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ETHI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


NUMÉRO 020 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 19 février 2021

[Enregistrement électronique]

(1325)

[Traduction]

     Il s’agit de la 20e séance du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique. Nous entreprenons notre étude sur le maintien de la protection de la vie privée et de la réputation sur les plateformes vidéo en ligne comme Pornhub. Je rappelle aux membres que la séance est télévisée.
    Comme l’ont décidé les membres, nous allons passer d'abord aux travaux du Comité, faire une pause pour aller voter, puis revenir pour entendre les témoignages.
    Nous passons maintenant aux travaux du Comité.
    Chers collègues, on invoque le Règlement... M. Angus est le premier à ma liste. Je ne sais pas si c’est un rappel au Règlement. J’ai quelques remarques à vous présenter tout de suite, après quoi nous passerons la parole aux membres du Comité.
    Victor Li et Sophia Marquez ont tous deux indiqué au président qu’ils ne souhaitent pas comparaître. Les membres du Comité leur avaient demandé de comparaître. Les membres du Comité ont également indiqué leur intention d'assigner ces témoins à comparaître s’ils refusent de le faire. Ce sont les instructions que j’ai reçues. Je vais redonner la parole aux membres du Comité pour qu’ils déterminent s’ils veulent aller de l’avant, si chaque membre veut convoquer ces témoins. Si c’est le cas, je suppose que nous devrions en discuter.
    Je cède la parole à M. Angus. Je crois qu’il a indiqué qu’il aimerait en parler.
    Merci, monsieur le président. Je tiens également à vous remercier d’avoir reconnu que nous voulions entendre nos témoins aujourd’hui. Nous voulons le faire de façon respectueuse. Compte tenu de tous les enjeux dont on débat à la Chambre, il est vraiment important de leur accorder le temps nécessaire.
    Pour ce qui est de cette question des travaux du Comité, voilà sept mois que nous essayons de terminer l’étude sur UNIS au Parlement. M. Victor Li est le principal agent financier des multiples entreprises de l’organisation de Kielburger. Ce groupe s’était adressé au gouvernement canadien et allait recevoir entre 500 et 900 millions de dollars, selon sa capacité d’exécuter les programmes de façon rapide et efficace, et cela a suscité des questions.
    Il nous faut une présentation de la structure financière de cet organisme. Comment fonctionne ce groupe? Comment l’argent circule-t-il? Je serais scandalisé d'apprendre que l'agent financier et l'agent des relations gouvernementales d’un grand organisme de bienfaisance refusent tout simplement de témoigner devant le Parlement. Si nous avions des questions à poser à un organisme international comme Oxfam ou la Croix-Rouge, je parie que ses représentants financiers accepteraient en moins de cinq minutes de comparaître devant notre comité. Pourtant, pendant sept mois nous nous sommes heurtés à de l’obstruction, à de la résistance et à des refus de coopérer.
    Il faut que le Comité mette fin à cette étude. Nous avions déjà convenu d’émettre une assignation à comparaître au besoin. Je ne pense pas que cela susciterait beaucoup de controverse, parce que le respect dû au travail du Parlement est en jeu. Si nous en arrivons là, j'ai rédigé la motion suivante: « Que le Comité convoque M. Victor Li et Mme Sophie Marquez et qu’ils soient tenus de comparaître et de témoigner devant le Comité sur des questions de conflits d'intérêts et de lobbying en relation avec les dépenses liées à la pandémie, à la date ou à l’heure que le président fixera ».
    Si nous pouvions nous entendre là-dessus avant le vote, nous saurions alors que nous pouvons poursuivre nos travaux afin de terminer cette étude importante sur UNIS et sur la controverse touchant la subvention des emplois d’été pour étudiants.
    J’invoque le Règlement, monsieur le président. Je voudrais être sûr que nous avons respecté le Règlement en demandant un consentement unanime. Je vous demanderais simplement de préciser que le Comité peut poursuivre ses travaux pendant que la sonnerie retentit.
    C’est exact. J’ai demandé si quelqu’un s’y opposait. Comme personne n’a répondu, nous allons poursuivre nos travaux. La séance est ouverte. Merci.
    Voulez-vous débattre de la motion qui a été présentée? Deux députés ont manifesté le désir de prendre la parole. Je suppose que c’est au sujet de cette motion.
    Je vais d’abord donner la parole à M. Viersen.
(1330)
    Merci, monsieur le président.
    Je veux juste dire que j’appuie entièrement la motion de M. Angus. Je n'en reviens pas que nous devions prévoir une autre réunion une fois que nous aurons confirmé la présence de ces témoins. Je désire vraiment que le Comité continue à entendre ces témoins. Ils viennent d’un organisme de bienfaisance qui bénéficie d’un traitement fiscal spécial du gouvernement du Canada. Nous devrions certainement pouvoir entendre ce qu'ils ont à nous dire.
     Madame Gaudreau, vous avez la parole.

[Français]

    J'avais compris que, s'il y avait une réponse négative — non favorable —, nous allions procéder à l'assignation comme cela se fait dans chaque comité. Pour ma part, je considère que c'est un point qui devrait se régler rapidement sans motion et, si tout le monde donne son accord, nous pourrons aller de l'avant.

[Traduction]

    Merci, mesdames et messieurs.
    Il semble y avoir consensus parmi les membres du Comité à cet égard. Comme il n’y a pas d’objection, la motion est maintenant adoptée.
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Chers collègues, il semble que nous ayons un peu plus de temps que prévu.
    J’espère que le premier rapport du Sous-comité du programme et de la procédure du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique a été distribué aux membres. Je crois que nous nous souvenons bien de la réunion que le sous-comité a tenue le 11 février. Les députés ont-ils eu l’occasion d’examiner son rapport?
    Quelqu’un a-t-il un commentaire sur ce rapport? Sinon, le Comité est-il disposé à l'approuver?
    Monsieur Angus, je vois que votre main est levée.
    Je trouve que le sous-comité a tenu une bonne réunion. J’espère que les membres qui ont eu le temps de lire son rapport apprécieront son orientation.
    Adoptons-le.
    Nous avons une motion pour adopter le premier rapport. Y a-t-il des objections?
    Nous allons passer au vote. Quelqu’un s’oppose-t-il à l’adoption du premier rapport?
    Comme il n’y a pas d’objection, le premier rapport est adopté. Merci, chers collègues.
    (La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: Je cède la parole aux membres du Comité. Y a-t-il d’autres travaux du Comité que nous n’avons pas abordés, ou d’autres travaux que les membres aimeraient...?
    Monsieur Viersen, je vois que vous avez levé la main.
    Corrigez-moi si je me trompe, monsieur le président. Nous avions discuté de la production de documents de Pornhub ou de MindGeek. Je crois que le sous-comité a discuté des documents à demander. Je pense que tout le monde était d’accord.
    Je me demandais si nous devons demander au greffier de demander ces documents.
    Ils ont été demandés. Je ne sais pas s'il y a eu du nouveau depuis.
    Madame la greffière, est-ce que les membres du Comité ont reçu d'autres nouvelles à ce sujet?
    Non, on me dit [Difficultés techniques].
    Il ne semble pas y du nouveau, mais nous y reviendrons en écoutant les commentaires de cet organisme. Je suis certain que les membres du Comité auront des suggestions sur la façon de procéder.
    Chers collègues, je vais suspendre la séance pour que les membres du Comité aillent voter. Je prie les témoins de nous excuser de les faire attendre. Nous vous remercions de votre patience. Nous reviendrons le plus tôt possible.
    La séance est suspendue.
(1330)

