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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 034 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 20 mai 2021

[Enregistrement électronique]

(1435)

[Traduction]

    Soyez tous les bienvenus à la 34e séance du Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes. Conformément à un ordre de renvoi daté du mardi 4 mai 2021, le Comité se réunit pour étudier le projet de loi C-12.
    La réunion d'aujourd'hui est notre troisième et dernière avec audition de témoins. La semaine prochaine, nous entamerons le processus d'amendement article par article.
    Comme les membres du Comité connaissent les règles à suivre pour le bon déroulement d'une séance, c'est à l'intention des témoins qui n'ont jamais comparu encore devant un comité parlementaire pendant la COVID que je précise qu'ils doivent désactiver leur micro entre leurs prises de parole et, quand ils prennent la parole, ils doivent s'adresser au Comité par l'entremise de la présidence.
    Aujourd'hui, nous entendrons quatre témoins pendant la première moitié de la séance, puis cinq pendant la deuxième.
    Viennent témoigner à titre personnel M. David Wright, professeur adjoint à la faculté de droit de l'Université de Calgary, et la professeure Corinne Le Quéré, de l'Université d'East Anglia, qui, je crois, est en train d'entrer en communication avec nous.
    Nous sommes en contact également avec Mme Tara Peel, du Congrès du travail du Canada, et nous attendons M. Toby Heaps, de Corporate Knights inc.
    Monsieur Wright, nous commençons par vous. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Bonjour à tous les membres du Comité.
    Je me nomme David Wright. Je suis professeur adjoint à la faculté de droit de l'Université de Calgary. Je vous remercie de votre invitation à venir témoigner sur le sujet d'aujourd'hui.
    Permettez-moi de dire, d'entrée de jeu, qu'il est réconfortant de parler de climat avec vous, parce que le temps, ici, à Calgary, est absolument pourri, avec des précipitations solides et des températures à un seul chiffre. Aujourd'hui, il est donc préférable de seulement s'occuper de climat.
    Pour la placer dans son contexte, ma recherche est axée sur le droit de l'environnement et des ressources naturelles, compte tenu, particulièrement, du changement climatique. Je suis professeur, mais également avocat. On m'a invité à faire partie des barreaux de la Nouvelle-Écosse, du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest.
    J'ai également fait partie du Commissariat fédéral à l'environnement et au développement durable pendant cinq ans, de 2011 à 2016, ce qui me fait remarquer, avec un intérêt certain, le souffle nouveau que donne le projet de loi C-12 au rôle du commissaire.
    Sur ce projet de loi, je dirai d'abord qu'il représente un grand pas en avant dans le droit et les politiques du climat au Canada, dont la cohérence, dont le besoin se faisait grandement sentir, sera plus grande grâce à lui. Mais, visiblement, on peut encore faire mieux.
    Mes courtes remarques préliminaires s'attacheront à trois points: le partage des compétences entre Ottawa et les provinces; la justiciabilité; le rôle de la commission.
    Sur le plan pratique du partage des compétences, vous savez tous que notre constitution est silencieuse sur les questions d'environnement, y compris le changement climatique, ce qui aboutit à un chevauchement de compétences entre les provinces et le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral possède amplement de compétences pour agir contre le changement climatique, qu'il exerce actuellement d'un certain nombre de façons, notamment par la tarification du carbone, comme en témoigne l'arrêt de la Cour suprême d'il y a à peine quelques semaines.
    Le gouvernement fédéral occupe également une position avantageuse pour la coordination de l'action de tous les détenteurs de compétences dans la fédération. Mais, comme le ministre vous l'a fait remarquer dans sa déclaration préliminaire, lundi dernier, le gouvernement fédéral ne peut pas imposer un programme de décarbonation. Par exemple, il ne peut pas obliger les provinces à adopter des objectifs précis de réduction des émissions.
    À proprement parler, un projet de loi de responsabilisation en matière de climat ne peut pas aller plus loin que de détailler ce que toute la fédération peut faire pour honorer les engagements de réduction des émissions du Canada. Il est manifeste que le projet de loi C-12 a été soigneusement rédigé, compte tenu de ces contraintes constitutionnelles et de ces compétences alors que ses dispositions se focalisent presque entièrement sur les mesures fédérales. Mais, même avec ces contraintes, on peut l'améliorer de plusieurs manières tout en continuant de respecter les compétences de chacun.
    D'abord, on devrait l'amender pour faire des renseignements sur les mesures entreprises par les provinces et les territoires un élément obligatoire du plan de réduction des émissions exigé à l'article 10 — ce sur quoi je pourrai m'étendre pendant la période de questions.
    Ensuite, et semblablement, je propose d'ajouter des obligations explicites de production de rapports d'avancement des travaux et d'évaluation qui englobent la contribution des provinces et des territoires pour réduire les émissions gazeuses en question. Précisons que ça n'imposerait aucune obligation aux provinces, seulement celle de rassembler l'information à l'administration fédérale. Il est certain que la Constitution ou le partage des compétences n'empêchent aucunement cette activité. Encore une fois, je pourrai expliquer, en réponse à vos questions, ce qui motive cette proposition.
    Sur la justiciabilité, la question centrale est vraiment la mesure dans laquelle le projet de loi C-12 englobe la responsabilité ou l'invite grâce à un examen judiciaire et un recours, en plus de la responsabilité manifeste d'ordre politique, parlementaire et public mêlée au régime proposé. Bref, vu la forme actuelle du projet de loi, c'est une source d'imprévisibilité. La question centrale à laquelle votre comité doit répondre ainsi que ceux qui sont déterminés à revoir le projet de loi — et je ne vous envie certainement pas de faire ce travail, ligne par ligne, la semaine prochaine —, c'est dans quelle mesure on devrait gérer cette imprévisibilité et on peut la gérer.
    Autrement dit, il est assez simple de dissiper l'ambiguïté par une disposition explicite qui propose une révision judiciaire et des recours pour toutes les obligations découlant de la loi, et il paraît que votre comité a reçu plusieurs propositions à ce sujet. Je recommande cette option assez simple. Elle supprimerait toutes les inquiétudes qu'on entretiendrait au sujet de la justiciabilité, dont vous entendez parler.
    À partir de ce point, cependant, les choses se compliquent — les solutions de rechange sont compliquées — et il s'agit réellement d'introduire des amendements de dispositions précises pour, au moins, réduire les motifs pour lesquels un tribunal pourrait trouver la loi, en tout ou en partie, susceptible d'être portée devant les tribunaux. Comme vous le savez peut-être, une cour fédérale a rendu un jugement sur ce point, qui concernait la Loi de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, jugement confirmé par la Cour fédérale d'appel.
    Dans le souci d'aller plus vite, je n'entrerai pas dans les détails — c'est à voir pendant la période des questions —, mais le résultat est vraiment que les devoirs énoncés dans le projet de loi doivent l'être dans un langage clair et contraignant, qui donne aux tribunaux des critères juridiques objectifs à appliquer. Le projet de loi s'en acquitte assez bien, mieux que la Loi sur la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, mais on pourrait faire mieux dans plusieurs dispositions.
(1440)
    Enfin, en guise de conclusion dans les quelques secondes qui me restent, une caractéristique appréciée du projet de loi C-12 est d'apporter un souffle nouveau au rôle de supervision indépendante du commissaire.
    Le commissariat est un organisme puissant, crédible, capable de beaucoup, qui peut profiter et contribuer beaucoup au régime proposé de transparence et de responsabilité. J'ai quelques petites idées à ce sujet, mais relativement à l'article 24.
    Bref, d'après moi, le projet de loi C-12, s'il était adopté, constituerait une étape importante et louable pour améliorer la cohérence de l'ensemble du droit et des politiques canadiennes en matière de climat. Mais, son architecture actuelle risque de ne pas lui permettre de résister entièrement aux vents changeants de la politique — et c'est en réalité l'intention de cette initiative. Voilà pourquoi, dans sa version actuelle, le projet de loi risque de décevoir les attentes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Wright.

[Français]

    Je vois que Mme Le Quéré s'est jointe à nous.
    Je vous souhaite de nouveau la bienvenue, professeure Le Quéré. Ce n'est pas votre première comparution devant le Comité.
    Je vais vous demander de nous livrer maintenant votre discours d'ouverture. Vous disposez d'environ cinq minutes.
    Je suis désolée, mais j'étais aux prises avec des problèmes techniques.

[Traduction]

    Merci beaucoup de bien vouloir m'entendre aujourd'hui. Je voudrais dire quelques mots sur la gouvernance de l'action climatologique au Canada, qui, dans le passé, n'a pas donné de bons résultats.
    Ayant travaillé au Royaume-Uni, je possède un point de vue international sur la question. Le projet de loi C-12 doit garantir l'atteinte des objectifs actuels en matière de climat. Vous vous rappellerez sans doute que, en mars dernier, devant votre comité, j'ai fait remarquer que le Canada était le seul membre du G7 dont les émissions n'aient pas diminué dans la décennie antérieure à la COVID. La crise de la COVID aura donné lieu à une diminution temporaire des émissions, mais, comme la baisse n'est pas structurelle, dès que le confinement prendra fin, les émissions rebondiront, peut-être même au-dessus des niveaux antérieurs.
    Mais, il y a quand même lieu de se réjouir, parce que l'expérience des 15 dernières années montre que beaucoup de pays ont réussi à mettre en œuvre des réductions durables des émissions. J'ai travaillé au Royaume-Uni, mais en France aussi et dans d'autres pays. Pour me préparer à la réunion d'aujourd'hui, j'ai comparé le projet de loi C-12 et des lois analogues en vigueur au Royaume-Uni, le Climate Change Act et, en France, la loi « énergie-climat ». J'ai ainsi découvert des façons pour considérablement renforcer le projet de loi pour permettre, en 2021, une réduction des émissions au Canada.
    On pourrait le renforcer principalement selon deux axes: d'abord en le dotant d'un sentiment d'urgence et en y intégrant des signaux clairs pour la population; enfin, en renforçant l'indépendance des avis reçus par le gouvernement.
    Pour commencer, le projet de loi ne parvient pas à communiquer un sentiment important d'urgence et rate son coup sur la clarté de ses intentions. Ce sont des paramètres vraiment importants si on veut orienter les investissements du secteur privé. Les objectifs et le rythme de gouvernance sont trop lents pour produire des résultats sur les objectifs de 2030, notamment, mais aussi les plus éloignés. On pourrait y remédier par des rapports annuels de situation, pour maintenir un portrait clair et actualisé des progrès réalisés ou manqués. Vous pourriez fixer une échéance pour la décennie, pour 2025 ou 2026. N'attendez pas 2030, ce qui pourrait être trop éloigné pour être parlant. Vous devriez déterminer les échéances au moins 10 ans d'avance. La France et le Royaume-Uni fixent les leurs 12 ans d'avance, et le secteur privé connaît longtemps d'avance le cap qu'on veut garder. Enfin, vous devriez fonder les objectifs de l'échéancier sur les conseils du groupe consultatif sur la carboneutralité.
    Ensuite, des avis experts, indépendants, fondés sur les faits sont essentiels à l'efficacité du projet de loi. Les avis fondés sur les faits essentiels tiennent compte, non seulement des contraintes mondiales, comme le fait l'objectif de la carboneutralité pour 2050, mais également des circonstances nationales. Quel est le point de départ? Le Canada est une fédération, ce qui introduit un ensemble de contraintes. Au Canada, le bouquet de carburants et de combustibles est très particulier, différent de celui des États-Unis, du Royaume-Uni et de beaucoup d'autres pays. Ce peut être favorable à la mise en œuvre de mesures par le gouvernement et le Parlement et ce le sera. Le projet de loi pourrait renforcer considérablement cet aspect, notamment en obligeant à fonder le choix des membres du groupe consultatif sur la carboneutralité sur leurs compétences et non leur représentativité — on les veut pour leurs idées —, et en accordant des ressources suffisantes et protégées au fonctionnement du commissariat, qui évalue ce qui s'est produit jusqu'à maintenant, et à l'organisme consultatif, qui recommandera une politique.
    Je termine en affirmant que le Canada a franchi un pas important avec ce nouvel objectif climatique pour 2030 et l'objectif de la carboneutralité pour 2050, mais, parmi tous les pays, il n'a pas obtenu de bons résultats dans l'atteinte des objectifs contre le changement climatique. Ce piètre bilan très visible le fait mal paraître. Le projet de loi C-12 et la mise en œuvre de mesures climatiques qu'il permettra arrivent à point bien nommé pour corriger le tir.
(1445)
    Merci beaucoup.

[Français]

     Je vous remercie, professeure Le Quéré.
    Nous accueillons également Mme Tara Peel, qui est coordonnatrice, Santé, sécurité et environnement, au Congrès du travail du Canada.
    Madame Peel, vous avez la parole.

[Traduction]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour. Je vous remercie de votre invitation.
    Le Congrès du travail du Canada est le plus gros syndicat du pays. Il se prononce sur les questions d'intérêt national au nom de plus de trois millions de syndiqués de tout le pays. Le changement climatique est un enjeu important pour les syndicats et tous les actifs Canadiens. Voilà pourquoi le Congrès et les syndicats du Canada se réjouissent du dépôt du projet de loi sur la responsabilité du Canada pour la carboneutralité.
    Dans le peu de temps dont je dispose, mes observations sur le projet de loi se borneront à trois domaines: les mécanismes de responsabilisation, la transition équitable et l'organisme consultatif sur la carboneutralité.
    D'abord, en ce qui concerne la responsabilisation, le Canada, comme d'autres l'ont dit avant moi, n'a jamais atteint un seul objectif qu'il s'était fixé pour lui-même en matière de climat. Pour casser cette habitude d'objectifs ratés de réduction des émissions de gaz à effet de serre, il faut une loi qui responsabilise les gouvernements pour le respect de leurs échéances et non pour avoir essayé de les respecter. Le projet de loi C-12 exige un cycle continu de planification et de production de rapports calés sur les échéanciers quinquennaux et les objectifs à long terme. Mais il offre trop de latitude à des objectifs imprécis et à des plans peu détaillés.
    Il devrait fixer des obligations claires et fermes au ministre pour le respect ou le dépassement de normes minimales robustes pour les objectifs et les plans de réduction des émissions. Ces plans doivent renfermer des modèles robustes qui montrent clairement les modalités d'atteinte des objectifs. La responsabilité doit se fonder sur les résultats et non sur les processus.
    De plus, le nombre de points de contrôle des responsabilités dans la décennie à venir qui est cruciale est insuffisant. Le projet de loi C-12 emploie des objectifs assortis d'échéances plutôt que des bilans du carbone. Pour aggraver la situation, le commissaire à l'environnement et au développement durable serait tenu de produire des rapports sur la mise en œuvre des mesures seulement une fois tous les cinq ans. Maintenant que le gouvernement s'est fixé un objectif pour 2030, il n'y a pas de raison pour justifier de ne pas le tenir responsable en 2025.
    Enfin, pour ne pas s'écarter de la limite de 1,5 °C, le projet de loi doit exiger des réductions absolues des émissions de gaz à effet de serre plutôt que de compter sur des compensations des émissions de carbone et des solutions technologiques porteuses d'espoir qui permettront à l'industrie de continuer à produire des émissions croissantes.
    La transition équitable maintenant. Le Congrès comprend que l'élaboration du projet de loi C-12 ait privilégié la création d'emplois, et nous ne nous attendons pas à ce que ce projet de loi atteigne tous les objectifs de la loi promise sur la transition équitable. Mais, d'après nous, il devrait renfermer des renvois précis à cette transition comme moteur important de l'ambition climatique. Il est essentiel de nous doter de plans concrets pour une transition équitable, pour les travailleurs et les communautés touchés, non seulement pour amplifier cette ambition, mais, également, pour assurer l'adéquation entre elle et nos actions. Le projet de loi devrait reconnaître que l'atteinte des échéances en matière climatique exigera des plans robustes pour une transition équitable de la main-d'œuvre.
    Enfin, l'organisme consultatif sur la carboneutralité. Incontestablement, c'est un atout important du projet de loi. Il est constitué de représentants de diverses communautés, notamment Autochtones, fonctionnaires, syndicats, organismes écologistes, industrie et universités, tous possédant leurs propres compétences. Nous sommes heureux que notre président, M. Hassan Yussuff, y représente les travailleurs.
    D'après nous, l'organisme doit être en mesure de fournir des avis convaincants, fondés sur la science, sur les marches à suivre pour atteindre les échéances quinquennales. Malgré ses conseils importants sur les mesures et les stratégies pour respecter les échéances du Canada en matière de réduction des émissions, aucun rôle clair ne lui est confié pour la surveillance, l'évaluation et la production de rapports sur les progrès réalisés vers l'atteinte des objectifs du Canada. D'après nous, il devrait y avoir une évaluation indépendante et fréquente des progrès du Canada vers l'atteinte de ses objectifs.
    Le Congrès se réjouit de ce projet de loi susceptible de mettre fin aux habitudes du Canada de ne jamais avoir atteint ses objectifs climatiques. Le renforcement de certaines dispositions du projet de loi permettrait au Canada de contribuer sensiblement aux efforts essentiels de limitation du réchauffement planétaire à pas plus de 1,5 °C.
    Merci beaucoup. J'attends avec impatience vos questions.
(1450)
    Merci beaucoup, madame Peel.
    Nous allons maintenant entendre M. Toby Heaps, PDG et co-fondateur de Corporate Knights.
    Avez-vous un casque d'écoute, monsieur Heaps? Malheureusement, pour la santé et la sécurité des interprètes, les témoins doivent avoir un casque d'écoute.
    Avez-vous des écouteurs-boutons ou quelque chose du genre qui pourrait donner une qualité sonore appropriée? C'est juste que les comités de la Chambre ont adopté des résolutions sur cette question.
    Je suis désolé, mais je n'en ai pas. J'ai appris cela hier soir seulement.
    Je vois. Vous pourriez peut-être suivre la discussion et nous transmettre vos commentaires.
    Nous avons adopté une motion selon laquelle nous ne pouvons pas poursuivre sans cela. Nous avons besoin de l'interprétation, et il faut, pour les interprètes, que les témoins aient l'équipement approprié.
    Avez-vous des suggestions, madame la greffière?
(1455)

[Français]

     Monsieur le président, je trouve en effet que cette situation est vraiment regrettable. Si je me souviens bien, la motion veut que, dans les cas où le service d'interprétation n'est pas disponible, on demande aux témoins de revenir à un autre moment. Or il n'y a pas d'autre moment, étant donné que c'est la dernière journée où des témoins comparaissent.
     Je ne veux pas nuire à la santé ou à la sécurité des interprètes. Je pense donc ne pas avoir le choix.
     En effet. Nous avons adopté cela.
    Nous ne pouvons pas remettre la comparution de M. Heaps à un autre moment. C'est impossible. En fait, c'est ce qu'il aurait fallu faire, selon les motions que nous avons adoptées.

[Traduction]

    Nous avons un deuxième groupe de témoins plus tard cet après-midi, dans une heure environ. Nous essaierons de vous intégrer dans ce groupe. Serait-il possible de vous procurer des écouteurs ou une sorte de...
    Oui. Je pense que je peux me débrouiller. Merci beaucoup.

[Français]

    Cette solution vous convient-elle, madame Pauzé?
    Oui.
    Madame la greffière, est-ce que cela semble une solution acceptable?
    C'est parfait.

