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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 008 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 30 novembre 2020

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, je déclare la séance ouverte.

[Français]

    Bonjour à tous.

[Traduction]

    La réunion d’aujourd’hui est la huitième réunion du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes. Nous nous réunissons en format hybride, conformément à l’ordre de la Chambre du 23 septembre 2020, de sorte que les délibérations seront publiées sur le site Web de la Chambre des communes.
    Notre réunion d’aujourd’hui se déroulera en deux parties. Pendant la première heure, nous entendrons Mme Sheila Fynes, qui est la mère du caporal Stuart Langridge, ancien combattant, qui s’est suicidé en 2008.
    Nous accueillons également Mme Jackie Carlé, directrice exécutive du Centre des ressources pour familles militaires d’Esquimalt. Bonjour, madame Carlé. Je sais qu’il est tôt en Colombie-Britannique, et nous vous remercions de vous joindre à nous aujourd’hui.
    Après une courte pause vers midi, nous passerons au deuxième groupe.
    Je tiens tout d’abord à remercier Mme Fynes d’être venue témoigner aujourd’hui. Je vous remercie d’avoir eu le courage de vous joindre à nous. Je sais que ce n’est pas facile, mais il est vraiment important que les parlementaires entendent des gens comme vous, et que nous les écoutions, même si cela peut être difficile. Nous devons essayer.
    Les programmes que nous mettons en place, les politiques que nous instaurons, visent à faciliter la vie des gens, voire à la rendre un peu plus radieuse. Nous le faisons en parlant aux personnes qui ont vécu une expérience et aux experts, et en rassemblant tous ces renseignements.
    En tant qu’ancienne combattante, je reconnais les services que votre fils a rendus à ce pays. Nous vous offrons nos plus sincères condoléances. Je dois dire que votre courage... Je veux dire que c’est une source d’inspiration pour nous tous que vous continuiez à vivre, aussi douloureux et frustrant que cela puisse être, et j’imagine que ce l’est. C’est difficile, mais je veux vous remercier. Je tiens à saluer ce que vous faites. C’est important. Il est primordial pour nous d’entendre ce que vous avez à nous dire aujourd’hui, car votre message concerne les gens.
    Sur ce, je vous remercie de vous être jointe à nous aujourd’hui, et je vous remercie d’avance pour votre témoignage. Je vais maintenant vous demander de prendre la parole, madame Fynes.
    Juste un petit rappel au Règlement, madame la présidente, pour une raison quelconque, ma chaîne anglaise ne fonctionne pas. La chaîne du parquet fonctionne.
    D’accord, oui. Pour l’instant, l’interprétation du français vers l’anglais ne fonctionne pas, alors vous pouvez peut-être syntoniser la chaîne « Parquet » pour l’instant.
    C’est ce que je vais devoir faire. D’accord.
    Nous travaillons en coulisses pour régler l’interprétation vers l’anglais. Nous avons environ 12 minutes de sursis avant notre première intervention en français. Si nous n’arrivons pas à régler le problème en 12 minutes, nous nous arrêterons. D’accord?
    D’accord.
    Au cours des 12 premières minutes, je pense que la majeure partie de la conversation sera dans la même langue, alors l’option « Parquet » serait acceptable. Je suis désolée. J’aurais probablement dû le dire avant mon intervention.
    Très bien, alors. Merci beaucoup.
    La parole est à vous, madame Fynes.
    Merci, et je vous remercie pour vos aimables paroles.
    Madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour. Je salue à nouveau les membres que j’ai déjà rencontrés.
    Je m’appelle Sheila Fynes, et je voudrais tout d’abord vous remercier de me donner l’occasion de m’exprimer sur les éventuelles révisions de la Loi sur la défense nationale, notamment en ce qui concerne l’alinéa 98c). Les éléments particuliers de cette infraction qui nous préoccupent sont les suivants:
98. Commet une infraction quiconque:
c) volontairement... se blesse... dans l’intention de se rendre... inapte au service...
Sur déclaration de culpabilité, l’auteur de l’infraction encourt comme peine maximale, s’il a agi alors qu’il était en service actif ou tenu de s’y présenter... l’emprisonnement à perpétuité et, dans tout autre cas, un emprisonnement de cinq ans.
    Cela fait beaucoup de mots.
    Nonobstant la nécessité de maintenir un bon ordre...

  (1115)  

[Français]

    Madame Fynes, je suis vraiment désolé de vous interrompre.
    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    Il n'y a plus d'interprétation en français. J'aimerais vraiment être capable d'entendre le témoignage de Mme Fynes en français.
    Nous allons procéder à un petit test. Ce ne sera pas très long.

[Traduction]

    Puis-je continuer?
    Un instant, s’il vous plaît.

[Français]

    On m'indique que cela fonctionne maintenant.
    Effectivement, cela fonctionne.
    Je vous remercie.
    Madame Fynes, vous pouvez continuer.

[Traduction]

    Je pense que, même s’il n’est jamais invoqué, cet alinéa a une conséquence négative involontaire du simple fait qu’il reste en vigueur.
    En 2007, alors qu’il terminait la dernière phase de formation en vue de sa prochaine promotion, Stuart a admis dans un questionnaire qu’il souffrait de douleurs à la poitrine. Cette déclaration a entraîné son retour dans son unité, où il a reçu des soins médicaux militaires. Nous ne savions pas à l’époque que les douleurs thoraciques étaient symptomatiques d’un trouble de stress post-traumatique. Dans l’année qui a suivi, jusqu’à sa mort, Stuart a reçu de multiples ordonnances, mais il a progressivement régressé et a souffert de cauchemars et de terreurs nocturnes. Il a également commencé à s’automédiquer, principalement avec de l’alcool, puis de la marijuana, cette dernière étant désormais un traitement accepté et dispensé.
    Alors que son état se détériorait, Stuart a entamé une série de tentatives de suicide et d’hospitalisations d’urgence. Il s’est isolé de plus en plus de ses camarades militaires et a commencé à se considérer non pas comme un bon soldat, mais plutôt, selon lui, comme « un de ces ratés ».
    En désespoir de cause, vers la fin, il s’est rendu dans un hôpital psychiatrique civil local pour obtenir de l’aide et a été admis. À la fin de ses 30 jours d’évaluation de santé mentale, il a voulu poursuivre son traitement, mais il a été surpris qu’on lui ordonne de rentrer à la base. Quelques jours plus tard, il a été soumis à ce que l’on a décrit plus tard comme des restrictions, mais qui, en fait, ressemblait beaucoup à des mesures disciplinaires imposées à un contrevenant. Il a été soumis à un couvre-feu, ainsi qu’à une journée de travail prolongée. Il devait signaler tous ses mouvements sur un formulaire au régiment et se présenter toutes les deux heures. Il devait dormir avec la porte ouverte dans la chambre du contrevenant, derrière la permanence du régiment. Il était entièrement dégradé et humilié.
    Il aurait également été décidé que Stuart ne serait pas autorisé à suivre un programme de traitement au coût d’environ 50 000 $, et il est devenu encore plus dysphorique. Il a eu accès à une pièce de la caserne, supposément pour faire la lessive, où il s’est pendu.
    Quinze mois après sa mort, nous avons été informés que Stuart avait laissé une note d’excuses à sa famille, disant qu’il ne supportait plus la douleur. L’application d’une quasi-discipline à un problème de santé mentale a été un échec spectaculaire qui a coûté à notre famille un fils, un frère et un petit-fils. Elle a également coûté à l’armée un soldat dévoué, extrêmement bien formé et expérimenté.
    Une suggestion bizarre faite à la commission d’enquête qui a suivi témoigne de l’attitude qui régnait à l’époque: les officiers ont estimé que le syndrome de stress post-traumatique de Stuart ne pouvait pas être une conséquence de son déploiement comme soldat de reconnaissance et de ses patrouilles dans les montagnes d’Afghanistan.
    Heureusement, on a beaucoup appris depuis lors, et le syndrome de stress post-traumatique ou, plus génériquement, la blessure de stress opérationnel est maintenant accepté comme une vraie blessure. Dans ce changement de paradigme, effectué par une nouvelle génération de dirigeants des forces armées, de nouvelles stratégies de prévention du suicide ont été mises en œuvre et de nouveaux traitements sont offerts. Les victimes ne sont plus considérées comme de simples problèmes de discipline. L’institution encourage désormais une éthique guerrière plus contemporaine, qui reconnaît que les soldats, aussi exceptionnels soient-ils, sont des êtres humains et non des machines. Les mesures disciplinaires, même à peine déguisées, constituent un abus déplacé du subordonné et ne sont plus une alternative par défaut au traitement médical.
    Actuellement, le système de justice militaire fait l’objet d’un examen général, et un examen dirigé par l’ancien juge de la Cour suprême Morris Fish a été entrepris. On espère qu’il abordera les questions plus larges de l’impartialité et de l’équité au sein du système.
    Si je compare les dispositions de l’alinéa 98c) à celles de la justice pénale civile du Canada, je voudrais faire remarquer que l’armée met l’automutilation en équation avec les infractions les plus graves en droit civil, comme le meurtre ou la trahison, en la rendant passible d’une peine d’emprisonnement à perpétuité. Je pense que le concept de sanctions en cas d'automutilation est un vestige de l’époque de la Première Guerre mondiale. À l’époque, certains soldats mettaient en balance le moindre mal de l’automutilation et le fait de foncer à pied dans un no man’s land vers les mitrailleuses. Les soldats canadiens étaient punis et certains étaient même exécutés pour ce qui était perçu comme de la lâcheté. Il est à noter que tous ceux qui ont été exécutés ont depuis été graciés pour des raisons humanitaires.