(1435)
     Chers collègues, nous reprenons nos travaux.
    Nous avons discuté des trois premiers témoins. Nous voulions les laisser déterminer leur façon de comparaître. Pour répondre au plus grand nombre de questions possible, ils ont convenu de parler à tour de rôle. Ils comparaîtront donc l’un après l’autre. Cela permettra aux députés de poser en même temps à ces trois témoins différentes questions, ce qui facilitera un peu cette comparution.
    Cet après-midi, nous avons avec nous Mme Victoria Galy.
     Merci beaucoup d'être venue.
     Nous accueillons deux autres témoins, qui comparaîtront sous les noms de Témoin 1 et Témoin 2.
     Mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous demanderai de les appeler Témoin 1 et Témoin 2. Cela nous aidera à déterminer à qui vous vous adresserez.
    Sans plus tarder, nous allons passer la parole à Mme Vicky Galy.
     Nous vous remercions profondément pour votre patience et nous nous excusons d'avoir repris les travaux du Comité si tard. Nous allons maintenant entendre votre déclaration préliminaire. Nous passerons ensuite la parole aux autres invités, puis nous vous poserons des questions à tous les trois.
    Madame Galy.
    Tout d’abord, je vous remercie de m’avoir invitée et de m’avoir permis de participer. Ma déclaration est un peu longue. Je vais essayer d’être aussi brève que possible et de ne pas prendre trop de votre temps.
    Je m’appelle Victoria Galy. Je vis à Hendersonville, au Tennessee. Je suis une victime de la traite des personnes à des fins sexuelles, selon la définition juridique du Tennessee, aux États-Unis. J’ai vu de nombreuses images et vidéos pornographiques prises sans mon consentement et affichées au site de Pornhub.com.
    J'ai découvert ces vidéos en 2018, et je les ai signalées à Pornhub. Bon nombre des vidéos portaient la mention « adolescente » et l'on y voyait clairement une personne qui avait consommé des drogues ou qui était en état d’ébriété. La plupart de ces vidéos avaient été produites par un ancien amant avec qui j'avais fait un voyage à Las Vegas, au Nevada.
    Lorsque j’ai découvert ces vidéos en 2018, j'ai tout de suite sonné l'alarme, mais cela ne m’a menée nulle part. Les vidéos n’ont pas été retirées. J’ai ensuite essayé de dénoncer l'affichage de ces vidéos. J’ai découvert qu’il fallait créer un compte pour le faire. J’ai dû fournir mon nom au complet et mon adresse électronique. J’hésitais, car je n’étais pas du genre à regarder de la pornographie ou à m’abonner à quelque chose du genre. Je ne voulais pas vraiment que mon nom et mon adresse courriel y soient liés. Cependant, j’ai créé le compte à contrecœur et j’ai commencé à dénoncer l'affichage de ces vidéos.
    En 2018, j’ai dénoncé environ 30 vidéos. Trois d'entre elles seulement ont été retirées. On m'a ensuite dit que pour faire retirer les autres vidéos, je devrais présenter à Pornhub un avis de retrait conformément à la loi Digital Millennium Copyright Act, ou DMCA, pour qu'il les supprime. Je ne savais pas de quoi il s'agissait et je ne savais même pas ce qu’était un avis de retrait conformément à la DMCA.
    La découverte de ces vidéos m'a profondément traumatisée. J'ai souffert d’une grande détresse émotionnelle qui a donné lieu à ce que mon médecin appelle un état dissociatif. Essentiellement, j'ai effacé tout souvenir de ces vidéos et de ces événements de ma mémoire, car ils étaient si douloureux que je ne pouvais pas les supporter. C’est ce qu’on appelle l’amnésie dissociative. Les personnes qui en souffrent s'échappent involontairement d'une certaine réalité. C'est une évasion très malsaine qui les empêche de fonctionner adéquatement dans la vie quotidienne. De 2018 à 2020, ce trouble s'est manifesté de façon très évidente dans mon comportement et dans mes interactions avec mes amis, ma famille et mes collègues de travail. J'avais perdu toute confiance en moi et j’ai adopté un comportement à risque qui était très différent de mon comportement habituel avant 2018.
    Pendant l’été 2020, ces souvenirs ont commencé à ressurgir dans mon esprit, alors j'ai consulté un psychiatre et un thérapeute en traumatologie de l’agression sexuelle. C’est à ce moment-là que l'on a diagnostiqué ce trouble et que l'on m'a prescrit des médicaments contre la dépression et le TSPT. J’ai suivi une thérapie de traitement cognitif qui a considérablement accéléré mon rétablissement. Je vous dirai cependant que je n'avais jamais fait face à une expérience aussi pénible.
    Je contemplais parfois le suicide. Après avoir travaillé pendant 16 ans dans un cabinet d’avocats comme parajuriste, j’ai dû prendre un congé, car je ne pouvais plus fonctionner au quotidien ni même passer une seule journée au travail. J’ai quitté ma maison pour emménager avec ma mère pendant environ quatre semaines afin qu’elle m’aide à prendre soin de mes enfants. J’ai un fils de 16 ans et une fille de 7 ans qui ont le syndrome de Down. Je souffrais aussi d’anxiété et de craintes profondes. Je ne me sentais pas en sécurité. J’avais des cauchemars intenses, j'étais irritable, colérique, honteuse et j'avais des symptômes physiques comme des battements de cœur, des nausées, etc. J’ai perdu au moins 20 à 30 livres. Je ne pouvais pas manger. J’étais très malade.
    En août 2020, lorsque mes souvenirs ont commencé à revenir, j’ai recommuniqué avec la société Pornhub au sujet de ces vidéos. En visitant son site Web, j’ai constaté que l'on y avait affiché de nombreuses autres vidéos au cours de cette période de deux à trois ans. J’en ai signalé beaucoup, dont celles surnommées Vicky Lust. Il y avait environ 60 à 65 vidéos qui avaient été produites par mon ancien amant, Brandon. Certaines vidéos ont été retirées, mais celles qui portaient le nom de Vicky Lust ne l’ont pas été. On m’a dit qu’elles étaient revendiquées par une mannequin professionnelle et qu’on ne les retirerait pas. J'ai envoyé de nombreux courriels expliquant qu'en réalité, les personnes filmées dans ces vidéos étaient moi et de mon ancien amant, Brandon, mais on a refusé de m’écouter. J'ai envoyé des photos de ma marque de naissance, j’ai fait remarquer que l'on entendait le nom de Brandon dans au moins une des vidéos, et j’ai même soumis des photos de diverses parties de mon corps pour prouver que c’était moi. Pornhub a malgré tout refusé de retirer ces vidéos.
    J’ai envoyé un courriel directement au service juridique de l'entreprise à legal@pornhub.com avec une présentation PowerPoint démontrant clairement que la personne filmée dans ces vidéos est réellement moi et non le couple qui les revendique — j’ai appris plus tard que c’est un couple nommé Laura et Lauri de Helsinki, en Finlande. Je n’ai reçu aucune réponse à ce courriel.
(1440)
    Outre la présentation PowerPoint précise que j'ai remise à Pornhub, les commentaires affichés, mais supprimés, au sujet des vidéos de Vicky Lust témoignent de la nature non consensuelle de ces vidéos. Ce n’est qu’après décembre 2020, lorsque j’ai intenté une poursuite civile en personne, que j'en ai envoyé une copie par courriel et que l’article intitulé The Children of Pornhub a paru dans le New York Times, que la société Pornhub a suspendu l'affichage de ces vidéos, du moins temporairement. Évidemment, elles se trouvent maintenant partout dans Internet et elles ont été téléchargées par je ne sais pas combien d’utilisateurs. Elles sont aussi affichées dans une multitude d’autres sites Web. Je ne pourrai jamais retirer ces vidéos. Il y a eu plus de huit millions de visionnements rien qu'au site de Pornhub. Quand je pense à tout l’argent que Pornhub a tiré de mon traumatisme, de ce viol commis par un ami et de cette exploitation sexuelle, cela me rend malade.
    Mardi de cette semaine, Chantelle Pittarelli, directrice des affaires juridiques et commerciales, a enfin répondu à mes courriels. Elle refusait d’admettre que ces vidéos affichent mon corps, mais elle soulignait qu'à cause de la gravité de mes allégations, l'entreprise allait supprimer le compte Vicky Lust et qu’elle avait effectué une empreinte numérique du contenu pour empêcher qu’il soit téléversé dans son site.
     Cela n'aide pas à les retirer des autres sites d'Internet et cela n'élimine pas la destruction que toute cette affaire a causée dans ma vie. Si les responsables de cette entreprise avaient retiré ces vidéos en 2018 quand je les leur ai signalées la première fois, ma vie serait bien différente aujourd’hui. Ils ne se souciaient pas de mon bien-être, car ils tiraient de bons profits de ces activités illégales. Je recevais de mes amis de Facebook des messages qui s'accompagnaient de liens et où ils s'exclamaient que la personne de ces vidéos me ressemble. Un inconnu m'a abordée près de chez moi à au moins deux reprises, et un étranger sur Facebook m'a demandé si j’avais envisagé son offre de produire des vidéos. Quand je lui ai demandé de quelles vidéos il parlait, en ajoutant que je ne le connaissais pas et que je n'avais aucune idée de l'offre dont il parlait, il ne m’a jamais répondu.
    Non seulement la société Pornhub rend difficile, voire impossible, de retirer ces vidéos non consensuelles, mais il est difficile de la poursuivre en justice, car elle insiste pour que je la notifie à Chypre. Ayant été parajuriste pendant plus de 16 ans, je connais bien la Convention de la Haye. J’ai donc entamé un processus de notification par la poste, conformément à ce que prévoit la Convention pour les résidents de Chypre. Cependant, toutes les victimes ne possèdent pas ce genre de connaissances.
    La société Pornhub offre des blogues et des articles de formation afin d'enseigner aux modèles et aux malfaiteurs comment réussir sur sa plateforme. Elle recommande des réseaux privés virtuels ainsi que les meilleurs logiciels de modification et autres. Il est donc plus difficile pour les victimes de prouver leur cause et d’obtenir justice. Dans mon cas, mon ancien amant s'était posé un faux prépuce pour paraître non circoncis dans les vidéos, ce qui a incité le service de police à ne pas me croire et le procureur de district à refuser d’intenter une poursuite, même si j’ai par la suite fourni des preuves claires à cet égard. La société Pornhub affiche encore des vidéos démontrant comment utiliser ce « jouet », qui ne fait qu’éduquer les prédateurs sur les façons d’éviter d'être identifiés par les autorités.
    Comme je l’ai mentionné dans l’article du New York Times, j’ai moi aussi l’impression d'avoir été victime du trafic de personnes de la société Pornhub, et elle n'a pas ménagé ses efforts. Avant que je dénonce le profil de Vicky Lust à la police en août 2020, l’arrière-plan était une photo de mon corps tout entier; j'étais nu, et seul un masque couvrait mon nez et une partie de mes yeux, comme un masque du Mardi gras. Bien des gens m'ont reconnu, mais ils refusaient de dévoiler où ils avaient vu cette photo. C'était pour moi de la torture émotionnelle.
    Sans l’aide de mon extraordinaire thérapeute et de son traitement cognitif, je ne serais pas ici aujourd’hui. Je refuse de jouer la victime. Je défendrai mes intérêts et ceux de toutes les autres victimes qui ne peuvent pas ou qui ne veulent pas dénoncer cela en public, ou qui se sont suicidées, nous ne le saurons jamais. Personnellement, j’ai failli me suicider. Cette épreuve m'a anéantie.
     J’ai été obligée de me battre seule contre Pornhub, alors quand j’ai entendu parler de l'enquête que vous menez sur l’éthique de cette entreprise, j’ai tout de suite accepté de témoigner ouvertement de ma situation. Je suis heureuse de participer à ce processus et de contribuer à apporter du changement et à forcer cette entreprise à répondre de ses actes.
    Je vous remercie de m’avoir écoutée.
(1445)
    Merci, madame Galy. Je sais qu’il est difficile de tout présenter dans le peu de temps dont nous disposons, mais j’apprécie vraiment le travail que vous avez accompli à cet égard.
    Je vais maintenant donner la parole à notre Témoin 1.
    Témoin 1, merci d’être ici. Je vous cède la parole pour votre déclaration préliminaire.
     Quand j’avais 24 ans, j’ai rencontré un homme que je trouvais très gentil. Je l’ai épousé, et dès qu’il m'a eue en sa possession, il a soudainement cessé d’être gentil. En avril 2020, j’ai déménagé de notre domicile pour me mettre en sécurité et évidemment, nous ne vivons plus ensemble.
    Pendant notre relation, je l’avais laissé prendre des photos. J’étais mal à l’aise au début parce que je n’avais jamais fait cela, mais je lui faisais confiance et je ne voulais pas lui déplaire. Ce n’est qu’en août 2020 que j’ai découvert que ces photos privées avaient été téléversées dans des sites de pornographie, notamment dans celui de Pornhub.
    J'étais tout à l'envers en découvrant ces photos, mais mes découvertes ont empiré. J'ai trouvé une vidéo, je ne savais même pas qu'elle existait. Je l'ai découverte dans le site de Pornhub. Le titre de cette vidéo indique que je dors. Les étiquettes comprennent les termes « endormie » et « somnifère ». Il est impossible de voir si j’étais endormie ou droguée, mais ce qui est clair dans la vidéo, c’est que je ne suis pas consciente et que rien ne laisse entendre que j’avais donné mon consentement. La vidéo a clairement été produite dans une maison et a été téléversée par une adresse électronique anonyme. Les modérateurs de Pornhub en ont supposément regardé le contenu et ont décidé qu’il convenait à leur site pornographique. Ma vidéo avait été téléversée en août 2017, alors quand je l’ai trouvée, elle avait été affichée à mon insu dans le site de Pornhub depuis plus de trois ans.
    Je n’ai pas essayé tout de suite de faire retirer cette vidéo, parce que le lendemain matin, quand je l’ai montrée à la police, on m'a dit de tout laisser en place jusqu’à la fin de l'enquête. Cependant, entre le 16 et le 19 août, cette vidéo dans Pornhub s’est avérée inutilisable, soi-disant à cause de « difficultés techniques ». En même temps, j’ai remarqué que Pornhub retirait les étiquettes qui indiquaient directement que le contenu était non consensuel. Par exemple au début septembre, si l'on faisait une recherche avec le mot-clé « somnifère » on n'obtenait pas de résultats. Évidemment, ce n’était pas le cas à la mi-août, donc je suis convaincue que la vidéo a disparu quand l'entreprise a essayé de nettoyer ces choses.
    Cependant, la vidéo n’a pas été dénoncée et retirée. Au lieu de se sentir dégoûtés par les vidéos d’agression sexuelle, les habitués les recherchaient activement. Ils les trouvaient grâce aux étiquettes, donc ils savaient à quoi s'attendre avant même de cliquer. Je me sens profondément trahie en pensant que des milliers d'hommes ont regardé cette agression non seulement sans la dénoncer, mais après l'avoir activement recherchée et s'en être délectés.
    Le site de Pornhub contient une section de commentaires, alors le soir où j’ai découvert cette vidéo, j’ai aussi lu la description graphique des plaisirs qu’un homme s'était donnés en la regardant. Dans un autre site, des milliers d'hommes ont regardé ma vidéo et au lieu de la dénoncer, ils l’ont classée au sommet de la liste des plus appréciées à cause d'une certaine partie de mon corps. Cette vidéo n’est pas un cas isolé qui a exceptionnellement échappé aux filtres. L’agression sexuelle n’a rien d'exceptionnel dans les sites pornographiques. Les propriétaires de ces sites la considèrent comme un genre, et ils n'ont aucune intention d'en modérer le contenu.
    Pour vous donner une idée de l’ampleur de la propagation, au début de janvier 2021 — après la purge de décembre et une fois que la GRC a fait retirer un grand nombre de copies —, en cherchant dans Google le nom de ma vidéo affichée dans Pornhub, j’ai obtenu plus de 1 900 résultats. Évidemment, les utilisateurs téléchargent la vidéo pour la téléverser ailleurs. On en trouvera sûrement plusieurs copies en circulation, mais la plus grande propagation de cette vidéo s'est effectuée grâce aux liens. MindGeek a affiché des liens vers ma vidéo affichée dans Pornhub sur ses autres sites afin d’y ajouter du contenu sans payer cher. De nombreux autres sites utilisent cette méthode, alors ils ont aussi affiché un lien vers ma vidéo dans Pornhub. Pornhub est la source des 1 900 résultats de la recherche que j'ai effectuée par Google.
(1450)
    L’avantage de l'utilisation des liens est le fait que dès que l'on retire la vidéo de Pornhub, on ne peut plus la visionner dans d'autres sites. Malheureusement, Pornhub crée un fichier de vignettes pour toutes les vidéos téléversées dans son site, et ces images miniatures peuvent être téléchargées même si la vidéo n'apparaît pas. Il se trouve encore un grand nombre de ces miniatures dans les sites pornographiques et dans les caches des moteurs de recherche. Cette vignette est toujours une photo de moi entièrement nue. Je ne la veux plus dans Internet. En outre, après avoir retiré ma vidéo, Pornhub n’a supprimé aucune des données qui l’entouraient, comme le titre et le nom d’utilisateur. Cela pose aussi un problème.
    J’ai communiqué avec les représentants de Pornhub en janvier pour leur demander de retirer les données et les vignettes liées au site. Au début, ils ont prétendu ne pas savoir de quoi je parlais. Je leur ai renvoyé toute l’information. Ils m’ont envoyé un lien vers Google en me disant de le faire moi-même. Au bout d'un mois et demi et d'un échange de huit courriels, Pornhub a supprimé certaines des données et des vignettes liées à son site et a indexé quelques éléments sur un moteur de recherche qui n’est toujours pas éliminé. Je crois que maintenant, ils ont décidé de m'ignorer.
    Je leur ai aussi demandé de m’aider à supprimer les vignettes et le contenu qui se propagent de Pornhub aux autres sites. Ils m’ont dit qu’ils ne peuvent pas retirer leur contenu des sites où il s'est propagé. Cependant, ils utilisent justement un programme pour retirer leur contenu des autres sites afin de protéger leur contenu modèle exclusif. Ils en font même la publicité. Ils surveillent Internet pour voir où leurs vidéos se propagent, ils les retirent des autres sites et leur versent même une prime. Tout ce que je demande, c’est qu’ils se soucient autant de leur contenu non consensuel que de leur contenu exclusif payant.
    Rien ne peut éliminer le mal déjà commis. Je veux simplement ne plus être affichée dans Internet.
    Grâce à Pornhub, j’ai passé jusqu'à maintenant exactement 1 292 jours entièrement nue dans ces sites pornographiques.
    Merci, Témoin 1.
    Je vais maintenant passer la parole au Témoin 2 pour sa déclaration préliminaire.
    Merci beaucoup de vous joindre à nous.
     J’ai maintenant 19 ans. J’en avais 17 quand j'ai appris l'existence de vidéos de moi sur Pornhub, et je n’avais que 15 ans dans les vidéos dont ces gens-là ont tiré profit.
    À 15 ans, j’ai été victime d'extorsion: un homme alors inconnu m'a contrainte à lui envoyer des quantités massives de vidéos et d’images de moi. Il me disait ce que je devais faire et pendant combien de temps. Il allait jusqu'à me dire quelles positions je devais prendre. Il m'a même demandé des choses si troublantes que j'ai coupé le contact avec lui, même si j’étais terrorisée à l'idée de le faire.
    J’ai fini par découvrir que je n’étais pas la seule à qui cela était arrivé, car on m’a envoyé un lien vers un compte Tumblr qui vendait des fichiers Dropbox de moi et de centaines de filles pour que certains tirent profit de notre exploitation en créant de faux comptes à vendre en ligne à des hommes qui pensaient nous parler vraiment.
    Personne n'a envie d'en entendre parler, mais il est important que vous compreniez à quoi j'ai été soumise ce soir-là et à quel point le type qui était derrière tout cela était dépravé. Vous pourrez ainsi vraiment comprendre de quoi Pornhub a tiré des profits. On m'a fait faire des vidéos de masturbation vaginale et anale, des vidéos où je me déshabille, où je me crache dessus. J'ai coupé le contact quand on m'a demandé d'en faire une où je mangerais mes excréments et boirais mon urine. Même si les vidéos que j’ai faites sont très embarrassantes, je suis encore plus désolée pour les filles qui ont fait les autres vidéos téléversées sur Pornhub.
    J’ai communiqué avec la police lorsque j’ai découvert le site, mais la seule aide qu’elle m’a apportée a été de supprimer mes médias sociaux. Ensuite, une fille que je croyais être mon amie a commencé à faire circuler des images de moi, allant même jusqu’à les télécharger le jour de mon 17e anniversaire et à m’y taguer. J'ai commencé à recevoir des insultes à profusion de gens qui habitaient près de chez moi et j'ai été victime de harcèlement. En septembre 2018, quelqu’un de ma ville a publié sur Snapchat une vidéo de moi, enregistrée sur écran à partir de Pornhub. C’est là que j'ai appris que j'étais sur ce site.
    À cette époque, j’ai arrêté de manger et de sortir, et je songeais même au suicide. J’ai commencé à recevoir des centaines de demandes d'invitation chaque jour sur mes comptes des médias sociaux et au moins 50 messages par jour avec des liens vers des vidéos de moi sur Pornhub. C’est à ce moment-là que je me suis aperçue que mon nom et mes comptes sur les médias sociaux avaient été affichés à côté des vidéos. Certaines de ces personnes étaient respectables et ont dénoncé ces vidéos quand je leur ai dit que je n’avais que 15 ans, mais la majorité ne les ont aimées que davantage.
    C’était une période vraiment effrayante, et la situation semblait empirer sans cesse. Beaucoup d’hommes avaient l'impression d'avoir des droits sur moi après m'avoir vue sur Pornhub. Quand je ne voulais pas leur parler, ils essayaient de me faire chanter ou de me menacer encore plus. Encore aujourd'hui, certains qui se sont manifestés en 2018 essaient de me contacter.
    Pornhub a accepté de retirer mes vidéos lorsque je les trouverais, mais je crois que c’est seulement parce que j’ai fourni un code de référence de la police et parce que j’ai parlé de suicide. Les responsables ne savaient que trop bien qu’une autre mort les ferait mal paraître. Chaque fois qu’ils ont enlevé une vidéo, ils ont aussi permis que d'autres vidéos de moi soient téléchargées de nouveau. Les vidéos ont été vues des centaines de milliers de fois et contenaient mes renseignements personnels, y compris mon adresse et les comptes des membres de ma famille sur les médias sociaux.
    L’une des pires journées que j'ai vécues est celle où des gens qui regardaient mes vidéos ont commencé à les envoyer à ma mère et à mon père. Je parle à peine à mon père. Sachant qu'il a vu une vidéo de moi, il m'est vraiment difficile de continuer à lui rendre visite et d'avoir une attitude normale envers lui.
    Le fait que des vidéos de moi se trouvent sur Pornhub m'a tellement affectée que je ne sors plus de chez moi. J'ai dû arrêter de travailler parce que j'avais peur de me trouver en public. J'avais l'impression que tous ceux que je croisais regardaient ces vidéos. Incapable de travailler, j’ai lancé ma propre entreprise pour ne plus quitter ma chambre, où je me sentais en sécurité, mais même là, ceux qui fréquentent Pornhub ont commencé à envoyer à mes clients les vidéos de moi et à créer de faux comptes.
    Il est dégoûtant d'entendre Corey Urman expliquer en souriant qu’il utilise des pseudonymes pour protéger son identité, lui qui peut décider quand il publie ou non. Moi, je n'ai pas eu le choix, quand on a téléchargé mes vidéos sur Pornhub et qu'on a communiqué au monde entier les détails sur mon identité. Il est plus que révoltant d'entendre M. Antoon raconter qu'il a acheté sa troisième propriété avec l’argent qu’il a tiré de notre exploitation, mais refuser pourtant de dire combien il gagne en un an. Tous les matins, je me réveille dans la chambre où j'ai été exploitée. Je n'ai pas la possibilité d'aller ailleurs pour fuir ce passé.
    Mon anxiété s’est tellement aggravée que je ne pouvais plus du tout manger et que je ne pesais plus que 80 livres. À ce jour, j'ai toujours du mal à manger correctement, ce qui me donne des problèmes de santé et de dysmorphie corporelle. Tant de clients de Pornhub ont fait des commentaires sur mon corps, se demandant si telle partie était réelle ou fausse et m'envoyant des messages pour m'insulter ou me dire à quel point ils aimaient ma frêle silhouette de fille de 15 ans.
    J’ai renoncé à beaucoup d’amitiés parce que je refusais de sortir et de rencontrer des amis. Je ne voulais pas aller dans des soirées ni me retrouver en public. La proximité des gens provoque chez moi des crises de panique. J'ai des crises quand je vais dans les magasins avec ma mère ou même dans les transports en commun. Il est même arrivé qu'on vienne à l'extérieur de chez moi et prenne des photos de ma porte, me disant qu'on m'a trouvée sur Pornhub et m'appelant par mon nom, qui ne figure pas dans mes comptes sur les médias sociaux. Il ne se trouve que sur Pornhub. Une raison de plus de ne pas sortir.
(1455)
    Pornhub m’a toujours dit que j’avais besoin d’un lien pour retirer les vidéos. C’était difficile parce que je ne pouvais pas toujours trouver celles qui m’étaient envoyées. Lorsque j’ai commencé à demander à Pornhub pourquoi il permettait à n’importe qui de télécharger n’importe quoi, je me suis fait simplement répondre que je devais télécharger mes vidéos sur son site tiers. Je lui ai dit que non seulement il était illégal que je le fasse, mais qu’il était tout aussi illégal qu'il me demande de le faire parce que c'est de la pornographie juvénile et que je n’ai même pas le droit d’avoir le contenu qui me concerne. J'ai dit que je ne pouvais rien faire, que je me sentais suicidaire et que j’envisageais même d’obtenir un avis juridique si cela ne cessait pas. On ne m'a pas répondu et j'ai cessé de communiquer.
    Pornhub m'a dit qu'il ne pouvait rien faire sans un lien, mais c'était un mensonge éhonté, puisque, dès qu'il a reçu une mise en demeure, toutes les vidéos de moi ont été retirées du site immédiatement.
    Pornhub prétend aussi qu'il a toujours « évolué » et que le retrait d'un million de vidéos n'est qu'une nouvelle étape de cette évolution. C'est discutable. De deux choses l'une: ou bien Pornhub n'a jamais pensé à imposer une vérification avant le téléchargement de vidéos, ce qui témoigne d'un manque de sens commun et de l'absence de la capacité de réflexion nécessaire pour protéger et exploiter une entreprise de cette taille; ou bien l'idée lui est venue, mais il a préféré ne pas en tenir compte pour faire un peu plus d'argent. Je lui ai demandé pourquoi il n'imposait pas cette réglementation. Étant donné que je lui ai demandé dès 2019 pourquoi il ne le faisait pas, cela prouve que moi, l'une de ses victimes, lui ai proposé cette idée, dont il n'a pas tenu compte.
    J’ai l’impression que tous ceux que je rencontre ont vu les vidéos ou finiront par les trouver. Personne ne semble croire que j'étais une enfant. On me dit que Pornhub applique le critère de 18 ans et plus et que je ne pouvais donc pas être plus jeune.
    À une certaine époque, j’ai essayé de me suicider. Heureusement, je n'ai pas réussi. Je peux maintenant compter sur un entourage qui m'aide vraiment, mais toutes les victimes de Pornhub n'ont pas eu la même chance et n'ont pas eu le même soutien. Combien de femmes devront perdre la vie ou voir leur existence saccagée avant que cette entreprise réponde de ses actes?
    Merci.
(1500)
    Merci beaucoup. Je vous remercie de votre témoignage, et je suis persuadé que le Comité vous est aussi reconnaissant que moi.
    Chers collègues, je sais que l’interprétation n’a pas pu suivre. Nous veillerons à ce que les témoignages soient traduits et distribués aux membres.
    Je m'adresse au deuxième témoin: la connexion avec vous n'est très bonne. J'invite les députés à parler un peu plus lentement lorsqu'ils poseront leurs questions. Cela facilitera le travail des interprètes. Merci beaucoup.
    Monsieur Viersen, vous serez le premier à poser des questions.
    Monsieur le président, cela me rend malade. Le témoignage que nous venons d'entendre est horrifiant. La vie de ces jeunes femmes a été détruite à cause de Pornhub — ou de son inaction.
    Ce qui m'exaspère, c’est que Pornhub a dit qu’une fois qu’il a été mis au courant, il a fait tout le nécessaire pour remédier à la situation, mais dans chacun de vos cas, si le contenu ne s’était jamais retrouvé sur son site, il semble que tout irait mieux pour tout le monde.
    Madame Galy, à votre avis, Pornhub aurait-il dû faire un peu plus d'efforts pour empêcher que ce contenu ne se retrouve sur son site au départ?
     Comme je l’ai dit, dans bon nombre de mes vidéos, il était évident que les victimes n'avaient pas donné leur consentement. Dans l’une d'elles, j'étais endormie sur le lit quand mon ex a commencé à me toucher et à me faire des choses. La vidéo s’est arrêtée quand je me suis réveillée.
     Dans beaucoup de mes vidéos, j’étais droguée ou complètement ivre. Je ne pouvais pas me tenir la tête. Les parties génitales de mon ex sortaient de ma bouche tout au long de la vidéo. Il était évident qu’il n’y avait pas de consentement.
    Certaines des vidéos ont été prises par des caméras cachées, et il est concevable que Pornhub puisse prétendre ne pas savoir que ces vidéos n’étaient pas consenties, puisque j’étais alerte et éveillée, mais s'il avait fait un examen plus attentif et pris le temps de me répondre, dès 2018, je n’aurais pas subi pareil traumatisme au cours des deux ou trois dernières années.
    La dissociation dont j'ai souffert lorsque j'ai découvert ces vidéos a compromis des relations qui sont perdues à jamais. Mon fils a maintenant presque 17 ans, et notre relation au cours des deux dernières années a été très difficile à cause de tout cela.
     Si mes vidéos n’avaient jamais été téléchargées sur Pornhub, elles auraient peut-être été communiquées ailleurs, mais Pornhub est le chef de file en matière de pornographie. C’est à Pornhub qui vient d'abord à l'esprit lorsqu'on songe au divertissement pour adultes ou qu'on veut regarder de la pornographie. Comme l’autre témoin l’a dit, une fois les vidéos sur Pornhub, elles se retrouvent sur de nombreux autres sites Web reliés à ce site central.
     Maintenant, elles ont été communiquées tellement de fois qu’elles sont partout. Comme je l’ai dit, mes vidéos ont été visionnées plus de huit millions de fois. Vous ne pouvez pas imaginer toute la peur qu'on ressent lorsque tant de gens ont vu des vidéos de soi non consenties. J'avais beaucoup de mal à sortir de chez moi.
     Je me suis absentée de mon travail. Je travaille au même endroit depuis plus de 16 ans et j’ai un dossier irréprochable. J’ai travaillé très fort à bâtir ma réputation professionnelle, et tout cela a été détruit, Pornhub s’en fichait lorsque je l'ai contacté à plusieurs reprises... Il a fallu que j'intente une poursuite au civil personnellement et qu'un article paraisse dans le New York Times pour que mes vidéos disparaissent soudainement. Même après avoir envoyé un courriel à ses services juridiques... Comme je l’ai dit, c’est seulement mardi de cette semaine qu’il a enfin communiqué avec moi pour me dire qu’il avait fini d’examiner le contenu, qu'il allait en garder le marquage numérique et le retirer de façon permanente de son site.
    Cela ne fait rien pour réparer les torts qui ont été causés et limiter la diffusion et le téléchargement des vidéos.
(1505)
    Merci d’être venus témoigner devant le Comité.
    L’une des choses que j’ai réclamées, c’est que, pour tout contenu téléversé sur Internet, l’âge et le consentement soient vérifiés et contrevérifiés au préalable. Est-ce une mesure que nous devrions préconiser?
     Le problème, dans le cas de mes vidéos, c’est qu'il y a eu vérification. On a prétendu que la plupart avaient été vérifiées par Laura et Lauri d’Helsinki, en Finlande. J’ai eu des flashs qui m'ont rappelé les faits.
     Mon ex et moi sommes allés à Las Vegas, au Nevada, avec un groupe de ses amis. Lorsque nous sommes arrivés, nous sommes d'abord allés dans une pharmacie, et il a acheté divers produits comestibles et d'autres articles. Quand nous sommes retournés à l’hôtel, on m’a donné des choses à manger. Nous avons fumé de la marijuana et on m’a donné un verre.
    Je ne sais pas ce qu’il y avait dans la boisson. Je crois avoir été droguée, car je ne me souviens plus des faits. J’ai parlé à ma mère au téléphone le lendemain de mon arrivée. Elle m’a demandé comment s’était passé le voyage et je lui ai répondu que je n'avais aucun souvenir de la veille. Elle s'est inquiétée. Elle pensait que Brandon, mon ex, avait fait quelque chose de répréhensible, mais à ce moment-là, nous formions un couple et j’ai pris la défense de Brandon. Je me suis dit que ma mère ne faisait que se comporter en mère.
    Au cours de la vérification, une photo a été téléchargée pour laquelle Brandon m'a dit quelle pose prendre. Il est évident que la photo a été retouchée. Tellement que la jambe est déformée de la hanche jusqu'au genou. On voit dans l'image utilisée pour faire la vérification qu'il y a une énorme distorsion, tout comme dans les photos de revue ou autres qui ont été modifiées avec Photoshop au point que les inexactitudes ressortent. Si Pornhub avait examiné la photo attentivement, il l'aurait remarqué. Le problème, c'est qu'il avait de moi une photo nue à produire avec mes vidéos pour prétendre qu'il y avait eu consentement. Il a téléchargé les passeports — c'est Laura et Lauri qui l’ont fait — pour dire que ces vidéos... Même si les sujets sont vérifiés, il y a un problème dans les modalités de vérification.
    Si vous avez un sujet vérifié, cela ne veut pas dire qu'il faut refuser d'écouter les victimes lorsqu’elles viennent dire que ce sont elles qui sont dans les vidéos. J'ai envoyé à Pornhub, comme je l'ai dit, une photo de ma tache de naissance. Des photos de moi nue. Les indications de signes particuliers sur mon corps qui correspondaient. J’ai même fait remarquer que les vidéos sont inscrites sous mon nom, et je dis le nom de mon ex dans la vidéo. Il y a une preuve audio. On entend ma voix dans cette vidéo.
    Je le répète, je n’ai reçu aucune réponse avant mardi de cette semaine. Tout à coup, même s’il n’admet pas que ce que j’ai dit est vrai, Ponhub a décidé de supprimer le compte Vicky Lust et d’en prendre le marquage numérique.
    Si l'entreprise est autorisée à poursuivre ses activités et peut avoir des sujets vérifiés, la vérification devrait être meilleure. D'après mes recherches, bien des entreprises qui produisent de la pornographie doivent avoir une licence d'exploitation avant de pouvoir télécharger du contenu. Le simple fait qu'un quidam présente une photo nue qui est tronquée et où ma tête ne paraît pas ne devrait pas suffire pour qu'un sujet soit considéré comme vérifié.
(1510)
    Tout cela n’aurait jamais dû vous arriver.
    Merci, monsieur le président.
     Merci.
    Monsieur Dong, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Tout d’abord, je tiens à remercier les témoins. Vous faites preuve d’un grand courage en venant parler de vos expériences bouleversantes avec Pornhub. Vous vous exprimez au nom de bien d’autres personnes et je tiens à vous en remercier.
    Madame Galy, dans votre témoignage, vous avez dit que vous avez essayé de communiquer avec Pornhub, au point que vous vous êtes fait répondre que vous pouviez bien aller de l’avant et intenter des poursuites, parce que vous devriez le faire à Chypre. Pouvez-vous nous en dire un peu plus? Que vous a-t-on dit? Pourquoi ces gens-là se sentent aussi bien protégés, intouchables?
    Nous sommes ici pour apporter des correctifs, pour enquêter sur ce qui a été fait aux personnes vulnérables dont nous avons entendu parler jusqu’à maintenant.
     J’ai les courriels par lesquels j’ai communiqué.
    Au départ, lorsque j’ai commencé à préparer ma poursuite civile en personne contre Pornhub, j’ai cherché à savoir s’il y avait un agent enregistré pour la signification des documents au Tennessee, car c’est là que j’habite. Bien sûr, aucune réponse. J’ai trouvé une base de données qui donnait une liste de fournisseurs de services Internet et une liste de leurs agents enregistrés pour la signification des documents.
    J’ai constaté, à ce moment-là, qu’il y avait un agent enregistré pour la signification des documents en Californie, et c’est là que j’ai d’abord tenté d'entreprendre des démarches. C’était CT Corporation, en Californie. Lorsqu’elle a reçu l’assignation du greffier, elle m’a écrit que l'entreprise n'était pas inscrite chez elle et qu'elle n’était pas en mesure de lui signifier quoi que ce soit.
    C’est à ce moment-là que j’ai commencé à communiquer de nouveau avec les services juridiques de Pornhub et à leur demander s’ils avaient un agent enregistré pour les significations, parce que je n’avais rien trouvé. C’est à ce moment que Chantale Pittarelli, directrice des services juridiques, m’a dit que les documents devaient être signifiés à Chypre. J’ai un courriel d’elle qui me donne essentiellement l’adresse pour la signification des documents.
    Je lui ai demandé à qui au juste je devais m'adresser. Qui accepterait la signification? Dois-je la présenter au propriétaire de MG Freesites Ltd.? Elle m’a essentiellement dit que non, qu’il suffisait de l’envoyer à MG Freesites Ltd. à telle adresse à Chypre. Comme je l’ai dit, j’ai commencé à faire des recherches et j’ai constaté qu’en vertu de la Convention de La Haye, la signification pouvait se faire par la poste.
    J’ai envoyé le document, mais la poste ne m'a remis aucun avis disant si la signification avait été faite ou non. On m’a dit que cela prendrait au moins deux semaines. Il y a une semaine que cela a été envoyé, alors je ne sais pas si je réussirai, si quelqu'un signera. On pourrait refuser parce que c'est en anglais et exiger une traduction dans une autre langue. Je pense que la Convention de La Haye contient ces dispositions précises.
    Même si j’espère obtenir la signification du document, il n'y a toujours rien de garanti. Comme je l’ai dit, le destinataire a le droit de refuser le document parce qu'il est en anglais, et ce n’est peut-être pas leur langue première.
    Merci, madame Galy.
    Ma deuxième question s’adresse à tous les témoins.
    Nous avons déjà entendu dire que, délibérément, Pornhub rend très difficile le retrait des vidéos. Il exige de la personne une pièce d’identité, une preuve que c'est elle qui se trouve dans la vidéo. C'est ce qui s'est passé pour vous chez Pornhub? Avez-vous eu à fournir de multiples pièces d’identité pour prouver que vous étiez la personne qui se trouve dans la vidéo?
    Nous pouvons commencer par Mme Galy, qui sera suivie des témoins un et deux.
(1515)
     Pour ce qui est des pièces d’identité, on ne m’a jamais demandé de permis de conduire ni quoi que ce soit du genre. Comme je l’ai dit, j’ai préparé une présentation PowerPoint claire avec, essentiellement, des photos de tout mon corps correspondant, côte à côte, avec les représentations de la personne dans la vidéo: ma tache de naissance et un acrochordon que j'ai à un endroit intime. Il s’agissait d’une présentation PowerPoint très détaillée — de plus d’une centaine de pages, je crois — qui montrait pourquoi c’était moi et pourquoi ce n’était pas Laura et Lauri, le couple qui a revendiqué mes vidéos. Il est clair que le couple qui se trouve dans les vidéos ne correspondait pas à celui qui les revendiquait.
    Pour répondre à votre question, non, on ne m’a jamais demandé de fournir des pièces d’identité. Après le refus initial du retrait, j’ai volontairement fourni cette présentation dans l’espoir d'être entendue et que la vidéo soit retirée.
    Merci.
    Je m’adresse aux deux autres témoins. Si vous n’êtes pas à l’aise d’y répondre, je vais passer à ma prochaine question.
    On ne m’a jamais demandé de preuve de mon identité, mais je crois que... [Difficultés techniques] ... ai fourni des codes de référence de la police dès le début, lorsque j’ai communiqué après avoir pris contact avec la police.
    Allez-y, je vous en prie.
    Je n’ai pas eu à fournir de pièce d’identité ni quoi que ce soit d’autre non plus. Pour être juste, la GRC avait déjà parlé à l'entreprise de cette vidéo, et c'est pourquoi, je suppose, elle était un peu plus disposée à en retirer une partie. Mais elle ne l'a toujours pas fait, en réalité.
     Merci.
    Je n’ai plus de questions, monsieur le président.
    Merci, monsieur Dong.
    Nous allons passer à Mme Gaudreau.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je dois me contenir, mesdames. Je vous dis d'emblée que vous êtes des femmes courageuses. Je vous remercie de vos témoignages, car vous savez que cette réunion — ce qui est en train de se passer —, est publique.
    On considère aujourd'hui qu'il faut dénoncer, qu'il faut expliquer. Vous êtes pourtant encore aux prises avec le processus de victimisation, et ce le sera pour longtemps. Nous l'avons bien perçu dans vos témoignages.
    Nous voudrions tous pouvoir reculer, mais, comme je l'ai dit à d'autres, ce que vous faites va marquer la suite des choses. Nous, les législateurs, nous retenons une chose très précise de vos témoignages, c'est qu'il est urgent d'agir.
    J'ai tous les éléments nécessaires pour conclure qu'il faut agir extrêmement rapidement. C'est une question de dignité, de respect et de protection des renseignements personnels. Vos témoignages nous permettent de démontrer à quel point c'est urgent.
    J'aimerais vous offrir quelques minutes, si vous le souhaitez, pour que vous puissiez adresser un court message aux femmes qui sont présentement dans la même situation que vous. J'aimerais aussi vous offrir une tribune, vous donner l'occasion de formuler une requête à l'intention des administrateurs qui nous ont dit, à la dernière rencontre, qu'ils n'étaient pas vraiment au courant qu'il y avait eu des difficultés dans la gestion du consentement ou du retrait de vidéos. Je vous offre quelques instants pour pouvoir le faire devant un public.
    Est-ce que l'invitée no 1 voudrait commencer?
(1520)

