Passer au contenu
;

FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 126 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 7 février 2019

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, qui poursuit son étude du rôle du Canada dans les mesures internationales de soutien du développement de la démocratie.
    Je crois comprendre que notre deuxième témoin, Thomas Axworthy, se trouve toujours au contrôle de sécurité. En attendant, je souhaite la bienvenue à Arjan de Haan, qui étudie les économies inclusives au Centre de recherches pour le développement international.
    Monsieur de Haan, peut-être que je peux vous demander de prononcer vos remarques liminaires, et nous pourrons ensuite entendre celles de Thomas Axworthy à son arrivée. Nous passerons ensuite à la période des questions. Vous avez 10 minutes. Vous pouvez commencer.

[Français]

    Mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
    Je m'appelle Arjan de Haan et je suis le directeur du programme Économies inclusives, qui comprend le programme Gouvernance et justice, au Centre de recherche pour le développement international.

[Traduction]

    Comme en 2007, nous avons l'honneur de comparaître aujourd'hui devant le Comité des affaires étrangères pour témoigner en faveur d'une étude actualisée sur le développement démocratique.
    Le CRDI est une société d'État qui contribue largement aux efforts du Canada en matière d'affaires étrangères et de développement international. Notre approche à l'égard du développement démocratique est fondée sur la conviction que les chercheurs et les décideurs devraient avoir le pouvoir d'éliminer les obstacles à la démocratie dans leur propre pays au moyen d'outils et de solutions ancrés dans les réalités locales.
    Un exemple actuel de cette approche est l'initiative à laquelle nous collaborons avec Affaires mondiales Canada intitulée Le savoir au service de la démocratie au Myanmar. Ce projet appuie la transition démocratique grâce à la recherche sur les politiques. L'objectif est de former une nouvelle génération d'acteurs étatiques et non étatiques qui participeront à un débat public ouvert, qui mèneront des recherches rigoureuses pour favoriser la prise de décisions fondées sur des données probantes, et qui encourageront les femmes et les autres groupes vulnérables à se faire entendre au gouvernement.
    Outre l'initiative au Myanmar, je souhaite vous donner trois exemples de la manière dont le CRDI appuie les recherches qui renforcent les fondements de la démocratie. Le premier exemple illustre comment des sources d'information fiables contribuent aux processus démocratiques. Les fausses nouvelles et les fausses informations sont d'une banalité alarmante dans le monde entier. Seulement la semaine dernière, en prévision des élections qui auront lieu ici cette année, le Canada a annoncé l'octroi de 7 millions de dollars à des programmes d'alphabétisation en vue d'aider les Canadiens à améliorer leur capacité d'analyser de manière critique les reportages d'actualité en ligne.
    Les rumeurs et les fausses informations peuvent être dangereuses: elles empêchent les gens de prendre des décisions éclairées; elles excitent l'hostilité, éveillent la suspicion et, dans le pire des cas, provoquent des violences et des conflits. Par exemple, dans le Sud-Est du Kenya, en 2012, des fausses rumeurs et des exagérations au sujet d'affrontements ou d'attaques imminentes ont alimenté de violents conflits entre deux groupes ethniques. Résultat: 170 personnes ont été tuées et 40 000 autres, déplacées.
    Le CRDI s'est associé à une organisation non gouvernementale de Toronto, The Sentinel Project, pour déterminer comment les rumeurs se propagent et comment les étouffer. On s'est rendu compte que cette crise s'expliquait surtout par le manque d'informations fiables dans la région. Dans la foulée de l'étude, une application de téléphonie mobile appelée Una Hakika a été lancée pour contribuer au rétablissement de la paix. Le principe est simple: lorsqu'une rumeur circule, les abonnés peuvent la signaler au service pour vérification. Les bénévoles de la collectivité et la police locale enquêtent sur la rumeur et rendent compte de la situation par messages texte, appels vocaux et Facebook. En deux ans seulement, environ 45 000 personnes utilisaient régulièrement ce service quotidien gratuit pour obtenir des informations exactes. La nouvelle s'est répandue et, en 2017, les services d'Una Hakika ont contribué à apaiser les tensions pendant les élections générales et présidentielles du Kenya.
    Aujourd'hui, ce service crucial rejoint 250 000 personnes de plus au Kenya. Il est également déployé à une échelle comparable au Myanmar, où un projet semblable dissipe les rumeurs anti-musulmans. Sa popularité ne cesse de croître, et nos partenaires vont maintenant adapter le service aux contextes locaux dans sept pays en Afrique, au Moyen-Orient et en Europe.
    Le deuxième exemple dont je veux vous faire part préconise la participation des femmes au gouvernement. Même si le point de vue des femmes est essentiel au développement de sociétés et de gouvernements véritablement démocratiques, elles ne sont toujours pas représentées adéquatement. Dans les parlements du monde entier, la participation des femmes stagne à seulement 24 %. Le groupe international appelé Partenariat pour un gouvernement transparent encourage la responsabilité et la réceptivité d'un gouvernement, mais seulement 1 % de ses 3 000 engagements vise les femmes.
    C'est pourquoi le CRDI appuie la nouvelle initiative Gouvernement ouvert et féministe. Elle repose sur les engagements en vigueur pour aider les femmes à se faire entendre au gouvernement. Cette initiative soutiendra la recherche sur les facteurs sociaux et culturels qui entravent la participation des femmes à la vie politique et elle dégagera des solutions pour accroître leur participation. L'initiative Gouvernement ouvert et féministe vise à faire en sorte que, d'ici la fin de 2019, 30 % des 79 pays membres prennent des mesures concrètes pour accroître la présence des femmes au gouvernement. Ces mesures peuvent, par exemple, consister à mettre en place de nouvelles politiques et de nouvelles pratiques.
    Le troisième exemple dont j'aimerais vous faire part porte sur la façon dont l'amélioration des services essentiels peut contribuer à stabiliser les conditions de vie des réfugiés et des pays qui les accueillent. La stabilité est la pierre angulaire du développement démocratique, bien sûr, mais avec plus de 68 millions de personnes en déplacement dans le monde, il est difficile d'y parvenir. De ce nombre, 25 millions de personnes ont dû fuir leur pays et sont considérées comme des réfugiées. Dans le monde, 85 % des personnes déplacées à l'étranger sont accueillies par des pays en développement, mais ceux-ci ont une capacité limitée pour les soutenir et les intégrer. Le fardeau social et économique est lourd. Les citoyens des pays d'accueil perçoivent souvent les nouveaux arrivants comme une menace pour leur bien-être. Cela attise les tensions et fait naître des mouvements populistes qui menacent de déstabiliser des pays et des régions entières.
(0850)
    Au Liban, pays qui a lui-même dû se reconstruire après la guerre, les réfugiés représentent une personne sur six. Là-bas, le CRDI subventionne des travaux de recherche visant à comprendre comment mieux exploiter les précieuses ressources du pays en matière de soins de santé et d'autres services, lesquelles sont limitées. La piètre qualité des données sur la santé fait en sorte qu'il soit difficile pour les décideurs d'évaluer les besoins avec précision et de fournir des services. À titre d'exemple, les réfugiés ont souvent des besoins particuliers en matière de soins de santé mentale.
    La recherche que nous appuyons permet de déterminer là où les ressources sont les plus nécessaires et comment les utiliser avec le plus d'efficience, d'efficacité et d'équité possible. Cette approche permet d'alléger le fardeau des soins de santé et de stabiliser la situation au Liban tout en améliorant les soins et les services pour les réfugiés qui en ont désespérément besoin.
    En conclusion, le CRDI voit la recherche comme un investissement à long terme qui produit des éléments probants et aide à prendre des décisions éclairées. Elle permet aussi de cerner les occasions de créer des sociétés favorisant l'égalité, l'équité, la diversité et la prospérité. Comme j'espère l'avoir illustré, le CRDI estime qu'on peut y parvenir en fournissant des sources d'information fiables pour contribuer aux processus démocratiques, encourager la participation des femmes au gouvernement et atténuer les facteurs qui pourraient déstabiliser des États déjà vulnérables.
    Comme j'espère que l'illustre notre témoignage, la recherche multisectorielle peut aider à promouvoir le développement démocratique. Notre approche vise à appuyer les fondements de la démocratie en donnant aux chercheurs et aux décideurs locaux les données de recherche et les outils nécessaires pour générer les éléments probants pouvant servir à bâtir des sociétés prospères et démocratiques. Nous estimons que, si elle est judicieuse, la recherche peut contribuer à inaugurer de nouvelles ères d'espoir et de changement.
(0855)

[Français]