  (1120)  

    Aujourd’hui, à l’ère des militaires professionnels et volontaires, les sanctions pour automutilation de l’époque de la guerre des tranchées ont perdu toute pertinence.
    Ces derniers temps, notre armée a souffert d’une lente épidémie de suicides de soldats. Aujourd’hui, tout soldat qui s’inflige des blessures est plus susceptible de souffrir d’une blessure de stress opérationnel que d’essayer d’éviter le combat. Les tentatives de suicide entraînant une automutilation devraient appeler à une aide immédiate, et non à des sanctions.
    En revanche, au Canada, l’infraction pénale pour tentative de suicide a été abrogée il y a près de cinq décennies. Ces incidents sont désormais gérés en appliquant les dispositions relatives à la santé mentale plutôt qu’en criminalisant et en punissant les victimes.
    Je crains que la stigmatisation persistante des blessures de stress opérationnel auxquelles sont exposés les membres de nos forces armées ne les dissuade inconsciemment de chercher de l’aide. Cette réalité s’oppose à l’espoir que des interventions médicales précoces puissent offrir de meilleurs résultats.
    Les militaires comprennent intuitivement la différence entre le geste et la parole. Il ne suffit pas de leur dire de lever la main et de demander de l’aide quand ils voient qu’ils risquent d’être punis. Dans ce cas, le recours continu à des mesures disciplinaires arbitraires sape les efforts déployés pour soutenir les membres susceptibles d’être en difficulté. Pour un soldat qui tente de mettre fin à sa souffrance en s’enlevant la vie, la possibilité de mesures disciplinaires futures n’a aucun effet dissuasif.
    Comme l’alinéa 98c) prévoit des sanctions pour les actes d’automutilation, il considère qu’il s’agit d’un problème de discipline. Parce que des mesures disciplinaires sont appliquées en cas de mauvaise conduite ou d’échec, elles suscitent la honte et renforcent ainsi la stigmatisation des blessures mentales. Les membres des Forces armées canadiennes ont mérité notre respect et notre soutien, et non le dédain ou les sanctions.
    Nous espérons sincèrement que la mort de Stuart apportera un peu de bonne volonté et que des changements positifs concernant le traitement des victimes de blessures de stress opérationnel feront partie de son héritage.
    Lorsqu’elles sont appliquées aux personnes souffrant de blessures mentales, les dispositions de l’alinéa 98c) sont scandaleuses et vont à l’encontre de la manière dont les patriotes canadiens blessés devraient être traités. Il est inconcevable pour moi, et j’espère pour vous, que les menaces de sanctions au titre du Code de discipline militaire et d’une éventuelle peine d’emprisonnement à vie aident de quelque manière que ce soit à faire face au nombre élevé de suicides dans les forces armées.
    Dans une armée de volontaires ayant des dirigeants professionnels, les sanctions prévues à l’alinéa 98c) de la Loi sur la défense nationale sont devenues inappropriées et peuvent, de manière délétère, porter atteinte au bon ordre et à la discipline. Je suggère respectueusement qu’il n’y a pas d’inconvénient appréciable à la suppression de cet alinéa.
    La bonne administration des forces ne doit pas seulement reposer sur les menaces, mais sur un leadership efficace. Nos soldats blessés ne doivent pas être traités comme des biens militaires jetables, et si l’abrogation de l’alinéa 98c) sauve ne serait-ce qu’une vie, vous aurez eu une incidence profonde.
    Je vous remercie pour vos efforts en vue d’apporter des changements positifs et de veiller aux intérêts de chaque militaire.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Fynes.
    Je vais demander à Mme Carlé de bien vouloir prononcer ses remarques liminaires.
    Je suis touchée par votre témoignage, et c’est le genre de récit que nous entendons, alors merci beaucoup de nous en avoir fait part. Il est émouvant, et il illustre vraiment notre réponse aux blessures opérationnelles et aussi le préjudice moral que votre famille a subi. C’est un sujet que nous traitons assez fréquemment dans notre Programme des services aux familles des militaires.

  (1125)  

[Français]

    Madame la présidente, j'invoque le Règlement.
    Je pense qu'il y a un problème relativement à l'interprétation. L'interprète dit que la personne ne parle pas dans le micro.

[Traduction]

    Madame Carlé, pourriez-vous tenir le micro aussi près que possible? Je vous remercie. Nous allons réessayer.
    C’est mieux?
    Oui, et si vous parlez lentement et un peu plus fort que la normale, cela aidera sûrement les interprètes.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Bonjour. Je vous remercie de m’avoir invitée aujourd’hui. Je me trouve dans la belle ville de Victoria, en Colombie-Britannique.
    Je suis la directrice exécutive du Centre des ressources pour familles militaires d’Esquimalt, et je travaille depuis 23 ans au sein des programmes de services aux familles de militaires.
    Je vais vous donner un aperçu des centres de ressources pour les familles de militaires.
    Bien des gens ne se rendent pas compte que nous sommes des organisations à but non lucratif. Il en existe 32 au Canada, et nous sommes tous des spécialistes et des experts en matière de mode de vie des familles de militaires. Nous recevons un certain financement de l’organisation chargée du moral et du bien-être des Forces canadiennes, et nous recevons également un financement de la base locale pour ce que nous appelons les services locaux particuliers. Si je le mentionne, c’est parce que je vous parlerai un peu plus tard de certains de nos services de santé mentale qui sont soutenus par la base des Forces canadiennes d’Esquimalt.
    En tant qu’organisations à but non lucratif, nous avons la possibilité de recueillir des fonds, de demander des subventions et de faire payer des frais d’utilisation pour des choses telles que les garderies afin de répondre à nos besoins budgétaires.
    Le mode de vie des familles de militaires est unique et entraîne des déménagements géographiques fréquents et imprévisibles. Il suppose la résilience sur le plan personnel des militaires qui partent pour de longues missions et déploiements et leur exposition aux risques. Comme nous l’apprenons également ce matin, il s’agit des familles qui doivent faire face aux blessures de stress opérationnel.
    Dans ce contexte et en ce qui concerne nos services de santé mentale aux familles, nous offrons une gamme de programmes et de services. Je vais les passer brièvement en revue pour vous.
    Nous offrons des services de counselling pour lesquels nous sommes passés en mode virtuel pendant la pandémie. Cependant, je suis sûre que vous pouvez comprendre que dans les cas de violence interpersonnelle à la maison, nous avons donné la possibilité aux gens de pouvoir rencontrer nos thérapeutes en personne, en suivant tous les protocoles appropriés relatifs à la COVID. C’est très important, car dans certains foyers, il est impossible pour un membre de la famille de recevoir un soutien psychologique lorsque le militaire ou un autre membre de la famille est présent. Cette option s’est également avérée bénéfique pour les jeunes que nous soutenons, qui sont souvent plus à l’aise d’aller prendre un café ou de faire une promenade. Encore une fois, la pandémie a compliqué quelque peu les choses, mais nous avons réussi à créer des protocoles appropriés pour pouvoir travailler avec ces personnes.
    Une partie du travail que nous faisons est également préventive. Il s’agit d’animer des groupes et des ateliers sur des sujets tels que l’éducation des enfants, le maintien du bien-être et les questions relationnelles.
    Nous sommes sur le point de nous lancer dans des ateliers de retour et de retrouvailles. Nous avons un navire qui revient après six mois d’absence, avec 220 membres à bord. Nous allons travailler avec leurs familles pour les aider à réintégrer le militaire dans leur foyer et pour parler de choses telles que les blessures de stress opérationnel et comment ils peuvent soutenir leurs familles à leur retour chez eux et dans leurs communautés.
    Nous avons également la chance de pouvoir offrir des services spécialisés; j’ai d’ailleurs mentionné plus tôt que nous recevions du financement de notre commandant de base. Il s’agit de services tels que des jeux thérapeutiques pour les enfants et les jeunes, ainsi que des services d’orientation. Je suis sûre que vous pouvez imaginer ce que ressentent les familles qui ont un enfant inscrit sur une liste d’attente pour des besoins exceptionnels lorsqu’elles arrivent enfin en haut de la liste et apprennent qu’elles doivent déménager. Nous travaillons à l’harmonisation de ces listes d’attente entre les provinces. Notre personnel aide également les personnes à s’orienter dans les services locaux afin qu’elles puissent s’intégrer rapidement et obtenir l’aide dont elles ont besoin pour elles-mêmes et leur famille.
    Nous avons créé un partenariat solide avec les services de santé mentale de la base, et c’est très important, car les familles sont complexes. Quand nous les voyons, nous ne voyons pas seulement les membres de la famille, mais aussi le militaire, et nous fournissons un service complet. Il est très important pour nous, avec les accords de confidentialité appropriés en place, d’entretenir une relation de travail étroite avec les services de santé mentale de la base ainsi qu’avec des partenaires dans la communauté, afin de pouvoir orienter de manière significative les familles qui connaissent des problèmes qui dépassent un peu notre champ d’action.