[Traduction]

    Je tiens à vous remercier de nous avoir donné l’occasion de comparaître, car une partie du problème, pour moi, est la tentation d’assumer une grande partie de la honte de ce qui est arrivé. Il est important que les gens qui nous regardent et qui ont le même problème sachent que ce qui s’est passé n’est pas de leur faute. Ils n'ont à assumer aucune honte pour le comportement criminel de quelqu’un d’autre. Il ne faut pas rester seul non plus, car le silence aggrave le préjudice.
    En ce qui concerne les gens de Pornhub, très franchement, ce sont des menteurs. Ils étaient parfaitement au courant. Le jour où ils ont protesté de leur empressement et de leur profonde sollicitude, ils avaient encore des échanges de courriels avec moi. Et il semble que ce soit la même chose avec quelques autres personnes ici présentes. Ce n'est pas un problème qu'ils ont réglé il y a deux, trois ou cinq ans, ce qui leur permettrait aujourd'hui de se présenter comme des bons gars. Je leur ai envoyé tellement de courriels. Les policiers vous ont parlé de cette vidéo. Alors pourquoi suis-je encore toute nue sur Internet?
    À deux reprises, ils m’ont envoyé le lien Google et m’ont dit de régler le problème moi-même. Une fois, ils m’ont dit que mes vidéos n’existaient même pas sur leur site, que je devrais probablement m'adresser aux responsables du site où ils se trouvent. Mais j’ai des copies de ce que je leur ai envoyé. Je leur ai envoyé des liens vers leur propre site. Je leur ai envoyé des captures d’écran. Ils n’avaient même pas pris la peine de chercher quoi que ce soit.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.
    Est-ce que l'invitée no 2 aimerait aussi transmettre un message aux victimes ainsi qu'aux administrateurs du programme?

[Traduction]

    Oui. Je dirais aux autres femmes et filles qui éprouvent les mêmes problèmes que plus seront nombreuses celles qui raconteront ce qui leur est arrivé, plus nos voix auront de force et plus les gens prêteront attention à ce qui se passe.
     Quant aux gens de Pornhub, ce sont des menteurs. Je n'accepte pas que, dans leur témoignage, ils se soient servis d'enfants pour prouver leur empathie à notre égard. Ils aiment bien dire qu'ils ont des enfants et comprennent à quel point ce doit être pénible. À mes yeux, le fait qu'ils aient des enfants rend leurs crimes encore plus odieux. Ils savent ce qui se passe dans leur entreprise et ils n'ont rien fait pour y mettre bon ordre.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

     Merci beaucoup.

[Français]

    Souhaitez-vous intervenir, madame Galy?

[Traduction]

    Merci, madame Gaudreau.
    Nous allons maintenant passer à M. Angus.
    Je tiens à vous remercier de votre courageux témoignage, qui nous ébranle. Ce que vous faites aujourd’hui est important...

[Français]

    Je vous prie de m'excuser, monsieur le président. Mon microphone était ouvert.

