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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 142 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 9 mai 2019

[Énregistrement électronique]

  (0850)  

[Traduction]

    Bonjour et bienvenue à la 142e réunion du Comité permanent de la condition féminine.
    Aujourd'hui, notre réunion se déroule en public et nous poursuivons notre étude sur la situation des femmes au ministère de la Défense nationale.
    À cette fin, je suis ravie d'accueillir Mme Paula MacDonald, qui va témoigner à titre personnel. Nous allons écouter son exposé de sept minutes, puis nous allons lui poser des questions.
    Madame MacDonald, je vous cède la parole. Vous avez sept minutes.
    Bonjour, madame la présidente, honorables députés.
    Je suis ravie et pleine d'espoir à l'idée de pouvoir vous parler de mes expériences au ministère de la Défense nationale et dans les Forces armées canadiennes en tant que femme ayant servi directement son pays entre octobre 2014 et janvier 2016.
    Ma carrière militaire a été courte, peu gratifiante et douloureuse. J'ai volontairement quitté le service parce que ma chaîne de commandement refusait de réagir d'une manière raisonnable au comportement de mes supérieurs, qui me faisaient subir de la discrimination en mettant en doute mes habilités, me harcelaient sexuellement et m'objectivaient. J'ai subi des niveaux croissants de violence de la part de militaires qui se comportaient de façon inappropriée, et je suis partie afin d'assurer ma sécurité physique.
    Madame MacDonald, je vais vous demander de ralentir un petit peu, quitte à prendre un peu plus de temps.
    Oui.
    Le Tribunal des droits de la personne du Canada est saisi de mon dossier.
    J'ai subi de la discrimination fondée sur le sexe et du harcèlement sexuel durant mon service à titre de réserviste de la 35e Ambulance de campagne, ainsi que durant mon instruction de base à l'École de leadership et de recrues des Forces canadiennes, à Saint-Jean-sur-Richelieu, au Québec. J'ai signalé le harcèlement sexuel et la discrimination fondée sur le sexe aux autorités désignées de la chaîne de commandement. Les enquêtes dirigées par l'unité ont permis aux individus qui s'étaient comportés de façon inappropriée avec moi de décider des résolutions militaires. La chaîne de commandement où s'étaient produits les abus a conservé la responsabilité administrative relative aux méthodes de résolution, ce qui a permis aux militaires liés directement aux atteintes alléguées aux droits de la personne de décider de la façon dont la situation serait résolue. Les politiques et procédures internes visant à prévenir les conflits d'intérêts n'ont pas été mises en œuvre dans le cadre des processus de résolution militaires.
    Les autorités désignées des deux chaînes de commandement locales n'ont pris aucune mesure pour contrer le harcèlement et la discrimination que je subissais. Les autorités désignées ne m'ont jamais reçue en entrevue au sujet des incidents qui s'étaient produits à l'École de leadership et de recrues des Forces canadiennes. Je fréquentais cette école à l'époque où CBC/Radio-Canada a annoncé le décès par suicide de sept jeunes hommes, ainsi qu'une éclosion d'angine streptococcique.
    Pendant la période où j'ai fréquenté cette école, de nombreuses femmes ont quitté volontairement les Forces armées canadiennes. Leur décision a été grandement influencée par les méthodes d'instruction des dirigeants militaires. Je peux parler des conditions de vie à la Méga de l'École de leadership et de recrues des Forces canadiennes, tant du point de vue sexospécifique que du point de vue de la santé et de la sécurité.
    Il n'y avait pas de freins et contrepoids en place pour garantir que les dirigeants militaires respectaient les politiques et procédures internes des Forces armées canadiennes, lors de quatre enquêtes menées par les Forces armées canadiennes qui ont eu des répercussions directes sur ma vie. Quand je me suis opposée au harcèlement sexuel, les dirigeants des Forces armées canadiennes ont conclu que mes aptitudes en leadership étaient faibles, ce qui m'a fait subir encore plus de discrimination. Les compétences en matière d'évaluation des dirigeants qui en sont venus à cette conclusion en disent beaucoup sur le travail à faire pour corriger les effets de la culture hostile aux femmes qui prévaut.
    Madame MacDonald, pourriez-vous ralentir un peu plus encore? C'est un peu difficile pour les interprètes.
    D'accord.
    Les dirigeants des Forces armées canadiennes n'ont pas appliqué correctement la définition canadienne de « harcèlement sexuel », et même de la définition interne des Forces armées canadiennes, dans le cadre de deux de leurs enquêtes. Notre gouvernement ne s'est toujours pas attaqué à ces problèmes, lesquels ont été exacerbés par les méthodes internes établies par les dirigeants des Forces armées canadiennes.
    Je travaille activement depuis quatre ans et demi à obtenir réparation pour les violations dont j'ai été victime de la part de membres des Forces armées canadiennes, et ce n'est toujours pas réglé. Il faut des politiques et procédures qui vont garantir une résolution rapide et efficace, dans l'intérêt supérieur de la victime, des cas de violence fondée sur le sexe.
    Prenez votre temps, madame MacDonald. Nous allons arrêter le chronomètre.
    Je crois que le gouvernement du Canada doit faciliter ces changements, car les systèmes internes de la Défense nationale, conçus par les dirigeants des Forces armées canadiennes, favorisent les supérieurs qui ont un comportement abusif envers les victimes de cette violence dans le cadre de leurs enquêtes menées par les unités.
    Il y a quatre ans que le rapport de Marie Deschamps a été rendu public. Ce rapport comporte une stratégie ferme et robuste qui faciliterait les changements administratifs nécessaires qui mettraient fin aux problèmes que j'ai rencontrés à cause des enquêtes menées par les unités. Et pourtant, notre gouvernement ne l'a toujours pas adoptée.
    Il faut examiner et remanier les systèmes de gestion des données internes afin de veiller à ce que les membres des Forces armées canadiennes respectent les obligations énoncées dans les lois canadiennes qui visent la gestion organisationnelle. Il faut une surveillance externe accrue. On fait porter aux victimes de discrimination une trop grande partie de la responsabilité de résoudre les comportements sexuels néfastes et la discrimination fondée sur le sexe au sein des Forces armées canadiennes. On donne trop de pouvoir aux auteurs des gestes répréhensibles et aux dirigeants qui omettent d'agir quand il faut agir.
    Parce que les dirigeants des Forces armées canadiennes ont omis de faire face au harcèlement, j'ai dû quitter le service pour me protéger. J'ai subi une intensification des agressions et des comportements violents de la part de militaires du rang imprégnés de cette culture hostile. Je trouve qu'une telle réaction de la part des personnes qui ont la responsabilité de protéger notre pays est inacceptable, et j'espère que vous la trouvez inacceptable aussi.
    Je crois qu'il faut une surveillance externe et que la Défense nationale devrait envisager de soustraire de la chaîne de commandement les pouvoirs administratifs relatifs au traitement des problèmes d'inconduite sexuelle dans les cas où il faut des mesures qui donneront des résultats fiables. Quand le gouvernement omet de concevoir et de mettre en application des politiques et des procédures qui protègent efficacement les droits des groupes minoritaires au sein du gouvernement, cela crée des inégalités dans notre société. Les groupes comme celui des femmes ne bénéficient pas d'une protection égale ou d'une participation complète à cause de ces défaillances de nos systèmes d'administration et de gestion.
    Le Canada a d'excellentes lois qui promettent la protection et la participation égale de tous ses citoyens. Les femmes qui subissent de la violence fondée sur le sexe dans les Forces armées canadiennes n'ont pas un accès égal aux ressources publiques qui facilitent la justice. Au lieu de cela, les systèmes administratifs favorisent les personnes en position de pouvoir qui profitent de ce pouvoir. Les victimes doivent subir les conséquences financières, émotionnelles et physiques des omissions de l'administration de la justice.
    Je veux vous donner ce qu'il faut pour que vous puissiez faciliter la prise de mesures efficaces qui feront front aux conséquences de la culture hostile aux femmes qui prévaut au sein des forces. Afin de vous aider à réaliser cet objectif, je dois vous aider à comprendre les dessous des systèmes militaires d'administration et d'instruction du point de vue d'une personne qui a porté plainte pour harcèlement.
    Selon moi, les défaillances au sein de la direction des Forces armées canadiennes ont contribué à faciliter le harcèlement sexuel et l'exploitation de subordonnés. J'estime que les militaires méritent de jouir du même mode de vie que celui qu'ils défendent au nom des autres Canadiens. Pour en arriver à cela, nous devons modifier les mécanismes de gestion qui encadrent leur vie quotidienne.
    Je vais me fonder sur l'expérience que j'ai vécue avec les systèmes administratifs militaires pour vous aider à mieux comprendre comment les choses fonctionnent vraiment dans les Forces armées canadiennes concernant le traitement des femmes à la Défense nationale.
    Je serai ravie de répondre à vos questions.