  (1130)  

     Les Forces armées canadiennes disposent de ce qu'on appelle un centre de transition, qui accueille des membres malades ou blessés. Nous avons un conseiller qui travaille sur place. L'objectif est de soutenir les familles quand un membre a subi une blessure, y compris une blessure opérationnelle. Il s'agit parfois d'une maladie.
    Dans ce centre, le personnel travaille avec les militaires. Nous travaillons avec les familles dans le but que le militaire puisse quitter les Forces armées canadiennes en raison de sa maladie ou de sa blessure, ou qu'il puisse recevoir des soins spécialisés afin de reprendre son service. Nous travaillons en très étroite collaboration dans ce centre avec les militaires, ainsi qu'avec les familles, pour créer ce que nous espérons être une transition saine.
     Le coordinateur du programme pour les familles des vétérans prend ensuite le relais auprès du membre. Il travaille avec les familles pour les aider à faire cette transition très difficile, surtout lorsqu'il s'agit d'une transition qui n'était pas prévue mais due à la maladie ou la blessure du militaire.
     Je voudrais vous parler quelques minutes de certaines préoccupations qu'ont les familles lorsqu'il s'agit d'avoir accès aux soins de santé mentale pour le membre.
    Un des problèmes que nous avons certes connu à la base Esquimalt, et je pense que c'est le cas dans de nombreuses bases au pays, c'est qu'il n'y a pas de soins de santé mentale offerts après les heures normales de travail. Pendant la journée, si un militaire a un problème de santé, y compris de santé mentale, il se rend à la clinique, même si cela présente certains obstacles. Ce qui nous inquiète beaucoup, c'est lorsque le bureau est fermé, après les heures normales de travail. Dans ce cas, ce sont des organismes comme le nôtre, l'équipe d'aumôniers et la police militaire, qui deviennent les ressources vers qui ils doivent se tourner. Après le retour du membre à la maison, il semble presque inévitable que lui ou un membre de sa famille tente d'obtenir de l'aide ou du soutien le soir ou la fin de semaine.
     Comme je l'ai mentionné, je travaille au sein de ce programme depuis environ 23 ans. Auparavant, un professionnel de la santé mentale à la base était sur appel et prêt à intervenir en cas d'urgence après les heures de travail. Nous avons, à Ottawa, et cela fait partie des services offerts aux familles des militaires, une ligne d'information où elles peuvent recevoir, entre autres, des conseils virtuels. Le hic, c'est qu'on connaît mal les communautés locales et qu'on ne sait pas comment aider quelqu'un au téléphone lorsqu'une crise est en cours.
     Je dois féliciter nos équipes d'aumôniers, qui sont ceux qui prennent ces appels en dehors des heures de travail. J'espère que le Comité aura l'occasion à un moment donné de parler avec un membre de ces équipes pour mieux comprendre les pressions uniques auxquelles ils font face lorsqu'ils prennent soin des familles et des militaires.
     L'autre problème que nous avons eu par le passé, c'est le fait que les membres de la police militaire ne peuvent pas, en Colombie-Britannique, transporter quelqu'un aux termes de la Loi sur la santé mentale. Ils sont considérés comme n'ayant pas les qualifications requises pour le faire, contrairement à la police municipale ou de la ville. Nous avons constaté, par exemple, que si un membre se présente avec des idées suicidaires, la police militaire a des pouvoirs limités pour négocier avec lui, le faire monter dans son véhicule et l'amener à l'endroit où il pourra recevoir des soins appropriés, que ce soit à l'hôpital de la base ou à notre hôpital local dans l'unité psychiatrique.
    C'est une négociation difficile pour quelqu'un qui se trouve déjà dans une situation intenable. Souvent, nous devons nous en remettre à la police municipale ou à l'ambulance, ce qui, bien sûr, ajoute au traumatisme. Nous voulons offrir des soins en tenant compte du traumatisme, et cela nuit à notre objectif.
     Nous recevons souvent l'aide de l'équipe d'aumôniers et de la chaîne de commandement dans ces cas, mais je pense que cela rejoint le témoignage que nous venons d'entendre, soit que l'expérience peut s'avérer très bureaucratique et traumatisante pour un militaire qui souffre de problèmes de santé mentale.

  (1135)  

    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, madame Carlé. Je comprends bien.
    Nous allons nous arrêter une minute. Les techniciens vont tenter de redémarrer le système d'interprétation ici pour le faire fonctionner. Nous allons leur laisser cinq ou dix secondes, puis nous allons céder la parole à M. Benzen pour entamer la série de questions.
    Madame Fynes, votre déclaration liminaire était remarquable. Je vous en remercie. Elle était touchante, et je vous remercie d'avoir défendu la cause de votre fils et de tous les militaires.
    J'aimerais en savoir plus sur les démarches que vous avez faites pour obtenir l'information au sujet de ce qui était arrivé à votre fils. En tant que père, je sais que je voudrais tout savoir et connaître tous les détails sur ce qui est arrivé, et le savoir le plus tôt possible. Je suis convaincu qu'il en va de même pour tous les parents et toutes les familles. Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont l'information...? L'avez-vous obtenu facilement? Est-ce que cela a été difficile? Avez-vous reçu toute l'information à ce jour? Que changeriez-vous pour obtenir toute cette information dont vous avez besoin?
    Les démarches ont été très difficiles et très longues. Nous avons tout d'abord appris la nouvelle de la mort de notre fils par téléphone. En fait, on avait laissé un message sur notre boîte vocale. Nous avons rappelé à la base, et on nous a dit que Stuart était décédé. Plus tard en soirée, un aumônier et un officier sont venus à la maison pour nous parler.
    Notre première réaction a été de leur dire qu'on leur avait dit que cela allait arriver. Nous savions que Stuart avait des problèmes. Nous savions qu'il avait besoin d'aide. Nous savions qu'il n'obtenait pas l'aide nécessaire. Nous savions que lorsqu'il a quitté l'hôpital, la base n'avait pas de plan pour lui. Nous avons appris qu'il vivait dans son auto, dans le stationnement de la base. Il s'est finalement retrouvé à la permanence et a été de nouveau hospitalisé. Beaucoup d'événements se sont succédé. Quand on nous a appris la nouvelle, les premiers mots qui me sont sortis de la bouche étaient: « Je leur avais dit que cela arriverait ».
    Nous avons posé des questions parce que nous voulions savoir comment cela avait pu se produire quand tout le monde connaissait sa détresse. Plus nous posions de questions, plus l'armée se fermait. Pour être honnête, je pense qu'ils étaient conscients d'avoir commis des erreurs. Un soldat était mort et cela n'aurait pas dû arriver. Plus l'armée se fermait, plus nous posions de questions.
    Les funérailles ont été très pénibles. Il nous a fallu attendre 15 mois pour obtenir sa note de suicide. Nous leur avions demandé s'il en avait laissé une, et ils avaient dit non. Ils ont désigné quelqu'un d'autre comme son plus proche parent, et quand nous avons examiné les dossiers, il s'est avéré que cette personne n'était pas du tout son plus proche parent. Des faits n'en finissaient plus de venir s'ajouter. C'est une situation qui nous choquait, bien sûr, et cela nous a aidés d'une certaine façon à moins penser à notre peine, parce qu'à ce moment, nous nous demandions: « Mais qu'est-ce qui se passe ici? »
    Nous avons fini par obtenir une commission d'enquête qui n'a pas vraiment apporté de réponses à nos questions et qui visait manifestement à protéger l'armée. À partir de là, finalement, comme certains d'entre vous le savent, cela a abouti à une enquête de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire qui a duré un certain temps et a coûté une petite fortune à l'armée. Nous avons commencé à parler beaucoup publiquement.
    Nous ne pouvons rien faire pour ramener Stuart. Nous en sommes conscients, mais nous avons appris à connaître beaucoup de membres en service, ainsi que des membres libérés qui étaient vraiment à risque et traversaient une situation semblable. On recevait des appels. Nous sommes alors devenus cette famille informelle qu'on pouvait appeler. Nous recevons encore des appels de soldats, parfois au milieu de la nuit. Parfois, ils ont pris un verre ou deux. Nous allons toujours prendre le temps de les écouter, car notre travail est de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'autre cas comme celui de Stuart.
    Nous avons aussi un deuxième objectif. Les militaires sont très brillants. Quand on voit que quelqu'un en arrache, ils commencent à avoir honte et sont marginalisés, et tout ce qui s'ensuit. Ils ne sont pas stupides. Ils savent que s'ils appellent à l'aide, les choses vont se gâter pour eux. Au final, ils seront libérés et ils perdront tout ce qui est important pour eux dans la vie.
    Notre objectif est de faire en sorte que pour chacun de ces soldats... Ils ne sont pas morts au combat. S'ils meurent dans un écrasement d'avion entre Dubai et ici, on inscrit leur nom sur un mur. S'ils reviennent à la maison, sont en congé de maladie et meurent, pour une raison ou une autre, leur nom est inscrit sur un mur. Leur service est reconnu. C'est très important pour la famille, et je pense que cela enverrait un très bon message aux autres militaires en service et à leurs familles que leur service a été important aussi.
    Désolée. Ma réponse était très longue.

  (1140)  

    Non, c'était une excellente réponse.
    En effet.
    Merci, monsieur Benzen, mais malheureusement, nous devons passer à M. Bagnell. Allez-y, s'il vous plaît.
    C'était une excellente réponse.
    Merci beaucoup, madame Fynes. Comme la présidente l'a mentionné, il faut beaucoup de courage pour faire ce que vous faites, et nous ne pouvons certes pas comprendre les effets que cela a eus pour vous et votre famille. Nous vous sommes très reconnaissants de défendre la cause de ceux qui se trouvent encore dans l'armée. Il n'y a aucune façon pour nous de prendre des décisions éclairées sans entendre des témoignages comme le vôtre.
    Nous voulons vraiment nous assurer que ceux qui ont perdu le soutien d'un proche obtiennent le soutien dont ils ont besoin et que, comme vous l'avez mentionné, une telle situation ne se reproduise plus jamais.
    En plus de tous les renseignements importants que vous nous avez fournis jusqu'à maintenant dans votre déclaration liminaire et votre réponse à la première question, que pensez-vous que le gouvernement, le ministère de la Défense ou l'armée aurait pu faire différemment avant la mort de votre fils, et aurait aussi pu faire différemment pour vous après la mort de votre fils, en plus de tous les très bons points que vous avez déjà soulevés?