[Traduction]

    Pas de problème.
    Monsieur Angus, vous avez la parole.
    Merci.
     Je tiens à remercier les témoins de leur incroyable courage. En tant que père, je ne peux même pas imaginer le traumatisme que vous avez vécu.
    Je vais vous demander de passer en revue avec moi certaines questions. C’est très important, car le Comité se comporte comme un tribunal, en un sens. Il recueille des témoignages et, à partir de là, rédige des rapports pour le Parlement, disant s'il y a lieu ou non de modifier des lois ou expliquant pourquoi les lois existantes ne sont pas appliquées.
    Si vous voulez bien me donner des réponses claires et simples, cela nous aidera dans notre travail.
    Je m'adresse au témoin 2. Vous ai-je bien entendu dire que vous aviez 15 ou 16 ans quand tout a commencé?
    Oui.
    Vous étiez mineure. Au Canada, les images des personnes de moins de 18 ans sont considérées comme non consenties. Elles répondent au critère de la pornographie juvénile.
    Lorsque M. David Tassillo a témoigné devant le Comité, et c’est la même chose qu'un témoignage sous serment, il s'est fait demander: « Que pensez-vous de l'idée d'imposer le fardeau de la preuve à votre entreprise, dès le départ, et d'enlever ce fardeau aux enfants? » M. Tassillo a répondu: « Jamais je n'imposerais le fardeau de la preuve aux enfants. C'est à nous qu'il incombe. »
    Compte tenu des efforts que vous avez faits pour retrouver le contrôle de votre vie et récupérer vos images intimes, diriez-vous que Pornhub ne nous a pas dit la vérité? Est-ce vous qui avez dû assumer le fardeau pour vous défendre et faire retirer ces images horribles? Est-ce votre perception des choses?
(1525)
    Oui, absolument. Je devais constamment essayer de trouver ces vidéos et ces images moi-même. Pornhub ne m'a apporté aucune aide... [Difficultés techniques]
    Merci. Vous avez dit que ces gens sont des menteurs. Est-ce exact? L'avez-vous bien dit?
    Oui.
    Je m'adresse maintenant au témoin 1. Vous avez également accusé Pornhub de mentir. Je suis inquiet, parce que vous parlez de l’image miniature des abus auxquels vous avez été soumise. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais cette image miniature vous montre sans vos vêtements?
    Oui.
    D’accord.
    Aux termes de l’article 162.1 du Code criminel du Canada, est coupable d’une infraction « quiconque sciemment publie, distribue, transmet, vend ou rend accessible une image intime d’une personne, ou en fait la publicité, sachant que cette personne n’y a pas consenti ».
    Vous n’avez pas donné votre consentement à Pornhub pour cette image personnelle qui est encore là aujourd’hui.
    Non, bien sûr que non.
    Bien sûr que non. Vous dites que c’est le jour 1 192. J’ai trouvé cela très émouvant, car il me semble que ce traumatisme permanent... Vous avez dit que Pornhub vous avait conseillé d’aller sur Google pour retirer cette image.
    Oui, dans mon premier formulaire, j'ai expliqué que j’avais d’abord essayé de la retirer de Google, parce que cela fonctionne si le contenu n’existe pas, mais Google a répondu qu’il ne pouvait rien faire parce que le contenu existait toujours et que je devais communiquer avec l’hôte du site.
    D’accord.
    Je leur ai expliqué tout cela.
     Avez-vous des courriels qui témoignent de vos tentatives de traiter avec Pornhub et que vous seriez prête à communiquer au Comité? Nous ne rendons pas ces documents publics. Nous cherchons simplement à recueillir des preuves. J'adresse la même demande au témoin 2, si madame à des documents. Lorsque nous avons accueilli Serena Fleites, qui m'a semblé être un témoin vraiment convaincant, il a été vraiment étonnant que Pornhub dise n'avoir aucune trace de communications avec elle. Il y a quelque chose qui cloche. Si vous avez ce genre de courriels et de lettres, ce serait très utile.
    Je vais maintenant m'adresser à Mme Galy, car je n’ai pas beaucoup de temps. Nous avons posé à Pornhub deux questions qui, à mon avis, sont très importantes pour votre témoignage.
    À propos des conditions d'utilisation, j'ai demandé au témoin de Pornhub pourquoi des gens comme vous qui ont des plaintes doivent faire des démarches à Chypre, puisque l'entreprise est inscrite au Canada. Il a semblé très étonné que je parle de Chypre. On dirait qu’il n’a jamais lu son propre mandat. Il est le PDG de l’entreprise. « Nous nous conformons aux lois canadiennes. La mention de Chypre est inutile. » Il a ajouté qu’il nous répondrait par l’entremise de son « avocat-conseil », mais il a affirmé: « Il est clair que nous sommes au Canada. Nous nous conformons à la loi canadienne. »
    Est-ce l’impression qu’ils vous ont donnée? Pourquoi avez-vous eu l'impression que vous deviez aller à Chypre pour obtenir justice de Pornhub et faire retirer vos images non consensuelles?
     J’ai en fait un courriel qui me vient directement de la directrice de ses services juridiques qui m’a dit exactement où je devrais faire signifier les documents, et qu’il n’y avait pas d’agent enregistré pour cela aux États-Unis. J'ignore ce qui en est au Canada, mais aux États-Unis, où je me trouve, il n'y en a pas. J’ai reçu un courriel, comme je l’ai dit, de la directrice des services juridiques, dans lequel il est affirmé sans ambiguïté que je dois faire signifier les documents à Chypre.
    D’accord.
    Vous avez dit que vous avez été contrainte d’envoyer des photos de vous-même, ce qui, à mon avis, est incroyablement traumatisant. Pourtant, lorsque nous avons demandé si le témoin Serena Fleites avait dû envoyer des photos d’elle-même, les représentants de Pornhub ont semblé très étonnés. Ils ont dit que cela allait à l’encontre de leur politique. À votre avis, ont-ils dit la vérité au Comité ou l'ont-ils induit en erreur?
(1530)
    Ils ne m’ont jamais dit que je devais soumettre cela. C’est simplement qu’ils n’ont pas... Ils m’ont dit que c’était un sujet vérifié et que le contenu ne serait pas retiré parce que quelqu’un d’autre le revendiquait. En désespoir de cause, pour faire retirer ces vidéos, j’ai préparé une présentation PowerPoint, au départ pour le service de police, afin de montrer, comme je l’ai dit, les marques de naissance et divers signes indéniables — ainsi que ma voix — sur les vidéos pour essayer d'amener Pornhub à m'écouter. Personne ne m'a demandé cette présentation. Je l'ai produite de mon plein gré.
    D’accord. Si vous avez des courriels que vous êtes prête à transmettre au Comité, ce serait utile.
    Monsieur le président, je demande votre indulgence. Serait-il possible de demander des précisions à M. Bowe?
    Si les membres du Comité n'ont pas d'objections, je considérerai cela comme un consentement.
    Merci.
    Monsieur Bowe, je voulais vous poser la question suivante, car vous connaissez bien mieux que moi le droit américain. Les représentants de Pornhub nous ont dit qu’ils étaient vraiment été étonnés que, selon leur mandat, Mme Galy ou n’importe qui d’autre doive aller à Chypre pour faire signifier des documents. Ils disent que leur société est inscrite au Canada. Elle est très facile à trouver.
    Quelle serait la procédure normale pour traiter une plainte comme celle-ci dans le cas d’une femme du Tennessee, par exemple, ou de tout autre État américain qui s’adresse à une entreprise comme Pornhub? Pourquoi aller à Chypre?
    Monsieur Bowe, pouvez-vous enlever la sourdine et vous exprimer? Je ne sais pas si tout est bien branché. J’espère que oui.
     Tout semble fonctionner Pouvez-vous m’entendre?
    Oui, nous le pouvons.
    Nous ne pensons pas qu’il soit nécessaire d’aller à Chypre, et lorsque nous présenterons des revendications, nous n’irons pas à Chypre.
     Toutefois, cela soulève un point important qui dépasse la portée de cette audience. Il s’agit d’une entreprise qui a une structure internationale de sociétés fictives. Si vous donniez un cours sur l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent et la réduction des impôts, vous parleriez de ce genre de structure. Elle est conçue pour qu’il soit difficile de savoir où intenter des poursuites et contre qui, et qu’il soit impossible à quiconque n'est pas un avocat qui exerce le droit depuis 30 ans dans ce genre de contexte de savoir où se tourner.
    Non, nous pensons que Pornhub est assujetti à la compétence des États-Unis et à celle du Canada. Je vais m’arrêter là. Je pourrais continuer encore longtemps, mais il s’agit d’une structure qui n’a aucune caractéristique d'une entreprise légitime.
     Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Angus.
    Chers collègues, nous n’avons plus de temps, mais je vais me prévaloir de la prérogative de la présidence. Si des membres du Comité ont une très brève question à poser afin d’apporter des précisions supplémentaires aux témoignages que nous avons entendus, je suis prêt à accepter de brèves questions. Les députés peuvent me faire signe en levant la main. Je ne vois personne se manifester.
    Je tiens à remercier les témoins qui viennent de comparaître. Merci à la fois de votre patience et de votre témoignage. C’était très pénible pour vous, j’en suis sûr, et nous vous sommes très reconnaissants du travail que vous avez fait pour préparer votre témoignage à cette séance du Comité, pour vous préparer vous-mêmes, et du courage dont vous avez fait preuve en parlant publiquement de votre expérience. Merci beaucoup.
    Chers collègues, nous allons maintenant suspendre la séance pendant quelques instants afin de permettre à d’autres témoins de se joindre à nous. Nous reprendrons ensuite nos travaux le plus tôt possible.
    Nous allons suspendre la séance pendant une minute.
(1530)

(1535)
    Chers collègues, nous reprenons nos travaux.
    Pour la prochaine partie de notre réunion, nous accueillons trois témoins, qui nous apporteront d'autres témoignages. Nous remercions ces témoins de se joindre à nous.
    Nous accueillons Francis Fortin, de l’Université de Montréal. Il est professeur agrégé à l’École de criminologie. Nous souhaitons aussi la bienvenue à Laila Mickelwait, qui est la fondatrice du #Traffickinghub Movement, et à Megan Walker, directrice générale du London Abused Women’s Centre.
    Nous vous remercions infiniment d’être parmi nous cet après-midi.
    Nous allons donner la parole à M. Fortin pour sa déclaration liminaire. Les deux autres témoins livreront ensuite leur témoignage, puis nous poserons des questions aux trois témoins.
    Monsieur Fortin, à vous.

[Français]

    Madame la greffière et membres du Comité, je suis très content d'être ici avec vous cet après-midi.
    Je m'appelle Francis Fortin. Je suis professeur adjoint à l'École de criminologie de l'Université de Montréal et chercheur au Centre international de criminologie comparée. Mes travaux de recherche portent sur le cybercrime et l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet. Auparavant, j'ai travaillé pendant 12 ans dans le domaine des cyberenquêtes et du renseignement criminel à la Sûreté du Québec. J'ai rédigé plusieurs articles scientifiques. J'ai publié trois livres sur cette question et une dizaine de chapitres sur les cyberpédophiles.
    Étant donné que mon temps de parole est très limité, j'ai choisi de séparer mon exposé en trois parties. D'abord, je vais commencer par les pistes de solution en lien avec la conformité des entreprises. Ensuite, je vais aborder la question de l'accompagnement des victimes. Pour terminer, je vais parler de prévention et de recherches.
    Avant d'aborder ces trois parties, je vais vous parler de l'état de la question. Si vous demandez aux agences d'application de la loi combien de grandes familles de dossiers elles traitent, elles vous répondront qu'il y en a principalement deux. Premièrement, quand il s'agit de mineurs, on parle souvent d'une voie rapide. Au Canada, il y a une série de mesures juridiques qui visent à faciliter le retrait de certains contenus pédopornographiques.
    Deuxièmement, dans les cas où il s'agit de personnes majeures, il y a quand même un flou juridique. Par exemple, une personne majeure peut porter plainte à la police et se faire dire que sa plainte relève du litige civil. C'est l'exemple que vous a donné une témoin tout à l'heure. Bref, cela se transporte dans le domaine civil, et le fardeau de faire les démarches revient à la personne qui porte plainte. À mon avis, c'est un peu problématique.
    Le mouvement lié à la pornographie vengeresse est apparu il y a déjà plusieurs années, et cette pratique n'est pas en train de ralentir. Au Canada, à ma connaissance, il n'y a toujours pas de mesure active qui permet d'y répondre.
    Je vais commencer par vous parler des pistes de solution. Cela passe par la responsabilisation des fournisseurs de contenus pour adultes. L'utilisation des signatures numériques a été évoquée par l'une des témoins qui ont comparu ce matin. Il existe plusieurs initiatives dignes de mention, qui sont déployées notamment par les agences d'application de la loi. Les policiers vont garder des banques de données d'images de contenu pédopornographique, et ils utiliseront aussi les signatures numériques. Tout à l'heure, on a évoqué la dactylotechnie. Il faudrait être en mesure de diffuser ces images sur toutes les plateformes, dont Google, Apple, Facebook et Amazon, ou GAFA. Je sais que Google et Facebook utilisent les listes qui leur sont fournies aux États-Unis. Il faudrait obliger ces plateformes à bloquer les contenus qui ont déjà été préalablement désignés comme étant illégaux.
    Il y a un autre dossier épineux: l'obligation de dénoncer. Il y a énormément de travail à faire pour conscientiser les géants du Web à la nécessité de dénoncer. À l'heure actuelle, le mot d'ordre, c'est davantage de supprimer le contenu ense disant qu'il n'y a rien à faire. Je constate que la situation est encore pire chez ces géants du Web. Ils refusent même de simplement effacer le contenu. Nous sommes donc très loin de la possibilité de faire appel à la collaboration de ces plateformes et de les inciter à porter plainte auprès des autorités. Il faut qu'il y ait des dénonciations si nous voulons enquêter sur des suspects dont l'activité est récurrente.
    Une autre mesure possible serait d'empêcher la diffusion anonyme de contenus. Nous pouvons facilement comprendre que, si l'identité des individus qui diffusent des contenus est connue et validée, cela entraînera une baisse importante des risques associés aux contenus illégaux. Cela permettrait aux plateformes d'avoir des fournisseurs de contenus fiables. Les nouveaux abonnés devraient éventuellement faire leurs preuves et obtenir la confiance de ces plateformes.
    Par ailleurs, il y a la question des litiges, qui a aussi été évoquée par l'une des témoins. L'un des avantages de la prise en charge du dossier par la police, c'est qu'une évaluation sera entreprise afin de savoir si la plainte est fondée.
(1540)
     À mon avis, cette étape est importante. Je ne pense pas que les plateformes, les fournisseurs de contenus ou bien d'autres personnes devraient faire l'évaluation de ces litiges, surtout dans les cas où il y a consensus. Je vais revenir à cet aspect tout à l'heure.
    L'une des mesures serait de permettre un retrait rapide du contenu visé.
    De tous ces dossiers dont vous avez entendu parler, ce qu'il faut retenir, c'est qu'il s'agit d'une course contre la montre. Afin que les parties puissent respecter leurs obligations juridiques, il pourrait s'avérer pertinent que, suivant la validation d'un motif raisonnable, les entreprises puissent suspendre rapidement l'accès au contenu, et ce, même avant d'avoir établi la culpabilité. Dans ce cas, un motif raisonnable pourrait mener à la suspension du contenu rapidement.
    Pour soutenir les mesures, je pense qu'il faudrait envisager la délivrance d'une licence d'exploitation. L'ensemble des mesures pourraient faire partie des exigences en matière de conformité que les entreprises devraient satisfaire pour mener leurs activités. On pourrait donc envisager l'adoption d'une norme ISO ou bien la délivrance d'une licence d'exploitation au Canada.
    La deuxième grande mesure serait l'accompagnement des victimes.
    À la suite des témoignages des victimes, nous avons pu constater que celles-ci se retrouvaient souvent seules à se battre contre une situation qu'elles ne comprenaient pas et qu'elles vivaient pour la première fois. Cela était donc excessivement difficile pour elles.
    Essentiellement, il faudrait entamer un virage pour mieux aider les victimes. Pour ce faire, il faudrait envisager la création d'un poste d'accompagnateur. Dès la connaissance de la diffusion de contenus problématiques sur une plateforme, une personne, qui agirait comme un accompagnateur, pourrait être mobilisée.
    Ainsi, toutes les personnes et tous les intervenants de première ligne, comme les policiers, qui recevraient un nouveau dossier demanderaient l'aide de la personne désignée pour accompagner une victime, et cette personne aurait pour mandat d'analyser rapidement le bien-fondé du dossier et de prendre rapidement les mesures qui s'imposent. L'avantage de cette mesure serait que l'accompagnateur pourrait aider la victime en s'appuyant sur une connaissance des démarches à entreprendre et des personnes avec qui communiquer chez les principaux fournisseurs. Il n'y aurait donc pas ce jeu du chat et de la souris consistant à demander à la victime de faire elle-même les démarches et de rechercher qui est le responsable sur le plan juridique. Il n'y aurait qu'un seul interlocuteur pour les différentes plateformes.
    On pourrait donc établir une liste de tâches à accomplir dans l'éventualité où surviendrait un incident de ce type. Je peux comparer cela aux démarches à entreprendre dans le cas d'un sinistre. D'une part, les policiers s'occuperaient de l'enquête et de la répression et, d'autre part, l'accompagnateur viendrait « gérer le sinistre » et pourrait, voire devrait, avoir des pouvoirs à la hauteur de ses besoins.
    On pourrait envisager de faire travailler conjointement cette personne avec les corps de police et les organismes qui se consacrent à la lutte contre l'exploitation sexuelle. De plus, certains organismes, comme des groupes d'aide aux victimes, voire le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, pourraient fort bien assumer éventuellement ce rôle.
    On pourrait également envisager la création d'une équipe spéciale axée sur les victimes. Cela serait tout à fait inédit. Cette équipe travaillerait conjointement avec les corps de police et des accompagnateurs, et elle disposerait de tous les outils juridiques nécessaires pour traquer les contenus. On obtiendrait certainement de l'information sur les suspects, mais cela ne ferait pas partie du mandat. On pourrait transférer les dossiers aux intervenants responsables de mener l'enquête, et continuer à faire la chasse aux contenus tout en s'assurant de la conformité des entreprises aux mesures adoptées. Il serait toutefois plus facile à l'équipe spéciale de faire son travail si l'on instaurait au Canada un processus de licence, comme je l'évoquais un peu plus tôt, ou bien si elle pouvait disposer des coordonnées des personnes responsables.
    L'autre élément sur lequel il faudrait continuer à travailler est celui de la prévention dans les écoles.
    Il faut continuer à expliquer aux jeunes l'importance de l'image. En effet, les victimes font facilement confiance aux personnes ou à la technologie. On a vu beaucoup de dossiers où des jeunes ont fait confiance à des applications comme Snapchat avec la certitude que le contenu serait effacé. Hélas, certains se sont rendu compte qu'il y avait eu des divulgations non consensuelles d'images.
(1545)
    Pour terminer, je vous parlerai de l'importance de la recherche.
    Au Canada et aux États-Unis, les données probantes sur le phénomène sont inexistantes. La question de l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet est difficile à mesurer. Je proposerais des mesures pour faciliter l'accès à des données, de faire des accommodements pour les chercheurs, comme moi, qui ont besoin de données probantes afin d'être en mesure de fournir des conseils sur les façons d'orienter des politiques.
    Je m'intéresse à ce problème depuis bientôt 20 ans. Je ne pense pas que nous pouvons faire confiance à l'industrie pour s'autoréglementer. Vous en avez eu des exemples assez probants.

