avertissement sur les produits alcooliques.

Cari Burden va faire quelques brèves observations, et nous répondrons ensuite à vos questions.

Le président: Il faudra être bref, car vous avez déjà pratiquement épuisé le temps qui vous est imparti. Nous avons quatre témoins ce matin.

Nous écouterons Karl dans un instant, mais permettez-moi de dire qu'en plus des deux autres groupes de témoins j'aimerais consulter les membres du comité pendant trois ou quatre minutes sur la réglementation du tabac. Nous allons peut-être en parler cette semaine aussi, mais tout dépend de ce que vous en pensez.

Karl, soyez bref, s'il vous plaît.

M. Karl Burden (PDG, Concerns Canada): Je serai bref. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître au nom de Concerns Canada et en tant que membre de la coalition, c'est-à-dire l'Association to Reduce Alcohol Promotion in Ontario.

Je suis ici pour appuyer la position de la coalition et je ne vais pas parler de façon plus précise, si ce n'est pour vous dire que je travaille, comme l'a dit Art, dans le domaine de la prévention depuis dix-huit ans. Auparavant, j'étais enseignant aux niveaux primaire et secondaire. Lorsque je me suis engagé dans ce domaine, j'ai été troublé de constater que chaque fois que l'on parlait des programmes de prévention et d'éducation visant les drogue, les chercheurs nous disaient que d'après les résultats de leurs travaux ces programmes étaient inefficaces.

Après un certain temps, j'ai commencé à évaluer la situation. Heureusement, j'ai pu négocier et m'entretenir avec certains chercheurs. Au fil des ans, bien des chercheurs au Canada en sont arrivés à un consensus sur le fait que, même si les différents programmes de lutte contre la toxicomanie ne sont pas efficaces en soi, la combinaison de nombreuses démarches différentes axées sur le même objectif a été et demeure efficace.

Je le dis parce que, à mon avis, l'étiquetage de l'alcool contribue à aider la population canadienne à comprendre que l'alcool est un produit qui doit être consommé avec modération. Nous savons que l'étiquette sur un produit de l'alcool n'est peut- être pas la solution à tous nos problèmes. Telle n'est pas notre prétention. Cependant, nous savons que lorsque ce message s'ajoute à beaucoup d'autres qui sont véhiculés dans la société, nous changeons notre comportement.

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Voilà donc ma première observation. La deuxième est un peu subsidiaire. Il convient de noter que presque tous les produits domestiques assez toxiques pour tuer un enfant de six ans ont une étiquette portant le symbole du danger de mort. Cependant, une bouteille de 12 onces de spiritueux, qui est tout aussi toxique, ne porte pas une telle étiquette actuellement. Pourtant, il y a de nombreux cas d'intoxication liée à l'alcool chez les jeunes et les enfants chaque année au Canada.

Faute de temps, je m'arrête ici, mais voilà mes deux observations.

Le président: Mesdames et messieurs, le temps est épuisé. Je viens aussi d'apprendre qu'il y aura une réunion du caucus ici à 11 heures; il faudra donc libérer la salle.

Les témoignages ont été intéressants, mais un peu trop longs. Ils ont pris tout le temps que nous aurions pu consacrer aux questions. Par conséquent, à moins qu'il n'y ait une question impérieuse, je propose que nous passions aux témoins suivants.

Je vous remercie d'être venus. Nous avons votre témoignage et toutes les informations que vous nous avez données; nos attachés de recherche en tiendront compte.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le président, il ne s'agit pas d'une question. Je tiens simplement à remercier les témoins d'être venus rappeler au comité certaines questions importantes.

Notre comité a été saisi d'un projet de loi, le C-222, qui se rapporte à cette question et qui pourrait nous aider à la régler. Ce projet de loi est d'autant plus important que le ministre de la Santé et la Société canadienne de pédiatrie ont publié une déclaration conjointe sur le SAF le 16 octobre de l'année dernière. Aux fins du procès-verbal, nous devons reconnaître qu'elle précise que la meilleure stratégie pour les femmes enceintes ou désireuses d'avoir un enfant consiste à s'abstenir de consommer de l'alcool pendant leur grossesse. Il s'agit d'une déclaration très importante, et je pense qu'elle correspond au voeu de ceux qui veulent faire imposer des étiquettes d'avertissement pour la santé, surtout en ce qui concerne le risque pour les femmes enceintes.

Merci beaucoup, messieurs. Cela nous a été utile.

Le président: Merci, monsieur Steinmann et monsieur Burden.

Nous passons maintenant au témoin suivant, Christiane Poulin, de l'Université Dalhousie.

Dr Christiane Poulin (enquêteur principal, Faculté de médecine, Université Dalhousie): C'est un grand plaisir pour moi d'être ici.

Comme vous le savez, la toxicomanie est un facteur déterminant pour la santé, d'une façon ou d'une autre. Au Canada, ce problème nous touche tous, ne serait-ce qu'à cause de son coût économique, qui s'est chiffré à 18 millions de dollars environ en 1992. Mais nous n'avons pas vraiment besoin de chiffres pour comprendre la gravité du problème. C'est un sujet qui revient constamment dans nos conversations de tous les jours, les écrits, la musique, les films et les nouvelles diffusées par les médias. Et généralement, ce sont d'histoires tragiques dont nous entendons parler.

Je vous présente aujourd'hui la perspective des provinces de l'Atlantique. Je parlerai surtout des adolescents, étant donné que c'est un groupe particulièrement vulnérable de la population.

Depuis trois ans, Terre-Neuve et le Labrador, l'Île-du-Prince- Édouard, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick ont réussi ce que les autres régions du pays n'ont pas su faire: nous avons laissé de côté nos divergences de vues et avons coopéré pour obtenir les données dont nous avions besoin pour mettre en place des politiques et des programmes visant à remédier à la toxicomanie chez les adolescents. Nous avons mis nos ressources en commun, et ce n'est pas des ressources financières dont je parle. Je fais allusion à quelques personnes dévouées, dans chacune des provinces, dans les organismes qui s'intéressent à la toxicomanie, que ce soit dans le domaine de la santé, de l'éducation ou de la justice. Nous avons produit une méthode d'enquête à la fois novatrice, économique, précise et perfectionnée.

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Ce que nos enquêtes provinciales de 1996 nous ont appris, c'est que l'abus d'intoxicants est très répandu chez les adolescents. Dans les quatre provinces, plus de la moitié des étudiants adolescents consomment de l'alcool et environ le tiers fument des cigarettes au cours d'une année. Pour apporter une note plus positive, en Nouvelle-Écosse la consommation d'alcool, de substances inhalées, de tranquillisants, de cocaïne, d'héroïne et de barbituriques était à peu près la même en 1996 qu'en 1991. Également, environ 37 p. 100 des étudiants ont déclaré ne consommer aucune drogue, et ce pourcentage est resté stable depuis cinq ans.

Vous avez devant vous les faits saillants du rapport pour la Nouvelle-Écosse. J'ai remis au greffier les rapports complets pour les trois autres provinces. On m'a dit qu'il aurait fallu en présenter une version française. Ma province, la Nouvelle-Écosse, n'a pas de budget pour la traduction. Nous avons réalisé ce projet avec un budget extrêmement limité, et je suis fière de ce que j'ai pu vous remettre.

Notre enquête a mis en lumière des faits plutôt regrettables. Elle a révélé une augmentation marquée du tabagisme et de la consommation de tous les hallucinogènes, de même que des stimulants non médicaux, entre 1991 et 1996. En Nouvelle-Écosse, le tabagisme s'est accru de9 p. 100, au cours de cette période, passant de 26 p. 100 à 35 p. 100 et cette hausse de 9 p. 100 représente une progression difficile à éliminer.

Il est particulièrement inquiétant de constater que plus de 7 p. 100 des étudiants adolescents fument plus de 10 cigarettes par jour. C'est important parce que ces 10 cigarettes par jour coûtent cher à l'adolescent, qui n'a qu'un très petit revenu disponible. Cette forte consommation de cigarettes s'est accrue de 50 p. 100 depuis 1991.

La consommation de cannabis a presque doublé depuis cinq ans, et maintenant près du tiers de nos étudiants adolescents déclarent en consommer. En outre, le pourcentage d'étudiants qui fument du cannabis plus souvent qu'une fois par mois a pratiquement triplé, passant de 4 p. 100 en 1991 à12 p. 100 en 1996.

Jusqu'ici, j'ai parlé de chaque drogue comme si un adolescent consommait uniquement la drogue en question. En réalité, les adolescents consomment souvent plusieurs drogues. Ce diagramme, dont vous avez une copie dans votre mémoire, montre l'incidence de la consommation de drogues multiples en Nouvelle-Écosse en 1996. Les échelles sont exactes. Nous constatons que les étudiants déclarent rarement fumer des cigarettes sans consommer également de l'alcool. Nous pouvons voir aussi que pratiquement tous les adolescents qui fument du cannabis boivent également de l'alcool. Nous avons donc ici une consommation de drogues multiples.

La consommation d'alcool, de tabac et de cannabis, les trois principales substances, est associée à divers niveaux de risque. Les étudiants qui déclarent consommer de l'alcool, mais pas de tabac ou de cannabis, ont tendance à boire peu souvent, à ne pas se saouler et à ne pas avoir de problèmes reliés à l'alcool. C'est la zone en jaune. Ces jeunes consomment de l'alcool de façon peu risquée. Ils grandissent. Ils passent de l'enfance à l'âge adulte et apprennent comment consommer de l'alcool d'une façon qui pourrait, en fait, leur être bénéfique.

Au contraire, les adolescents qui consomment de l'alcool, du tabac et du cannabis sont ceux qui fument le cannabis le plus souvent et qui fument quotidiennement le plus grand nombre de cigarettes. Ces étudiants se saoulent en moyenne une fois par mois et ont au moins un problème relié à l'alcool. La consommation de ces trois substances semble donc associée à un niveau de risque particulièrement élevé. Il est très inquiétant de constater que le pourcentage d'étudiants qui consomment ces trois substances a presque doublé en Nouvelle-Écosse, passant de 12 p. 100 à22 p. 100 entre 1991 et 1996.

L'enquête de 1996 demandait aux étudiants si la consommation d'alcool ou de drogue avait eu des effets néfastes. Pour les adolescents, il ne s'agit pas d'une cirrhose du foie ou de problèmes de ce genre, mais plutôt de dégâts matériels, de blessures ou d'un manque d'argent pour acheter autre chose. Voici une expérience particulièrement poignante. Une étudiante a dit qu'un tas de jeunes femmes qui sont sous l'effet de l'alcool risquent de tomber enceintes comme elle, tout cela parce qu'elle ne savait plus ce qu'elle faisait.

