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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 007 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 18 novembre 2020

[Enregistrement électronique]

  (1610)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la septième séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
    Nous poursuivons notre étude sur le racisme systémique au sein des services policiers.
    Je vous rappelle, chers collègues, que nous commençons la réunion avec 40 minutes de retard, puisque l'un des témoins a dû partir. Elle a convenu de revenir pour la deuxième partie de la réunion. M. Paul a gentiment accepté de se joindre au premier groupe de témoins.
    Ainsi, au cours de la première partie de la réunion, nous allons entendre M. John Paul de l'Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs Secretariat, de même que Christopher Sheppard et Jocelyn Formsma de l'Association nationale des centres d'amitié.
    Chers collègues, je serai un peu arbitraire afin d'accélérer les choses: je vais raccourcir votre temps de parole d'une minute — tant pour les témoins que pour les questions — et nous pourrons peut-être rattraper un peu du temps que nous avons perdu. Les votes grugent beaucoup de temps aux comités ces jours-ci.
    Sur ce, nous allons commencer avec M. Paul. Pour faciliter un peu les choses, je vous demanderais, monsieur Paul, de me regarder de temps à autre; je vous ferai signe lorsqu'il vous restera deux minutes, et une minute. Je sais que vous deviez disposer de sept minutes pour votre déclaration préliminaire, mais étant donné les contraintes de temps, je vous demanderais de vous en tenir à six minutes, si c'est possible.
    Merci, monsieur Paul.
    Je vais aller aussi vite que je le peux pour tout couvrir.
    Je tiens à vous remercier de me permettre de vous donner mon point de vue sur ce sujet très important aujourd'hui.
    Je suis le directeur exécutif de notre organisation à but non lucratif qui représente 33 collectivités dans l'ensemble du Canada atlantique et dans la région de la Gaspésie, au Québec. Notre organisation se spécialise dans la recherche sur les politiques; nous analysons et mettons en place des solutions de rechange pertinentes sur le plan culturel aux politiques fédérales qui ont une incidence sur les collectivités et les populations micmaques, malécites, pescomodys et innues. Je travaille pour les collectivités autochtones depuis plus de 35 ans et j'ai eu divers rapports avec les services policiers au cours de ma carrière.
    Le racisme et la présence continue de comportements, de gestes ou d'incidents racistes impliquant la police continuent d'inquiéter les leaders autochtones. La question doit être abordée directement par les gouvernements et par les intervenants clés. Elle démontre le besoin d'une stratégie officielle à long terme visant à s'attaquer à tous les gestes ou comportements racistes et à ce que des mesures appropriées soient prises pour permettre une transformation et la mise en œuvre des vrais changements dont nous avons besoin pour habiliter et soutenir les Autochtones.
    Dans de nombreux cas, le racisme s'est installé dans un large éventail d'institutions fort traditionnelles, et il ne semble pas évident ou apparent pour les personnes qui en font partie. Que la structure policière soit locale, provinciale ou nationale, le simple fait d'évoquer la question du racisme entraîne une réponse négative ou hostile chez certaines personnes, qui se sentent attaquées personnellement.
    Il ne faut pas oublier que le racisme est un comportement appris qui n'est peut-être pas évident ou apparent pour les gens. Il peut être invisible pour certains, en raison des préjugés personnels ou des attitudes et valeurs encrées en nous.
    Bon nombre d'Autochtones du Canada et de l'Atlantique ont un grand respect pour les services policiers, qui s'est acquis sur plusieurs décennies. Les Autochtones à l'intérieur et à l'extérieur des structures policières établissent des relations à long terme avec les policiers en misant sur la confiance, de même que sur les engagements et les actions manifestes. Lorsque la confiance s'érode, la relation est, elle aussi, touchée. Il faut beaucoup de temps pour la rebâtir ou la rétablir, et il est parfois impossible de le faire.
    Depuis la création du Canada, après la Confédération en 1867 et avant, les policiers ont joué un rôle important dans la relation avec les groupes et peuples autochtones, notamment en ce qui a trait à la mise en œuvre de politiques coloniales centrées sur l'assimilation et à la mise en place de mesures nocives. Cette fondation malsaine est à l'origine du racisme apparent ou réel, passé et présent, au sein des forces policières.
    Aujourd'hui, en nous centrant sur le racisme au sein des services policiers, nous pourrons aborder certains enjeux et préoccupations critiques et élaborer des stratégies concrètes pour favoriser le changement, améliorer la situation et obtenir des résultats. Il est important de tenir compte de la perception d'un problème comme le racisme, qu'il soit réel ou non. Le changement ne sera pas facile et il doit être encouragé par toutes les parties, notamment par le gouvernement, les services policiers de tous les niveaux et les intervenants touchés.
    Le racisme et les comportements racistes font ressortir le pire des gens. Ceux qui adoptent de tels comportements doivent être tenus responsables de leurs gestes. Récemment, des pêcheurs non autochtones de la Nouvelle-Écosse ont clairement démontré de tels comportements dans le cadre d'un conflit associé à la mise en œuvre des droits issus des traités et à la pêche pour subsistance convenable. L'intervention tardive de la GRC et le temps qu'il lui a fallu pour prendre les mesures de suivi nécessaires ont soulevé bien des préoccupations parmi nos leaders et nos collectivités. Une grande partie de la population générale a aussi exprimé ses inquiétudes face à la situation. Les mesures prises par la police étaient inadéquates. Elles ont été prises trop tard.
    Il est important de tirer des leçons essentielles de ces incidents, qui doivent être évités à tout prix afin de rétablir la crédibilité des services policiers et la confiance des collectivités qu'ils servent à leur égard.

  (1615)  

    Mon expérience avec la police a commencé il y a très longtemps, avec la condamnation injustifiée de Donald Marshall Jr. dans ma communauté de Membertou, et la commission royale qui s'en est suivie. Les recommandations visaient les changements fondamentaux qui devaient s'opérer dans le système judiciaire et soulevaient d'importantes préoccupations au sujet des services policiers de Sydney. Depuis ces événements, moi et bon nombre des membres de diverses collectivités portons une attention particulière au travail des policiers et aux services offerts.
    Au fil des années, les modèles de prestation et les approches des services policiers à l'égard des collectivités ont changé et évolué. Nous avons connu la police municipale, la GRC et le service de police autochtone, qui ont tous été associés à divers problèmes et préoccupations.
    Par le passé, on a déterminé qu'il fallait cibler et aborder les préoccupations des Autochtones, et apporter les changements nécessaires. Dans bon nombre des cas, la relation s'est améliorée et s'est solidifiée au fil du temps.
    Au fond, pour éliminer le racisme, il faut que la conception et la prestation des services policiers se fassent en partenariat avec les leaders autochtones et directement...
    Monsieur Paul, pourriez-vous aborder le reste de votre déclaration pendant la période de questions? Je suis désolé de vous presser.
    Non, il n'y a pas de problème.
    Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Association nationale des centres d'amitié: le président, M. Sheppard et la directrice exécutive, Jocelyn Formsma.
    Vous disposez de six minutes.
    Notre président, M. Sheppard, présentera notre déclaration préliminaire et je pourrai répondre à vos questions avec lui.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
    Je m'appelle Christopher Sheppard. Je suis le président de l'Association nationale des centres d'amitié. Je tiens à souligner que je me joins à vous à partir du territoire visé par le Traité no 6, territoire ancestral des Métis, où j'ai reçu un accueil incroyable depuis que je m'y suis installé. Notre directrice exécutive, Jocelyn Formsma, se joint à moi.
    Nous vous remercions de nous avoir invités à témoigner devant vous aujourd'hui.
    L'Association nationale des centres d'amitié représente plus de 100 centres d'amitié locaux, de même que des associations provinciales et territoriales dans chaque province et territoire du Canada, à l'exception de l'Île-du-Prince-Édouard.
    Les centres d'amitié sont des carrefours pour les collectivités autochtones et offrent divers programmes et services pour tous les groupes démographiques autochtones. Ensemble, nous formons le plus grand réseau de prestation de services pour la population autochtone urbaine au Canada.
    En 2019, 93 centres d'amitié ont offert des services à environ 1,4 million de Premières Nations, d'Inuits, de Métis et de personnes non autochtones par l'entremise de plus de 1 200 programmes dans 238 établissements, et ont employé plus de 2 700 personnes. Nous sommes fiers d'être un réseau géré en grande partie par des femmes autochtones.
    En ce qui a trait au sujet d'aujourd'hui, en 2016-2017, 72 centres d'amitié ont offert 93 programmes de justice, dont 28 sont considérés à titre de programmes de justice réparatrice.
    Les centres d'amitié interagissent souvent avec les services policiers locaux et régionaux, et d'autres organismes d'application de la loi. Le Comité a déjà entendu des témoignages au sujet du racisme systémique au sein des services de police et des nombreux rapports qui cumulent les preuves et les expériences sur de longues périodes. Nous pourrions nous aussi vous donner de nombreux exemples d'après nos propres expériences et celles des collectivités que nous servons.
    Par souci de concision, nous allons nous centrer sur les mesures à prendre.
    L'Association nationale des centres d'amitié a procédé à un examen des rapports et des recommandations sur la justice autochtone. À la suite de cet examen, nous avons classé les recommandations récurrentes par thèmes. Nous avons examiné les stratégies, programmes et autres interventions officielles du gouvernement fédéral associés à ces rapports. Nous avons dégagé trois grandes recommandations.
    Le premier thème vise la formation et l'éducation des non-Autochtones sur l'histoire autochtone, le patrimoine, la culture, l'identité, les droits, les lois et les réalités actuelles. Toutefois, dans le cadre de notre examen des réponses publiques du gouvernement fédéral, nous n'avons pas trouvé grand-chose au sujet d'une formation obligatoire ou continue sur les questions autochtones pour les organismes nationaux ou fédéraux d'application de la loi.
    Le deuxième thème vise une augmentation du financement pour les collectivités autochtones et pour les programmes et organismes publics dont l'objectif est d'aider les Autochtones. Nous avons déjà présenté certains des programmes offerts par les centres d'amitié. Les fonds nécessaires au fonctionnement de ces programmes proviennent en grande partie des municipalités ou des provinces.
    Le troisième thème vise une participation accrue des aînés au système judiciaire, à l'éducation et à la formation des Autochtones au sujet du système de justice canadien, et le recours accru aux rapports et tribunaux de type Gladue. Ces activités sont offertes de façon très aléatoire dans l'ensemble du pays.
    La population autochtone urbaine est toujours coincée dans les affaires judiciaires entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. L'application de la loi ne fait pas exception.
    Pour que les recommandations soient interprétées et mises en œuvre correctement, il faut que le financement offert aux Autochtones qui vivent en zone urbaine et à ceux qui vivent dans les régions rurales ou éloignées soit équitable. On ne peut se limiter à un paiement unique ou à une intervention à court terme pour régler un problème générationnel. Il faut plutôt une solution durable pour permettre aux programmes et aux organisations de continuer de servir la collectivité à long terme.
    Il est important de souligner que ces rapports ont été commandés et publiés par le gouvernement fédéral du Canada, les gouvernements provinciaux, les organisations intergouvernementales et les organisations indépendantes. Les rapports s'échelonnent sur une période d'environ 50 ans. Cela signifie 50 années d'occasions ratées pour instaurer des changements fondamentaux et durables.
    Ce laps de temps nous mène à deux recommandations générales: il faut travailler en collaboration pour mettre en place des mécanismes de reddition de comptes en vue de l'application des recommandations des rapports énumérés dans mon mémoire, et établir des structures qui permettent des conversations honnêtes sur les mesures qui sont prises et qui peuvent être prises.