[Traduction]

     Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre la déclaration d'ouverture de Mme Mickelwait.
    Avant de commencer, j'ai une mise en garde à faire au Comité et à ceux qui nous suivent en ligne: je parlerai de violence sexuelle en termes très offensants et explicites. Pas par recherche de sensationnalisme, mais parce que j'estime important de donner au Comité une idée et une compréhension exactes de la situation du contenu de Pornhub sans mâcher mes mots.
    Je demanderais au Comité de garder à l'esprit que le directeur général, Feras Antoon, lui a déclaré que « chaque élément de contenu est vu par nos modérateurs humains » — chaque élément de contenu.
     Le directeur des opérations, David Tassillo, a dit: « Aucune vidéo ne devrait être étiquetée dans l'une ou l'autre de ces catégories [pornographie juvénile ou actes non consensuels]. Il est interdit d'utiliser ces catégories sur notre site, tout comme les mots-clés. » Ils ont dit: « ... les images d'exploitation sexuelle des enfants n'ont pas leur place sur notre plateforme. Cela nous fait perdre de l'argent. »
    Je trouve important de faire entendre le cri des survivantes, et je veux lire quelques citations et témoignages de survivantes qui ont communiqué avec moi au cours de la dernière année.
    Kate a dit: « J'avais 15 ans. Mon ex en avait 20. Il était dans les vidéos d'amateur et ce genre de choses, et il a filmé une de nos relations sexuelles. Un jour, il m'a dit: « J'ai quelque chose à te montrer. » Il est entré dans Pornhub sur son téléphone et m'a montré une vidéo qu'il avait publiée de nos ébats sexuels. J'ai tenté de communiquer avec Pornhub pour demander son retrait, mais on ne m'a jamais rappelée ni fait quoi que ce soit à ce sujet. Il avait aussi mis mes photos sexy sur son compte. Des hommes et des femmes adultes me voyaient et me regardaient. Je suis dégoûtée. »
    Beth a dit: « J'avais 16 ans, et j'étais saoule lors de la fête d'un ami. Je me suis réveillée. J'étais nue, et des photos de moi étaient sur Pornhub, avec mon nom et mon numéro de téléphone. J'ai reçu des appels et des textes, au point que j'ai dû changer mon numéro. »
    Nicki a dit: « À 14 ans, j'ai pris une décision qui a changé ma vie. Pendant un appel sexuel sur FaceTime, je lui ai montré des parties intimes de mon corps. Je l'ignorais sur le coup, mais il m'enregistrait et il a téléchargé la séquence dans Pornhub. Le titre de la vidéo comportait même les mots « jeune adolescente », mais ce n'était pas suffisant pour que Pornhub en fasse l'analyse et vérifie que c'était consensuel ou légal. Des années plus tard, mes camarades de classe l'ont trouvée sur le site Web et m'en ont parlé. J'avais alors 16 ans. La première avait été visionnée plus d'un million de fois. Nous l'avons fait retirer, mais une vidéo identique a été publiée et republiée à maintes reprises. J'ai porté plainte à la police, qui a ouvert une enquête. La police a bien communiqué avec Pornhub pour la faire supprimer, mais elle est réapparue. Pendant cette période de publications multiples, j'ai été victime d'intimidation de la part de toute mon école. Tous les garçons et les filles de mon école secondaire ont vu mon corps, et cela a changé ma vie. »
    Sarah a dit: « J'ai découvert qu'une vidéo explicite de moi était affichée sur Pornhub. J'étais mineure. Je ne l'avais envoyée à personne, pour autant que je me souvienne; elle a été piratée sur mon téléphone. J'étais horrifiée, j'ai dénoncé, et j'ai porté plainte. La police a pris ma déclaration. J'attends que le détective me contacte. Même si elle a été retirée, la vidéo pourrait toujours réapparaître. Cela pourrait ruiner ma vie et mon avenir. Je suis terrifiée et traumatisée. »
    Anastasia a dit: « Le site Pornhub contient une vidéo de moi, qui a été tournée à mon insu, du temps que j'étais mineure. Elle y est toujours, malgré mes multiples interventions, où j'ai déclaré que j'étais mineure dans la vidéo et que celle-ci a été prise et publiée sans mon consentement. »
    Linda a dit: « J'ai aujourd'hui 20 ans, et je suis une survivante du trafic sexuel et pornographique des personnes. À neuf ans, ma mère biologique m'a vendue en échange de drogues et d'argent. Cela a duré jusqu'à ce que je sois rescapée à 17 ans et placée dans un foyer-refuge. Pendant huit ans, j'ai été violée et battue, et la vidéo a été enregistrée par des centaines d'hommes, de femmes et de couples mariés. Je n'ai jamais cru vivre jusqu'à 18 ans. J'ai été hospitalisée des douzaines de fois; une fois, après avoir été forcée de boire de l'ammoniac et m'être évanouie, j'ai été violée pendant des heures, la bouche et la gorge en feu. J'ai été contrainte d'avoir des relations sexuelles avec d'autres enfants, surtout des jeunes filles. J'en ai encore des cauchemars et un TSPT extrême, mais ce n'est pas juste que ma vie soit maintenant si pénible parce que j'ai été plongée dans la pornographie dans mon enfance. J'ai dû faire appel à la police à plusieurs reprises pour faire retirer de RedTube ces vidéos — qui appartenaient à MindGeek, et à Pornhub — des viols de la mineure que j'étais. Je ne comprends pas pourquoi c'est si difficile. S'il vous plaît, ne laissez plus ces gens-là faire de l'argent avec la torture et la coercition des enfants. Ce n'est pas juste. »
(1550)
     Keira a dit: « À 15 ans, j'ai été filmée contre mon gré pendant un acte sexuel, et la vidéo a été téléchargée sans mon consentement sur Pornhub par un autre adolescent: et il n'y avait pas moyen de confirmer l'âge ou le consentement de qui que ce soit. Après l'incident, j'ai été accablée par des problèmes d'image, un TSPT et un inconfort sexuel jusqu'à l'âge adulte. Voilà mon témoignage personnel. J'ai entendu d'autres femmes rapporter des histoires semblables. Je ne pardonnerai jamais à Pornhub d'avoir laissé partager publiquement mes outrages, et de me faire revivre cette douleur après des années.
    Amanda a dit: « Pornhub a téléchargé des photos de nudité de l'époque où j'étais mineure, et des hommes ont pu choisir par vote quelle enfant était la plus jolie. Pornhub m'a dit qu'il était inutile d'en faire un plat, puisque les gens avaient déjà fait une capture d'écran des photos, si bien qu'il ne servirait à rien de supprimer la vidéo. »
    Tiana a dit: « Quand j'avais 14 ans, quelqu'un m'a enregistrée en plein acte de sexe oral, à mon insu et sans mon consentement. La vidéo a été utilisée pour me faire chanter et a été partagée sur Pornhub. La police a communiqué avec Pornhub, qui a pris tout son temps pour la supprimer. Cela a ruiné ma vie, et on m'en parle encore aujourd'hui. »
    Caroline a dit: « J'ai passé deux mois à supplier Pornhub de retirer une vidéo du viol oral dont j'ai été victime à l'âge de 15 ans. Je pleurais, je criais. J'avais le nez en sang. La vidéo était là depuis un an et demi quand je l'ai su. »
    Beth a dit: « J'avais 10 ans à mon premier viol. Mon oncle a vu ces récits pornographiques et s'est servi de moi pour alimenter ses fantaisies. Deux ans plus tard, j'ai trouvé ces vidéos de moi sur Pornhub. »
    Je pourrais continuer encore longtemps. Je manque de temps. J'ai de nombreux récits d'enfants qui ont communiqué personnellement avec moi, avec qui j'ai parlé, et dont les mauvais traitements ont été immortalisés sur Pornhub.
    Voici un petit échantillon de preuves qui ont été documentées sur Pornhub en 2020, avant la suppression massive de 10 millions de vidéos d'utilisateurs non vérifiés et inconnus.
    Les vidéos sur Pornhub ont pour titres: « Young Teen Gets Pounded »; « Old Man with Young Teen »; « Young Girl Tricked »; « A Club Where you can Play with Little Girls, and It's So Fun »; « Cute Amateur Teen Drunk and Stoned »; « First BBC on Drugs »; « Stolen Teens' Secret Peeing Scenes »; avec des caméras vidéo dans les toilettes qui filment les filles à leur insu; « Amateur Sex Tape Stolen from Teen Girl Computer »; « Daddy Fucks Young Teen Boy Virgin, First Time »; « Tika Virgin from High School Jakarta Grade Two »; « Jovencitas violadas », ce qui signifie « le viol d'une jeune fille », d'un utilisateur inconnu; « Drunk Teen Fucked by Black Stranger »; « Innocent Teenage Girls are Used and Exploited »; « Crying Teen »; « Passed Out Teen »; « Very Young South American », avec les étiquettes « adolescente » et « jeune », et un commentaire qui dit « This girl looks 13 »; « Chinese Northeast Middle School »; « Junior High School Student »; « Anal Crying Teen »; « I'm 14 », avec la vidéo d'un jeune garçon qui se masturbe; « Gay 14 », une vidéo d'un jeune garçon qui se masturbe; et « Pinay Junior High Student ».
    Je pourrais continuer comme cela indéfiniment. Encore une fois, les recherches suggérées et encouragées par Pornhub qui ont été trouvées dans son site en 2020 sont des termes de recherche que Pornhub propose bel et bien à ses consommateurs: « abused teen », « crying teen », « punished teen », « anal crying teen », « teen destroyed », « young Black teen », « young, tiny teens », « young girl », « tiny, young girls », « sleeping teen », « middle school sex », « Snapchat teen », « middle student », « stolen teen sex tape », « stolen teen homemade » et « very young teens ».
    Quant aux commentaires documentés sur le site, il y en a des centaines, voire des milliers, où les utilisateurs signalent ces vidéos d'exploitation sexuelle d'enfants à Pornhub, qui ne fait rien. Elles sont sur le site pendant des mois, voire des années. Voici des exemples: « N'est-ce pas techniquement de la pornographie juvénile? », « Elle a l'air d'avoir 13 ans. C'est illégal », « Wow, elle a l'air d'avoir 12 ans », « C'est illégal, mais j'ai une vidéo gagnante », « Elle a l'air d'avoir 9 ans. On échange de la PJ? » et « Elle a l'air d'avoir 12 ans, comme si elle n'avait pas encore pas atteint la puberté ».
    Encore une fois, David Tassillo a dit à votre comité que: « Aucune vidéo ne devrait être étiquetée dans l'une ou l'autre de ces catégories [pornographie juvénile ou actes non consensuels]. Il est interdit d'utiliser ces catégories sur notre site, tout comme les mots-clés. » Ils ont dit: « ... les images d'exploitation sexuelle des enfants n'ont pas leur place sur notre plateforme. Cela nous fait perdre de l'argent. » J'aimerais dire au Comité que ce n'est pas vrai, parce que l'exploitation sexuelle des enfants a fait le succès de Pornhub. Chaque vidéo d'enfants que l'on trouve sur Pornhub ou d'adultes victimes de violence rapporte gros, grâce aux publicités d'adhésions payantes, à la collecte des données. Dans certains cas, la vidéo est vendue directement au profit de Pornhub: 35 % à Pornhub et 65 % à la personne qui a téléchargé l'acte sexuel par le programme du noyau modèle.
    Je ferai remarquer au Comité que tout mineur présenté dans un acte sexuel commercial est victime de trafic sexuel en vertu du droit international et du droit national. Il est très important de le comprendre.
(1555)
     Je précise également que Pornhub a poussé l'insulte jusqu'à ajouter un bouton de téléchargement intentionnel dans son système, qui fait que les consommateurs peuvent se faire transférer chaque vidéo Pornhub des serveurs MindGeek. Cent quinze millions d'utilisateurs par jour peuvent commettre le crime fédéral de téléchargement et de possession de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants parce que Pornhub a intégré cette fonction dans la conception de son site Web.
    Feras Antoon a dit au Comité que « la diffusion de contenu illégal en ligne et [...] le partage non consensuel d'images intimes [... c]ela va à l'encontre de tout ce que nous défendons chez MindGeek et Pornhub ». Il a dit que « ce type de matériel n'a pas sa place sur nos plateformes et est contraire à nos valeurs et à notre modèle d'affaires ». Il a aussi dit: « Lorsque David et moi nous sommes joints à MindGeek en 2008, notre objectif était de créer la communauté adulte la plus inclusive et la plus sûre sur Internet », ajoutant qu'elle a été conçue pour valoriser la vie privée. Et enfin: « Nous savions que cela ne serait possible que si la sûreté et la sécurité étaient notre priorité absolue. »
    Anne m'a écrit: « La pornographie de vengeance est un gros problème. J'en ai été victime il y a deux ans, pour avoir refusé de reprendre avec mon ex-fiancé. Quelques semaines après, j'ai reçu un appel disant que les photos privées que je lui avais envoyées étaient désormais sur Pornhub. Quel combat j'ai dû livrer pour les faire retirer ».
     Nous avons des dizaines de témoignages de victimes qui ont vécu la même chose.
    Jessica dit: « La plupart de mes vidéos ont été tournées par mon ex. J'étais trop « high » pour donner mon consentement. J'étais inconsciente. Il les a mises sur Pornhub sans ma permission. »
    Voici un petit échantillon de contenus Pornhub pour 2020. Le 24 septembre, vous pouviez faire une recherche par les initiales « GDP », pour « girls do porn », une opération bien connue de trafic sexuel dont Pornhub est parfaitement au courant pour la traite des victimes. On pouvait obtenir 338 résultats pour ces victimes de trafic sexuel sur le site. D'autres vidéos avaient pour titres « Fucked Sister Hard in the Ass While She Was Drunk and Sleeping »; « Drunk Girl Gets Cuffed and Abused Next to the Party »; « Fucked Sleeping Schoolgirl After a Drunk Party »; et « Tinder Girl Passed Out At My House, So I Stuck It in Her Ass ».
     Tiziana Cantone est une victime qui s'est suicidée. Sa vidéo était sur le site en date de 2020. Parmi les autres titres, mentionnons « Anal Sex With a Drunk Girl »; « Drunk Asian Girl Humped By My Friend »; « Hidden Camera: Girls in the Toilet At Prom »; et « CCTV in Changing Room: Full Naked Hockey Team ». Les termes de recherche proposés aux utilisateurs sur le site comprennent « real hidden camera »; « hidden camera »; « voyeur »; « spycam shower »; « stop fucking me »; et « viol » en chinois.
    Lorsqu'on lui a demandé ce que ces genres de vidéos non consensuelles et illégales faisaient sur son site, David Tassillo a répondu au Comité: « Nous sommes encore [...] une entreprise en démarrage ». Il parlait là d'un site qui est le 10e  au monde pour le nombre de consultations, un site qui fait des centaines de millions de dollars par année avec ce contenu.
    Il ne me reste plus que quelques minutes et je veux terminer. Feras Antoon a dit au Comité que Pornhub est conçu pour célébrer la liberté d'expression. Mais il y a une foule d'exemples de racisme extrême sur le site en 2020, comme « Black Slave Girl Brutalized »; « How to Treat Your Nigger »; « Real Drunk Stupid Chink Whore »; « Racist White Slut Sucks and Fucks Black Dick and Says Nigger ».
    Enfin, je tiens à signaler que le vice-président Corey Urman a dit à maintes reprises dans les médias que l'entreprise a une grande équipe de modérateurs humains qui visionnent chaque vidéo avant son téléchargement dans le site. Je tiens à dire au Comité que j'ai des preuves que, en fait, dès 2020, Pornhub avait moins de 10 modérateurs par poste de travail de huit heures pour examiner le contenu du site, à Chypre. Il n'avait que 30 à 31 employés par jour qui visionnaient le contenu, et ce pour tous les sites de tubes MindGeek. Ces sites sont les plus grands et les plus populaires au monde, avec des millions de vidéos téléchargées chaque année.
    Enfin, David Tassillo a dit: « Nous prenons l'empreinte numérique de tout contenu retiré de notre site Web afin qu'il ne puisse pas être téléversé de nouveau sur notre propre plateforme ». Il a dit cela au Comité, mais nous avons des courriels de Pornhub qui disent aux victimes qu'il n'est pas garanti que l'épisode d'exploitation de leur enfant ne sera pas reversé dans le site et ne se gêne pas pour ajouter: « Il faut bien comprendre les limites de notre logiciel ».
(1600)
     Au nom de deux millions de personnes de 192 pays qui ont signé la pétition pour exiger des comptes de Pornhub et de plus de 300 organisations de tous les coins de la planète qui en réclament également, je tiens à remercier votre comité de prendre la question au sérieux et de mener cette enquête.
    Merci, madame Mickelwait.
    Nous passons maintenant à Mme Walker.
    J'espère que tout le monde va bien. Le sujet est lourd et les témoignages pénibles.
    Je tiens à rendre hommage aux victimes qui se sont manifestées aujourd'hui, Mme Galy et les deux invitées que vous avez reçues, ainsi qu'à Mme Fleites, qui a comparu la semaine dernière. Il faut un courage extraordinaire aux femmes pour se manifester. Nous disons toujours que la voix la plus importante est celle des victimes et que nous devons toujours écouter les survivantes.
    L'an dernier, 143 femmes ont confié au London Abused Women's Centre que la technologie avait joué dans leur agression, et 64 autres ont déclaré que la pornographie était fréquente dans leur relation et qu'elles étaient souvent forcées de jouer le jeu en pornographie.
    Une des femmes que nous avons aidées, qui était prise dans Pornhub, a écrit: « Mon âme mourait quand je trouvais des vidéos de moi sur Pornhub. Quand j'ai vu la facilité avec laquelle elles étaient accessibles, cela m'a brisée. Lorsque j'ai compris que n'importe qui pouvait pénétrer dans les coins les plus sombres de ma vie m'a presque tuée. Après en avoir découvert quatre, j'ai dû arrêter de chercher d'autres vidéos. J'avais des idées suicidaires et ces vidéos m'inspirent une honte profonde, même si j'étais encore une enfant. Elles m'inspirent une peur que je ne saurais qualifier. »
    L'un des thèmes communs que l'on trouve dans le récit des victimes de pornographie qui ne peuvent pas faire retirer leurs photos ou leurs images, c'est qu'elles ressentent une honte incroyable et sont souvent suicidaires. Pour ce qui est de la honte, nous voulons nous assurer qu'elles comprennent que la honte et le blâme qu'elles peuvent ressentir appartiennent à l'agresseur et à Pornhub et à MindGeek. Ce n'est pas à elles de les assumer. Quant aux idées suicidaires, je dirai que, aussi terrible que cela puisse être — et je ne peux même pas arriver à le comprendre —, j'estime qu'il y a de l'espoir, avec de l'aide et du counseling.
    Nous savons que Pornhub a facilité et distribué le téléchargement de vidéos où des mineurs sont exploités et agressés sexuellement. Nous savons aussi que des adultes non consentants et des victimes de la traite ont été violés et torturés au vu du monde entier. Pornhub a joué un rôle actif dans le téléchargement de ces vidéos, ce qui laisse une empreinte de traumatisme durable dans la vie de millions de femmes.
    Il aura fallu l'article du New York Times pour forcer Pornhub à retirer des millions de vidéos après une enquête qui a montré qu'un grand nombre de ces vidéos mettaient en vedette des adolescentes et des femmes et des filles non consentantes et victimes de trafic sexuel. Pornhub est complice dans la traite des femmes et des filles. Ce seul article du New York Times qui a exposé Pornhub l'an dernier, montre que Pornhub fait peu de cas de la vie des femmes et des filles, même si son directeur général et son directeur des opérations ont reconnu qu'ils sont des parents et des grands-parents.
    Bon nombre des vidéos ont été publiées sur le site Web de Pornhub sous les rubriques « pornographie de torture », « pornographie juvénile » et « pornographie fétichiste », et toutes ces rubriques sont toujours là aujourd'hui.
    Le directeur général de MindGeek a témoigné, comme Laila l'a rappelé, que « chaque élément de contenu est vu par nos modérateurs humains ». Une vraie farce. C'est ridicule et, franchement, impossible, compte tenu du nombre de millions de vidéos qui sont téléchargées. Et c'est sans compter que seule une équipe de pédiatres médico-légaux peut établir l'âge des filles, et non pas des hommes et des femmes embauchés au salaire minimum pour visionner des scènes de viol à cœur de journée, afin de déterminer qui n'a pas l'âge, qui est consentante et qui ne l'est pas.
    Nous savons que le but du directeur général et du directeur des opérations de MindGeek est de faire les millions de dollars dont ils ont besoin pour maintenir le train de vie princier que leur permettent leur prime, la vente de publicité et la collecte et la vente de leurs données. Rien de tout cela ne serait possible sans l'exploitation des enfants et des femmes. De fait, nous savons d'expérience que les hommes sont prêts à payer plus cher pour voir des enfants exploités.
(1605)
    Je me suis penchée sur les articles 162 et 163 du Code criminel du Canada. Je ne suis pas avocate mais, littéralement, il semble que presque tous les articles du code pourraient s'appliquer à MindGeek, à Pornhub et à toutes leurs entreprises affiliées, ainsi qu'à leur directeur général et leur directeur des opérations.
    En plus des crimes possibles, MindGeek semble être et est probablement en violation des lois internationales sur la traite et l'exploitation sexuelle des enfants, et ne s'est pas non plus conformée aux exigences de déclaration obligatoire au Canada. Pornhub a facilité l'exploitation des filles et des femmes et en a profité.
    Le London Abused Women's Centre a plusieurs recommandations.
    La première, c'est de mettre un financement robuste à la disposition de toutes les victimes. Elles sont suicidaires. Cela brise le cœur, et il faut prendre les moyens de leur donner accès au service.
    Nous appuyant sur le témoignage d'au moins une survivante qui a dit avoir été exploitée sexuellement dans son enfance, ainsi que sur le témoignage du directeur général et du directeur des opérations de MindGeek, qui ont reconnu que des enfants et des femmes non consentantes ont été exploités sur Pornhub, nous recommandons que le Comité envoie immédiatement les déclarations des témoins à la police pour enquête criminelle.
    De même, compte tenu du témoignage du directeur général et du directeur des opérations de MindGeek, qui reconnaissent leur incapacité de s'autoréglementer, nous recommandons que le Parlement légifère pour mettre fin au régime d'autoréglementation de MindGeek, de ses affiliées et filiales et de l'industrie de la pornographie.
    Nous recommandons de retenir les services d'une tierce partie indépendante de MindGeek, de ses affiliées et filiales et de l'industrie de la pornographie pour vérifier l'âge et le consentement.
    Nous recommandons que le Parlement légifère pour interdire à toutes les sociétés de cartes de crédit de fournir des services à MindGeek, à ses affiliées et filiales et à l'industrie de la pornographie jusqu'à ce que la tierce partie recommandée dans la disposition que je viens de lire soit en place.
    Enfin, je dirais que nous recommandons que l'Agence du revenu du Canada mène un audit judiciaire et une enquête criminelle sur les finances et la propriété de MindGeek et de ses affiliées et filiales pour vérifier si MindGeek respecte les exigences de la réglementation canadienne et internationale en matière d'impôt, de divulgation, et ainsi de suite.
    C'est le rôle du gouvernement de réglementer toutes les industries pour protéger ses citoyens. Lorsqu'une industrie est prédatrice, comme l'est particulièrement l'industrie de la pornographie, il incombe au gouvernement d'en réglementer la production et la consommation.
    Je vous remercie du temps que vous m'accordez aujourd'hui.
(1610)
    Merci beaucoup.
    Nous remercions chacun des trois témoins de sa contribution à notre étude et de son témoignage franc et ouvert de cet après-midi.
    Plus tôt, dans une discussion franche et ouverte, on a répété des mots qui avaient été affichés sur Pornhub. Évidemment, nous condamnons tous ce langage. J'invite les membres à ne pas utiliser un langage qui pourrait blesser encore plus les personnes qui écouteraient.
    Merci à nos témoins.
    La parole est à Mme Stubbs.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins qui sont ici.
    J'espère, et je suis tout à fait convaincue que je parle non seulement pour moi-même pour exprimer la colossale naïveté, jusque-là évidente, qui m'a gardée complètement inconsciente — comme des millions d'autres Canadiens, j'espère bien — du fait que ces sites présentent une proportion non négligeable de victimes d'agressions non consensuelles, d'agressions sexuelles d'enfants et de viols et de traite des personnes. Vous m'en voyez outrée et dégoûtée.
     Je tiens à vous remercier tous pour les années que vous avez déjà consacrées à la défense des droits. Et ce n'est pas fini; dans la même veine, et il est évident...
    Excusez-moi, madame Stubbs. Je dois vous interrompre. Je crois qu'il y a un problème avec les canaux et l'interprétation sur le canal anglais présentement.
    Réessayons, madame Stubbs.
     Évidemment, comme nous tous, je salue les victimes et les survivantes et survivants qui dénoncent la situation et qui, dans ma perspective, sont de véritables héros. Je pense qu'on a tendance à banaliser ce mot, à certains égards, mais il est certainement approprié dans leur cas.
    Je tiens à dire tout de go ce que j'espère obtenir de nos trois témoins. Vous en avez parlé mais, notre temps étant limité, si vous avez d'autres politiques ou solutions juridiques à recommander, tant pour la prévention que pour affirmer — ce qui m'apparaît être un enjeu clé ici — la propriété de nos images et les droits individuels en ce qui touche leur circulation sur la toile et, bien sûr, tout autre aspect que vous n'avez pas pu aborder — pourriez-vous en faire part au Comité par écrit? Je sais que cela serait très utile pour tous les députés ici.
    J'ai une question pour vous, madame Mickelwait. Vous avez soulevé plusieurs questions au sujet du témoignage des représentants de MindGeek, et prouvé que bon nombre de leurs affirmations sont fausses. Permettez-moi de vous demander d'abord ce que MindGeek vous a répondu et quel est le travail que vous et d'autres champions accomplissez, et ce qu'elle a répondu aux victimes et aux journalistes qui couvrent la question, avec les commentaires que vous pourriez vouloir ajouter à ce sujet.
(1615)
    Je vous remercie de cette importante question.
    La réponse de MindGeek a été vraiment inexcusable. MindGeek a cherché à qualifier de menteurs les personnes qui parlent de ce problème. MindGeek m'a personnellement traitée de menteuse bien des fois, et dit que mon discours était intentionnellement trompeur. J'ai été harcelée. Les personnes que nous savons reliées à MindGeek et à Pornhub ont pris part au harcèlement, aux mauvais traitements et même à la divulgation de données personnelles non seulement des défenseurs comme moi et ma famille, mais aussi des victimes.
    C'est une chose de s'en prendre aux défenseurs. C'en est une autre de s'en prendre aux victimes. Les victimes ont subi du chantage. Elles ont été réduites au silence par intimidation. Elles ont même, dans certains cas, été agressées physiquement, et certaines d'entre elles m'ont même envoyé des photos d'elles-mêmes après une agression physique.
    Parlons des journalistes. J'ai reçu de leurs courriels du monde entier, même d'Europe et même du Canada, expliquant qu'ils ont tenté de couvrir la question bien avant le New York Times. La campagne #Traffickinghub a été lancée en février, avec des centaines de milliers de signatures, même dans les quelques premières semaines. Nous en avons maintenant plus d'un million. Même avant cela, le Sunday Times enquêtait au début de 2019 et les journalistes voulaient couvrir la question, mais les gens de MindGeek, qui utilisent souvent de faux noms et de fausses identités, comme ce personnage Ian Andrews, les intimidaient, les menaçaient même de poursuites judiciaires, et bloquaient la diffusion de ces reportages.
    Ce genre de comportement est ce qui... Une productrice de pornographie m'a dit qu'elle appelait cela la « mafia MindGeek », et c'est exactement ce à quoi cela ressemble.
    Un défenseur qui avait parlé contre MindGeek par le passé, au début de cette campagne, m'a appelée pour me dire: « Laila, avez-vous une pièce de survie? » J'ai répondu « Non, pourquoi? » Il a dit: « Je pense que vous devriez en avoir une ». Je ne comprenais pas à l'époque, mais je crois comprendre aujourd'hui.
    Merci, madame Mickelwait.
    En ce qui concerne l'écart entre ce que l'on prétend lié au matériel d'agression sexuelle contre des enfants et le matériel non consensuel, avez-vous des commentaires à faire sur ce que vivent les employés de MindGeek? Si vous avez déjà parlé à certains d'entre eux, vous ont-ils expliqué comment fonctionnent leurs supposés modérateurs — qu'ils les appellent des « formateurs de contenu », sauf erreur?
     Oui. Un certain nombre de dénonciateurs de MindGeek ont communiqué avec nous. J'ai été en contact avec eux. Des avocats ont également communiqué avec eux. Ils ont aussi été mis en contact avec les forces de l'ordre.
    Ces dénonciateurs ont révélé des choses sur la façon dont Pornhub a agi en faisant preuve d'un mépris irresponsable pour la sécurité des personnes. Je considère leurs actions comme de la négligence criminelle grave. Juste l'idée que les responsables du site de pornographie le plus important et le plus populaire au monde, avec 7 millions de téléchargements par année, 13 millions de vidéos disponibles à tout moment et 11 millions de commentaires affichés chaque année, dont beaucoup indiquent qu'il est question de viols d'enfants, de trafic sexuel et de relations non consensuelles, pensent qu'il est suffisant que 10 personnes par poste de travail — y compris les pauses-toilettes, les pauses-cigarette et les pauses-repas — examinent ces millions de vidéos et déterminent, à l'aide d'une feuille de calcul Excel archaïque...
    On m'a remis des documents internes de MindGeek. Je sais que les dirigeants de MindGeek ont refusé de remettre de tels documents au Comité lorsqu'ils ont comparu devant vous, alors que vous les aviez demandés. J'ai en main certains de ces documents internes qui utilisent une feuille de calcul Excel archaïque et qui montrent qu'en 2016, il y avait moins de 100 mots marqués en rouge qui étaient proscrits sur le site. Vous pouvez comparer cela à ce qu'ils font maintenant. C'est tout à fait irresponsable.
     Il est incompréhensible que David Tassillo et Feras Antoon aient déclaré devant le Comité qu'ils sont des chefs de file en matière de sécurité des enfants.
(1620)
    Merci, madame Stubbs.
    Nous allons maintenant passer à M. Sorbara.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, chers collègues, et bon après-midi aux témoins. Merci de vos témoignages d'aujourd'hui.
    De toute évidence, nous avons été très attentifs aux façons dont nous pouvons faire de ce monde un endroit plus sûr pour les gens, et plus particulièrement pour les mineurs. Il s'est produit des choses que nous n'aimons pas. Je pense pouvoir le dire très franchement et, en tant que père de deux jeunes filles, j'ai trouvé certains des témoignages très difficiles à entendre.
    J'aimerais commencer par la personne de London. Madame Walker, nous avons annoncé de nombreuses mesures concernant la traite des personnes. Vous le savez — étant donné que vous avez affaire à des personnes qui en ont été victimes — et je comprends la situation de la région que vous représentez, où plusieurs annonces ont été faites.
    Pouvez-vous nous parler des ressources offertes? Allons-nous dans la bonne direction? Tous les ordres de gouvernement semblent s'attaquer au problème de la traite des personnes.
    L'an dernier, nous avons aidé 1 300 victimes de la traite des femmes et des filles. Comme les médias vous l'ont peut-être appris, nous avons perdu une source de financement du gouvernement fédéral, qui n'a pas été renouvelée. Heureusement, grâce à l'appui de London, la ville ayant recueilli 12 000 $ par mois pendant presque une année complète, nous avons pu poursuivre notre programme, parce que nous avons un véritable problème — et ce problème ne se pose pas seulement à London, mais dans toutes les villes du 401.
    Ensuite, on nous a dit que nous pouvions demander une nouvelle subvention par l'entremise de Femmes et Égalité des genres Canada, ce que nous avons fait. Il s'agit d'un financement sur deux ans. C'est tout. Nous sommes face à un problème grave qui touche tous les aspects de la société. Nous ne voulons pas de financement sur deux ans. Nous avons besoin d'un financement de base. Nous ne pouvons pas gérer et planifier adéquatement nos programmes à l'intention des femmes et des filles victimes de la traite des personnes sans que tous les ordres de gouvernement s'engagent à ce que le financement se poursuive.
    Nous avons eu de la chance que le gouvernement de l'Ontario nous ait fourni un financement de base, tout comme la ville de London. Cependant, il nous manque les fonds du gouvernement fédéral.
    À titre d'information, vous avez présenté une demande dans le cadre du programme de Femmes et Égalité des genres Canada. Est-ce exact?
    Nous avons réussi à obtenir les fonds. Nous ne les avons pas encore reçus, mais nous avons réussi à les obtenir. Toutefois, ce n'est que 200 000 $ au maximum sur une période de deux ans.
    D'accord. Je voulais m'assurer qu'il soit consigné au compte rendu que vous avez réussi à obtenir du financement pour une période de deux ans. Évidemment, nous serons là pour vous soutenir, et je sais que le député de votre région appuie le programme pour des raisons évidentes.
    Nous avons beaucoup de chance, parce que non seulement M. Fragiskatos nous donne son appui, mais tous nos députés ont travaillé en collaboration, tous partis confondus, et c'est ce dont nous avons besoin pour nous attaquer à ce problème. C'est ce que je constate également aujourd'hui, avec vous tous, alors merci.
    Absolument.