  (0855)  

    Madame MacDonald, merci beaucoup de votre témoignage.
    Nous allons passer à notre première série de questions de sept minutes.
    Je vais donner la parole à Sonia Sidhu. Madame Sidhu, vous avez sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci de votre témoignage, madame MacDonald.
    Je suis de Brampton. Nous y avons deux filiales de la Légion royale canadienne: la filiale no 609 de la Légion royale canadienne, et la filiale no 15 de la Légion royale canadienne.
    À la Défense nationale, les femmes occupent 40 % des postes; au sein des Forces armées canadiennes, elles ne représentent que 15,7 % des militaires. Pensez-vous que les incidents de ce genre contribuent à la sous-représentation des femmes au sein des Forces armées canadiennes?
    Je crois que oui. Je crois aussi que c'est intégré dans leur système d'instruction, dans leur façon de donner l'instruction et d'essayer d'enseigner aux gens à être un soldat. Je crois que cela crée un environnement malsain et dangereux pour les femmes qui essaient d'entrer dans les Forces. Cela aiderait s'il y avait plus de femmes dans ces postes.
    Certaines des femmes qui réussissent à entrer dans les Forces finissent aussi par participer à la culture hostile aux femmes qui existe. Il faut envisager cela globalement, du point de vue des droits de la personne, de la façon dont l'instruction est conçue et la gestion facilitée, de manière à en faire un milieu qui respecte les valeurs canadiennes.
    Avez-vous remarqué des améliorations depuis 2015?
    Je crois qu'il y a des améliorations depuis 2015, mais que cela pourrait et devrait changer beaucoup plus vite. Je crois qu'il y a une crise au sein des Forces armées canadiennes.
    Comment le gouvernement fédéral peut-il aider à créer un milieu de travail plus sûr, plus inclusif et sans violence?
    D'après moi, comme le dit Marie Deschamps dans son rapport, les pouvoirs administratifs devraient être retirés à la chaîne de commandement, ce qui aiderait beaucoup dans l'enquête sur les incidents. Par ailleurs, il faut exercer une plus grande surveillance des militaires afin de veiller à ce qu'ils respectent les politiques et procédures internes.
    Dans mon cas, les dirigeants n'ont pas respecté leurs propres politiques et procédures internes, ce qui a empiré la situation. Il faut assurer un équilibre afin de veiller à ce que leurs actions correspondent à leurs paroles.
    Je ne crois pas que ce soit réglé, et je ne crois pas que cela sera réglé tant qu'il n'y aura pas de changement au système administratif quant à la façon de rendre des comptes pour éviter les conflits d'intérêts directs avec la nécessité d'imposer le bon ordre et la discipline, ou avec l'idée du bon ordre et de la discipline dans la chaîne de commandement. Vous ne pouvez pas avoir une relation hiérarchique directe entre la personne qui prend les décisions et la personne qui recueille toute l'information, il faut que ce soit séparé.

  (0900)  