    En terminant, j'aimerais remercier sincèrement le Comité d'avoir invité le CRDI à témoigner au sujet de cette étude de premier plan.
    Je serai heureux de répondre à vos questions sur notre travail et de communiquer des renseignements supplémentaires à vos bureaux.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous accueillons maintenant Thomas Axworthy, titulaire de la chaire sur la politique publique du Collège Massey à l'Université de Toronto.
    Monsieur Axworthy, vous avez 10 minutes pour prononcer vos remarques liminaires, avant que nous passions aux questions des députés.
    Je vous remercie de m'avoir invité.
    J'ai rédigé un document que je me ferai un plaisir de transmettre à la greffière après sa mise en page. Je vais m'y référer de temps à autre, et il constituera un outil plus détaillé que vous pourrez lire plus tard.
    Je suis heureux que le comité des affaires étrangères se penche sur la norme du Comité de 2007 et son rapport historique. J'aimerais commenter certaines des recommandations formulées dans ce dernier, vous dire pourquoi je pense qu'elles sont toujours valides et faire quelques observations sur ce qui a changé au cours de la décennie qui s'est écoulée depuis la production de ce rapport. J'aimerais aussi conseiller vivement au Comité de consulter les principales conclusions de ses prédécesseurs pour que le Canada, en cette période difficile que traverse le monde, énonce très clairement ses valeurs et crée des organismes et des institutions chargés de les appliquer.
    Le premier point, qui est au coeur du rapport de 2007, est que le développement démocratique constitue une part essentielle du développement global. Il est difficile de réduire la pauvreté et de donner aux gens de meilleures chances dans la vie lorsque les gouvernements qui les dirigent sont autoritaires et corrompus, et créent des divisions au lieu d'offrir des possibilités. Au début des années 1990, la Banque mondiale a énoncé le principe selon lequel la gouvernance devait être jugée comme faisant partie de l'approche globale du développement. Cela nous semble évident aujourd'hui, mais cette idée était révolutionnaire à l'époque.
    En 2007, le Comité a soutenu que le développement démocratique devait être une question centrale et qu'il devait devenir une priorité et une force motivatrice de la politique étrangère canadienne. Il avait toujours eu sa place dans la politique étrangère canadienne — je parlerai plus tard de M. Pearson — sans en avoir jamais été un élément central. Il ne s'agissait pas que de voeux pieux: le développement démocratique s'inscrivait dans l'approche globale, mais n'avait jamais été une force motivatrice ou directrice à l'égard des ressources ou des activités des hommes et des femmes au service d'Affaires mondiales et de notre infrastructure de politique étrangère. Le dernier comité a déclaré que cela devrait être le cas. Il l'a fait pour deux raisons, qui, selon moi, s'appliquent encore aujourd'hui.
    Il y a tout d'abord une question morale essentielle, le fait que la liberté et l'égalité des chances sont au coeur de l'identité et des traditions du Canada. Mais, pour les démocrates canadiens, il n'est pas suffisant de jouir de leur liberté. Il importe tout autant de faire de notre mieux pour nous assurer que le reste du monde est en mesure de le faire. Cette conclusion essentielle indique qu'il ne suffit pas de parler de nos valeurs; nous devons agir en fonction de celles-ci et faire en sorte que les pouvoirs gouvernementaux et la société civile les appuient.
    Deuxièmement, en 2007, le Comité a affirmé que la démocratisation n'était pas qu'une question morale — qu'elle avait également des répercussions claires sur la sécurité. Nous savons qu'il existe très peu de lois ou de semi-lois en matière de relations internationales. L'une d'elles est que les démocraties luttent rarement, voire jamais, l'une contre l'autre. Si l'une d'elles fait participer ses citoyens à un processus décisionnel, le goût de l'aventurisme en est nettement réduit, en particulier à l'encontre d'une autre démocratie. L'avancement de la démocratie et des droits de la personne dans le monde ont également des répercussions sur la sécurité.
    Les relations internationales nous ont appris qu'il est nettement préférable d'adopter une politique de prévention des crises que d'essayer d'y remédier après coup. C'est ce que permettent la protection des droits de la personne et le développement démocratique. En créant une culture fondée sur la liberté et le pluralisme, ce système permet la dissidence. Celle-ci ne dégénère donc pas nécessairement en guerre civile ou en violence. La démocratisation devrait donc être au coeur de notre politique étrangère pour des raisons tant morales que sécuritaires. C'est l'argument qu'on avait fait valoir en 2007.
(0900)
    Cela s'applique-t-il encore aujourd'hui? Si l'on observe les différentes vagues de démocratie, on constate que le comité a produit ce rapport à l'un des points culminants de la démocratisation. Presque tous les indices de mesure des relations internationales indiquaient de véritables progrès en matière de gouvernance et de démocratie. Le mouvement démocratique était à son zénith.
    Que s'est-il passé depuis? Mesdames et messieurs, la situation s'est nettement dégradée. D'après Freedom House, tous ces indices liés à la démocratie et à la liberté ont baissé pendant 13 années consécutives. Son rapport de 2019 est paru il y a quelques jours. En 2018, il indiquait qu'environ 39 % de la population mondiale était libre, que 37 % des gens vivaient dans des sociétés répressives et autoritaires, et que 37 % encore étaient partiellement libres.
    Près de 40 % de la population mondiale vit sous un régime autoritaire. Plusieurs indices nous montrent que, par exemple, cette année, le nombre de personnes libres a diminué de 35 % en Turquie, de 27 % au Venezuela, de 30 % en République centrafricaine, etc. Ce que j'essaie de vous dire, c'est que si la démocratisation était une initiative utile et importante en 2007, elle l'est encore bien plus aujourd'hui. Sa nécessité n'a jamais été aussi pressante. Nous avons connu plus d'une décennie de graves difficultés dans ce domaine.
    Pour ce qui est de la sécurité, nul besoin de vous dire que cette semaine, à Ottawa, s'est tenu la réunion des nations au sujet du Venezuela. Ce n'est que la dernière crise qui témoigne de ce qui se produit lorsque l'autoritarisme croît pour s'emparer d'une société et provoquer des conflits. Trois millions de Vénézuéliens ont fui, soit près de 10 % de la population du pays. Un million d'entre eux se trouvent maintenant en Colombie, autre pays qui fait de gros efforts de démocratisation, et qui a de graves difficultés à répondre à la crise des réfugiés. En Syrie, nous savons que la crise a fait six millions de réfugiés et des centaines de milliers de victimes. Ce conflit est déstabilisant, non seulement au Moyen-Orient, mais également dans toute l'Europe. Ces deux aspects sont plus importants que jamais.
    Quelle a été la cause de l'énorme déclin qui s'est produit ces 10 dernières années? Je vais répondre à cette question, puis je conclurai en parlant de ce que le Canada peut faire à cet égard en appliquant certaines des recommandations centrales du rapport de 2007.
    Que s'est-il passé? L'un des principaux éléments est l'assurance nouvelle des États autoritaires. La Russie est désormais un important perturbateur. Un autre aspect, qui diffère de la situation de 2007, contribue à cette perturbation. Il s'agit de l'efficacité des outils de la cybersécurité et de la cyberguerre. Un groupe d'analystes peut désormais se réunir pour déstabiliser un pays, susciter des émotions, utiliser Facebook, et ce, pour un prix dérisoire. Ces outils sont très souples et sont utilisés par des personnes qui ne partagent pas notre système de valeurs.
    La Chine possède l'initiative de la Ceinture et de la Route. Il s'agit du plan de développement économique le plus important depuis le plan Marshall, dont la valeur s'élève à près de 1 billion de dollars. Elle comporte bien des aspects positifs. On peut affirmer avec certitude que les droits de la personne et la démocratie ne font pas partie des nombreux objectifs de cette initiative. À mesure que la Chine élargit son influence dans le monde, le camp de l'autoritarisme voit ses forces croître.
(0905)
     Deuxièmement, il y a eu un recul prononcé de l'aide à la démocratie. Quand nous examinons les pays qui ont dirigé l'effort démocratique pendant de nombreuses années — notamment au milieu des années 2000 lorsque le rapport a été rédigé —, force est de constater que l'Europe subit maintenant les contrecoups des débats sur les réfugiés et l'immigration, débats qui découlent, en partie, de la crise syrienne.
    Le nationalisme populiste amène beaucoup de pays à se replier sur eux-mêmes. L'objectif d'améliorer le sort d'autrui, un objectif tourné vers l'extérieur, est en plein déclin à mesure que les pays se battent pour maintenir leurs normes démocratiques à l'intérieur de leurs frontières.
    S'ajoute à cela, bien entendu, l'exemple des États-Unis, à qui nous devons la création du National Endowment for Democracy au début des années 1980, mais dont le président actuel appuie ou, à tout le moins, reconnaît des régimes autoritaires aux quatre coins du monde, alors qu'il s'attaque à bon nombre des institutions démocratiques, comme la presse libre et les médias libres.
    Thomas Carothers, le grand théoricien en matière de démocratie, affirme qu'il existe aujourd'hui, aux États-Unis, un « syndrome du soulagement autocratique » en faveur des dictateurs, compte tenu de la violence verbale exercée par le président. En tout cas, il suffit de dire que le nombre de défenseurs de la démocratie a diminué. Le problème s'est aggravé, mais le soutien a décliné. La situation est donc très différente de celle de 2007.
    En dernier lieu, monsieur le président — et je ne veux pas prendre trop de temps —, que peut faire le Canada? Nous avons déjà commencé à prendre quelques mesures. Il faut dire que nous avons une longue tradition. En 1949, lorsque l'OTAN a été créée, l'une des grandes initiatives de politique étrangère canadienne, sous l'égide de M. Pearson et de bien d'autres... N'oublions jamais que c'est M. Pearson qui est à l'origine de l'article 2, au terme duquel les pays membres de l'OTAN s'engagent à renforcer leurs institutions éprises de liberté. Par conséquent, dès le début, lorsque nous avons commencé à bâtir le monde de l'après-guerre au Canada, la liberté et ce genre d'institutions se trouvaient au coeur de ces efforts.
    Vint ensuite le gouvernement Mulroney, qui a réagi très favorablement au comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes en créant l'organisme Droits et Démocratie, une initiative très bien accueillie lancée par le même gouvernement en 1988.
    Là où je veux en venir, c'est que l'appui à la liberté, à la démocratie et aux possibilités économiques se veut un engagement multipartite au Canada. Personne ne s'y oppose. Les exemples ne manquent pas. Songeons à l'initiative de Pearson, à celle de Mulroney. Au milieu des années 1990, M. Chrétien a présenté un manuel sur la gouvernance démocratique, qui allait devenir l'un des thèmes de l'ACDI. Au cours des 10 prochaines années, il a consacré environ 1,5 milliard de dollars à 900 projets axés sur la gouvernance démocratique. Nous avons donc commencé à utiliser des sommes considérables au sein de l'ACDI.
    Ensuite, sous le gouvernement de M. Harper...
    Monsieur Axworthy, si je peux me le permettre...
    Oui.
    Comme je veux qu'il y ait du temps pour une série de questions, je vous prierais de bien vouloir...
    Ce n'est qu'une phrase..
    Allons-y.
    Le gouvernement de M. Harper a réagi très favorablement au rapport de 2007. Ainsi, le discours du Trône prévoyait la création du genre d'institutions recommandées dans le rapport de 2007. En effet, le gouvernement a créé un comité consultatif chargé d'élaborer un plan détaillé pour déterminer comment mettre en oeuvre un tel objectif.
    Tout ce travail est donc déjà fait, mesdames et messieurs. Je vous dirais que la raison d'être du rapport de 2007 est toujours aussi importante. Nous nous penchons sur cette question depuis des décennies. Le besoin est là maintenant. Nous comptons sur vous pour reprendre le flambeau laissé par vos prédécesseurs.
    Je vous remercie.
(0910)
    Merci beaucoup.
    Passons tout de suite aux questions. Le Comité reçoit aujourd'hui une invitée, soit la députée Kusie. C'est elle qui ouvre le bal.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je pensais que j'allais être la deuxième intervenante et que les députés ministériels allaient prendre la parole en premier, mais cela ne me dérange pas.
    Messieurs Axworthy et de Haan, merci beaucoup à tous les deux d'être ici aujourd'hui. Je suis vraiment heureuse de pouvoir m'entretenir avec vous.