[Traduction]

    Monsieur le président.
    Oui, madame May.
    Je ne suis pas membre du Comité. Je trouve vraiment regrettable qu'on n'ait prévu que trois séances pour entendre des témoins, compte tenu de l'importance du projet de loi. Je demande simplement aux membres du Comité d'envisager la possibilité d'ajouter une journée pour garantir que... Il s'agit d'un projet de loi très important. De toute évidence, nous disposons de très peu de temps pour entendre un éventail de témoins. J'ai proposé quelques noms, mais ils n'ont évidemment pas été retenus. Je demanderais simplement aux membres du Comité de bien vouloir songer à ajouter du temps.
    Nous avons examiné tous les témoins proposés, n'est-ce pas, madame la greffière? Ils étaient tous sur la liste que j'ai vue et que tout le monde a vue.
    Tous les noms ont été transmis aux analystes pour qu'ils en tiennent compte dans la constitution des groupes de témoins.
    Bien sûr, je n'ai pas vu cette liste, mais j'ai envoyé une liste de témoins, et aucun d'entre eux ne fait partie du groupe. Je vais attendre une autre fois. Je ne veux pas empiéter sur un temps précieux.
    Le Comité a décidé de consacrer neuf heures à l'audition de témoins. Évidemment, le Comité peut toujours changer d'avis. Si quelqu'un a une motion, il lui appartiendra de la présenter. Pour l'instant, je pense que nous allons devoir procéder.
    Je suppose que nous passons directement aux questions à ce stade, ce qui laissera un peu plus de temps pour le deuxième groupe de témoins, car nous avons maintenant six témoins.
    Nous commençons par Mme McLeod. Est-ce bien cela?
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins.
    J'espère que nous aurons l'occasion d'entendre M. Heaps avec le prochain groupe de témoins, même si cela raccourcira un peu notre période de questions.
    Je vais commencer par M. Wright.
    J'ai passé les cinq dernières années au sein du comité des affaires autochtones. Je fais partie de ce comité depuis très peu de temps, mais ce qui m'étonne le plus, pour commencer, c'est que les fonctionnaires ont déclaré n'avoir eu aucun échange avec les peuples autochtones du Canada avant le dépôt de ce projet de loi. La Déclaration des Nations unies — une mesure législative que le gouvernement affirme être très importante —, traite à l'article 19 de la nécessité de telles discussions concernant les questions qui sont importantes pour les peuples autochtones.
    Êtes-vous surpris qu'il n'y ait pas eu de consultation ou de discussion officielle avec Environnement Canada? Est-ce que c'est approprié, étant donné que le gouvernement actuel a déclaré qu'il n'y a pas de relation plus importante et qu'il fait adopter la Déclaration de l'ONU? Pour moi, c'est du pur symbolisme, mais cela ne correspond pas à la réalité, quand on pense à ce qui peut faire changer les choses.
(1500)
    Ce n'est pas un aspect que je m'attendais à aborder aujourd'hui, mais je vous remercie de cette question.
    Pour être tout à fait franc, je n'ai pas suivi cet aspect de l'élaboration du projet de loi. Je me souviens que le ministre a mentionné des discussions avec certains des organismes et organisations autochtones représentatifs lundi, dans une certaine mesure, mais je n'ai pas suivi cet aspect du dossier, alors je ne peux rien dire.
    D'un point de vue juridique, la jurisprudence est quelque peu inégale, mais elle est relativement claire sur le fait qu'il n'y a pas d'obligation de consultation dans la formulation de projets de loi. Nous ne sommes probablement pas hors du champ de la loi. Cependant, comme vous le dites, les engagements visant à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies vont au-delà de ce que la loi actuelle exige au Canada. Cette déclaration évolue pour devenir une loi.
    Au fur et à mesure de l'élaboration et de l'affinement du projet de loi, et en particulier lorsque les plans sont émis en vertu de la loi, si elle est adoptée, je m'attends à une collaboration, une coopération et une consultation solides avec les communautés autochtones et les organisations autochtones représentatives.
    Au Comité, nous avons entre autres consacré beaucoup de temps à discuter du Comité consultatif avec les témoins que nous avons entendus. Le Comité consultatif pour la carboneutralité a déjà été créé, mais même aujourd'hui, nous entendons des points de vue différents quant à savoir s'il devrait s'agir d'un organisme scientifique ou d'un organisme représentatif.
    Il est malheureux que le gouvernement n'ait pas attendu d'entendre les experts sur ce à quoi cela devrait ressembler; il est allé de l'avant. Comme je l'ai dit, il y a là des personnes très importantes qui jouissent d'une excellente réputation dans tout le Canada, mais est-ce la combinaison qui correspond à nos besoins pour aller de l'avant? Pour ce qui est des Autochtones, oui, ils sont représentés dans une certaine mesure, mais le gouvernement n'a aucune obligation à cet égard.
    Avez-vous des commentaires à faire sur cette question en général et sur la participation des peuples autochtones à ce groupe consultatif pour la carboneutralité?
    Oui. J'ai une ou deux choses à dire.
    Je suppose qu'il faut commencer quelque part lorsqu'il s'agit de mettre en place les soutiens institutionnels que ce régime exige. Il n'est pas si surprenant que le ministre ait réuni ce groupe, apparemment sur une base volontaire, d'après ce que j'ai compris, lundi. Si le projet de loi est adopté, on peut s'attendre à un processus plus rigoureux et à la révision du mandat. On peut aussi s'attendre à ce que le groupe soit doté d'une sorte de grille des compétences qui garantira une composition adéquate. Il est à espérer que cela sera basé sur certains des commentaires utiles que ce comité a reçus au sujet de l'importance de la diversité des experts et des rôles.
    À cet égard, une option consisterait à examiner certaines des nouvelles dispositions de la Loi sur l'évaluation d'impact et de la Loi sur la Régie canadienne de l'énergie, qui exigent explicitement qu'au moins une personne autochtone siège à différents organismes consultatifs et organismes d'experts. Cela pourrait être détaillé dans la loi ou au niveau inférieur, dans le cadre d'un mandat ou d'un instrument similaire. Il s'agit peut-être d'une recommandation que le Comité souhaite examiner. Il peut s'agir d'un niveau de détail plus profond que celui de la loi, mais cela pourrait être réalisé, encore une fois, dans la loi elle-même ou au niveau des orientations et du mandat.
    Est-ce qu'il me reste du temps, monsieur le président? Je sais qu'hier, j'ai continué à parler alors que je n'aurais pas dû le faire.
    Il vous reste 15 secondes. Vous pouvez faire une déclaration, si vous le souhaitez.
    Je dirai que je suis surprise par l'absence de tout processus formel au sein d'Environnement Canada pour l'inclusion des Autochtones, étant donné sa priorité concernant les relations et la Déclaration des Nations unies.

[Français]

     Merci.
    Je cède maintenant la parole à M. Longfield.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
    Monsieur Wright, j'aimerais poursuivre avec vous.
    Il y a quelques aspects qui me préoccupent à la lecture du projet de loi. L'un d'eux en particulier est la relation constitutionnelle que nous avons avec les provinces et les territoires. Vous avez mentionné, dans votre déclaration, l'équilibre entre l'établissement d'un texte législatif comportant des objectifs réalisables et l'absence de cibles directement imposées aux provinces et aux territoires, quant aux chiffres.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus? Vous avez mentionné que vous pourriez nous donner un peu plus de détails à ce sujet.
(1505)
    Bien sûr. De manière générale, naturellement, la Constitution impose des limites aux compétences du gouvernement fédéral. Il n'a qu'un certain nombre de leviers constitutionnels à actionner, et le gouvernement actuel a utilisé presque tous les leviers disponibles.
    Cela ne permet pas au pays d'atteindre les réductions d'émissions requises. Cela va nous permettre de faire une bonne partie du chemin, mais pas tout le chemin. La coopération avec les provinces, et entre les provinces et les territoires, est donc la seule option possible.
    La modification précise que je suggère d'apporter au projet de loi consiste à inclure l'élément permissif qui se trouve au paragraphe 10(3) dans le paragraphe 10(1), qui énonce les éléments obligatoires. Pour éviter les chiffres et les questions techniques...
    Non, je vous prie.
    ... il s'agit essentiellement de rendre obligatoire l'inclusion dans le plan exigé à l'article 10 de l'information sur les contributions des provinces et des territoires à la réduction des émissions. Les autres éléments du paragraphe 10(3) pourraient rester facultatifs, bien qu'il y ait une zone sensible à couvrir en ce qui concerne les gouvernements autochtones.
    Très bien, merci. C'est très utile. Je vois exactement ce dont vous parlez, et cela nous sera utile pour l'étude article par article. C'est pourquoi j'ai parlé de faire référence aux articles à l'avance, car nous le ferons lors de nos prochaines réunions.
    De plus, en ce qui concerne le Conseil consultatif, j'ai travaillé avec des organismes sans but lucratif — j'ai aidé à mettre en place des conseils d'administration —, et les conflits d'intérêts suscitent toujours des préoccupations. Il arrive que l'on inscrive dans les statuts que vous devez laisser vos affaires à la porte, mais même dans ce cas, si vous représentez votre entreprise au sein d'un conseil d'administration, vous devez faire très attention aux conflits d'intérêts et à leur gestion.
    En ce qui concerne la composition de l'« organisme consultatif », comme il est appelé dans la Loi, comment croyez-vous que nous puissions tirer parti des compétences dont nous avons besoin, particulièrement, disons, en matière de relations interprovinciales avec le gouvernement fédéral, mais aussi en tant qu'entreprises?
    Certains organismes de lobbying nous ont demandé de les inclure dans le groupe. Ils veulent en faire partie. Comment gérerions-nous les conflits?
    C'est plus facile à dire qu'à faire et le diable est toujours dans les détails, si vous me permettez ces quelques banalités.
    L'une des options est, tout d'abord, de rendre la chose explicite, de sorte qu'il y ait une intention législative indiquant que le conflit d'intérêts est un problème réel contre lequel il faut se prémunir. Encore une fois, la Loi sur la Régie canadienne de l'énergie, récemment modifiée, contient des dispositions utiles à cet égard. Ensuite, ce serait une question de systèmes et de pratiques de protection contre ces conflits.
    La divulgation peut être très utile. Tant que les conflits réels ou perçus sont divulgués et que tout le monde y consent — et c'est en quelque sorte le prix d'entrée, à mon avis en tant qu'expert —, alors tout peut être en règle.
    C'est vrai. C'est toujours l'élément de divulgation. J'ai dû le faire moi-même à maintes reprises.
    En ce qui concerne le Bureau du vérificateur général et le rôle du commissaire à l'environnement et au développement durable, je siège également au comité des comptes publics. Notre greffière travaille également pour ce comité. Nous considérons les mesures à prendre découlant des vérifications comme une partie essentielle de l'information avec laquelle nous travaillons. Les mesures à prendre figurent dans un premier rapport qui est présenté au Parlement, car ce bureau rend des comptes au Parlement et non au gouvernement.
    Il y a là un élément de gouvernance que je voudrais m'assurer que nous soulignons dans le texte législatif, à savoir le rôle clé de l'équipe d'audit, y compris la détermination des mesures à prendre lorsque vous n'atteignez pas les objectifs qui vous ont été imposés par la loi.
(1510)
    La façon dont cela fonctionnerait probablement dans les bureaux du commissaire à l'environnement — je parle de mon point de vue actuel et non de mon point de vue précédent —, c'est qu'il s'agirait probablement d'audits de gestion, donc d'audits d'optimisation des ressources, d'audits non financiers. Dans le cadre de ce volet du travail du commissaire, comme vous l'avez dit, des recommandations sont émises.
    La façon de modifier le projet de loi C-12 afin d'obtenir les recommandations significatives que vous recherchez — en supposant que tout le monde veut que le projet de loi soit aussi fort que possible sur le plan de la transparence et de la responsabilité — serait d'inclure un libellé plus proche de celui du projet de loi C-215, proposé le 24 février par le Bloc québécois, qui établit un lien avec l'atteinte des objectifs de réduction des émissions. Le libellé actuel de l'article 24 est relativement vague, et il y a donc lieu de revoir le texte et de s'inspirer, peut-être, du projet de loi C-215.
    Eh bien, le gouvernement a investi dans ce bureau pour avoir des spécialistes des audits environnementaux, alors cette partie serait faite. C'est simplement la responsabilité et la transparence que nous devons renforcer, selon vous.
    Je vous remercie. C'est très utile.
    D'accord, très bien. Merci, monsieur Longfield.

[Français]