  (1620)  

    L'Association nationale des centres d'amitié propose une étape supplémentaire essentielle en vue de garantir la reddition de comptes: appliquer la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de manière à ce que les droits des Autochtones soient respectés et à ce que la transportabilité des droits et des Autochtones en milieu urbain ne soit pas oubliée dans une approche fondée sur les distinctions, comme c'est le cas aujourd'hui.
    L'Association nationale des centres d'amitié a offert — et continue d'offrir—  son point de vue, son expertise et ses connaissances des communautés autochtones urbaines et des membres de la communauté pour orienter le gouvernement fédéral et adopter des mesures réparatrices efficaces maintenant et tout au long de notre périple.
    Nous sommes heureux de pouvoir prendre part à cette conversation et de nous investir dans notre travail. Je m'attends à ce que vous nous posiez d'excellentes questions aujourd'hui.

  (1625)  

    Je vous remercie, monsieur Sheppard, d'avoir terminé votre exposé à trois secondes de la fin. C'est très bien.
    Le Comité est reconnu pour ses excellentes questions; les premières vous seront posées par M. Kurek, qui disposera de cinq minutes. M. Iacono, Mme Michaud et M. Harris disposeront également de cinq minutes chacun ensuite.
    Allez-y, monsieur Kurek.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais d'abord remercier les témoins de leur présence et de leur souplesse. Nous vous en sommes très reconnaissants en ces temps difficiles.
    Monsieur Paul, j'aimerais vous poser quelques questions au sujet de la situation relative aux pêcheries dans le Canada atlantique. Si vous voulez prendre une ou deux minutes pour terminer votre déclaration préliminaire, vous répondrez peut-être à quelques-unes d'entre elles. Si c'est ce que vous souhaitez faire, je serai heureux de vous laisser parler.
    Ce qui est probablement le plus important, c'est d'inclure les Autochtones dans la conception et la prestation des services policiers. Si nous n'y participons pas, alors nous n'aurons pas non plus notre mot à dire en ce qui a trait aux résultats.
    Il faut aussi une surveillance civile à titre de moyen essentiel pour évaluer ces activités et pour démontrer les résultats émanant des interventions policières, afin de promouvoir des améliorations ou des changements fondamentaux dans les collectivités autochtones.
    On peut suivre les chiffres, mais il faut surtout tenir compte de la réduction du racisme et de la contribution au règlement sécuritaire d'enjeux très difficiles auxquels font face les membres de nos collectivités.
    Que ce soit dans les réserves ou ailleurs, les membres de nos collectivités vivent dans la pauvreté et ont une santé précaire, et ce sont toujours eux qui ont des interactions avec la police, pour une quelconque raison. Dans la majorité des cas, ces interactions ne sont pas positives. Il faut trouver un moyen de changer la donne.
    Il était évident, lorsque nous avions en place un service de police autochtone, que les policiers et la direction se souciaient réellement de la communauté. Ils appliquaient la loi, mais faisaient aussi tout en leur possible pour améliorer la communauté et le bien-être de la population.
    Ce sont les éléments essentiels d'une stratégie pour l'avenir.
    Merci. Je suis heureux que vous ayez pu terminer votre exposé.
    Le ministre a promis de présenter de nouvelles lois pour faire des services policiers autochtones un service essentiel et de leur accorder une plus grande place au pays. J'aimerais savoir si on a communiqué avec vous pour discuter des questions que vous abordez dans vos recherches.
    J'ai parlé à certains représentants du ministère et je leur ai expliqué la tragédie qu'a été la mise en oeuvre des services policiers autochtones par le passé, et comment ils étaient voués à l'échec en raison d'un sous-financement chronique, d'un manque de surveillance civile et d'un manque de résultats mesurables.
    S'il s'agit d'un service essentiel, il faut que les ressources financières, la gouvernance et l'inclusion soient suffisantes pour en faire un succès. Si l'on n'intègre pas ces éléments au service essentiel, je crois qu'il connaîtra le même sort que les anciennes stratégies en la matière.

  (1630)  

    Malheureusement, monsieur Kurek, nous allons devoir en rester là.
    Nous allons maintenant entendre M. Iacono. Vous disposez de cinq minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Paul, je vous souhaite la bienvenue.
    En tant que président de l'Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs Secretariat, pouvez-vous nous dire quelles sont les principales demandes et recommandations des chefs des Premières Nations de la côte atlantique à l'égard du gouvernement fédéral?

[Traduction]

    Je n'entends pas les interprètes anglophones... Y a-t-il une façon de...
    Est-ce qu'il y a un problème?
    Au bas de votre écran, il y a l'icône d'un globe...
    Oui.
    Si vous appuyez sur l'icône, vous pouvez choisir entre l'anglais et le français. Si vous choisissez l'anglais...
    Oui, c'est ce que j'ai fait.
    Alors, recommençons avec M. Iacono.

[Français]

    Très bien.
    Monsieur Paul, est-ce que vous m'entendez bien?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    C'est parfait.
    En tant que président de l'Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs Secretariat, pouvez-vous nous dire quelles sont les principales demandes et recommandations des chefs des Premières Nations de la côte atlantique à l'égard du gouvernement fédéral?

[Traduction]

    S'il s'agit d'un service essentiel, il faut une intervention autochtone dans l'élaboration de chacune de ses composantes. Il faut aussi que les services policiers soient conçus en collaboration avec les Autochtones et qu'un cadre d'évaluation soit préparé à l'avance afin de veiller à atteindre les résultats souhaités.
    Il faut aussi penser à la suffisance des ressources et de la formation, et à l'intégration de la culture et de la langue autochtones dans la prestation des services policiers, parce que ces éléments sont essentiels à la communication avec les collectivités et à la compréhension des réalités des peuples autochtones. Il faut que les gens qui offrent ces services comprennent cette réalité pour faire un travail efficace et pour produire des résultats qui ont du sens.
    Monsieur Paul, vous avez parlé plus tôt de l'importance de la conception et de la prestation. Vous avez aussi parlé de la surveillance civile; vous avez dit que les services étaient voués à l'échec.
    Pourriez-vous nous indiquer clairement les éléments sur lesquels devrait miser le gouvernement pour s'assurer de ne pas répéter les mêmes erreurs?
    Il faut une formation et une attestation appropriées du personnel, de même que des régimes de gouvernance appropriés dirigés par les Autochtones en collaboration avec les gouvernements. Il faut la collaboration de tous pour trouver des façons d'améliorer les services policiers et les résultats connexes.
    Quelles sont les parties qui devraient s'assurer que tout se passe bien?
    Je crois que toutes les parties peuvent prendre part au processus. Par le passé, le gouvernement fédéral ou provincial dictait les règles du jeu. Si nous ne sommes pas des partenaires égaux, nous n'allons jamais réussir. C'est ce qui me préoccupe. Si vous contrôlez la conception et la prestation des services et que nous ne faisons pas partie du processus, nous n'atteindrons pas les objectifs souhaités.

  (1635)  

    Que voulez-vous dire par « surveillance civile »? Pouvez-vous nous en dire plus?
    Il faut éviter que la police surveille la police.
    C'est très intéressant.
    Oui. Je sais.
    Pouvez-vous être plus précis?
    Eh bien, je pense qu’il y a, au pays, assez de gens instruits, d’Autochtones, qui pourraient offrir à ceux qui fournissent des services de police des perspectives très différentes de la formation rigide à laquelle les services de police sont habitués. Cela permettrait à tout le moins une plus grande souplesse dans la manière de mettre les choses en œuvre sur le terrain.
    Cela signifie que vous proposez un organisme qui surveillerait la police, et non une police de la police.
    Oui.
    C’est intéressant.
    Je n’ai pas d’autres questions.
    Monsieur le président, pourrais-je répondre à cette question, s’il reste du temps?
    Bien sûr. Vous avez environ 45 secondes. Allez-y.
    Merci. Je vais essayer de répondre en 45 secondes.
    Dans le rapport que nous avons mentionné, nous avons examiné un certain nombre de rapports contenant des recommandations précises sur le maintien de l’ordre. Ces 50 dernières années, il y a eu des recommandations concernant la formation. Le problème n’était pas la formation, mais la mise en œuvre et la reddition de comptes. J’appuierais certainement les recommandations de M. Paul. L’élément de reddition de comptes — l’application, si vous voulez — des recommandations pour l’application de la loi est le véritable problème que nous devons régler, collectivement.
    Merci.
    Merci.
    Merci, monsieur Iacono.

[Français]

    Madame Michaud, je vous cède la parole pour cinq minutes,
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Avant de poser ma question, je veux m'assurer que M. Sheppard a bien accès à l'interprétation en français, puisque ma question s'adressera à lui.
    Vous disiez que votre organisation fait souvent affaire avec les corps de police locaux ou régionaux, et que vous avez été témoin d'exemples de racisme systémique dans le passé.
    Pouvez-vous nous donner quelques exemples?
    Selon vous, que devrait faire le gouvernement fédéral pour s'assurer que ce genre de situations ne se reproduisent plus dans les communautés?

[Traduction]

    Je peux donner deux ou trois exemples, en fait, parce que, premièrement, je suis un Autochtone qui vit au Canada et qui a eu des interactions avec la police. J’ai aussi été directeur général d’un important centre d’amitié qui œuvrait dans une prison pour femmes et dans un centre correctionnel pour jeunes. Nous aidions les jeunes et les femmes qui évoluaient dans ces milieux. Nous avons aussi essayé de travailler avec la police locale de la ville par rapport à nos expériences et à celles des membres de notre communauté. De plus, depuis mon arrivée en Saskatchewan, nous luttons contre le racisme dans diverses régions.
    Personnellement, il m’est arrivé que la police se préoccupe plus de savoir si j’étais en état d’ébriété après un accident de voiture que du fait que j’avais la jambe cassée. Dans le cadre de mon travail, j’ai vu un Autochtone être sorti d’un véhicule de police et laissé sur le banc de neige devant mon centre d’amitié en pleine tempête de neige, car je suppose qu’ils pensaient que c’était un bon endroit où laisser quelqu’un au milieu de l’hiver.
    Nous avons vu tant d’exemples, individuellement ou non, qu’il devient extrêmement important pour nous de rappeler aux gens que nous en parlons depuis longtemps. Nous recommandons des choses depuis longtemps. Le nombre de fois où nous avons recommandé de mettre en œuvre les recommandations de la Commission royale d’il y a 30 ans... Je pense qu’il est important de reconnaître qu’au-delà de ces recommandations, et à l’origine de ces recommandations, il y a des gens qui ont subi du racisme systémique intense dans un système qui a été conçu et utilisé pour imposer la colonisation tout au long de notre histoire.
    J’ai toujours essayé de garder espoir qu’un moment donné, on lirait les recommandations et on les mettrait en œuvre. Toutefois, cela devient de plus en plus difficile lorsque des choses comme la Commission de vérité et réconciliation, qui comprend des pans entiers sur la formation et l’éducation... J’ai parlé à des présidents d’université qui m’ont dit qu’en trois générations, il serait possible de transformer les mentalités dans tous les secteurs, mais qu’on ne le fait pas.
    Je veux simplement rappeler aux gens que derrière mon expérience et derrière l’expérience d’autres personnes, il y a ces rapports. Nous y avons contribué, nous en avons parlé et nous nous sommes efforcés de les mettre en œuvre, mais cela ne s’est pas encore concrétisé. Nous demeurons optimistes et nous espérons être un partenaire, mais voilà ce que vivent nos gens chaque jour, partout au pays, dans des systèmes qui détiennent un si grand pouvoir.