    Monsieur de Haan, j'étais au Kenya cet été. Le travail en matière de transfert des pouvoirs là-bas a vraiment favorisé les processus démocratiques du pays. Cela permet de rapprocher le gouvernement de la population à mesure que les pouvoirs sont dévolus.
    Avant d'être députée, j'ai travaillé à Affaires mondiales Canada pendant 15 ans en tant qu'agente du service extérieur. J'ai mené une carrière incroyable à l'étranger, surtout en Amérique latine. J'ai été adjointe au chef de mission à deux reprises. Manifestement, la démocratie était un des grands thèmes.
    Plus récemment, et c'est la raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui en remplacement de notre ministre du cabinet fantôme pour les affaires étrangères, Erin O'Toole — qui, selon moi, a su défendre à merveille la démocratie au nom de l'opposition officielle et des Canadiens —, j'ai été nommée ministre du cabinet fantôme chargée des institutions démocratiques.
    Monsieur Axworthy — et monsieur de Haan aussi —, vous avez parlé de la technologie, plus précisément de la dispersion des cybermenaces. Bien entendu, à mesure que nous nous dirigeons vers les élections de 2019, je trouve très important que nous protégions nos processus électoraux contre des influences étrangères négatives, comme celles que nous avons observées lors des dernières élections. En fait, le Centre de la sécurité des télécommunications a prévu qu'il y aurait une augmentation considérable de ces menaces en 2019 par rapport à la situation en 2015. Évidemment, c'est ce que nous avons vu dans le cas du Brexit et dans le processus démocratique des États-Unis menant à l'élection de leur président.
    Par ailleurs, je suis très fière d'être membre de la Commission trilatérale, aux côtés de Mme Laverdière, ici présente. Lors de notre dernière réunion à Silicon Valley, certains membres ont indiqué que, selon eux, l'année 2018 était considérée dans le monde entier comme l'année où la démocratie avait pris un mauvais tournant.
    Cela dit, monsieur Axworthy, il est très intéressant de vous entendre affirmer que les gestes sont plus éloquents que les paroles. Nous, les conservateurs, sommes ici, bien entendu, en tant que membres de l'opposition officielle.
    Je tiens d'abord à féliciter le gouvernement de mettre de l'avant cette initiative conservatrice de l'ère Harper, lorsque le gouvernement de l'époque défendait résolument la démocratie à l'étranger. Je songe à mes prédécesseurs, à Jason Kenney, à qui j'ai succédé dans ma circonscription, et à John Baird, pour qui mon mari a travaillé pendant un bon bout de temps. Voilà des gens qui ont défendu fermement la démocratie, au pays comme à l'étranger.
    C'est pourquoi nous disons que les gestes sont plus éloquents que les paroles. Toutefois, n'est-il pas vrai que ce sont les gestes et les paroles de nos plus grands dirigeants qui ont eu le plus de répercussions sur la démocratie à l'étranger?
    Monsieur Axworthy, vous avez parlé des diverses démocraties qui sont en chute libre un peu partout dans le monde à l'heure actuelle. Qui est responsable, au bout du compte, du Venezuela? C'est Maduro, dans le sillage de Chavez. Il s'agit d'un facteur important. En Russie, c'est Poutine qui détient la clé de la démocratie — ou, plutôt, de son absence. En Turquie, c'est Erdogan.
    Comme je l'ai mentionné, je suis très fière du bilan des conservateurs, grâce aux efforts de dirigeants qui ont su réellement défendre la démocratie. J'aimerais donc poser la question suivante — et elle s'adresse peut-être à vous, monsieur Axworthy: n'êtes-vous pas d'avis que, lorsque notre actuel premier ministre fait des choses comme vanter les mérites de la dictature chinoise, cela risque d'être perçu très négativement à l'échelle internationale? Cela pourrait même contrecarrer une initiative aussi formidable que celle dont nous sommes saisis.
    Les dirigeants qui parlent beaucoup font toutes sortes de déclarations. Pour en revenir à ce que vous avez dit au sujet de la Chine, je pourrais également produire des centaines de communiqués de presse où l'on fait l'éloge d'un pays démocratique donné, des droits de la personne et des valeurs connexes. Une des forces du bilan que je viens de décrire, c'est que ce travail s'est fait de façon non partisane. Tous les partis s'entendent sur ces valeurs, et le rôle des parlementaires et du gouvernement est de trouver un moyen efficace de les concrétiser.
    Je peux mentionner, par exemple, le travail que j'ai accompli dans le domaine du développement de la démocratie, à titre de bénévole auprès de NDI et d'autres organismes en Ukraine et ailleurs. Nous avions là-bas d'anciens députés néo-démocrates, conservateurs, libéraux, ainsi que d'anciens conseillers municipaux — des hommes et des femmes qui se battaient farouchement, dans un esprit partisan, lorsqu'ils siégeaient au Parlement ou à leur assemblée législative provinciale. Cependant, lorsqu'ils étaient à l'étranger, ils travaillaient ensemble pour favoriser une plus grande égalité pour les femmes et accroître leur nombre au sein des parlements, en plus d'appuyer des partis. Lorsque nous sommes à l'étranger, nous misons sur tout ce qui nous rassemble, d'où la présence de conseillers canadiens de différentes allégeances qui travaillent en équipe pour la démocratie au sein des diverses organisations dans lesquelles nous oeuvrons.
    Je ne nie pas que les paroles sont aussi importantes que les gestes. Il y a un très large consensus dans notre pays et dans le milieu de la politique étrangère sur l'importance de cet aspect, et les enjeux qui nous divisent sur le plan politique au Canada finissent par nous unir quand vient le temps d'intervenir à l'étranger.
(0915)
    Merci beaucoup.
    Madame Vandenbeld.
    Merci beaucoup à vous deux.
    Mes questions s'adressent plus particulièrement à M. Axworthy. Notre première conversation à ce sujet remonte à l'époque où je travaillais pour le tout premier ministre chargé de la réforme démocratique, sous le gouvernement de Paul Martin, et ce dossier était alors à l'étude. Je crois que vous aviez proposé la création d'un institut canadien pour la démocratie.
    En effet.
    Votre proposition s'inscrivait dans le droit fil de certaines des recommandations faites en 2007. Est-elle toujours pertinente? En fait, vous avez dit très clairement que la réponse à cette question est oui, absolument.
    La question suivante porte sur certains aspects précis de ce que vous appelez le plan détaillé pour cet institut. Nous avons entendu des témoignages selon lesquels un tel organisme devrait relever du Parlement. Il faudrait que ce soit bien financé et doté des capacités nécessaires pour mobiliser certaines des compétences et des ONG déjà en place.
    Pourriez-vous nous donner plus de précisions sur cet aspect et sur ce qui a été proposé par votre comité consultatif de 2009? Le plan détaillé est-il toujours pertinent? Je crois que vous aviez recommandé quelque chose de semblable à l'Institut néerlandais pour la démocratie multipartite. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Nous venons de discuter, il y a un instant, du bon travail qu'effectue le ministère des Affaires mondiales depuis de nombreuses années dans ce dossier. Le rapport de 2007, et celui du comité consultatif de 2009, reposent sur l'argument selon lequel il faut, en plus de ce travail et de cette expérience, un nouvel instrument doté d'une plus grande souplesse, à savoir un organisme autonome qui rendrait des comptes au Parlement, mais qui serait indépendant du gouvernement. C'est un outil de plus qui peut s'ajouter à notre trousse quand vient le temps d'essayer de promouvoir la démocratie et les droits de la personne. Les ambassadeurs sont des gens très occupés. Ils mènent une foule d'activités. Oui, ils doivent, on l'espère, promouvoir la démocratie et les droits de la personne, mais ils font aussi la promotion du commerce, en plus de s'occuper d'une série d'activités consulaires. Ils ont des horaires très chargés. Ce qu'il faut, c'est un organisme qui s'emploie tous les jours à traiter le genre de questions que nous avons évoquées.
    Je dirais que la question vénézuélienne relève de la haute politique ou de la haute politique démocratique. Elle exige l'intervention de la ministre des Affaires étrangères et du premier ministre. Toutefois, la plupart de ce qu'on fait en matière de développement démocratique relève de la basse politique. Il s'agit de construire la démocratie, une brique à la fois, en instaurant des systèmes judiciaires, en travaillant dans des villages. Il faut donc un organisme doté d'hommes et de femmes qui peuvent s'entretenir non seulement avec les chefs de l'opposition, lesquels pourraient ne pas jouir des bonnes grâces du gouvernement, mais aussi avec la société civile.
    Un organisme indépendant peut faire des choses que les ambassadeurs ne peuvent pas. Comme votre comité l'a sûrement entendu dire — et je sais que les représentants de NDI et de l'International Republican Institute sont venus vous parler —, nous avons une énorme capacité au Canada. Partout dans le monde, des Canadiens donnent des conseils sur des questions comme l'élaboration d'une charte des droits, le système judiciaire, le fédéralisme, le développement des partis. Tous les pays du monde, sauf le Canada, emploient des Canadiens pour s'occuper de ces questions. Nous n'avons pas réuni ces gens dans un organisme spécialisé afin qu'ils travaillent ensemble. Il s'agit là d'une occasion perdue, car nous ne disposons pas d'un organisme doté d'une telle souplesse. C'est donc important.
    Comment alors faut-il s'y prendre? Oui, l'organisme devrait rendre des comptes au Parlement. Il devrait avoir un conseil d'administration, de taille relativement modeste, mais il devrait aussi être guidé par un groupe consultatif beaucoup plus vaste, que j'appellerais un conseil de la démocratie, dans le cadre duquel on ferait appel à des intervenants. Le conseil d'administration devrait être composé non seulement de Canadiens, mais aussi de personnes d'autres nationalités qui sont bénéficiaires du programme et qui viennent des pays que nous essayons d'aider. Les membres du conseil d'administration devraient être nommés à la suite de consultations multipartites. Tout le monde devrait être consulté au sujet de la composition du conseil d'administration.
    Dans le rapport de notre comité consultatif, nous avons présenté différentes options de budgets pour montrer ce qu'il serait possible de faire avec des crédits annuels de 30, 50 et 70 millions de dollars. Si nous jetons un coup d'oeil à NDI et à certaines fondations européennes, leurs budgets varient de 100 à 125 millions de dollars. Tout budget de l'ordre de 100 millions de dollars est considérable. Nous avons recommandé de commencer à 30 millions de dollars pour ensuite passer à 50 millions de dollars, puis à 70 millions de dollars sur une période de plusieurs années.
    Nous avons établi des modèles qui montrent comment le tout peut fonctionner. L'un des principaux attributs devrait être le travail à l'échelle locale. Il est impossible de faire marcher la démocratie s'il y a un roulement incessant d'experts-conseils. Il faut vraiment des gens sur le terrain. À cette fin, nous avons recommandé qu'il y ait des bureaux locaux dans les pays qui revêtent une importance particulière; ces bureaux feraient le travail quotidien que les ambassadeurs n'ont pas le temps d'effectuer. Or, les bureaux locaux coûtent entre 3 et 5 millions de dollars sur le plan de leur fonctionnement continu. Par conséquent, la taille de votre budget dépend du nombre de bureaux locaux que vous avez, ainsi que des coûts liés aux programmes et des subventions accordées à d'autres organisations.
    Nous avons élaboré le plan détaillé des budgets pour trois différents types de financement, le tout accompagné de recommandations sur la structure du conseil d'administration, la composition du conseil de la démocratie et les programmes que le centre devrait mettre en oeuvre au chapitre des évaluations, de la recherche, etc.
(0920)
    Merci.
    Vous avez dit que des Canadiens font ce travail aux quatre coins du monde, sauf au Canada. Surtout dans le monde actuel, où nous voyons les Américains se retirer quelque peu de ce domaine alors qu'ils ont toujours dirigé cet effort, quelle est la position particulière du Canada à cet égard? Quel est notre créneau? Est-ce un atout que le Canada pourrait inscrire au coeur de son identité dans le monde et de sa politique étrangère?
    Oui.
    Monsieur Axworthy, il ne nous reste plus de temps pour cette question, mais vous aurez peut-être l'occasion d'y revenir plus tard.
    Sur ce, je cède la parole à Mme Laverdière.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux de votre présentation ce matin.
    Monsieur Axworthy, vous avez décrit la situation d'une façon qui correspond à une expression que j'aime bien dire:

[Traduction]

le développement démocratique n’est pas seulement la voie qu’il convient de suivre, mais c’est aussi un choix judicieux.

[Français]

    D'accord.
    Cependant, je vous contredirais un peu sur l'aspect de l'engagement non partisan envers la démocratie en ce qui concerne le type d'institutions que vous décrivez. Vous avez parlé de l'organisme Droits et démocratie, qui a été créé de manière non partisane et qui a littéralement été tué et éliminé par le gouvernement Harper. Il faut s'en souvenir et apprendre des leçons du passé.
    Je reviens maintenant sur la question de la Chine.
    Effectivement, dans le cas de la Chine, il n'y a pas seulement les nouvelles routes de la soie. On parle aussi du Venezuela. On sait que les Chinois y sont très présents. L'outil de base, pour la Chine, c'est évidemment l'argent. Les Chinois arrivent et investissent un peu partout.
    Pendant ce temps, au Canada, on a ces beaux discours sur la promotion de la démocratie et tout cela, mais on est un peu le cancre de la classe en matière de développement, d'investissements dans le développement international, incluant le développement démocratique.
    Trouvez-vous que ce serait une bonne idée d'avoir un échéancier pour atteindre notre objectif de 0,7 % auquel nous nous sommes engagés?

[Traduction]

    C’est de votre centre dont il est question.
    Ah...
    Devrions-nous viser ce 0,7 %? Dites « oui ».
    Des voix: Oh, oh!
    Madame Laverdière, je ne pensais pas que la question s’adressait à moi, ce qui explique ma légère surprise.
    Évidemment, en tant que société d’État, nous ne nous prononçons pas sur les politiques du gouvernement, dont cet engagement de 0,7 %. Le travail du Centre de recherches pour le développement international est, bien sûr, d’être le gardien des engagements que les contribuables canadiens ont pris, et de le faire de la meilleure façon possible.
(0925)
    D’accord, mais présumons qu’avec plus d’argent, vous pourriez faire davantage.
    Je crois qu’il est raisonnable de penser cela.
    Nous gérons les crédits budgétaires du Parlement canadien, et nous sommes fiers de le faire de la meilleure façon possible.
    Quand j’écoute M. Axworthy, je vois de nombreuses raisons d’en faire plus. Les idées qu’il avance sont en complémentarité avec ce que fait le Centre de recherches pour le développement international, parce que nous travaillerions — et que nous avons le réseau pour le faire — avec des partenaires locaux pour promouvoir ces enjeux, pour promouvoir ce que vous avez appelé, je crois, la « politique de terrain ».
    Je ne voulais pas vous mettre sur la sellette, mais d’après les propos tenus par monsieur Axworthy, je crois comprendre qu’il est d’accord pour dire que ce serait une bonne idée d’établir cet échéancier pour atteindre les 0,7 %.
    C'est exact.
    Je vais revenir à une autre question. Je ne le fais pas très souvent, mais je vais raconter une histoire personnelle.
    Je me souviens d’avoir été à Dakar, au Sénégal, lors d’une élection démocratique qui s’est soldée par la transition d’Abdou Diouf à M. Wade. Le lendemain des élections, les gens m’appelaient pour me dire: « Oh, Hélène, merci au Canada pour cette transition démocratique ». J’ai donc demandé à ces gens qui occupaient des postes très importants pourquoi ils me remerciaient. La raison en était que nous avions une école de journalisme à Dakar, et que les gens avaient l’impression que c’était le travail accompli sur le terrain par tous ces journalistes formés par le Canada qui avait vraiment fait une différence.
    Ce programme a malheureusement pris fin, à Dakar en tout cas. Si nous examinons les outils dont nous disposons — et ce programme était assurément l’un d’eux —, quelles sont, selon vous, les principales choses qui nous manquent actuellement pour faire la promotion de la démocratie en général?
    Je suis désolé. Nous ne savions pas si la question s’adressait à nous deux.
    Oui, elle s’adressait à vous deux.
    Il y a tellement d’aspects sur lesquels on peut travailler en démocratie, et ces aspects varient selon les différentes sociétés. Il n’y a pas de procédé universel. Je dirais qu’au nombre des domaines où notre travail a été le moins fructueux, il y a la gestion des partis et les organisations connexes.
    Les partis sont l’essence même de la démocratie partout dans le monde. Ils sont parfois impopulaires auprès du grand public, mais pour avoir des démocraties qui fonctionnent bien, il faut des partis bien organisés. Nous avons une forte tradition en matière de droits de la personne. Nous avons une très forte tradition en matière d’administration locale. Grâce au Centre de recherches pour le développement international, nous avons une solide tradition en ce qui concerne les théories plus générales sur la façon de travailler dans le domaine du développement. Quand je regarde le large éventail de choses qui ont besoin d’être améliorées, je constate que c’est sur les systèmes de partis que nous avons le moins travaillé.
    Je vais reformuler une partie de la réponse à la question précédente, à savoir qu’en tant que Canadiens, nous devrions, de façon générale, être extrêmement fiers des activités que nous avons menées en matière de démocratie. Nous avons été l’une des premières administrations à mettre sur pied une commission de délimitation des circonscriptions électorales indépendante pour qu’il n’y ait pas de remaniement électoral. Nous avons Élections Canada, une organisation absolument exemplaire. Au chapitre des indices sur la façon dont une démocratie devrait être gérée par ses institutions, le Canada est presque toujours parmi les meilleurs, parce que nous avons des systèmes justes et équitables. Et c’est comme cela que nous fonctionnons depuis un bon moment déjà.
    Un domaine où nous nous débrouillons bien, mais pour lequel nous n’avons pas fait grand-chose, c’est la gestion des partis, notamment pour ce qui est de soutenir la parité des sexes.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous allons maintenant passer au député Wrzesnewskyj.
    J’aimerais poser ma première question à M. de Haan et mettre l’accent sur la façon dont nous faisons les choses.
    Le projet Sentinel est extrêmement encourageant. Il s’attaque à ce que je suppose être, dans la plupart des cas, des rumeurs interethniques latentes qui conduisent, comme vous l’avez dit, à des soupçons susceptibles de générer des conflits et des violences. Le succès de ce type de projet est encourageant.
    Que se passe-t-il lorsqu’un gouvernement amorce méthodiquement et méticuleusement un conflit interethnique, par opposition à ce qui se passe lorsque ces conflits surviennent de manière organique?
    Permettez-moi de parler du travail que nous avons essayé de faire au Myanmar. Nous avions de grands espoirs. C’était presque l’euphorie. Nous avons accordé la citoyenneté à certaines personnes et, quelques années plus tard, il y a eu un génocide. De toute évidence, nous nous sommes trompés. Nous n’avons pas su voir les processus qui étaient déjà en place.
    Avez-vous des idées sur un style de projet qui pourrait être différent? Et pendant que nous y sommes, permettez-moi de parler d’une autre partie du monde. Nous avons un projet de stage parlementaire à l’intention des jeunes étudiants ou diplômés ukrainiens, qui dure depuis environ 25 ans. Ce n’est pas un projet gouvernemental. En fait, il s’agit d’un projet de la diaspora. Je pense qu’ils sont plus de 1 000 qui évoluent maintenant au sein des différents paliers gouvernementaux: municipal, régional, provincial et fédéral. Certains sont devenus des ministres, des maires, etc. L’expérience qu’ils ont reçue ici a été inestimable.
    Ne pensez-vous pas qu’il faudrait axer votre organisme — ou en créer un autre à cette fin — sur ces démocraties émergentes, ces pays en transition, pour faire...?
    Ces choses-là n’arrivent pas du jour au lendemain. Nous avons cru que nos efforts au Myanmar allaient mener à quelque chose. C’est un long processus. Il est très facile de perturber la démocratie. Poutine trouve cela incroyablement facile.
    Ne devrions-nous pas nous pencher sur ce genre de projets? Ensuite, en ce qui concerne les partis, ne devrions-nous pas avoir des stages parlementaires pour ces pays, stages à l’occasion desquels les parlementaires viendraient passer du temps dans nos bureaux, tout comme ces jeunes leaders qui sont ensuite devenus des leaders nationaux dans leur pays?
    J’aimerais savoir ce que vous en pensez.
(0930)
     Bien sûr, le génocide au Myanmar fait frissonner et nous nous demandons si nous avons eu raison. Merci beaucoup de cette question.
    En ce qui concerne le CRDI, le projet Sentinel au Myanmar et les exemples de formation de journalistes dont Mme Laverdière a parlé sont toutes des options que nous voulons appuyer et que nous appuyons. Comme je l’ai mentionné, le projet Sentinel en est un exemple. Nous travaillons avec une organisation canadienne qui s’est engagée à numériser la technologie. Le CRDI cherche ensuite à collaborer avec des partenaires locaux qui peuvent s’attaquer à ces problèmes, car, bien entendu, ce n’est pas quelque chose que nous pouvons faire depuis le Canada. Bref, nous collaborons avec des organisations locales pour faire avancer nos principes démocratiques et voir comment nous pouvons aider les militants locaux à faire de même.
    Le programme au Myanmar a été lancé avant le génocide, à l’époque où nous... C’était en 2007, c’est-à-dire au moment où l’espoir d’une démocratie grandissait. Bien sûr, il y a eu un énorme recul, et nous réfléchissons constamment à la meilleure façon de réagir à cela, compte tenu du contexte. La réponse, et nous l’avons souvent... Lorsqu’il a pris la parole à l’occasion d’une réunion du CRDI au sujet du Myanmar, l’honorable Bob Rae a fait un parallèle avec le travail accompli par le Canada lors de l’abolition de l’apartheid, soulignant qu’après la transition, on avait constaté que la moitié des membres du premier parlement de Nelson Mandela étaient des personnes qui avaient participé à des projets canadiens.
    Ces projets n’avaient pas d’intention précise sur le type de démocratie qui devait être mis en place. Ils visaient tous à jeter les bases de la démocratie, à instaurer les processus sous-jacents.
(0935)
    Merci.
    Comme notre temps est limité, je dois vous interrompre.
    Je m’excuse de cela.
    Pensez-vous que ce genre de projets, y compris les stages parlementaires, seraient utiles? Répondez simplement par oui ou par non.
    Oui.
    Pour ce qui est des détails et de la vue d’ensemble, vous avez dit qu’à l’échelle mondiale, on avait constaté un glissement manifeste de la démocratie au cours des 14 ou 15 dernières années. Il y a deux jours, le président de l’International Republican Institute, M. Twining, a comparu devant le Comité. Certains d’entre nous ont eu l’occasion de discuter avec lui après la séance. Quelqu’un lui a demandé dans quel pays nous devrions travailler plus particulièrement. En fait, s’il avait un seul pays à choisir, lequel choisirait-il? Il a dit que c’était un choix difficile, mais que s’il devait n’en choisir qu’un, ce serait l’Ukraine. Puis il a expliqué pourquoi.
    De toute évidence, je…
    Monsieur Wrzesnewskyj, votre temps de parole est écoulé. Je crois que votre question s’adresse à M. Axworthy.
    C'est exact.
    Monsieur Axworthy, avant que nous passions au prochain intervenant, voulez-vous répondre à cette question en nous disant quel pays vous choisiriez?
    J’ai travaillé en Ukraine, alors je suis d’accord avec ce choix.
    D’accord. Merci beaucoup.
    Monsieur Saini, nous vous écoutons.
    Merci d’être venus aujourd’hui. Je tiens d'abord à rétablir les faits. L’organisme Droits et Démocratie a été supprimé par l’ancien gouvernement Harper. Le ministre des Affaires étrangères de l’époque, John Baird, a charcuté cet organisme en disant vouloir faire des économies. Pour un organisme qui coûtait 1,9 million de dollars sur un budget totalisant les 300 milliards de dollars dans une économie de 1 700 milliards de dollars, je ne sais pas où sont les économies. Or, comme je tends à l’impartialité, je vais vous poser une question plus pertinente.
    Lorsque nous parlons de gouvernance démographique, il y a certains éléments du passé qui existent encore, notamment dans les endroits où les frontières sont mal définies, et qui sont en proie à des tensions ethniques et à des guerres tribales. Ces éléments ont toujours existé, mais de nouveaux éléments sont en train d’émerger. Je parle ici des pays de Visegrád, où l’on constate l’existence d’entités politiques qui affaiblissent les institutions, même sous prétexte d’être démocratiques.
    Vous avez aussi parlé de l’essor des médias sociaux, ce qui est aussi quelque chose qui ne s’était jamais produit auparavant. Plus important encore — et c’est une question à laquelle personne n’a encore répondu concrètement —, en fait, la chose la plus importante — et vous avez parlé des gens qui étaient déplacés à l’intérieur des pays —, c’est la question du climat.
    Il y a certains problèmes structurels que nous pouvons régler. Nous pouvons allez sur place et aider les pays à se pacifier. Nous pouvons créer des institutions. Nous pouvons créer les débouchés économiques dont les populations ont besoin et mettre en place le système monétaire, le système fiscal et le système d’imposition dont tout pays a besoin, mais il y a une question à laquelle nous n’avons pas répondu. Dans les pays où les populations sont déplacées en raison des changements climatiques, quelle influence devons-nous chercher à exercer sur la gouvernance démocratique?
    Les changements climatiques sont des facteurs de perturbation et de stress qui vont toucher toutes les sociétés, notamment quand il s’agira de réagir à la désertification, aux inondations et aux autres phénomènes météorologiques extrêmes qui se produiront. Tous les pays devront faire face à cela.
    Nous avons parlé de la Chine. La Chine est menacée par les changements climatiques, peut-être plus que n’importe où ailleurs en raison de l’élévation du niveau de la mer qui menace les villes côtières.
    Cependant, permettez-moi de poser la question autrement. Lorsque les préoccupations environnementales ou planétaires font peser un fardeau sur l’ensemble de la population, comment réagissez-vous? Le sacrifice est-il partagé uniformément? La menace est-elle communiquée partout de la même façon? Les individus ou les minorités sont-ils blâmés pour le problème lorsque ce problème est causé par la collectivité qui rejette trop de CO2 dans l’atmosphère?
    Lorsqu’il s’agit de faire face à des crises éprouvantes, l’un des grands avantages des systèmes démocratiques, c’est que l’élément de représentation permet de parler librement de la façon dont le fardeau est réparti. Mon argument est que le pluralisme et les systèmes démocratiques sont parfois en mesure d’absorber les ressentiments qui peuvent s’exprimer. Dans cette optique, je crois qu’un monde où il y aurait plus de gouvernance démocratique serait mieux à même de répondre à la menace et de répartir équitablement le sacrifice nécessaire pour contrer la dégradation de l’atmosphère causée par l’humanité.
(0940)
    Monsieur Axworthy, si je pose cette question, c’est parce que nous parlons de pays où il n’y a pas de système de gouvernance démocratique. Cependant, la question géopolitique qui doit nous interpeler est le fait qu’il y a désormais des démocraties établies qui sont affaiblies par des déplacements de populations à l’interne. Pensons au Brexit, ou à la montée du populisme en Italie et de l’extrême droite, en France. Je suis certain que vous avez observé les dernières élections suédoises, où les démocrates suédois... Aussi, ce qui s’est produit en Allemagne... Non seulement nous avons des problèmes avec les pays dont les systèmes sont affaiblis, mais nous en avons aussi avec les pays établis qui ressentent maintenant ces pressions.
    Que devons-nous faire pour la suite des choses? Si vous deviez nous conseiller, à quoi le Comité devrait-il consacrer ses ressources pour être plus efficace et s’assurer d’endiguer ces tendances émergentes, certes, mais aussi pour veiller à ce que les démocraties établies ne basculent pas du côté négatif?
    Monsieur le président, permettez-moi de faire deux brèves observations à ce sujet.
    La première — et vous avez mis le doigt sur l’une des questions les plus importantes de la politique internationale — c’est que nous savons que la prévention vaut mieux que les urgences. Or, de faire en sorte que le monde travaille réellement sur la diplomatie préventive et les mesures de prévention est l’une des choses les plus difficiles à réaliser, car, hélas, ce sont les crises qui, semble-t-il, font réagir nos systèmes. Les systèmes ne travaillent pas vraiment en amont.
    Les problèmes en Syrie ont été annoncés bien avant le début de la guerre civile. Dans presque tous les domaines, il y a des gens — comme les organismes qui interviennent dans le cadre de crises internationales, etc. — qui arrivent à prévoir les problèmes, mais il est très difficile pour les gouvernements de faire bouger les choses — nous avons un ancien représentant d’Affaires mondiales qui peut en témoigner — et d’amener les États à regarder du côté de la prévention, c’est-à-dire de les amener à investir dans un programme d’investissement axé sur la prévention quand il n’y a pas de crise et à convaincre la population qu’il est important de le faire, c’est qui est une vraie difficulté dans nos démocraties.
    Pour ce qui est de votre deuxième point, vous avez tout à fait raison. Nous constatons une marée descendante dans les démocraties établies qui travaillent sur ces enjeux parce qu’elles sont en proie à des divisions internes en ce qui concerne l’immigration, les migrations et l’accueil des réfugiés. Raison de plus pour le Canada de prendre les devants à ce moment-ci. Monsieur le président, distingués membres du Comité, nous devons encourager la communauté des nations démocratiques du monde entier et faire montre d’optimisme.
    Merci beaucoup.
    Sur ce, nous allons mettre fin à la première des deux parties de la séance d'aujourd'hui.
    Messieurs, je tiens simplement à vous remercier tous les deux de vos observations qui nous ont vraiment donné matière à réflexion. Cela dit, nous allons suspendre la séance pendant deux minutes pour permettre à notre nouveau groupe de témoins de prendre place.
    La séance est suspendue.
(0940)