  (1145)  

    J'aurais vraiment souhaité qu'on se rende compte, dès le départ, que Stuart avait un problème de santé mentale — je déteste ces mots, mais il avait besoin d'aide — et non de discipline.
    Ce qui s'est passé lorsqu'il était à la permanence m'a vraiment marqué. Il y avait un groupe de cadets à la base. Il a demandé s'il pouvait aller donner un coup de main. On parle ici d'un soldat qui a servi à l'étranger. Il a représenté le Canada et les États-Unis, car c'était un très bon tireur sur les chars de combat. Il les a représentés. Il avait beaucoup de réalisations à son actif, mais tout à coup, il n'était plus assez bon pour aller donner un coup de main avec les cadets. Cela lui a vraiment fait mal. Il s'est suicidé le jour même. Il voulait aussi assister aux funérailles d'un autre soldat, mais on ne le lui a pas permis.
    Leur position par défaut était la suivante: « Nous avons ce gars, il vit derrière la permanence, et nous allons nous en débarrasser ». Je pense qu'on aurait pu le sauver. Tout ce qu'il souhaitait, c'était de redevenir un bon soldat.
    L'alinéa 98c) de la loi est peu connu. Lorsque je l'ai lu, j'étais complètement sidéré. Quoi? Un soldat est malade et vous le menacez d'emprisonnement à vie? Je ne sais vraiment pas comment on sauve quiconque ainsi, et le message qu'on envoie à tous les autres est terrible. Lorsque d'autres soldats voient un camarade en arracher, ils ont vraiment peur de le dire. Il y a encore des préjugés rattachés à tout cela. Je pense que le message des professionnels de la santé mentale est d'abord et avant tout: « Venez. C'est bien. Nous allons vous aider », et non pas « Venez, et en passant, nous devons commencer à remplir les papiers pour autre chose ».
    Merci beaucoup.
    Je sais que cela doit être difficile pour vous, et nous vous en sommes très reconnaissants. L'information nous est très utile.
    Madame Carlé, je sais que vous n'avez pas eu le temps de terminer votre déclaration liminaire, alors je vais vous donner le temps de le faire avant de poser mes questions.
    Non, c'est bien.

[Français]

    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    Par respect pour Mme Fynes, je ne voulais pas lui couper la parole pendant qu'elle parlait de son fils, mais depuis que M. Bagnell a commencé à parler, il n'y a plus d'interprétation.
    Est-ce qu'on peut régler le problème?

[Traduction]

    Oui, allez-y, s'il vous plaît.
    Nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes. Les techniciens essaient de réparer le programme à l'arrière-plan. Cela ne fonctionne pas.

[Français]

    On dirait que cela fonctionne maintenant.

[Traduction]

    Ils sont en train de reconfigurer une autre salle, qui se trouve directement au-dessus de la nôtre. Ceux d'entre nous qui se trouvent sur place vont monter un étage et se rendre à la salle 415.
    Je demanderais à nos témoins et aux autres membres du Comité de rester en ligne. Si vous perdez la connexion pour une raison ou une autre, rebranchez-vous tout simplement. Nous allons reprendre dans cinq minutes dans la nouvelle salle.
    Y a-t-il des questions? Non.

  (1145)  


  (1210)  

    Merci à tous. Nous allons reprendre.
    Monsieur Bagnell, je pense que vous avez terminé. Votre temps était presque écoulé.
    Nous avons modifié l'ordre de rotation pour supprimer la cinquième série de questions. Les deux dernières périodes de cinq minutes des conservateurs et des libéraux vont être supprimées pour la présente séance, et nous aurons M. Brunelle-Duceppe et M. Garrison pendant six minutes pour terminer la première série avec ce groupe de témoins. Nous allons ensuite prendre une petite pause pour accueillir le nouveau groupe de témoins et reprendre les questions, soit les séries deux à quatre.
    Monsieur Brunelle-Duceppe, si vous êtes prêt, vous avez la parole.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    Je veux remercier les témoins de leur participation. Le témoignage de Mme Fynes m'a touché directement. Je remercie également Mme Carlé, qui est avec nous aujourd'hui.
    Madame Fynes, ma question sera assez simple. C'est important pour nous, en tant que parlementaires, de connaître la réponse, si vous êtes en mesure de nous la donner.
    Selon vous, quels ont été les plus grands obstacles auxquels vous et votre famille avez dû faire face quant à la recherche de services en santé mentale auprès des Forces armées canadiennes?

[Traduction]

    Stuart a été hospitalisé à maintes reprises et a fait de multiples tentatives de suicide. Il a fait un court séjour au centre Edgewood à Nanaimo, mais ce n'était pas sa place. Un obstacle de taille pour lui était d'être envoyé à un endroit où des militaires parlent à d'autres militaires et ont une idée de ce qui se passe. C'est pourquoi il voulait qu'on l'envoie à Homewood, mais ils ont refusé de le faire.
    Au sein de la famille, quand nous nous sommes rendu compte que Stuart avait des problèmes et que les choses n'allaient pas très bien pour lui, j'ai rencontré l'aumônier à la base et parlé avec des médecins aux hôpitaux civils. Dans les hôpitaux, on me disait que c'était un grand garçon et de le laisser se prendre en main. À la base, on me disait que c'était un grand garçon et de le laisser se prendre en main, qu'il allait faire ce qu'il avait à faire. Étant sa mère, ces réponses ne me satisfaisaient pas. J'ai vraiment insisté et après la mort de Stuart, on a serré les rangs parce qu'ils savaient sans doute que certaines erreurs avaient eu, comme je l'ai dit, des conséquences désastreuses.
    Voici une chose que je souhaite que tous entendent aujourd'hui. Les problèmes de santé mentale de nos soldats sont des accidents de travail et non pas des faiblesses. Les soldats ne sont pas génétiquement prédisposés à se suicider; ils ne veulent pas mourir. Je n'en ai rencontré encore aucun qui souhaite mourir. Ils veulent recommencer à faire ce qu'ils savent faire de mieux. Nous avons donc tous le devoir, chacun dans notre rôle, de faire en sorte que cela se produise.

  (1215)  

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, madame Fynes.
    Je n'ai pas beaucoup de temps, madame Carlé, mais avez-vous senti qu'il y avait une différence en matière de services offerts en santé mentale liés à la pandémie, que ce soit au sein des Forces armées canadiennes ou d'Anciens Combattants Canada?
    Avez-vous constaté des changements, qu'ils soient négatifs ou positifs?

[Traduction]

    Oui, merci beaucoup.
    Les difficultés que nous avons connues pendant la pandémie dans l'accès aux services de soutien en santé mentale étaient liées à la souplesse avec laquelle les organismes ont pu faire la transition vers la prestation des services sur une plateforme virtuelle.
    À notre point de vue, nous avons réussi à le faire très rapidement, parce que nous sommes une organisation indépendante. Nous avons constaté toutefois que les Forces armées canadiennes ont beaucoup de restrictions pour se connecter à une plateforme virtuelle. Au début de la pandémie, il était extrêmement difficile pour les membres d'avoir accès aux services d'aide en santé mentale. Je dirais que la situation s'est améliorée depuis le début de la pandémie.
    L'une des tendances importantes que nous avons observées, et continuons d'observer, c'est une augmentation de la violence interpersonnelle à la maison en raison de l'isolement, du stress et de la pression, sans doute financière, mais assurément émotionnelle et psychologique, qui sont venus s'ajouter pendant la pandémie.
    Les Forces armées canadiennes ont répondu en augmentant les ressources pour contrer cette violence. Notre charge de cas est devenue très lourde.
    C'est un problème constant, mais qui a assurément empiré pendant la pandémie.

[Français]

    Je remercie infiniment les deux témoins. Nous vous sommes très reconnaissants de votre présence.
    Je crois que mon temps de parole est écoulé.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Brunelle-Duceppe.

[Traduction]

    Nous passons à M. Garrison. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à Mme Fynes. Je trouve étrange de vous appeler ainsi après avoir travaillé avec vous pendant toutes ces années, puis avoir eu le privilège dans toute cette tragédie d'apprendre à vous connaître, vous ainsi que votre mari, Shaun, et votre deuxième fils, et de constater l'incroyable courage dont vous continuez de faire preuve.
    Récemment, j'ai eu des nouvelles d'autres familles qui ne se sentent pas la force de prendre la parole et de faire ce que vous faites. Je sais qu'elles sont toutes reconnaissantes de votre présence aujourd'hui.
    Je dispose de peu de temps, donc j'aimerais revenir à la question du retrait de l'automutilation du Code de discipline militaire. Nous avons insisté sur le fait que c'est symbolique. J'aimerais simplement vous entendre un peu plus sur l'utilité de retirer cet alinéa. La majorité de nos alliés de l'OTAN n'ont rien de tel dans leur code de discipline militaire, donc je vois mal pourquoi nous le gardons.
    Madame Fynes, pouvez-vous nous dire, selon vous, ce qui se produirait si nous le retirions?
    D'abord, je ne vois aucun désavantage à le retirer, mais il y a sans contredit un avantage à le faire.
    Un bon soldat, un soldat bien entraîné, apprend très vite les règles et ce qu'on attend de lui. Même si elle n'est pas appliquée, cette règle a tout de même un effet. Les soldats sentent le danger, n'est-ce pas? Il y a toujours ce petit doute qui plane en filigrane.
    Je crois que, quand ils ne se sentent pas bien, ils ne devraient pas en plus se demander: « Oh! mon Dieu, est-ce qu'ils me feraient vraiment cela? Est-ce qu'ils m'emprisonneraient? » Selon moi, la Loi sur la défense nationale est assez concise. J'estime que tout soldat est bien formé et discipliné, et je vous dirais humblement que, s'il y a quoi que ce soit qui puisse améliorer les choses, alors quel est le désavantage? Débarrassez-vous-en.
    Comme je l'ai déjà dit, personnellement, je n'arrivais pas à le croire quand je l'ai appris. Je suis persuadée que Stuart était au courant, donc oui, si cet alinéa était retiré, ce serait vraiment une très bonne chose.