  (1640)  

[Français]

     Je vous remercie de votre témoignage. C'est assez émouvant d'entendre cela. On sait ce qui se passe, en fait, et on n'en parle pas assez. Je vous remercie d'en discuter avec nous.
    Vous le disiez si bien, le passé colonial est encore trop présent. Dans vos remarques d'ouverture, vous parliez d'un meilleur enseignement de la culture, du passé et de l'histoire. Je suis complètement d'accord avec vous sur le fait que nous devons mettre cela en oeuvre.
    Selon vous, quelle forme doit-il prendre?
    Devrait-on, au départ, l'inclure directement dans la formation des policiers, peu importe le corps de police?
    Doit-on financer davantage la formation des agents?

[Traduction]

    Nous devons malheureusement nous arrêter ici. C'est une question importante, et vous pourriez essayer d'y revenir dans une autre réponse.
    Cela dit, malheureusement, monsieur Harris... Il n'est pas malheureux d'accueillir M. Harris; quoi qu'il en soit, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis heureux que ces témoins soient ici aujourd'hui. J'ai aussi été très ému par la dernière présentation, mais permettez-moi aussi de dire que vous semblez tous les trois avoir espoir que cela peut être réglé, que des mesures concrètes peuvent être prises pour modifier, dans le cas des personnes que vous représentez, les interactions des Autochtones avec la police.
    Dites-le-moi si ce n'est pas le cas, mais j'ai l'impression qu'on s'attend à ce que nous présentions des recommandations utiles.
    Pour commencer, j'aimerais poser une question à M. Paul à ce sujet. Le 22 septembre, votre organisme a envoyé à la ministre des Pêches, avec copie à Marc Miller, le ministre des Services aux Autochtones, et à Carolyn Bennett, la ministre des Relations Couronne-Autochtones, et à tous les députés de la région de l'Atlantique, une lettre dans laquelle vous traitez du conflit relatif à la question de la subsistance convenable.
    Je vais lire des extraits de deux phrases.
    La première se lit comme suit:
Une de nos communautés s'emploie à lancer une [...] pêche de subsistance convenable dans un climat de racisme et de menaces de violence contre les personnes, de dommages matériels et de destruction des pièges et des équipements.
    La lettre se poursuit, puis on arrive à la phrase suivante:
La violence et le conflit ne sont pas une solution, et le racisme ou le statu quo des politiques n'est pas une voie réaliste vers une solution durable.
    C'était près d'un mois avant que la situation que nous avons tous vue à la télévision ne dégénère avec la destruction des pièges, les menaces de violence, puis la violence. S'agissait-il d'un avertissement quelconque ou d'un simple énoncé des faits?
    C'était un avertissement, car cela découle du contexte dans lequel je me suis retrouvé en 1999, dans le secteur des pêches, après l'arrêt Marshall. J'ai fait l'objet de beaucoup de racisme et de critiques de la part d'organisations et de groupes de pêcheurs de partout au Canada atlantique qui refusaient de croire à l'existence de notre droit. Tous les jours, nous étions confrontés à la violence.
    À l'époque, un des éléments cruciaux était que nous avons indiqué aux groupes de pêcheurs que la seule façon d'obtenir la paix était d'y arriver sur les quais. Je pense que cela vaut toujours aujourd'hui. Si nous n'arrivons pas à faire la paix sur les quais, il devient difficile d'éviter les conflits ou la violence quand les gens pensent que vous ne devriez pas être là.

  (1645)  

    Ces conditions de violence et de menaces étaient-elles connues des autorités, des forces de police et des personnes responsables?
    Oui.
    Donc, vous dites qu'elles étaient au courant.
    Oui.
    Oui, elles auraient dû l'être. Le problème, c'est que ces policiers vivent à cet endroit. Ils vivent dans cette région. Ils connaissent les gens qui se sont livrés à beaucoup de ces activités. Quand on habite à un endroit, on comprend généralement la dynamique de la communauté qui nous entoure.
    Les autorités, le commissaire et la ministre nous ont dit que la réaction était appropriée et que c'était une compétence provinciale, etc. Que répondez-vous à cela?
    Eh bien, le problème, c'est que les priorités de la police en Nouvelle-Écosse sont établies par le gouvernement provincial, et non par nous.
    Il y a beaucoup de choses à dire, car c'est un vaste sujet.
    Vous avez mentionné le projet pilote de police autochtone, peut-être de service de police tribal. Était-ce dans une collectivité précise, monsieur Paul?
    Très brièvement, s'il vous plaît.
    Cela comprenait cinq collectivités de l'île du Cap-Breton. Cela s'appelait l'Unama'ki Tribal Policing, à l'époque. Le service embauchait essentiellement des policiers autochtones formés aux normes de la GRC pour fournir des services de police à cinq collectivités de l'île du Cap-Breton.
    Cela peut-il fonctionner?
    Merci, monsieur Harris...
    Oui, heureusement.
    Monsieur Van Popta, vous avez quatre minutes.
    Je remercie les témoins de leur présence ce soir et de nous avoir fait bénéficier de leur sagesse et leur expérience. C'est très instructif.
    Monsieur Paul, je suis très intrigué par vos commentaires sur la pêche au homard et l'arrêt Marshall, qui remonte à environ 20 ans. Outre l'incident de racisme que nous avons vu récemment, les relations entre les Autochtones et la Couronne se sont-elles améliorées depuis l'arrêt Marshall, à votre avis?
    Tout le monde discute, mais cela ne donne pas de résultats, essentiellement. C'est toujours un problème. Si les négociations ou le dialogue n'aboutissent à aucun résultat ou aucune solution au bout de 20 ans, c'est qu'il y a forcément quelque chose qui cloche dans le processus.
    Dans l'arrêt Marshall, la Cour suprême du Canada n'a pas réellement défini ce qu'est la « subsistance convenable », laissant aux parties le soin de négocier. Veuillez m'éclairer. Depuis l'arrêt Marshall, y a-t-il eu des négociations entre les Autochtones et la Couronne sur la définition de la notion de « subsistance convenable »?
    Oui, mais la discussion tourne en rond. Certains pensent que c'est une chose, d'autres considèrent cela autrement. Les discussions durent depuis deux décennies.
    Il manque simplement de volonté politique pour conclure. Est-ce bien ce que vous nous dites?
    Comme je n'ai participé à aucune de ces négociations, je ne sais pas, mais je pense qu'il est vraiment important de montrer les progrès. Dans le secteur des pêches, c'est une question de relations, de sécurité et de succès économique.
    Très bien.
    Monsieur le président, si j'ai un peu de temps, j'aimerais poser une question à M. Sheppard. Elle porte sur la loi sur les services de police des Premières Nations, un sujet dont nous discutons.
    Quels éléments le Comité devrait-il garder à l'esprit lorsqu'il examine une loi sur les services de police des Premières Nations? Quels seraient les éléments clés nécessaires à son succès?
    Rapidement — et je vais probablement passer la parole à Mme Formsma —, 61 % des Autochtones vivent à l'extérieur des réserves. Donc, si vous voulez mettre en œuvre une loi, il faut probablement veiller à ce qu'elle s'applique à la majorité des Autochtones, à l'Inuit Nunangat et aux Métis.
    Je cède la parole à Mme Formsma.

  (1650)  

    Vous avez environ une minute.
    C'est ce qu'il y a de plus important pour une loi sur les services de police des Premières Nations. Cela n'incombera pas vraiment à une majorité de la population autochtone.
    Je suis de la Nation Nishnawbe Aski. Le service de police Nishnawbe Aski existe depuis plusieurs années, et je pense que c'est un modèle formidable. Cela n'a pas été sans difficulté, bien sûr, surtout au début, mais avoir un service de police qui nous appartient et que nous gérons nous-mêmes a certainement été un important facteur de changement dans nos communautés.
    J'aimerais savoir comment transposer certains de ces éléments en milieu urbain aussi. Dans beaucoup de cas, nos membres reçoivent des services de police des corps policiers municipaux et provinciaux, et de la GRC. Nous aurons besoin de multiples solutions si nous voulons atteindre tous les Autochtones. C'est probablement l'une des questions pour lesquelles nous ne sommes pas les mieux placés pour parler, mais nous examinerons certainement les façons de nous assurer d'introduire certains de ces aspects en milieu urbain. Je pense que cela comprend les initiatives de justice réparatrice et de justice alternative, qui sont très axées sur la prévention.
    Merci, monsieur Van Popta.
    Madame Damoff, vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins d'être ici cet après-midi.
    Monsieur Paul, vous avez parlé de la surveillance des services de police par les Autochtones. Je suppose que vous parlez des services de police des Premières Nations. Est-ce bien cela?
    Oui.
    D'accord.
    Je suppose qu'il y a plusieurs choses. En Ontario, les Six Nations ont leur propre service de police, mais leurs plaintes sont transmises à l'UES, l'Unité des enquêtes spéciales de l'Ontario. Pour la GRC, comme vous le savez, les plaintes sont traitées par la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC. C'est un sujet dont nous aurons peut-être le temps de discuter. Je ne sais pas.
    Les services de police des Premières Nations seront adaptés à chaque communauté. Du moins, j'espère que c'est vers cela que nous tendons. Ce qui fonctionne pour les Six Nations et la Nation Nishnawbe Aski ne fonctionnera peut-être pas au Canada atlantique.
    En effet.
    Nous devons veiller à ce que chaque communauté ait le service de police qu'elle souhaite. Selon vous, comment cette surveillance autochtone fonctionne-t-elle?
    Je suis d'accord avec vous. En fait, j'ai été stupéfaite d'apprendre que l'Unité des enquêtes spéciales de l'Ontario enquêtait sur la police des Six Nations, mais c'est le système qui a été mis en place.
    Je pense que la surveillance par les Autochtones peut fondamentalement améliorer la qualité des services de police, car je crois que cela intégrerait l'élément de formation, d'expertise et de capacité nécessaire à l'obtention de meilleurs résultats dans un service de police.
    L'autre chose, c'est que la rigidité de certaines formations de la GRC ou des corps de police municipaux ne leur permet pas de comprendre pleinement les façons de faire des Autochtones. Lorsqu'on leur apprend à comprendre et à traiter avec les gens dans ce contexte, les résultats de leurs interventions auprès des Autochtones, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des réserves, seront bien meilleurs. C'est simple. Pour les services de police, répondre dans la langue d'une personne, c'est très simple, et...
    Pensez-vous que les services de police contractuels fonctionnent au Canada atlantique? Vous reconnaissez, par rapport aux problèmes dans le secteur des pêches, que la GRC fait rapport à la province, bien qu'elle soit un service de police fédéral. Pensez-vous que ce modèle fonctionne au Canada atlantique?
    Non, il ne fonctionne pas.
    Il ne me reste qu'une minute, et je veux poser une question aux représentants des centres d'amitié.
    Dans son témoignage, M. Jeffrey Schiffer a parlé d'un modèle d'application de la loi créé par les Native Child and Family Services pour les Autochtones en milieu urbain. Je me demande si vous connaissez d'autres modèles. Si nous manquons de temps, peut-être pourriez-vous transmettre au Comité des informations à leur sujet afin que nous puissions les intégrer aux témoignages.