(0945)
     Chers membres, la séance reprend.
    Avant que nous commencions à entendre notre deuxième groupe de témoins, j'aimerais dire ce qui suit avec l'accord de tous les partis assis à table. Nous avons appris hier avec beaucoup de tristesse que Paul Dewar, un homme qui nous avait fait l'honneur de siéger au sein de notre comité, est décédé après avoir lutté contre le cancer du cerveau. C'est une perte pour le Canada et pour la cause des droits de la personne partout dans le monde. En son honneur, je veux prendre un moment pour demander à la députée Hélène Laverdière, une collègue de Paul — il était effectivement son prédécesseur en tant que porte-parole du NPD —, de bien vouloir parler de lui.

[Français]

    Monsieur le président, je vous remercie beaucoup de m'offrir la possibilité de parler d'un collègue qui était aimé de tous les côtés; il avait des amis dans tous les partis. C'est un collègue qui a joué un rôle absolument énorme à ce comité.
    Je me souviens, entre autres, que c'est lui qui avait insisté pour que notre comité fasse une étude sur le travail des enfants à l'étranger. Nous parlons aujourd'hui de démocratie et de droits de la personne. Il était toujours le premier debout pour faire la promotion de la démocratie et des droits de la personne, et pour travailler sur des enjeux comme les diamants de la guerre.
    Il portait le message du fédéralisme aux quatre coins de la planète. C'était quelqu'un de très fort à ce comité et au Parlement, mais également sur le terrain. Il entrait facilement en contact avec les gens. Il avait un courage exceptionnel. À la fin de sa vie, il a encore montré son courage en créant une nouvelle fondation pour l'engagement des jeunes. C'est une leçon que nous devrions tous apprendre.
    Paul va nous manquer énormément ainsi qu'à tous ceux qui l'ont connu. J'en profite pour offrir mes condoléances à sa femme, Julia, à ses deux garçons et à tout le monde. Son esprit va survivre.

[Traduction]