  (1220)  

    Merci beaucoup.
    Je souhaite maintenant m'adresser à Mme Carlé.
    D'abord, j'espère que vous obtiendrez des excuses pour toute la valse-hésitation entourant votre présence ici comme témoin. Le ministre de la Défense m'a confirmé directement hier soir que personne n'avait eu l'intention de vous empêcher de témoigner aujourd'hui, donc j'espère que vous recevrez des excuses.
    Je sais que le Centre des ressources pour familles militaires joue un rôle important, mais que ce rôle n'est pas toujours reconnu. C'est pour cette raison que je trouve importante votre présence parmi nous aujourd'hui.
    En moyenne, un membre des Forces armées canadiennes par mois s'enlève la vie, et les chiffres indiquent qu'ils sont 10 fois plus nombreux à faire des tentatives de suicide. Je me demande donc, à la lumière de ces statistiques, si vous pouvez nous expliquer un peu l'incidence de cette réalité sur vos activités en tant que centre des ressources pour familles militaires.
    Oui, bien sûr. Merci. Je suis ravie d'être ici.
    Le témoignage d'aujourd'hui nous montre toute l'importance d'entendre les familles, mais aussi le besoin pressant d'amorcer un changement de culture de sorte que les familles puissent s'exprimer quand de telles choses se produisent.
    Il y a deux semaines à peine, un militaire s'est enlevé la vie à la Base des Forces canadiennes Esquimalt. Au centre, toute l'équipe est là pour soutenir cette famille et, dans de telles circonstances, nous constatons souvent que cela prend la forme d'un rôle de sensibilisation. Par exemple, ce militaire faisait partie d'une très petite unité et ses compagnons ont été dévastés par cette perte en plus d'avoir l'impression que, quelque part, ils étaient passés à côté de quelque chose. Ce matin, un témoin, en apprenant la nouvelle, a déclaré: « Oui, je m'y attendais. » Nous entendons cela très souvent dans les cas de suicide et de tentative de suicide, et les membres de la famille travaillent très dur pour veiller à ce que ce membre des forces armées reçoive les soins dont il a besoin.
    En tant que centre des ressources pour familles militaires, notre participation se résume littéralement à l'accompagnement de cette famille; nous l'aidons à se frayer un chemin afin qu'elle puisse se faire entendre et à ce que les forces armées tiennent davantage compte des traumatismes. Ce que je constate chez nos militaires, c'est qu'ils ont énormément de mal à gérer ce type de perte et, donc, notre travail ainsi que celui de l'équipe en santé mentale de la base est de soutenir les collègues des personnes décédées. Je suis persuadée que les collègues de Stuart auraient aimé obtenir du soutien, car il y a un profond sentiment qui subsiste.
    L'approche en matière de sécurité opérationnelle est probablement très agressive et, parfois, les renseignements ne sont pas fournis aussi ouvertement qu'ils le devraient, donc, ici, il est vraiment question d'un changement de culture.
    Je sais que nous avons très peu de temps. À votre connaissance, est-ce que des membres actifs ont rencontré des obstacles ou subi des retards dans l'obtention de l'aide en santé mentale dont ils ont besoin? Est-ce que cela affecte la famille?
    Oui, nous le constatons, et dans le cas du suicide survenu récemment, ce membre essayait d'obtenir les bons soins depuis deux ans. Comme les témoins l'ont dit ce matin, souvent, l'aiguillage n'est pas pertinent compte tenu de la destination des membres. Je crois que cela est dû à un système surmené et submergé, mais je rappelle aussi la préoccupation que j'ai citée précédemment, à savoir l'absence de services en santé mentale après les heures et la fin de semaine, des périodes où, souvent, une crise se manifeste.
    D'accord…
    Je sais que mon temps est écoulé. Je veux simplement vous remercier une fois de plus toutes les deux pour votre important témoignage aujourd'hui.

  (1225)  

    Merci. Je suis heureuse de vous voir.
    J'aimerais en fait réitérer nos remerciements à toutes les deux, ainsi que notre reconnaissance de votre travail auprès des militaires et de leur famille. Votre témoignage était crucial à cette étude, et je vous en remercie.
    Ceci conclut les questions à notre premier groupe de témoins. Nous allons prendre une pause d'une minute, puis accueillir le deuxième groupe de témoins.

  (1225)  


  (1225)  

    Bon, merci, tout le monde. Reprenons. J'aimerais accueillir nos deux témoins du second groupe.
    Nous recevons Elizabeth Rolland-Harris, épidémiologiste en chef et désormais directrice de Protection de la santé des Forces, à l'Agence de la santé publique du Canada. Elle est l'autrice du Rapport de 2019 sur la mortalité par suicide dans les Forces armées canadiennes ainsi que d'un article intitulé « More than Just Counting Deaths: The Evolution of Suicide Surveillance in the Canadian Armed Forces ».
    Elle sera suivie du Dr Jitender Sareen, directeur du département de psychiatrie de l'Université du Manitoba et président du comité d'experts sur la prévention du suicide de 2016.
    Sur ce, j'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme Elizabeth Rolland-Harris et la prier de faire sa déclaration préliminaire.
     Comme on vient de vous le dire, je m’appelle Elizabeth Rolland-Harris. Je suis épidémiologiste de formation. Je détiens une maîtrise ès sciences spécialisée en épidémiologie de l’Université de Toronto ainsi qu’un doctorat en épidémiologie des maladies infectieuses de l’École d’hygiène et de médecine tropicale de Londres, au Royaume-Uni.
    De juin 2006 à septembre 2019, j’ai occupé le poste d’épidémiologiste en chef de la Direction de la protection de la santé des Forces au sein du ministère de la Défense nationale et, au cours de mon mandat, j’étais responsable du dossier de la surveillance épidémiologique des suicides au sein des forces armées, de même que chargée de projet et cochercheuse principale de l’Étude du cancer et de la mortalité chez les membres des Forces canadiennes 2. Cette étude a été menée en collaboration avec Anciens Combattants Canada et Statistique Canada, et visait à décrire les types et le nombre de décès chez les militaires actifs et libérés. Ces décès comprenaient les suicides.

[Français]

    En septembre 2019, j'ai quitté le ministère de la Défense nationale et j'ai accepté un nouveau rôle au sein de l'Agence de la santé publique du Canada. Je veux préciser que ma comparution aujourd'hui s'appuiera uniquement sur mes fonctions et mes connaissances liées à mon ancien poste au sein du ministère de la Défense nationale.
    Je ne suis pas ici aujourd'hui comme représentante ni employée de l'Agence de la santé publique du Canada, car le sujet d'étude dont nous parlons n'est aucunement lié à l'exercice de mes fonctions actuelles au sein de l'Agence.
    Je vous remercie de votre invitation à comparaître devant le Comité.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Dr Jitender Sareen, allez-y, je vous en prie.
    C’est un véritable privilège et un plaisir d’être ici aujourd’hui. Les témoignages précédents étaient vraiment poignants. Merci à tous les témoins.
    J’aimerais aussi préciser que je suis psychiatre à l’Université du Manitoba, directeur de département, et que je travaille à la clinique pour traumatismes liés au stress opérationnel d’Anciens Combattants Canada, à Winnipeg, à titre de psychiatre consultant depuis 2009.
    L’étude que je présente aujourd’hui a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada ou IRSC, de même que par l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans ou ICRSMV et l’organisation La Patrie gravée sur le cœur.
    Mon exposé portera principalement sur le Rapport du Comité d’experts sur la santé mentale de 2016: Prévention du suicide dans les Forces armées canadiennes. J’ai coprésidé ce comité avec le Dr Rakesh Jetly. Il était composé de différents experts nationaux ou internationaux en matière de suicide, de décideurs du ministère de la Défense nationale et de représentants d’Anciens Combattants Canada.
    La principale constatation du Comité sur la santé mentale de 2016, qui s’est réuni pendant deux jours et demi, était la suivante: il y a en moyenne 11 décès par suicide chaque année au sein des Forces armées canadiennes.
    L’enquête nationale des Forces canadiennes de 2013 menée par Statistique Canada a permis de constater une prévalence des idées suicidaires et des tentatives de suicide chez le personnel militaire de 4,3 % et de 0,4 % respectivement au cours de l’année précédente.
    Le Comité reconnaît que le suicide est un comportement extrêmement difficile à prévoir chez une personne. Même si le but est qu’aucune personne ne s’enlève la vie, le Comité convient qu’il est impossible de prévenir tous les suicides.
    En ce qui a trait aux facteurs de risque des comportements suicidaires chez le personnel militaire et les anciens combattants, nous avons consulté toute la littérature internationale ainsi que celle du Canada, et parmi les facteurs de risque bien connus, il y a entre autres le sexe masculin, les difficultés relationnelles et le célibat. La dépression, le trouble de stress post-traumatique et les troubles dus à la consommation de substances comme l’alcool peuvent souvent s’avérer concomitants et accroître les risques de comportements suicidaires.
    Dernièrement, on s’entend pour dire que le traumatisme crânien et la douleur chronique de même que la résurgence de troubles de santé physique peuvent aussi accroître les risques de comportements suicidaires. Nous savons en outre que les expériences néfastes durant l’enfance sont étroitement liées aux comportements suicidaires, pas seulement chez le personnel militaire, mais aussi au sein de la population civile.
    Nos travaux ainsi que d’autres réalisés à l’étranger montrent que l’exposition à des événements traumatisants pendant le déploiement présente un lien avec les comportements suicidaires. Le fait d’être témoin d’atrocités, d’être exposé au combat ou de voir un compagnon mourir au combat peut accroître les risques, mais le déploiement en tant que tel n’est pas un facteur de risque du suicide. On estime que les épisodes d’automutilation et la transition vers la vie civile sont des périodes de vulnérabilité très importantes.
    Un autre aspect important abordé par les témoins qui m’ont précédé est celui de la crise, quand les personnes sont admises à l’hôpital ou aux urgences. Ces personnes peuvent être très vulnérables pendant la période qui précède la crise et celle qui la suit.
    Le rapport déposé contient 11 recommandations précises à l’intention des Forces armées canadiennes.
    La première recommandation porte sur la création d’un nouveau poste, soit celui de coordonnateur de l’amélioration de la qualité de la prévention du suicide. Cette recommandation est fondée sur le principe reconnu que la prévention du suicide exige un effort coordonné entre le système de santé et le système des services sociaux. Elle s’inspire également de postes semblables créés au sein du département des Anciens combattants américain.
    On constate une plus grande sensibilisation et un meilleur accès aux services de santé mentale, mais comme l’ont dit les témoins précédents, l’obtention de soins demeure une source de stigmatisation.