    Merci.
    Je siège également au Comité permanent de la santé. Nos membres travaillent à une étude sur la communauté LGBTQ2. Trouvez-vous que les membres de cette communauté continuent de faire face à un certain degré de discrimination au sein des Forces armées canadiennes?
    Quand j'étais dans les Forces armées canadiennes, quiconque avait des caractéristiques s'apparentant à la féminité faisait l'objet de discrimination, au point où… Par exemple, mes instructeurs de cours voulaient que je me rase la tête, que je me comporte comme un homme. Ils affichaient des trucs dans les milieux de formation qui disaient, par exemple, que vous étiez une femme faible si vous n'étiez pas capable d'endurer le harcèlement.
    Ils essaient de vous convaincre que pour être forte, vous devez avoir toutes les caractéristiques associées à l'identité masculine, plutôt que d'essayer de voir l'identité féminine comme étant une source de force.
    À mon avis, ce serait difficile pour quiconque a des caractéristiques féminines, au sein des Forces armées canadiennes.
    Merci.
    Est-ce que vous croyez que la culture changerait si on donnait un rôle important aux femmes dans les Forces armées canadiennes?
    Oui, et je crois que cela doit venir du haut de la hiérarchie. Si vous avez des femmes fortes qui font leur entrée aux plus bas niveaux des Forces armées canadiennes, elles vont vraisemblablement vivre la même chose que moi. Elles ne pourront tout simplement pas réussir dans cet environnement.
    Merci.
    Madame Harder, vous avez sept minutes.
    Madame MacDonald, merci infiniment d'être venue aujourd'hui et d'avoir accepté de nous raconter votre histoire. Vous êtes un exemple de courage et de résilience pour beaucoup.
    Je suis curieuse à propos d'une chose. Dans votre témoignage, je dirais que vous parliez aussi bien de politiques que de pratiques. Croyez-vous que ce sont les politiques qui doivent changer, ou les pratiques, ou les deux?
    Les deux.
    Pouvez-vous nous expliquer cela?
    Je crois que c'est la structure de gestion qui doit changer. Il faut plus de surveillance, et il faut regarder la façon dont les politiques sont facilitées dans les Forces armées canadiennes. Il y avait divers types de problèmes, quand je suis entrée dans les Forces armées canadiennes. Certains problèmes étaient liés aux politiques de gestion des ressources humaines et aux politiques de sélection et de recrutement. Dans l'ensemble du système de gestion, des recruteurs de première ligne jusqu'aux colonels, on ne respectait pas les pratiques basées sur des données probantes en matière de recrutement et de sélection de personnel. Ils avaient des pratiques dépassées qui ne permettaient pas de placer les bonnes personnes dans les bons postes.
    Par exemple, ils utilisaient les mêmes types de critères de sélection et de critères de compétence pour un officier de service social que pour un officier du génie. C'est tout simplement différent. Ce sont des critères différents, des compétences différentes, mais ils ne comprenaient pas vraiment cela. Il y avait des problèmes concernant les connaissances générales et les compétences des personnes qui étaient placées dans des postes de direction des Forces armées canadiennes. Cela se résume à la façon dont nous éduquons nos militaires et au programme d'éducation auquel nous les soumettons. Puis il y avait des problèmes relatifs à la structure de reddition de comptes et de gestion mise en place.
    Chaque fois que j'ai subi du harcèlement sexuel, je l'ai signalé à ma chaîne de commandement. La chaîne de commandement n'a rien fait à ce sujet. Il y avait une jeune fille de 17 ans qui travaillait avec moi au manège militaire, et c'était pour moi une question de protection d'une enfant, parce qu'elle n'était pas majeure. Elle demandait de l'aide, et il y avait beaucoup de comportements obscènes et un recours croissant à la violence axée sur le sexe. Je me suis donc adressée aux gens dans les postes appropriés pour signaler cette violence. Ils n'ont rien fait.
    J'ai alors consulté des membres de la collectivité, et j'ai fini par parler à la police de la ville de Saint John. La police de la ville de Saint John a informé la chaîne de commandement ou la police militaire. Puis, les membres de ma chaîne de commandement, qui n'avaient rien fait dans le dossier, ont exercé des représailles contre moi. Ils ont dû mener une enquête et faire quelque chose à l'intérieur de leur système de gestion interne. Ils ont exercé des représailles contre moi et ont essayé de me faire déclarer inapte au service et de bloquer ma demande d'enrôlement direct comme officier de travail social.
    Après cela, j'ai contacté l'ombudsman, qui m'a dit que je devais déposer une plainte. J'ai déposé une plainte à ma chaîne de commandement, ce qui équivalait à déposer ma plainte directement auprès des individus qui avaient essayé de me faire déclarer médicalement inapte au service. Puis j'ai également déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne.
    La Commission canadienne des droits de la personne ne peut pas vous venir en aide à moins que vous ayez épuisé toutes les solutions prévues dans la procédure de règlement des griefs du personnel militaire. Ce que j'ai constaté, c'est que les militaires se comportaient mal et d'une façon tout à fait inappropriée, puis ils créaient tout simplement une nouvelle méthode de résolution des problèmes de harcèlement afin de se faire pardonner ce qu'ils avaient fait avant.
    C'est un cycle qui s'est perpétué pour les trois enquêtes sur le harcèlement qui ont été menées au manège militaire de Saint John, au Nouveau-Brunswick, et pour une enquête à laquelle je n'ai pas pu participer ni témoigner à propos de ce qui se passait à l'École de leadership et de recrues des Forces canadiennes. C'est alors que la Commission canadienne des droits de la personne est intervenue. Elle va entendre la cause.
    Mais il y a aussi des problèmes avec le Tribunal canadien des droits de la personne. Je ne profite pas d'une protection juridique. Ce sont des procédures judiciaires, et je dois essayer de me représenter moi-même. Je ne suis pas avocate. Je suis une travailleuse sociale, alors il est difficile pour moi d'être au fait de tous les processus et procédures et de savoir comment m'y prendre.

  (0905)  

    Les Forces armées canadiennes sont représentées par le bureau du procureur général et bénéficient par conséquent d'une représentation juridique financée par l'État. La Commission canadienne des droits de la personne est là pour représenter les intérêts du Canada. Il n'est pas clair que la victime sera protégée, en ce qui concerne ce qui va lui arriver. Je dois trouver une façon de me protéger, en pareille situation.
    Je ne peux pas obtenir le remboursement de mes frais juridiques. Je dois financer cela moi-même, alors que les auteurs du harcèlement ont, pour leurs frais juridiques, un financement illimité qui leur vient de l'État. Je pense que c'est injuste.
    Vous avez 30 secondes.
    D'accord. Mon tour reviendra, et je poserai d'autres questions.
    Madame Mathyssen, c'est à vous pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, madame MacDonald.
    Tout cela est très perturbant. Ce que vous nous dîtes dépasse tout ce que nous pouvions imaginer, et je pense pouvoir parler pour nous tous.
    Je m'interroge sur ce que vous avez vécu. Vous avez dit qu'il y avait une affiche qui disait que vous êtes une femme faible si vous n'êtes pas capable d'endurer le harcèlement.
    Oui.
    Est-ce que c'était courant?
    Elle était placée de façon stratégique. C'était derrière la planchette à pince d'un responsable de section. Le responsable levait sa planchette en l'air pour qu'elle soit visible pour tous les autres membres présents, des subordonnés. Le message, c'était: « J'ai une planchette à pince. Je suis le responsable de section, et je vous montre le message qu'il y a derrière. » Et il y avait l'affiche qui vous disait que vous étiez une femme faible si vous n'étiez pas capable d'endurer le harcèlement.
    Ils lançaient aussi des injures. Il y avait sur l'affiche des choses à propos de la communauté LGBTQ, contre la communauté LGBTQ. J'en ai une copie. Je peux vous l'envoyer si vous le voulez. J'en ai pris une photo, et je peux vous l'envoyer si vous voulez voir de vos propres yeux.