     Est-ce Mme Michaud ou Mme Pauzé qui prendra la parole?
    Monsieur le président, c'est moi qui le ferai.
    Je remercie d'abord les témoins d'être parmi nous cet après-midi.
    Je m'adresserai d'abord à vous, madame Le Quéré.
    Vous présidez le Haut Conseil pour le Climat en France, vous êtes membre du Climate Change Committee, au Royaume-Uni et vous êtes l'auteure de rapports du GIEC. Selon moi, vous faites certainement partie des experts que l'on doit consulter et écouter.
    J'ai eu le plaisir de vous entendre à de nombreuses reprises au cours des derniers mois, et vous êtes également venue nous parler, en mars dernier, de la possibilité de faire du commissaire à l'environnement et au développement durable un agent du Parlement indépendant.
    Or il ne semble y avoir aucun intérêt pour cela actuellement. Ma question va dans ce sens. Le rôle du commissaire est de regarder en arrière et celui du comité d'experts est de se projeter vers l'avant. Madame Le Quéré, quels périls entrevoyez-vous si le comité qui est prévu au projet de loi C-12 reste tel quel et que le commissaire ne change pas de statut pour avoir l'indépendance requise? Dans quelle mesure les progrès seraient-ils compromis?
    Je vous remercie de votre question, madame Pauzé.
    Effectivement, dans le projet de loi, le suivi des mesures mises en place est assez faible. Faire ce suivi est le travail du commissaire à l'environnement et au développement durable. On lui demande de présenter des rapports pas très fréquemment, c'est-à-dire tous les cinq ans. Il n'y a pas vraiment de raison d'attendre aussi longtemps pour faire un suivi des lois, des politiques et des mesures en place qui permettrait de rajuster le tir assez rapidement.
    Effectivement, faire du commissaire à l'environnement et au développement durable un agent indépendant du Parlement pourrait lui donner plus d'indépendance. Il pourrait par exemple choisir sa propre équipe technique et organiser son travail de manière plus indépendante et, de fait, accorder plus d'attention aux résultats qu'aux dépenses.
    D'accord.
    Vous avez fait partie d'un groupe témoin au côté de lord Deben, qui est le président du Climate Change Committee du Royaume-Uni, et vous avez aussi parlé des questions intersectorielles et des questions climatiques.
    Vous avez parlé de la possibilité que le comité consultatif soit sous l'égide du commissaire, plutôt que sous l'autorité du ministre. Croyez-vous que cela contribuerait à instaurer progressivement une approche qui ferait passer toutes les décisions de l'appareil d'État par une grille d'analyse visant à respecter les objectifs en matière environnementale?
    Oui, tout à fait.
    Selon moi, le design actuel de la loi fait que le groupe consultatif est trop près du ministre, et l'indépendance n'est pas tout à fait assez visible. Cela doit être sans lien de dépendance. Or la distance n'est pas très visible. Du coup, le groupe consultatif est trop près du gouvernement et trop loin du commissaire à l'environnement et au développement durable, qui fait le suivi des politiques.
    Il faudrait rapprocher ces deux fonctions, soit celle qui regarde en arrière et celle qui regarde en avant. De plus, il faudrait qu'elles soient appuyées par une équipe technique analytique très forte qui pourrait analyser les raisons des manques passés pour pouvoir faire des projections et appuyer ce comité consultatif. Ainsi, le rôle des rapports passés et des recommandations futures serait beaucoup plus fort.
(1515)
    Cela permettrait-il que toutes les décisions de l'État soient analysées à la lumière des objectifs en matière environnementale, un peu comme cela se fait en France? Vous en avez parlé cette semaine ou la semaine passée.
    Effectivement, au point où nous en sommes en ce qui a trait à l'implémentation des politiques climatiques, toutes les décisions du gouvernement doivent respecter les limites du climat. Actuellement, le gouvernement ne s'approprie pas ces questions.
    Il faut vraiment que la loi donne un cadre pour que les décisions qui n'ont pas forcément à voir avec le climat et l'environnement suivent de manière aussi robuste la trajectoire vers la neutralité carbone.
    Je vous remercie. J'aurais une dernière question à vous poser.
    Dans votre allocution d'ouverture, vous avez dit que communiquer l'urgence fait partie de la transparence. Je trouvais cela assez fort comme propos. Concernant le projet de loi C-12, vous avez souligné l'absence de plusieurs éléments cruciaux qui pourraient assurer une planification à long terme ainsi qu'une reddition de comptes, et qui permettraient de considérer l'ensemble des mesures et des plans visant l'atteinte des objectifs.
    Quelle serait votre position sur le principe de la transparence, notamment sur l'importance d'avoir peut-être — vous en avez parlé tantôt — une plus grande fréquence dans la production de rapports accessibles au public?
    Au Royaume-Uni et en France, chaque année, les deux comités — celui que je préside en France et celui auquel je siège au Royaume-Uni — publient en juin un rapport précisant ce qui a avancé pendant l'année et là où il y a eu des lacunes, et ce, par département, par ministère, par pays et, en France, par région aussi. C'est la façon dont ils fonctionnent. Leur gouvernement doit répondre à ces rapports, année après année. Cela permet de garder actuelle l'urgence de la question et de rectifier le tir vraiment très rapidement. On ne peut pas suivre ce rythme si l'on produit des rapports et des constats quinquennaux.
    Je vous remercie beaucoup, madame Le Quéré.
    Merci, madame Pauzé.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. Je crois avoir entendu mon nom.
    Merci à tous les témoins. Cette discussion est fascinante et très importante.
    Ma première question s'adresse à M. Wright.
    Vous avez un peu parlé du rôle du commissaire, et Mme Le Quéré en a également parlé de façon assez détaillée. Ma question est de savoir si le bureau du commissaire à l'environnement, tel qu'il est actuellement constitué, est structuré et doté de ressources suffisantes pour jouer un rôle élargi. Faut-il non seulement en faire un agent indépendant du Parlement, mais aussi le doter de ressources beaucoup plus importantes pour qu'il puisse s'occuper de ce dont il pourrait être chargé en vertu d'un projet de loi C-12 élargi?
    Je vous remercie de cette question.
    Il est difficile de parler de ressources, et je dirai ouvertement que je suis quelque peu subjectif et que je pense que le bureau mérite plus de ressources. Je pense que son rôle d'organe de surveillance indépendant est précieux et qu'il bénéficierait de ressources supplémentaires.
    Mais je pense que ce à quoi vous voulez peut-être en venir, c'est au rôle relativement limité du bureau, comme on l'a mentionné précédemment. Il joue un rôle rétrospectif. Il répond réellement à la question de savoir comment les choses se sont passées et ne répond pas à la question de savoir comment les choses devraient se passer. Le bureau n'a pas le pouvoir d'examiner le bien-fondé des voies à suivre.
    Il y a une question plus vaste de structure institutionnelle. Franchement, cet aspect nécessiterait des modifications plus étendues à la Loi sur le vérificateur général de manière à modifier ce rôle et à adopter une approche axée sur la remise en question du bien-fondé. Cela fait l'objet de débats depuis la création du bureau dans les années 1990. Encore une fois, il s'agit d'une question plus vaste, qui pourrait être abordée ici ou non.
    La dernière chose que je dirais est qu'il y a peut-être une pièce manquante. L'aspect rétrospectif est assez bien couvert, bien que je suggère également des rapports plus fréquents, probablement deux par période de cinq ans — c'est l'un des amendements à l'article 24 — plutôt qu'un seul par période de cinq ans. La pièce manquante est ce rôle prospectif, ce qui signifie peut-être un peu plus de distance par rapport au ministre, pour revenir au point précédent.
    Ce rôle, en vertu de la Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto, était assumé par la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie. L'actuel Institut canadien pour des choix climatiques remplit une partie de ce rôle, mais pas la totalité. Il y a donc une pièce institutionnelle manquante dont le Comité devrait discuter et à laquelle il devrait réfléchir, car les institutions ont leur importance lorsqu'il s'agit de demander des comptes aux gouvernements.
(1520)
    Je vous remercie.
    Vous avez traité brièvement de la justiciabilité. Au risque de faire prononcer ce mot plus que nécessaire à l'un d'entre nous, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les modifications qui, outre l'amendement, ajouteraient une référence précise au contrôle judiciaire dans le projet de loi C-12? À titre de juriste, quels autres changements importerait-il d'apporter au libellé concernant le caractère exécutoire et les contestations judiciaires potentielles en vertu de la loi?
    Il y a l'option A, qui est simple, et l'option B, qui est complexe. Nous en sommes maintenant à l'option B.
    Il est notamment proposé, ou suggéré, d'amender le paragraphe 10(1), soit la disposition sur le contenu du plan, afin de le rendre plus détaillé et plus normatif.
    Votre comité a reçu des propositions sur les références explicites à la modélisation et aux projections. Je recommanderais ces ajouts également — et, de façon générale, plus il y a de détails, mieux on s'en trouve —, car vous tentez d'établir dans le projet de loi des critères objectifs qui peuvent être utilisés et interprétés par un tribunal sans qu'il ait à s'aventurer en terrain inconnu en statuant sur des questions de politique.
    Je proposerais également d'ajouter que le gouvernement fédéral et le ministre ont le devoir de « prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre établis au titre de la présente loi et ailleurs. » Ces mots précis ont été entendus ce matin ou hier. Les mots comptent vraiment et les mots « prendre toutes les mesures nécessaires » ont été interprétés en contexte judiciaire et liés à la justiciabilité au Canada. Cet ajout pourrait être utile et pourrait prendre la forme d'une nouvelle disposition — probablement un nouvel article 9 après l'article 8 — visant à indiquer explicitement qu'il faut prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre les cibles que nous nous sommes engagés à atteindre.
    Je m'adresserai maintenant à Mme Le Quéré.
    De nombreux témoins ont souligné le besoin d'établir des jalons à court terme avant 2030. Je me demande si vous pourriez parler du risque que nous courons si le projet de loi C-12 n'en contient pas. Quel risque y a-t-il à ne pas avoir de jalons à court terme?
    Le risque, c'est que l'urgence ne sera pas reconnue. Vous avez maintenant un jalon pour 2030 et vous devez établir très rapidement un plan pour atteindre ce jalon à moyen terme. En établissant un jalon en 2025, vous indiqueriez très clairement à tous les acteurs de la société, notamment au secteur privé, ce qu'ils doivent faire pour vous aider dans cette entreprise. Je pense que c'est extrêmement important, car le délai de 2030 est bien trop éloigné, surtout si les rapports du commissaire ne sont publiés qu'aux cinq ans.
    Vous avez longuement réfléchi à la question. Si vous deviez établir un jalon en 2025 avec un signe ou une cible, quel serait-il? Quel serait le pourcentage?
    Répondez très brièvement, car nous avons dépassé le temps accordé.
    Je demanderais à l'organisme consultatif sur la carboneutralité de me l'indiquer.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie. Ces questions et ces réponses sont fort intéressantes.
    Nous entamerons le deuxième tour, en commençant avec M. Albas pour cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président. Je voudrais remercier tous les témoins, mais je céderai mon temps à Mme May.
    Vous avez la parole, madame May.
    Je suis surprise, mais reconnaissante. Je vous remercie, monsieur Albas.
    Je veux commencer avec Mme Le Quéré.
    Vous connaissez évidemment fort bien les lois britannique et française sur la responsabilité en matière de climat. Serait-il déraisonnable de ma part de vous interroger sur les lois sur la responsabilité en matière de climat d'autres pays, comme la Nouvelle-Zélande et d'autres contrées? Vous acquiescez: ce n'est donc pas déraisonnable.
    À l'heure actuelle, le Canada est-il le seul pays du monde à adopter une loi sur la responsabilité en matière de climat dont le premier jalon est établi une décennie après son adoption? Il me semble que la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni ont établi leur premier jalon cinq ans après l'adoption de leur loi.
(1525)
    Il est certain que pour les pays que je connais, le premier objectif est presque trop rapproché, en fait. La France a fixé un objectif l'année même de l'adoption de la loi, et le sentiment d'urgence que cette approche a suscité a été réellement utile pour tenter d'accélérer le mouvement.
    Quand je regarde toutes les lois d'autres pays, il me semble qu'on préfère généralement opter pour un organisme qui est indépendant du ministre concerné et qui est constitué en fonction de l'expertise des membres qui le composent. Il repose donc beaucoup sur les sciences plutôt que sur des objectifs politiques. Est-ce juste?
    C'est certainement juste, particulièrement au chapitre de l'expertise. On veut que les membres de l'organisme proposent des mesures qu'ils savent efficaces contre les changements climatiques. Si l'organisme est composé de représentants de divers horizons, alors c'est un mécanisme de consultation et non un organisme consultatif.
    Je vous remercie.
    Je veux maintenant me tourner vers Mme Peel, du Congrès du travail du Canada, en présumant qu'elle est encore là.
    Je ne pense pas que nous ayons porté suffisamment attention à la transition équitable. Je veux m'attarder particulièrement au travail réalisé par le groupe de travail spécial sur le secteur du charbon coprésidé par Hassan Yussuff. Considérez-vous que nous pouvons en faire beaucoup au chapitre de la transition équitable avec ce que contient le projet de loi C-12 ou que nous devons vraiment nous retrousser les manches et proposer un projet de loi distinct?
    En l'absence d'un projet de loi distinct, il importe, selon moi, que le projet de loi C-12 traite de la question.
    Quand le projet de loi sur la responsabilité en matière de climat a été annoncé, le gouvernement a indiqué qu'il établirait des jalons quinquennaux et déposerait un projet de loi sur la transition équitable pour assurer la transition équitable de la main-d'œuvre. Comme un tel projet de loi n'a pas été déposé, il faut que le présent projet de loi contienne quelque chose à ce sujet pour que la transition équitable fasse partie intégrante de la planification, de la surveillance, de la reddition de comptes et, de fait, de l'atteinte des jalons.
    C'est excellent. Je vous remercie.
    Monsieur Wright, je veux revenir aux origines du commissaire à l'environnement et au développement durable. Je suis pas mal sûre d'être la seule... eh bien, je ne devrais pas dire que je suis la seule, car je suis certaine que notre président se souvient du Livre rouge libéral de 1993, dans lequel le gouvernement promettait que nous aurions...
(1530)
    Je m'en souviens.
    Je sais que vous vous en souvenez. Nous sommes les seuls ici qui se rappellent toutes les audiences tenues alors que Charles Caccia présidait le comité de l'environnement.
    Nous avions alors discuté de ce que nous ferions pour créer un poste de commissaire à l'environnement et au développement durable. L'idée de le créer au sein du Bureau du vérificateur général avait suscité une certaine controverse, car nous nous demandions si cela serait suffisant et si cela fonctionnerait.
    Compte tenu de ce que nous avons appris au fil des décennies, voici ce que je proposerais, monsieur Wright. Je pense qu'il devrait y avoir un commissaire à l'environnement indépendant qui relèverait du Parlement plutôt que du Bureau du vérificateur général. Qu'en pensez-vous?
    C'est une question d'envergure qui couvre plusieurs décennies, comme vous le savez, madame May. L'affaire est complexe et va dans les deux directions.
    L'un des avantages de la présence du commissariat au sein du Bureau du vérificateur général, c'est qu'il dispose de ressources adéquates et d'un bon effectif de réserve. Ne s'engageant pas dans des débats politiques, il peut asseoir et maintenir sa crédibilité à cet égard. Cela le prémunit également contre les vents politiques. Par exemple, quand le gouvernement Harper a effectué des réductions il y a quelques années, la Table ronde nationale a été éliminée, mais pas le commissariat, bien que ses ressources se soient appauvries.
    Le modèle actuel présente tous ces avantages. Si ce mandat est revu et modifié en profondeur, certains de ces avantages pourraient s'amenuiser ou disparaître.
    Vous avez deux possibilités. L'une, comme vous l'avez indiqué, consiste à élargir le mandat du commissariat et à le rendre entièrement indépendant ou à en faire un organe du Parlement. L'autre consiste à créer une nouvelle institution distincte semblable à celle dont vous avez tous discuté, en en faisant une sorte de Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie 2.0, si l'on veut.
    Oui, je pense que la disparition de la Table ronde nationale représente une perte. Le fait que le projet de loi C-12 prévoit essentiellement une mini table ronde constituée d'intervenants de divers horizons au lieu d'un groupe d'experts affaiblit la mesure. Si nous pouvions rétablir la Table ronde nationale... mais nous verrons cela un autre jour.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste 10 secondes.
    D'accord. Je remercie de nouveau Dan Albas.
    Je vous remercie.
    C'est maintenant M. Saini qui a la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de comparaître aujourd'hui. C'est vraiment formidable de vous recevoir tous et d'entendre vos divers points de vue.
    Permettez-moi de commencer avec vous, monsieur Wright. Vous avez parlé de la cohérence à l'échelle nationale, mais en novembre, vous avez écrit sur votre blogue que le projet de loi instaure un lien direct entre les exigences internationales relatives à la responsabilité en matière de changements climatiques et le régime national.
    Pourriez-vous préciser votre pensée?
    Oui. Je vous remercie de la question.
    Vous savez tous que la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et l'Accord de Paris imposent au Canada un certain nombre d'obligations en matière de reddition de comptes réguliers, lesquelles prennent la forme d'inventaires annuels des émissions, comme des rapports bisannuels comprenant des projections sur les émissions actuelles et futures.
    Le projet de loi C-12 permet d'intégrer ces obligations à l'échelle nationale pour qu'à bien des égards, il y ait un début d'harmonisation entre les obligations internationales et la création d'obligations semblables au pays. Il peut s'agir de recopier ce qui est présenté au secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques dans les rapports exigés dans le projet de loi C-12. Je pense que c'est une bonne chose, car cela réduit le fardeau de reddition de comptes et harmonise et met en évidence au pays ce que le Canada fait ou, peut-être, ne fait pas.
    Permettez-moi de me tourner vers vous, madame Peel, car Mme May a soulevé la question de la transition équitable et je veux approfondir un peu le sujet.
    S'il est une chose que nous avons constatée, c'est que l'organisme consultatif est fort diversifié, surtout avec l'ajout de Hassan Yussuff. Je me demande à quel point vous considérez qu'il importe que la main-d'œuvre soit à la table au chapitre de la transition équitable pour que personne ne soit laissé derrière.
    Les travailleurs ressentent déjà les répercussions des changements climatiques. Selon nous, la transition équitable n'est pas qu'une question de justice: elle attise aussi l'ambition.
    Nous envisageons parfois la transition équitable de façon très vague. Si les travailleurs sont à la table pour élaborer des plans avec les employeurs et les gouvernements, les ambitions seront plus élevées. Il est donc crucial qu'ils soient là pour participer à l'élaboration des plans.
    Nous savons que la transition équitable ne doit pas ralentir des progrès, mais nous permettre d'aller aussi loin qu'il le faut pour éviter les pires répercussions des changements climatiques. Ainsi...
    En fait, je suis ravi que vous ayez souligné ce fait, car je veux en savoir plus à ce sujet. C'était l'objet de ma deuxième question.
    Comment assurer la transition équitable des travailleurs sans ralentir les efforts nécessaires que nous devons déployer pour atteindre la carboneutralité le plus rapidement possible?
    Il ne manque pas de manières de le faire. Je pense qu'on pourrait en faire beaucoup en élaborant une loi sur la transition équitable qui énoncerait, secteur par secteur, comment élaborer les plans.
    Nous savons qu'il est possible pour les employeurs de décider d'effectuer la transition afin d'être entièrement renouvelables, par exemple, en statuant d'entrée de jeu qu'il n'y aura pas de mises à pied involontaires. « Si vous voulez venir avec nous, nous veillerons à ce que vous possédiez les compétences, la formation et la capacité nécessaires pour nous accompagner dans le nouveau monde de la réduction des émissions. » Les décisions que nous prenons maintenant auront réellement une incidence sur...
    Bien entendu, alors que nous investissons dans la réduction des émissions, il faut également nous assurer que les nouveaux emplois soient bons, soient encadrés par normes du travail décentes, soient de bonne qualité et soutiennent les familles et la communauté.
    Voilà ce que nous voulons. Quand on demande aux travailleurs ce que la transition équitable signifie pour eux, ils répondent qu'ils veulent savoir où sont les nouveaux emplois, ce dont ils ont besoin pour y accéder et où se trouve leur place dans la nouvelle économie carboneutre.
    Monsieur le président, c'est l'occasion parfaite pour passer à M. Heaps, s'il est disponible.
    Bien sûr.
    Il n'a pas livré son témoignage, mais allez-y.
    Puis-je poser une question à M. Heaps?
    Bien sûr que vous le pouvez.
    Allez-y, monsieur Saini.
    Monsieur Heaps, j'ai lu un article que vous avez rédigé en juin, où vous indiquez qu'une stratégie fédérale unifiée se traduirait par des occasions totalisant près de 30 billions de dollars.
    Pouvez-vous nous en dire plus sur ces occasions économiques pour que nous soyons certains que les entreprises soient bien préparées quand le projet de loi C-12 sera mis en œuvre? Quelles occasions s'offrent aux entreprises canadiennes et pourquoi est-il crucial qu'il y ait une stratégie fédérale unifiée pour s'en prévaloir?
(1535)
    Donnez une brève réponse, monsieur Heaps.
    Au sommet des occasions trône la...
    Pourriez-vous remonter votre micro pour atténuer l'écho? Vous avez un micro, n'est-ce pas?
    Il est ici, devant mes lèvres.
    Je pense que c'est un peu mieux. Je vous remercie.
    Je vous remercie de la question. Voici quelles seraient les trois principales occasions.
    D'abord, il n'est pas évident pour tout le monde dans le secteur de la construction que le Canada a 12 des 50 plus grands propriétaires immobiliers du monde, les plus importants investisseurs immobiliers commerciaux — en commençant par Brookfield jusqu'en bas de l'échelle — en grande partie en raison des investissements de nos solides fonds de retraite, ainsi que la capacité d'exporter la technologie de bâtiments à faibles émissions de carbone par l'entremise des portefeuilles qui existent en Asie, en Amérique latine et en Amérique du Nord. Nous avons là un débouché d'exportation extraordinaire pour nos prouesses dans le domaine de la construction écologique. C'est la première occasion.
    La deuxième réside dans l'immense masse terrestre du Canada, avantageuse tant du point de vue de la forêt que de celui de l'agriculture. Si le monde réclame des aliments durables, nous avons une occasion en or de transformer notre secteur agricole en une source d'aliments au bilan carbone positif.
    Enfin, une occasion formidable se présente au chapitre des batteries. Toutes les matières premières qui les composent sont...
    Je vous remercie. Nous avons légèrement dépassé le temps accordé.
    Nous accordons la parole à Mme Pauzé.

[Français]

     Pardonnez-moi, monsieur le président. Avant de prendre le temps qui m'est consacré, je veux souligner qu'avec le micro dont se sert M. Heaps, nous ne pouvons toujours pas avoir d'interprétation.
    Je veux savoir si M. Heaps se joindra au deuxième groupe en utilisant peut-être un autre micro, ou si c'est maintenant que cela se passe.
    Non, cela devrait se passer après ce tour, lorsque nous en serons aux allocutions d'ouverture du deuxième groupe.
     Je pourrai donc poser des questions à M. Heaps lors de la rencontre avec le deuxième groupe.
    C'est exact.
    C'est parfait.
    Ma question s'adresse à M. Wright.
    En novembre, je pense, vous avez fait un examen préliminaire du projet de loi C-12 et évoqué plusieurs éléments. Vous parliez de l'impossibilité d'y lier les législatures à venir à cause de notre système démocratique tel qu'hérité du Royaume-Uni et de notre système fédéral.
    Tantôt, vous avez proposé une solution qui consistait à faire passer une partie du paragraphe 10(3) au paragraphe 10(1). Y aurait-il une autre solution, qui consisterait à reproduire ici l'European Union Burden Sharing Agreement? Est-ce que cette entente pourrait s'appliquer ici?