    Merci.
    Je sais que vous parlez au nom de tous les membres de notre comité lorsque vous offrez nos condoléances, nos pensées et nos prières à sa famille.
    Cela dit, j'aimerais vous demander de vous lever pour observer un moment de silence en l'honneur de Paul.
    [On observe un moment de silence]
    Merci.
(0950)
    Monsieur le président, si vous le permettez, pourrais-je dire brièvement quelques mots à propos du décès de M. Dewar?
    Je pense qu'il est important maintenant... J'ai demandé à la députée Laverdière d'intervenir, parce qu'elle était sa collègue. Nos témoins attendent de prendre la parole. Par conséquent, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, nous pourrions passer aux travaux du Comité.
    Nous allons maintenant commencer à entendre notre deuxième groupe de témoins, composé de Kevin Deveaux, président de Deveaux International Governance Consultants Inc., et de Pearl Eliadis, avocate des droits de la personne au Eliadis Law Office, qui se joint à nous de Montréal. M. Deveaux se joint à nous de Bangkok, en Thaïlande.
    Cela dit, je vous demanderais de bien vouloir apporter votre témoignage, en commençant par vous, monsieur Deveaux. Nous savons que, parfois, ces connexions internationales par vidéoconférence nous laissent tomber en cours de route.
    Veuillez aller de l'avant.
     Merci, monsieur le président. Merci, chers membres du Comité.
    Permettez-moi de commencer par mettre brièvement en contexte mes antécédents afin que vous compreniez où je veux en venir au cours de mon exposé.
    Je suis avocat, et je suis établi à Eastern Passage, en Nouvelle-Écosse. Pendant quatre mandats — soit neuf ans —, j'ai été député provincial de Nouvelle-Écosse. Pendant quatre de ces années, j'ai été le leader parlementaire de l'opposition officielle. Il y a 12 ans, j'ai quitté ce travail, et j'ai commencé à travailler à temps plein dans le domaine du développement parlementaire international et de l'aide aux partis politiques.
    Depuis, j'ai eu la chance de travailler surtout pour le Programme de développement des Nations unies. Au cours des dernières années, j'ai également travaillé avec le gouvernement américain, le gouvernement britannique, l'Union européenne et le gouvernement suisse. J'ai travaillé avec plus de 50 parlements du monde entier et avec des députés de plus d'une centaine de pays.
    Cela dit, permettez-moi de parler pendant quelques minutes du dernier rapport de 2007, que vous avez tous eu la chance de lire, j'en suis sûr. À l'époque, j'ai eu l'occasion [Difficultés techniques] la carrière politique de faire un exposé aux anciens membres de votre comité.
    Ayant lu le rapport en juillet 2007, je peux dire que j'approuve presque toutes ses recommandations. Toutefois, j'aimerais aujourd'hui mettre l'accent sur les recommandations 12 et 15.
    Dans la recommandation 12, le Comité recommande la création d'une fondation canadienne du développement démocratique à titre d'organisation générale qui offrirait une aide au développement démocratique. Dans la recommandation 15, le Comité recommande la mise sur pied d'un centre pour la démocratie multipartite.
    Permettez-moi maintenant de parler de certaines des questions clés que j'aimerais soulever. Veuillez comprendre que ma préoccupation repose sur mon expérience de travail au sein d'organisations internationales qui oeuvrent dans le domaine de la gouvernance démocratique. Je n'ai travaillé pour presque aucune organisation canadienne, mais, compte tenu du nombre de pays dans lesquels j'ai travaillé et de l'étendue du travail que j'ai réalisé, je me serais attendu à détecter davantage l'empreinte canadienne à l'échelle mondiale.
    Comme je l'ai dit en 2007... Si vous avez mon rapport écrit devant vous, vous constaterez que je mentionne la citation particulière qui figure dans le rapport de cette année-là. En général, je tiens simplement à dire qu'au cours des 15 à 20 années de travail que j'ai effectué dans ce domaine, sous une forme ou une autre, j'ai rarement, voire jamais, vu de projets menés par des organisations canadiennes, ou financés par le Canada par l'intermédiaire d'autres organisations internationales, qui étaient axés sur mon domaine de travail.
    Je l'ai mentionné en 2007, et je pense que c'est toujours le cas. Le Canada n'est pas un intervenant sérieux dans le domaine de la gouvernance démocratique, en particulier en ce qui a trait à la gouvernance politique sur laquelle mon travail est axé.
    S'il y a une exception à la règle, ce serait probablement l'Ukraine. C'est un endroit où nous avons probablement investi une quantité considérable de ressources — surtout par l'intermédiaire d'organisations américaines, je crois —, mais, dans l'ensemble, nos activités dans ce domaine sont... « limitées » serait une façon polie de les décrire.
    Le deuxième point que je tiens à faire valoir, c'est que, depuis 2007, les pays font preuve de moins de leadership — de formulation d'idées, de création d'approches novatrices — à l'échelle mondiale. Pendant un certain temps, alors que j'occupais à New York le poste de conseiller mondial en matière de parlements et de partis politiques, un processus permettait au Programme de développement des Nations unies, à la Banque mondiale et au ministère du Développement international du Royaume-Uni de se réunir deux fois par an avec d'autres intervenants afin d'apporter un leadership éclairé. Nous présentions de nouvelles approches et de nouvelles idées, et nous échangions des renseignements. Depuis les cinq ou six dernières années, cela ne se produit plus. Le Programme de développement des Nations unies et la Banque mondiale n'ont plus d'empreintes mondiales, ni même de conseillers mondiaux. Dans une certaine mesure, les ressources ont réellement été réduites.
    Je crois que le Canada a l'occasion de participer à la fois à l'aide aux partis politiques et au développement parlementaire. À mon avis, quelqu'un a réellement l'occasion de faire un pas dans la bonne direction et de faire preuve de leadership. Le Royaume-Uni tente de le faire dans une certaine mesure. Si vous ne l'avez pas déjà vu, je vous signale qu'en 2015, le comité du développement international de la Chambre des communes du Royaume-Uni a publié son propre rapport sur le renforcement des parlements. Le rapport prônait vraiment l'idée selon laquelle le Royaume-Uni devrait posséder ses propres versions des fondations américaines comme le National Democratic Institute, le NDI et l'International Republican Institut, l'IRI.
(0955)
     Depuis, ils ont investi d'importantes sommes d'argent dans la Westminster Foundation for Democracy. Si votre comité n'a pas eu l'occasion de nouer un dialogue avec eux, je vous encouragerais à le faire. Toutefois, je dirais qu'en ce moment, ils sont en train d'élargir leur présence physique, bien que je n'aie pas nécessairement observé l'incidence de ces initiatives sur le terrain. Il y a un vide à combler dans ce domaine, et je pense que, si le Canada prenait les devants dans les années à venir afin d'être en mesure d'assurer un leadership à l'échelle mondiale, il aurait l'occasion de le combler. J'estime que le point de vue canadien est unique. Pour les gens des nombreux pays où je travaille, le fait que je viens du Canada signifie que je leur apporte un point de vue différent de ceux qu'ils entendent de la part d'autres pays, que ce soit les États-Unis, le Canada, l'Australie, la France ou l'Union européenne.
    Mon dernier point est le suivant: contrairement à la dernière recommandation qui mentionne un centre indépendant d'étude des politiques, un centre pour la démocratie multipartite et une fondation distincte pour le développement démocratique, je pense que toutes ces initiatives doivent être réunies en un seul institut. Cela permettrait de créer — et je me fonde ici sur mon expérience dans le domaine de la formulation et de la mise en oeuvre de projets — une grande institution canadienne qui serait en mesure de travailler de façon sectorielle avec le Parlement, les partis politiques, les médias, la société civile, les responsables des élections et les gouvernements locaux. Tout ce travail pourrait être réalisé à l'échelle sectorielle, mais cela nous donnerait aussi l'occasion de travailler sur l'ensemble des secteurs. Je crois qu'une telle approche serait essentielle à la réussite de l'institution.
    Comme je l'ai dit en 2007 — et je crois que c'est toujours le cas —, le Canada devrait désigner un groupe de pays de base; cette fois, je dirais qu'il devrait compter de 15 à 20 pays. Nous devrions investir substantiellement dans ces pays et devenir leur principal donateur dans le domaine de la gouvernance démocratique. Ensuite, je pense que nous devons également nous assurer d'investir dans ces pays à long terme. Je crois qu'il est important de se rappeler que le soutien en matière de gouvernance démocratique — le fait d'appuyer une transition vers la démocratie lorsque les gens et les gouvernements sont prêts à le faire — est une entreprise qui exige beaucoup de temps. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. Nous devons nous préparer à investir substantiellement dans quelques pays et à le faire à long terme afin de nous assurer que cet investissement a l'effet voulu et donne les résultats escomptés.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Madame Eliadis, nous allons passer immédiatement à vous.
     Monsieur le président, chers membres du Comité, je vous remercie infiniment de l'occasion qui m'est donnée d'aborder l'important sujet du rôle du Canada dans le soutien international au développement démocratique.
    Je vais mettre surtout l'accent sur l'établissement d'une nouvelle fondation canadienne indépendante, ou d'une institution de ce genre. Je tiens également à faire écho aux commentaires que nous venons d'entendre. Je pense qu'il est préférable d'avoir une seule priorité institutionnelle dans le cadre de ce travail, plutôt qu'une multitude de mandats fragmentés.
    J'aimerais aussi commencer par vous donner peut-être une idée de mes antécédents et de mon point de vue dans ce domaine. Comme vous l'avez entendu, je suis avocate, mais ma pratique de droit est inhabituelle en ce sens que je ne représente plus des particuliers. Je travaille principalement à un niveau organisationnel avec le PNUD, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. J'ai aussi travaillé avec les délégations européennes de l'Union européenne dans un certain nombre de pays. Enfin, j'ai travaillé dans quatre pays de l'Afrique subsaharienne, dont au Rwanda, afin d'établir deux des trois piliers institutionnels qui ont caractérisé le mandat du gouvernement d'unité nationale de l'après-génocide, de même qu'en Éthiopie, au Soudan, au Kenya, en Asie centrale, en Asie du Sud-Est et en Chine.
    Mes observations seront réparties en deux principales catégories. La première catégorie donnera une vue d'ensemble des secteurs dans lesquels, à mon avis, le Canada peut apporter une valeur ajoutée importante au chapitre du développement démocratique. Je désire aussi parler un peu des leçons tirées relativement à l'établissement d'une institution indépendante comme la fondation canadienne — si je peux me permettre d'utiliser le terme qui figurait dans le document d'information de haut niveau.
    J'aimerais commencer par souligner l'importance primordiale des droits de la personne dans toute discussion ayant trait au développement démocratique. Je sais que le rapport de 2007 faisait valoir des arguments en ce sens. Fait intéressant, ces arguments ne figuraient pas dans le document d'information de haut niveau qui a été distribué.
    La plupart des gens sont d'avis que les droits de la personne sont intégrés ou sous-entendus dans le développement démocratique. Ce point de vue n'est pas nécessairement partagé de façon générale à l'échelle internationale. Toutefois, je pense que le Canada a un point de vue unique en raison de sa Charte des droits et libertés et des principes énoncés dans les textes de loi internationaux que le Canada cherche à respecter et auxquels il cherche à contribuer dans le cadre de son engagement international et de l'héritage qu'il souhaite laisser.
    Le premier argument que je veux faire valoir, aussi évident qu'il puisse sembler, c'est qu'il faut s'assurer que toute initiative institutionnelle de ce genre est fondée clairement et explicitement sur les droits de la personne ainsi que sur le développement démocratique. Elle ne devrait pas être seulement attentive aux droits de la personne; elle devrait porter explicitement attention aux droits de la personne en tant que raison d'être centrale de toute stratégie institutionnelle qui fait la promotion du développement démocratique. À mon avis, les deux doivent aller de pair, et il ne faut pas présumer ou sous-entendre que le développement démocratique attirera nécessairement sur les droits de la personne l'attention requise. De plus, je soulignerais que, maintenant, cet enjeu revêt plus que jamais une grande importance. Nous sommes en effet témoins du début de l'érosion de la primauté du droit dans un certain nombre de soi-disant démocraties. Comme certains d'entre vous le savent peut-être, Freedom House vient de publier son rapport qui indique que nous observons un recul de la démocratie et des valeurs démocratiques à l'échelle mondiale.
    Je crois que nous devrions tous être alarmés par cette nouvelle mais, en même temps, nous devrions constater que cela donne au Canada une occasion de renouveler son engagement et d'en jeter les bases.
    Ce qu'on entend par démocratie varie en fonction de l'endroit où vous êtes. Je sais que, pour certaines personnes, cela peut sembler alarmant, mais le fait est qu'il y a de nombreuses perceptions différentes de la nature de la démocratie. Aucune loi internationale unique ne cerne ce en quoi consiste la démocratie, outre la définition d'élections libres et équitables, bien entendu. En revanche, des normes internationales établissent la signification des droits de la personne, et je pense que les deux doivent aller de pair.
    Cela m'amène à parler d'un autre domaine auquel, à mon avis, le Canada apporte une valeur ajoutée, à savoir l'établissement d'institutions stables et transparentes.
    Comme je l'ai mentionné plus tôt, j'ai travaillé avec le gouvernement rwandais. Je les ai aidés à établir et à renforcer la commission des droits de la personne du Rwanda au cours de l'après-génocide, de même que la commission pour l'unité et la réconciliation, qui s'inspirait dans une certaine mesure de la Commission sud-africaine de vérité et de réconciliation.
    Des Canadiens, dont moi-même, ont joué un rôle crucial dans ces initiatives. Il en va de même de l'organisation de l'ombudsman éthiopien au sein de la commission éthiopienne, de la commission soudanaise qui, comme vous pouvez l'imaginer, vit des moments difficiles en ce moment, et d'un certain nombre d'autres institutions à l'échelle mondiale.
(1000)
    Je ferai écho aux commentaires que nous venons d'entendre. Parmi tous les pays où j'ai travaillé, le Canada n'était certainement pas le pays auquel on pensait lors des projets sur la primauté du droit auxquels j'ai participé, quoique je pense que dire qu'il est sans pertinence serait trop fort. Dans les projets de création d'institutions sur lesquels j'ai travaillé, personne n'a proposé de prendre le Canada en exemple. On proposait de regarder du côté de la Suède ou des Pays-Bas. Je mentionne la Suède et les Pays-Bas parce qu'il est facile de repousser la critique que je viens de faire simplement en disant, évidemment, que les États-Unis sont plus importants et que l'Union européenne est plus importante. Toutefois, lorsqu'on regarde du côté des pays qui ont des institutions comme la SIDA, en Suède, ou l'Ambassade royale des Pays-Bas, notamment, il apparaît évident que le Canada s'est fait éclipser.
    Je conviens aussi, comme on l'a dit plus tôt, que ce que je viens de dire ne s'applique pas à certains pays, comme l'Ukraine et l'Afghanistan, du moins historiquement, et Haïti, actuellement. Toutefois, outre dans ces pays, le Canada est loin de faire le poids.
    Permettez-moi d'attirer votre attention sur un exemple précis. À mon avis, le Canada pourrait jouer un rôle important au Cameroun. Nous ne sommes pas une puissance coloniale. L'International Crisis Group et Freedom House placent tous les deux le Cameroun parmi les 10 régions les plus préoccupantes et les plus à risque d'un conflit international. Le Canada ne joue aucun rôle à cet égard. À Affaires mondiales, on considère toujours qu'il s'agit d'un conflit dans lequel se produisent des incidents malheureux, mais on ne reconnaît pas les graves problèmes qui ont été signalés. Il est important de reconnaître que le Canada, avec sa tradition de bilinguisme et de bijuridisme, pourrait offrir au Cameroun quelque chose que peu de pays peuvent lui offrir. Voilà les aspects pour lesquels nous pourrions ajouter de la valeur, outre accroître le financement sur le plan géopolitique, même si cela ne doit pas être écarté, évidemment.