  (1230)  

    Le coordonnateur de la prévention du suicide veillerait à mettre sur pied un comité consultatif des patients et des familles, à examiner les caractéristiques des cas de suicide chez les militaires, à déterminer les besoins du personnel en matière de formation aux interventions liées au suicide, interventions dont je parlerai plus loin puisque j’ai récemment participé à certaines d’entre elles, et à cerner les besoins de sensibilisation au sein des soins primaires et spécialisés, ainsi qu’à faire ressortir les lacunes à améliorer.
    La deuxième recommandation porte sur une analyse systématique de tous les suicides de membres des Forces armées canadiennes depuis 2010. Chaque fois qu’il y a un décès par suicide, on procède à un examen technique par des professionnels de la santé, mais il serait très très important de se pencher sur tous les décès consécutivement afin de répondre à des questions précises telles que: où le suicide a-t-il eu lieu? Quels étaient les derniers mandats et les facteurs de stress psychosociaux chez les personnes décédées? Quels types de problèmes de santé physique étaient prévalents chez les personnes décédées? Dans quelle proportion les personnes ont-elles reçu des traitements de prévention du suicide fondés sur des données probantes? Dans le cas des personnes s’étant suicidées par balle, quelles mesures avaient été prises avant leur décès pour restreindre l’accès aux armes à feu?
    Ce type d’analyse pourrait nous aider à établir nos politiques de sorte à cibler la prévention du suicide d’après un modèle fondé sur des données probantes.
    Comme je l’ai dit plus tôt, il y a une réorientation dans le domaine de la prévention du suicide. Auparavant, l’idée de la prévention du suicide se résumait à traiter le problème sous-jacent, soit une dépression ou la consommation d’alcool ou de substances, mais aujourd’hui le domaine adopte vraiment le point de vue que nous devons à la fois traiter la dépression et la cause sous-jacente en plus de cibler les interventions de sorte à prévenir le suicide.
    L’évaluation du risque de suicide est un exemple. Il existe aux États-Unis un programme appelé Suicide Assessment and Follow-up Engagement: Veteran Emergency Treatment ou SAFE VET qui permet une brève intervention auprès d’un ancien combattant en crise qui se rend aux urgences. Cette intervention est suivie d’une planification de la sécurité qui prévoit la restriction des moyens, l’utilisation des habiletés d’adaptation et l’amélioration du soutien social, ainsi que des services d’approche après ce programme.
    Nous recommandations que les Forces armées canadiennes examinent certains de ces programmes novateurs mis en œuvre aux États-Unis, puisqu’ils pourraient s’avérer utiles.

  (1235)  

    Merci beaucoup, docteur Sareen. Je l’apprécie. Je souhaite toutefois m’assurer qu’il restera un petit peu de temps pour les questions.
    Nous avons reçu une présentation du Dr Sareen. Elle est en cours de traduction. Une fois la traduction terminée, elle vous sera envoyée.
    Sur ce, passons à M. Dowdall pour les questions. Allez-y.
    Merci beaucoup, madame la présidente. Je souhaite également remercier les témoins d’aujourd’hui. Leur témoignage était fascinant et poignant, et je crois que tout le monde cherche des réponses dans cette étude. Je suis on ne peut plus fier de nos forces armées. Chaque fois que nous avons eu besoin d’elles, elles ont répondu à l’appel et c’est maintenant à nous de faire notre devoir en veillant à prendre soin de ses membres aujourd’hui ainsi qu’après leur carrière militaire.
    J’étais très heureux de la publication de la Stratégie conjointe de prévention du suicide en 2017. Selon le ministère de la Défense nationale, 15 membres des Forces se sont enlevé la vie en 2018 et ce nombre est passé à 20 en 2019. J’ai demandé le nombre pour 2020, mais ne l’ai pas encore obtenu.
    Ma question est la suivante: à quel point cette stratégie est-elle efficace et comment évalue-t-on son efficacité?
    Mon rôle au sein du Comité était vraiment de le présider et de formuler des recommandations, donc que je n’ai pas assuré de suivi des changements précis apportés depuis, mais peut-être que Mme Harris aurait quelque chose à dire là-dessus.
    Comme je n'ai pas fait partie de l’organisation depuis plus d’un an, je n’ai qu’un point de vue limité sur la question, et les choses ont peut-être évolué.
    Ce que je peux dire, c’est que bien que le rapport annuel sur le suicide du ministère de la Défense soit très important, je pense que notre façon de mettre en place la gouvernance des militaires et des anciens combattants fait que nous avons tendance à considérer les problèmes séparément. Ainsi, nous examinons le suicide dans l’armée, puis nous nous penchons sur le suicide chez les anciens combattants comme si les deux étaient séparés alors qu’en réalité, c'est un continuum. Il s’agit d’un individu qui passe par différentes étapes de sa vie. C'est la perspective que nous préconisons. Nous ne cherchons pas à établir à qui appartient la responsabilité.
    Je ne peux pas répondre précisément à votre question, mais si nous voulons améliorer la situation de façon plus générale, je pense qu’il faudra changer la façon dont les choses se font, et non pas diviser les membres en deux populations distinctes — ceux qui sont encore en service et ceux qui ont été libérés. En réalité, il s’agit d’une seule et même population dont les membres ont vécu les mêmes problèmes et les mêmes expériences. La seule différence, c'est qu'ils ne sont pas tous au même endroit dans leur parcours de vie.
    Merci.

  (1240)  

    Ce sont de très bonnes observations, et je pense que cela s'applique aussi aux témoins précédents. C’est un problème de tous les instants, et nous devons nous y attaquer. Je sais qu’en travaillant avec les hôpitaux locaux ici, ils ont pensé à différentes façons de mettre en place ce système et de ne pas rester en vase clos.
    Une des choses dont je suis très fier depuis quelque temps — je ne sais pas si vous avez suivi cela —, c'est que mon collègue, le député de Caribou—Prince George, a proposé d'offrir une ligne de prévention du suicide dont le numéro serait facile à retenir: le 988. Nous espérions que ce service puisse être mis en place avant Noël, car c'est une période de l'année qui, comme vous le savez, est particulièrement difficile pour beaucoup de membres de l'armée, ainsi que pour bien des civils.
    J’aimerais que chacun des témoins me dise ce qu’il en pense. Croyez-vous que c'est une bonne idée de rassembler tout cela et de veiller à ce que nous soyons présents pour tout le monde 24 heures sur 24, sept jours sur sept.
    Oui, absolument. Je pense qu’il est extrêmement important d’avoir des lignes d'aide pour prévenir le suicide. Comme les témoins précédents l’ont dit, il faut que ce service soit offert 24 heures sur 24. Les crises sont fréquentes et les familles sont souvent laissées à elles-mêmes lorsqu'il s'agit d'offrir du soutien à l'un des leurs qui est dans cet état. Je pense que l’important, c’est ce qui se passe après cette ligne de crise. Je pense que c’est à ce moment-là que nous voulons vraiment nous assurer que la personne est sur le bon chemin, qu'elle reçoit les bons soins et qu’elle ne se retrouve pas à attendre de l'aide parce qu'elle est sur différentes listes d’attente.
     Cela n’arrive pas seulement pour les militaires, mais aussi pour de nombreuses personnes dans notre système. Je pense que la pandémie nous a vraiment fait basculer dans les soins virtuels, et nous pouvons désormais faire beaucoup plus de choses virtuellement qui permettent d'atténuer la stigmatisation ressentie par ces personnes qui, autrement, seraient forcées d'entrer dans un bâtiment pour un rendez-vous en consultation externe. Nous devons saisir l’occasion de la pandémie pour améliorer l’accès pour nos patients et leurs familles, afin qu'ils puissent recevoir des soins en temps opportun, car il s’agit de problèmes qui peuvent se manifester à toute heure du jour et de la nuit.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Robillard, vous avez la parole.
    M'entendez-vous bien?
    Oui.
    Ma question s'adresse à M. Sareen.
    Un décès par suicide au sein des Forces armées canadiennes est évidemment un décès de trop.
     Pourriez-vous nous parler des failles dans le système d'aide à la santé mentale en place en ce moment au sein des Forces armées canadiennes?

[Traduction]

    Pourrait-il y avoir une traduction? Je ne parle pas français.
    C’est reparti.
    Monsieur Sareen, je présume que vous n’êtes pas sur le bon canal. Si vous allez au bas de votre écran, vous allez voir un globe terrestre avec la mention « Interpretation ». Il vous suffit de cliquer là-dessus et de sélectionner « English ».
    Dans Zoom?
    Oui. C’est sur l’écran principal de Zoom où vous avez les photos de tout le monde. C’est en bas, au milieu. Si vous déplacez votre souris à cet endroit, vous verrez « Participants » et, à droite de cela, « Interpretation ».
    Puis-je reprendre?
    Je l’ai sur l’anglais. Je n’ai pas entendu de traduction.
    D’accord. On va faire un test tout de suite.

[Français]

    Monsieur Robillard, pouvez-vous faire un test de son pour M. Sareen?
    Avez-vous l'interprétation maintenant?

[Traduction]

    Oui. Je peux l’entendre.

[Français]

    Nous pouvons poursuivre.
    Un décès par suicide au sein des Forces armées canadiennes est évidemment un décès de trop.
    Pourriez-vous nous parler des failles dans le système d'aide à la santé mentale en place en ce moment au sein des Forces armées canadiennes?