[Traduction]

    Il y a deux niveaux de réflexion sur la définition de « contraignant » dans ce contexte. Ce n'est pas un concept particulièrement utile, mais abordons la question.
    Premièrement, cette loi est légalement applicable, et cela est représenté ou énoncé par les dispositions obligatoires que l'on trouve dans tout le libellé. Cependant, comme toute loi adoptée par le gouvernement fédéral, un prochain gouvernement fédéral peut l'abroger, comme nous l'avons vu avec la loi fédérale initiale sur l'évaluation environnementale. Par ailleurs, les futurs gouvernements peuvent l'abroger, tout comme la Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto, ou LMOPK, a été abrogée.
    En ce qui concerne cette loi, à un niveau peut-être plus intéressant et plus pratique, elle a ses limites, car elle ne peut pas imposer des objectifs de réduction des émissions ou des budgets précis province par province. Au contraire, l'éléphant dans la pièce au Canada depuis des décennies est l'absence d'accord officiel entre toutes les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral pour établir qui va réduire les émissions de combien.
    Une option est d'adopter ce que l'Union européenne a adopté, qui est, dans certains secteurs, appelé un accord de partage de la charge, mais de nos jours, on l'appelle généralement un accord de partage des efforts, ce qui peut paraître un peu moins effrayant, un peu moins contraignant. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un accord négocié dans le cadre duquel toutes les instances — au Canada, nous avons les instances nationales et les provinces — indiquent explicitement quelles seront leurs contributions à la réduction des émissions. Une autre façon de voir les choses est qu'il s'agit presque d'un mini Accord de Paris au sein de la fédération canadienne.
    Vous ne pouvez pas l'énoncer dans le projet de loi C-12, mais vous pouvez créer une sorte de portail qui reconnaît que cela pourrait se produire. Ce pourrait être inclus, par exemple, dans le paragraphe 10(1), avec des renseignements sur les provinces et les territoires. On peut au moins créer la plateforme et assurer une harmonisation pour ce type d'accord de partage de la charge.
    La dernière chose que je dirais est que c'est presque comme un cadre pancanadien qui a été adopté aux environs de décembre 2015, mais avec des objectifs de réduction des émissions signés par toutes les instances.
(1540)
    Merci.
    M. Bachrach est le prochain intervenant.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai une question pour Mme Peel qui fait suite aux questions de mes collègues à propos d'une transition juste.
    Le gouvernement fédéral a promis une loi de transition juste en même temps que la loi sur la responsabilité climatique, mais nous avons vu très peu de progrès en ce sens. Lorsque le ministre a comparu devant ce comité la semaine dernière, je lui ai posé une question et, dans sa réponse, il s'est montré très évasif quant à l'état actuel de cette initiative. Il a fait allusion à certaines conversations et consultations en cours avec les syndicats.
    De votre point de vue, avez-vous constaté un quelconque mouvement ou progrès du gouvernement qui vous donne l'impression qu'il est sérieux dans sa volonté de présenter une loi de transition juste, comme promis?
    Eh bien, il est difficile de parler d'intention. Je dirai que oui, des discussions et des conversations ont lieu. Il aurait probablement été préférable que ces deux mesures législatives aillent de l'avant parallèlement, pour que nous ayons les jalons qui mènent à la transition juste et la transition juste qui conduit à l'ambition d'atteindre ces jalons. Je pense que c'est la manière idéale de fonctionner. À ce stade-ci, c'est dans la lettre de mandat du ministre. Je sais que mon patron en discute fréquemment, mais à ma connaissance, rien n'a été fait pour officialiser la présentation de cette mesure législative.
    Je pense que cette promesse était très significative pour les travailleurs. Elle l'était aussi pour les membres du mouvement syndical qui se soucient beaucoup des cibles climatiques ambitieuses, qui veulent que nous les atteignions et qui veulent savoir à quelle vitesse nous y parviendrons et jusqu'où nous devons aller. Le problème avec l'absence de plans de transition justes et concrets, c'est que les gens sont vulnérables aux forces qui voudraient nous faire ralentir et faire marche arrière.
    Comme je l'ai dit, il est difficile de parler de l'intention. Il y a certainement des conversations en cours, mais nous avons hâte de voir cette mesure législative.
    Quels autres pays ont montré la voie pour effectuer une transition juste?
    Je dirais que le Canada a certainement joué un rôle de chef de file lorsque nous avons mis en place le Groupe de travail sur la transition équitable pour les travailleurs et les communautés de l'industrie du charbon. Comme vous le savez, ce groupe était coprésidé par le président du CTC, M. Hassan Yussuff. J'ai eu la chance de faire partie de ce groupe de travail. Les rencontres avec ces travailleurs étaient très constructives. Je ne veux pas trop parler de ce projet, car c'est un projet très différent, mais il est important qu'il reste encore du travail à faire à l'égard des recommandations de ce groupe de travail.
    L'Écosse fait des travaux intéressants sur la transition juste. La Nouvelle-Zélande mène également des travaux intéressants. Il y a des exemples propres à certains secteurs en Australie.
    Merci. Cela nous donne une idée.
    Allez-y, monsieur Albas.
    Monsieur le président, je vais partager mon temps de parole avec Elizabeth May, si je peux lui céder la parole.
    Bien sûr.
    Pour revenir à la question de la justiciabilité, je voudrais m'adresser à M. Wright à ce sujet.
    C'est un changement assez modeste, mais l'un des amendements que j'envisage de présenter consisterait à modifier le libellé de manière à ce que le ministre « doive » atteindre l'objectif. J'aimerais avoir votre avis sur la question. Il ne s'agit pas d'un cadre complet sur la manière de demander des comptes à un ministre, mais cela permettrait au moins de passer par le droit administratif pour obtenir une ordonnance de mandamus auprès de la Cour fédérale.
    Je me demande si vous avez des observations à faire sur ce sujet. Il existe certainement des moyens plus élaborés que d'autres pays ont proposés, mais comme amendement mineur, qu'en pensez-vous?
    Merci de la question.
    En l'absence de dispositions précises qui prévoient une possibilité de révision judiciaire et de recours, c'est une bonne option, et elle ferait savoir aux tribunaux qu'il y a une obligation générale d'atteindre les cibles. Il y a toutefois quelques mises en garde.
    L'une est qu'il est difficile pour le gouvernement fédéral d'inclure une disposition générale de la sorte, car elle met en cause les provinces. Il est très clair que le gouvernement fédéral ne peut pas faire cavalier seul. Il serait donc utile d'inclure dans une telle disposition un libellé qui énoncerait quelque chose comme « sous réserve de contraintes constitutionnelles » ou « prendre toutes les mesures fédérales nécessaires ».
    Pour terminer, en ce qui concerne la justiciabilité, les tribunaux liront la loi dans son intégralité. Une disposition comme celle-ci, même si elle est très différente des autres dispositions pertinentes, fera connaître aux tribunaux l'intention du législateur d'exercer un contrôle judiciaire.
(1545)
    Merci.
    S'il reste du temps, j'aimerais demander à Mme Le Quéré comment l'Union européenne s'y prend pour partager les efforts ou la charge, comme l'a mentionné M. Wright plus tôt.
    En tant que militante canadienne pour le climat depuis le milieu des années 1980 — c'est depuis cette époque que je milite pour le climat, alors j'échoue lamentablement —, j'ai toujours trouvé remarquable que, lorsque nous revenons de Kyoto ou de Copenhague, nous n'élaborons pas de plan national, alors que l'Union européenne revient et dit: « Bon, qui va faire quoi? Répartissons les tâches. Faisons-le. »
    Pouvez-vous décrire le processus de l'Union européenne et la manière dont elle a réussi à s'en sortir si bien en tant que regroupement d'États-nations pour respecter une cible qui s'applique à tous les pays membres?
    Le processus de l'Union européenne ressemble beaucoup à l'Accord de Paris. Ils ont leur objectif central, qui est réclamé par les différentes nations comme ce qui est considéré être une contribution équitable pour l'Union européenne. Ensuite, les pays sont invités à dire et à expliquer pourquoi leur contribution sera telle ou telle autre. C'est dans le cadre de cet argument que les pays établissent la base pour laquelle ils devraient avoir un objectif supérieur ou inférieur à la cible. Cela est négocié par la suite, comme un processus.
    Donner la parole aux pays pour qu'ils fassent valoir leurs arguments est très puissant à cet égard.
    Monsieur le président, ai-je le temps de poser une autre question rapide?
    Vous avez une minute et 40 secondes.
    Fantastique. Je vais m'adresser à M. Wright, alors.
    C'est certainement l'un des mystères de notre fédération, en tant que confédération de provinces et de territoires canadiens et du gouvernement fédéral, que nous ne sommes pas aussi capables de répartir les responsabilités que les États-nations indépendants le font au sein de l'Union européenne, ce qui est une faiblesse historique.
    En examinant le projet de loi C-12, je soutiens vraiment votre amendement visant à ajouter le paragraphe 10c) à la liste des éléments sur lesquels nous devons faire rapport.
    Pouvez-vous penser à d'autres moyens, peut-être en vous inspirant de l'Union européenne, pour faire en sorte que les ordres de gouvernement provinciaux, territoriaux — et, je pense aussi, municipaux — participent et disent que c'est ainsi que nous allons relever ce défi dans chaque ordre de gouvernement?
    Encore une fois, il est difficile d'intégrer cela dans l'ensemble d'une loi comme celle-ci. Le mieux que l'on peut faire est probablement de s'assurer que la loi est cohérente avec elle et qu'elle comporte une sorte de portail ou de passerelle vers une sorte d'accord canadien de partage des efforts en matière d'émissions qui fonctionne en parallèle.
    Le risque d'essayer d'incorporer dans la loi une obligation de conclure une entente de partage des efforts est que — et c'est un peu cynique, mais vous le comprendrez —, cela donnerait lieu à un veto. Si cette loi exigeait du gouvernement fédéral qu'il conclue une sorte d'entente de partage des efforts avec toutes les provinces, n'importe quelle province pourrait alors immédiatement dire qu'elle ne va pas la signer et qu'elle ne va pas s'engager.
    Merci.
    Le temps est écoulé, malheureusement.
    Nous allons maintenant entendre M. Baker.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être ici aujourd'hui. J'aimerais adresser mes questions à M. Wright également.
    Monsieur, je veux vraiment poursuivre dans la même veine que ce dont vous venez de parler. Plus tôt, en réponse à une question de l'un des autres membres du Comité, vous avez parlé de cet accord de partage de la charge ou d'un accord de Paris canadien, comme vous y avez fait allusion. J'aime cette analogie. Pour moi, l'une des choses qu'elle met en évidence, ce sont les défis à relever pour parvenir à cet accord. Nous savons tous à quel point il a été difficile de conclure ces accords mondiaux sur le climat et comment, dans de nombreux cas, beaucoup de gens ont estimé qu'ils n'avaient pas placé la barre assez haut.
    Avez-vous des idées quant à la façon dont nous pourrions élaborer cet accord? Je pose cette question en tenant compte du fait que nous avons récemment assisté à des contestations judiciaires de la part de certaines provinces dans le cadre de la tarification de la pollution, qui se sont retrouvées devant la Cour suprême.
    Je me demande comment vous pensez que nous pourrions, d'un point de vue pratique, parvenir à un accord qui serait suffisamment ambitieux pour soutenir ce que nous devons faire pour réduire les émissions.
    C'est la quintessence de la situation « plus facile à dire qu'à faire », mais nous n'avons pas vraiment essayé de manière significative, du moins pas au cours de la dernière décennie. Entamer cette conversation entre les gouvernements fédéral, territoriaux et provinciaux est la première étape importante pour mettre ces chiffres de l'avant. On pourrait même commencer par un système d'engagement semblable à celui de Kyoto, dans lequel tout le monde viendrait à la table et dirait: « Regardez, voici ce qui est possible. »
    Ce qui est différent aujourd'hui par rapport à il y a une dizaine d'années, y compris dans le cadre de la Loi de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, c'est que vous avez une politique fédérale claire et des intentions fédérales qui sont alignées sur cette loi, mais vous avez aussi une reconnaissance émergente dans tout le pays, y compris dans l'Ouest, que nous sommes, que cela plaise ou non, sur la voie de la décarbonisation. Il suffit de regarder le rapport de l'AIE qui a été publié il y a quelques jours.
    La différence fondamentale entre le Canada et l'Union européenne, par exemple, est la composition économique du pays. Le secteur pétrolier et gazier du Canada représente une part tellement importante de l'économie qu'il a rendu cette conversation vouée à l'échec. La situation est en train de changer, et tout le monde le reconnaît d'un bout à l'autre du pays, de sorte que la table est vraiment mise pour tenir cette conversation sur ce genre d'accord de partage des efforts comme jamais auparavant.
    Cela peut sembler un peu optimiste, mais en réalité, il n'y a pas beaucoup d'autres options. Il est temps de s'attaquer aux véritables problèmes qui nuisent à la mise en oeuvre des engagements relatifs à la lutte contre les changements climatiques du Canada depuis des décennies.
(1550)
    Je comprends très bien, et c'est peut-être optimiste, mais je sais dans quelle mesure vous êtes plus optimistes maintenant que vous ne l'auriez été il y a 10 ans. Je comprends que vous souligniez la direction dans laquelle nous évoluons dans ce dossier, où les gens d'un bout à l'autre du pays prennent des initiatives en ce sens.
    Je veux changer de sujet et parler des cibles.
    L'une des choses sur lesquelles je m'interroge, c'est la nécessité d'établir des objectifs dans cette mesure législative. Lorsque je pense à l'établissement d'objectifs, quel que soit le gouvernement qui les fixe, c'est une chose d'établir un objectif et c'en est une autre de l'atteindre. Il y a une foule de démarches à faire, et vous venez de parler de la complexité et de la difficulté de travailler avec les provinces pour y parvenir.
    Même si nous faisons abstraction de cela pour un moment et de ce qui relève du mandat du gouvernement fédéral, il y a énormément de choses à faire, à planifier, à organiser et à coordonner. En ce qui concerne ce projet de loi, je me demande simplement ce que vous pensez des délais pour fixer les cibles. Que pensez-vous de l'horizon temporel, du délai de cinq ans? Est-ce approprié? Qu'en pensez-vous?
    Je ne suis pas contre un grand nombre des observations que vous avez entendues à ce sujet, selon lesquelles le délai de 5 ans est acceptable, mais qu'il devrait être de 10 ans. En outre, il s'agit d'un processus itératif et, bien sûr, ces cibles peuvent être modifiées.
    Ce qui, à mon avis, s'est un peu perdu dans certains des témoignages présentés au Comité, c'est qu'il y a un objectif intégré dans la loi, qui est la carboneutralité d'ici 2050. C'est encore loin. C'est ambigu. Il pourrait introduire une utilisation illimitée des compensations, ce qui pourrait être problématique, mais il est au moins là et il y a des exigences, essentiellement pour être sur la bonne voie pour atteindre cet objectif, ce qui est une bonne chose. Il n'y a pas de délai indéterminé. Tout est conçu pour atteindre cet objectif ultime, ce qui est une bonne chose.
    Les exigences pourraient être plus normatives et détaillées pour garantir que nous atteignions notre objectif.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je veux remercier tous les témoins.
    Nous allons faire une pause de sept minutes et nous reprendrons nos travaux à 16 heures. Entretemps, la greffière va connecter les témoins du prochain groupe. M. Heaps restera en ligne.
    Là encore, merci de vos contributions et de la discussion stimulante.
    Je vais mettre mon microphone en sourdine et éteindre ma vidéo, et nous nous réunirons à nouveau dans environ six minutes. Merci.
(1550)

(1600)
    Bienvenue à la deuxième partie de notre réunion d'aujourd'hui.
    Nous accueillons parmi nous, à titre personnel, Mme Madhur Anand, professeure, School of Environmental Sciences, et directrice, Guelph Institute for Environmental Research, University of Guelph, et Mme Sarah Burch, professeure agrégée, Department of Geography and Environmental Management, University of Waterloo, et directrice générale, Interdisciplinary Centre on Climate Change. De la Chambre de commerce du Canada, nous recevons M. Aaron Henry, directeur principal, Ressources naturelles et croissance durable.

[Français]

     De la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, nous recevons M. Denis Bolduc, secrétaire général, et M. Patrick Rondeau, conseiller syndical, Environnement et Transition juste. De l'Institut de l'énergie Trottier, nous accueillons M. Normand Mousseau, qui est directeur scientifique et professeur au Département de physique, à l'Université de Montréal. Évidemment, M. Heaps est avec nous. Je vais d'ailleurs commencer par M. Heaps, parce qu'il attend depuis un certain temps pour nous transmettre son allocution d'ouverture.
    Monsieur Heaps, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci. C'est un plaisir d'être ici. Je vais faire deux brèves observations d'ordre général.
    La première porte sur les rapports. Comme le théoricien de la gestion Peter Drucker l'a dit un jour, « Ce qui est mesuré est géré ». Il est à espérer que cette mesure législative comporte une disposition permettant au ministre des Finances de publier un rapport annuel sur l'état de préparation de l'administration publique fédérale et sa gestion des risques et des possibilités liés aux changements climatiques.
    Préciser cette partie du projet de loi pour inclure explicitement la Banque du Canada, les grandes caisses de retraite de compétence fédérale, y compris Investissements PSP et l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada, et le régime de retraite de la Société canadienne des postes, entre autres régimes de retraite des sociétés d’État serait une importante amélioration. Je souhaiterais qu'il y ait plus d'indications sur le contenu attendu de ce rapport. À mon avis, il devrait comprendre une évaluation de ces institutions en fonction de la même cible pour l'ensemble du Canada, soit la cible de carboneutralité pour limiter l’augmentation de la température à moins de 2 °C et à près de 1,5 °C, si possible. Les repères sont de bons outils pour évaluer ces institutions par rapport à ces cadres et niveaux, et ce serait un coup de barre important pour tous ces organismes...
(1605)
    Je suis désolée d'interrompre le témoin, monsieur le président, mais nous n'avons pas l'interprétation.
    Nous devrons arrêter là.
    Je crois que vous avez dit que vous aviez deux points à soulever, monsieur Heaps. C'était vos deux points, n'est-ce pas?
    Non.
    Malheureusement, nous n'avons pas l'interprétation, donc nous devrons laisser...
    Est-ce que vous m'entendez mieux maintenant?
    Je crois que oui.
    Qu'en pensent les interprètes?
    Essayons, pour voir ce que cela donne.
    Premièrement, le rapport annuel du ministre des Finances doit inclure les institutions financières sous réglementation fédérale que j'ai mentionnées.
    Deuxièmement, le rapport annuel du ministre des Finances doit quantifier, en pourcentage, l'atteinte des cibles de carboneutralité par les principaux fournisseurs du gouvernement fédéral. Il y a environ...
    Mme Pauzé lève la main.

[Français]

    Entendez-vous l'interprétation?
    Non, il n'y a toujours pas d'interprétation. Sachant que M. Heaps a beaucoup d'éléments intéressants à communiquer, cela me frustre un peu.
    D'accord. C'est malheureux, mais il a tout de même eu l'occasion de présenter deux points importants.

[Traduction]