[Français]

    Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Fortin.

[Traduction]

    Monsieur Fortin, pouvez-vous nous parler de la question du consentement et de toute l'idée du consentement en ce qui concerne le téléchargement de matériel sur Internet et sur le site Pornhub? Comment allons-nous régler la question du consentement? S'il n'y a pas consentement, ce matériel ne devrait pas être là et devrait être retiré très rapidement. J'en conclus qu'ils ont échoué sur la question du consentement et qu'ils n'ont pas été en mesure de s'en occuper efficacement.
     Pourriez-vous nous faire une ou deux recommandations sur les améliorations que nous pourrions apporter pour nous assurer que le matériel qui pourrait être ajouté à ce site Web le soit à condition qu'il s'agisse de matériel consensuel? Si le matériel porte sur des mineurs et est non consensuel... Nous avons entendu des témoignages très troublants plus tôt cet après-midi. C'était tout simplement affreux d'entendre ce que ces personnes ont dû subir. Ce matériel devrait être retiré d'Internet. Il devrait être retiré de ces sites, quels qu'ils soient, le plus rapidement possible, afin de faire le moins de tort possible à ces personnes.
    Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez, monsieur?

[Français]

    Je vous remercie de la question.
    Le consentement est un aspect qui pose de nombreux problèmes. C'est une notion complexe, et il a fallu plusieurs années pour mettre au point une définition. Ce sont les tribunaux qui ont établi des lignes directrices. Je pense que nous sommes avant-gardistes dans notre réflexion sur la notion du consentement.
    Après avoir entendu les exemples évoqués par le premier groupe de témoins, il m'apparaît évident qu'on n'a pas fait preuve de la diligence nécessaire sur le plan du consentement. L'un des problèmes consiste à déterminer ce qu'il faut faire quand une personne soumet une vidéo à laquelle elle a donné son consentement au départ et qu'elle retire celui-ci en cours de route. Il faut prévoir énormément de balises.
    Il est assez clair qu'on devrait en faire beaucoup plus en ce qui a trait aux mineurs et qu'il faudrait établir des lignes directrices très sévères pour les entreprises. Pour ce qui est des adultes, cela devient problématique. À mon avis, il devrait y avoir un expert en matière de consentement qui servirait d'intermédiaire entre la victime et ces entreprises. On ne peut pas donner cette...
(1625)
    Excusez-moi, monsieur Fortin.

[Traduction]

    Si vous me permettez d'intervenir, nous avons reçu de MindGeek ou de Pornhub des renseignements selon lesquels ils ont mis à jour leurs modalités de service à la suite de l'article du New York Times, notamment, si je me souviens bien des événements et de la façon dont cela s'est déroulé.
    En prenant connaissance de ces modalités de service et de la façon dont le contenu a été téléchargé, il me semble que ces modalités n'ont pas été respectées. Cela m'a beaucoup troublé. La preuve doit être faite, un peu comme lorsque vous achetez un produit ou un service en général, que certaines normes de service sont respectées. Dans ce cas-ci, il est clair que ces entreprises ont échoué, à mon humble avis.
     Monsieur Sorbara, votre temps est écoulé, mais je vais permettre qu'on réponde à votre question.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.
    Je suis tout à fait d'accord.
    Le problème majeur, c'est qu'on peut faire accepter n'importe quoi aux usagers. Il est évident que la personne qui téléverse des contenus accepte les règles d'utilisation. On devrait certainement être plus sévère à cet égard.
    Je vois malheureusement de tels cas se produire depuis 20 ans. Je ne pense pas que le fait de faire confiance à l'industrie et de responsabiliser les entreprises sera la solution. Nous sommes arrivés à un point où il faut adopter une approche un peu plus coercitive que par le passé.
    Si vous le permettez, je vais ajouter un autre commentaire. On parle beaucoup d'une entreprise en particulier. Cependant, quand j'ai commencé dans le domaine, il y a 20 ans, une autre faisait exactement la même chose. Cela continue. L'entreprise en question est probablement fautive, mais c'est l'ensemble de l'industrie qu'il faut examiner.
    On devrait réfléchir à tout ce qui se passe et penser aux victimes qui sont laissées à elles-mêmes.
    Je m'excuse si ma réponse a pris trop de temps.

[Traduction]

    Ne vous inquiétez pas. Nous manquons toujours de temps.
    Madame Gaudreau, vous pouvez maintenant poser vos questions.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'ai vu que Mme Mickelwait avait la main levée. Je pense qu'elle veut intervenir rapidement. J'espère que les quelques secondes restantes vont nous permettre d'entendre sa réponse. J'aurai des questions par la suite.