  (0910)  

    Je vous remercie. Je crois que plus nous avons de preuves, mieux nous serons préparés à rédiger un rapport.
    Cela ressemble à de la brimade.
    Oui.
    Est-ce qu'on avait l'impression que les militaires ou les personnes en position de pouvoir sur vous ne voulaient pas de femmes ou de membres de la communauté LGBTQ? Est-ce qu'ils voulaient tout simplement les voir partir et étaient prêts à faire tout ce qu'il fallait pour s'en débarrasser?
    Personnellement, j'avais l'impression qu'ils voulaient m'exploiter sexuellement, et j'ai dû par conséquent faire face à beaucoup de harcèlement sexuel et de choses de ce genre.
    En matière de soutien aux victimes, le vérificateur général a rédigé un rapport sur la situation dans les forces, et il s'est montré très critique. Il a dit que les Forces armées canadiennes devraient faire du soutien aux victimes une priorité absolue. J'imagine que vous n'avez jamais senti qu'il y avait du soutien.
    Pendant mon instruction de base, j'ai téléphoné au Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle des Forces armées canadiennes pour leur demander de m'aider. Ils n'ont rien fait de plus que ce que l'ombudsman aurait fait, c'est-à-dire que pour la résolution des problèmes, ils m'ont renvoyée aux mécanismes des Forces armées canadiennes pour qu'ils s'occupent des mauvais traitements, et donc, aux individus qui me harcelaient sexuellement. Il est impossible de résoudre les problèmes avec les gens qui vous les causent.
    Vous tourniez en rond.
    En effet. On vous retourne toujours voir l'individu qui essaie de… les cas où vous faites face à l'exploitation et au harcèlement.
    C'est encore ainsi. Je leur ai posé la question, et je surveille les changements afin de voir comment les choses évoluent. Le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle retourne toujours l'information à la chaîne de commandement. Les individus qui occupent les postes directement liés aux incidents qui sont, d'après moi, des atteintes aux droits de la personne… Ils ont procédé à un remaniement et les ont placés dans des postes liés à l'opération Honour.
    Dans mon cas, ils ont pris des mesures de rétorsion et n'ont pas suivi les politiques et procédures internes pour me payer. C'est le colonel au Bureau de sélection du personnel qui l'aurait fait. Il y a quatre ans et demi, il est passé au poste de coordonnateur des droits de la personne. C'est encore lui qui répond à mes allégations de harcèlement, et c'est encore lui qui réagit au travail qu'il a fait dans son poste de gestion antérieur.
    C'est une boucle sans fin. Vous devez traiter avec les individus qui se sont mal comportés et qui ont utilisé les ressources du Canada pour leur propre plaisir, concernant leurs comportements. Si ce n'est pas du harcèlement sexuel, qu'est-ce qui en est? C'est encore cela. Les gens n'ont pas fait leur travail la première fois, et on leur confie encore une fois le même travail. Cela ne fonctionne pas.
    Merci.
    Vous avez parlé de l'attaque personnelle, et vous avez dit que quand ils en sont venus à ne plus savoir quoi faire de vous, on vous a déclarée médicalement inapte.
    C'était la première fois. J'étais une éternelle optimiste. Je me disais que si Marie Deschamps affirmait dans son rapport que c'était une culture hostile aux femmes, on ferait quelque chose et on agirait en fonction de ce qui était dit; on mettrait un terme à cela, parce qu'on est au Canada.
    Puis pendant mon instruction de base, ils ont embauché une sergente pour qu'elle crie après les femmes. Cela m'est arrivé, et j'ai dit à ma chaîne de commandement qu'ils ne pouvaient pas engager une sergente pour qu'elle crie après toutes les femmes et pour qu'elle les rende misérables, parce que cela équivaut à du harcèlement fondé sur le sexe. Vous ciblez les femmes en faisant cela.
    Puis, pendant que je mangeais mon repas, elle s'est placée comme si elle allait me frapper. Je ne pouvais pas rester là parce que la violence s'aggravait. Je subissais également du harcèlement sexuel de la part des adjudants-maîtres; ils avaient des comportements sexuels inappropriés et me traitaient comme un objet sexuel. Elle allait m'envoyer à eux pour qu'ils me disciplinent. Je ne pouvais pas faire cela. Je ne m'étais pas enrôlée dans l'armée pour être exploitée sexuellement. Je m'étais enrôlée pour servir mon pays en tant que travailleuse sociale. Je ne pouvais pas rester là.
    Je devais partir pour ma propre protection.

  (0915)  

    C'est excellent. Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de Rachel Bendayan, pour les sept dernières minutes.
    Madame Bendayan, c'est à vous.
    Merci beaucoup, madame MacDonald.
    Au nom de toutes les personnes présentes, je vous remercie beaucoup de votre service et de votre enrôlement dans les Forces pour commencer. Je vous remercie également de passer la matinée avec nous pour nous aider à réaliser cette étude importante.
    Avant d'être élue, j'étais une avocate plaidante, et je m'intéresse particulièrement à l'expérience quasi judiciaire que vous avez vécue. Si vous êtes d'accord, j'aimerais vous poser quelques questions sur cette expérience.
    Je crois que vous avez dit que vous avez commencé il y a quatre ans et demi.
    J'ai entrepris le processus il y a quatre ans et demi, et cela se poursuit.
    Est-ce que c'était au milieu de 2014 environ?
    C'était au milieu de 2015. Désolée.
    D'accord.
    Vous avez aussi mentionné que divers processus ont été entrepris. Certains ont été complétés, puis d'autres ont été entrepris. Est-ce que vous pourriez nous les décrire?
    Quand j'ai subi du harcèlement pour la première fois ou, disons, quand on a essayé de me faire déclarer mentalement inapte parce que je m'étais plainte des comportements hostiles aux femmes, j'ai déposé une plainte fondée sur les droits de la personne et j'ai suivi les procédures militaires internes. C'est comme déposer un grief. Vous devez rédiger les documents de la façon dont ils les veulent, puis vous devez mettre en question ce qui vous est arrivé.
    J'ai fait cela et j'ai également déposé deux plaintes à la Commission canadienne des droits de la personne. L'une se basait sur la discrimination fondée sur le sexe. Ils me disaient qu'ils ne me laisseraient pas subir les tests pour devenir officier de service social parce qu'ils disaient que je ne serais pas capable de passer de toute façon. Ils présumaient essentiellement que j'étais idiote et que je ne pouvais pas faire de mathématiques, alors que je peux.
    J'ai ensuite déposé une plainte pour essayer de me protéger, pour essayer de les encourager à respecter la loi, en supposant qu'il y aurait des conséquences s'ils me faisaient subir des représailles. Cela n'a pas fonctionné.
    Vous avez mentionné précédemment que pour faire entendre votre cause au Tribunal canadien des droits de la personne, vous deviez avoir épuisé toutes les mesures ou procédures disponibles.
    Oui. On m'a affecté un officier désigné, qui m'a ensuite aidée à rédiger des documents comme on l'entendait, mais sans m'autoriser à y mentionner le comportement violent du commandant à mon égard. Comme tous étaient des professionnels de la santé, ils auraient dû savoir que le refus de harcèlement sexuel n'est pas un signe de mauvaise santé mentale. Leur seul but était de m'intimider.
    Vous avez aussi dit qu'on vous a souvent remise en contact avec vos harceleurs pour soit résoudre votre différend, soit traiter votre dossier. Proposeriez-vous un processus distinct par lequel une autorité indépendante serait particulièrement chargée d'entendre les causes de harcèlement contre les femmes?
    Oui, ou contre les LGBTQ ou toutes les personnes différentes...