    Monsieur Heaps, nous n'avons pas l'interprétation, malheureusement, et le Comité ne peut procéder sans l'interprétation. Nous devons donc nous arrêter là.
    Je peux me limiter à 30 mots, si vous le permettez.
    Non, nous devons nous arrêter là, malheureusement, car les interprètes n'entendent pas bien. J'en suis désolé.
    Nous entendrons maintenant Mme Madhur Anand, professeure à l’École des sciences environnementales et directrice du Guelph Institute for Environmental Research de l'Université de Guelph.
    Je remercie tous les membres du Comité de l'occasion de comparaître. Je voudrais saluer en particulier le député Lloyd Longfield.
    Je m'appelle Madhur Anand. Je suis professeure à l'École des sciences environnementales de l'Université de Guelph. Mes travaux de recherches portent sur les répercussions des changements climatiques sur les écosystèmes au Canada et dans le monde entier, et sur l'incidence du comportement humain et de la dynamique sociale sur le succès des mesures d’atténuation des changements climatiques. Nos recherches, dont certaines ont été publiées hier seulement, montrent qu'un nombre accru d'accords nationaux sur le climat peut faire pencher la balance vers l'atteinte des objectifs mondiaux.
    Je suis aussi directrice du Guelph Institute for Environmental Research, où des chercheurs de nos sept collèges — ingénieurs, écologistes, mathématiciens, artistes et économistes — travaillent tous sur le défi interdisciplinaire de l'atténuation des changements climatiques. Aucun groupe ou secteur ne pourra résoudre ce problème à lui seul.
    Le Canada n'a pas respecté son obligation de réduire ses émissions conformément aux accords internationaux sur le climat, ce qui pourrait très bien être attribuable à l'absence d'une mesure législative comme le projet de loi C-12. Des recherches portant sur plus d'une centaine de pays établissent une corrélation entre l'adoption d'une nouvelle mesure législative sur le climat et la réduction des émissions. Donc, il y a de l'espoir. Cette loi est essentielle.
    Mes autres commentaires portent sur l'article 10 du projet de loi, qui décrit le contenu du plan de réduction des émissions, car nous devons à tout prix éviter d'en arriver à l'article 16 du projet de loi, qui porte sur l'échec de l'atteinte des cibles. Nous savons qu'il reste peu de temps pour éviter une cascade de changements climatiques critiques et que le pays n'aura pas une deuxième occasion de bien faire les choses.
    Pour revenir aux cibles, le projet de loi précise, à l'alinéa 10(1)a), qu'il faut utiliser « les meilleures données scientifiques disponibles ». Les cibles d'émissions seront très difficiles à établir sans un travail scientifique soutenu de mesure, de surveillance et de modélisation. Les données non agrégées collectées par les différents secteurs doivent être accessibles aux scientifiques et au public.
    Concernant la planification de scénarios pour l'atteinte des objectifs, les hypothèses sur le comportement humain et l'acceptation sociale des changements technologiques doivent être très explicites et réalistes. Nos recherches montrent que l'apprentissage social, l'incitation aux changements de comportement et l'évolution des normes sociales peuvent infléchir de près d'un degré Celsius le sommet prévu de la température mondiale.
    Les cibles de réduction des émissions doivent à la fois tenir compte des processus socioculturels et des obstacles politiques. Cela pourrait comprendre les conséquences de l'incapacité d'atteindre les premières cibles, ce qui aura des effets cumulatifs et encore plus difficiles à atténuer.
    Concernant l'alinéa 10(1)b), qui est « une description des principales mesures de réduction des émissions », le Canada doit se rendre à l'évidence: une économie mondiale sans combustibles fossiles est inévitable. Plus vite le Canada agira, plus facilement il pourra participer à l'économie de l'avenir au lieu de s'accrocher au passé. Plus d'une dizaine de mesures utilisées dans d'autres pays ont fait leurs preuves et se sont montrées efficaces pour réduire les émissions dans le secteur énergétique. Beaucoup de ces technologies existent déjà.
    J'aimerais maintenant parler d'autres mesures habituellement négligées, soit les changements d'utilisation des sols, notamment dans les secteurs agricole et forestier. Les mesures doivent non seulement inclure les nouvelles émissions, mais aussi les puits de carbone. Autrement dit, c'est une question de gestion des cultures de couverture, des prairies, des tourbières et des forêts, et d'éviter la dégradation des sols. Tous ces aspects peuvent nous aider à atteindre nos cibles.
    Hélas, aucune nouvelle mesure politique ou scientifique ne peut réussir sans l'approbation sociale. Cela m'amène à mes commentaires sur les alinéas 10(1)c) et 10(1)d), lesquels portent sur les stratégies.
    Un changement sociétal rapide est possible. La pandémie a démontré à quel point les secteurs public et privé sont prêts à travailler ensemble dans un but commun et à adopter de nouveaux comportements lorsqu'ils comprennent les risques et les avantages. Les stratégies doivent donc démontrer les avantages économiques, sociaux et environnementaux de la réduction des émissions afin que la population et les acteurs des divers secteurs puissent en connaître les avantages nets pour le Canada.
    Dans l'élaboration de ses stratégies, le gouvernement doit non seulement consulter les spécialistes en sciences naturelles et les économistes, mais aussi les spécialistes en sciences sociales, les acteurs du secteur des arts — tant en milieu universitaire qu'à l'extérieur — et les groupes autochtones, qui peuvent tous nous aider à changer le langage, la culture et le discours entourant l'atténuation des changements climatiques.
     Je vous remercie.
(1610)
    Merci beaucoup. C'était exactement cinq minutes.
    Madame Burch, la parole est à vous.
    Monsieur le président, membres du Comité, bonjour. Je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée à prendre la parole aujourd'hui à ce moment critique de la lutte aux changements climatiques au Canada.
    Je m'appelle Sarah Burch. Je suis professeure agrégée et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la gouvernance de la durabilité et l’innovation à l'Université de Waterloo. Je viens d'être nommée directrice générale du Centre interdisciplinaire sur les changements climatiques, qui regroupe plus de 100 professeurs, scientifiques et étudiants qui étudient les conséquences des changements climatiques et les solutions à ce problème.
    Je suis une auteure principale du sixième rapport d'évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations unies, qui, comme vous le savez, est en cours. Il s'agit de la plus importante collaboration scientifique en son genre. Nos évaluations alimentent directement les négociations internationales sur les changements climatiques, ainsi que la planification en matière de changements climatiques à l'échelle nationale, provinciale, étatique et même municipale dans le monde entier.
    J'aimerais, en tant que spécialiste de la transition vers des communautés résilientes à faibles émissions de carbone, prendre le temps d'ajouter ma voix au chœur d'universitaires, de militants, de chefs d'entreprise, de jeunes, de détenteurs du savoir autochtone et de décideurs, qui savent tous que le Canada peut être un véritable chef de file dans ce domaine.
    Rien de tout cela ne sera nouveau pour vous, mais j'aimerais préciser ce que nous savons avec certitude.
    Nous savons que le climat est déjà en train de changer. Ce n'est pas un problème appelé à toucher d'autres personnes, ailleurs, dans un avenir lointain. Nous savons que nos propres activités et la combustion de combustibles fossiles sont largement responsables de ces changements, dont les impacts — inondations, stress sur les écosystèmes, perte d'espèces, sécheresses, phénomènes météorologiques extrêmes, vagues de chaleur et incendies — se font déjà sentir ici même, au Canada.
    Ce n'est pas seulement un enjeu environnemental, mais un enjeu humain. Les collectivités marginalisées seront les plus touchées par les changements climatiques. Nous l'avons constaté durant la pandémie de COVID-19, qui a exposé et exacerbé les inégalités préexistantes.
    Que devons-nous faire?
    Les cibles ambitieuses définies dans l'Accord de Paris ne seront pas atteintes sans une réduction des gaz à effet de serre à des niveaux transformateurs, en synergie avec des mesures visant à nous protéger des répercussions des changements climatiques. La réduction progressive des GES, comme celle que nous avons obtenue grâce aux modestes gains d'efficacité dans un système toujours fondamentalement dépendant des combustibles fossiles, ne nous donnera pas une réduction suffisamment rapide et importante pour contenir la hausse de la température à 2 °C maximum.
    Comme nous le savons, les émissions totales de GES du Canada ont augmenté d'environ 21 % entre 1990 et 2019, et elles ont baissé d'environ 1 % seulement entre 2015 et 2019. Or, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat a clairement démontré que nous devons réduire nos émissions de moitié d'ici 2030 si nous voulons éviter les effets les plus coûteux et irréversibles des changements climatiques. Étant donné le bilan du Canada en matière d'émissions de gaz à effet de serre et nos émissions par habitant excessivement élevées, il nous incombe d'atteindre et de dépasser l'objectif fixé par le GIEC.
    Le Royaume-Uni s'est engagé à réduire ses émissions de GES de 78 % d'ici 2035, conformément aux obligations énoncées dans sa Climate Change Act de 2008. C'est une excellente nouvelle, mais ce n'est pas ce qui suscite mon intérêt. Le plus important, ce sont les progrès réalisés jusqu'à maintenant. Les émissions du Royaume-Uni ont diminué de 51 % depuis 1990. De même, l'Allemagne s'est engagée à réduire ses émissions de 65 % d'ici 2030, et les États-Unis se sont récemment engagés à réduire leurs émissions de 52 % par rapport aux niveaux de 2005 d'ici 2030. Évidemment, l'histoire des progrès réalisés dans ces pays est plus complexe que ne le laissent entrevoir ces objectifs, mais collectivement, ils reflètent l'ambition et le sentiment d'urgence.
    Ces objectifs sont toutefois insuffisants, comme nous l'avons vu, et ne sont pas une action en soi. Des politiques et des actions à la fois précises et évolutives sont nécessaires pour atteindre ces objectifs. Il faut aussi des mécanismes clairs pour déterminer si nous faisons réellement ce qui est prévu. Nous devons assumer nos responsabilités à cet égard.
    En outre, le coût des changements climatiques incontrôlés dépasse largement toutes les estimations des coûts d'une transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Il faut toutefois reconnaître que certains secteurs et certaines collectivités assumeront une plus grande part du fardeau de cette transition. Dans une transition équitable, les coûts liés à l'atténuation des changements climatiques sont partagés au lieu de peser lourdement sur les collectivités marginalisées et les travailleurs de certains secteurs. Ces collectivités peuvent tirer parti de la transition vers une économie résiliente à faibles émissions de carbone au lieu d'en faire les frais.
    Concernant le projet de loi C-12, mes suggestions sont les suivantes.
(1615)
    Le projet de loi C-12 devrait fixer un objectif clair et réalisable pour 2025 afin que nous sachions si nous faisons des progrès le plus tôt possible. Il devrait inscrire dans la loi une cible plus ambitieuse de réduction des émissions d'au moins 50 % d'ici 2030 qui s'harmonise aux recommandations du GIEC.
    Il devrait préciser clairement qui est responsable de l'atteinte des objectifs et la façon précise de les atteindre. Il y a un important chaînon manquant entre les objectifs et les mesures.
    Il doit définir clairement un rôle plus robuste pour Groupe consultatif pour la carboneutralité pour l'établissement de cet objectif ainsi que l'examen et l'évaluation des progrès, et de la production de rapports à cet égard.
    Il devrait viser à assurer une transition équitable appuyée par le gouvernement fédéral, en recherchant explicitement des synergies entre l'adaptation, qui consiste à nous protéger des conséquences des changements climatiques, et l'atténuation, qui consiste à s'attaquer aux causes, tout en déchargeant les communautés marginalisées du fardeau de la transition.
     Merci.

[Français]

     Nous nous tournons maintenant vers M. Henry, de la Chambre de commerce du Canada.
    Monsieur Henry, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je suis heureux de témoigner devant le Comité permanent de l'environnement et du développement durable pour vous donner mon opinion au sujet du projet de loi C-12. Je vous remercie de m'avoir invité.
    Pour ceux qui ne me connaissent pas, je m'appelle Aaron Henry. Je suis le directeur principal des ressources naturelles et de la croissance durable à la Chambre de commerce du Canada, dont le réseau représente plus d'un quart de million d'entreprises.
    J'aimerais commencer par dire que la Chambre de commerce appuie le projet de loi C-12 en principe. Toutefois, nous croyons que certains détails du projet de loi, tel qu'il est proposé, en plus de certains mécanismes d'exécution, pourraient être améliorés et clarifiés afin d'accroître la confiance de la communauté des affaires du Canada à son égard.
    J'aimerais commencer par vous parler de la valeur du projet de loi C-12. Je crois qu'à de nombreux égards, mes commentaires rejoignent ceux des autres témoins que vous avez entendus aujourd'hui.
    S'il est bien élaboré, en consultation avec la communauté des affaires du Canada, je crois que le projet de loi pourrait améliorer les politiques, surtout au Canada. Je crois qu'il pourrait accroître la confiance mutuelle entre le gouvernement, les entreprises et les Canadiens, dans le cadre de nos efforts en matière de décarbonisation.
    Comme l'ont fait valoir bon nombre d'autres témoins devant le Comité, nous avons tendance à fixer des objectifs en matière de climat, sans jamais les atteindre. Non seulement cette tendance nuit-elle à notre contribution aux efforts mondiaux de lutte contre les changements climatiques, mais elle risque aussi de nuire au leadership du Canada sur la scène internationale, et à sa réputation. De plus, sur le plan des affaires, elle risque d'entraîner un changement de paradigme en ce qui a trait à l'environnement stratégique du Canada. C'est ce qui se produit lorsque l'un après l'autre, les gouvernements présentent de nouvelles mesures et des règlements plus stricts pour atteindre les cibles ratées, ce qui crée un climat d'incertitude en matière d'investissement. Ainsi, il est plus difficile pour les entreprises de s'adapter et de savoir à quoi s'en tenir, ce qui entraîne des risques financiers et politiques supplémentaires pour elles.
    À ce titre, en principe, les mesures législatives qui améliorent la transparence et la reddition de comptes associées à nos efforts pour atteindre la carboneutralité ont une valeur importante, surtout parce que nous discutons de choix stratégiques qui prennent forment sur des dizaines d'années.
    Cela étant dit, la Chambre croit qu'il serait judicieux d'apporter quelques améliorations ou changements au projet de loi. En premier lieu, nous reconnaissons que les changements climatiques ont plusieurs dimensions. Notre façon d'atteindre la carboneutralité aura une incidence qui dépassera la simple réduction des émissions. Elle aura une incidence sur l'inclusion sociale, de même que sur la prospérité économique du Canada, la main-d'œuvre et les collectivités rurales. Comme le confirmeront certains des témoins qui ont comparu devant vous hier, elle aura même une incidence sur la santé publique.
    En bref, tous les chemins vers la carboneutralité ne sont pas égaux. Certains nécessiteront de plus grands compromis que d'autres. Certains nous permettront d'atteindre les résultats environnementaux souhaités, mais aux dépens d'autres facteurs sociaux et économiques.
    Bien que l'objectif de réduction des émissions relève d'Environnement et Changement climatique Canada, je crois que l'intervention d'autres ministres, dont le portefeuille vise ces enjeux connexes, est nécessaire. Pour cette raison, nous proposons de confier au gouverneur en conseil, en collaboration avec le cabinet, la tâche d'approuver le plan quinquennal, plutôt que de la laisser au ministre.
    De plus, nous craignons que le projet de loi, tel qu'il est décrit, ne tienne pas pleinement compte des possibilités et conséquences économiques associées à l'atteinte de la carboneutralité. L'objectif visant à élaborer des stratégies de décarbonisation sectorielles pourrait entraîner une collaboration plus étroite entre le gouvernement et l'industrie afin d'accroître la certitude à l'égard des politiques, mais il faudrait combler deux lacunes pour ce faire.
    Premièrement, la loi doit comprendre une vision économique claire, et doit établir des paramètres, comme la compétitivité économique, la création d'emplois, les possibilités de réduction des émissions à l'échelle internationale et les avantages possibles en matière d'exportation des biens et des technologies propres sur lesquels peut miser le Canada. Elle doit veiller à ce que les stratégies sectorielles élaborées par le conseil consultatif respectent ces paramètres. À tout le moins, la loi doit comprendre une vision économique qui établit clairement les critères de sélection des diverses stratégies de décarbonisation sectorielles pour tous les intervenants.
    Deuxièmement, nous croyons que le conseil consultatif sur la carboneutralité est chargé d'une tâche colossale. C'est un défi imposant pour 15 personnes que d'élaborer des plans de décarbonisation pour plusieurs secteurs économiques, sur de nombreuses années. Je crois que le défi est encore plus grand en raison de l'absence d'une expertise directe de l'industrie au sein du conseil consultatif ou par l'entremise d'autres mécanismes prévus par la loi pour élaborer ces stratégies sectorielles.
    Nous recommandons la modification du projet de loi afin de veiller à ce que les intervenants de l'industrie — les intervenants qui connaissent le mieux les possibilités technologiques et commerciales pour la réduction des émissions dans leur secteur — aient un rôle clair et officiel à jouer dans l'élaboration des stratégies de décarbonisation sectorielles.
(1620)
    Enfin, nous nous préoccupons de la portée du projet de loi — je crois que d'autres en ont parlé également — et de la façon dont il s'harmonisera aux administrations provinciales et aux objectifs en matière de climat établis par les gouvernements provinciaux. Il serait utile de modifier le projet de loi afin d'expliquer clairement comment les cibles établies par les provinces y seront intégrées. Ce sera essentiel pour étalonner la politique de compensation et la création de crédits de carbone. Il faudra une plus grande certitude au sujet des technologies admissibles à la compensation et qui répondent au critère de l'additionnalité. Sans une importante coordination...

[Français]

     Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.
    Est-ce M. Bolduc ou M. Rondeau qui prendra la parole? Allez-vous partager les cinq minutes? C’est à vous de décider.
    Je m'appelle Denis Bolduc et je suis le secrétaire général de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, ou FTQ. M. Rondeau, qui est conseiller syndical en Environnement et Transition juste, m’accompagne. C’est moi qui vais faire la présentation.
    Je salue tous les membres du Comité.
    La FTQ regroupe 600 000 membres répartis dans tous les secteurs d’activité économique et dans toutes les régions du Québec. Nos membres travaillent au sein d'industries dont l'intensité carbonique est parmi les plus élevées, notamment les cimenteries, les aciéries et les mines, et plusieurs travaillent directement dans le secteur de l’énergie.
    J'affirme sans vantardise que la FTQ est l’organisation syndicale au Québec qui est la plus engagée dans la lutte contre les changements climatiques. Dès 2013, nous avons ouvert un chantier de réflexion sur les changements climatiques; nous avons un comité permanent sur l’environnement qui existe depuis plusieurs années; nous avons aussi pris part à quelques travaux parlementaires à Québec et à plusieurs événements marquants qui ont porté sur les changements climatiques et la transition juste; depuis 2015, une délégation de la FTQ est présente aux rencontres de la COP. Nous y serons encore cette année, en Écosse, pour la COP26.
    Le Canada s’est engagé à atteindre la carboneutralité en 2050 et il s’est aussi engagé à prendre des mesures pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius à l’échelle de la planète. La FTQ se réjouit de la volonté du gouvernement fédéral d'agir sérieusement afin de respecter ses engagements. C'est du moins l’intention exprimée par le projet de loi C-12, on le comprend. Par contre, nous doutons que les mesures contenues dans ce projet de loi permettent d’atteindre les objectifs de carboneutralité. Un changement de cap est nécessaire.
    L’Agence internationale de l’énergie a publié cette semaine un rapport très intéressant. Ce rapport nous apprend qu’il est possible d’atteindre l’objectif de contenir l’élévation du réchauffement climatique en deçà de 1,5 degré Celsius sans compromettre l’économie — ce qui est important — si les États s’engagent vers une sortie de nouveaux projets de production des hydrocarbures.
    Selon nous, la transition énergétique et l’atteinte de la carboneutralité visée par le projet de loi C-12 passent systématiquement par une transformation de notre économie, mais également de nos emplois. La transition doit être planifiée et elle doit inclure ceux et celles qui en subissent directement les effets. On doit s’assurer du respect des droits économiques et sociaux des travailleurs et des travailleuses, de la pérennité et de la viabilité des emplois et de la durabilité des communautés dans la transition. Les gouvernements doivent mettre en place des mécanismes de transition juste dans l’ensemble des milieux de travail qui sont concernés. La loi sur la carboneutralité doit nécessairement être accompagnée de mécanismes de transition juste qui reposent sur le dialogue social. À notre avis, l'un ne va pas sans l’autre.
    Pour ce qui est des compétences provinciales, les questions concernant le respect des compétences, l’engagement et les contraintes avec les provinces sont souvent complexes. On peut facilement penser que ce ne sera pas différent cette fois-ci. Le Canada doit donc s'attaquer à cette question rapidement, tout en respectant les champs de compétences des provinces. La mise en action ne doit surtout pas être retardée à cause de chicanes constitutionnelles. Nous vous suggérons donc d’entamer dès maintenant une discussion avec les provinces.
    Je vais dire un mot sur le comité consultatif proposé dans le projet de loi. Il faut que le gouvernement soit conseillé dans sa prise de décisions par un comité consultatif crédible et compétent, mais surtout exempt de conflits d’intérêts.
    Au Québec, le Comité consultatif sur les changements climatiques regroupe 12 personnes, dont neuf sont issues de la communauté scientifique. C'est neuf personnes sur douze et il s'agit donc des trois quarts du comité. C’est totalement différent de ce qui est proposé dans le projet de loi C-12. Selon ce qu'il propose, une seule personne sur quatorze proviendrait de la communauté scientifique, alors que quatre personnes proviendraient d’entreprises du secteur des énergies fossiles. Cela nous inquiète.
    Nous croyons que la science doit guider les décisions du gouvernement, et non les intérêts des entreprises. La constitution actuelle du comité ouvre la porte aux conflits d’intérêts. Il faudra des règles robustes pour parer à cette éventualité.
    En ce qui a trait à la reddition de compte, le projet de loi prévoit des jalons d’évaluation aux cinq ans. Nous nous interrogeons sur la date du premier jalon. Selon nous, un premier bulletin en 2030, c'est vraiment trop loin.
(1625)
     Je conclurai en vous disant que, ce qui inquiète le plus la FTQ, c'est l'absence totale de planification de transition. On y voit un indice du fait que la carboneutralité se fera sans les travailleurs et les travailleuses et leur communauté. Or, sans eux, cela ne peut pas fonctionner. Il est nécessaire d'inclure dès maintenant des mécanismes de transition justes dans le projet de loi.
    Je vous remercie, monsieur Bolduc.
    Nous passons maintenant au professeur Normand Mousseau, du Département de physique de l'Université de Montréal.
    Bonjour. Je suis professeur de physique et directeur scientifique de l'Institut de l'énergie Trottier, ou IET. C'est vraiment un honneur pour moi d'être ici. Je salue tous les membres de ce comité et son président.
    Je me penche depuis plus de 15 ans sur les questions de gouvernance énergétique et climatique. J'ai été coprésident de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec en 2013-2014. J'ai été coauteur de la proposition qui a mené à la fondation de l'Institut canadien pour des choix climatiques, et je siège d'ailleurs à son conseil d'administration.
     L'IET pilote, au niveau fédéral, l'Initiative de modélisation énergétique avec l'aide de Ressources naturelles Canada. Cette initiative vise à structurer la capacité de modélisation au Canada pour appuyer les décideurs. Je travaille beaucoup à toutes sortes d'initiatives qui essaient d'instaurer une structure dans la capacité du Canada à avancer.
    L'IET publie aussi les « Perspectives énergétiques canadiennes ». Nous sommes en train de travailler à notre deuxième édition, qui modélise des scénarios de carboneutralité. Ces rapports seront disponibles dans quelques semaines. Ce qui en ressort, ce sont d'abord les défis immenses que représentent l'atteinte des objectifs de carboneutralité et l'insuffisance absolue des mesures en place, tant au fédéral que dans les provinces. En gros, il est impossible d'avancer dans cette direction avec les mesures en place aujourd'hui. Je dirais aussi que la carboneutralité change beaucoup la donne sur la façon de faire de la transformation par rapport à des objectifs intermédiaires. Il faut absolument garder en tête le but final, donc zéro émission; toute trajectoire et toute décision doivent être compatibles avec cette fin.
    Il y a quelques années, j'ai piloté l'initiative « Le climat, l'État et nous », qui visait à transformer la gouvernance environnementale du Québec. Rassurez-vous, j'ai complètement échoué. La gouvernance environnementale au Québec n'est malheureusement pas en voie d'atteindre ses objectifs non plus.
    J'ai travaillé, entre autres, avec plusieurs intervenants. Nous avons regardé plusieurs modèles à l'étranger, vous ne serez donc pas surpris de retrouver quelques similarités avec l'allocution que Corinne Le Quéré a présentée un peu plus tôt. En effet, j'ai travaillé avec elle à plusieurs reprises au fil des ans.
    D'abord, le projet de loi C-12 est essentiel, mais nettement insuffisant. Il y a des trous importants qui font en sorte que cela ne nous permet pas d'atteindre nos objectifs ou d'aller là où on veut, même si ces éléments sont importants. Je ne veux pas revenir sur cela, donc je vais parler de quelques enjeux.
    D'abord, le premier enjeu concerne les données. Il importe de faire des rapports d'étape pour dire où on en est. Or les données au Canada sur les émissions de gaz à effet de serre sont spécifiquement publiées au moins deux ans après le fait. Il est absolument impossible de piloter une transition et une évaluation avec des données qui sont toujours trop vieilles. Il faut absolument, dans ce projet de loi, inclure une obligation de produire des données sur une base mensuelle ou trimestrielle, au maximum, comme on le fait avec les données sur l'emploi et avec d'autres données essentielles au Canada. Sans cela, on travaille dans le noir absolu. Il est impossible d'évaluer la qualité des mesures qu'on met en place. On va se planter complètement.
    Ensuite, il faut un horizon plus clair. J'abonde complètement dans le même sens que la professeure Le Quéré sur le fait qu'il faut fixer des jalons intermédiaires à plus long terme, donc 5 ans, 10 ans, 15 ans à l'avance. Cela permettra à l'industrie et aux investisseurs de comprendre où on en sera sur le plan de la réglementation en matière de transformation. Ces jalons doivent inclure des cibles sectorielles qui faciliteront les orientations. Trente ans en avance, c'est vraiment trop loin pour beaucoup de décideurs, d'investisseurs et d'industries.
    De plus, il nous faut absolument avoir une meilleure reddition de comptes. Si ce projet de loi a une faille majeure, c'est bien là. En effet, si on n'est capable d'évaluer, ni la capacité, ni où l'on s'en va ni ce qu'on a fait jusqu'à présent, on ne peut pas y arriver.
    L'enjeu suivant est similaire à l'une des recommandations que nous avions faites au niveau du Québec il y a quelques années. Il faut absolument élever le statut du commissaire à l'environnement et au développement durable à celui de haut fonctionnaire répondant directement au Parlement. Le commissaire pourra ainsi utiliser des approches et des outils différents de ceux du Bureau du vérificateur général, liés entre autres à la capacité d'évaluer non seulement les programmes, mais la pertinence de ceux-ci pour l'atteinte des objectifs. Il pourra procéder à une évaluation beaucoup plus intégrée des mesures environnementales, et non seulement basée sur une approche comptable telle que celle mise sur pied au Bureau du vérificateur général.
    Il faut également qu'il y ait des rapports d'étape annuels. Encore une fois, cinq ans, ce n'est pas suffisant. On le voit à l'étranger. Quand il nous reste simplement 30 ans pour atteindre nos objectifs, il faut s'assurer que les milliards dépensés année après année nous permettent vraiment d'aller dans la direction souhaitée. Ces rapports doivent non seulement inclure les progrès du fédéral, mais l'ensemble de ce qui se passe au point de vue canadien.
(1630)
     Il nous faut des conseils plus indépendants et mieux adaptés. Présentement, il y a, au Canada, l'Institut canadien pour des choix climatiques. On a créé aussi le Groupe consultatif pour la carboneutralité. Ces deux appareils pourraient travailler ensemble, mais ils sont tous les deux insuffisants présentement. L'Institut canadien pour des choix climatiques n'a pas suffisamment de souplesse ni de mordant. Il n'a pas d'existence garantie par la loi ni d'accès direct au Parlement.
    Je pense que mon temps de parole est écoulé.
(1635)
    Vous n'êtes pas le seul à dépasser le temps de parole qui vous est alloué. Vous pourrez continuer les échanges lors de la période de questions.
    Nous entamons le premier tour.
    Monsieur Albas, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier tous les témoins pour leur présence et leur expertise. Nous sommes heureux que vous partagiez cette expertise avec nous et avec tous les Canadiens.
    La plupart de mes questions s'adresseront à M. Henry de la Chambre de commerce du Canada.
    Monsieur Henry, vous avez évoqué plusieurs choses.
    Selon Peter Drucker, que nous avons paraphrasé à de nombreuses reprises, ce qui peut être mesuré compte.
    Vous dites que les plans actuels ne visaient que les émissions et non les conséquences sociales ou économiques; cela crée une sorte d'angle mort, parce que les plans ne sont pas tous égaux, je suppose. Un plan pourrait réduire les émissions, mais nuire grandement à l'économie. Un autre pourrait nous permettre d'atteindre nos objectifs de réduction des émissions tout en faisant croître l'économie.
    L'équilibre est un facteur important. Êtes-vous d'accord?
    Oui, c'est notre point de vue. Je crois que tous s'entendent pour dire que c'est l'objectif à atteindre: nous voulons atteindre la carboneutralité d'ici 2050.
    Il existe de meilleures façons de le faire, et des façons plus rentables de le faire. Nous voulons nous assurer que ces considérations sont intégrées au projet de loi.
    Ce qui est évident, d'après le rapport de l'Agence internationale de l'énergie et d'après d'autres sociétés ou intervenants qui se sont exprimés sur le sujet, c'est que bien que nous devions faire la transition et que les coûts associés au défaut de le faire soient très élevés, la réalité est que les investissements en capitaux nécessaires pour faire la transition économique sont considérables. On parle de 5 billions de dollars au cours de cette période. Selon certaines estimations, ce sont 15 billions de dollars pour la nouvelle capacité énergétique et 14 billions de dollars supplémentaires pour la modernisation du réseau à l'échelle mondiale d'ici 2030 seulement.
    La clé ici, c'est la capacité d'élaborer des politiques qui permettent d'investir dans tous ces projets. Dans de nombreux cas, les gains sur les investissements de départ sont réalisés plus tard. Ils sont sensibles aux taux d'intérêt. Il faut tenir compte d'un éventail d'éléments en vue de mobiliser les capitaux.
    Je crois que nous voulons cette certitude sur le plan stratégique, afin de veiller à aller au-delà des ambitions et à nous rendre 60 000 pieds sous terre pour nous permettre de créer les circonstances favorables à cet égard. Certains chemins vers la carboneutralité nous permettront d'atteindre cet objectif et d'autres non, à mon avis.
    Vous avez parlé de la nécessité des investissements du secteur privé. Selon les échelles de grandeur évoquées, par exemple dans notre étude sur les véhicules électriques, il faudrait 7,5 équivalents du site C pour électrifier notre réseau de transport.
    Selon vous, est-ce qu'on devrait procéder à une évaluation du réseau électrique du Canada et des mesures qui peuvent être prises pour gérer la demande accrue?
    Je crois qu'une telle étude serait importante. Il faudrait réaliser les mêmes études pour divers volets du projet de loi.
    Les stratégies de décarbonisation touchent le secteur des ressources, le secteur de la construction et le secteur de la fabrication. Il faudra préparer des rapports pour tous ces secteurs afin qu'ils soient dans une position économique solide pour supporter le fardeau de la transition. Je crois qu'il faudra des capitaux du secteur privé pour faire avancer les choses.
    Merci beaucoup.
    Vous dites que tous les plans ne sont pas créés égaux; je crois qu'il en va de même pour les équipes. J'ai peut-être regardé trop de films hollywoodiens où il faut agir très rapidement.
    Habituellement, les équipes formées de personnes aux vues différentes arrivent aux meilleurs résultats. C'est peut-être illusoire, mais en même temps, il me semble inapproprié d'avoir un seul ministre qui présentera 15 personnes. Je préférerais de loin une approche pangouvernementale.
    Pour le conseil consultatif, préféreriez-vous — comme il a été proposé hier — que divers ministres proposent des participants, afin d'avoir un point de vue multidisciplinaire fondé sur une approche pangouvernementale?
    Nous n'avons pas fait de recommandation officielle à cet égard, mais je crois que la nomination, par divers ministres, des membres du conseil consultatif représenterait une bonne mesure pour assurer la diversité des points de vue. Comme je l'ai dit plus tôt, la transition vers la carboneutralité aura une dimension sociale, et sanitaire également. Il faut tenir compte de ces diverses dimensions dans le cadre de l'élaboration d'un plan.
(1640)
    Ma collègue, Cathy McLeod, a évoqué le sujet des consultations avec les Autochtones à plusieurs reprises au cours de cette étude. Il semble que le gouvernement n'ait consulté aucun groupe autochtone, alors que bon nombre de collectivités des Premières Nations ont des accords de réconciliation économique et mettent en place leurs propres projets. Croyez-vous qu'un de ces groupes — peut-être la ministre des Relations Couronne-Autochtones — pourrait également proposer des noms pour le groupe?
    Oui, tout à fait. Je crois que c'est une excellente suggestion.
    D'accord.
    Vous avez parlé des conséquences sur les provinces, qui n'ont pas toutes la même empreinte énergétique. Vous croyez qu'il faudrait produire plus de rapports sur les conséquences pour certaines régions. Croyez-vous aussi qu'il faudrait présenter un bon résumé de toutes les mesures provinciales pour l'atteinte de la carboneutralité, étant donné que le gouvernement fédéral n'a pas la compétence exclusive dans ce domaine?

[Français]

     Je vous prierais de répondre rapidement à la question.

[Traduction]

    En ce qui a trait à ce deuxième volet, je crois que l'interaction avec les gouvernements provinciaux est très importante et je crois que nous avons entendu diverses recommandations à ce sujet.
    Du point de vue des entreprises, on entend souvent dire que la tarification du carbone et la compensation susciteront l'intérêt et attireront des capitaux. Il est très important d'assurer une collaboration étroite avec les provinces parce que les changements pourraient compromettre l'additionnalité de ces crédits de carbone. Ainsi, en veillant à ce que les stratégies de carboneutralité et ce que l'on considère à titre d'activités habituelles soient...
    Nous devons nous arrêter là.
    Madame Saks, vous disposez de six minutes. Allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de s'être joints à nous aujourd'hui. Nous avons beaucoup de sujets à aborder et beaucoup de choses à apprendre dans le cadre de ce processus, alors je vous remercie pour vos interventions.
    J'ai beaucoup aimé les commentaires de Mme Burch et de Mme Anand au sujet de l'acceptation sociale — si l'on veut — ou de la collaboration en vue de l'atteinte de la carboneutralité et des conséquences à prendre en compte en vue d'opérer les changements sociaux nécessaires pour l'atteinte de cet objectif. Nous sommes des êtres d'habitudes, comme je l'ai dit à maintes reprises au cours de cette étude, et il faut assurer une participation à tous les niveaux, à partir du niveau individuel jusqu'au niveau fédéral, pour atteindre la carboneutralité.
    Le projet de loi C-12 répond au désir des Canadiens d'agir pour lutter contre les changements climatiques et au mandat qu'ils nous ont confié à cet égard, et nous espérons que le projet de loi C-12 démontre nos ambitions. Nous vous remercions pour vos contributions, qui nous permettent de veiller à ce que les demandes des Canadiens soient prises en compte.
    Madame Anand, j'aimerais que vous nous parliez des conséquences déjà visibles des changements climatiques sur l'environnement et les écosystèmes. Quelles seront les conséquences écologiques du défaut d'atteindre la carboneutralité?
    Ces conséquences ont été désignées dans plusieurs rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat au fil des années. Au Canada, il n'y a pas un écosystème qui n'ait pas été touché par les changements climatiques au cours des dernières décennies. Je ne veux pas vous faire un grand discours, mais j'aimerais souligner quelques points, rapidement.
    Nos systèmes nordiques changent très rapidement parce que les effets du réchauffement y sont extrêmes... Nous avons constaté la fonte du pergélisol. Dans nos forêts boréales, la fréquence et l'intensité des infestations d'insectes sont accrues et sont souvent exacerbées par des facteurs de stress associés aux changements climatiques. Nos systèmes aquatiques subissent des chocs sur le plan de la productivité et de la qualité de l'eau. La liste est longue. En gros, nous perdons des espèces. Nous perdons de la productivité. Nous perdons aussi les puits de carbone créés par bon nombre de ces écosystèmes, ce qui entre aussi dans l'équation.
    Je dirais qu'il est très, très important de tenir compte des changements et des effets que l'on observe déjà, parce que la situation est urgente. Mais voilà où nous en sommes. Nous avons une mesure législative, ce qui est une bonne chose, mais il sera très important, dans le cadre de l'élaboration des plans, de veiller à préserver et à rétablir [Difficultés techniques] dégradation des écosystèmes, notamment parce qu'ils contribuent aux puits de carbone. Ils offrent toutefois de nombreux autres services pour l'humanité.
(1645)
    Merci de votre réponse. Il est très clair que dans tout ce processus, de nombreux éléments sont interreliés. Nous ne pouvons pas considérer qu'une seule pièce du puzzle. Nous devons les examiner toutes.
    Madame Burch, j'ai déjà eu une petite entreprise. Les entreprises essaient de planifier et elles doivent souvent faire face à certains défis, comme celui de savoir comment bien planifier lorsque des transitions sont annoncées. Je sais combien il peut être gratifiant d'avoir une entreprise et de vouloir la faire grandir — et aussi de vouloir faire partie de cette transition que nous proposons avec le projet de loi C-12. Pendant cette transition vers la carboneutralité, comment pouvons-nous soutenir les petites entreprises et leur donner les moyens de tirer parti des possibilités économiques?
    Merci beaucoup de cette question.
    Dans le cadre des échanges qui se tiennent au pays depuis une ou deux décennies sur ce qu'il faut faire pour lutter contre les changements climatiques, j'ai l'impression que nous avons tendance à nous focaliser sur ce que le gouvernement peut faire. Lorsque nous parlons du secteur privé, il s'agit des grandes entreprises, pour des raisons évidentes. Leurs émissions de gaz à effet de serre sont énormes et elles constituent une pièce vraiment importante du puzzle. Or, les émissions de gaz à effet de serre des petites et moyennes entreprises canadiennes sont faibles lorsqu'elles sont prises individuellement, mais énormes lorsque considérées collectivement. À moins que ces entreprises ne soient soutenues dans le processus de transition, nous n'aurons aucun espoir d'atteindre ces objectifs ambitieux.
    Ce que nos recherches nous ont montré est plutôt encourageant. En effet, nous avons constaté que les petites entreprises qui considèrent le bien social et environnemental comme un élément central de leur objectif, au même titre que le profit — et parfois dans une mesure plus importante que la croissance et la motivation dominante du profit — mettent en œuvre des stratégies de réduction des gaz à effet de serre beaucoup plus ambitieuses et créatives que celles des grandes entreprises. Dans la petite entreprise, les réductions visées d'ici deux ans sont de l'ordre de 30 ou 40 %.
    C'est épatant. Cependant, lorsque nous regardons le paysage des petites entreprises canadiennes, nous constatons qu'elles n'ont pas la capacité nécessaire. Leurs marges bénéficiaires sont souvent très minces. Elles n'ont peut-être pas les compétences techniques qu'il leur faudrait en dehors du domaine précis du bien ou du service qu'elles fournissent. Je pense qu'il est crucial d'interpeller ces petites entreprises à l'échelle du pays en renforçant la capacité de transition vers la durabilité et la décarbonisation afin qu'elles ne soient pas laissées pour compte, comme elles l'ont certainement été au cours de la dernière année et demie en ce qui concerne la COVID. Le renforcement des compétences techniques est vraiment crucial pour les petites entreprises, et je pense que c'est quelque chose qui aidera à accélérer la transition.
    Je vous remercie.
    Madame Pauzé, nous vous écoutons.