[Traduction]

     Oui. Je pensais simplement que c'est un point très important.
    Une fois que les grandes sociétés émettrices de cartes de crédit se sont retirées de MindGeek, ce qui a obligé l'entreprise à modifier complètement son modèle d'affaires et à apporter récemment des changements qu'elle aurait dû apporter il y a plus de 10 ans... c'est l'aspect financier qui l'a poussée à apporter ces changements maintenant. Malgré cela, David Tassillo a comparu devant le Comité et a dit qu'il lui était impossible de vérifier si le consentement avait été obtenu de chaque personne figurant dans chaque vidéo.
    En fait, leurs nouvelles règles ne portent que sur la vérification de l'identité de la personne qui est à l'origine du téléchargement et qui, dans bien des cas, est la personne à l'origine du trafic. Un recours collectif a été intenté il y a quelques jours à peine. Un homme a fait l'objet d'une vérification d'identité dans le programme Modelhub, mais aucune vérification n'a été faite au sujet de la personne de 16 ans qu'il violait dans la vidéo qu'il vendait pour le compte de MindGeek, qui a tiré 35 % de la vente de ces vidéos.
    Encore aujourd'hui, David Tassillo soutient que cela est impossible. Ce n'est pas impossible. Est-ce que c'est facile? Non, mais c'est possible. Non seulement est-ce possible, mais c'est essentiel.
(1630)

[Français]

    Vous venez de transmettre un message tellement important, madame Mickelwait.
    Il est évident qu'une réforme s'impose. À la base même d'une réforme sur l'identité des utilisateurs se trouvent nos droits fondamentaux. En fait, j'ai honte, parce que c'est l'institution financière qui nous dit qu'il faut agir. Il est donc temps que nous passions à l'action, nous, les législateurs.
    Certains disent que c'est beau de changer la loi, de s'occuper de l'infraction et de faire la réforme nécessaire et que nous avons beaucoup de moyens. Il demeure que ce système est très lent. Nous sommes capables de trouver des solutions ensemble. N'oublions pas que les victimes sont affectées par ce problème jusqu'à la fin de leurs jours. En tant que gouvernement responsable, il faudrait aussi établir des mesures très ciblées pour les victimes, qui sont hypothéquées à vie.
    Monsieur Fortin, dans la liste des recommandations, j'ai trouvé effectivement la référence à une licence d'exploitation. Celle-ci imposerait aux entreprises des exigences et des façons d'agir, un peu de la même façon que l'on impose aux conducteurs d'obtenir un permis de conduire pour emprunter la route. Nous sommes rendus là. Malheureusement, il est un peu tard. J'ajoute toutefois qu'il n'est jamais trop tard.
    Par ailleurs, dans les conditions d'utilisation qui se trouvent sur Pornhub figure la notion de droit à l'oubli. Je pense avant tout aux victimes actuelles. Nous pourrons bien sûr nous pencher aussi sur les moyens d'éviter qu'il y en ait d'autres.
    Connaissez-vous cette notion de droit à l'oubli? Avez-vous de l'information à nous donner à ce sujet? Que serait-il pertinent d'adopter en ce qui concerne le droit à l'oubli?
    C'est une très grande question. Je ne suis pas un expert en la matière, mais des juristes pourraient vous éclairer à ce sujet.
    Essentiellement, il y a deux approches. En Europe, on est davantage en faveur du droit à l'oubli, alors qu'au Canada et aux États-Unis, on l'est un peu moins. Du côté nord-américain, il y a une réticence à faire retirer des contenus. Je ne veux pas faire un long historique, mais je vous dirai simplement que cet obstacle devrait être surmonté en instaurant une voie rapide. On ne parle pas de faire retirer d'un site Web une information sur un politicien qui lui est défavorable. C'est souvent un argument qui est avancé pour interdire le droit à l'oubli.
    Dans ce cas-ci, on parle plutôt d'une forme de survictimisation, où la victime qui navigue sur un site est dans l'impossibilité de retirer les renseignements personnels et intimes qui la concernent. Selon moi, il ne fait aucun doute qu'il devrait y avoir une voie rapide pour pouvoir retirer les renseignements de cette nature, sans nécessairement ouvrir la boîte de Pandore en permettant à des gens de retirer de l'information qui leur est défavorable. Cela exige une réforme législative importante et il faut la commencer.
    J'aimerais vous poser une autre question.
    On parle de licence. Cela veut-il dire qu'avant de rendre des données totalement accessibles, on doit être prudent et s'occuper de son monde? Avant de donner ce droit aux sites Web, il y aurait des règles à respecter. Selon ce que je comprends, soit il n'y a pas de règles, soit celles qui existent sont tout à fait insuffisantes. Il est donc urgent d'agir pour protéger l'identité des gens. À la lumière de tous les témoignages que nous entendons, nous nous rendons compte que c'est actuellement peine perdue, que c'est impossible.
    Êtes-vous d'accord sur le fait qu'une réforme au sujet de l'identité des utilisateurs est importante, mais qu'avant d'autoriser un site Web à avoir accès aux renseignements personnels qui concernent ces utilisateurs, il faudrait exiger qu'il obtienne une licence, par exemple?
    Pour résumer en des termes simples, je dirais que l'exploitation d'un site qui gère des données à ce point personnelles sur les individus est un privilège et que cela ne devrait pas être un droit.
(1635)
    Je vous remercie.
    Madame Mickelwait, je vous remercie aussi de votre réponse plus tôt.

[Traduction]

     Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Angus.
    Merci.

[Français]

    Je remercie les témoins de prendre part à ces discussions très importantes.

[Traduction]

    Madame Walker, certaines de vos recommandations m'intéressent beaucoup. Je pense qu'elles sont très utiles.
    J'ai l'impression de toujours avoir à rappeler que ce n'est pas le rôle de ce comité d'enquêter sur la traite des personnes ou sur les questions de justice concernant les femmes. Nous sommes le comité chargé de la protection de la vie privée, et nous nous concentrons donc sur les images non consensuelles et sur la question de savoir si le droit des particuliers à la vie privée, un droit quasi constitutionnel au Canada, a été violé par une organisation, en l'occurrence Pornhub et MindGeek.
    Madame Walker, la question de la traite est importante lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a ou non un lien clair entre les agressions sexuelles envers les femmes et la violence faite aux femmes et le fait que Pornhub soit devenu un endroit où cette violence est répétée et amplifiée. Dans le cadre de votre travail auprès du mouvement des femmes, diriez-vous qu'il y a maintenant un lien direct entre le genre de vidéos diffusées sur Pornhub et les mauvais traitements continus infligés aux femmes victimes de la violence des hommes?
     Absolument, cela ne fait aucun doute.
    D'après votre travail auprès des victimes survivantes, diriez-vous que Pornhub est au courant de cela?
    Absolument.
    Je vous remercie.
    Madame Mickelwait, chaque jour, de nouveaux faits sont portés à l'attention de ce comité — des choses que je n'ai jamais vues auparavant au sein de tous les comités dont je fais partie depuis de nombreuses années.
    Nous avons reçu une lettre aujourd'hui. Feras Antoon et David Tassillo nous ont écrit une lettre — une lettre personnelle à votre sujet — pour nous mettre en garde. C'est bizarre. Il y est question de vous, mais aussi de quelqu'un qui s'appelle Benjamin Nolot, qui, selon eux, est contre la pornographie légale et « contre le mariage homosexuel et les droits des femmes en matière de reproduction ».
    Quoi qu'il en soit, ils nous ont envoyé cette lettre avant la réunion du Comité. C'est la première fois que je vois des gens visés par les travaux du Comité nous écrire au sujet de personnes qui témoignent devant nous. Avez-vous quelque chose à dire au sujet de cette lettre que nous avons reçue des dirigeants de MindGeek?
    C'est normal pour eux d'essayer de détourner l'attention, d'essayer de diffamer et d'essayer de discréditer ceux qui disent la vérité sur ce qui se passe sur leur site.
    Je me suis présentée devant le Comité pour vous soumettre les témoignages de personnes survivantes qui ont communiqué avec moi personnellement. Ce sont leurs paroles. Je vous ai présenté des faits et je vous présenterai tout ce que j'ai dit aujourd'hui au moyen de captures d'écran, pour prouver que c'est exact. Ce ne sont pas des opinions. Ce sont des faits.
    C'est tout à fait inexcusable de la part de ce PDG et de son directeur des opérations. Plutôt que d'assumer la responsabilité de ce qu'ils ont fait en immortalisant les traumatismes d'innombrables victimes... Vous savez, certaines victimes disent: « Le traumatisme et la violence que j'ai subis se perpétueront longtemps après ma mort. » Juste d'y penser est une torture pour elles. Au lieu d'assumer leurs responsabilités, le PDG et le directeur des opérations essaient d'attaquer, de harceler, de museler et de faire taire ceux qui disent la vérité au sujet de leur site — et c'est exactement ce qu'ils ont fait au cours de la dernière année et avant. C'est inacceptable.
    Est-il vrai que vous faites l'objet de manipulation?
     Absolument.
    Merci.
    Madame Walker, j'ai pris connaissance de quelques-unes des — je ne sais même pas comment les appeler — mises en circulation d'images d'adolescents en fugue, d'adolescents sans abri agressés, d'adolescents détruits et d'adolescents manipulés.
    Lorsque je lis le paragraphe 163.1(3) du Code criminel, j'ai l'impression que cela correspond à la définition de pornographie juvénile. M. Tassillo a toutefois dit que je ne comprenais pas le mot « teen » en anglais. Il a dit que normalement, en anglais, le mot « teen » est utilisé pour désigner quelqu'un de 13 à 19 ans, ce qui englobe les jeunes de 13, 14 et 15 ans.
    Cependant, selon lui, dans le monde du divertissement pour adultes, cela signifie en fait des personnes de 18 à 25 ans ou 18 à 27 ans. Toujours selon lui, il est entendu que le mot « adolescent » dans « adolescent en pleurs », « adolescent détruit » ou « vidéo de sexe entre adolescents volée »  désigne des personnes qui sont légalement en mesure de consentir et qui ont jusqu'à 27 ans.
    Compte tenu du travail que vous faites auprès des victimes et selon votre connaissance de la loi, diriez-vous que c'est une interprétation correcte ou incorrecte du mot « adolescent »?
(1640)
    Cette interprétation est inexacte. Quand l'entreprise fait de la publicité pour du contenu montrant des jeunes, il s’agit souvent d’adolescents de moins de 18 ans. De plus, Monsieur ou Madame Tout-le-monde qui va cliquer pour regarder ce contenu ne comprend pas forcément que « jeune » veut dire 18 ou 19 ans. Cette personne pensera probablement qu’il s’agit d’une jeune fille.
    Par ailleurs, peu importe que la femme ou la fille soit âgée de plus ou de moins de 18 ans, d’après mon expérience, bon nombre de femmes qui ont dit avoir été violées sur vidéo n’ont pas consenti au viol ni à sa publication.
    Je vais devoir m’arrêter ici, mais voici ce qui me préoccupe: au Canada, nous avons des lois très rigoureuses, et pourtant, nous n’avons jamais eu de poursuite contre Pornhub ou MindGeek pour ce genre de choses. Quand Pornhub nous dit que quelqu’un examine chaque vidéo, cela signifie que chaque vidéo est délibérément mise en ligne. Si elle est de nature criminelle, elle répond au critère de la mens rea, c’est-à-dire à la notion de connaissance de l'acte criminel. Les dirigeants de Pornhub ne pourraient pas prétendre qu'une vidéo a été mise en ligne sans qu'ils l'aient vue.
    Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il n'y a jamais eu de poursuites judiciaires au Canada? Nous avons des lois. Nous entendons de nombreux témoins et de nombreuses victimes. La loi impose des obligations de signalement. Chaque fois qu’il y a un problème d'abus sexuels d'enfants en ligne, il faut le signaler aux autorités. Nous ne savons pas si c’est ce qui s’est produit dans le cas des victimes entendues, ou si nous n’avons pas obtenu de réponse claire. L’utilisation non consensuelle d’images semble être de nature criminelle si elle est dénoncée, mais il n'y a jamais eu d’enquête criminelle à cet égard au Canada.
    Serait-ce que nos lois ne sont pas suffisamment sévères ou qu'il y a simplement un manque de volonté? À votre avis, quelle est la lacune du cadre réglementaire?
    Premièrement, l’autoréglementation signifie que la société qui perpétue la violence contre les femmes et la pornographie juvénile fait sa propre réglementation et décide quelles vidéos sont acceptées ou non. En fait, très peu de vidéos sont rejetées. L’autoréglementation est un problème. Au Royaume-Uni, on a essayé de faire quelque chose pour la vérification de l’âge, et MindGeek s’est jointe à l’équipe et a voulu imposer l'autoréglementation. L'entreprise a dit qu'elle s’autoréglementerait, et tout le processus de vérification au Royaume-Uni s’est effondré et les discussions ont pris fin. C’est un énorme problème.
    Deuxièmement, l’industrie de la pornographie et MindGeek sont très puissantes. C’est pourquoi j’aimerais qu’il y ait un contrôle financier. Nous ne savons pas jusqu'où vont les tentacules de cette pieuvre. Il y a tellement de sociétés fictives qui peuvent avoir ou ne pas avoir d'influence sur d’autres et qui pourraient peut-être établir une intention criminelle.
    Voilà pourquoi je suis si reconnaissante d'avoir l'occasion de m'adresser au Comité et de voir que celui-ci examine la situation, car cela expose MindGeek au grand jour. Au Canada, nous avons tous l'obligation de signaler les cas d'abus d'enfants et de pornographie juvénile. Vous l’avez entendu aujourd’hui. Le Comité doit communiquer aux forces de l’ordre les témoignages et les déclarations des témoins, parce qu’ils sont une preuve de pornographie juvénile. J’espère que vous et les autres membres du Comité parlerez de l’intention criminelle et de la législation pénale, et que vous donnerez suite à mes propos, que ce soit dans le cadre de ce comité ou de celui de la justice. Nous devons faire appliquer nos lois pénales.
    Merci, monsieur Angus.
    Deux de nos témoins ont levé la main.
    Je vais d’abord donner la parole à Mme Mickelwait, puis à M. Fortin.
    Merci beaucoup.
    Je pense qu’il est important de parler de la question de la complicité et de la connaissance dans la distribution de ce genre de contenu illicite. Je veux donner deux brefs exemples au Comité, parce que je suis témoin et que je voudrais livrer l’information dont je dispose et que j’ai également documentée.
    Prenons un exemple parmi tant d’autres, une vidéo d’une jeune fille intitulée « Une écolière se fait baiser en forêt ». Les étiquettes de la vidéo indiquaient CP, pornographie juvénile et moins de 18 ans. La personne à l'origine du téléversement avait indiqué qu'il s'agissait de relations sexuelles avec des mineurs. Dans leurs commentaires, des consommateurs de cette vidéo ont indiqué qu'ils connaissaient la jeune fille, qu'elle était en neuvième année et mineure. Non seulement les modérateurs ou contrôleurs de Pornhub ont vu cette vidéo, ainsi que ses étiquettes, son titre, l'origine de son téléversement, mais ils l’ont approuvée et l’ont mise en vedette. Ils ont annoncé cette vidéo sur la page d’accueil du site, pour obtenir plus de visionnements, plus de clics. Il s'agit là de publicité de matériel d’exploitation sexuelle d'enfants. J’en ai de nombreux exemples.
    Il y a un autre cas particulièrement flagrant, dont j'ai eu connaissance en 2020. Il s'agit de celui d'une fillette mineure, manifestement prépubère, qui est violée par voie anale et torturée. On l'entend crier dans la vidéo. C’est horrible. Cette vidéo a été téléversée trois fois par trois utilisateurs différents sur une période de quelques semaines. Un signalement a été fait. Le rapport était documenté, mais la vidéo n’a pas été retirée. Quelques jours plus tard, elle a de nouveau fait un signalement bien documenté... et encore quelques jours plus tard, mais la vidéo n'a pas été retirée.
    Enfin, j’ai transféré le lien de cette vidéo au FBI. Celui-ci l’a envoyé au Centre national pour les enfants disparus et exploités, qui a finalement confirmé que la fillette était mineure et qui a demandé à Pornhub de retirer la vidéo de son site. Pornhub l'a supprimée après des semaines et des dizaines de milliers de visionnements rendus possibles par un bouton de téléchargement, qui aura conduit un tas de personnes à commettre le crime fédéral de téléchargement de matériel pédopornographique. Ensuite, l'entreprise a gardé le titre, les balises, le nombre de vues et le lien pour maintenir l'indexation Google et continuer à alimenter le trafic vers son site.
    J’ai des preuves de plus de 75 cas de ce genre: on confirme qu'une vidéo est de l’exploitation sexuelle d’enfants, le Centre national pour les enfants disparus et exploités demande qu'elle soit retirée, mais les données de la vidéo sont laissées sur le site même avec un titre comme « Garçon se masturbant devant l'école », « Elle est tellement étroite » ou d'autres choses du genre. Il est évident qu'il s'agit de pédopornographie. C'est de la diffusion en toute connaissance de cause et de la publicité pour l’exploitation sexuelle d'enfants.
(1645)
    Merci.
    Nous allons passer à M. Fortin.

[Français]

    Mon hypothèse, c'est que, lorsqu'une plainte est déposée auprès des services de police, on constate en général qu'il s'agit effectivement de pornographie juvénile. On cherche alors à obtenir les mandats nécessaires pour agir, ce qui prend du temps. Ensuite, on demande à l'hébergeur Web de retirer les images. Celui-ci prétendra qu'il n'était pas au courant, que son système est compliqué et qu'il va les retirer dès qu'il sera techniquement possible de le faire. Peu de temps après, c'est un autre corps de police au Canada qui fait la même demande.
    Il ne semble pas y avoir d'action concertée. Les demandes provenant de divers corps de police, on ne voit pas l'ampleur du problème dans son ensemble concernant ces entreprises. Chaque corps de police a l'impression de faire son travail, mais il n'existe pas d'approche globale relativement aux enquêtes.