  (0920)  

    C'est-à-dire les causes de discrimination.
    Oui, il faut, à cause de la discrimination, les protéger contre la mentalité de groupe qui existe dans les Forces armées canadiennes.
    Pour répondre à votre question, une autre enquête, sur le harcèlement, a suivi la première enquête ratée. Elle a déterminé 18 situations considérées comme du harcèlement. Ensuite, la recherche très sérieuse d'un enquêteur interne dans l'armée, pour s'en charger, a échoué. On a ensuite décidé que les incidents de harcèlement dont j'avais été la victime, d'après l'examen, n'en étaient plus. On a donc mis fin à l'enquête sur le harcèlement pour faire ensuite démarrer une enquête administrative pour déterminer la réalité des incidents de harcèlement sexuel que j'avais signalés. Mais, alors, on n'utilisait pas la bonne définition interne des Forces armées canadiennes de « harcèlement » ni la définition juridique reçue au Canada de « harcèlement sexuel », dans un contexte d'ambiance empoisonnée ou de conditions de travail malsaines.
    Voilà les trois enquêtes ratées sur les événements survenus à la 35e Ambulance de campagne. L'échec, je l'attribue au manque de volonté. C'était des détenteurs de maîtrises de l'Université de Toronto, des gens très instruits. Je ne comprends donc pas leur incapacité d'élucider le dossier.
    L'enquête qui a suivi a porté sur l'École de leadership et de recrues des Forces canadiennes. J'y ai observé les mêmes types de comportements, où, sans s'en cacher, les instructeurs sexualisaient les femmes et en parlaient quotidiennement comme si c'étaient des objets sexuels. Ils donnaient des surnoms sexualisés aux éléments du fourbi. Les insinuations sexuelles, de toutes sortes, ne cessaient jamais. On n'agissait pas en professionnel; c'était comme une sexualisation verbale à haut niveau.
    Jamais l'enquête à cette école n'a englobé quelqu'un qui aurait pu parler de ce qui s'y passait en réalité.
    Un rapport a également été publié, dans lequel les Forces armées canadiennes ont enquêté sur les circonstances de sept suicides de jeunes hommes. Elles ont conclu que ça n'avait rien de systémique. Je pense qu'elles sont arrivées à cette conclusion parce qu'elles ont omis de questionner tous les témoins qui n'avaient rien à perdre à dire la vérité. Par exemple, on ne m'a pas interrogée. Aucune des autres femmes qui ont subi ce que j'ai subi en même temps que moi, libérées de façon volontaire... Certaines des nombreuses femmes victimes de harcèlement sexuel pendant l'instruction m'ont dit avoir songé au suicide, puis elles ont quitté l'armée pour des raisons de santé. J'ai été obligée de les imiter. L'instruction militaire m'a donné le syndrome de stress post-traumatique.
    On a simplement exclu des témoins pour obtenir les résultats qu'on voulait. Voilà pourquoi il importe vraiment de confier l'enquête et la résolution des problèmes à un corps séparé qui pourrait examiner les faits et trouver des solutions rapidement. En ce qui me concerne, quatre années et demie, c'est trop long pour régler ces problèmes. Le déroulement du processus de règlement des plaintes relatives aux droits de la personne dans les Forces armées canadiennes révèle l'inaccessibilité de la justice. J'ai investi un temps considérable dans ces processus pour les droits canadiens.
    Excellent! Merci beaucoup.
    Maintenant les interventions d'une durée de cinq minutes.
    M. Phil McColeman ouvre le bal.

  (0925)  

    Merci d'être ici. Si vous voulez poursuivre, je tiens vraiment à ce que vous arriviez à vos recommandations claires sur la restructuration. Vous avez commencé à les aborder dans la dernière partie de votre témoignage. Vous avez très souvent fait allusion, dans votre témoignage, aux systèmes de gestion. Beaucoup d'entre nous en connaissent, dans les entreprises du monde extérieur à celui de la politique.
    Oui.
    Ces systèmes opéraient dans divers contextes d'entreprises où, c'est évident, coexistent différentes cultures de structures d'entreprise et différents systèmes de gestion dans des entreprises dirigées par des personnes des deux sexes ou de tous les genres, pas nécessairement par une hiérarchie à prédominance masculine.
    Vous semblez avoir beaucoup de connaissances sur ce sujet, d'après votre premier témoignage. Quels seraient les genres de mesures que vous prendriez?
    Je commencerais par les excellentes recommandations du rapport de Marie Deschamps sur la restructuration. C'est là qu'elles se trouvent.
    L'idée selon laquelle le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle relève de... Le rapport disait-il que ce serait au moyen de rapports adressés au ministre de la Défense?
    Une voix: [Inaudible]
    Mme Paula MacDonald: Il faudrait donc y adresser directement les rapports au ministre de la Défense, par opposition à la chaîne de commandement, pour assurer le respect complet des politiques et des mesures de lutte contre le harcèlement. J'examinerais l'instruction et la socialisation des recrues, pour mettre la prochaine génération de soldats à l'abri de la culture hostile et sexualisée. Je pense qu'ils sont également des victimes de ce qui est arrivé. Les recrues sont des victimes. Tous ceux qui sont passés par ce type de socialisation en ont subi des conséquences négatives et ont été lésés. Il faut donc l'examiner aussi.
    Visiblement, vous avez bénéficié de conseils pendant tout ce processus, je suppose.
    Mme Paula MacDonald: Oui.
    M. Phil McColeman: Une équipe de juristes travaille-t-elle avec vous?
    Non. Ça, je ne peux pas me le payer. Je suis une Canadienne ordinaire de Souris, dans l'Île-du-Prince-Édouard, et je n'ai pas l'argent qui me permettrait...
    D'accord.
    ... de me l'offrir.
    Je vous le demandais pour savoir si d'autres situations que la vôtre avaient franchi pour la première fois ce processus et en connaître les résultats, si on en avait saisi des tribunaux des droits de la personne.
    À votre connaissance, d'autres personnes ont-elles suivi ce parcours ou êtes-vous la première?
    Je ne connais personne qui soit allé aussi loin que moi. Je sais que d'autres ont saisi le Tribunal canadien des droits de la personne de leur situation, avant moi, mais je ne connais personne qui ait affronté les mêmes problèmes particuliers que moi.
    J'en connais un bout sur la communauté des anciens combattants et leur tendance à fréquenter les médias sociaux, particulièrement ceux chez qui on a diagnostiqué le syndrome de stress post-traumatique et d'autres problèmes de santé mentale. Ils ont tendance à communiquer assidûment et régulièrement avec leurs semblables qui ont été libérés du service, dans la plupart des cas pour raisons médicales.
    Disposez-vous d'un tel réseau?
    Oui. Je suis très branchée au groupe « It's Just 700 ». Il s'agit d'hommes et de femmes, parce que l'exploitation sexuelle a touché les deux sexes. Plus de femmes que d'hommes l'ont vécue ou sont désireuses d'en parler, pour le moment. Je fais partie du groupe « It's Just 700 ».