[Français]

     Je vais prendre le relais, monsieur le président.
    D'accord.
    Madame Michaud, je vous souhaite la bienvenue au Comité. Vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je souhaite la bienvenue aux témoins.
    Je vous remercie d'être ici.
    J'ai vraiment apprécié vos allocutions d'ouverture. Il est rafraîchissant d'entendre dire que l'économie et l'environnement sont intrinsèquement liés, surtout quand cela vient du secteur économique. Souvent, on craint que ce secteur ne veuille pas s'impliquer, mais vous êtes la preuve même qu'il le veut. Comme l'a dit M. Henry, un peu plus tôt, ne pas faire la transition énergétique aura un coût encore plus élevé que de la faire. Je vous remercie alors de vouloir faire la transition.
    Je m'adresse à M. Bolduc pour commencer.
    Monsieur Bolduc, vous avez dit que vous doutiez un peu de notre capacité d'atteindre les cibles nationales de réduction de GES. Je suis totalement d'accord avec vous. L'atteinte de la carboneutralité est une cible assez ambitieuse. Cela ne veut pas dire qu'il faut laisser tomber cette cible. Il faut absolument avoir des cibles ambitieuses, mais la façon dont nous agissons doit aller de pair avec l'atteinte de ces cibles. Vous l'avez mentionné très justement. Je me dois de le mentionner de nouveau. Le rapport d'étude publié un peu plus tôt cette semaine par l'Agence internationale de l'énergie, ou l'AIE, a souligné qu'il était louable que les pays veuillent atteindre la carboneutralité en 2050, mais qu'il faille, pour cela, mettre fin à tout projet gazier ou pétrolier. Nous savons que l'industrie gazière croîtra d'au moins 30 % d'ici 2040, au Canada. J'ai donc de la difficulté à concevoir la façon dont nous atteindrons nos cibles si nous continuons dans cette voie. Il est certain que, avec le projet de loi C-12, le gouvernement a une responsabilité, mais l'industrie en a une aussi.
    Comment voyez-vous alors cette collaboration entre les deux? Croyez-vous que le gouvernement adopte la bonne approche en proposant ce projet de loi?
    Il est certain que ceux qui croient que l'avenir est dans les hydrocarbures font fausse route, à mon avis. Il ne faut pas attendre d'avoir pompé tout le pétrole de la planète avant de commencer à agir. Le rapport d'étude qu'a publié l'AIE cette semaine est intéressant. Nous y apprenions que la transition énergétique va créer 14 millions d'emplois, mais que 5 millions d'emplois seraient perdus dans le secteur des hydrocarbures. C'est ce que j'ai lu. Selon mes calculs, soustraire 5 millions de 14 millions donne 9 millions. Il s'agirait donc de 9 millions d'emplois créés si nous nous dirigeons vers la transition énergétique.
    Je vous en ai fait part dans mon allocution d'ouverture. Nous, à la FTQ, ce qui nous importe beaucoup, c'est d'accompagner tous les acteurs du milieu dans cette transition énergétique, c'est-à-dire les travailleurs et les travailleuses, au premier chef, bien sûr, mais également les entreprises et les communautés dans lesquelles ces dernières se trouvent. C'est donc cette démarche de transition juste qu'il faut absolument mettre en place. Par contre, nous ne la retrouvons pas dans le projet de loi.
(1650)
     Vous avez parlé de la création du Réseau intersyndical pour le climat. Vous êtes vraiment proactif à ce sujet et faites toujours preuve de sensibilité à l'égard des travailleurs pour leur assurer un soutien.
    Pensez-vous que le gouvernement est suffisamment ambitieux et prêt à fournir les efforts nécessaires, non seulement grâce au projet de loi C-12, mais aussi dans son approche pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, afin de démontrer qu'il soutient tous les secteurs et tous les acteurs du milieu, comme vous le dites, par souci pour les travailleurs que vous représentez?
    Il est certain que la cible doit être supérieure à 35 ou 40 %. Plusieurs fixent la cible à atteindre à 60 %. Selon moi, elle doit être la plus haute possible, dans la mesure où elle est atteignable et que les efforts sont fournis dans un souci de transition juste, comme je vous le disais plus tôt, envers les travailleurs, les travailleuses et les communautés.
    Le syndicat Unifor, qui est affilié à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, ou FTQ, représente quand même plusieurs milliers de membres dans le secteur des hydrocarbures. Le syndicat n'hésite pas à demander au gouvernement de fixer une cible à 60 % d'ici 2030.
    Par conséquent, je pense qu'il faut être ambitieux et se donner les moyens d'atteindre nos objectifs. Plusieurs l'ont dit, et la FTQ est du même avis, plus nous attendons, plus ce sera douloureux.
    Je suis du même avis. Je vous remercie, monsieur Bolduc.
    Madame Anand, j'aimerais vous entendre à ce sujet. Je vous voyais hocher de la tête et vous disiez tout à l'heure que, pour le projet de loi C-12, le ministre de l'Environnement doit se fier à l'expertise des scientifiques et à ce qu'ils disent.
    Pour l'instant, la fourchette cible que le gouvernement s'est fixée est de 40 à 45 % de réduction. Je crois que la communauté scientifique parle plutôt de 60 %.
    Le fait que les cibles soient inscrites dans le projet de loi est-il important pour vous? Selon vous, sont-elles suffisantes?

[Traduction]

    Je pense que cela ne ferait pas de mal d'assortir le projet de loi d'objectifs. Une grande partie de la discussion sur ce que devraient être ces objectifs a déjà eu lieu. Il est vrai que si nous regardons les groupes d'experts et les accords internationaux, les objectifs sont plus élevés pour le Canada, et je suis assurément d'accord avec la mise en garde selon laquelle les objectifs doivent être réalisables. Or, il s'agit ici d'intégrer une cible réalisable au plan. Je pense que plus l'objectif est élevé, mieux c'est, et qu'une réduction de 60 % devrait effectivement être notre objectif. Nous y parviendrons plus rapidement. De cette façon, si nous tombons à 45 %, ce sera mieux que de tomber en dessous de 45 %.
    Pour ce qui est de...
    Allez-y pour 10 secondes de plus.
    D'accord. Pour ce qui est d'écouter ce que les scientifiques ont à dire, oui, il devrait y avoir une discussion permanente. Dans le développement des plans pour ce projet de loi, nous devons avoir plus de planification et de modélisation de scénarios qui incluent les...
    D'accord, merci. Ce n'est pas chose facile que d'interrompre les intervenants. Cela me fait plus de mal qu'à vous.
    Monsieur Bachrach, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
    Ma première question s'adresse à Mme Burch.
    Madame Burch, quelque chose que vous avez dit dans votre déclaration liminaire a attiré mon attention. Vous avez évoqué le fait que des gains d'efficacité modestes ne suffiront pas à atteindre l'objectif de 2030. Cela m'a fait réfléchir à la façon dont nous parlons de l'ampleur des changements qui seront nécessaires. La question qui me vient à l'esprit, c'est de savoir si le sentiment d'urgence et la façon dont le gouvernement le communique sont suffisants pour donner aux Canadiens une idée de ce qui sera nécessaire au cours des neuf prochaines années, ce qui m'apparaît comme un clin d'œil dans le temps.
    Devons-nous transmettre un plus grand sentiment d'urgence et être vraiment honnêtes avec les Canadiens sur ce que cela représente de réduire nos émissions de 45 %? Est-ce une question claire?
(1655)
    Elle l'est, oui. Je vous remercie.
     Je dirais que nous devons faire preuve de beaucoup plus de créativité — et, comme vous l'avez dit, d'honnêteté — pour faire comprendre la profondeur des changements qui seront nécessaires pour atteindre des objectifs aussi ambitieux. Comme nous l'avons tous déjà mentionné à de nombreuses reprises, nous n'avons pas réussi à atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés jusqu'ici, et donc il va nous falloir des changements en profondeur.
    Je pense que cela revient essentiellement à notre vision de l'avenir. À quoi doit ressembler un Canada décarbonisé? Il y a beaucoup de façons différentes de s'imaginer la chose. Il n'y a pas qu'une seule vision. Je pense qu'il est vraiment important de permettre la tenue de cette conversation afin d'avoir une plus grande diversité de visions, non seulement de l'objectif final, mais aussi des façons d'y parvenir, afin d'éviter que ces visions finissent par être profondément conventionnelles. Je suis préoccupée par le fait que, lorsque nous parlons de l'avenir, nous voulons essentiellement conserver le tissu de nos collectivités, la structure de nos villes et nos modes de vie exactement tels qu'ils sont, à la seule différence que l'énergie que nous consommons sera produite d'une autre façon.
    Dans l'optique d'un Canada carboneutre d'ici 2050, la transformation nécessaire devra être beaucoup plus profonde que cela.
    Merci de votre réponse. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
    Je suis curieux de l'équilibre entre les mesures à court terme et les politiques à plus long terme. Il semble que certaines politiques prennent des années à être mises en place. La tarification du carbone, comme vous le savez, est une mesure dont nous parlons depuis de nombreuses années déjà, mais elle commence tout juste à prendre effet. Bien sûr, il faudra un certain temps avant qu'elle ne soit appliquée avec l'ampleur nécessaire pour que cela fasse une différence substantielle.
    Lorsque nous pensons en fonction d'un objectif pour 2025, l'idée est que nous avons besoin d'une action ambitieuse au cours des quatre prochaines années, une période aussi brève qu'un battement de cœur. Quelles sont selon vous les mesures sur lesquelles le gouvernement fédéral devrait miser afin d'obtenir des résultats substantiels au cours des quatre prochaines années? Quels sont les domaines stratégiques où ces changements pourraient être mis en œuvre aussi rapidement?
    Merci. C'est une question difficile.
    J'ai vraiment apprécié la conversation de tout à l'heure sur le partage du fardeau entre le gouvernement fédéral et les provinces. J'ajouterais à cela, bien sûr, les municipalités. Les villes ont un rôle crucial à jouer à cet égard puisqu'elles peuvent prendre des mesures à court terme pour aider à réduire les émissions liées au transport et aux résidences. Nous devons commencer à penser au fait que chaque nouvel immeuble que nous construisons a une durée de vie de 30 à 50 ans ou plus, et que chaque décision que nous prenons en matière de construction et qui nous enferme dans une voie à forte intensité de carbone est un échec. Il s'agit d'un problème auquel nous devrons remédier ultérieurement.
     Dans le secteur du bâtiment, la question ne se limite pas aux nouvelles constructions. Nous devons intensifier la modernisation des bâtiments existants et la porter à un rythme sans précédent. Qu'il s'agisse d'immeubles résidentiels ou commerciaux, le parc immobilier actuel doit être transformé au cours de la prochaine décennie. L'atteinte des réductions accrues projetées pour 2030 dépend aussi de ces transformations.
    C'est un élément crucial. Pour cibler concrètement les émissions associées aux transports et aux immeubles, il est essentiel de soutenir les municipalités qui contrôlent des outils tels que l'aménagement du territoire et le zonage, ainsi que les provinces qui, elles, régissent les codes du bâtiment.
    D'autres, comme M. Mousseau, pourraient parler davantage du système énergétique.
    J'ai beaucoup de questions sur le sujet particulier dont vous parlez, la rénovation domiciliaire. Je viens de rénover une maison à demi-niveaux qui date de 1968 afin de la doter d'un système de climatisation et de chauffage sans émission. Le processus m'a beaucoup fait réfléchir à la distance qui nous sépare de l'accélération du rythme que nous devons atteindre pour rénover un pourcentage substantiel du parc immobilier. C'est un peu déprimant de penser au chemin qu'il nous reste à parcourir pour y parvenir.
    Je pense que ma prochaine question sera pour vous, monsieur Bolduc. Vous avez parlé de la transition équitable. Dans un premier temps, j'aimerais que vous nous disiez comment vous croyez que le projet de loi C-12 devrait être amendé pour faire référence à ces éléments de transition équitable, et, dans un deuxième temps, si le simple fait d'ajouter des amendements au projet de loi sera suffisant ou si nous avons besoin que le gouvernement tienne sa promesse de créer une loi autonome sur la transition équitable.
(1700)

[Français]

     Veuillez répondre brièvement, s'il vous plaît, monsieur Bolduc.
    Je vous remercie de votre question.
    Actuellement, au Québec, nous travaillons conjointement avec le Conseil du patronat du Québec pour convaincre le ministre de l'Environnement de créer un groupe de travail sur la transition juste, qui comprendrait des partenaires syndicaux, patronaux et, évidemment, quelques ministères concernés. Il s'agit d'un élément important de la mise en place de mesures de transition juste.
    Sur le terrain, la FTQ est en train d'essayer d'organiser des laboratoires que nous appelons « laboratoires de transition juste ». Par exemple, nous approchons actuellement une microbrasserie pour savoir comment nous pourrions capter le CO2 pour le remettre dans la production afin de produire une bière carboneutre.
     Cela semble être une bonne idée. Je dois malheureusement vous interrompre, mais je conserve votre idée de bière carboneutre.

[Traduction]

    J'aimais la direction dans laquelle il s'était engagé, monsieur le président. Je pense que je vais...
    Oui, moi aussi, mais il y a des règles, monsieur Bachrach, même dans ces cas-là.
    Nous allons passer à la deuxième série de questions, en commençant par M. Jeneroux.
    Merci, monsieur le président.
    Même si j'aimerais continuer à explorer cette avenue, j'ai d'autres questions à poser aux témoins.
    Je veux commencer par vous, monsieur Henry. Lors de votre exposé, vous avez été interrompu au moment où vous alliez parler, je crois, des objectifs fixés par les provinces et de la façon dont ils sont gérés. Le président a une tâche difficile. Cela fait maintenant neuf heures que nous discutons, je crois. Il fait un bon travail pour gérer tout cela.
    J'espérais que vous puissiez nous en dire plus quant à la teneur de cet élément qui relève des provinces.
    Merci beaucoup de cette question.
    Oui, absolument, en ce qui concerne la conception de la politique climatique du Canada, nous avons déjà vu qu'un certain nombre de politiques conçues à l'échelon fédéral ont des implications provinciales. Dans certains cas, il y a également des chevauchements. Parmi les exemples, on peut citer le travail qui a été fait pour créer des équivalences en matière de méthane. Il y a aussi eu la création d'une norme fédérale sur les carburants propres alors que les provinces avaient déjà leurs propres normes à cet égard. Il y a eu les différences entre le système fédéral de tarification en fonction de la production et les systèmes provinciaux pour les gros émetteurs.
    Dans tous ces cas, il est très important de coordonner les cadres stratégiques mis en place dans les provinces. Faute de coordination, le grand risque est la duplication. Vous pourriez vous retrouver à réglementer et, essentiellement, à fixer le prix de la même molécule deux fois, ce qui, bien sûr, serait problématique. Cela renvoie également à ces principes de comptabilité qui faussent les choses.
    L'autre question pour laquelle nous essayons de prévoir, c'est que les tentatives d'établissement de marchés du carbone sont en forte progression. Un élément clé des marchés du carbone est que nous avons besoin d'un protocole national qui précise les conditions à remplir pour créer un crédit compensatoire. Une chose qui entre en jeu, c'est la liste des technologies incluses dans un scénario de base de maintien du statu quo — il s'agit nommément de ces technologies qui ne sont pas considérées comme aptes à produire des crédits de carbone ou des émissions supplémentaires, simplement parce que ces émissions se produiront de toute manière étant donné que les technologies visées ont été étiquetées — par rapport aux technologies qui sont admissibles à la création de crédits.
    En fait, l'absence de certitude à ce sujet entre le gouvernement fédéral et les provinces crée beaucoup de risques pour l'environnement d'investissement. Vous aurez du mal à attirer des entreprises à cause de cet aspect du modèle d'affaires, c'est-à-dire s'il n'y a pas la certitude que ces crédits de carbone peuvent être garantis et reconnus par les gouvernements provinciaux et fédéral. C'est un exemple des complexités potentielles.
    Cela nous amène à ce que je pensais être votre autre point, au sujet duquel j'aimerais vous étendre davantage.
     Dans votre exposé, je pense que vous avez abordé cette question des changements de paradigme dans l'élaboration des politiques et les risques financiers et politiques que ces changements pourraient occasionner. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet afin que nous ayons un meilleur équilibre dans les témoignages à partir desquels nous devrons travailler?
    Absolument. Je pense que le fait d'envisager un projet de loi comme le C-12 reçoit un accueil favorable unanime dans le milieu des affaires. Les gens de ce milieu recherchent des certitudes au sujet de la forme que prendront ces stratégies de décarbonisation. Ils veulent être en mesure de savoir quels types de réductions on attend d'eux, tant à l'échelle de leur secteur qu'a celle de leurs entreprises individuelles.
    Pour être honnête, je dirais que l'une des idées qui reviennent le plus souvent dans cette conversation est celle de mettre la barre le plus haut possible. Je pense que c'est une bonne chose du point de vue de l'ambition, mais que c'est une politique vraiment difficile pour toute entreprise qui cherche à savoir ce qu'elle doit faire pour respecter ces règles et réaliser ces réductions. Il s'agira tout simplement d'une cible fluctuante ou mouvante.
    Je pense que le problème que nous pourrions avoir, ce serait bien sûr que les mesures ne soient pas en place et convenues, que nous ne puissions pas les atteindre et que nous nous retrouvions avec des mesures plus strictes qu'un prochain gouvernement imposerait pour rattraper le retard sur l'atteinte de l'objectif. Si nous entrons dans ce monde, le cadre stratégique va changer radicalement.
    Nous avons été très heureux de voir une possible convergence parmi les partis fédéraux en ce qui concerne les types d'outils qui peuvent être utilisés dans le cadre d'une politique climatique efficace, tout en reconnaissant que différents partis pourraient utiliser ces outils de différentes manières. Ce genre de consensus est très utile pour les entreprises qui pensent à l'avenir.
    Lorsque les entreprises se tournent vers quelque chose comme le projet de loi C-12, elles souhaitent une plus grande clarté en ce qui concerne le cadre stratégique et elles espèrent qu'il n'y aura pas de changement soudain. Si nous ne sommes pas réalistes — cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas être ambitieux — en nous appuyant sur ce que nous pouvons faire dans ces secteurs et qu'au lieu de cela nous créons des objectifs flottants, nous allons miner considérablement la confiance des entreprises, ce qui signifie que les capitaux ne seront pas au rendez-vous pour faire fonctionner ces projets.
(1705)
     Comme j'ai complimenté le président au début, je pense qu'il se montrera généreux pour mes 10 dernières secondes.
    J'ai une question de suivi à la question de mon collègue, M. Albas.
    Croyez-vous qu'il serait bon d'amender le projet de loi pour que le cabinet décide qui fait partie de l'organisme consultatif, et d'aller un peu plus loin pour inclure à la table des ministères comme celui de l'Industrie, du Travail et des Finances?
    Soyez bref, s'il vous plaît, répondez par un oui ou un non.
    Oui.
    Excellent.
    Nous passons à M. Bittle pendant cinq minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais m'adresser aux représentants de la FTQ.
    Pourriez-vous nous en dire plus au sujet de votre réponse concernant la bière et le dioxyde de carbone et nous expliquer le rôle que les travailleurs joueront dans la transition vers la carboneutralité? Quelles occasions de participation voyez-vous pour vos membres?