[Traduction]

    Je pense que les recommandations que nous avons faites en 2017 ont vraiment suscité un intérêt particulier au sujet des interventions relatives au suicide. Beaucoup d’efforts ont été faits pour améliorer l’accès au traitement de la dépression et des troubles de stress post-traumatique, mais il existe aussi des stratégies de prévention du suicide et des thérapies psychologiques particulières. De plus, en période de crise, il y a des choses bien précises qui pourraient être faites.
    Notre recommandation était de revoir et d’examiner les besoins, et de déterminer si nous pourrions avoir plus de formation au sujet de ces stratégies de prévention particulières, ainsi que sur les autres remèdes, les autres mesures de soutien et les autres formes d'aide familiale envisageables. Nous voulions en cela nous assurer que nos membres qui ont fait une tentative de suicide ou qui ont eu des pensées suicidaires reçoivent vraiment cette thérapie et ces médicaments spécifiques.
    C’est un rapport que nous avons produit en 2017. Je ne connais pas vraiment l'ampleur des changements qui ont été faits depuis.

  (1245)  

[Français]

    Quel est le soutien apporté aux familles des membres des Forces armées canadiennes qui meurent par suicide et à ceux qui ont attenté à leur vie?

[Traduction]

    Je pense que c’était une autre recommandation, nommément que nous devrions examiner ces politiques et processus particuliers, mais je ne sais pas exactement ce qui se fait à l'heure actuelle dans l’armée lorsqu’une personne perd une membre de sa famille pour cause de suicide. C’est une question très importante.

[Français]

    Au vu de votre expérience personnelle, quelles mesures maintenant mises en place auraient pu prévenir un décès par suicide au sein des Forces armées canadiennes?

[Traduction]

    Les mesures les plus courantes qui se sont révélées utiles pour réduire le nombre de suicides comprennent la restriction de l’accès aux moyens — notamment les armes à feu ou de grandes quantités de médicaments —, le fait de s'assurer que la dépression et le syndrome de stress post-traumatique seront reconnus et traités au moyen de traitements appropriés, et la participation des membres de la famille et des aides à toutes sortes de mesures de planification de crise qui doivent être prises en présence d'une personne suicidaire.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Brunelle-Duceppe, vous avez la parole.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui pour discuter de cette question si importante à nos yeux.
    Je veux aussi en profiter pour remercier les employés de la Chambre qui font leur possible dans les conditions actuelles. Franchement, je leur tire mon chapeau.
    On n'en fait pas souvent mention, mais, dans le Rapport de 2019 sur la mortalité par suicide dans les Forces armées canadiennes, on n'inclut pas le pourcentage de suicides chez les femmes, parce que le suicide chez les femmes est peu courant. En 2017-2018, je pense qu'il n'y a eu aucun suicide chez les femmes.
    Seriez-vous en mesure de m'expliquer en quoi diffèrent les problèmes de santé mentale que vivent les femmes et ceux que vivent les hommes au sein de Forces armées canadiennes?
    Ma question s'adresse à l'un ou à l'autre des témoins.
    C'est une question de nature plus clinique. Je dirais donc que c'est à mon collègue d'y répondre en premier.
    D'accord.

[Traduction]

    Dans la population en général, les hommes sont beaucoup plus susceptibles de mourir par suicide que les femmes. Nous savons que les hommes consomment davantage d’alcool et souffrent davantage de dépression. Les femmes dans l’armée ont une probabilité plus élevée de souffrir de stress post-traumatique et de troubles anxieux, mais elles seront moins portées à consommer de l’alcool et des drogues. C’est une partie du travail que nous avons fait.
     Je suis désolé. Je n’ai pas de bonne réponse quant à la raison pour laquelle nous avons un taux de suicide aussi bas dans l’armée active. Cependant, lorsque nous regardons du côté des anciens combattants, nous constatons une augmentation des suicides chez les femmes qui deviennent des anciennes combattantes. Comme le dit Mme Roland-Harris, cette période de transition de la vie militaire à la vie d’ancien combattant est un moment extrêmement important.

  (1250)  

[Français]

    En effet, comme le disait mon collègue, surtout pour la question relative aux femmes, c'est vraiment très important d'avoir une image plus globale. Selon les données concernant les anciens combattants, le pourcentage de suicides augmente de manière consternante chez les femmes, surtout dans la tranche d'âge de 40 à 50 ans, si je me rappelle bien. Encore une fois, je n'ai pas regardé ce dossier depuis un petit moment, et je me trompe peut-être pour ce qui est de la tranche d'âge. Toutefois, cela correspondait plus ou moins au moment où les gens font la transition et passent du système militaire au système civil.
    Sur le plan de la vie familiale, c'est aussi le moment où l'on voit une augmentation de mariages ou d'unions qui se terminent. De plus, c'est souvent lorsque les enfants passent au stade de l'adolescence que les problèmes familiaux se développent. Le rôle de la femme au sein de la famille, du noyau familial, change donc et cela crée du stress. À mon avis, c'est très important de ne pas regarder la situation des femmes seulement pendant leurs années dans le système militaire, mais également après qu'elles en sont sorties.

[Traduction]

    D’accord.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Nous passons à M. Garrison.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Comme il se doit, nous nous concentrons bien entendu sur ceux qui réussissent leur suicide, car c’est une grande perte pour les Forces canadiennes et leurs familles.
    Je me demande si l’un ou l’autre des témoins serait disposé à commenter le fait qu’il s’agit peut-être d’un sous-dénombrement qui ne rend pas compte de l'ampleur du problème, puisque le problème est le fait de tenter de mourir par suicide. Nous savons que dans l'armée, 20 à 25 % des libérations pour raisons de santé sont liées à des problèmes de santé mentale, et nous savons que les États-Unis estiment que les tentatives de suicide sont 10 fois plus nombreuses que le nombre de suicides réussis. Ce seul chiffre ne nous indique-t-il pas que nous sous-estimons le problème?
     C’est une question qui porte sur les chiffres. Puis-je la prendre, monsieur Sareen?
    Dr Jitender Sareen: Oui, allez-y.
    Mme Elizabeth Rolland-Harris: D'accord.
    En un mot, oui. De toute évidence, il s’agit juste d’un... Nous l’appelons l’iceberg. C’est le sommet de l’iceberg. Il y a évidemment beaucoup de choses qui se passent sous l’eau.
    D’un point de vue comptable et pour peu que l'on enlève le côté émotionnel ou humaniste de l'équation, la réalité est qu’il est très difficile de compter les tentatives. En gros, nous ne voyons que les tentatives les plus graves sur notre radar, parce que ce sont celles qui nécessitent le recours à des soins médicaux, attendu qu'il faut assurer la survie de la personne.
    Même les meilleurs efforts pour tenter de saisir ce genre de réalité sous-jacente ont des effets très limités compte tenu de l’ampleur de la gravité des tentatives.
    Je suis d’accord avec vos observations sur le fait que les taux de suicide sont probablement sous-estimés. On soupçonne en outre que certains décès accidentels pourraient être des suicides, ce qui est aussi important. Du reste, comme l’a dit Mme Rolland-Harris, les tentatives de suicide sont difficiles à repérer, alors vous avez tout à fait raison.
    Docteur Sareen, le groupe d’experts a-t-il examiné les recoupements qui existent entre la stigmatisation et la discipline militaire, et les tentatives pour prévenir le suicide? Nous avons entendu des témoignages très convaincants de la part de témoins précédents, selon lesquels ce sont la stigmatisation et la discipline dont font l'objet les personnes souffrant de maladies mentales qui contribuent à la difficulté d'obtenir de l’aide.
    Ce n’est pas un sujet que nous avons abordé en propre lors de la réunion de deux jours et demi de notre groupe d'experts. Il est clair que les obstacles aux soins et la crainte des répercussions que l’obtention de tels soins aura sur la carrière du demandeur ont été considérés comme des facteurs importants pour expliquer pourquoi les gens pourraient renoncer à obtenir ces soins.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Mme Gallant est la suivante. Nous vous écoutons.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je vais d’abord m'adresser au Dr Sareen.
    Vous avez présidé le rapport du groupe d’experts de 2016 et vous avez formulé un certain nombre de recommandations. Lesquelles des 11, le cas échéant, sont en suspens? Autrement dit, quelles sont celles qui n’ont pas été mises en œuvre?