  (1655)  

    Certainement. En fait, c'est un point que nous avons dû supprimer de notre exposé. Il s'agissait d'exemples de programmes liés à la justice mis en œuvre par les centres d'amitié. Ils comprennent beaucoup de services de liaison entre les services de police et les membres de la communauté et, évidemment, beaucoup de travail de prévention et de soutien continu.
    Pourriez-vous envoyer la liste ou des informations à ce sujet au Comité, afin que notre analyste puisse les consulter?
    Oui, avec plaisir.
    Je voudrais parler de vos mécanismes de plainte. Je pense qu'ils sont en grande partie inaccessibles, surtout en milieu urbain. Les personnes qui subissent, par exemple, de la violence policière ou étatique sont des personnes très vulnérables, et elles ont souvent été très déshumanisées. Il existe de nombreux facteurs de confiance qui déterminent si ces personnes auront la conviction que le recours qu'elles entreprennent aura le résultat escompté.
    Même les mécanismes de plainte existants sont probablement très inaccessibles et très déroutants. Je pense que c'est un aspect auquel des organismes comme les centres d'amitié peuvent contribuer pour guider et superviser ces processus.
    Nous devons malheureusement nous arrêter ici.
    Madame Michaud, vous avez une minute.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je vais laisser l'occasion à M. Sheppard de répondre à la dernière question que je lui ai posée relativement à la forme que doit prendre une formation plus exhaustive pour les policiers.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    C'est probablement l'un des aspects les plus complexes, en raison des questions de compétence. Si nous voulons vraiment nous attaquer à la formation, nous devons d'abord régler la question de l'enseignement de la véritable histoire au Canada et nous occuper notamment du système scolaire de la maternelle à la 12e année au pays.
    Lorsque d'innombrables commissions vous disent que les Canadiens ne connaissent pas l'histoire autochtone ni les faits concernant nos peuples et ce qu'ils ont vécu, et qu'on ajoute à cela l'enseignement professionnel dans votre domaine, comme les techniques policières, vous constaterez qu'il faut revoir complètement l'apprentissage des gens bien avant qu'ils ne reçoivent une formation dans les services de police, par exemple.
    Merci.
    Je m'excuse encore une fois. Je ne peux pas dire que je prends plaisir à interrompre les gens, surtout lorsqu'ils tiennent des propos fort intéressants.
    Monsieur Harris, allez-y, s'il vous plaît, pour votre dernière minute.
    Merci. Je vais consacrer cette minute au groupe des centres d'amitié autochtones.
    En ce qui concerne les services de police en milieu urbain, l'intégration des Autochtones dans les services de police ou une force distincte a-t-elle un rôle? Est-ce un aspect important que nous devrions examiner?
    Je vais demander à Mme Formsma de répondre pour lui permettre d'ajouter aux points précédents.
    Je ferai de mon mieux pour être concise.
    Étant donné le racisme systémique et institutionnel dans les services de police, je pense qu'il y a deux choses que nous devons vraiment rétablir, ou instituer en général: l'intégrité et la confiance des membres des communautés autochtones. Il incombe aux services de police de le faire.
    On a beaucoup parlé de supprimer le financement de la police. Pour nous, à mon avis, cela signifie consacrer des ressources aux services de première ligne, comme la prévention, le logement, les relations humaines, les soins de santé, les services de santé mentale, les interventions par des gens outillés pour agir sans violence, et l'aide communautaire, notamment en matière de toxicomanie et de santé mentale. Je suis convaincue que beaucoup de policiers vous diront qu'une grande partie de leurs arrestations sont liées à des personnes qui ont enfreint leurs conditions de probation et qui ont des problèmes de toxicomanie et de santé mentale. Donc, pourquoi est-ce que nous arrêtons et incarcérons des gens qui ont besoin d'aide plutôt que ceux qui commettent réellement un crime? Les arrestations liées à...
    Malheureusement, nous allons devoir nous arrêter ici. Je m'excuse encore une fois. J'ai l'impression que c'est ce que je fais principalement.
    Au nom du Comité, je tiens à remercier M. Paul plus particulièrement de la flexibilité dont il a fait preuve, ainsi que le président Sheppard et Jocelyn Formsma de leurs contributions. Comme vous pouvez le voir, le Comité est très engagé et s'intéresse beaucoup à ce que vous avez à dire. Si vous avez l'occasion de terminer vos remarques et de nous les faire parvenir par écrit, n'hésitez pas à le faire.
    Chers collègues, nous étions 40 minutes en retard, et maintenant nous avons 30 minutes de retard. Je vais suspendre les travaux. Je pense que nous pourrons continuer jusqu'à 18 h 30.
    Est-ce que ce serait approprié? Je regarde le greffier. Est-ce que ce serait possible?

  (1700)  

    Il faudrait solliciter l'approbation de l'équipe technique.
    Nous allons commencer. Nous pouvons raisonnablement prévoir une heure, cependant.
    Oui, nous pouvons prévoir une heure, bien sûr.
    Sur ce, la séance est suspendue. Nous allons reprendre nos travaux dès que nos témoins seront réunis ici. Merci.

  (1700)  


  (1705)  

    Merci encore une fois. Nous allons reprendre la séance du Comité permanent de la sécurité publique. Nous accorderons six minutes à chaque témoin.
    Nous avons Michèle Audette, à titre personnel, qui sera suivie de M. Niemi, le directeur exécutif du Centre de recherche-action sur les relations raciales.

[Français]

     Madame Audette, vous avez six minutes.

[Traduction]

    Vous allez devoir allumer votre micro car il est en mode sourdine.
    [La témoin s’exprime en innu ainsi qu’il suit:]
    Kuei! Kassinu etashiek, tshipushukatitunau, nin mak nussim Uasseuiat, kuei! Tshika itatunau innuat ute utassiuau Malécites, Abénakis, Wendat mak (Abe) Atikamek
    [La témoin fournit un texte anglais dont voici la traduction:]
    Je remercie les nations wendat, innue, atikamekw, malécite et abénaquise de m'accueillir sur ce territoire.

[Français]

    Bonjour à tous et à toutes, je vais parler en français.

[Traduction]

    Avons-nous le service d'interprétation? D'accord.

[Français]

    Ce soir, je serai accompagnée de ma petite-fille Waseha, qui est de la nation atikamekw et innue, pendant les six belles minutes que j'aurai avec vous.
    En quelques mots, je veux vous remercier de l'invitation et remercier les nations qui m'accueillent ici, sur le territoire qu'on appelle le Québec.
    Mes paroles, mes émotions et mes pensées vont être guidées par une démarche qui a été remplie d'émotions et inspirée par des femmes, des familles, des gens tels nos gardiens du savoir et des gens ayant eu la qualité pour agir, quand j'étais commissaire dans une ancienne vie. Bien sûr, je serai aussi guidée par ma capacité d'avoir chaussé des mocassins et traversé ce grand pays, le Canada, et d'avoir reçu beaucoup de vérités et d'enseignements.
     Peu importe les mocassins que j'ai chaussés ou l'expertise et le mandat qui m'ont été donnés à quelques moments de ma vie, il y a eu des témoignages percutants en matière de sécurité publique. Ici, on fera référence au rôle, au mandat ou à la compréhension d'un policier, d'une policière ou de son institution à l'égard des femmes, des femmes autochtones et des individus.
    Je vais commencer par vous lire une citation, qui est longue, mais qui en vaut la peine, de Melanie Morrison, une femme de Kahnawake:

Je souhaite qu’un changement immédiat soit apporté à la façon dont la police gère les dossiers des Autochtones, tant dans les réserves qu’en dehors des réserves, afin que rien ne retarde les recherches des personnes disparues ou assassinées. Selon ma propre expérience, le clivage était flagrant. Dans la réserve, le cas de ma sœur n’était pas important, à l’extérieur de la réserve les gens ne se sentaient pas interpellés. Si la police locale et les services de police à l’extérieur de la réserve avaient communiqué entre eux, peut-être aurions-nous pu tourner la page.
    Une autre femme d'une autre province nous a communiqué un message. Nous allons tous et toutes nous sentir interpellés par son témoignage. Elle a l'impression d'être en mode de survie depuis qu'elle est toute petite. Elle se sent sur ses gardes, elle se sent surveillée. Elle doit surveiller ses arrières. Voici ce qu'elle dit:
Parce que j'ai vu mes tantes et mes cousines être rudoyées par la police. Et, parce que le fait de grandir dans cette ville, cette province et ce pays en tant que femme issue d'une Première Nation, ça revient à se promener avec une cible dans le dos.
    Nous sommes en 2020. Nous avons tous et toutes entendu le témoignage frappant, émouvant et inacceptable de l'une de nos sœurs atikamekw, Joyce Echaquan. Ce n'est pas la police qui est en cause, mais il reste que c'est une institution où elle pensait trouver le bien-être et des réponses, et où elle pourrait être prise en charge. On ressent alors que, peu importe les institutions, ce racisme systémique est malheureusement trop présent.
    Je vais poursuivre brièvement, car le temps est précieux. Je pourrais vous dire que beaucoup de rapports et de commissions d'enquête vous ont donné des preuves. Ce sont des commissions que vous nous avez ordonné de faire en tant que démocratie canadienne, ainsi que dans les provinces et les territoires. Maintenant, c'est au tour des élus, des députés, hommes et femmes, et de nos institutions démocratiques d'honorer les appels à la justice et à l'action, et toutes les recommandations qui en découlent. Plus de 1 200 recommandations ont été faites au cours des 40 dernières années.
    Du côté de la police, beaucoup d'exercices ont été faits. Ils ont démontré et prouvé qu'il y a des lacunes et des endroits où l'on doit apporter de grands changements. Le Québec, étant une province qui fait partie du Canada, dispose d'une force policière: la Sûreté du Québec. Il dispose aussi de corps policiers autochtones, comme en Ontario où l'on en retrouve en très grand nombre.
    Partout, je vais entendre et lire que ces organisations sous-financées vont aussi apporter des problèmes concernant la violence faite aux femmes. Le manque de financement et de ressources est criant depuis longtemps et c'est problématique. Le problème de compétences entre le Canada, les provinces et les communautés autochtones ajoute aussi une complexité.
    Comment agir en tant qu'intervenants de première ligne?