[Français]

     Si vous le permettez, monsieur le président, je vais laisser mon collègue M. Rondeau répondre à cette question, étant donné qu'il est très présent sur le terrain.
    Bien sûr.
    Monsieur Rondeau, vous avez la parole.
    Les occasions sont liées à la transition juste. C'est aussi simple que cela. C'est pourquoi nous voulons que des mécanismes robustes de transition juste accompagnent la loi. Pour ce qui est de la question précédente, nous voulons qu'à l'intérieur même de la loi, on fasse mention des principes de transition juste ou des mécanismes. Cela avait d'ailleurs été promis par le présent gouvernement lors des dernières élections, et ce, pour faciliter la mobilisation des travailleurs et des travailleuses. Il s'agissait de les engager dans un dialogue social et de les inclure dans les discussions en établissant clairement le processus et le financement nécessaire ainsi que des indicateurs de réussite.
    Tout cela ne peut se faire qu'en permettant la participation des travailleurs et des travailleuses. C'est un peu ce que nos collègues d'Unifor ont fait valoir il y a environ une semaine. Ils ont placé la barre très haut en affirmant que si les travailleurs et les travailleuses ne faisaient pas partie de la solution, ils deviendraient le problème. On associe souvent la transition juste à un principe qui empêche la transition énergétique. Or c'est tout à fait le contraire. Si l'on favorise la contribution des travailleurs et des travailleuses à la recherche de solutions, on atteindra la transition énergétique beaucoup plus rapidement.
    Je vais vous donner un dernier exemple. En Saskatchewan, des travailleurs du domaine de la raffinerie se sont recyclés et ont intégré le domaine de la géothermie. C'est donc possible. Il faut simplement mettre ces personnes à contribution et changer le paradigme. De cette façon, nous allons obtenir des résultats.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup.
    J'aimerais maintenant m'adresser à M. Henry. Ma question est très vaste, alors n'hésitez pas à être expansif.
    Je sais que vous y avez fait allusion, mais seriez-vous d'accord pour dire qu'il serait utile pour les entreprises canadiennes d'avoir plus d'information, dans le cadre du processus de rapports, lors de la transition vers la carboneutralité?
    Il est toujours utile d'avoir plus d'information. Bien entendu, tout dépend des détails et de l'information. Ce sur quoi nous voulons insister également, toutefois, c'est la participation.
    Au sujet de l'organisme consultatif qu'on propose de créer, je pense qu'il sera en mesure de présenter des idées, des recommandations et des stratégies de décarbonisation de haut niveau. Dans les faits, toutefois, pour arriver à maximiser la réduction des émissions, à créer de bons emplois et à assurer la mise en place de communautés durables, vous allez devoir inclure ceux au sein de l'industrie qui connaissent les modèles d'affaires et qui savent comment appliquer la technologie.
    C'est bon de diffuser de l'information, mais je pense qu'il faut aussi avoir un processus de consultation pour que les gens qui gèrent les différentes industries et qui seront chargés de l'application de ces stratégies aient leur mot à dire pour indiquer ce qu'il faudra faire pour accroître l'utilisation de certaines technologies ou modifier les modèles d'affaires afin d'arriver à atteindre nos objectifs. Je pense que cela n'est pas clair pour l'instant — soit où interviendra l'industrie dans tout cela —, et le fait d'intégrer une lentille économique dans le projet de loi favoriserait sans doute la participation de l'industrie.
(1710)
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vais maintenant passer à Mme Anand.
    J'aime beaucoup votre idée qu'il faut consulter la société d'une façon plus large et ne pas se limiter aux chercheurs. Quand je regarde les nouvelles et que je parle aux gens de ma circonscription, on semble se concentrer uniquement sur quelques éléments.
    J'aimerais que vous nous en disiez plus sur le fait d'avoir des consultations plus poussées et de ne pas s'en tenir uniquement aux chercheurs.
    Oui, je pense que les consultations sont assurément indispensables, mais il faut aussi qu'il y ait une mobilisation et un dialogue. On peut et on doit en faire un dialogue.
    Je pense qu'il faut notamment s'intéresser aux comportements des gens, ainsi qu'aux tendances et aux changements sociétaux. Je sais que le gouvernement et les entreprises le font déjà, mais beaucoup de données récoltées dans ces domaines peuvent servir à alimenter nos scénarios. Nous avons quelques exemples de la façon imprévisible dont les gens peuvent réagir à certaines interventions.
    On l'a vu un peu avec la COVID. Dans l'ensemble, je pense que la pandémie nous a révélé — et j'ai été en fait surprise de le constater —, à quel point les gens ont adopté rapidement les mesures d'intervention requises et ont modifié leurs comportements et leurs modes de vie. La même...
    Je suis désolé, mais nous devons nous arrêter ici.
    Je vous remercie beaucoup.
    C'est un vrai tyran. Il est aussi président de notre caucus, et il agit exactement de la même façon avec nous.
    Je vous remercie.
    Je suis désolé, encore une fois. Nous avions déjà dépassé le temps prévu.

[Français]

     Madame Pauzé, vous avez la parole.
    Monsieur le président, je vais partager cette courte période de deux minutes et demie avec Mme May.
    Ma question s'adresse à vous, professeur Mousseau. Vous avez récemment publié un article avec la professeure Corinne Le Quéré dans lequel vous parliez d'améliorer de la gouvernance.
    J'aimerais savoir comment vous avez réagi, en tant qu'expert et scientifique, à la composition du comité présentée par le ministre?
    Je vous demanderais de répondre rapidement afin de laisser un peu de temps à Mme May.
    Selon moi, il manque tout de même de scientifiques et de gens indépendants autour de la table. Les membres sont tous des bénévoles. Or, quand on est bénévole et qu'on est payé par une industrie ou une société, il est difficile d'être complètement indépendant. C'est l'un des aspects.
    Par ailleurs, dans d'autres comités, un montant est offert. Cela permet aux membres de déterminer quelle est leur tâche et de la séparer des autres. Un autre aspect important est que le secrétariat, tel qu'il est structuré maintenant, est situé à Environnement Canada. C'est ce qui fait que le secrétariat n'est pas indépendant. Or il faut absolument que ce comité soit complètement indépendant. Les gens qui font le travail en arrière-plan doivent aussi être séparés du gouvernement.
    Madame May, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup.
    Ma question s'adresse à Mme Burch.
    Madame Burch, j'aimerais confirmer quelque chose avec vous. Vous avez parlé de l'objectif du Royaume-Uni qui est de 78 % d'ici 2035. C'est bien par rapport aux niveaux de 1990, n'est-ce pas?
    C'est bien le cas, en effet.
(1715)
    Si on compare au Canada, notre objectif est de 40 % à 45 % sous les niveaux de 2005, c'est donc totalement différent. Nous sommes complètement ailleurs.
    C'est exact, et c'est le cas des États-Unis également, dont les objectifs sont basés sur les niveaux de 2005.
    Si j'ai le temps... Je suis devant un dilemme. Si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, je pense qu'il présente en fait un danger, parce que l'objectif est d'atteindre la carboneutralité en 2050. Sans objectif à court terme, ce projet de loi pourrait-il en fait avoir des effets pernicieux?
    Je pense qu'il est indispensable d'avoir un objectif à court terme. Le fait de modifier le point de départ est une façon de brouiller les ambitions que nous prétendons avoir. C'est facile d'oublier cette nuance, mais en choisissant un point de départ plus près de nous, nous occultons toutes ces années pendant lesquelles nos émissions ont augmenté, alors la réduction d'ici 2030 ou 2050 en est une beaucoup plus modeste qu'il n'y paraît.
    Je pense vraiment qu'un objectif ambitieux à court terme est un aspect important du processus.
    Je vous remercie.
    Monsieur Bachrach, vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Madame Burch, plusieurs témoins nous ont pressés au cours des dernières séances d'inclure des indicateurs économiques dans le projet de loi C-12. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    C'est aussi une grande question. Il était intéressant de suivre la discussion un peu plus tôt au sujet de la phrase que nous répétons tous, soit ce que nous pouvons mesurer nous intéresse. Je crois qu'il s'agit là malheureusement d'un point de vue très réducteur de notre monde. Il y a beaucoup de choses qui sont vraiment importantes pour les Canadiens et que nous ne parvenons pas à bien mesurer.
    Il est important, certes, d'avoir des indicateurs économiques pendant la transition pour s'assurer que ceux dont le gagne-pain est lié aux énergies fossiles pourront faire une transition juste et équitable vers une économie faible en carbone. Toutefois, il faut aller au-delà des indicateurs économiques et récolter d'autres données importantes qui nous diront si nous nous dirigeons vers un avenir souhaitable pour les Canadiens.
     Quels sont ces autres indicateurs ou marqueurs qu'il serait important, selon vous, de prendre en considération?
    Il est crucial d'avoir des indicateurs qui nous aident à comprendre la santé de nos écosystèmes et qui donnent une voix à la nature non humaine. Je pense qu'il est important de comprendre que l'équité et l'inclusivité font aussi partie de cette transition vers laquelle nous pensons tous nous diriger. La santé publique est un autre indicateur très important. Nous en avons eu un exemple on ne peut plus frappant au cours de la dernière année et demie.
    Cela me ramène à un sujet qui me tient beaucoup à cœur, à savoir que nous disposons de preuves convaincantes voulant que nous pouvons, dans le processus de transition vers une économie carboneutre, concrétiser de nombreuses priorités simultanément, et non pas seulement réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous pouvons en concrétiser beaucoup d'autres également.
    Je vous remercie.
    Monsieur le président, je présume que mon temps est presque écoulé. J'allais poser une question à M. Bolduc au sujet de l'organisme consultatif.
    Quelle est votre question?
    Eh bien, j'aurais aimé connaître ses idées sur la composition d'un comité basée sur l'expertise plutôt que sur les intérêts, mais je lui poserai la question plus tard.
    Non, vous avez le temps.
    Monsieur Bolduc, veuillez répondre très brièvement: expertise ou diversité?
    Comment faut-il procéder pour s'assurer de passer des intérêts à l'expertise?

[Français]

     Bien entendu, des scientifiques doivent siéger à ce comité afin de guider le gouvernement, mais il faut aussi qu'un représentant des travailleurs y siège, ce qui est déjà prévu, je crois. Il faut que des employeurs et des entreprises, mais principalement des scientifiques, en fassent partie.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Monsieur Redekopp, vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je veux simplement poursuivre sur le sujet. J'ai travaillé pendant de nombreuses années dans l'industrie, dans la fabrication de machinerie agricole, puis dans la construction domiciliaire. Si j'ai voulu être élu, c'est notamment parce qu'il est généralement admis que le gouvernement fait les choses de façon lente et inefficace. Il a sa raison d'être, je n'en doute pas, mais si on le compare à une entreprise... Les entreprises peuvent être expertes dans l'art de passer à l'action, comme on en parlait à l'instant.
    Monsieur Henry, j'aimerais simplement avoir votre opinion sur ce qui suit. Vous avez parlé d'une lentille économique, et c'est ce dont Mme Burch parlait à l'instant. Elle a mentionné également que nous avons besoin d'accroître les compétences au sein de nos petites entreprises et d'avoir une grande diversité de points de vue. Par ailleurs, M. Bolduc a dit que ce ne sont pas les intérêts des entreprises qui devraient être représentés au sein de l'organisme consultatif, par exemple.
    Lorsque nous aurons préparé ce plan que nous sommes tous des experts à préparer, lorsque viendra le temps d'obtenir les capitaux et de passer à l'action, de passer à la phase concrète de la mise en œuvre du plan, je pense que nous aurons besoin de gens du monde des affaires qui savent comment le faire et obtenir des résultats. Que pensez-vous du projet de loi de ce point de vue? Lui manque-t-il cet élément, en quelque sorte?
(1720)
    Je dirais simplement que l'opposition entre intérêts et expertise est potentiellement erronée. Des gens peuvent être des experts et avoir aussi des intérêts et venir de divers horizons. Rien n'empêche un représentant des travailleurs d'être un expert. Rien n'empêche un représentant de l'industrie d'être un expert, etc., alors je veux le mentionner.
    C'est ce qui est inquiétant. Je ne suis pas certain qu'il y ait un mécanisme qui permettra vraiment de faire en sorte que les stratégies de décarbonisation qui seront élaborées par l'organisme consultatif pourront être mises en place par les entreprises.
    Il y a deux éléments à souligner. Pour pouvoir mettre en œuvre une stratégie, il faut s'assurer que cette stratégie est suffisamment détaillée pour se situer au niveau des entreprises, là où les possibilités se trouvent. Que peut-on réaliser? C'est la préoccupation constante que nous avons: il doit y avoir une façon de faire en sorte que les stratégies de décarbonisation qui sont élaborées, quelles qu'elles soient, le soient dans une optique de santé publique, dans une optique d'inclusion sociale, dans une optique du respect des droits des travailleurs, de même qu'en collaboration avec l'industrie, qui sera celle chargée de réaliser les progrès.
    J'aimerais revenir sur ce point. Si on veut entrer dans ce niveau de détails, il faut vraiment qu'il y ait un mécanisme en place pour que l'organisme consultatif mène un processus de consultation rigoureux, ou que les industries soient, en fait, représentées au sein de l'organisme consultatif. Si, potentiellement, chaque groupe chargé d'une stratégie de décarbonisation devient son propre comité miniature, je ne sais pas à quoi pourrait ressembler le mécanisme, mais je sais qu'actuellement il n'y en a pas.
     Je vous remercie.
    Vous avez parlé de certitude sur le plan politique un peu plus tôt. Je pense aux plus récents changements survenus dans les cibles auxquels nous avons assisté. La cible initiale était de 30 %, puis il y a eu une augmentation massive de la taxe sur le carbone, puis la cible est passée à 36 %, puis à 45 %.
    Le ministrenous a dit avoir tenu de vastes consultations avant de faire passer la cible de 36 % à 45 % dans un intervalle de trois jours. Vous a-t-il consulté ou, à votre connaissance, a-t-il consulté de vos membres au sujet de ces cibles?
    Je ne peux pas parler pour nos membres et vous dire s'ils ont été consultés. Nous ne l'avons pas été. De notre point de vue, ces changements de cibles sont arrivés un peu comme une surprise du jour au lendemain.
    C'est un autre élément que nous aimerions voir également. De nombreuses entreprises au Canada se sont engagées à atteindre zéro émission nette ou la carboneutralité. Elles commencent à élaborer leurs plans d'action. Elles ont encore besoin de les harmoniser plus étroitement avec la politique publique en place. Il existe certains incitatifs dans le plan stratégique comme l'accélérateur net zéro, mais je pense qu'il sera nécessaire d'avoir plus de coordination ou d'harmonisation entre les entreprises et l'industrie pour atteindre les objectifs.
    Quelles sont les répercussions pour les entreprises quand les cibles changent du jour au lendemain?
    Elles sont considérables. Cela veut dire essentiellement que leur stratégie de réduction des émissions peut ne plus atteindre l'objectif établi par le gouvernement. Il y a un effet cascade là où il y a des préoccupations. Nous sommes passés, disons, d'un indice de référence de 30 %, à 40 %, et à 45 %. Eh bien, comment allons-nous y arriver? La politique sera-t-elle plus stricte? Cela veut-il dire que certains investissements que nous avons planifiés et effectués ne sont plus aussi intéressants que précédemment? Cela veut-il dire que les marchés financiers n'alloueront plus de capitaux pour ces projets?
    C'est aussi une préoccupation pour les petites et moyennes entreprises, qui voient le prix du carbone à 170 $ la tonne. Ce sont des groupes qui, comme vous l'avez mentionné, je pense, représentent des éléments clés dans la stratégie de lutte contre les changements climatiques, mais qui n'ont habituellement pas accès aux ressources et au genre d'expertise...
    Je vous remercie.
    Monsieur Longfield, vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président. J'ai attendu mon tour avec impatience, et je vais poser les dernières questions.
    Je veux tout d'abord remercier nos témoins, en particulier Mme Anand de Guelph. Madame Anand, je ties à vous féliciter pour votre récente nomination à un prix du gouverneur général pour votre recueil de poésie, comme deux autres auteurs de Guelph.
    Il y a des leçons, et c'est là où je veux en venir. Je suis titulaire d'un diplôme en anglais et d'une mineure en mathématiques. Il y a un rôle pour ces leçons. Vous étiez sur le point de terminer une phrase qui allait faire le lien entre ce que nous avons appris de la COVID et comment nous pouvons appliquer cela aux changements climatiques.
    Avant de passer à ce que vous alliez dire, je vois cet organisme consultatif dont on parle dans le projet de loi comme une entité qui ressemble au Comité consultatif national de l'immunisation ou à l'Agence de la santé publique du Canada, une entité qui est créée à l'extérieur du gouvernement pour régler des problèmes dans l'intérêt des Canadiens, mais qui est reliée au gouvernement par une forme de gouvernance.
    Pouvez-vous nous parler de l'importance des leçons que nous tirons de situations comme la COVID ou la précédente pandémie que nous avons connue?
(1725)
    Vers la fin de ma déclaration préliminaire, j'ai mentionné le fait que nous avons vraiment besoin d'entendre de nouvelles histoires sur le changement climatique. Je pense que c'est nécessaire parce que le manque de progrès que nous constatons est attribuable au fait que nous continuons d'entendre d'anciennes histoires erronées. Nous avons des idées périmées ou erronées sur tout, comme sur les répercussions du changement climatique, mais surtout, je crois, sur les avantages qu'il y a à emprunter certaines voies pour atteindre la carboneutralité. Les avantages de cette démarche ne sont pas aussi bien communiqués à la société. Peu importe que vous appeliez cela de l'honnêteté ou que vous cherchiez des moyens créatifs de le faire. En fin de compte, voici les avantages qui en découlent.
    Il faut, en partie, imaginer des voies auxquelles nous ne pouvons pas penser. C'est quelque chose que les artistes savent très bien faire. Ce groupe a également un rôle à jouer en ce moment. Si j'ai bien compris, les histoires sont aussi un élément qui compte beaucoup au sein des communautés autochtones. Elles font partie de la manière dont ils gèrent leurs systèmes et soutiennent leurs propres communautés, et je pense que c'est un aspect très important.
    Oui. La mesure législative accomplit quelque chose. Elle ne résout pas les problèmes, mais elle crée les conditions requises pour les résoudre. Un grand nombre de Canadiens pourraient se tourner vers nous et dire: « Eh bien, réglez ces problèmes. » Nous pouvons adopter des lois, mais faisons-le de façon à permettre à des groupes, comme l'organisme consultatif créé par la mesure législative qui nous occupe, de prendre en compte des éléments comme les histoires autochtones, ou ce que nous avons appris pendant la pandémie qui a fonctionné ou non. Quand les politiciens se mêlent de ces choses et commencent à se battre entre eux.... Nous avons entendu un groupe d'élèves de 12e année, et l'un d'eux m'a dit: « Si vous cessiez de vous battre les uns contre les autres et si vous luttiez plutôt contre le changement climatique... ». Les politiciens se battent entre eux au lieu de lutter contre des problèmes comme le changement climatique.
    Maintenant, je vais peut-être m'adresser à vous, madame Burch. Il me reste une minute. Vous avez fait allusion au fait qu'une mesure législative comme celle-ci résout plusieurs problèmes. Je songe au racisme environnemental et à la nécessité de s'assurer que la mesure législative n'élargit pas davantage le fossé qui existe entre les personnes qui ont accès à de l'eau et de l'air purs et les entreprises qui peuvent acheter de l'eau et de l'air purs grâce aux crédits de carbone. Pourriez-vous, s'il vous plaît, formuler des observations à ce sujet?
    Bien sûr. Je dirais, tout comme vous, que la mesure législative ne peut pas tout faire, mais qu'elle joue un rôle crucial dans l'encadrement d'un problème. Lorsque nous insérons amplement dans le récit les questions de justice et d'avantages connexes, nous avons de meilleures chances de résoudre ces problèmes. Voici un moyen de contribuer à le faire. J'ai lancé un appel pour que l'organisme consultatif ne soit pas composé uniquement de spécialistes des sciences naturelles et physiques, mais aussi de spécialistes des sciences sociales.
    Merci.
    Nous avons un objectif intermédiaire lié aux cibles de 2030, que nous avons négociées à l'échelle internationale. Nous savons que nous cherchons à les atteindre de manière plus agressive, même si ce n'est peut-être pas d'une manière aussi agressive que d'autres personnes le souhaiteraient. Je pense que vous avez également parlé de l'importance d'avoir des objectifs intermédiaires, de même que des objectifs à long terme.

[Français]

     Je vous remercie.
    C'est maintenant la fin de notre séance d'aujourd'hui.
    J'aimerais remercier les témoins de leurs points de vue et de leur expertise sur une question qui, comme nous le savons tous, est cruciale pour la planète et pour notre pays. Cela a donné lieu à une discussion très intéressante.
    Chers membres du Comité, l'étape des témoignages dans le cadre de notre travail sur le projet de loi C-12 est maintenant terminée.
    Nous prévoyions de tenir deux réunions de deux heures la semaine prochaine, mais, en raison de toutes sortes de contraintes et d'imprévus, nous allons tenir une seule réunion de quatre heures, mercredi de la semaine prochaine. Il y aura des pauses, évidemment, et la réunion se tiendra à 15 h 30, mercredi. Nous procéderons à l'étude article par article du projet de loi.
    Sur ce, je suis prêt à recevoir une motion d'ajournement.
(1730)

[Traduction]

    Je la propose.

[Français]

    Il semble y avoir consensus.
    Je souhaite une bonne soirée aux témoins, aux membres du Comité, à la greffière, aux analystes et aux techniciens. À la prochaine.
    La séance est levée.
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