[Traduction]

     Je remercie nos témoins.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, nous avons une décision à prendre. Notre temps est presque écoulé. Je demanderais aux membres du Comité s'ils ont encore des questions à poser et s'ils souhaitent un autre tour de table, ou s'ils veulent simplement lever la main pour indiquer qu’ils ont une question précise qui serait brève.
    Je vois que M. Gourde a levé la main.
     Vous avez une question? La parole est à vous, monsieur Gourde.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie aussi les témoins de leurs témoignages, qui nous seront très précieux.
    Je vais poser une question très courte aux trois témoins.
    Si vous aviez des moyens quasi illimités, ainsi que l'appui des gouvernements, des corps de police et de tout le monde, pour enrayer ce fléau, par quoi commenceriez-vous?
    Quelles sont toutes les mesures que nous pourrions mettre en place pour protéger notre jeunesse?
    Monsieur Fortin, vous pouvez répondre en premier.
    Je vous remercie.
    En fait, j'en ai énuméré plusieurs. J'ai essayé de citer dans mon exposé l'ensemble des mesures, et j'avais l'intention de les expliquer en détail.
    Il est important d'accompagner et d'aider les victimes. La répression est une chose, mais je pense que la priorité devrait être de retirer les images le plus rapidement possible afin d'éviter la survictimisation des personnes visées. Pour cela, tous les moyens devraient être utilisés pour demander le retrait rapide des contenus et obliger les fournisseurs à le faire rapidement. Le retrait d'un contenu ne devrait pas prendre 10 jours, comme on l'a entendu dire dans les témoignages.
    Selon moi, l'idée n'est pas de remplacer le processus judiciaire; la grande priorité, c'est de retirer les contenus. Je vous ferai parvenir mon exposé écrit.
(1650)
    Je vous remercie.
    Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Walker?

[Traduction]

    Madame Walker, vous avez la parole.
    Je pense que nos six recommandations, qui ont été élaborées en consultation avec la communauté internationale, sont très pertinentes. Je veillerai à ce que vous les receviez par écrit, accompagnées de leur justification.
    Nous avons un système de justice pénale qui, malheureusement, continue de compter sur le témoignage des victimes pour condamner ou prendre toute autre mesure. En tant que défenseure des droits des victimes, je dirais que nous devons examiner la situation de très près, parce que les victimes ont peur et hésitent à se manifester. En outre, les tribunaux prennent tellement de temps que, depuis l’arrêt Jordan, il arrive souvent que les délinquants soient remis en liberté parce que leur procès a dépassé la durée prévue. Le système de justice pénale nous pose un problème, tout comme la formation des professionnels du système de justice pénale.
     Je dirais que nos recommandations sont solides et qu'elles doivent être suivies, et je crois aussi que nous devons nous concentrer sur les droits des victimes et faire en sorte qu’elles n’aient pas à témoigner pour obtenir des condamnations. Il faudrait également nommer davantage de juges pour que les tribunaux puissent avancer plus rapidement.
     Merci, monsieur Gourde.
    Nous allons passer à M. Angus.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Fortin, avez-vous des recommandations à formuler, particulièrement au sujet de l'aspect juridique? Y a-t-il des lacunes sur le plan législatif qui nous empêchent de protéger les jeunes contre les sites Web, en particulier Pornhub? Vos propositions pourraient aider le Comité dans le cadre de son étude.

[Traduction]

    Deuxième question rapide, madame Mickelwait, vous dites que vous avez des documents. Si vous pouviez nous les remettre, ce serait très utile.
    De plus, si vous avez des copies des courriels montrant les tentatives faites par les survivantes avec lesquelles vous avez traité pour obtenir une reconnaissance juridique de la part de Pornhub ou pour amener l'entreprise à se conformer, nous apprécierions beaucoup que vous les transmettiez au Comité, comme tout document du genre d'ailleurs. Il est certain que, si la documentation concerne les survivantes ou les victimes, nous la traiterons avec respect et en toute confidentialité.
    C’est ce que je vais faire. Merci.
    Je me demande s’il serait possible de suggérer rapidement une solution. Je pense qu’il est important pour nous de servir les victimes, de leur offrir une thérapie traumatologique et les services nécessaires, mais il est également essentiel de travailler à la prévention.
    En vérité, une fois qu'une vidéo est mise en ligne, sur un site comme Pornhub où il y a un bouton de téléchargement et où n'importe qui peut faire une capture d'écran, la victimisation et le traumatisme subsistent. L'intensité du traumatisme est inimaginable et elle augmente jusqu'à un point où il est difficile pour les victimes de s'en remettre et qu'elles deviennent souvent suicidaires.
    Il nous faut une mesure législative qui exigerait, avec des peines sévères, la vérification de chaque personne et de chaque vidéo sur ces grands sites pornographiques afin de déterminer l’âge, le consentement et l’accord, non seulement de la personne qui fait le téléversement, mais ceux de chaque personne concernée. Je pense que cela contribuerait grandement à prévenir ce genre d’abus à l’avenir.
    Je pense aussi qu’il faut une reddition de comptes. Lorsqu’un site comme Pornhub et une société comme MindGeek se livrent à ce genre de comportement, une tape sur les doigts pour eux est vraiment une gifle pour les innombrables victimes dont la vie a été détruite au cours de la dernière décennie par cette entreprise prédatrice.
    Ce serait un énorme facteur de dissuasion pour d’autres à l’avenir de voir une véritable justice pour les victimes et de constater que cette entreprise est vraiment tenue responsable.
(1655)
    Nous allons passer à Mme Sahota, puis à Mme Stubbs, pour de brèves questions.
    Monsieur le président, je tiens à remercier tous les témoins de leur présence ici aujourd’hui, ainsi que de leur temps et de leurs témoignages.
     Les dirigeants de MindGeek continuent de parler en long et en large de leur logiciel d'empreinte numérique qui empêche un nouveau téléversement de contenu illicite sur le site. Que savez-vous de ce logiciel et de sa mise en œuvre?
    Je peux en parler, si vous le voulez.
    Bien sûr.
    Comme je l’ai déjà mentionné, MindGeek a elle-même envoyé un courriel aux victimes pour leur dire qu’elle admettait que le logiciel ne fonctionne pas. Les représentants de MindGeek eux-mêmes ont comparu devant le Comité et ont reconnu que le logiciel ne fonctionne pas dans tous les cas parce qu’on peut apporter des petites modifications aux vidéos, et qu'ensuite le hachage et la prise d’empreinte numérique ne fonctionnent plus.
    C’est extrêmement problématique lorsqu’une entreprise se sert de ce genre de logiciel et qu’elle le présente comme une solution, tout en comprenant parfaitement que cela ne fonctionne pas et en l'avouant aux victimes. Cela montre bien que nous devons agir en amont. Nous devons aller à l'étape du téléversement et mettre en place des procédures et des mesures de conformité pour empêcher que les vidéos ne se retrouvent sur le site.
    Madame Stubbs, nous vous écoutons.
    J'ai déjà eu la réponse à ma question, mais je pense que M. Fortin voulait également revenir sur la question précédente.

[Français]

    Sur le plan juridique, je rappelle qu'il y a une voie rapide. Elle est énoncée à l'article 163.1 du Code criminel visant la pornographie juvénile. Je pense que l'on pourrait envisager une disposition équivalente visant la distribution non consensuelle d'images intimes. On pourrait donc s'inspirer de ces pouvoirs qui permettent le retrait rapide de contenus illégaux.
    Cela étant dit, il faut des fonds pour créer des équipes qui se consacreront à ce problème. Je sais qu'il est difficile de dire qu'un cas est plus grave qu'un autre, mais, si l'on se fie aux corps de police qui traitent déjà des cas de pornographie juvénile, la priorité serait accordée à ceux-ci. Qu'arrive-t-il lorsqu'il s'agit d'images d'une personne plus âgée? Je pense que l'on devrait aussi envisager de créer des unités policières ou des unités hybrides dont le mandat serait de s'attaquer à ce problème, munis des bons outils juridiques.
    Concernant l'empreinte numérique, il y a déjà des technologies qui permettent de reconnaître ce qui se passe dans une vidéo. Nous sommes rendus au-delà des calculs mathématiques et du hachage pour trouver l'empreinte numérique. Il y a maintenant des logiciels qui permettraient de le faire assez bien. À mon avis, tout le monde devrait consulter la banque de données liée aux contenus illégaux avant de permettre la diffusion de contenus.

[Traduction]

    Madame Walker, je vois que vous souhaitez intervenir.
    Très brièvement, je veux seulement dire qu'en écoutant les témoignages du PDG et du chef de l'exploitation du MindGeek, j'ai constaté qu'ils n'ont pas du tout l'intention d'intervenir juridiquement ou de déployer un logiciel. Ils ont affirmé avoir mis au point, ces deux dernières années, un outil appelé « SafeGuard » pour lutter contre la diffusion d'images non consensuelles. Je n'en crois pas un mot. J'aimerais en avoir la preuve.
    De plus, je pense qu'ils se moquent éperdument de déployer ce logiciel. Le fait est qu'ils ne devraient pas s'autoréglementer, parce que rien ne les intéresse, à part faire de l'argent.
(1700)
    Merci.
    Monsieur Bowe, je vois que vous avez la main levée. Je pense que le Comité est d'accord pour vous entendre. Vous avez des commentaires à faire?
    Oui, je veux seulement répondre à certaines des questions, d'abord en ce qui a trait aux lois déjà en vigueur, mais qui ne sont simplement pas appliquées. J'aimerais aussi revenir sur la dernière remarque de Mme Walker qui se demande s'il est possible de faire confiance à ce groupe de personnes en matière d'autoréglementation.
    D'après leur propre témoignage et leur propre déclaration publique, ils conservent tout ce qui a été téléversé dans le site, même si ce contenu a été désactivé et rendu inaccessible au public. Nous savons qu'à quelques exceptions près, ils n'ont jamais fait de signalement au NCMEC ni aux autorités canadiennes, ce qu'ils sont tenus de faire dès qu'ils découvrent du matériel pédopornographique.
    Le fait est que dans les serveurs américains et canadiens, cette compagnie est probablement le plus grand dépositaire de pornographie juvénile en Amérique du Nord, ce qui est carrément un crime, comme nous le savons tous. Tout est là. Rien n'a été signalé et l'entreprise n'a pas suivi les règles ni les règlements pour traiter le problème.
    Le deuxième point que je souhaite aborder, c'est la structure d'entreprise dont a parlé Mme Walker. Nous enquêtons sur cette entreprise depuis environ un an. J'ai déjà parlé de la structure d'entreprise. J'ai travaillé sur de nombreux cas internationaux impliquant de nombreuses sociétés complexes. Je n'ai jamais vu une structure d'entreprise comme celle-là. C'est la structure par excellence pour se soustraire à l'obligation de rendre compte, à la transparence et à toute responsabilité.
    Je vous laisse là-dessus. Nous avons des monstres aux États-Unis. Nous avions un appelé Harvey Weinstein. Nous en avions autre appelé Epstein. MindGeek est le monstre canadien. C'est vrai. Cette compagnie est mauvaise, malhonnête et irresponsable.
    Merci.
    Chers collègues, il ne nous reste plus beaucoup de temps.
    Madame Stubbs, vous avez levé la main. Nous vous écoutons.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie le témoin précédent. Je me pose une question. J'aimerais que tous les témoins fassent un bref commentaire — avec la permission du président — sur le problème de non-signalement, par MindGeek ou Pornhub, aux autorités concernées du matériel d'agression sexuelle d'enfants au Canada. J'aimerais savoir si, à leur avis, il s'agit d'une violation de la loi canadienne? Je pense qu'il serait utile que les témoins donnent avis à ce sujet, s'ils souhaitent le faire.
    Madame Walker, nous serez la première à répondre.
    C'est carrément une infraction criminelle. Le Code criminel est très clair à cet égard, c'est une infraction criminelle. À l'intention de l'avocat qui est intervenu — je suis désolée d'avoir oublié votre nom, il se fait tard —, je veux que vous sachiez que tout ce que vous avez dit est très important. C'est pourquoi nous avons recommandé que l'Agence du revenu du Canada fasse une sorte d'audit de toutes les filiales pour vérifier si elles se conforment aux lois pertinentes. Je ne pense pas que ce soit le cas. Ce sont des compagnies tellement secrètes. Comme vous l'avez constaté, il est difficile de trouver l'information. Nous ne pouvons pas agir seuls. Nous avons besoin de l'aide de l'ARC pour déterminer jusqu'où s'étendent les tentacules de cette entreprise.
    Madame Mickelwait, vouliez-vous intervenir également?
    Oui, j'aimerais bien. Merci beaucoup.
    Quand les représentants de MindGeek sont venus témoigner devant le Comité il y a quelques semaines, ils ont dit qu'ils étaient des partenaires du National Center for Missing & Exploited Children. Je dirais que cette entreprise n'est pas un partenaire. Vous devriez demander au NCMEC ce qu'il en pense. Je pense qu'il vous répondrait que MingGeek n'est pas un partenaire.
    En 2020, MindGeek a fait ce qu'elle aurait dû faire il y a de nombreuses années, c'est-à-dire s'inscrire auprès du National Center for Missing & Exploited Children des États-Unis pour commencer à faire des signalements. Selon le rapport produit en 2019 par ESP pour le NCMEC, le Centre n'a reçu aucun rapport de MindGeek ni de Pornhub. De plus, nous avons des preuves indiquant que leur gestionnaire principal de la clientèle a répondu publiquement à un utilisateur en ligne qui lui avait dit qu'il y avait de la pédopornograhie partout sur Pornhub, qu'il n'avait pas besoin de le signaler autorités, mais seulement à l'entreprise. Des modérateurs m'ont dit qu'ils ne connaissaient même pas l'existence du NCMEC, le National Center for Missing & Exploited Children. J'aurais pensé que les modérateurs connaissaient l'existence de ce centre et qu'ils suivaient la procédure appropriée.
    Je termine en disant que certaines victimes ont dit avoir signalé à Pornhub qu'elles avaient été exploitées quand elles étaient mineures et s'être adressées par la suite au NCMEC pour faire rapport de leur expérience. C'est à ce moment qu'elles ont découvert que ni Pornhub ni MindGeek n'avait signalé leur cas d'exploitation.
(1705)
    Monsieur Bowe.
    Je serai très bref.
    Non seulement ils ne font pas de rapport, mais il est déjà arrivé qu'ils soient forcés de le faire à cause des gens qui portaient les cas à leur attention. Sur leur site, au lieu de dire que le contenu a été supprimé par le NCMEC, ils publiaient un avis indiquant que le contenu avait été désactivé parce qu'il violait le droit d'auteur. Tous ces efforts visent à cacher le fait que ce contenu était sur leur site.
    De plus, quand des gens dénonçaient la présence de vidéos de pédopornographie ou d'agression d'enfants, ils désactivaient la vidéo, nettoyaient la page pour faire disparaître toutes les preuves de pédopornographie, sans toutefois désactiver le lien. La raison pour laquelle ils faisaient ça... Quand ils sont venus témoigner devant le Comité, ils ont dit: « Pourquoi ferions-nous ça? C'est mauvais pour nos affaires », c'était un mensonge éhonté.
    Comme je l'ai déjà dit, leur but est d'optimiser les résultats des moteurs de recherche. Ils pouvaient désactiver la vidéo, mais ils ont maintenu en ligne tous les autres contenus...
    Mme Mickelwait a donné une foule d'exemples très connus de cette femme qui s'est suicidée. Des vidéos très médiatisées ont été versées sur le site de Pornhub. Si vous inscriviez un nom suivi, par exemple, d'un mot-clé comme « vidéo de sexe » dans un moteur de recherche aujourd'hui, le premier résultat sera Pornhub, même si la vidéo n'est plus là. Quand vous faites des recherches avec ces mots-clés sur Google ou Yahoo, c'est Pornhub qui arrive en tête des résultats. Et même si la vidéo n'est plus là, l'algorithme de Pornhub vous orientera vers du contenu similaire. C'est ce que je voulais dire. C'est exactement ce qu'ils faisaient.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Oui, monsieur Angus.
    Je sais qu'il se fait tard parce que nous sommes tellement pris par ce débat, mais j'aimerais demander certains documents.
    Je ne sais pas si nous avons déjà demandé ces documents, mais je leur ai demandé qu'elles étaient leurs obligations en vertu de la loi canadienne et leur ai rappelé qu'ils sont tenus de signaler à la police chaque incident sur leur site, je parle de la police canadienne, pas du NCMEC. Ils ont dit qu'ils avaient fait leurs signalements aux États-Unis. Nous n'avons pas eu l'occasion d'y revenir, mais en vertu de la loi canadienne, ils sont légalement tenus de présenter un rapport à la police ainsi qu'au centre de protection ici au Canada.
    Est-il possible de leur demander de nous fournir la liste des signalements effectués? Je pense leur avoir demandée, mais je ne sais pas si nous l'avons reçue. Il s'agit de la liste des cas de violence contre des enfants qu'ils ont signalés aux autorités américaines, canadiennes ou internationales.
    Leur a-t-on demandé cette liste?
    Je cherche à obtenir le consentement des membres du Comité pour que nous demandions cette information, si nous ne l'avons pas déjà.
    Nous allons parler aux analystes et au greffier pour nous assurer d'en faire la demande.
    Est-ce sur la liste?
    Je vois des hochements de tête confirmant que la demande sera faite.
    D'accord. Je vous en remercie.
    Merci, monsieur Angus.
    Madame Mickelwait, nous vous écoutons.
    J'ai une dernière observation à faire. Merci beaucoup de m'en donner l'occasion. Je pense que cela est pertinent dans le cadre de cette discussion.
    Un modérateur lanceur d'alerte de MindGeek a porté à mon attention un autre élément d'information qui devrait faire l'objet d'un examen exhaustif. Il m' a dit que l'entreprise avait une multitude de dossiers distincts dans lesquels elle est censée mettre du contenu marqué d'un drapeau, c'est-à-dire du matériel illégal ou d'exploitation d'enfants. Il m'a notamment parlé d'un « Dossier A » contenant des vidéos d'enfants très jeunes, de moins de 12 ans, mais aussi d'un « Dossier B », pour les enfants de 15, 16 et 17 ans. Ce lanceur d'alerte a dit qu'il ne croyait pas que l'entreprise allait signaler ce contenu aux autorités, bien qu'il s'agisse de pornographie infantile. Je pense qu'il est très important de creuser cette information.
    Je tiens à remercier tous les témoins de s'être joints pour une période plus longue que prévue et nous nous excusons pour les retards. Vous nous avez livré des témoignages essentiels qui éclaireront grandement nos travaux et notre étude.
    Chers collègues, je sais que nous n'avons pas l'habitude de mettre fin à une séance par une discussion ouverte comme celle-ci, mais je crois qu'elle sera productive. Je vous remercie de m'avoir permis de donner cette tournure à notre réunion.
    La prochaine réunion du Comité aura lieu le lundi 22 février. J'ai hâte de vous y retrouver. Si vous avez besoin de quoi que ce soit d'ici là, veuillez communiquer directement avec moi ou avec le greffier. Merci encore pour votre indulgence.
    Je vais maintenant lever la séance et vous laisser partir pour le week-end. Un grand merci.
    La séance est levée.
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