  (1710)  

     Alors, je crois qu'on mérite une attention...

[Traduction]

    Madame Audette, pouvez-vous clore vos remarques?
    Oui...
    Vous avez dépassé vos cinq minutes.
    Eh bien, vous m'aviez dit sept ou huit minutes, et maintenant, c'est cinq minutes.
    D'accord, je vais clore mes remarques en 30 secondes.

[Français]

Il est important de fournir un financement adéquat et d'assurer la participation des femmes et des hommes autochtones. Je vous dirais qu'un bel exemple de cela existe dans la région, ici, au Québec, en revoyant notre façon de faire les programmes scolaires afin d'offrir une formation qui est vraie et réelle sur l'histoire des peuples autochtones.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Encore une fois, je suis désolé de vous interrompre, mais nous sommes très en retard.
    Sur ce, monsieur Niemi, je vais maintenant vous céder la parole pour cinq minutes. Il serait utile si vous pouviez regarder l'écran de temps à autre pour que je puisse vous avertir lorsque votre temps de parole est presque écoulé.
    Vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
    Monsieur Niemi, vous êtes en mode sourdine.
    Voilà. C'est la grande leçon de l'année 2020 — comment faire fonctionner le mode sourdine.
    Précisément. Nous sommes en train de nous mettre à jour avec la technologie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

    Merci beaucoup, mesdames et messieurs les députés.
     Je vais faire ma présentation dans les deux langues, parce que nous sommes au Québec, mais aussi au Canada, qui a deux langues officielles.

[Traduction]

    Je suis le directeur exécutif d'un petit organisme à but non lucratif établi à Montréal. Nous traitons des relations interraciales, et ce, depuis le milieu des années 1980.
    L'un des domaines sur lesquels nous nous concentrons est celui des relations entre la police et la collectivité, et plus particulièrement les relations interraciales. Je suis très honoré d'être invité à participer à la discussion sur le racisme systémique dans les services de police. J'aimerais possiblement en parler sous l'angle de l'application de la loi et de la sécurité publique en général, en mettant l'accent sur le niveau provincial, mais aussi sur le niveau fédéral.
    Il est évident que ces jours-ci, la notion de racisme systémique suscite beaucoup de débats. Je crois qu'il y a une sorte de clivage pour établir si ce racisme existe et sous quelle forme. J'aimerais souligner d'emblée que cette notion fait partie de la jurisprudence canadienne ou des précédents. Plusieurs tribunaux de différentes instances ont reconnu le racisme systémique.

  (1715)  

[Français]

    Je voudrais juste souligner que, même au Québec, notre organisme a été derrière l'une des premières décisions sur le racisme systémique au Québec en 2013, qui concernait la discrimination raciale dans l'emploi à la Ville de Montréal.
    En outre, au Québec, nous avons eu des décisions judiciaires concernant la discrimination systémique basée sur le genre et contre les femmes dans l'emploi. En 2010, il y a eu le cas de Gaz Métro. Il y a aussi le cas de la discrimination systémique basée sur le handicap, qui fait l'objet d'un recours collectif dans lequel participe notre organisme à titre d'organisme d'appui, un recours collectif qui a été autorisé par la Cour supérieure en 2017.
    Donc, on doit se fonder sur les prémices voulant que la discrimination systémique existe, qu'elle soit basée sur le genre, le handicap ou la race.
    Il est difficile de dire que cela n'existe pas.

[Traduction]

    Je tiens à mentionner tout de suite que ceux qui nient le racisme systémique, qui fait maintenant partie de la jurisprudence canadienne, c'est comme nier l'existence des changements climatiques. C'est un fait et une question de droit, alors il faut aller de l'avant.
    En ce qui concerne l'application de la loi, je pense que l'un des enjeux sur lesquels nous nous sommes penchés, plus particulièrement au cours des 15 dernières années, c'est le profilage racial. Différents tribunaux sont actuellement saisis de causes à ce sujet. Nous aidons les gens à déposer des plaintes auprès de la Commission des droits de la personne au niveau provincial et au commissaire à la déontologie policière au niveau provincial également. Certaines des expériences que nous avons vécues nous montrent, je pense, qu'il y a de nombreuses mesures que les législateurs doivent envisager, dans le but de promouvoir l'accès à la justice pour les gens ordinaires qui estiment avoir été victimes de discrimination et de profilage par des agents d'application de la loi.
    De plus, pour ce qui est de l'accès à la justice, nous devons nous assurer qu'il existe une protection efficace dans le système des droits de la personne, le système d'examen des plaintes concernant la police, le système de déontologie policière, pour que ces systèmes fonctionnent vraiment pour les gens qui estiment que leurs droits ont été violés.
    Le troisième aspect que nous devons examiner concerne le principe de Jordan. Les retards excessifs dans le système, que ce soit pour traiter des droits de la personne à n'importe quelle instance du système judiciaire, comprennent la notion de protection efficace. C'est d'ailleurs une notion qui est enchâssée dans de nombreux instruments internationaux en matière des droits de la personne.
    J'aimerais soulever la question de la mise en oeuvre de changements systémiques au niveau fédéral pour que nous puissions trouver des façons de veiller à ce que les gens aient accès à la justice et à une protection efficace dans le cadre de l'application des lois fédérales et de la sécurité publique.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

[Traduction]

    Merci, monsieur Niemi.
    Sur ce, nous allons passer à la série d'interventions de cinq minutes. Nous allons entendre en premier M. Motz, qui sera suivi de M. Lightbound, de Mme Michaud et de M. Harris.
    Monsieur Motz, vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président. Merci aux témoins de vos exposés, même s'ils ont été écourtés.
    Monsieur Niemi, je vais commencer avec vous. Vous avez fait savoir que vous avez, dans le passé, joué un rôle de consultation auprès de la GRC et de l'Association canadienne des chefs de police. Compte tenu de votre expérience en matière de relations interraciales, de votre travail de consultant et de votre travail de défense contre la haine, pouvez-vous dire si, selon vous, la surveillance actuelle de la GRC du Canada est suffisante?
    Merci au député de la question.
    À la lumière de l'expérience et des connaissances que nous avons, nous sommes d'avis que la structure à l'heure actuelle doit être clarifiée en ce qui concerne son mandat pour traiter des questions raciales, du racisme ou de la discrimination. Il y a un manque de clarté en ce qui concerne l'inconduite policière et les normes policières, ainsi que les normes de pratique et toute la question de la discrimination et des droits de la personne. Je crois que le bureau du commissaire se penche sur ces questions à l'heure actuelle. Nous avons besoin de plus de précisions.
    À la lumière de notre expérience et de notre connaissance du système, je crois que nous devons accroître la sensibilisation et renforcer l'engagement communautaire. D'après mon expérience avec l'Association canadienne des chefs de police dans les années 1990, les services de police et les chefs de police ont très bien réussi à joindre les collectivités parce qu'il faut du leadership. Il faut un leadership proactif pour entrer en contact avec les collectivités. N'attendez pas que les problèmes se présentent à votre porte. Le leadership de la personne en charge peut faire une grande différence.
    L'expérience que nous avons avec de nombreuses personnes de différentes origines, c'est que les gens ne sont pas contre la police. Les gens veulent avoir des services de police efficaces, des services de police adaptés, accessibles et conviviaux. Ils sont prêts à s'engager, mais il y a souvent un grand fossé qui sépare les services et les dirigeants de la police et les collectivités — les gens ordinaires. C'est le conseil que j'aimerais donner aux chefs de police et à ceux qui cherchent à promouvoir des relations positives entre les services de police et les collectivités.

  (1720)  

    Merci beaucoup de ces observations. Je remarque que l'autre témoin, Mme Audette, hochait la tête en signe d'approbation. Je suis aussi d'accord avec vous, compte tenu de mes antécédents dans le domaine de l'application de la loi.
    Nous parlons ici de ce problème avec la GRC et l'administration de la GRC, qui est centralisée. Elle a des processus décisionnels descendants. La plupart des décisions sont prises ici, à Ottawa. Elles ne sont pas prises dans les localités. Les choses changent souvent.
    J'aimerais que vous répondiez tous les deux à cette question. Pensez-vous que la réalité de la structure actuelle de la GRC contribue à certaines des situations de racisme dans les milieux policiers?
    J'aimerais céder la parole à mon amie, Mme Audette.

[Français]

    Je vous cède la parole, madame Audette.
    Merci beaucoup, monsieur Niemi.
    J'ajouterais qu'il y a sûrement une bonne volonté de la part d'individus au sein de la GRC, comme dans les 300 autres corps policiers. Il reste que les structures amènent peut-être ce que nous dénonçons depuis très longtemps, soit le fameux racisme systémique et la discrimination systémique. Cela est prouvé.
    En matière de confiance envers la GRC, souvenons-nous que la GRC a été créée pour enlever les enfants autochtones des territoires lorsqu'on a imposé les pensionnats. Il existe peut-être encore de vieux fantômes. Tout cela est frais dans nos mémoires. Nous ne sommes pas à l'aise et il y a de la méfiance.
    Comme vous l'avez bien dit, monsieur Niemi, il y a aussi l'attitude descendante, du haut vers le bas.
    Je vais marcher aux côtés de M. Niemi, en disant que nous voulons de vrais policiers, des hommes et des femmes qui ont cette sensibilité-là pour nous protéger, sauver nos vies et assurer un mode de vie dans lequel nous nous sentons en sécurité dans nos communautés.
     Selon moi, ce n'est pas une formation de quelques heures qui suffira. Il faut une réflexion profonde au sein même de cette institution, comme celle de la Sûreté du Québec ou des corps policiers. Nous devons refaire les formations en incluant la beauté des diversités culturelles du milieu.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    J'ai juste une...
    Merci, monsieur Motz. Il vous reste huit secondes. Je suis certain que votre collègue sera ravi d'utiliser ces huit secondes.
    Sur ce, monsieur Lightbound, vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de leur présence aujourd'hui.
    Je suis très heureux de vous revoir, madame Audette. Ma question s'adresse à vous.
    D'abord, je vous remercie pour le travail que vous avez fait en tant que commissaire dans le cadre de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Ma question porte sur une des recommandations de la commission. Vous avez fait état dans votre témoignage du problème de zone de responsabilité. L'une des recommandations est d'avoir un organisme autochtone civil chargé, nonobstant des responsabilités, d'enquêter sur les inconduites de la police et les abus qui peuvent être survenus d'un bout à l'autre du pays.
    Pouvez-vous donner des détails sur cette recommandation?
    Comment cela pourrait-il améliorer le travail des policiers?
    Cela peut envoyer deux différents messages. À force d'entendre des témoignages qui perdurent depuis plusieurs décennies, on a l'impression qu'il y a une culture tout à fait serrée et que les gens se protègent entre eux. Il s'agit de créer un milieu, un endroit où une personne se sent à l'aise de porter plainte et de dénoncer une situation, où elle sera prise au sérieux, ne sera pas jugée et ne subira pas de la discrimination qui est décrite dans le rapport de la commission.
    Je pense que plusieurs sociétés vont se doter d'un tel outil. Au Québec, il y a le Bureau des enquêtes indépendantes. Il peut paraître imparfait, mais c'est déjà un outil très important dans lequel des experts autochtones et non autochtones, des anciens policiers, des enquêteurs, ainsi que les gens du milieu pourraient voir comment le travail est fait et proposer des recommandations pour toujours devenir meilleurs et faire mieux.