L'incidence des conséquences néfastes est une mesure des résultats essentielle pour les stratégies visant à réduire les risques. Voici un diagramme montrant le pourcentage d'adolescents qui consomment de l'alcool ou qui ont des problèmes reliés à l'alcool.

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En 1996, 46 p. 100 de l'ensemble des étudiants adolescents de la Nouvelle-Écosse n'ont consommé aucun alcool et étaient donc à l'abri des risques. D'autre part, 27 p. 100 des adolescents ont consommé de l'alcool sans problème, et on peut considérer que cette consommation est à faible risque. Néanmoins, 27 p. 100 des adolescents avaient au moins un problème relié à l'alcool, et7 p. 100, trois problèmes ou plus. De toute évidence, leur consommation d'alcool les exposait à un risque allant de modéré à élevé.

Enfin, comment les quatre provinces de l'Atlantique se comparent-elles pour ce qui est de l'incidence de la consommation de drogue? L'incidence est la même dans les quatre provinces, sauf pour le cannabis, le LSD et les stimulants non prescrits. Pour ces trois drogues, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick sont sur un pied d'égalité, tandis que les deux îles, l'Île-du-Prince- Édouard et Terre-Neuve-Labrador, sont également comparables. L'incidence est beaucoup plus forte en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick que dans les deux autres provinces, si bien qu'il y a là une dichotomie. Par exemple, environ 31 p. 100 des adolescents de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick ont déclaré consommer du cannabis, tandis que ce chiffre était de 23 p. 100 pour l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve.

D'autre part, l'incidence accrue de la consommation de drogue en Nouvelle-Écosse, dont j'ai parlé tout à l'heure, apparaissait également dans la région de l'Atlantique. Le tabagisme et la consommation d'hallucinogènes étaient beaucoup plus répandus en 1996 qu'en 1991.

Les provinces de l'Atlantique se sont attelées à la tâche. Nous avons travaillé ensemble et recueilli certaines données. Nous avons également formulé, à partir des enquêtes, quatre recommandations que nous avons tous adoptées. Vous les trouverez à la page 11 du rapport pour la Nouvelle-Écosse que je vous ai remis.

Je tiens à insister sur la troisième recommandation. Étant donné l'augmentation marquée de la consommation de drogues multiples, il faut s'attaquer non seulement à l'incidence de la consommation, mais également à ses conséquences néfastes. Nous avons certainement besoin de programmes de prévention intégrés dans les écoles et la collectivité. Il faut établir des objectifs, des stratégies et des mesures du résultat tenant compte de toutes les formes de consommation et des niveaux de risque dans les divers groupes de la population adolescente. Mais surtout, il faut que les adolescents fassent connaître leurs points de vue quant à ce genre de politique.

Néanmoins, nous possédons très peu de données - en fait, je dirais que nous manquons de preuves solides - quant à l'efficacité de ce genre de programmes. Il s'agit donc de mettre au point, d'appliquer et d'évaluer des programmes pilotes.

Étant donné la hausse de la consommation de drogue chez les adolescents et la nécessité d'examiner les stratégies existantes et d'en élaborer de nouvelles, le moment nous paraît bien mal choisi pour mettre fin à la Stratégie canadienne antidrogue. Dans les provinces de l'Atlantique, où le gouvernement fédéral est considéré comme un partenaire essentiel des organismes qui s'attaquent à l'abus d'intoxicants, la fin de la stratégie nationale passe pour un véritable abandon. J'utilise ce mot, car c'est celui qu'ont employé mes collègues, mes partenaires, des quatre provinces.

L'abus d'intoxicants est un facteur complexe qui doit être examiné sous tous ses angles. Selon nous, la poursuite de la participation et du financement du gouvernement fédéral s'impose pour remédier à ce problème, en ce qui concerne non seulement la répression pénale, mais également la prévention, le traitement et la recherche.

Je vous remercie.

Le président: Encore une fois, je demande au comité de ne pas oublier que notre horaire est très serré et que nous devons entendre une autre série de témoins. Peut-être pourriez-vous veiller à ce que les questions et réponses soient brèves.

Pauline.

[Français]

Mme Pauline Picard: Je n'ai aucune question.

[Traduction]

Le président: Paul.

M. Paul Szabo: Pour ce qui est des partenariats pour l'accomplissement du travail réalisé jusqu'ici, avez-vous essayé de travailler avec le secteur des boissons alcoolisées? Ou pensez-vous que votre stratégie devrait être indépendante de cette industrie?

Dr Poulin: J'ai examiné personnellement la question, car c'est une source de financement très attrayante, n'est-ce pas? Je veux dire qu'elle est là. Il serait sans doute très difficile de s'attaquer à la réduction du risque en partenariat avec l'industrie. Ce serait pratiquement impossible pour les adolescents, étant donné qu'on verrait là un conflit d'intérêts trop important.

.1020

Nous avons préféré travailler avec les ministères de l'Éducation et de la Santé et poursuivre les efforts que nous avons consacrés à cette question. Nous avons désespérément besoin de ressources, mais nous réussissons à faire les choses petit à petit.

M. Paul Szabo: Je pose la question parce que l'Association des brasseurs du Canada a organisé une sorte de concours qui l'a conduite dans les écoles, où elle offre des prix en espèces pour de bonnes idées publicitaires. Mais vous avez parlé de «conflit d'intérêts», et je suis assez d'accord avec vous. Il n'est pas toujours très prudent de confier la bergerie au loup. Je me réjouis de voir que votre programme recherche des solutions de rechange au lieu de risquer d'envoyer des messages contradictoires.

Dr Poulin: En effet. Pour les programmes destinés aux adultes, par exemple les publications produites par les organismes provinciaux... je comprends qu'il y ait une collaboration, un partenariat avec l'industrie. Dans ce cas, on précise clairement dans ces publications que l'industrie y a contribué. En soi, cela ne...

M. Paul Szabo: Une dernière question. Un rapport a récemment été publié en Ontario... il se fonde seulement sur les données de 1992, et je ne comprends pas très bien. Il y est dit, en substance, que depuis 10 ans il y a eu une progression très nette, mais que la courbe commence à se stabiliser pour ce qui est de la réduction des problèmes reliés à l'alcool. Curieusement, les chercheurs ont constaté que, pour la première fois depuis 10 ans, les problèmes s'étaient accrus dans certains domaines, mais pas chez les adolescents. C'est plutôt chez les jeunes de la génération précédente, jusque dans la trentaine, car il semble que nous ayons tellement centré notre attention sur les adolescents que nous avons oublié les plus vieux. Par exemple, le rapport mentionne le niveau d'information à l'égard du programme du conducteur désigné.

Dr Poulin: Cela m'étonne. Je crois que nous avons tous porté attention aux adolescents. Selon nous, étant donné cette progression importante, nous devons redoubler d'efforts auprès des adolescents. J'ignore ce qui se passe pour la génération d'avant. C'est un problème difficile.

M. Paul Szabo: Je suis sûr que nous continuerons.

Merci. Vous faites un excellent travail. C'est un travail admirable.

Dr Poulin: Je transmettrai le compliment.

Avez-vous d'autres questions?

Monsieur, je voudrais poser une question qui a déjà été soulevée au sujet du Ritalin. Le Ritalin est un stimulant qui sert à traiter le déficit de la capacité d'attention, ou hyperactivité. Il agit de façon paradoxale. Il calme les enfants. Dans notre province, par exemple, nous avons constaté une utilisation accrue des stimulants en vente libre ainsi que des stimulants d'ordonnance. Nous avons un programme de prescription en trois exemplaires, et les données ainsi obtenues ont permis de constater que le nombre de pilules et d'ordonnances avait doublé depuis deux ou trois ans. C'est donc là un problème.

C'est le médecin qui est la clé de tout, étant donné que c'est lui qui établit les ordonnances en trois exemplaires et qui décide de prescrire ou non le Ritalin. Nous examinons certainement cela de plus près.

Le président: Merci beaucoup d'être venue, Christiane. Encore une fois, nos attachés de recherche communiqueront peut-être avec vous pour obtenir des renseignements supplémentaires lorsqu'ils prépareront leur rapport.

J'invite maintenant à la table les représentants de la National Coalition for Health Freedom.

Vous êtes les bienvenus. Vous connaissez sans doute notre façon de procéder. Plus longtemps vous parlez, moins il nous reste de temps pour nos questions. N'oubliez pas que vos mémoires écrits font partie des témoignages reçus par le comité, si bien qu'il n'est pas nécessaire de nous les lire intégralement. Nous savons tous assez bien lire. Néanmoins, si vous voulez souligner certaines choses et nous fournir l'occasion de vous poser une ou deux questions, nous le ferons avec plaisir. Qui dirige votre groupe?

Mme Miriam Hawkins (National Coalition for Health Freedom): Je pourrais commencer.

Le président: Miriam, pourriez-vous également présenter les personnes à la table pour que leurs noms soient consignés?

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Mme Hawkins: Je remercie beaucoup le comité.

Je voudrais vous présenter des personnes qui auront sans doute des choses très intéressantes à vous dire sur quelques sujets différents, mais qui se rapportent tous à la même chose. Dian Nicholson a dirigé la campagne contre la conduite avec facultés affaiblies, à Washington. Elle possède une vaste expérience de NARCANON et de certaines thérapies de remplacement pour le traitement de la toxicomanie. Cela nous permettra de lancer la discussion dans le domaine des thérapies de remplacement, des médecines douces, des herbes médicinales et de la médecine orthomoléculaire. Nous constatons des résultats très intéressants de ce côté-là en ce qui concerne le traitement de la toxicomanie.

Shelley Seguin travaille au Centre Rideauwood d'Ottawa. C'est une clinique. En fait, Dian travaille à la Clinique Kulhay, de Toronto, et est elle-même thérapeute. Shelley possède une vaste expérience dans ce domaine. Si vous avez lu sa biographie, vous saurez qu'elle a pu elle-même surmonter sa toxicomanie et qu'elle aide elle-même les autres grâce à des thérapies naturelles et à un soutien.

Vous connaissez peut-être le Dr Michèle Brill-Edwards, compte tenu des travaux importants qu'elle a réalisés à la Direction de la protection de la santé. Je l'ai invitée ici aujourd'hui pour parler des difficultés que le milieu de la santé a eues avec Santé Canada, qui est chargé de protéger la santé des Canadiens, de promouvoir des mesures de prévention, etc.

Je pourrais peut-être simplement dépeindre la situation critique dans laquelle nous nous trouvons au Canada. Bien des gens se sont tournés vers les médecines douces et constatent maintenant que l'identification numérique des médicaments limite la possibilité de se procurer des substances naturelles. Nous constatons également que la réglementation internationale, qui crée parfois des obligations pour le Canada, fait disparaître ces produits des rayons des magasins, ce qui empêchera peut-être le Canada de les y ramener.

Hier soir, je suis allée en taxi à l'aéroport de Toronto, et mon chauffeur m'a raconté qu'il s'était fracturé la main, et qu'il est retourné au Ghana, où son père lui a fait des emplâtres d'herbes qui l'ont guéri en trois semaines. Ce n'est pas possible ici. Vous ne pourrez pas vous procurer ces produits si nous laissons la Direction de la protection de la santé continuer à agir comme elle l'a fait en établissant un système de recouvrement des coûts à cause duquel il y aura sans doute des actions en justice. Je crois qu'on prépare une injonction, une action collective contre le gouvernement fédéral à cet égard.

Je pense que nous aurons une discussion des plus intéressantes au sein de l'organisation de Michèle, la Coalition of Canadians for Accountable Government, à laquelle nous avons adhéré. La National Coalition for Health Freedom a elle aussi adhéré à cet organisme, et Michèle, pour sa part, est ici au nom de l'Alliance for Public Accountability, car les Canadiens en ont assez des lacunes de Santé Canada, qui essaie de nous imposer autre chose que ce que nous voulons.

Je ne vais pas vous en dire plus long au sujet de toutes les querelles entourant le Codex Alimentarius. Je suis sûre que vous avez déjà passablement d'information à ce sujet, et je suis disposée à vous en fournir d'autres, pour autant que vous ayez le temps d'aborder cela.

Je vais maintenant laisser Dian présenter son exposé.

Mme Dian Nicholson (National Coalition for Health Freedom): Avant que nous n'arrivions ici, Miriam s'est penchée vers moi et m'a dit: «Nous sommes pressées, alors essaie de résumer.» Mais il y a tant de choses à dire et tellement de choses qu'il faut dire aussi.

D'après un article paru récemment dans le magazine Newsweek, depuis quatre ans la consommation de drogue chez les 14 à 17 ans aux États-Unis a augmenté de 80 p. 100. C'est énorme, c'est horrible, et nous sommes vraiment dans le pétrin. Après avoir constaté les ravages des quelques premières décennies du siècle, Einstein a dit: «Il est devenu manifeste - et c'est consternant - que notre technologie a dépassé notre humanité.»

Nous nous sommes privés de la sécurité que nous aurions souhaitée pour l'avenir. Nous avons empoisonné notre planète et créé un monde assujetti à la technologie. Nous avons élu des gouvernements qui incitent nos enfants à acquérir davantage de savoir technologique alors que75 p. 100 des familles vivent les affres de la séparation, produisant ainsi des enfants qui ne savent ni aimer ni vivre en harmonie les uns avec les autres.

Quiconque a travaillé dans les tranchées de la guerre contre l'alcoolisme et la toxicomanie vous dira que ce n'est pas facile. Ces intervenants vous diront la tristesse qu'ils ressentent lorsqu'un de leurs clients rechute. L'échec est beaucoup plus courant que le succès, et il n'est jamais facile d'être témoin d'un lent suicide.

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Il est difficile pour vous, qui êtes à distance, de comprendre ce genre de choses. Vous êtes trop loin du problème pour vraiment comprendre. Permettez-moi de vous dresser un portrait sommaire d'un toxicomane.

Le toxicomane ne veut rien ressentir. Il cherche un anesthésique pour sa vie - pas pour un mal de tête, ni pour un mal de dos ou de sinus, mais pour sa vie. Chaque moment de lucidité est pour lui un moment de peur, de douleur, de culpabilité et de honte, et c'est pourquoi il cherche un anesthésique. La plupart des toxicomanes ne retrouveront jamais une vie normale, et ceux qui s'en sortent verront constamment dans le miroir l'image d'un toxicomane.

Nous savons quelles sont les tristes conséquences de la toxicomanie. En 1990, un comité consultatif a soumis au gouvernement de l'Ontario un rapport renfermant ses recommandations sur l'orientation du traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie pour les années 90. Incapables de trouver des réussites dans les statistiques de la réhabilitation, ils se sont bornés à recommander qu'étant donné qu'ils jugeaient irréaliste l'espoir de guérir la toxicomanie, il conviendrait désormais de limiter les dégâts et de considérer comme un succès une consommation réduite ou une dépendance croisée envers des drogues moins nocives. En bref, ils ont déclaré le patient en phase terminale et opté pour les soins palliatifs.

L'un des problèmes liés à la réadaptation des toxicomanes tient au fait que la plupart des drogues, comme toutes les autres toxines, sont liposolubles. Jusqu'à 10 p. 100 de leurs résidus sont dissous dans les globules des vaisseaux sanguins et accumulés dans les tissus adipeux. Chaque fois qu'une partie de cette graisse chargée de drogue se métabolise, le toxicomane ressent un sentiment d'euphorie mitigé, une version amoindrie de ce qu'il ressentait auparavant. Ce peut être simplement comme un souvenir, mais c'est suffisant pour qu'il soit en état de manque, suffisant pour qu'il fasse une rechute et consomme de nouveau.

Une thérapie tout à fait naturelle est disponible depuis des décennies. Elle supprime ces résidus du corps, éliminant ainsi cet obstacle à la guérison. J'ai constaté moi-même ces résultats. L'un après l'autre, les clients évoquent le sentiment merveilleux et tangible qu'ils ressentent le jour où leur système est nettoyé. Les thérapies de sevrage entièrement naturelles suppriment pratiquement tous les malaises liés à la désintoxication, sauf quelques-uns parmi les moins graves.

Une personne nous est arrivée en béquilles de l'hôpital. Le sevrage à l'aide de la méthadone avait provoqué chez elle des douleurs qui l'empêchaient de marcher. Le lendemain, grâce à cette thérapie, elle marchait facilement et avait bon appétit. Elle et moi avons mangé ensemble un repas chinois. J'ai cru que j'avais vu un miracle. Je n'ai jamais vu de revirement comme celui-là.

Or, dans le milieu de la réadaptation, les experts et les autres intervenants n'ont pas recours à ce processus qui a fait ses preuves, qui a aussi fait l'objet de recherches et qui est facilement disponible. En raison d'une vive hostilité envers son auteur, L. Ron Hubbard, on décrète qu'une méthode comme celle-là doit être rejetée. Je ne fais pas moi-même partie de l'Église de scientologie, mais je trouve ce jugement empreint de préjugés. À mon avis - et j'espère que d'autres le partagent - , il est plus facile de récupérer un scientologiste vivant qu'un toxicomane mort. Néanmoins, je n'ai jamais vu de client qui ait été encouragé à adhérer à la doctrine de la scientologie ou à son Église, et je n'en ai pas entendu parler non plus.

Il y a deux ans, le Women's College Hospital a reçu 2,5 millions de dollars pour faire des recherches précisément sur une méthode pour supprimer les toxines emmagasinées dans les tissus adipeux. J'ai été frappé par l'ironie de ce gaspillage, et je me suis demandé ce qui était arrivé au serment d'Hippocrate, qui dit, entre autres:

Dans les milieux de la désintoxication, la solution à l'héroïnomanie est l'élargissement du programme du traitement continu à la méthadone. Pour moi qui connais les antécédents de la méthadone, je ne peux comprendre la logique qui veut que l'on considère curatif le fait de substituer un anesthésique à un autre, surtout si l'on considère qu'il a été créé dans les laboratoires de I.G. Farben, celui-là même qui a créé le gaz Zyklon B utilisé par Hitler. La même entreprise a inventé le diéthylamide de l'acide lysergique, soit le LSD, et le Prozac. Ce dernier médicament, produit sous licence par Eli Lilly, est sans doute le produit le plus couru sur le marché. En dépit du fait que des milliers de poursuites ont été engagées contre ce géant pharmaceutique, les médecins continuent de prescrire ce médicament à tire-larigot. Ils jouent avec l'équilibre neurologique d'autres êtres humains, par le biais du Prozac et d'autres inhibiteurs de réabsorption de la sérotonine, sans avoir même procédé à des essais pour justifier le bien-fondé de cette ordonnance.

La question se pose: pourquoi le régime nazi est-il une source d'inspiration médicale alors que l'on ne reconnaît pas la méthode de Hubbard? N'est-ce pas là un terrible paradoxe?

Et cette histoire devient encore plus ridicule quand on sait que l'héroïne a d'abord servi de remède pour l'opiomanie. Ensuite, on a eu recours à la méthadone pour guérir l'héroïnomanie. Et voilà que maintenant c'est la clonidine qui a la faveur dans le sevrage à la méthadone. Ce médicament contre l'hypertension a un inconvénient sérieux: il comporte de nombreux effets secondaires, dont six exigent une intervention médicale immédiate. Une fois que la méthadone a enfin nettoyé suffisamment le système, les résidus d'héroïne restent présents dans les tissus adipeux. Pas besoin d'un diplôme en médecine pour deviner ce qui se produit par la suite. Et on préfère cela à admettre que peut-être ce vieux Ronnie a déniché une solution qui nous avait échappé à tous.

.1035

Il est bien connu que 6 p. 100 de la population de l'Amérique du Nord consomment plus de 50 p. 100 de l'alcool vendu. Cette statistique provient du Center for Science in the Public Interest, groupe que vous avez entendu plus tôt, en même temps que les représentants de la Fondation de la recherche sur l'alcoolisme et la toxicomanie. Cela étant le cas, l'alcoolisme rapporte à l'industrie des boissons alcoolisées plus de la moitié de ses profits. On peut par conséquent en conclure que réduire l'incidence de l'alcoolisme n'est pas très haut sur la liste des priorités des fabricants d'alcool. On peut aussi parier sans crainte qu'ils ne commanditent pas non plus de programmes contre la dépendance qui donnent des résultats.

Ce qui fait peur, c'est le fait que les toxicomanes sont considérés comme des sources de revenus potentiels. Et ce qui fait encore plus peur, c'est l'idée de la complicité du gouvernement, ou à tout le moins de sa complaisance.

Quiconque sait voir l'évidence même ne peut manquer de savoir que si un traitement contre la toxicomanie existe, il faut qu'il soit avantageux pour le toxicomane, sinon il n'aurait pas de raison d'exister. S'il existe effectivement un tel traitement, pourquoi, au sein du système de santé, ne fait-on pas tout pour assurer le bien-être du toxicomane, peu importe la source du traitement? Et si le système n'intervient pas, quel message cela livre-t-il sur la façon dont nous traitons les personnes affligées? Il y a des centaines de naturopathes à Toronto seulement, et leurs bureaux sont fréquentés par une clientèle qui revient constamment. Ces patients ne sont pas tous fous. Comme n'importe qui, ils veulent des résultats. Ils assument la responsabilité de leur propre bien- être et, ce faisant, nous font épargner beaucoup d'argent.

Chose certaine, il est clair que la dérision dont sont victimes les thérapies traditionnelles et naturelles a été engendrée par les groupes d'intérêts alliés aux thérapies allopathiques. Nous sommes au milieu d'une guerre de marketing, avec le résultat que les malades sont menacés d'être privés non seulement de leur droit de choisir leur thérapie, mais aussi de celui de tirer parti de cette thérapie en particulier, dans la mesure du possible.

Les thérapeutes traditionnels n'ont que rarement conservé des dossiers cliniques au cours des âges et, par conséquent, ne possèdent pas les données sur lesquelles le monde technique se fonde pour prendre des décisions. Mais alors que la communauté allopathique, y compris la Direction générale de la protection de la santé et l'Ontario Medical Association, exige que l'on dépense des millions pour faire l'essai de traitements naturels, il faut se rappeler que les données disponibles montrent que jamais personne n'est mort d'une surdose de thé taheebo, que personne n'a jamais souffert d'accoutumance à la valériane et que personne n'a non plus ressenti d'effets indésirables à la suite d'une thérapie homéopathique.

Nous qui sommes chargés d'améliorer le bien-être de nos concitoyens devons - et c'est la moindre des choses - demeurer ouverts à toutes les solutions méritoires. Mais le mérite de chacun ne doit pas être déterminé par ceux qui ont pris fait et cause pour des thérapies rivales. La décision doit être fondée sur la vérité, car il n'y a qu'un intérêt qui doit primer: la santé. Si la santé est effectivement notre objectif ultime, il va de soi que nous devons tenir compte des résultats obtenus grâce aux thérapies naturelles depuis des milliers d'années et des raisons pour lesquelles ces méthodes n'ont pas été perdues dans le temps. Il faut tenir compte du fait que les gens paient deux fois uniquement pour une méthode qui donne des résultats, et la population embrasse les thérapies naturelles.

Il faut se souvenir que le seul perdant dans cette équation, c'est la médecine allopathique coûteuse dont les champions ne sont guère enthousiastes à l'idée de nous accueillir, nous les barbares, dans leur tour d'ivoire. Moi qui suis thérapeute, je ne peux que donner raison à ma mère, qui m'a souvent dit que les résultats ne mentent pas.

Merci.

Mme Hawkins: Je demanderai maintenant à Shelley de parler de son expérience.

Mme Shelley Seguin (National Coalition for Health Freedom): Tout d'abord, une petite mise au point: je suis ici à titre individuel seulement, et non en qualité de représentante de Rideauwood Addiction & Family Services, même si ce groupe a une approche holistique face aux toxicomanies et que, dans mon travail, j'ai une certaine liberté pour recommander diverses mesures à mes clients. Personnellement, je suis plutôt modérée dans mon recours aux plantes médicinales.

Permettez-moi de vous expliquer comment j'en suis venue à m'intéresser aux plantes médicinales. Je suis moi-même une ex- toxicomane qui souffrait de chimiodépendance. Je suis guérie depuis 1980, soit depuis 17 ans. Les drogues que je consommais excessivement étaient l'alcool et les stimulants. À l'origine, ma guérison a eu comme point de départ un traitement médical. Ainsi, on m'a prescrit du Fiorinal pour les maux de tête dont j'ai souffert en période de sevrage. Comme il s'agit de codéine, médicament qui crée une dépendance, je suis donc devenue accrochée à la codéine. C'était le genre de choses que j'ignorais. Comme bien des toxicomanes en période de rétablissement, je buvais aussi beaucoup de café, ce qui provoquait sans doute les maux de tête que j'avais, mais je n'en savais rien à l'époque.

.1040

Plus tard, j'ai souffert du syndrome de fatigue chronique, qui, à mon avis - et ce n'est pas un médecin qui me l'a dit - a été engendré par ma consommation antérieure de stimulants. La consommation de stimulants affecte les glandes surrénales, et lorsque ces dernières sont épuisées une grande fatigue s'installe.

En guise de traitement contre le syndrome de fatigue chronique, on m'a proposé des antidépresseurs et des relaxants musculaires pour contrer la douleur musculaire. À ce stade de mon cheminement, j'avais découvert la médecine douce et j'utilisais déjà des plantes médicinales à titre de soutien nourrissant et tonique pour mon bien-être physique. Par conséquent, lorsqu'on m'a prescrit des antidépresseurs, des relaxants musculaires et des anti-inflammatoires, je savais qu'il existait des solutions parallèles. J'ai eu recours à cette médecine non conventionnelle pour lutter contre le syndrome de fatigue chronique.

Aujourd'hui, je suis en santé. J'ai beaucoup d'énergie et je vis à un rythme trépidant. J'attribue tout cela à la médecine douce. J'ai recours, entre autres, à la massothérapie. Je consulte aussi un naturopathe qui m'a prescrit des médicaments homéopathiques. J'emploie aussi des herbes peu toxiques et tonifiantes, comme la grande ortie. Cela peut sembler plutôt dégoûtant, mais c'est un aliment fantastique qui régénère les glandes surrénales, le foie et le système immunitaire. J'emploie aussi du ginseng de Sibérie, un tonique merveilleux. Je consomme aussi des herbes relaxantes comme la mélisse-citronnelle et la camomille.

Toutes ces choses m'ont beaucoup aidée, et j'ai pu m'éviter des dépenses, sans compter l'énorme confusion qui règne parmi mes clients qui sont passés d'un antidépresseur à un autre pour constater au bout du compte qu'ils restaient sans effet. Je ne dis pas qu'il n'y a pas un temps et une place pour les antidépresseurs. Tout ce que je dis, c'est que j'ai choisi de ne pas y avoir recours. J'ai vu des gens vivre beaucoup de frustrations. Peut-être que si l'on ne m'avait pas aidée, j'y aurais eu recours, car je n'étais vraiment pas bien du tout.

Dans ma pratique, j'utilise des solutions de rechange. Ainsi, pour les personnes qui souffrent d'insomnie, j'ai recours à des solutions de rechange aux somnifères. D'ailleurs, les personnes souffrant de chimiodépendance ne peuvent les utiliser en toute sécurité, puisqu'ils créent aisément une accoutumance. Je recommande des choses aussi simples qu'un thé à l'herbe à chat, ou un thé à la camomille. Au début du sevrage, les toxicomanes souffrent beaucoup de maux de tête, et il y a des herbes qui sont efficaces pour cela. Pour ce qui est de la tension musculaire, les gens qui sont affligés d'une dépendance chimique ne peuvent utiliser en toute sécurité des relaxants musculaires. Les médicaments comme ceux-là...

En outre, bon nombre des personnes avec qui je travaille et qui sont au premier stade de la guérison n'ont ni emploi, ni régime de santé en raison de leur chimiodépendance et, par conséquent, n'ont pas les moyens de se procurer des médicaments d'ordonnance coûteux. Je leur offre une solution facilement accessible et relativement peu coûteuse, une solution que je ne voudrais pas voir devenir inaccessible.

Voilà donc mes antécédents. J'ai une certaine formation dans le domaine des plantes médicinales, qui correspond à environ sept ans d'études, mais je me considère comme une herboriste novice, et non pas comme une herboriste qualifiée. Par conséquent, je ne recommande pas les herbes plus controversées. En cas de doute, j'envoie mes patients consulter un herboriste. Voilà donc mon cheminement jusqu'à maintenant.

Mme Hawkins: Le Dr Brill-Edwards pourrait maintenant prendre le relais avec un survol de la Direction générale de la protection de la santé et de certains des problèmes qui y règnent.

Dr Michèle Brill-Edwards (Alliance for Public Accountability): Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis le Dr Michèle Brill- Edwards, ex-haut fonctionnaire de la Direction générale de la protection de la santé chargée de la réglementation. Comme vous le savez, on m'a demandé ce matin de parler au nom d'une coalition de groupes qui se sont réunis au cours des quelques dernières semaines dans le but précis d'exiger, à titre de citoyens, que l'on fasse une enquête au sujet de la Direction générale de la protection de la santé.

Ce vaste groupe s'appelle la Coalition of Canadian for Accountable Government, et la National Coalition for Health Freedom en fait partie. Le groupe auquel j'adhère, soit l'Alliance for Public Accountability, est un autre membre de la coalition. Cette coalition réunit diverses associations, dont la Coalition canadienne de la santé, la Société canadienne de l'hémophilie et d'autres groupes associés à des produits naturels. Ensemble, nous calculons qu'ils représentent des centaines de citoyens canadiens.

Étant donné que le temps nous est compté, j'entrerai tout de suite dans le vif du sujet. Le grand problème dont votre comité est saisi par toutes ces instances est l'application inégale de la Loi sur les aliments et drogues. Le ministère de la Santé, son ministre et ses fonctionnaires sont chargés, en droit, par le biais de la loi habilitante, la Loi sur le ministère de la Santé, d'appliquer la Loi sur les aliments et drogues de façon à protéger le public des risques pour la santé et d'une utilisation frauduleuse ou abusive de médicaments, d'aliments, de produits de beauté et autres instruments.

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Or, ces instances manquent à ce devoir. Si cette immense coalition de citoyens souhaite qu'on fasse enquête sur la direction générale de la protection de la santé, c'est qu'ils savent reconnaître une injustice lorsqu'ils en voient une. Ils savent aussi reconnaître l'illégalité lorsqu'elle est manifeste.

Nous sommes maintenant en présence d'un manquement au devoir d'appliquer les garanties juridiques nécessaires à des produits à risque élevé comme les médicaments d'ordonnance, le sang, l'amalgame de mercure et, à l'opposé une réglementation trop zélée de produits naturels comportant de faibles risques, comme les fromages. Vous venez d'entendre ce matin deux groupes qui se demandent pourquoi les millions de Canadiens affectés par l'alcool, produit à risque élevé s'il en est, ne sont pas protégés par le ministère, ce même ministère qui, dans sa sagesse, l'automne dernier, s'est lancé en guerre pour interdire les fromages naturels utilisés au Canada en toute sécurité depuis de nombreuses années. N'êtes-vous pas frappés par une analogie avec une autre situation où le même ministère est tellement zélé dans ses inspections qu'à l'heure actuelle il force de petits producteurs et détaillants de produits naturels à fermer boutique parce que leurs produits n'ont pas de code DIN, alors que dans son témoignage devant la Commission Krever il a affirmé ne pas disposer des ressources nécessaires pour inspecter convenablement les centres sanguins de la Croix-Rouge? Cela est-il logique aux yeux du comité?

Nous sommes ici pour essayer de vous faire comprendre que cette application inégale de la loi ne peut pas continuer. Nous ne demandons pas à titre de citoyens, nous ne vous supplions pas à titre de citoyens, de faire faire une enquête sur la Direction générale de la protection de la santé. Nous prévenons le comité qu'à titre de citoyens nous pouvons légitimement nous attendre à ce que le ministère respecte son mandat légal, qui est d'appliquer la Loi sur les aliments et drogues d'une manière égale, équitable et juste. C'est essentiellement ce que je vous propose ici.

La lettre que vous avez reçue vendredi de la coalition donne des détails qui s'ajoutent à ce que je viens de dire. Ce texte est inclus dans les documents qu'on vous présente maintenant. Je demande qu'avant de dissoudre ou de démanteler le comité en prévision des élections l'un des membres du comité présente une motion portant qu'on enquête sur la Direction générale de la protection de la santé afin de déterminer si elle met en danger la vie des Canadiens et cause du gaspillage, sinon de la fraude, de l'ordre de millions de dollars qui sont dépensés pour des produits liés à la santé en appliquant d'une manière inégale et dangereuse la Loi sur les aliments et drogues.

Le président: Merci. Avant de pouvoir appuyer une telle motion à titre de membre du comité, il me faudrait certainement avoir plus d'information quant à la raison pour laquelle la Direction générale de la protection de la santé... il existe une foule d'autres organismes sur lesquels il faudrait peut-être enquêter, si nous avions des preuves de fond.

Ma première question s'adresse donc au Dr Brill-Edwards. S'il est tellement évident qu'on applique la loi de façon inégale, pourquoi? Est-ce dû à un manque de ressources? Est-ce simplement de la pure stupidité? Est-ce parce que quelqu'un a des objectifs autres que ceux de la loi? Pourquoi cela se produit-il? Pourquoi est-ce si courant, si nous acceptons vos allégations? Pourquoi en est-il ainsi? Il doit y avoir une raison.

.1050

Je me fie beaucoup à ce que j'appelle la loi de la moyenne, et disons que pour chaque personne malveillante au sein de cette direction il doit y avoir aussi des personnes normales; pour chaque personne stupide il doit y avoir des personnes compétentes; pour chaque personne dépensière il doit y avoir des gens qui voient à ce qu'on dépense l'argent à bon escient. Pourquoi? Est-ce de la stupidité? Est-ce un manque de fonds? Y a-t-il des intentions cachées? Pourquoi se passe-t-il des choses qui exigent la tenue d'une enquête, d'après vous?

Dr Brill-Edwards: Pour vous répondre brièvement, je dirais que c'est parce que l'industrie des soins de santé, y compris l'industrie des produits pharmaceutiques en l'occurrence, mène maintenant le secteur des soins de santé, au lieu que ce soit le contraire. J'ai passé 15 ans en tout à la Direction générale de la protection de la santé et je peux vous assurer que votre hypothèse est correcte: il y a à la direction générale des gens qui sont bien informés, consciencieux, et qui placent l'intérêt du public en premier. Je puis aussi vous assurer, et j'ai en main des preuves que je suis disposée à donner sous serment pour en témoigner, qu'on n'écoute pas ces personnes, ce qui mène parfois à des décisions qui sont non seulement malavisées et dangereuses, mais aussi illégales.

Je mets ma réputation professionnelle en jeu lorsque je dis cela. Je l'admets. J'ai été formée pour m'exprimer avec discipline et soupeser chaque mot que je prononce. Je vous mets au défi de me faire comparaître devant vous et de me demander de répondre à vos questions sans m'imposer de limite de temps comme vous le faites aujourd'hui.

Le président: Ce n'est pas un défi qui m'intéresse - nous nous sommes écartés quelque peu du sujet, pour commencer - mais j'ai soulevé la question parce que vous avez dit publiquement certaines choses que je ne pouvais pas laisser passer sans les contester.

Dr Brill-Edwards: Me donneriez-vous le temps de parler, par exemple, des antagonistes du calcium? Je me trouve dans une position désavantageuse.

Le président: Je suis désolé, nous...

Dr Brill-Edwards: Vous m'avez posé une question en m'imposant une limite de temps très serrée. Quelle limite m'imposez-vous pour répondre à votre question? Je peux certainement vous donner les preuves voulues immédiatement et très brièvement. Avez-vous deux minutes?

Le président: Premièrement, il faut comprendre comment cet échange est survenu. Environ25 minutes après le début de votre exposé, vous avez laissé tomber cette affirmation selon laquelle le comité doit avant tout demander une enquête immédiate, et j'ai dit...

Dr Brill-Edwards: Les membres du comité ont reçu cette recommandation dans une lettre que chacun d'entre eux a reçue vendredi.

Le président: Je ne le nie pas. Je dis qu'à mon avis cette question peut fort bien dépasser le mandat actuel du comité, et je suis intervenu seulement pour faire contrepoids à ce que vous disiez, pour obtenir de vous certains renseignements. Vous avez dit que quelqu'un avait des intentions cachées ou que les membres de l'industrie des soins de santé dictent au ministère ce qu'il doit faire. C'est en résumé ce que vous avez dit.

Vous avez travaillé au ministère pendant 15 ans.

Dr Brill-Edwards: En effet.

Le président: Pourquoi n'y travaillez-vous plus?

Dr Brill-Edwards: J'ai démissionné afin de pouvoir parler publiquement des abus dont j'ai été témoin au sein du ministère et qui mettaient en danger la vie des Canadiens. Je l'ai fait publiquement et je continue de le faire.

Le groupe Alliance for Public Accountability a tenu des conférences de presse, après quoi le ministre a convenu de demander une enquête sur la direction générale, ce qui ne s'est pas fait. Au moment de ma démission, en janvier de l'année dernière, en réponse à des questions posées à la Chambre, le ministre a promis une enquête, qui n'a pas été menée en bonne et due forme. Nous avons récemment présenté un mémoire et un exposé au comité qui examine la loi C-91. Nous faisons notre possible pour attirer l'attention du gouvernement sur des activités répréhensibles et illégales.

Nous vous avertissons publiquement, et vous êtes donc au courant de cette situation. Il vous incombe de déterminer dans quel contexte vous pourrez vous attaquer à ce problème. Je suis absolument d'accord avec vous pour dire que ce n'est peut-être pas le bon moment ni le bon endroit, mais il doit y avoir un bon moment et un bon endroit pour le faire.

Mme Hawkins: Il y a déjà des poursuites qui sont en cours, et il s'agit donc de savoir comment le comité veut s'occuper de la question et comment le gouvernement veut le faire. On pourrait certainement vouloir empêcher les poursuites qui sont prévues ou contenir ou encore limiter de quelque façon les dommages que pourrait subir le gouvernement, parce qu'il y a plusieurs groupes qui se sont réunis pour soumettre cette question aux tribunaux. Il s'agit donc vraiment de savoir ce que le comité décidera de faire. Il importe vraiment peu...

.1055

Le président: Sauf le respect que je vous dois, Miriam, il ne s'agit pas du tout de savoir ce que le comité décidera de faire. Le comité a décidé cela il y a déjà des mois. Il examine une question plutôt bien définie, à savoir les politiques en matière de drogue, et il n'est pas ici pour sauver la peau du gouvernement ou pour le fustiger. Nous ne sommes pas un comité gouvernemental, nous sommes un comité de la Chambre des communes, et nous avons notre propre mandat.

Nous vous avons invités ici aujourd'hui parce que nous voulons entendre votre opinion sur la question des politiques en matière de drogue au Canada, et non pas pour vous entendre parler de poursuites que vous intentez ou de ce que vous pensez de certains ministères. Je crois que vous avez profité de cette occasion qui vous était présentée de parler de l'examen des politiques en matière de drogue pour nous faire part de récriminations au sujet d'autres questions.

Mme Hawkins: Nous sommes venus ici parler de l'accès à la médecine naturelle qui est bloqué par Santé Canada. Je ne sais pas comment je pourrais présenter cette question autrement qu'en parlant des diverses méthodes qui réussissent beaucoup mieux que les programmes en 12 étapes et les autres programmes inefficaces qu'on utilise. La thérapie naturelle réussit. La phytothérapie et la médecine allopathique se trouvent aux deux extrémités opposées du paradigme. La Direction générale de la protection de la santé approuve certainement des médicaments qui rendent les gens malades, tandis qu'elle interdit les plantes médicinales en utilisant le système d'identification numérique des médicaments (DIN), qui n'est qu'un faux système de recouvrement des coûts sans avantage pour les consommateurs et qui élimine de petites entreprises.

On peut aborder cette question sous de nombreux angles différents, mais elle est pertinente. Elle est pertinente parce qu'en raison de l'application inégale de la loi par la Direction générale de la protection de la santé et Santé Canada nous perdons l'accès à des thérapies naturelles qui fonctionnent. J'espère qu'il est évident pour les membres du comité que tout cela fait partie d'un ensemble. Il faut examiner ces questions ensemble.

Ce sont des thérapies qui réussissent dans le traitement de la toxicomanie. Il existe de nombreuses preuves, et nous serons heureux de les fournir au comité avec une foule de documents sur les thérapies naturelles pour le traitement de la toxicomanie. Nous ne pouvons cependant pas continuer d'en faire profiter les toxicomanes; les gens ne peuvent pas y avoir accès s'il leur faut un numéro d'identification du médicament, de sorte que les coûts augmentent, parce qu'un monopole est créé au moyen du système d'identification numérique des médicaments, que nous voyons appliquer.

Le plus grand magasin d'aliments diététiques de Toronto s'appelle Big Carrot. La moitié de ses produits sont recouverts d'un ruban adhésif noir à l'heure actuelle parce qu'on ne leur a pas apposé de DIN. Il restera seulement une dizaine d'entreprises qui fabriqueront des médicaments naturels. D'ici à la fin d'avril, Big Carrot doit enlever tous ces produits de ses rayons.

Pourquoi la Direction générale de la protection de la santé peut-elle embaucher une centaine de personnes pour qu'elles visitent les magasins d'aliments diététiques du Canada, appliquant toute cette énergie à se débarrasser des médicaments naturels? Rien ne prouve que quelqu'un ait souffert de les avoir utilisés. Rien. Nous savons cependant qu'aux États-Unis 100 000 personnes meurent chaque année pour avoir consommé des médicaments d'ordonnance. Les statistiques concernant l'effet de médicaments d'ordonnance sur les Canadiens sont colossales. Nous avons beaucoup de preuves. Il y a un déséquilibre total dans tout cela.

Que le comité veuille ou non examiner davantage cette question dans ce contexte... J'espérais qu'étant donné que nous parlions également de solutions à la toxicomanie et que des solutions sont éliminées par Santé Canada il serait très pertinent d'en discuter avec le comité. Je pense que c'est très pertinent. Je suis très heureuse que nous puissions vous montrer... Cette pile de livres contient une foule de preuves. Nous avons toutes sortes de documents.

Mme Nicholson: J'en ai une autre pile dans mon porte- documents, et il en existe d'autres encore. Il y en a des milliers. Les méthodes traditionnelles deviennent des traditions parce qu'elles fonctionnent, et non pas parce qu'elles ne fonctionnent pas. Personne n'a souffert d'avoir utilisé ces produits. Notre pseudo «bureau de la protection» ne nous protège pas exactement de choses qui sont dommageables et nous prive de choses qui ne le sont pas. C'est stupide.

Le président: Vous êtes ici avant tout parce que vous avez ces piles de documents. Nous savions que vous aviez des ressources. Nous voulions faire appel à vos lumières. Je vous avertissais seulement de vous en tenir au sujet qui nous préoccupe. Si vous avez des poursuites en cours, ce n'est pas l'endroit pour en parler.

Mme Hawkins: Je ne suis pas ici pour parler d'une poursuite devant les tribunaux. J'informe seulement le comité de ce qui se passe.

Le président: Je vous prie de bien vouloir vous en tenir au sujet qui nous préoccupe.

Paul, avez-vous une question à poser?

M. Paul Szabo: Je serai très bref. C'est un sujet très important. Les membres de votre groupe croient-ils que Santé Canada a un rôle à jouer en ce qui concerne les produits naturels ou les plantes médicinales, à savoir qu'il doit s'assurer que les Canadiens peuvent les consommer sans danger? On a utilisé le système DIN. Existe-t-il une autre solution, ou dites-vous que quiconque veut vendre ces produits devrait simplement pouvoir le faire?

Mme Hawkins: Le Dr Brill-Edwards pourrait peut-être répondre la première à cette question.

Dr Brill-Edwards: Monsieur Szabo, des lois et des règlements remontant à une centaine d'années disent que Santé Canada non seulement a un rôle à jouer, mais a aussi l'obligation légale de s'assurer que les Canadiens sont protégés de tout danger que pourraient présenter les produits utilisés pour les soigner, y compris les produits naturels. Le ministère n'a donc pas le pouvoir discrétionnaire de décider d'agir ou de ne pas agir. C'est son devoir d'agir.

.1100

M. Paul Szabo: Mais en ce qui concerne les produits à base d'herbes médicinales...

Dr Brill-Edwards: Attendez un instant.

M. Paul Szabo: ... on veut leur appliquer le système DIN, et vous vous y opposez. Est-ce bien cela?

Dr Brill-Edwards: Non. Vous remarquerez que je n'ai pas utilisé l'abréviation «DIN».

Un témoin: Je pourrais peut-être aussi répondre.

Dr Brill-Edwards: J'aimerais seulement terminer ce que j'ai commencé à dire. Le système DIN existe depuis fort longtemps. Le ministère a virtuellement ignoré pendant plusieurs décennies la question des produits à base d'herbes médicinales. Les inspecteurs de la direction générale étaient frustrés de voir plusieurs produits vendus sans faire l'objet d'aucun examen.

Ce qui est arrivé récemment, c'est que le ministère a instauré un système de recouvrement des coûts lui permettant de se faire payer pour examiner les demandes de numéros d'identification des médicaments. Cela semble raisonnable de la part du ministère, jusqu'à ce qu'on examine soigneusement les répercussions d'une telle mesure. Ce système agressif de recouvrement des coûts a été instauré de façon très abrupte. Il a pour effet d'éliminer des entreprises. Il a pour effet d'éliminer des médicaments qui ne présentaient pas vraiment de danger...

M. Paul Szabo: Vous ne voulez donc pas qu'on applique le système DIN aux produits à base d'herbes médicinales.

Dr Brill-Edwards: Non, attendez un instant. Personne ne dit qu'il ne faut pas leur appliquer de DIN. Nous disons qu'il faut l'appliquer de façon équitable. Quel est le processus pour lequel on paie?

M. Paul Szabo: Exige-t-on les mêmes frais pour tous les DIN?

Dr Brill-Edwards: La chose importante à comprendre, c'est que ces frais qu'on impose sont les mêmes pour tous les producteurs, mais que les producteurs ne sont pas tous les mêmes. Certains sont de très petites entreprises qui doivent fermer leurs portes à cause...

M. Paul Szabo: À cause de moyens financiers.

Dr Brill-Edwards: ... de l'imposition soudaine de frais de 50 000$ en vertu d'une nouvelle politique.

M. Paul Szabo: Je pense que je comprends.

Dr Brill-Edwards: J'aimerais encore ajouter une chose. Où cette mesure se situe-t-elle dans tout cela? C'est tout comme si l'on éliminait du marché les petits producteurs de fromage. De cette façon, les grandes entreprises peuvent s'approprier le marché. Le marché des produits naturels est un marché naissant dans le secteur des produits pharmaceutiques.

M. Paul Szabo: Pourriez-vous me dire à combien s'élèvent les frais de DIN pour un produit?

Dr Brill-Edwards: Ils sont de 570$, et si vous avez 10 produits...

M. Paul Szabo: Nous parlons donc d'environ 570$ pour pouvoir distribuer des produits dans l'ensemble du Canada.

Dr Brill-Edwards: Oui, mais il peut y avoir un effet cumulatif. Un petit producteur de l'Ouest, par exemple, a dû fermer ses portes parce qu'il n'a pas reçu instantanément les numéros DIN, et il faisait face à une facture immédiate de 60 000$. Il a dû fermer son entreprise.

Les lignes directrices du Conseil du Trésor concernant l'instauration de nouvelles politiques, y compris celle des DIN, prévoient que lorsqu'on modifie une politique ou l'administration d'une politique on doit en avertir honnêtement les citoyens afin de leur permettre d'adapter leurs pratiques. On ne peut pas appliquer arbitrairement une loi préjudiciable à certaines personnes sans apporter d'améliorations. S'il y avait un véritable danger, si des Canadiens mouraient, je serais la première à dire que des mesures immédiates sont nécessaires. Or, tout ce que les gens demandent, c'est du temps pour s'adapter, du temps pour avoir leur mot à dire dans ce qui se passe, et ils demandent d'être protégés d'une direction générale qui semble éliminer les petites entreprises afin de permettre aux grandes multinationales de venir accaparer ce qui semble vouloir devenir un marché des produits pharmaceutiques très lucratif.

M. Paul Szabo: Vous embrouillez les choses pour moi, car il me semble que vous parlez d'un DIN pour un distributeur plutôt que d'un DIN pour un producteur. C'est probablement très mêlant pour beaucoup de gens, et nous devons nous assurer de ne pas mélanger les torchons et les serviettes. C'est assez complexe, et j'espère que vous pourrez fournir des renseignements à tous les députés et vous concentrer peut-être sur certains cas particuliers plutôt que de tout mettre ensemble, parce que cela peut parfois être mal compris.

Dr Brill-Edwards: Je pense que vous avez raison de dire que c'est une question très déroutante et très complexe. Mais s'il y a un message que nous tenons à transmettre au comité aujourd'hui au sujet des DIN, étant donné toutes les émotions et tous les discours qu'ils suscitent, c'est que le système de DIN est trompeur. Il ne s'agit pas d'un processus de sécurité significatif. Lorsqu'on entre dans un magasin d'aliments diététiques et qu'on y achète un produit où est apposé un DIN de la Direction générale de la protection de la santé, on n'est pas assuré que ce qui figure sur l'étiquette correspond au contenu de la bouteille ou de la boîte.

M. Paul Szabo: Et si vous avez un numéro DIN, vous pouvez vous faire rembourser par votre assurance. S'il n'y a pas de numéro, vous êtes mal pris, n'est-ce pas?

.1105

Dr Brill-Edwards: Je parlais plutôt de... Vous venez de dire que vous voulez parler de politiques. Si cela n'est pas une politique en matière de médicaments au Canada, de quoi s'agit-il? Si nous l'ignorons lorsqu'un médicament est étiqueté et mis sur les étagères, l'affaire est dans le sac...

M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président. Je pense que nous devrions rappeler aux membres du groupe qu'ils ont le loisir de faire parvenir tout complément d'information nécessaire par écrit, par exemple, à l'attention du comité.

Mme Hawkins: C'est un énorme dossier.

M. Paul Szabo: Effectivement. Sentez-vous bien libres de nous faire parvenir tout ce que vous voulez.

Le président: Je voudrais remercier nos témoins, qui sont venus nous parler d'un point de vue qui était selon moi secondaire, mais également d'un autre qui était tout à fait pertinent et sur lequel nous allons nous pencher de plus près. Je viens de m'entretenir avec les attachés de recherche, et nous allons prendre contact avec vous.

Vous comprendrez facilement que le président a pour rôle d'essayer d'assurer la continuité du débat afin que nous ne nous laissions pas entraîner sur des tangentes. Merci encore d'être venus.

Je voudrais demander aux membres du comité encore quelques instants de leur temps. Nous avons eu connaissance d'une autre question, la réglementation sur le tabac, mais ce n'est que ce matin en arrivant ici que j'ai appris qu'il nous faudrait peut-être faire quelque chose à ce sujet au cas où ce serait notre dernière semaine avant la dissolution.

Voici ce qu'il en est. L'un des amendements au projet de loi sur le tabac, c'est que la réglementation d'application doit impérativement être non seulement étudiée par le comité, mais également approuvée par la Chambre. Ainsi donc, le comité doit prendre une décision, et la Chambre doit faire de même aussitôt qu'elle aura reçu notre rapport.

Cette situation nous impose un échéancier extrêmement serré si nous voulons parvenir à tout faire avant la dissolution des Chambres. Cela bien sûr en supposant que les Chambres pourraient être dissoutes cette semaine, comme semblent le dire toutes les rumeurs. Dans la négative, nous pourrions aborder cela la semaine prochaine.

Cela étant dit, n'oubliez pas non plus que si le comité n'étudie pas la réglementation, celle-ci restera en veilleuse jusqu'à ce que la prochaine législature constitue un nouveau comité. D'après ce que je sais, la réglementation ne peut donc pas être mise en application.

Je ne m'attends pas de vous que vous soyez des experts en matière réglementaire, mais je pourrais faire une synthèse rapide de la réglementation en question à votre intention. Elle comporte deux éléments.

.1110

D'abord, l'essentiel de l'initiative visant à freiner l'usage du tabac chez les jeunes se trouve dans la réglementation. C'est là la principale raison, m'a-t-on dit, pour laquelle on souhaite accélérer les choses plutôt que les retarder.

En second lieu, en temps normal j'imagine que nous aurions entendu des témoins, et ce matin voici ce que m'ont dit les gens du ministère. Ils m'ont dit que le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac, le seul groupe qui devrait normalement manifester son opposition à ce régime réglementaire, a formulé une ou deux objections bien précises lorsque la réglementation a été rendue publique la première fois. Ils m'ont également dit que le nécessaire avait été fait et que le conseil est maintenant disposé à envoyer une lettre disant qu'il n'a aucune objection de fond à l'endroit de la réglementation.

Je propose donc que nous fassions ceci: nous allons envisager une réunion du comité pour entendre les témoins du ministère, qui pourront nous faire le point sur la question du Conseil canadien des fabricants des produits du tabac. Après avoir entendu ces témoins, peut-être pourrions-nous voter, soit l'adoption, soit le rejet de cette réglementation, et faire rapport en conséquence à la Chambre.

Voilà donc une possibilité. L'autre possibilité serait de ne rien faire, ce qui mettrait la réglementation en veilleuse jusqu'à ce qu'une nouvelle législature la ressuscite.

Mais je le répète, tout cela repose sur l'hypothèse que c'est notre dernière semaine de travail. Si nous sommes encore ici la semaine prochaine, de toute évidence le problème ne se posera pas.

John.

M. John Duncan: J'aurais une petite question à poser à ce sujet. Cette réglementation doit-elle être adoptée uniquement par l'une des Chambres? Qu'en est-il du Sénat?

Le président: Je l'ignore, John. D'après ce que j'ai pu en juger lors de cette conversation avec un représentant du ministère de la Santé ce matin, j'ai cru comprendre que le comité devait présenter un rapport et que ce rapport devait être adopté par la Chambre. Je ne pense donc pas que le Sénat doive intervenir, mais en fait je n'en sais rien.

M. John Duncan: Ce que je veux faire valoir, c'est que si le Sénat doit également intervenir, il est déjà trop tard pour nous si nous ne le faisons pas aujourd'hui même, à supposer toujours que ce soit notre dernière semaine.

Le président: Excusez-moi, mais j'aimerais demander à cette dame du ministère à qui j'en ai parlé un peu plus tôt de poser la question au ministère. Le Sénat doit-il lui aussi intervenir avant que la réglementation puisse être mise en oeuvre?

Fort bien; nous allons avoir la réponse à cela.

John.

M. John Murphy (Annapolis Valley - Hants, Lib.): Si nous convoquons des gens du ministère - et j'imagine que ce serait demain... il faut que d'une façon ou d'une autre cela puisse être mis au programme de la Chambre d'ici à vendredi.

Le président: Je pense que nous devons êtres réalistes. La seule façon de procéder, c'est d'avoir une réunion, car plus la semaine passe, plus il va être difficile d'avoir le quorum. J'ai demandé au greffier de nous réserver cet après-midi et demain après-midi, au cas où un de ces créneaux conviendrait à tout le monde. Mais de toute manière, tout cela est conditionnel.

M. John Murphy: C'est précisément ce que je disais, monsieur le président.

Le président: Je n'ai aucune idée préconçue dans un sens ou dans l'autre; tout ce que je veux, c'est satisfaire...

M. John Murphy: Si nous convenons d'avoir des audiences, serait-il quand même possible de faire rapport à la Chambre d'ici vendredi? Voilà ma question.

Le président: Je vais répéter, si vous le voulez bien. Je pense que si nous voulons agir - étant donné que nous avons le choix de nous en saisir ou de laisser le dossier en veilleuse...

M. John Murphy: J'ai compris.

Le président: ... si nous voulons agir, nous allons devoir le faire en une seule réunion d'une ou deux heures, en entendant les témoins du ministère, puis en jetant un coup d'oeil rapide sur la réglementation, pour enfin adopter une motion. L'autre solution serait de ne rien faire.

M. Harbance Singh Dhaliwal: Monsieur le président, sur un plan personnel, pour commencer, je ne serai plus disponible dès demain midi. J'ai d'autres engagements à Vancouver, de sorte que je ne pourrai pas être là.

Deuxièmement, j'ai le sentiment que dans ce dossier le temps est le facteur clé. Tout cela va être extrêmement difficile, ne serait-ce que pour avoir le quorum. Je me sens très mal à l'aise, après y avoir passé autant de temps, à l'idée de devoir passer tout cela à la vapeur en l'espace d'un jour, à moins que le ministère ne nous donne une excellente raison de le faire et ne nous explique de façon convaincante pourquoi cela ne nous a pas été présenté plus tôt. Je ne vois vraiment pas pourquoi nous n'aurions pas pu nous saisir de ce dossier à la fin de la semaine passée, ou encore hier, lundi, ou encore pourquoi nous n'aurions pas pu examiner la réglementation en même temps que nous étudiions le projet de loi.

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J'ai le sentiment que vous poussez le comité à adopter les choses rapidement. Je sais que nous avons consacré beaucoup de temps au projet de loi sur le tabac et que nous avons travaillé très tard pour pouvoir conclure notre étude. Nous avons travaillé très tard et nous avons travaillé beaucoup ici en comité pour y arriver. Pour être franc avec vous, je me sens assez mal à l'aise de me trouver ainsi encore une fois dans ce genre de situation, d'autant plus que les élections, semble-t-il, pourraient être déclenchées n'importe quand.

Le président: Juste une petite précision sur un des éléments que vous avez évoqués. Nous n'aurions pas pu travailler en parallèle sur la réglementation et le projet de loi, étant donné que seul l'amendement de Rose-Marie Ur allait nous contraindre à étudier la réglementation, et que cet amendement est survenu après coup, après la fin de notre étude du projet de loi.

Et puis le comité a le règlement depuis une semaine environ, mais on nous a dit qu'il nous était impossible de nous en occuper tant que le Sénat ne l'aurait pas étudié, ce qu'il a fait la semaine dernière. C'est pourquoi cela vous revient aujourd'hui. La semaine dernière, la question était toujours à l'étude au Sénat. Le Sénat ne s'en est pas occupé avant jeudi soir, je crois. C'est donc la première fois que nous pouvons nous pencher sur la question.

La réponse, John, c'est qu'il n'est pas nécessaire que cela soit soumis au Sénat.

Pauline.

[Français]

Mme Pauline Picard: Je suis d'accord avec M. Dhaliwal. C'est quand même un projet de loi sérieux. On a travaillé très fort lorsqu'on a procédé à l'audition des témoins. Il s'agit d'une question de santé qui touche les citoyens qu'on représente. Adopter des règlements à toute vapeur, ça fait sérieux. Je suis incapable de travailler ainsi.

Les membres de l'Opposition officielle et tous les autres sont occupés. Je ne serai pas ici jeudi. Si nous n'avons pas le choix et que nous devons travailler, il faudra le faire ce soir ou demain. J'ai beaucoup de difficulté à comprendre pourquoi à la dernière minute, à la dernière heure, on est obligés d'adopter des règlements qu'on n'a pas étudiés. On fait cela à toute vitesse. Qu'est-ce qu'on a l'air devant les concitoyens qu'on représente, alors qu'on essaie de leur démontrer notre sérieux? Je ne suis pas d'accord qu'on adopte ces règlements à toute vapeur. Il faudrait trouver une autre solution.

[Traduction]

M. Paul Szabo: Monsieur le président, que l'on s'entende bien, parce qu'il y a peut-être une façon de régler cela... Nous adoptons des lois et des règlements qui sont normalement approuvés par décret. Nous les avons reçus, Cela a déjà été fait. S'il n'y avait pas eu de résolution adoptée par mégarde à la Chambre, résolution exigeant que le décret soit soumis au comité avant que l'étude du règlement puisse aller plus loin... C'est un vice de procédure qui fait que nous en sommes saisis. Par définition, un règlement est très détaillé et détermine jusqu'à la grosseur et l'apparence du texte. Nous savons aussi aujourd'hui que l'industrie du tabac conteste la loi et que cela n'ira pas plus loin.

Je me range donc à l'avis de Mme Picard. Il ne serait pas raisonnable de demander aux députés de s'engager dans cette démarche, d'autant qu'ils n'auraient jamais été appelés à le faire si cette motion n'avait pas été adoptée à la Chambre sans vote. Cela a uniquement été adopté avec dissidence. La plupart des députés ne savaient même pas ce qui se passait.

Monsieur le président, au lieu de mettre ensemble à la disposition des tribunaux la loi et le règlement qui a été adopté par décret, le comité pourrait s'acquitter de la tâche que lui impose la motion, celle de Mme Ur, et se contenter d'en faire l'examen avant de faire quoi que ce soit d'autre.

.1120

J'ignore si ma proposition est régulière, mais je voudrais proposer que le règlement tel qu'il a été adopté par décret soit entériné sans autre forme d'examen par le comité et qu'il fasse l'objet d'un rapport aujourd'hui.

Le président: John Duncan.

M. John Duncan: Comme je ne suis pas membre régulier du comité et après avoir entendu les arguments de M. Szabo, pourrais-je avoir un avis indépendant...? Y a-t-il un conseiller juridique ici...

Le président: Non, mais...

M. John Duncan: ... qui puisse me dire ce qui est véritablement arrivé? Je viens ici représenter mon parti et je veux bien vous croire, mais j'aurais voulu avoir des... Le président peut-il me confirmer que c'est bien le cas?

Le président: Je peux vous renvoyer à l'un des documents. On nous en a donné trois, et le plus mince a une couverture en français, et dans le coin cela dit JUS, c'est-à-dire Justice, 1996, etc. Pourriez-vous lui donner une copie du document?

M. John Duncan: Merci.

Le président: La réponse à la question que vous posez se trouve en français sur la première page, mais si vous la tournez, vous verrez la version anglaise. On y dit qu'avis est donné que le gouverneur en conseil, le Cabinet, propose... Ce que M. Szabo a donc dit là-dessus est juste, à savoir que le Cabinet a étudié la question et propose maintenant... C'est l'avis qui a été publié dans la Gazette du Canada. Il ne fait donc pas de doute que le Cabinet s'est prononcé, et c'est ce qu'atteste ce document.

Vous me suivez?

M. John Duncan: Je vous suis. Ma question est la suivante: la modification adoptée par la Chambre reflétait-elle un virage à 180 degrés?

M. Paul Szabo: Si vous me le permettez, monsieur le président, il s'agissait d'une motion à l'étape du rapport proposée par Mme Ur. Normalement, le règlement est adopté par décret, et le comité ne le voit jamais. C'est ainsi qu'il est adopté. Dans sa motion, elle demandait qu'avant son adoption définitive le comité en soit saisi et puisse intervenir.

La démarche a été suivie, et nous en sommes saisis. Le comité peut décider de l'accepter tel quel ou, s'il y a lieu, examiner par exemple la question des affiches ou d'autres détails qui ne sont pas normalement explicités dans la loi. Nous pouvons nous acquitter de notre tâche en accusant réception du règlement tel qu'approuvé par le Cabinet, déterminer qu'il n'y a pas d'autres questions à étudier et présenter notre rapport. C'est une façon pratique de régler la question, ne serait-ce que parce que celle-ci sera maintenant transmise aux tribunaux.

M. John Duncan: Mais si le comité n'accepte pas votre motion, cela n'a-t-il pas pour conséquence pratique que le règlement ne peut pas aller plus loin malgré le décret, ou suivra-t-il la filière sans nous?

M. Paul Szabo: Ce que dit ma motion, c'est que nous décidons de nous en occuper immédiatement et de renvoyer le règlement sans y toucher.

M. John Duncan: Cela, je le comprends.

M. Paul Szabo: L'autre possibilité, ce serait de constituer un quorum et d'étudier le règlement avec toute l'attention que souhaitent les députés. Pour ma part, je ne veux rien de plus qu'accuser réception du règlement et le renvoyer à la Chambre.

M. John Duncan: Je comprends votre motion, mais je voudrais poser une question. Je ne sais pas à qui elle s'adresse, mais la voici: si on n'approuve pas la motion de Paul, est-ce que cela ne signifie pas dans la pratique que le règlement ne peut pas être mis en oeuvre malgré le décret?

.1125

Le président: C'est ce que m'a dit au téléphone ce matin un représentant du ministère de la Santé.

M. John Duncan: Puisque la loi fait l'objet d'une contestation, où est la difficulté? Il n'y en a pas. Pourquoi, par ses actes, le comité devrait-il aller à l'encontre d'une motion dûment adoptée par la Chambre s'il n'y a pas d'inconvénient à ne pas le faire? C'est votre raisonnement?

Le président: Herb.

M. Harbance Singh Dhaliwal: Monsieur le président, malgré tout le respect que je dois à mon collègue et ami, M. Szabo, il reste qu'une résolution a été adoptée par la Chambre. Il faut la respecter. Que ce soit le résultat d'une erreur ou d'un oubli, il faut respecter la résolution de la Chambre, qui nous ordonne d'examiner le règlement.

Je me souviens que pendant l'examen du projet de loi sur le tabac certains députés disaient que le comité devrait l'examiner en raison des pouvoirs qui sont conférés au ministre. On en a discuté, je m'en souviens. Un certain nombre de membres du comité l'ont dit.

L'amendement a été adopté à la Chambre. Il nous oblige à examiner le texte. M. Szabo, lui, propose de ne pas l'examiner et de le faire suivre ailleurs. À mon avis, cela irait à l'encontre d'une décision de la Chambre, et ce serait manquer au devoir que nous impose le projet de loi sur le tabac tel qu'il a été modifié. J'estime donc irrecevable la motion qui propose de ne pas examiner le texte et de le faire suivre ailleurs.

Le président: Je constate qu'il n'y a pas consensus. Je suis du même avis que M. Dhaliwal. Il faudra que je m'informe pour savoir si la motion est recevable...

M. Harbance Singh Dhaliwal: Elle ne l'est pas.

Le président: On aura beau débattre de sa recevabilité, le fait est qu'il n'y a pas consensus et que, à mon avis, nous ne disposons pas de l'information voulue. J'ai téléphoné trois fois au ministère ce matin pour en savoir davantage, et nous ne sommes pas plus avancés. Après avoir entendu tous les intervenants, j'estime qu'il n'y a pas consensus et que nous devons laisser les choses en plan.

M. John Duncan: Je pourrais avoir une précision? Y a-t-il un seul règlement en vertu de la Loi sur le tabac, ou y en a-t-il plusieurs, et ceci ne serait qu'un de ceux-là?

Le président: J'imagine qu'il n'y en a qu'un et qu'il pourrait être augmenté à condition de suivre à nouveau la filière.

Paul.

M. Paul Szabo: Lorsque le comité est saisi d'autres décisions qui se prennent par décret, comme les nominations, et quand la question nous est soumise une deuxième fois, par le passé nous avons décidé de ne pas réexaminer la question. Nous ne convoquons pas les candidats à un entretien, par exemple. Nous acceptons le décret sans examen détaillé. Ce n'est pas se soustraire à ses obligations. C'est reconnaître que nous n'avons ni les moyens ni les informations ni le temps voulu pour examiner tout ce qui nous est soumis.

Si j'ai bien compris la motion de Mme Ur, il s'agissait seulement de donner au comité la chance d'examiner le règlement. Mais si une disposition ne nous plaît pas, ils se contenteront de retourner au Cabinet pour demander des changements, et cela continuera à nous revenir.

En suivant la même logique, le comité pourrait dire: «Nous l'avons bien reçu, vous nous avez demandé de faire quelque chose, mais il n'y a pas grand-chose que nous puissions faire pour le modifier.» Le message, c'est que nous l'avons reçu, que la possibilité nous a été donnée, et si quelqu'un ici tient à discuter du règlement, il peut le faire, mais dans le cas contraire le comité se contente de le renvoyer.

.1130

Monsieur le président, j'ai proposé une motion. Je crois qu'il appartient au président de statuer sur sa recevabilité. Le fait que nous avons procédé ainsi pour les nominations par décret - d'ailleurs pour toutes les décisions prises par décret - et que nous n'avons pas fait le moindre examen montre bien que la motion est recevable et qu'elle doit faire l'objet d'un vote maintenant, à moins qu'il ne soit possible de la déclarer irrecevable.

Le président: Parlons un peu de l'horaire. Un autre comité va occuper la salle vers 11 h 45. À l'origine, c'était 11 heures, mais c'est maintenant 11 h 45. Il faut donc quitter les lieux dans cinq minutes ou à peu près.

Je vous signale aussi que le règlement nous a été renvoyé il y a deux semaines environ en vertu de l'article 32(2) du Règlement, qui autorise un ministre ou son secrétaire parlementaire, dans ce cas-ci M. Volpe, à renvoyer au comité tout document relié à une question à l'étude. C'est ainsi que cela nous est parvenu.

Cela n'est pas parvenu au comité par la voie de la modification du projet de loi proposée par Mme Ur. Le principe est le même, mais... Si nous acceptons que nous en sommes saisis en vertu de la modification qu'elle a fait apporter au projet de loi, voici ce que je propose.

Pour moi, il y a une distinction à faire. Les renvois au Comité des nominations par décret offrent un choix au comité, tandis qu'en vertu de la disposition introduite par Mme Ur, le comité est tenu d'examiner le règlement. Autrement dit, c'est obligatoire, et non pas facultatif. Je pense donc que la motion respecterait mieux l'objet de la loi s'il était précisé dans le libellé que le comité est réputé avoir passé en revue le règlement et qu'il le renvoie maintenant à la Chambre. De cette façon il pourra être renvoyé, et nous pourrons dire qu'il a fait l'objet d'un examen.

M. Paul Szabo: Pour moi, ce n'est qu'une question de formulation, et si cela facilite l'adoption de la motion, je n'ai pas d'objection.

Le président: Il faudrait statuer sur cette motion et en rester là. La motion de M. Szabo stipule que le règlement est réputé avoir fait l'objet d'un examen par le comité et est par les présentes renvoyé à la Chambre.

M. John Duncan: Nous usurpons les pouvoirs de la Chambre, et dire qu'il est réputé avoir fait l'objet d'un examen est un mensonge. Il n'a pas fait l'objet d'un examen. Il est impossible d'appuyer cette motion.

Le président: Y a-t-il d'autres interventions?

[Français]

Mme Pauline Picard: Moi, je suis d'accord avec le député réformiste.

[Traduction]

M. Harbance Singh Dhaliwal: Je suis d'accord avec vous. Je ne crois pas que ce soit recevable.

Le président: Il y a deux choses. Il ne fait pas de doute que c'est recevable. Cela peut être recevable sans que vous soyez d'accord. C'est une autre chose.

Comme membre du comité, ce n'est pas la motion qui me met mal à l'aise, mais le fait que nous nous retrouvions dans une situation comme celle-là ce matin: nous essayons d'accomplir notre tâche et nous cherchons en vain des moyens de le faire. C'est cela qui m'ennuie.

M. John Murphy: Pour moi, si le texte nous a été transmis, c'est précisément pour que nous en fassions l'examen, un point, c'est tout.

Le président: Oui.

Êtes-vous prêts à ce que l'on mette aux voix la motion de M. Szabo?

La motion est rejetée

Le président: Je pense qu'il faut en rester là. Je vous remercie de votre patience. Nous avons essayé.

La séance est levée.

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