  (1255)  

    Merci.
    Je n’ai pas fait le suivi de toutes les recommandations, mais certaines d’entre elles ont été mises en œuvre. Il serait préférable de poser la question aux Forces armées canadiennes. Les recommandations ont été acceptées. Le rapport a été accepté, mais pour ce qui est de savoir ce qui a été mis en œuvre et ce qui ne l’a pas été, il serait préférable de demander au ministère de la Défense.
    D'accord.
    Eh bien, en fait, la recommandation 9 était d’« adopter des approches novatrices pour améliorer la prestation d’interventions psychologiques et pharmaceutiques ». Diriez-vous que la thérapie multimodale de désensibilisation et de reconditionnement de la mémoire assistée par ordinateur ferait partie de ces approches novatrices, de même que la thérapie qui mise sur l'intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires, ou EMDR?
    Oui, je pense qu'avec cette recommandation, notre objectif était vraiment d'encourager la prestation des soins à passer de la visite individuelle au bureau à des moyens plus virtuels — thérapies par téléphone, par vidéoconférence —, parce que les gens ont souvent de la difficulté à accéder aux services. Tout type de thérapie peut généralement se faire virtuellement, et c’est ce que nous constatons maintenant avec la pandémie. Notre objectif dans cette recommandation était d’essayer d’avoir plus de proximité et d’examiner de nouvelles façons de fournir des soins en dehors de l’habituelle visite individuelle au bureau.
    Très bien. Je présume que vous parlez aussi de thérapie virtuelle maintenant, avec l’apparition du virus.
    Je m'adresse maintenant à Mme Rolland-Harris: en quelle année a-t-on commencé à tenir des statistiques sur les suicides au sein des Forces armées canadiennes?
    Je ne m’en souviens pas, mais je crois que c’est dans le rapport. C’était, je crois, dans les années 1980. Cela se fait depuis déjà un certain temps... Je suis désolée. Cela a commencé en 1995. C’est dans le titre du rapport. Cela se fait depuis 1995.
    Les statistiques sont tenues depuis 1995, mais au fil des ans — au moins 20 ans —, on n'a fait absolument aucun cas de la tenue de ces statistiques, du moins jusqu’à très récemment. Pourriez-vous produire les documents justifiant ces statistiques afin que nous puissions revenir en arrière et voir comment nous nous comparons aujourd’hui par rapport à hier?
    Je suis au ministère de la Défense depuis 2006. Je ne peux pas parler de la période avant cela, mais je peux vous dire que ces statistiques étaient compilées, analysées et publiées depuis au moins 2006. Les rapports étaient alors publiés sur le site Web de la Défense nationale.
    Qu’en est-il des statistiques sur le syndrome de stress post-traumatique? Je me souviens qu’au début des années 2000, le colonel Stéphane Grenier a fait figure de pionnier en essayant de faire comprendre au public ainsi qu’aux militaires que le syndrome de stress post-traumatique était une blessure de stress opérationnel, et pas une simple excuse pour ne pas faire son devoir. Qu’en est-il des statistiques sur le syndrome de stress post-traumatique?
    Si de telles statistiques ont été colligées — et je ne saurais le dire —, c’est la Direction des services de santé mentale qui s'en est chargée. Pour des raisons historiques, le suicide a été placé sous la responsabilité de la Protection de la santé de la Force, et le reste a été fait par l’autre direction. Pour en savoir plus, il faudrait poser la question à quelqu’un de cette direction.
    D’accord. Le syndrome de stress post-traumatique relèverait d'un différent protectorat.
    Il relèverait de la Direction des services de santé mentale, oui.
    J’aimerais également ajouter que j’ai soumis à ce comité quelques articles sur les tendances nationales en matière d’idées suicidaires et de tentatives de suicide au sein des Forces armées canadiennes, de 2002 à 2013. Nous avons également suivi une enquête auprès des anciens combattants des Forces armées canadiennes. Nous avons suivi 3 000 militaires sur une période de 16 ans. Nous commençons à publier certains des principaux documents qui rendront compte de la fréquence des problèmes de santé mentale au fil du temps, ainsi que de certaines lacunes au chapitre des services.
    Merci, madame la présidente.

  (1300)  

    Merci, madame Gallant.
    M. Bezan est le suivant. Monsieur Bezan, allez-y s’il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    C'est en effet un plaisir d'être en mesure, tout d'abord, de remercier nos témoins.
    Je sais que Sheila Fynes est encore parmi nous. Je tiens à la remercier de défendre les intérêts des militaires et d'avoir raconté son histoire, ce qui n'est pas une tâche facile.
     Là encore, c'est grâce à vos commentaires que nous avons pu aborder un grand nombre de ces questions au fil des ans. Je ne connais que trop bien la perte de Stuart Langridge, ainsi que celle de Shawna Rogers. J'étais secrétaire parlementaire lorsque nous avons traité de ces questions. Trop souvent, nous nous sommes heurtés à des obstacles, étant donné que les grands prévôts et le MDN bloquaient la diffusion en temps voulu de l'information et manquaient de respect envers les familles.
     Je pense que, grâce aux efforts de Sheila Fynes, beaucoup de choses ont changé. Malgré l'incroyable peine et la tragédie que nous apporte chaque suicide, j'estime qu'il y a au moins un meilleur processus en place aujourd'hui qu'il y a 14 ans — qu'il y a 12 ans, dans le cas de Stuart Langridge.
    Je voudrais poser à nos témoins quelques questions au sujet de l'analyse clinique du suicide. Je sais que nous aimons toujours parler du trouble de stress post-traumatique. Je peux vous dire qu'il y a 10 ans, son existence même faisait toujours l'objet de débats. Mme Gallant parlait justement du travail pionnier que certains psychiatres ont accompli à cet égard, mais nous tentons encore de classer tous les cas dans la même catégorie, en soutenant qu'il s'agissait d'une dépression ou de problèmes d'anxiété, ou que d'autres problèmes de santé mentale étaient présents.
    Avons-nous jamais réussi à déterminer lequel de ces problèmes — si nous ne les mettons pas tous dans le même sac — est la principale cause de suicide au sein des Forces armées canadiennes? J'ai déjà eu une conversation avec le colonel Rakesh Jetly à propos de la fréquence à laquelle l'élément déclencheur peut être attribué au service, comparativement au nombre de suicides qui surviennent en raison de ruptures de relations, de difficultés financières, etc. S'agit-il d'éléments déclencheurs, ou l'élément déclencheur est-il, en fait, lié au service?
    Je pense que c'est une question très complexe. Nous savons que si vous examinez...
    Je pose cette question complexe parce que, si nous planifions de mettre en place les mécanismes qui conviennent et de tenter de déterminer les éléments déclencheurs afin de pouvoir apporter le plus tôt possible une aide à ceux qui en ont le plus besoin, nous savons que les ressources disponibles sont toujours limitées. Si nous optons pour la création d'un numéro d'appel 988, vous avez déjà indiqué très clairement qu'on peut disposer du numéro 988, mais la question est de savoir si des ressources sont disponibles au sein des collectivités, à l'échelle provinciale et au sein du MDN pour apporter une aide immédiate. C'est un problème auquel nous devons faire face. Par conséquent, comment peut-on déterminer les facteurs de risque élevés, les éléments déclencheurs et les façons de les prévenir?
    La dépression à laquelle s'ajoutent la consommation d'alcool et souvent un autre problème de santé mentale comme le trouble de stress post-traumatique sont les éléments les plus courants qui déclenchent l'augmentation du risque de suicide, de même que des antécédents en matière de tentatives de suicide. Voilà les facteurs de risque les plus courants et les plus importants.
    Il a été démontré que les éléments stressants de la vie, qu'ils soient liés au travail ou au ménage, et, en particulier, les stress financiers accroissent aussi les risques. Dans le cas précis des militaires et des vétérans, la transition vers la vie civile et le sentiment d'identité après avoir quitté l'armée — qui suis-je, et quelle incidence cette transition aura-t-elle sur ma vie sociale et ma famille? — deviennent souvent des éléments très importants.
    Nous savons que les expériences traumatisantes liées au déploiement se sont révélées être des éléments déclencheurs du trouble de stress post-traumatique et de la dépression. En outre, si quelqu'un a connu des problèmes juridiques liés à l'armée, cela peut également déclencher un comportement suicidaire. L'important, c'est que la grande majorité des gens qui souffrent de dépression ou d'anxiété ne se suicident pas; le suicide découle généralement de l'aboutissement de tous ces éléments.
    Comme vous l'avez mentionné, souvent le militaire, s'il doit être admis à l'hôpital, doit séjourner dans un hôpital civil provincial, et cette transition est une période très risquée pour toute personne admise dans ces hôpitaux. Le groupe d'experts a recommandé d'examiner les moments clés de la crise où les problèmes se sont empilés, puis de se pencher sur certains processus de restriction des moyens pour lesquels il existe les preuves les plus solides, comme le fait de ne pas avoir accès à une arme à feu ou à un certain nombre de médicaments pendant cette crise.

  (1305)  

    Je vous remercie infiniment de vos témoignages.
    Nous allons dépasser légèrement le temps prévu.
    Messieurs Brunelle-Duceppe et Garrison, vous disposez de deux minutes et demie chacun, si vous souhaitez les utiliser.

[Français]

    Je vais essayer d'être rapide.
    Dans le rapport de 2019, on constate que le taux de mortalité par suicide est plus élevé au sein de l'armée de terre que dans les autres catégories de commandement des Forces armées canadiennes.
    Quels sont les facteurs qui peuvent expliquer ce constat?

[Traduction]

    Docteur Sareen, voulez-vous répondre à cette question?
    D'accord. Merci.

[Français]

    Personnellement, je ne peux pas l'expliquer. Compte tenu des données que nous avons, nous ne sommes pas vraiment en mesure de répondre à cette question.
    Comme le disait le Dr Sareen, le suicide est une réalité multifactorielle. Tellement de facteurs peuvent être en jeu que ce n'est pas aussi simple à cerner, c'est très complexe. Cependant, bien que l'on ne puisse pas nécessairement expliquer les raisons sous-jacentes, le Dr Sareen pourrait peut-être en dire un peu plus là-dessus.
    Néanmoins, c'est comme un voyant rouge, un drapeau qui se lève, qui nous dit qu'il faut en faire davantage, par exemple faire le nécessaire pour encadrer ce groupe en particulier. Dans la mesure où l'on ne peut pas nécessairement toujours définir les critères sous-jacents, cela nous indique que ce groupe est peut-être plus à risque. Il faudrait peut-être investir un peu plus de temps, d'efforts et de ressources afin d'approfondir ce problème.
    En somme, ce n'est pas aussi simple que 1 + 1 = 2; le problème est plus complexe que cela.
    Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter docteur Sareen?

[Traduction]

    Je pense que Mme Rolland-Harris a bien décrit la situation.

[Français]

    D'accord.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Cela met fin à la séance.
    Je tiens à remercier nos témoins de s'être joints à nous aujourd'hui. Vous avez apporté une contribution importante à notre étude. Merci de nous avoir consacré une partie de votre précieux temps.
    Chers membres du Comité, je vous remercie de vos questions. Je crois que cette séance a été très utile et qu'à l'avenir, elle guidera correctement notre travail.
    Cela dit, la séance est levée.
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