  (1725)  

    J'ai une autre question pour vous en ce qui a trait au dernier point que vous avez soulevé à la toute fin de votre témoignage sur la révision du programme scolaire pour améliorer l'enseignement de l'histoire autochtone.
    Pourriez-vous préciser cet élément? Vous avez piqué ma curiosité.
    Le gouvernement du Canada, les provinces et les territoires le mentionnent depuis longtemps, notamment lors des rencontres fédérale-provinciales auxquelles j'ai participé depuis 2000 jusqu'à tout récemment. Tous et toutes s'entendent pour dire que l'histoire en général, avec un grand « H », est à refaire, avec toute sa diversité et sa complexité.
    Les provinces et la province de Québec sont responsables en matière d'éducation, mais je crois que le gouvernement du Canada a aussi son rôle à jouer sur la question autochtone et la Loi sur les Indiens.
    Comment se fait-il qu'encore en 2020 dans nos écoles primaires, secondaires et universitaires l'on nourrisse nos leaders d'aujourd'hui et de demain avec une histoire qui n'est pas adéquate?
    Ce ne sont pas seulement les jeunes autochtones qui nous le demandent; tous les jeunes nous le demandent. Tous les jeunes de différentes cultures, horizons et origines disent qu'ils veulent comprendre. Pour moi, c'est l'outil le plus fort pour éliminer tranquillement les préjugés, la méconnaissance, l'ignorance, le racisme, la discrimination parce que l'on comprendrait. On redonnerait aussi la fierté à nos nations, parce qu'on a effacé un pan d'histoire trop important, qui est notre identité culturelle.
    Merci beaucoup.
    Ma dernière question s'adresse à M. Niemi.
    Vous avez mentionné à juste titre qu'on ne peut pas changer ce que l'on ne reconnaît pas et encore moins ce que l'on ne connaît pas.
    En ce qui a trait aux données, où sont les plus grandes lacunes pour juger du racisme systémique dans nos institutions, selon votre expérience?
    On n'a qu'à regarder les plaintes déposées, que ce soit auprès des commissions des droits de la personne ou d'instances comme des commissions qui reçoivent des plaintes concernant l'inconduite policière.
    Je dois faire une mise en garde. La plupart des commissions des droits de la personne, au moins la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse au Québec, n'ont pas de politiques en matière de racisme systémique. Donc quand les plaintes de racisme systémique sont déposées, on ne sait pas comment cela va être traité. Je crois qu'il faut absolument qu'on arrive à établir un cadre de politiques ou de lignes directrices pour mieux traiter les plaintes et à partir de là, déterminer comment c'est documenté.
    On a fait un survol des données de la Commission canadienne des droits de la personne. Par exemple, par rapport aux plaintes de racisme systémique, c'est un peu difficile de voir, notamment en ce qui a trait aux services, parce qu'il y a aussi la discrimination systémique au chapitre de l'emploi ou dans les services. Je crois que la Loi canadienne sur les droits de la personne, entre autres, doit éventuellement être modifiée parce que l'article 5 de la Loi actuelle ne permet pas une approche systémique claire quand il est question des services. Or, l'article 10 de la Loi permet une approche systémique dans la classification des discriminations en matière d'emploi.
    Finalement, sur le plan quantitatif, je crois qu'il faut trouver une meilleure façon...

[Traduction]

    Nous devons malheureusement nous arrêter ici, monsieur Lightbound.
    Madame Michaud, vous avez cinq minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'avoir accepté l'invitation, particulièrement Mme Audette. Je suis certaine que son expérience pourra servir aux travaux de notre comité.
    Madame Audette, j'aimerais vous questionner sur une notion dont nous avons moins entendu parler dans le cadre de cette étude, soit celle de l'intersectionnalité. Quand je pense aux femmes autochtones en milieu urbain qui se retrouvent dans des situations d'itinérance, de pauvreté et de dépendance ou avec des problèmes de santé mentale, je trouve que ce concept d'intersectionnalité n'est pas suffisamment pris en considération dans l'approche des policiers qui interagissent avec elles.
     J'aimerais vous entendre là-dessus. Vous pourriez peut-être nous en dire plus à partir des témoignages que vous avez entendus.
    Oui, certainement. Je pourrais aussi tenter d'expliquer ce que les policiers que j'ai rencontrés m'ont rapporté dernièrement. C'est que, parfois, on espère que ces gens seront des superpoliciers qui agissent à titre d'intervenants sociaux, d'intervenants de première ligne, d'intervenants psychosociaux, de spécialistes en toxicomanie, et ainsi de suite.
    En milieu autochtone, ils doivent avoir beaucoup de connaissances, parce que les individus, souvent des femmes, ont un assortiment complexe de problèmes sociaux et de santé mentale majeurs. Alors, si on essaie de dire aux policiers qui ont choisi cette carrière qu'ils devront également tenir compte des aspects spirituel et psychosocial et des problèmes de santé mentale, ce qui n'est pas un réflexe naturel pour eux, sans dire qu'ils n'ont pas d'émotions, cela pourrait s'avérer plus difficile.
    L'approche intersectionnelle est une valeur que nous appelons depuis longtemps l'approche globale, et, selon celle-ci, ce n'est pas tout le monde qui peut avoir cette expertise. Alors, personnellement, cela ne m'effraie pas qu'on propose que les policiers soient accompagnés d'expertes ou d'experts en la matière, afin de faire de bonnes interventions et d'établir un lien de confiance, parce que c'est urgent. Ainsi, lorsqu'un policier intervient auprès d'une femme autochtone, que ce soit judiciarisé ou non, en fin de compte, il saura qu'il a fait de son mieux pour lui donner sa chance.

  (1730)  

    Merci.
    Justement, cette proposition est revenue à quelques reprises dans le cadre de cette étude. Je pense qu'il est pertinent que les policiers soient accompagnés d'intervenants sociaux sur le terrain.
    Croyez-vous que ce serait une avenue possible dans le cadre de la formation des policiers? Sinon, après leur formation, qu'est-ce qui devrait être fait de plus?
    Il y a quelque chose qui me tient beaucoup à cœur sur un plan très personnel — je dirai « mocassins libres », dans ce cas-ci. Le Cégep de Baie-Comeau a proposé une technique policière en milieu autochtone et en région, ce qui sera une première. Sans dire que cela me dérange, je suis déçue que ce ne soit qu'un projet provisoire. Ce genre de programme devrait être accessible partout au Canada afin d'aider la relève.
    J'ai été abordée par d'anciens policiers québécois qui travaillent maintenant dans des restaurants ou des boutiques. Ils m'ont dit qu'ils m'avaient vue à la télévision et ils m'ont remerciée pour ce que je faisais. Certains d'entre eux avaient travaillé pour la Sûreté du Québec, d'autres pour la Gendarmerie royale du Canada. Ils m'ont dit que le fait d'avoir travaillé dans des communautés pour lesquelles ils n'étaient pas préparés les avait démolis. Je vous parle d'hommes québécois ou canadiens qui n'ont pas été préparés à cette réalité frappante et traumatisante, mais aussi enrichissante. Il y a du beau et du bon.
    Alors, si on crée des programmes officiels, comme l'initiative du Cégep de Baie-Comeau, dont le programme scolaire comprend des stages en milieu autochtone et une expertise autochtone, on pourra abolir les préjugés. Les étudiants vont se dire que, finalement, les Anishinabes, les Pieds-Noirs et les Haïdas, par exemple, sont des peuples passionnants.
    Merci.
    Vous avez parlé de Joyce Echaquan. Ce cas ne concernait pas les services policiers, mais il concernait tout de même une institution en laquelle nous avons confiance. Les corps policiers doivent nous protéger et assurer notre sécurité, mais il en va de même pour les établissements de soins de santé. Nous devons avoir confiance en ces institutions.
    Je demande comment on pourrait rebâtir ce lien de confiance avec les institutions qui a été brisé ou qui n'a jamais existé. Je pense au témoignage que vous nous avez donné de la dame qui se sent comme si elle avait une cible dans le dos depuis qu'elle est toute petite.
    Comment fait-on pour rétablir ce lien de confiance?
     Les gouvernements...

[Traduction]

    Malheureusement, nous allons devoir laisser cette question sans réponse pour le moment. Je suis certain que vous serez en mesure d'y répondre.
    Monsieur Harris, vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux deux témoins de leurs déclarations.
    Madame Audette, j'aimerais vous interroger sur les recommandations du Rapport sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Plus particulièrement, je veux mettre l'accent sur une recommandation qui pourrait nous être utile.
    À la section 9.4, on peut lire ceci: « Nous demandons à tous les services de police non autochtones d'avoir la capacité et les ressources requises [...] pour protéger les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA autochtones. » Il poursuit avec la déclaration suivante: « Nous leur demandons également d'établir des unités autochtones spécialisées au sein de leurs services, dans les villes et les régions où se trouvent des populations autochtones. » Je me concentre là-dessus, car je pense que nous cherchons des moyens de maintenir l'ordre non seulement dans les collectivités autochtones, mais aussi dans les régions urbaines.
    Est-ce une méthode potentielle de commencer, à toutes fins pratiques, à intégrer les Autochtones dans les services de police pour mieux servir l'importante population autochtone — plus de la moitié des gens — qui se trouve dans les régions urbaines? Cela fonctionnerait-il?
    Deuxièmement, parce que je n'aurai peut-être pas l'occasion de poser une deuxième question, en tant que personne qui a une certaine expérience au gouvernement provincial du Québec, pensez-vous que cela pourait être financé par le gouvernement du Canada pour soutenir son mandat relatif aux Autochtones dans les services de police non fédéraux?
    Si vous avez des questions, n'hésitez pas à me les poser.

  (1735)  

    Je vais faire de mon mieux pour vous répondre. Je suis un peu rouillée en anglais. Depuis un an, je parle beaucoup en français ou en innu.
    Vous pouvez vous exprimer en français.

[Français]

    C'est parfait.
    Lorsqu'on traverse le Canada comme commissaire, il est certain qu'on est très conscient du fait que les 300 corps policiers du Canada n'ont pas tous la chance ou l'occasion d'embaucher du personnel autochtone. D'un autre côté, il peut être difficile d'attirer une main-d'œuvre autochtone dans le domaine de la sécurité publique, ce dont nous sommes conscients.
    Dans une transition, l'important est de promouvoir cette expertise et cette richesse dans les milieux de travail et de s'assurer que les institutions sont prêtes s'y ouvrir. Il peut s'agir d'une ou de plusieurs personnes, que ce soit des aînés ou des intervenants de première ligne ou de deuxième ligne, ou même de futurs policiers ou policières.
    Il y a eu des succès dans certaines régions. Des gens ont embauché des Autochtones pour patrouiller, ce qui donne confiance et peut rendre l'intervention bénéfique.
    Le gouvernement fédéral pourrait établir des projets pilotes avec les provinces, les municipalités et les communautés qui auraient envie de faire ces essais. Je vous invite à le proposer.

[Traduction]

    Merci.
    Mon temps de parole est-il écoulé, monsieur le président?
    Non, il vous reste une minute et demie.
    Mme Audette a donné un excellent exemple de polyvalence.
    Oui, je suis une grand-mère, une mère.
    Un autre élément, puisque vous avez parlé de transition, c'est que nous aimerions formuler des recommandations qui pourraient être mises en œuvre très rapidement, car cela mettra le processus en branle en quelque sorte.
    Une autre recommandation consiste à demander « à tous les services de police de mettre sur pied un comité consultatif composé de citoyens autochtones dans chaque service ou division de police ».
    Est-ce que ce serait quelque chose qui pourrait également être mis à la disposition de chaque service de police, en tant que financement potentiellement requis ou initiative à prendre? C'est quelque chose qui pourrait permettre de commencer à nouer une relation entre les services de police et les Autochtones qui serait fondée sur des bases plus solides.
    Il vous reste environ 30 secondes.
    Si vous avez la solution magique, le pouvoir de le faire, faites-le.
    Je suppose que c'est quelque chose que vous nous suggérez de recommander.
    Oui, monsieur.
    Merci, ma petite-fille.
    Merci.
    Merci, monsieur Harris.
    Monsieur Kurek, vous avez quatre minutes, et M. Motz a huit secondes.
    Merci beaucoup. Je vais tirer pleinement parti de ces huit secondes supplémentaires.
    Merci aux témoins, merci à la petite-fille de Mme Audette, et merci d'avoir ajouté un peu de plaisir à cette conservation très sérieuse.
    Je vais seulement faire une remarque avant de poser quelques questions.
    Madame Audette, votre déclaration selon laquelle la formation ne doit pas se limiter à quelques heures ou à un manuel — et je paraphrase ici — m'a vraiment interpellé. Je suis d'accord. Il doit y avoir un changement d'attitude et de culture pour nous assurer que ces problèmes sont pris au sérieux.
    Je serais curieux d'entendre vos observations sur les obstacles que vous voyez pour les femmes autochtones qui veulent s'engager et qui veulent occuper des postes dans les services de police ou assumer d'autres rôles qui permettraient de réduire la violence dans les collectivités et les obstacles à la justice.

  (1740)  

[Français]

     En quelques secondes, je dirais que les barrières sont multiples. Il existe de la méfiance, c'est sûr, et la relation est rompue, parce que les gens ne sont pas crus ou ils ont l'impression d'être déjà jugés quand ils font appel à la police.
    Il y a donc toute une sensibilisation extrêmement importante à faire. Il faut utiliser des endroits où l'on va voir des familles qui ont témoigné et d’anciens policiers de la GRC qui, eux, faisaient un travail normal. Ils expliquaient le mandat, la procédure, le protocole et la marge de manœuvre et, aussitôt que la communication était établie entre la famille et le corps policier ou l'agent, on pouvait voir une confiance palpable.
    Cela nous dit que les gens, humains, sont capables de le faire. Ce sont des exemples comme ceux-là qu'il est important de maintenir et de développer. Il faut accepter aussi que l'on puisse être fâchés contre les policiers, et à raison.
     Cependant, après avoir fait ce travail, il existe des organisations et des groupes, dont M. Niemi pourra vous donner des exemples, grâce à la collaboration desquels on arrive à surmonter ces barrières des préjugés ou des craintes, pour arriver à se dire qu'on en fait, des belles choses: on sauve des vies, on fait notre travail et on s'améliore.
    Il ne faut pas abandonner, car c'est un travail de longue haleine, mais qu'il est important de commencer.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup de ces remarques. Merci.
    Nous avons entendu parler des appels visant à garantir la surveillance et la reddition de comptes de la police, y compris de la GRC. Je me demande comment cela serait appliqué dans la pratique. Je pense que c'est toujours une question de la façon dont les politiques publiques ont des répercussions pratiques pour améliorer la vie des Canadiens et, dans ce cas-ci, des peuples autochtones, qui vivent ces expériences négatives, bien souvent, depuis plusieurs générations.
    Je demanderais peut-être au président combien de temps il me reste.
    Il vous reste environ 25 secondes.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Niemi.
    Quelles solutions pratiques suggéreriez-vous pour la reddition de comptes et la surveillance?
    Merci beaucoup.
    Dans un premier temps, il faudrait essentiellement rendre des comptes à la population et aux collectivités. J'essaie d'être aussi opérationnel que possible. Je crois que les commissaires et chefs de police devraient vraiment aller à la rencontre des citoyens, des membres de la collectivité, et créer des structures pour ramener la police à son orientation communautaire.
    Après le 11 septembre, nous nous sommes éloignés d'un modèle de services de police axés sur les collectivités, et nous devons maintenant y revenir. Nous devons absolument [Difficultés techniques] comprendre que les dirigeants communautaires constituent une première étape. C'est ce qui s'est passé en 1990, et cela a beaucoup aidé.
    D'accord, nous allons devoir nous arrêter ici, malheureusement.
    Madame Khera, la parole est à vous pour quatre minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins de leur présence ici et de leurs témoignages très importants.
    Monsieur Niemi, je peux peut-être commencer avec vous. Je veux parler un peu de la collecte de données fondées sur la race. Vous avez dit récemment que la collecte de données fondées sur la race est essentielle à toute campagne ou lutte contre le profilage racial dans les services de police. Nous savons que ce peut être extrêmement utile pour améliorer la reddition de comptes publique et éclairer les politiques publiques.
    Comme vous le savez peut-être, le gouvernement a annoncé au cours de l'été que Statistique Canada commencerait à recueillir des données sur la race pour les victimes d'actes criminels et les individus accusés de crimes. Vous pourriez peut-être nous expliquer un peu les raisons pour lesquelles c'est si important et nous dire tout ce que nous devons prendre en considération pour la collecte de ces données et comment elles seront utilisées, car il y a certainement des préoccupations concernant la vie privée et le fait de veiller à ce que les données ne ternissent pas une communauté ou ne renforcent pas des stéréotypes racistes.
    Si vous pouviez nous éclairer sur la manière de concilier tout cela, ce serait extrêmement utile au Comité.
    Merci beaucoup.
    Compte tenu du temps dont je dispose, je serai très bref.
    Les données portent sur la science. Les données portent sur la quantité et la qualité. Si nous appuyons la science, nous avons besoin de données pour mesurer.
    C'est la même chose pour les taux d'infection et de mortalité liés à la COVID-19. Nous avons besoin de données fondées sur la race. Nous avons besoin de données fondées sur la race dans tous les domaines. Même la commission Viens au Québec l'année dernière a recommandé la collecte de données fondées sur la race pour les peuples autochtones.
    La Commission des services policiers de Toronto, si je ne m'abuse, a élaboré un modèle exhaustif et robuste sur la manière de participer à la collecte, à l'analyse et à la communication des données fondées sur la race, et d'appliquer et de traduire cela dans la mesure du rendement, la qualité et la reddition de comptes. Il suffit de regarder le modèle de la Commission des services policiers de Toronto. Je crois que de nombreuses mesures ont été prises. Nous n'avons pas besoin de réinventer la roue.
    Nous devons revenir à l'idée que sans données, nous ne pouvons pas élaborer de politiques publiques solides fondées sur des données. Les données fondées sur la race sont importantes pour travailler avec les peuples autochtones. Comme tant de comités l'ont recommandé, nous avons besoin de données fondées sur la race pour traiter avec les personnes racialisées, ainsi que tout autre facteur démographique que nous jugerions pertinent pour mieux comprendre l'incidence des politiques publiques, et aussi pour nos assurer que nos ressources publiques et nos budgets sont bien dépensés.

  (1745)  

    Merci, monsieur Niemi.
    Je peux commencer en abordant la même question.
    Nous avons récemment vu des appels pour cesser de financer la police ou la GRC. Nous comprenons que cela n'équivaut pas à annuler la police, mais plutôt à revoir son financement et la manière dont il est utilisé, et à nous assurer que nous investissons dans les services de santé mentale et les services sociaux dans nos collectivités.
    Quelle est votre recommandation par rapport à ces déclarations et, selon vous, que devrait-on faire?
    Je ne pense pas que nous devrions discuter d'éliminer le financement de la police dans le but de ce que vous venez de mentionner. Je pense que l'expression peut être très chargée. Nous devons élaborer une approche en matière de politiques publiques très avisée, stratégique et économique pour établir les affectations budgétaires, que ce soit pour les services de police ou tout autre programme social ou économique. Nous devons nous pencher là-dessus.
    Je pense que l'expression « élimination du financement » est souvent perçue comme une attaque contre la profession de policier, l'institution policière et les policiers eux-mêmes. La grande majorité d'entre eux, je crois, sont dévoués au maintien de l'ordre, au service et à la protection du public.
    Nous devons trouver une approche différente, et même une terminologie différente. Je pense que nous devons également nous assurer, en tant que législateurs et gouvernement, que nos budgets sont dépensés judicieusement, de manière à répondre aux besoins des collectivités.
    S'il y a un manque de financement pour la santé mentale ou l'itinérance, pouvons-nous obtenir l'argent ailleurs, par exemple? Il y a de nombreux autres enjeux. Je pense que le fait de se concentrer uniquement sur la police peut créer beaucoup de confusion et de dissension, et cela ne nous permet pas d'examiner le vrai problème objectivement.
    Merci, madame Khera, et merci, monsieur Niemi.
    Madame Michaud, vous avez une minute, s'il vous plaît.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je vais laisser ma minute à Mme Audette pour qu'elle puisse répondre à ma précédente question, à savoir comment faire pour rétablir le lien de confiance qui s'est brisé.
    Pour rétablir le lien de confiance brisé, il faut réunir les parties prenantes dans un endroit dans lequel elles vont se sentir en sécurité, si la volonté est là bien sûr et si elles acceptent. Il faut tenter de s'entendre pour voir comment on peut faire des choses ensemble, pour le mieux-être et le bien-être des membres de nos communautés.
    Je me dis toujours qu'il faut reconnaître ce qui est brisé. Cependant, doit-on rester dans le statu quo à maintenir ce qui est brisé ou allons-nous oser faire les choses différemment avec ceux et celles qui ont beaucoup à nous dire? Je parle ici des Autochtones, bien sûr.
    Quel est le rôle du gouvernement fédéral à cet égard?
    Les questions autochtones sont transversales et concernent les provinces et les territoires. Certains vont dire qu'ils ont une responsabilité en matière de sécurité publique, d'éducation ou de protection de la jeunesse. Il s'agit d'avoir, comme au Québec, une relation tripartite dans laquelle le leadership autochtone, le gouvernement du Québec et le fédéral peuvent échanger. Je ne parle pas d'échanger juste pour échanger, mais pour faire des choses, avec un tableau pour dire qu'on a atteint certains objectifs.
    [Inaudible] ma petite-fille.

[Traduction]

    Merci, madame Michaud.
    Madame Audette, c'est très impressionnant que vous puissiez fournir une réponse et vous occuper de votre enfant aussi.
    Chers collègues, avant de demander à M. Harris une dernière minute, vous avez tous été très disciplinés, tout comme les témoins, et le personnel me dit que nous pourrions procéder à une autre série d'interventions. Je pense octroyer trois minutes aux conservateurs, trois minutes aux libéraux et une minute pour le NPD et le Bloc.
    Êtes-vous d'accord pour que nous procédions à un troisième tour?
    D'accord, même si vous n'êtes pas d'accord, nous allons le faire.
    Monsieur Harris, vous avez une minute, s'il vous plaît.

  (1750)  

    Tant que les minutes sont aussi longues qu'au dernier tour, c'est correct.
    Monsieur Niemi, vous avez parlé du principe de Jordan qui peut s'appliquer à la surveillance civile et au retard pour agir. Le conseil de surveillance de la GRC est saisi de l'affaire Colten Boushie depuis trois ans ou plus. Elle est maintenant sur le bureau du commissaire depuis longtemps. On ne semble pas pouvoir obtenir de réponse. Ce problème particulier lié au temps de réponse du commissaire doit-il être réglé pour assurer une surveillance adéquate?
    Je crois le problème doit être réglé, car lorsque les démarches se poursuivent pendant plus d'un an sans donner de résultats, les gens ordinaires peuvent se décourager. Ils ne reviendront pas, ou pourraient même ne pas se manifester la fois suivante. Nous devons accélérer les démarches sans compromettre la qualité ni l'équité de l'enquête ou du processus de dépôt de plaintes. C'est une chose à laquelle tous les organismes administratifs devraient porter une attention spéciale.
    L'année dernière, le Tribunal des droits de la personne du Québec a rejeté deux de nos cas de profilage racial parce que, dans un cas, il a fallu attendre 88 mois avant que la Commission des droits de la personne mène une enquête et soumette l'affaire au Tribunal. C'est tout à fait inconcevable à notre époque. C'est une décision qui remonte à l'année dernière.
    Merci, monsieur Harris.
    Mes collègues conservateurs ont-ils une question de trois minutes?
    Je vais en poser une. Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur comparution.
    Monsieur Niemi, j'ai une question pour vous. D'après votre curriculum vitae, vous avez une vaste expérience de la prestation de conseils à l'Association canadienne des chefs de police et à la GRC. Je suppose que vous connaissez très bien la formation offerte dans les corps policiers et les écoles de police. Vous pourriez peut-être en parler davantage. Nous parlons de racisme systémique et nous cherchons des solutions systémiques. La formation des corps policiers en fait peut-être partie.
    J'entends beaucoup parler de formation. Je pense que nous devons commencer la formation dès le début, avant même l'arrivée dans les corps policiers, et n'oublions pas que nous devons former les formateurs, car ils sont souvent dépassés en ce qui a trait à l'intersectionnalité, à la discrimination systémique ainsi qu'à la fusion des droits de la personne et du maintien de l'ordre.
    Nous devons aussi mettre l'accent sur la création de corps policiers qui représentent les gens de leur collectivité, car la formation n'est qu'une partie de l'équation. L'équité en matière d'emploi et la représentation équitable doivent être les principes directeurs de l'ensemble des services de police, surtout s'ils veulent procéder à un changement de culture dans leur façon de faire les choses.
    Il y a très longtemps que nous mettons de côté l'équité en matière d'emploi dans les corps policiers. Nous devons maintenant obtenir les chiffres voulus à tous les niveaux afin que les hommes, les femmes et les personnes de diverses origines soient représentés. Nous croyons que la présence de personnes d'un plus grand nombre d'origines différentes changera les services et leur culture, dans le bon sens...
    Je vois. Bien.
    Désolé. Le temps est limité.
    J'ai une question complémentaire. Que savez-vous de la mesure dans laquelle les programmes des écoles de police abordent les relations raciales? Est-ce adéquat ou inadéquat? Qu'aimeriez-vous que notre rapport dise à ce sujet?
    J'aimerais que ce soit moins abstrait et moins théorique, qu'il y ait plus de contacts directs avec de vraies personnes dans de vrais scénarios afin d'offrir une véritable formation sur les techniques et les technologies policières.
    Ce qui est encore plus important, c'est veiller à ce que les cadets, les recrues, représentent les collectivités qu'ils servent. À défaut d'avoir une représentation équitable, on peut former... S'ils n'ont pas de contacts directs, personnels et quotidiens avec des gens d'origines différentes, on peut les former indéfiniment, mais les services policiers ne changeront pas leur culture et ne combleront pas l'écart. Que ce soit sur le plan culturel, social ou économique, l'écart persistera.
    Merci, monsieur Van Popta.
    Mes collègues libéraux ont-ils une question de trois minutes?
    Allez-y, monsieur Iacono.

  (1755)  

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à Mme Audette.
    Vous avez récemment déclaré avoir observé une vague de menaces violentes en ligne à l'égard des femmes autochtones.
    Pouvez-vous nous expliquer les raisons de ce phénomène inquiétant et les démarches que vous préconisez pour y répondre?
     Pour avoir été moi-même victime d'intimidation et de menaces de mort sur Facebook au mois de septembre, je dirais que même quand on est une militante qui a un bon réseau de gens, cela peut être déstabilisant. Cependant, il faut vite se ressaisir et c'est là qu'on se rappelle facilement que beaucoup d'entre nous n'auront peut-être pas un réseau comme le mien ou des gens pour leur expliquer quels sont leurs droits et leurs protections, et comment surmonter ces épreuves.
    Certaines jeunes femmes et des femmes de tous âges nous font savoir qu'elles vivent de l'intimidation et de la violence parce qu'elles prennent position ou parce qu'elles ont un mode de vie qui leur est propre et qui dérange un mouvement ou un dirigeant.
    Je dirais que c'est un phénomène pancanadien qui ne touche pas que les femmes autochtones. Pourtant, lorsque ce sont des Autochtones qui dénoncent ces agressions, la réponse est parfois plus lente, comme l'a expliqué M. Niemi. Les commissions ne sont pas préparées à cela, pas plus que nos policiers, et nos institutions autochtones et québécoises ne savent pas comment prendre la chose non plus. On finit par se demander ce qu'on doit faire.
    D'un autre côté, il s'agit d'une forme de violence inacceptable. Certaines des personnes qui la subissent vont même faire des tentatives de suicide, lesquelles réussissent parfois, malheureusement.
    Merci, madame Audette.

[Traduction]

    Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président, en ce qui me concerne.
    Merci.
    Il reste encore une minute, si un libéral veut s'en servir.
    Madame Michaud, vous avez une minute, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Sur une note un peu plus personnelle, madame Audette, j'aimerais savoir quelles sont vos attentes en lien avec la réponse du gouvernement à ce rapport que nous allons déposer à la Chambre des communes, énième rapport sur les questions autochtones. À ce sujet, on attend toujours la réponse du gouvernement à l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, ou ENFFADA.
    Selon vous, dans l'immédiat, que devrait faire le gouvernement avec toutes ces pistes de solution?
    Je crois comprendre que quatre groupes ont été mis sur pied, dont celui des familles avec Le Mocassin Télégramme et les réseaux sociaux, où l'on se parle en privé sur Messenger et Twitter. J'espère que cette mobilisation va nourrir la réflexion des provinces, des territoires et du gouvernement fédéral en lien avec un plan d'action contre la violence faite aux femmes et aux filles autochtones.
    On a tendance à vouloir tout mettre sur le dos du fédéral. Je vous rappelle donc que j'ai signé un rapport de l'ENFFADA à la seule intention du gouvernement du Québec. En effet, pour la première fois dans l'histoire, toutes les provinces et les territoires avaient l'obligation de participer à l'Enquête. Si je peux me le permettre, j'aimerais d'ailleurs aussi rappeler au gouvernement du Québec qu'il a sa responsabilité sur son territoire en lien avec l'ENFFADA.
    Alors, transparence, reddition de comptes et explications pour nous dire où vous en êtes rendus: ces éléments sont toujours rassurants et sont ce que je demande quand il m'arrive parfois de parler avec quelqu'un d'Ottawa. Dites-nous ce que vous faites, pour que nous puissions mieux comprendre.

[Traduction]

    Merci, madame Michaud.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    La dernière minute sera pour M. Harris.
    Madame Audette, on recommande entre autres d'accroître le nombre d'Autochtones dans les rangs policiers. Je pense au Nunavut où c'est particulièrement un problème.
    La recommandation parle de mettre fin à la pratique des affectations temporaires des agents. C'est difficile au Nunavut. Les agents de la GRC y restent peu longtemps. On nous a dit qu'ils ne sont maintenant en poste que six semaines à défaut d'avoir des gens qui veulent se rendre là-bas, et qu'on ne fait pas confiance à la GRC, ce qui explique pourquoi on ne peut pas trouver de recrues.
    Quel sera le dénouement de cette situation selon vous?

[Français]

    Je pense qu'il sera toujours important de maintenir le dialogue pour demeurer à jour et prêt à répondre aux besoins criants, surtout si les dirigeants inuits participent à ces discussions et proposent leurs solutions pour l'immédiat. Ils rappelleront que l'ENFFADA a proposé certaines solutions, mais ils pourraient soulever de nouveaux problèmes auxquels ils font face, comme la COVID-19.
    Je dirais que ce qui fait beaucoup de peine et est le plus difficile, c'est la rétention de la relève qui vient parfois du sud vers le nord. En effet, rares sont les gens qui vont faire carrière dans le Nord. Pourtant, les habitants s'habituent à eux, leur font confiance, mais un jour, pouf! ils sont repartis. La culture du Nord n'est guère célébrée, comme me l'ont appris mes nombreux déplacements partout au Canada. La question est donc de savoir comment réagir à cette situation.
    Certaines communautés inuites suggèrent le concept de Rangers ou d'une police plus communautaire. Il faut honorer ces communautés et les encourager, voire appliquer leurs suggestions de façon plus généralisée si telle est la volonté du milieu.

  (1800)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Harris.
    C'est tout le temps que nous avions en compagnie de ces deux excellents témoins.
    C'était très utile, très instructif et, comme vous pouvez le constater à l'intensité des questions de nos collègues, très captivant. Je vous remercie encore une fois du temps que vous nous avez accordé.
    À moins que cela ne fasse sourciller le greffier, je vais mettre fin à la séance.
    Est-ce que cela vous va, monsieur le greffier? Bien.
    La séance est levée.
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