  (0930)  

    Nous avons vraiment pris plus de temps qu'il ne fallait.
    Je suis désolée, monsieur McColeman.
    La parole est à Mme Nassif.
    Vous disposez de cinq minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci, madame MacDonald.
    Dans ma circonscription, Vimy, à Laval, il y a le 4e Bataillon du Royal 22e Régiment.
     Samedi passé, le ministre Sajjan est venu parler aux militaires et les remercier de leur travail au regard des inondations au Québec et ailleurs. J'ai regardé les personnes dans la salle et j'ai essayé de compter le nombre de femmes présentes et qui faisaient partie des Forces armées canadiennes. Je crois qu'il y en avait peut-être 4 %, ou 5 %.
    Selon les résultats d'un sondage mené en 2016 par Statistique Canada au sujet des inconduites sexuelles au sein des Forces armées canadiennes, 23 % des personnes ont déclaré avoir été victimes d'agression sexuelle au cours des 12 mois précédents. Le sondage indique aussi que 7 % des personnes ont signalé les incidents. De ces 23 %, ce 7 % constitue en fait 3 % de personnes qui ont signalé les incidents. Selon vous, quels facteurs contribuent au faible taux de signalement des incidents et de comportements sexuels inappropriés au sein des Forces armées canadiennes?

[Traduction]

    Je pense que les militaires qui signalent des incidents deviennent, pour l'avoir fait, des victimes de représailles et de harcèlement supplémentaire. Quant aux conséquences, pour ceux qui signalent avoir été victimes d'une agression sexuelle, c'est su que ce ne sera pas une partie de plaisir.
    Essentiellement, il n'y a rien à gagner d'être victime d'une agression sexuelle. On ne pourra pas se réjouir de l'avoir signalé, quoi qu'il arrive. Même si le harceleur ou l'agresseur est reconnu coupable, ça restera un long calvaire, une expérience douloureuse.

[Français]

    Selon vous, quel est l'impact du signalement obligatoire de tout incident de comportement sexuel inapproprié sur le taux de signalements? Est-ce que cela va aider à améliorer la situation?

[Traduction]

    Je pense que vous en venez à la déclaration obligatoire, à la déclaration forcée, dans les Forces armées canadiennes. Malgré de bonnes intentions, pour faire cesser les brutalités, les victimes sont soumises à de fortes pressions.
    Je ne souhaite à personne de vivre ces épreuves. Je ne suis donc pas sûre que c'est la meilleure façon d'obtenir une déclaration obligatoire. Quels appuis offre-t-on à la victime? Comment protégera-t-on sa santé mentale durant les procédures? Rien n'est prévu. Il faut axer sur la victime la lutte contre le harcèlement et les sévices sexuels.
    Oui.

[Français]

    Quelle est la meilleure chose que vous pourriez nous dire maintenant et que nous pourrions inclure dans notre rapport, afin que le gouvernement agisse à ce sujet?

[Traduction]

    Quelle est la priorité des priorités pour vous?
    Changer la structure de gestion des modalités d'enquête... ou retirer à la chaîne de commandement l'autorité administrative pour la confier au Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle, comme le recommande le rapport de Marie Deschamps. Donner suite aux recommandations de ce rapport.
    Ensuite, bien axer sur la victime, pour les mettre à sa disposition, les mesures et les ressources appropriées de santé mentale, pour qu'elle puisse recoller les morceaux et continuer. Privilégier l'appui aux victimes et se doter d'une sorte de programme pour déprogrammer les individus dont le comportement quotidien est hostile et sexualisé.

  (0935)  

[Français]

     J'ai une autre question à vous poser, très rapidement.
    Le fait d'avoir plus de femmes...

[Traduction]

    Pardon, madame Nassif. Vous avez terminé.
    La parole est maintenant à Mme Rachael Harder.
    Vous disposez de cinq minutes.
    Je crois entendre la terminologie du rapport, avec l'expression « culture hostile de la sexualisation ». Vous en avez décrit quelques exemples que vous avez observés ou vécus personnellement.
    Si vous êtes à l'aise de le faire, pouvez-vous nous aider à mieux comprendre ce à quoi ça ressemble, soit par des exemples précis que vous avez personnellement vécus ou que vous avez vu vivre par d'autres femmes dans les Forces armées canadiennes.
    Encore une fois, je comprends que ça peut être délicat. Je ne veux certainement pas vous mettre mal à l'aise.
    Oui.
    Si ça vous va, ça nous aiderait à mieux comprendre.
    J'interviens, un moment.
    Préférez-vous répondre à huis clos. Ce sera privé. Préférez-vous ne rien cacher, et ça restera public et ça figurera dans le compte rendu?
    À vous de décider. Nous pouvons nous retirer à huis clos pour que vous puissiez dire tout ce que vous savez, ou poursuivre en public. Que préférez-vous?
    Poursuivons simplement en public.
    Très bien. Fantastique.
    Alors que j'essayais de prendre la défense des victimes de harcèlement sexuel dans les Forces armées canadiennes, des journalistes de Radio-Canada/CBC ont publié dans les journaux deux articles dans lesquels ils ont examiné les premières manifestations de cette culture hostile de sexualisation.
    Ça commence essentiellement par la sexualisation de tous les aspects de la vie quotidienne, par exemple par l'attribution d'un nom sexualisé à différentes pièces d'équipement.
    Par exemple...
    C'est très bien
    L'arme devient une bite; un béret sans forme, un vagin de vieille vache. Leur quotidien s'exprime en grossièretés.
    À l'École de leadership et de recrues, l'instructeur demandait à l'étudiant qui avait reçu du courrier d'un membre de la famille et qui se levait à son appel: « Est-elle sexy? »
    Un conférencier invité, venu d'Ottawa, un militaire du rang, de haut niveau, nous a dit que sa fille et sa femme étaient sexys. Il faisait de membres de sa famille des objets sexuels.
    Un adjudant m'a dit que toute l'unité allait me désirer sexuellement et il m'a conseillé de ne pas le faire dans le corridor. Quand je me suis plainte de ces propos, la direction, de haut niveau, celui de colonel, m'a répondu que l'adjudant me donnait des conseils d'ordre et de discipline, comme pour bien me comporter. Je me suis dit qu'il m'assimilait à un objet sexuel, et que ce n'était pas correct.
    Il y a eu d'autres incidents. Dans la Réserve, à Saint John, au Nouveau-Brunswick, pendant une instruction pour m'enseigner différents types d'actes médicaux, un membre de haut niveau de l'unité les décrivait en suggérant la stimulation manuelle du pénis. Complètement inapproprié! C'est un comportement d'adolescent ayant perdu le contrôle. Et ça ne faisait que commencer. On est allé jusqu'à humer mes cheveux, on est entré dans mon espace personnel et on a eu un comportement inapproprié.
    En d'autres occasions, ces réservistes parlaient de leur vie sexuelle et de leurs fantasmes, puis ils ont commencé à toucher les femmes du groupe. Inapproprié! On voit l'intention sexuelle, parce que, après en avoir parlé, on sort et on le fait ou on passe aux attouchements sexuels. Le problème est que les supérieurs n'ont rien fait.
    La conception de l'instruction à l'École de leadership et de recrues des Forces canadiennes fait problème. On n'y a pas employé les techniques appropriées d'hygiène et de sécurité. On a fait dormir ensemble, dans des quartiers ouverts, les hommes et les femmes, séparés par un simple drap, ce qui permettait de les voir se changer. Tout était à la vue de tous.
    Les douches étaient ouvertes. Des femmes recrues ont signalé avoir été agressées sexuellement, et la réaction de la chaîne de commandement n'a pas été à la hauteur. Des incidents ont entraîné l'expulsion de femmes.

  (0940)  

    Merci beaucoup, Paula. La parole est maintenant à M. Bob Bratina.
    Vous disposez de cinq minutes.
    Merci de votre très grande honnêteté sur ce que vous avez vécu. Ça nous sera utile.
    Combien de femmes étaient avec vous à l'époque? Étiez-vous seule ou y avait-il d'autres femmes?
    À mon arrivée dans la Réserve, je dirais qu'il y avait 10 % de femmes, peut-être plus, peut-être 15 %. Une jeune fille de 17 ans est arrivée en même temps et elle a quitté l'armée après avoir été victime de harcèlement.
    Quand, dans le cadre du Programme d'enrôlement direct des officiers, j'ai entrepris l'instruction élémentaire, je dirais qu'il y avait une quinzaine de femmes avec moi. C'était la même proportion. C'est essentiellement la proportion statistique des femmes par rapport aux hommes qui est toujours citée.
    Je me pose la question suivante. Avez-vous reçu un soutien de vos pairs, de vos collègues de sexe féminin ou masculin?
    Non. Mes collègues de sexe féminin m'ont dit qu'elles n'admettraient jamais avoir observé du harcèlement sexuel. Elles ne voulaient pas le faire parce qu'elles ne souhaitaient pas faire l'objet d'un harcèlement verbal.
    Je n'ai reçu aucun soutien parce que je suis allée de l'avant. Personne ne m'a appuyé. J'étais comme non... La réponse est non.
    Quand vous grandissiez, à quelle carrière aspiriez-vous, et qu'est-ce qui vous a amené à vous enrôler dans l'armée?
    J'ai toujours aspiré à participer à la fonction publique. Je voulais être travailleuse sociale, et j'ai fait une maîtrise en travail social international. Je croyais donc que les Forces armées canadiennes seraient un employeur approprié pour moi. J'ai toujours pensé que j'aimerais faire carrière dans les Forces armées canadiennes, mais cela n'a pas fonctionné.
    D'accord.
    Permettez-moi de vous poser la question suivante. C'est une question difficile parce que vous avez vécu des situations déplaisantes et indues. Les militaires forment les gens à travailler dans un milieu qui pourrait être un champ de bataille comme l'Afghanistan ou l'ancienne Yougoslavie.
    Oui.
    Comment faites-vous la distinction entre la dureté, qui est nécessaire pour préparer les gens et pour découvrir ce qu'ils peuvent tolérer, et les mauvais traitements directs et personnels que vous avez subis?
    Oui, l'idée, selon laquelle vous endurcirez les gens en agissant de la façon dont les membres des Forces armées canadiennes agissent, ne portera pas fruit, car vous allez causer de nombreuses blessures et provoquer de nombreuses situations dans lesquelles vous risquez de tuer les gens avant même qu'ils arrivent en Afghanistan. Vous pouvez constater que cela se produit lorsque sept suicides surviennent pendant la formation.
    De plus, si les membres du comité menaient une enquête sur le nombre de blessures qui surviennent pendant la formation... En ce qui concerne l'idée d'endurcir les gens ou d'être en mesure de créer des personnes qui peuvent survivre à des situations défavorables, vous devez y arriver en accroissant progressivement le niveau de difficulté, et vous devez le faire en renforçant les gens, au lieu d'essayer...

  (0945)  

    D'humilier...
    Oui, d'humilier et de malmener les gens, car cela ne fonctionnera pas.
    Vous voyez la différence.
    Je vois la différence. Je vois qu'ils... Les Forces armées canadiennes ont mis en place des politiques et des procédures en matière de formation pour tenter de prévenir les blessures, mais les dirigeants ne les suivaient simplement pas. Par exemple, vous n'êtes pas autorisé à porter une charge supérieure à 40 % de votre poids corporel lorsque vous participez à des exercices militaires. Ils ne suivaient pas cette règle, et cela causait de nombreuses fractures du bassin.
    Si vous infligez cela à vos jeunes, si vous leur faites subir des blessures qui les hanteront pendant le reste de leurs jours, vous ne formez pas des gens robustes et vous ne bâtissez pas une armée. Vous créez une crise en matière de santé et de sécurité dans l'une de vos organisations.
    Excellent.
    Madame Mathyssen, vous avez la parole pendant trois minutes.
    Vous avez abordé de manière très éloquente l'une des plaintes que nous avons entendu des membres d'Anciens Combattants Canada formuler, à savoir que lorsque vous vous enrôlez, on détruit votre personnalité et votre résilience pour vous endurcir d'une manière ou d'une autre. Cela signifie que, lorsque vous réintégrez la société civile, vous êtes incapables de comprendre ses normes.
    La décision qui avait été prise ou la suggestion qui avait été faite à ce moment-là — et c'était au même moment où Mme Deschamps rédigeait son rapport — était d'adopter une approche différente. Vous avez décrit brièvement cette approche d'une façon très éloquente, je pense.
    J'ai toutefois une question à vous poser. Vous avez fait allusion à « It's Just 700 », et il y a peut-être des gens qui ne connaissent pas cette organisation. Je me demande donc si vous pourriez décrire « It's Just 700 » et expliquer la nature de ses activités.
    C'est un groupe en ligne qui a été créé par Marie-Claude Gagnon. C'est un site que les gens qui ont été exposés à une culture sexualisée hostile peuvent consulter en toute sécurité pour recevoir un soutien auprès de leurs pairs. Les membres du groupe comprennent ce qui s'est passé — ou ont une certaine compréhension des événements — et à quoi ressemblait la structure sociale dans les Forces armées canadiennes. Les gens peuvent recevoir un soutien sur ce site. C'est une plate-forme sûre pour les victimes, et il n'y en a pas beaucoup.
    Oui, c'est intéressant. J'ai en main un document rédigé par Mme Gagnon, dans lequel elle parle du fait d'avoir été agressée sexuellement, d'avoir demandé de l'aide et d'avoir été renvoyée à la ligne téléphonique du Centre d'intervention sur la conduite sexuelle, une ligne qui avait malheureusement été débranchée. Ce service est-il de nouveau offert? Est-il efficace?
    Selon mon expérience, le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle est en service, mais son fonctionnement ressemble énormément à celui du Bureau de l'ombudsman. Vous pouvez les appeler, et ils emploieront des techniques de base d'intervention en situation de crise pour vous venir en aide, mais ils vous renverront à la chaîne de commandement. Cela doit cesser parce qu'au cours des quatre dernières années et demie, la chaîne de commandement a prouvé qu'elle n'était pas en mesure de gérer cette crise.
    Il faut que nous transférions ces responsabilités et que nous fassions appel à des gens qui peuvent les aider à gérer cette crise.
    Merci beaucoup.
    Mme Harder a demandé si elle pouvait poser une autre question. De votre côté, y a-t-il quelqu'un d'autre qui souhaiterait poser une autre question?
    D'accord, toutes les prénommées Rachel ont une autre question à poser. Par conséquent, nous allons donner la parole à Mme Rachael Harder, puis à Mme Rachel Bendayan. Ensuite, vous interviendrez, madame Mathyssen, si vous avez une autre question à poser. Je tiens à garder les interventions très courtes. Vous devez donc poser votre question sans avoir recours à un préambule.
    Oh, vous allez commencer par moi?
    Oui.
    Je comprends que vous vous trouvez dans une situation très difficile en ce moment, et il est clair que vous avez vécu une expérience très négative. Vous avez été très courageuse et brave de venir témoigner devant nous aujourd'hui.
    L'une des observations que vous avez formulées était que la culture découle premièrement de l'attitude des dirigeants, qui a un effet d'entraînement sur celle de leurs subalternes. Le premier ministre du Canada a aussi été accusé...

  (0950)  

    La question ne devait pas être précédée d'un préambule.
    Oui...
    Désolée, c'est juste qu'il est rapidement nécessaire de fournir un contexte. Je vais conclure en 30 secondes...
    La présidente: Soyez très brève.
    Mme Rachael Harder: ...ou moins.
    D'accord.
    Le premier ministre a été accusé d'avoir tripoté un membre des médias d'une façon inappropriée,...
    Madame Harder.
    ...alors il a déclaré ce qui suit...
    Madame Harder, venez-en à la question.
    Il a dit que les hommes et les femmes percevaient les choses différemment.
    Ce n'est pas la question.
    La question est la suivante. Est-ce approprié? Est-il approprié de soutenir simplement que les hommes et les femmes perçoivent les choses différemment?
    J'ai parlé à des hommes et des femmes des Forces armées canadiennes qui ont été victimes d'exploitation sexuelle et, dans certains cas, il était plus facile... Il est plus facile pour moi de prendre la parole et de dire que j'ai été victime de harcèlement sexuel au sein des Forces armées canadiennes que cela l'est pour mes collègues de sexe masculin qui ont vécu la même chose, parce qu'il y a différents types de signaux sociaux ou parce que ces hommes seraient perçus comme étant moins virils. Par exemple, pourquoi n'ont-ils pas été en mesure de se protéger? Il y a aussi ce problème.
    De nombreux problèmes existent au sein de la société, et les agressions sexuelles et l'exploitation sexuelle surviennent à l'intérieur de sa structure.
    D'accord, allez-y, madame Bendayan.
    Afin de nous aider à formuler nos recommandations, pourriez-vous nous faire savoir quand...? Vous avez mentionné que vous étiez autorisée à être représentée par un avocat dans le cadre de certaines procédures, mais non dans d'autres circonstances.
    Le problème, ce n'est pas qu'on m'interdit d'être représentée par un avocat. Le problème, c'est que je dois réunir par moi-même les fonds nécessaires pour financer cette représentation...
    D'accord.
    ... et que je ne suis pas en mesure de le faire.
    Donc, à votre avis, les avocats des victimes devraient être payés par...
    Oui, et je crois que les victimes des Forces armées canadiennes doivent avoir leur propre avocat. Si vous décidez d'aller de l'avant, vous avez besoin de votre propre avocat. Vous avez besoin que quelqu'un défende vos intérêts et vous protège pendant que vous franchissez les étapes de ce processus.
    Tout à fait. Merci. Votre témoignage nous est très utile.
    Madame Mathyssen, la dernière question vous revient.
    Je tiens à vous remercier infiniment une fois de plus, madame MacDonald.
    Le fait que vous soyez forcée de réunir les fonds nécessaires pour payer les honoraires de votre propre avocat est extrêmement troublant, et je me demande l'effet que cela aura sur votre sécurité financière.
    Quels résultats espérez-vous obtenir de votre audience devant le Tribunal Canadian des droits de la personne?
    J'espère qu'ils redresseront les torts que j'ai subis et qu'ils aboliront la discrimination. J'espère que cela se produira. Je n'ai pas les moyens d'être représentée par un avocat. Par conséquent, j'ai essayé de me préparer moi-même à cette audience, mais c'est difficile. J'ai fait des études en gestion des ressources humaines. Avant de m'enrôler, j'ai obtenu un diplôme en ressources humaines et un baccalauréat en administration des affaires. J'ai aussi suivi certains cours du programme de maîtrise en administration des affaires.
     Enfin, avant de joindre les forces armées, j'ai suivi quelques cours de droit qui devraient m'aider dans mon entreprise, mais j'estime que très peu de gens seraient en mesure d'entreprendre cette tâche par eux-mêmes, en raison de ce que cela exige. Je pense que le système doit être réexaminé.
    Au nom du comité, j'aimerais vraiment vous remercier d'être venue et de nous avoir raconté votre histoire en détail. Votre témoignage nous sera très utile à mesure que nous avançons dans notre étude.
    Nous allons maintenant suspendre nos travaux. Seulement un membre par parti peut demeurer dans la salle. Vous êtes autorisés à être secondés que par un seul adjoint.
    Nous allons devoir vider la salle, puis nous reprendrons la séance dans trois minutes.
    Nous suspendons la séance pendant trois minutes.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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