    Je tiens aussi à souligner brièvement, en ce qui concerne la mise en place d'institutions, qu'une approche ascendante est tout aussi importante qu'une approche descendante. Les deux sont nécessaires. Le Canada a une expertise unique et a donc quelque chose à offrir en réponse à l'idée qui circule dans la communauté du développement international, c'est-à-dire habiliter la société civile et oeuvrer dans un cadre axé sur les droits de la personne, pour veiller à ce que les organisations de la société civile soient appuyées et habilitées. Évidemment, j'entends par « société civile » les organisations de la société civile qui sont ancrées dans un cadre des droits de la personne. Donc, par exemple, je n'inclus pas le Ku Klux Klan parmi ces organisations.
    C'est un exercice non partisan. Voilà pourquoi je pense qu'une fondation canadienne serait bien placée pour faire ce genre de travail.
    Je pense qu'il me reste deux ou trois minutes. J'aimerais simplement faire quelques observations sur la forme que pourrait prendre cette entité, cette institution ou cette fondation.
    Il est important que nous apprenions de nos erreurs. La débâcle et la controverse entourant Droits et Démocratie se sont peut-être produites sous le gouvernement précédent, mais je pense que cette situation découle d'une erreur de conception par le gouvernement qui l'a créé; il n'en a pas fait un organisme indépendant. Il faut une réelle indépendance. Il faut veiller à protéger ces organismes des impératifs politiques du jour qui les exposent à la corruption ou empêcher de placer à leur tête des gens qui n'ont pas l'expérience requise pour y travailler. Pour répondre aux préoccupations d'ordre politique et partisan, il faut offrir un financement complet d'entrée de jeu, plutôt qu'un financement continu par volet. À titre d'exemple, l'IRPP, à Montréal, a reçu un financement complet et a pu poursuivre ses activités. Il y a un précédent.
    En terminant, je vous exhorte à veiller à ce que l'institution que vous créerez ait une indépendance suffisante, sur le plan financier, et que ses structures de gouvernance soient totalement indépendantes de tout parti politique au pouvoir, et ce, en tout temps.
(1005)
     Je conclurai sur une note semblable à celle de mon prédécesseur. Même s'il se targue d'être un champion à l'échelle internationale, le Canada n'est même pas près d'avoir une moyenne respectable au bâton. Nous avons maintenant une occasion réelle de changer les choses, et je félicite le Comité de cette initiative.
    Je vous remercie beaucoup tous les deux de votre témoignage.
    Nous passons maintenant directement aux questions, en commençant par Mme Kusie, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'ai été très privilégiée de travailler à Affaires mondiales Canada pendant 15 ans, et je suis maintenant ministre du cabinet fantôme chargée des institutions démocratiques.
    Monsieur Deveaux, vous avez beaucoup parlé du manque de leadership qu'on observe depuis 2007. De toute évidence, bien que le travail sur le terrain soit d'une importance capitale, le leadership vient toujours du sommet. Avec le groupe de témoins précédents, nous avons brièvement parlé des relations et des approches à cet égard.
    C'est très intéressant. J'en arrive même à penser aux comparaisons concernant certains aspects, comme les voyages de nos dirigeants en Inde, où les relations et la perception à l'égard des voyages respectifs du premier ministre et de mon chef Andrew Scheer ont été très différentes, tant à l'étranger qu'en Inde et, évidemment, au Canada.
    Cela m'amène à Cuba. J'ai eu le privilège d'agir à titre de conseillère politique auprès de M. Kent, lorsqu'il était ministre d'État des Affaires étrangères pour les Amériques. C'était très intéressant. À l'époque, la politique des conservateurs à l'égard de Cuba était de traiter uniquement avec les dissidents.
    Donc, dans le même esprit que celui adopté par ma collègue, Mme Vandenbeld, pour cette formidable initiative, j'examinais cela dans une perspective plus large, car je me demandais qui serait présent si le Canada ne l'était pas. Eh bien, le vide serait comblé par la Russie ou par la Chine. Même si le Brésil venait tout juste d'obtenir la Coupe du monde et les Jeux olympiques, je savais que sa démocratie n'était pas aussi bien établie qu'on le croyait à l'époque. C'était en 2009, bien sûr.
    Cela dit, lorsque notre premier ministre, par exemple, pleure la mort d'un dictateur et parle des relations étroites qu'il entretient avec cette famille, cela a-t-il une incidence sur votre travail sur le terrain?
    Monsieur Deveaux.
(1010)
    La réponse courte, c'est que je travaille pour d'autres organismes, des organismes multilatéraux, en particulier le PNUD, ONU Femmes et la Banque mondiale. Par conséquent, je suis en mesure de rester à l'écart des tractations politiques qui ont cours à Ottawa.
    Toutefois, à mon avis, le point à retenir est lié à Cuba. Je n'ai pas eu l'occasion d'y travailler, mais j'ai travaillé au Turkménistan et en Ouzbékistan, deux pays plutôt fermés, pourrait-on dire, qui n'ont pas traversé de réformes, à certains égards, en particulier le Turkménistan. Pour le Canada, la meilleure façon d'être un chef de file n'est pas nécessairement d'être toujours en avance sur les autres, car il y aura toujours des difficultés et des perceptions, quel que soit le pays, que ce soit la Russie, les États-Unis, le Canada ou le Brésil. Il est toutefois possible de trouver des façons d'y parvenir par l'intermédiaire d'organismes multilatéraux.
    Encore une fois, si le Canada jouait régulièrement un rôle actif au sein des agences de l'ONU et ne se préoccupait pas nécessairement d'obtenir un siège au Conseil de sécurité, ce qui n'a pas beaucoup de portée et d'effet, à mon avis, et s'il investissait plutôt dans des organismes comme le PNUD et ONU Femmes et par leur intermédiaire, puisqu'ils sont neutres, cela permettrait d'ouvrir la porte, de faire preuve d'ouverture et de partager les connaissances. À terme, au fil des réformes, on pourrait construire quelque chose. Cela pourrait être une façon d'y arriver. Nous pourrions ainsi construire des relations indirectement, par l'intermédiaire d'autres institutions, tout en ayant la possibilité de commencer à soutenir les réformes que nous envisageons.
    Je suis certaine que le Comité pourrait consacrer une étude entière à la réforme des Nations unies, mais de toute évidence, cet organisme a toute son importance et sa pertinence dans le monde d'aujourd'hui.
    Dans la même veine que ma question précédente, les médias ont rapporté les propos de certains universitaires et dirigeants selon lesquels le Canada n'a presque plus d'amis dans le monde depuis l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement. Malheureusement, notre premier ministre actuel a été affublé de surnoms, notamment « petite patate », qu'il considérait comme un surnom affectueux, alors que c'était peut-être plutôt une insulte, en réalité.
    Monsieur Deveaux, vous avez parlé de 2007 et des valeurs historiques qui sous-tendent ce projet, un projet très valable, et je félicite encore une fois mes collègues libéraux de présenter cette initiative conservatrice de l'ère Harper. Selon vous, qu'est-ce qui distingue le gouvernement conservateur précédent et le gouvernement libéral actuel sur le plan de la promotion de la démocratie à l'échelle internationale? Aujourd'hui, quelles leçons pouvons-nous tirer de 2007 pour nous aider dans le contexte actuel?
    Écoutez, le point que j'ai tenté de faire valoir dans mon exposé était le même qu'en 2007, et je crois qu'un autre parti était au pouvoir à l'époque. Mon point, c'est que dans mon domaine d'expertise, la gouvernance politique, le Canada est, dans une grande mesure, totalement absent. Je ne pense pas que cela ait changé depuis que j'ai commencé à travailler dans ce domaine en 2001, alors qu'un autre parti était au pouvoir.
    Je ne pense pas que c'est une question partisane. Je pense que c'est lié à la nature de notre pays. Voyons les choses en face; au pays, nous avons tendance à dire « Oh, quelqu'un d'autre va s'en charger. Personne ne veut vraiment avoir notre point de vue. » On pourrait presque dire que nous manquons de confiance. Je vous assure que lorsque je vais sur le terrain et que je discute avec les gens, ils veulent connaître le point de vue du Canada. Ils le veulent vraiment. Nous devons avoir plus d'audace et avoir plus confiance en nous-mêmes, aujourd'hui plus que jamais, étant donné certains autres pays qui font ce travail.
(1015)
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Vandenbeld, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup. Mes questions s'adressent à M. Deveaux.
    Kevin, je suis heureuse de vous revoir. Je me souviens des années pendant lesquelles nous travaillions au Programme mondial pour le renforcement parlementaire du PNUD, et de vos propos à ce sujet. Il y a un vide dans ce domaine actuellement à l'échelle internationale.
    Je sais qu'à l'époque, le GPPS élaborait des pratiques exemplaires et des normes pour un secteur dans lequel il n'y en avait jamais eu. Je pense que le Canada est dans une position exceptionnelle actuellement pour faire ce travail. C'est ce que vous avez appelé une occasion de leadership éclairé.
    Je tiens à vous dire que même si les organismes canadiens ne sont pas aussi présents qu'auparavant et même si le financement est moins élevé, les Canadiens sont présents. Je pense que c'est ce que nous constatons ici, autour de cette table. Les expériences que vous, d'autres et moi avons vécues en témoignent. Avant d'être élue, j'ai surtout travaillé pour des organismes multilatéraux, des organismes américains. J'ai travaillé pour le Centre parlementaire seulement une fois. La plupart du temps, les Canadiens ne travaillent pas au sein d'organismes canadiens. Une fois, par exemple, j'ai été embauchée par NDI, un organisme américain, grâce à des fonds canadiens. L'organisme a embauché une Canadienne pour diriger le projet.
    Pourriez-vous parler brièvement de cet aspect? L'expertise existe. Nous avons une crédibilité sur la scène internationale. Comme Pearl l'a indiqué, nous n'étions pas une puissance coloniale. Nous comprenons les deux systèmes juridiques. Nous comprenons la démocratie du modèle de Westminster. Voilà pourquoi les organismes comme NDI et l'IRI embauchent des Canadiens. Toutefois, nous ne sommes pas dans un cadre nous permettant de mettre cela en place en fonction des valeurs canadiennes. Je me demande si vous pourriez nous en dire plus à ce sujet.
    Merci, madame Vandenbeld. C'est un plaisir de vous revoir, même si c'est à l'autre bout du monde.
    Je vous remercie d'avoir soulevé ce point, car c'est vrai, je pense en avoir également parlé lors de ma présentation en 2007. Même si les organismes canadiens ne sont pas présents sur le terrain et que le financement canadien se fait rare, parfois, ou plutôt la plupart du temps, beaucoup de Canadiens oeuvrent dans ce domaine.
    Je vais vous donner un exemple très personnel. La semaine prochaine, je serai en Malaisie, qui a connu l'an dernier son premier changement de gouvernement en 60 ans. Le pays a demandé l'aide des États-Unis par l'intermédiaire du NDI, de l'IRI et d'un autre organisme appelé DAI, qui travaille sous l'égide de USAID. Quant à moi, je vais me rendre là-bas pour travailler avec les Américains. C'est un pays du Commonwealth et les Américains ne connaissent pas très bien son système. Ils font donc appel à des Canadiens.
    Mme Elizabeth Weir, pour ceux qui la connaissent, est une ancienne députée provinciale et ancienne chef du NPD au Nouveau-Brunswick. Elle travaille là-bas avec NDI. Les Américains font souvent appel aux Canadiens.
    Je me rappelle qu'à l'époque où je travaillais chez NDI, les Canadiens représentaient probablement le tiers de l'effectif. Donc, beaucoup de Canadiens font ce travail, c'est certain. L'idée serait de regrouper ces ressources sous le drapeau canadien. Je suis convaincu que ce serait un honneur pour la plupart d'entre nous.
    Vous appelez ce domaine la gouvernance politique. C'est un terme très spécifique qui se rapporte à des institutions précises, aux parlements, aux partis politiques et aux députés. En quoi ce travail est-il important?
    Je pense que cela nous ramène aux propos de ma collègue au sujet de la société civile. Je vois cela comme une question d'offre et de demande. D'une part, lorsqu'on travaille avec la société civile, il y a les aspects très importants, comme l'accroissement des capacités, la possibilité de défendre les gens, de recueillir et de colliger leurs points de vue et de les représenter auprès du gouvernement. D'autre part, il y a l'offre. Vous savez tous très bien ce que c'est. Il faut établir des liens avec la société civile. Les comités doivent être fonctionnels, ils doivent tenir des audiences publiques. Au Canada, nous les tenons pour acquis, mais le fait est que dans beaucoup de pays, cela n'existe pas.
    Je vais reprendre l'exemple de la Malaisie, où je serai la semaine prochaine. Son parlement est établi depuis plus de 60 ans, mais très peu de ses comités permanents sont fonctionnels. Ce n'est que maintenant, grâce au changement de gouvernement, qu'on commence à parler de changer les choses. Le public n'avait aucun endroit où s'exprimer.
    En renforçant la capacité du Parlement, en renforçant la capacité des partis politiques, vous créez l'offre grâce à un mécanisme qui nécessite la représentation et la participation citoyenne. On favorise ainsi l'amélioration du dialogue et la tenue d'un dialogue politique. Cela réduit le risque de conflit et les voix qui passaient habituellement sous silence sont plus susceptibles d'être entendues.
(1020)
    Une de vos recommandations a également été formulée par d'autres témoins. Il s'agit de la nécessité d'assurer une présence à long terme sur le terrain plutôt que d'envoyer un expert-conseil pour un bref séjour. Pour assurer une présence constante et durable à long terme, il faut la direction d'un organisme plus important ou un mécanisme de financement. Je pense que votre recommandation portait sur 10 à 15 pays.
    En quoi votre présence sur le terrain est-elle si importante? Je parle d'une présence à long terme et non seulement d'une présence en fonction des projets.
    Je dirais qu'il y a deux raisons dont j'ai brièvement parlé dans mon mémoire écrit. Évidemment, si vous décidez d'investir dans un pays et dans la réforme démocratique, cela prend du temps. Il faudra plus d'un cycle électoral. Vous devrez devenir des champions de l'édification de la démocratie au Parlement, au sein des partis et dans la société civile. Vous devrez créer des institutions indépendantes, par exemple des commissions électorales. Cela ne prendra pas seulement deux ans, ou quatre ans. Je pense que nous sommes tous conscients du temps qu'il faut pour bâtir la démocratie. Au Canada, nous n'en sommes-nous pas rendus à près de 180 ans?
    L'autre aspect est le suivant: si vous avez à l'échelle mondiale un organisme-cadre dont les activités sont liées au leadership éclairé, à la recherche et à la recherche de nouvelles idées, vous voudrez diriger ces activités et les mettre à l'épreuve à l'échelle locale et nationale. Vous voudrez établir ce lien, car cela vous permettra, dans certains pays, de tester les nouvelles méthodes novatrices de travailler, de créer, de développer et d'appuyer. Si vous n'êtes présents qu'à court terme, vous ne pourrez mesurer les effets.
    Donc, si vous choisissez de doter votre organisme d'une structure verticale — une structure régionale, nationale et mondiale —, je pense que vous voudrez veiller à mettre tout cela en place et à avoir un cadre donnant la possibilité d'essayer de nouvelles idées.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Laverdière.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à vous deux de vos présentations ce matin.
    Je vais d'abord m'adresser à Mme Eliadis, qui est à Montréal, dans ma région.
    D'abord, je veux souligner que je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que la question des droits de la personne doit être au coeur de la politique de développement démocratique, de la politique de développement, de la politique étrangère et même de la politique commerciale, mais c'est un autre enjeu, évidemment.
    Vous disiez que, souvent, les gens ne venaient pas vers le Canada, mais qu'ils avaient plutôt tendance à aller vers la Suède, les Pays-Bas ou des pays comme ceux-là. Est-ce une question d'expertise ou est-il question du financement canadien dans ce genre de travail?
    Merci beaucoup de la question.
    Il y a deux réponses à cette question.
    Tout d'abord, il est vrai que les questions d'expertise sont intimement liées aux questions financières.
    Voici ce que je veux dire. Quand je suis autour de la table, au Tadjikistan ou encore au Timor-Leste, les gens disent qu'il faut passer le chapeau pour voir qui va subventionner un projet. Dans les pays où j'ai personnellement vécu une expérience, tout le monde savait que le Canada n'avait pas les fonds et que souvent, malheureusement, il n'avait pas l'expertise sur le plan officiel, si vous voulez, pour aller de l'avant.
    Cela dit, ce que mon collègue a dit est tout à fait vrai. Les Canadiens et les Canadiennes sont très impliqués et très présents dans le cadre international. Il s'agit d'être capable d'aller chercher ces gens et de les mobiliser dans le cadre d'une institution mondiale.
    Bref, il me semble très important que l'argent soit là, mais aussi que le Canada soit présent et qu'il ait une voix indépendante pour exprimer ses valeurs. Contribuer à l'effort financier mondial, c'est important, mais souvent on perd sa voix.
    J'aimerais aussi réitérer le point qui vient d'être exprimé.
(1025)

[Traduction]

    Je vais poursuivre en anglais pour la deuxième partie, car c'est dans cette langue que j'ai l'habitude de réfléchir à cela. Le financement de base est un aspect essentiel de la question de financement. L'idée du financement par projet qui a gagné en popularité au début des années 2000 et qui caractérise le financement du gouvernement — et qui s'est malheureusement répandue au financement des grandes fondations canadiennes — a condamné les travailleurs de la société civile et des ONG à des salaires de subsistance. Cela signifie que notre pérennité n'est pas assurée, car nous devons toujours penser au projet suivant, et nos méthodes et nos activités sont toujours centrées sur le projet suivant. Je demande instamment au Comité, surtout dans l'optique de la création d'une fondation, de rejeter l'idée de financement par projet et de se concentrer réellement sur les droits de la personne et sur la gouvernance politique. Il doit examiner ce qu'il tente de réaliser en tant que concept, selon une vision holistique, plutôt que de se concentrer sur le principe absolument rétrograde du financement par projet.
    Les droits de la personne ne peuvent être considérés de façon isolée. Il en va de même pour la gouvernance politique. Ce sont de vastes projets qui nécessitent une approche holistique et, à mon avis, une approche multilatérale.

[Français]

    Je vous remercie et je suis tout à fait d'accord.
    Monsieur Deveaux, vous avez mentionné le rôle que le Canada pourrait jouer dans le renforcement des institutions politiques.
    Quand on parle de renforcement des institutions politiques, la participation des femmes dans les Parlements est un thème qui revient souvent. C'est un dossier dans lequel le Canada est loin d'être parfait. L'un de nos trois partis majeurs ne compte que 20 % de femmes, ce qui est bien en dessous de la moyenne mondiale de représentation.
    Alors, comment fait-on pour contourner ce problème? Je ne pense pas que, généralement, on puisse faire la leçon à plusieurs pays relativement à cet enjeu. Comment fait-on pour contourner cette difficulté?

[Traduction]

    Je vais vous donner un exemple très précis que j'utilise très souvent pour les questions d'autonomisation politique des femmes. Je sais que cela peut sembler étrange, mais sur la scène internationale, si on peut faire valoir le point de vue de différents pays, c'est valorisé, peu importe le sexe. Je donne souvent l'exemple du NPD. Je sais très bien, selon mon expérience, que le parti ralentit les processus de nomination et tente d'encourager et de guider les femmes pour qu'elles se portent candidates. Cela connaît un certain succès. Je pense qu'il y a au Canada d'autres exemples que nous pouvons citer et qui seront utiles au-delà de nos frontières. Est-ce le seul exemple? Non; les exemples abondent partout dans le monde. On peut parler du processus du Rwanda, qui a réussi à dépasser les 60 %. On peut parler du modèle suédois ou du modèle scandinave, mais je ne dirais pas nécessairement que le Canada n'a aucune expérience à cet égard. Je pense que nous pouvons citer des exemples canadiens. Les gens veulent en savoir davantage à ce sujet, particulièrement dans les pays qui ont un système majoritaire uninominal à un tour comme le nôtre. Ils n'ont pas la représentation proportionnelle, dans lequel des femmes figurent sur la liste des candidats du parti. Ils ont un système où les femmes tentent de remporter un siège dans des circonscriptions uninominales. Je pense que le Canada a des leçons utiles sur la façon d'y arriver.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Sidhu, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président. Je vous remercie tous les deux de votre témoignage de ce matin.
    Monsieur le président, j'ai un petit correctif à apporter sur la question des nouvelles amitiés partout dans le monde. Je pense que le gouvernement actuel s'est fait plus d'amis en signant le PTPGP, qui représente 500 millions de personnes dans 11 pays, et en signant le nouvel ALENA — l'AEUMC —, qui représente 500 millions de personnes de plus. Je pense que le gouvernement actuel fait un excellent travail pour créer de nouvelles amitiés partout dans le monde.
    Pour revenir au véritable problème, le témoin précédent a indiqué que moins de 20 % de la population mondiale exerce un droit démocratique. Monsieur Deveaux, vous avez dit que le Canada n'est pas un acteur sérieux, même si le gouvernement actuel fait la promotion de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes partout dans le monde. Nous avons Élections Canada, un organisme qui assure l'intégrité des élections. Par rapport à ces 20 %... où se situe le Canada? Quelle est notre place dans l'équation? Sommes-nous perçus comme un chef de file du monde démocratique, ou non?
    Je partagerai ensuite mon temps avec M. Sikand.
(1030)
    Le Canada est perçu comme un pays doté de principes démocratiques établis depuis longtemps, dont nous avons fait l'assise d'un pays diversifié et multilingue. Vous avez, évidemment, beaucoup de défis à relever. Je pense toutefois, comme ma collègue l'a indiqué, que nous pouvons parfois avoir un dialogue plus honnête avec les gens d'autres pays, comparativement à d'autres pays qui sont des chefs de file dans ce domaine, puisque notre pays n'est pas une ancienne puissance coloniale. Le Canada a l'occasion de se manifester et d'offrir un point de vue différent, vraiment différent. À mon avis, comme je l'ai dit plus tôt, je pense que nous devons mener nos activités avec plus d'audace, que ce soit par rapport à la gouvernance politique, aux droits de la personne ou à beaucoup d'autres enjeux.
    Merci.
    Je cède la parole à M. Sikand.
    Mon collègue, Jati, vient de parler du commerce et des efforts considérables que nous déployons pour le favoriser. Pearl, je dirais que la question s'adresse à vous. Plus tôt, on a entendu parler de déclarations chargées de valeurs, de questions morales et des bonnes choses à faire. On a aussi parlé de sécurité. Pourriez-vous nous dire en quoi l'accès aux ressources, l'emploi et le capitalisme, peut-être, sont liés aux droits de la personne et à la démocratie?
    Avec plaisir; je vais utiliser un exemple concret. C'est probablement la meilleure façon d'expliquer la corrélation. À la fin des années 2000, avant la dernière guerre civile au Sri Lanka, j'ai été invitée par l'Union européenne, précisément parce que je suis Canadienne, à me rendre là-bas pour déterminer dans quelle mesure le gouvernement sri lankais respectait les droits civils et politiques.
    C'était une période extrêmement difficile et la mission n'était pas purement liée aux droits de la personne. C'était lié à ce qu'on appelle la PGS+, une disposition de la réglementation de l'Union européenne qui lui permet de retirer le statut commercial de nation la plus favorisée à tout pays qui ne respecte pas les droits de la personne. C'est un exemple concret d'une situation où les pratiques d'un pays en matière de droits de la personne et son bilan à cet égard ont une incidence directe sur sa capacité de tirer parti de débouchés commerciaux et de droits de douane favorables.
    Il existe des mécanismes bien établis pour lier le commerce au bilan d'un pays en matière de droits de la personne. On reconnaît, comme il a été indiqué plus tôt, que le processus est lent et graduel. C'est un marathon et non un sprint. Il faut toutefois mettre en place des indicateurs de façon à pouvoir user de la carotte et du bâton, si vous me permettez cette analogie, et ainsi lier nos relations commerciales avec un pays aux valeurs qui nous sont chères. À mon avis, ce n'est pas seulement éthique. C'est aussi une façon de mettre en lumière les valeurs des droits de la personne auxquelles votre pays affirme aspirer et d'établir un lien véritable et concret avec les résultats à cet égard.
    Merci beaucoup de cette réponse.
    J'ai très peu de temps.
    Kevin, j'ai été pris sur l'île de Koh Samui récemment en raison d'une tempête, et je suis aussi allé à Bangkok.
    En Thaïlande, par exemple, on vénère la monarchie, mais c'est aussi un pays démocratique. Pourriez-vous nous expliquer comment les deux coexistent et comment un système peut appuyer la démocratie?
(1035)
    J'hésite à parler de la démocratie en Thaïlande. J'en connais moins à ce sujet. Il y aura des élections le 24 mars; espérons que ce sera un succès.
    Il y a toujours des défis. Je ne pense pas cela doit toujours être un monarque. Certaines personnes me demandent comment cela fonctionne au Canada, puisque nous avons une reine. Cela étonne les gens qui viennent d'une république. Évidemment, on parle de monarchie constitutionnelle, et s'il est question de démocratie, c'est ainsi que nous devons procéder. Je ne pense pas que les deux sont incompatibles. Je pense que dans la plupart des pays du monde, peu importe qu'on ait affaire à une reine, à un roi ou à un président, il faut toujours un équilibre entre le chef de l'État et le gouvernement.
    Je tiens à remercier nos deux témoins d'avoir pris le temps de se joindre à nous pour nous présenter leurs observations ce matin.
    Cela dit, chers collègues, nous passons aux travaux du Comité.
    Je vais suspendre la séance brièvement, pour que nous passions à huis clos.
    Merci beaucoup.
    La séance est suspendue.
(1035)

(1040)
    J'aimerais donner à tous les députés qui le veulent l'occasion de présenter leurs condoléances à l'occasion du décès de M. Dewar.
    Je tiens aussi à reconnaître, encore une fois, les propos sincères exprimés par notre collègue du NPD. Que les pensées de tous les membres de ce comité accompagnent la famille de M. Dewar.
    Nous commençons par M. Wrzesnewskyj, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président. Merci de me donner cette occasion.
    Beaucoup de gens sont conscients du travail remarquable que notre ancien collègue Paul Dewar a accompli ici, à Ottawa.
    Il a aussi accompli un travail formidable dans certains dossiers internationaux les plus difficiles. Peu de temps après avoir été élu, il est devenu membre de notre comité pour la prévention du génocide et d'autres crimes contre l'humanité, qui était présidé par le sénateur Dallaire. Après quelques années, il a occupé la présidence de ce comité et a poursuivi le travail colossal du sénateur Dallaire, faisant briller la lumière dans les coins les plus sombres du monde, lumière qui s'opposait directement aux maux les plus sombres et les plus horribles, le génocide et les crimes contre l'humanité. Je pense qu'il est important de nous souvenir de ce travail.
    J'aimerais aussi lire une citation de la dernière publication de Paul, hier, dans laquelle il s'adressait à beaucoup d'entre nous.
Chers amis,

Le temps est venu... de vous dire au revoir.

Grandissons avec paix, amour et unité. Joignons nos mains et nos coeurs...
    Paul, mon ami, continue de rayonner. Que ton exemple et ton travail nous éclairent pour toujours.
    Merci.
(1045)
    Merci beaucoup, monsieur Wrzesnewskyj.
    Je pense que nous allons lever la séance sur cette note. Gardons à l'esprit l'héritage que nous a laissé M. Dewar.
    Merci.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU