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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 038 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 25 avril 2022

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Je vous souhaite la bienvenue à la 38e réunion du Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité se réunit pour étudier le Rapport sur la politique monétaire de la Banque du Canada.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule selon le format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Les députés participent en personne dans la salle et à distance à l'aide de l'application Zoom. Conformément à la directive du Bureau de régie interne du 10 mars 2022, toutes les personnes qui assistent à la réunion en personne doivent porter un masque, à l'exception des députés qui sont à leur place pendant les délibérations.
    J'aimerais formuler quelques commentaires à l'intention des témoins et des membres du Comité.
    Veuillez attendre que je vous reconnaisse par votre nom avant de prendre la parole. Pour les personnes qui participent par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer et veuillez le mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
    En ce qui concerne l'interprétation, les participants qui utilisent Zoom ont le choix, au bas de leur écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Les personnes qui sont dans la salle peuvent utiliser l'écouteur et sélectionner le canal souhaité.
    Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés par l'intermédiaire du président.
    Pour les membres du Comité qui se trouvent dans la salle, si vous souhaitez prendre la parole, veuillez lever la main. Pour ceux qui participent sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « Lever la main ». En ce qui concerne la liste des intervenants, le greffier du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour maintenir un ordre consolidé des interventions pour tous les membres du Comité, qu'ils participent virtuellement ou en personne, et nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard. Cela étant dit, je demande aux membres du Comité et aux témoins de se traiter mutuellement avec respect et décorum.
    Avant de commencer, j'aimerais rappeler aux membres du Comité, comme nous en avons discuté lors de la dernière réunion sur le projet de rapport sur la Loi sur les mesures d'urgence, qu'ils doivent transmettre au greffier leurs commentaires ou suggestions finales dans les deux langues officielles le plus tôt possible.
    Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui. Je suis ravi d'accueillir à nouveau le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem. Il est accompagné de la première sous-gouverneure, Carolyn Rogers.
     Bienvenue. La parole est à vous.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Bonjour.
    Permettez-moi de vous dire à quel point la première sous-gouverneure, Carolyn Rogers, et moi-même sommes ravis d'être ici en personne pour discuter de notre Rapport sur la politique monétaire et de la décision que nous avons prise il y a deux semaines.
    Quand nous avons publié le rapport, nous en étions à la huitième semaine de l'invasion non provoquée de l'Ukraine par la Russie. La guerre cause une énorme souffrance humaine, et nous avons une pensée émue pour le peuple ukrainien. La guerre constitue aussi une nouvelle source d'incertitude pour les perspectives économiques mondiales. Elle stimule une inflation déjà élevée dans de nombreux pays, dont le Canada, et elle perturbe la reprise de l'économie mondiale.
    Dans ce contexte, nous avons trois grands messages. Premièrement, l'économie canadienne est forte. En général, elle s'est complètement remise de la pandémie et entre maintenant dans une phase de demande excédentaire. Deuxièmement, l'inflation est trop élevée. Elle est supérieure à nos attentes et elle restera élevée pendant plus longtemps que nous le pensions. Troisièmement, nous avons besoin de taux d'intérêt plus élevés.
    Le taux directeur est notre principal outil pour maintenir l'équilibre économique et ramener l'inflation à la cible de 2 %. Il y a deux semaines, nous avons relevé notre taux de 50 points de base, pour le faire passer à 1 %. Comme nous l'avons indiqué, les Canadiens devraient s'attendre à d'autres hausses.
    Laissez-moi vous parler plus en détail de chacun de ces trois thèmes.

[Français]

     Nous avons tous subi de nombreuses épreuves au cours des deux dernières années. Tout le monde a été touché par la pandémie, que ce soit par la maladie ou la perte d'un être cher, la peur et l'incertitude, la perte d'un emploi ou la fermeture d'une entreprise. Nous avons vécu la récession la plus forte et la plus profonde jamais enregistrée. Les vagues successives du virus ont rendu la reprise difficile.
    Grâce aux mesures de relance budgétaires et monétaires exceptionnelles, aux vaccins efficaces et à la volonté de s'adapter et d'innover, l'économie a vite rebondi de façon remarquable. La reprise a été plus vive et plus rapide que jamais. Maintenant, la demande commence à dépasser notre capacité de production.
(1105)

[Traduction]

    Il suffit de regarder le marché du travail pour s'en convaincre. Avant la pandémie, le taux de chômage était de 5,7 % au pays. Quand la pandémie a frappé, il a grimpé en flèche à 13,4 %. Maintenant, deux ans plus tard, il se situe à un creux historique de 5,3 %. Le nombre de postes vacants est élevé et la croissance des salaires a atteint les niveaux prépandémie. Les entreprises ont du mal à trouver suffisamment de travailleurs pour satisfaire à la demande et elles nous disent qu'elles vont devoir augmenter les salaires pour attirer et retenir la main-d'œuvre.
    Nous nous attendons à ce que la croissance continue d'être forte dans les prochains mois. Avec la levée progressive des restrictions sanitaires, les Canadiens dépensent plus pour des services, notamment dans les secteurs des voyages et des loisirs, de l'hébergement et de la restauration. Et ils achètent encore beaucoup de biens. L'activité sur le marché du logement est encore vigoureuse et, même si nous nous attendons à ce qu'elle ralentisse, elle restera à des niveaux élevés.
    Les investissements des entreprises et les exportations augmentent, et les prix élevés de nombreux produits de base que le Canada exporte font entrer davantage de revenus au pays. Les investissements vigoureux des entreprises, la productivité accrue du travail et la hausse de l'immigration devraient favoriser la capacité de production de notre économie. Et les taux d'intérêt plus élevés devraient ralentir les dépenses.
    Tout compte fait, la Banque prévoit que la croissance de l'économie canadienne atteindra 4 ¼ % cette année, avant de ralentir pour s'établir à 3 ¼ % en 2023 et à 2 ¼ % en 2024.
    Cela m'amène à mon deuxième point.
    L'objectif principal de la Banque est l'inflation. Au Canada, l'inflation mesurée par l'Indice des prix à la consommation, l'IPC, a atteint 6,7 % en mars, son plus haut niveau en 30 ans, bien au‑delà de la projection du Rapport sur la politique monétaire de janvier. La guerre a fait monter le prix de l'énergie et d'autres produits de base et perturbe davantage les chaînes d'approvisionnement mondiales. Les facteurs qui font grimper l'inflation viennent de l'étranger, mais compte tenu de la demande excédentaire au sein de l'économie, nous devons aussi composer avec des pressions internes sur les prix. Environ les deux tiers des composantes de l'IPC affichent une hausse de plus de 3 %, ce qui signifie que les Canadiens sentent les effets de l'inflation sur leur budget, que ce soit pour l'essence, les aliments ou le loyer.
    Nous nous attendons maintenant à ce que l'inflation atteigne presque 6 % en moyenne durant la première moitié de 2022 et reste bien au‑dessus de notre fourchette de maîtrise de l'inflation de 1 à 3 % tout au long de l'année. Elle devrait ensuite baisser pour s'établir à environ 2 ½ % au deuxième semestre de 2023, avant de revenir à la cible de 2 % en 2024.
    Le niveau élevé de l'inflation touche chacun de nous. Un taux d'inflation de 5 % sur une année — c'est‑à‑dire 3 points de pourcentage au‑dessus de notre cible — coûte 2 000 $ de plus au Canadien moyen. Or, l'inflation touche encore davantage les personnes les plus vulnérables de notre société, à la fois parce qu'elles dépensent la totalité de leur revenu et que le coût des produits essentiels, comme les aliments et l'énergie, a connu une hausse marquée.

[Français]

     Cette généralisation de pressions sur les prix est extrêmement préoccupante. C'est de plus en plus difficile pour les consommateurs canadiens d'échapper à l'inflation, quelle que soit leur patience ou leur prudence.
    Cela m'amène à mon troisième point: les taux d'intérêt augmentent. L'économie a besoin de taux d'intérêt plus élevés et elle est capable de les encaisser. Puisque la demande commence à dépasser notre capacité de production, nous avons besoin de taux plus élevés pour rétablir l'équilibre de l'économie et modérer l'inflation au pays.
    Nous avons aussi besoin de taux d'intérêt plus élevés pour garder les attentes d'inflation des Canadiens ancrées à la cible. Nous ne pouvons ni maîtriser ni influencer les prix de la plupart des biens échangés à l'échelle internationale. Cependant, si les attentes d'inflation des Canadiens demeurent bien ancrées à la cible de 2 %, l'inflation descendra chez nous quand on verra diminuer les pressions inflationnistes mondiales liées au prix élevé du pétrole et aux problèmes d'approvisionnement.

[Traduction]

    Nous nous sommes engagés à utiliser notre taux directeur pour ramener l'inflation à la cible et nous prendrons, s'il le faut, des mesures énergiques pour y parvenir.
    Les hausses du taux directeur de la Banque font monter les taux d'intérêt des prêts aux entreprises, des prêts à la consommation et des prêts hypothécaires et elles améliorent le rendement de l'épargne. Nous avons indiqué clairement que les Canadiens devraient s'attendre à une trajectoire à la hausse des taux d'intérêt, mais il peut être inquiétant de voir ses versements hypothécaires et ses autres coûts d'emprunt augmenter. Nous évaluerons avec soin l'effet des taux d'intérêt plus élevés sur l'économie.
    On le sait, la question qui est sur toutes les lèvres, c'est jusqu'où les taux vont grimper, ou encore, à quel niveau devront-ils être haussés? Il faut se rappeler que nous avons une cible d'inflation et non une cible de taux d'intérêt. Autrement dit, nous n'avons pas de destination préétablie pour le taux directeur. Mais je peux vous dire que les Canadiens devraient s'attendre à ce que les taux d'intérêt continuent d'augmenter pour revenir vers des niveaux plus normaux. Par « normaux », on entend la fourchette que nous envisageons pour un taux d'intérêt neutre qui ne stimule pas l'économie et ne pèse pas sur celle‑ci. Nous estimons qu'il se situe entre 2 et 3 %. Il y a deux semaines, nous avons relevé le taux directeur à 1 %, ce qui reste bien en deçà du taux neutre. C'est aussi inférieur au taux directeur en vigueur avant la pandémie, qui s'établissait à 1,75 %.
(1110)

[Français]

     Le niveau que le taux directeur atteindra dépendra de la réponse de l'économie et de l'évolution des perspectives d'inflation. Alors que l'économie entre dans cette phase de demande excédentaire, elle est en plein essor, et l'inflation est élevée. Nous nous sommes engagés à ramener l'inflation à la cible.
    Si la demande réagit vite aux taux plus élevés et si les pressions inflationnistes diminuent, on pourrait juger approprié de faire une pause dans le resserrement quand on se sera rapproché d'un taux neutre. En revanche, on pourrait devoir augmenter les taux un peu au-dessus du taux neutre pendant un certain temps pour rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande et pour ramener l'inflation à la cible.

[Traduction]

    Pour terminer, laissez-moi vous parler de notre bilan. En date de cette semaine, nous ne remplaçons plus les obligations du gouvernement du Canada qui arrivent à échéance, et la taille de notre bilan va diminuer. Ainsi, nous bouclons la boucle du côté de nos mesures de politique monétaire exceptionnelles.
    Quand l'économie avait besoin d'un soutien exceptionnel au plus creux de la récession, nous avons abaissé notre taux directeur à sa valeur plancher et nous avons accompagné cette mesure d'un programme d'assouplissement quantitatif. En novembre dernier, nous avons mis fin à l'assouplissement quantitatif et amorcé la phase de réinvestissement.
    Nous sommes maintenant passés au resserrement quantitatif. Comme l'économie s'est complètement remise, c'est le moment de normaliser notre bilan. Le resserrement quantitatif servira de complément aux relèvements du taux directeur et créera une pression à la hausse sur les taux d'intérêt à long terme.
    Monsieur le président, je m'arrête là‑dessus.
    La première sous-gouverneure Rogers et moi serons heureux de répondre à vos questions.
    Je vous remercie, monsieur le gouverneur, pour votre déclaration liminaire. Nous sommes heureux que vous comparaissiez devant notre comité. Je vous remercie de porter l'épinglette du drapeau ukrainien. Nous sommes tous solidaires de l'Ukraine.
    Nous allons maintenant passer aux questions des députés. Chaque parti disposera de six minutes durant le premier tour. Nous allons commencer par les conservateurs. La parole est d'abord à M. Fast pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur le gouverneur, ainsi que Mme Rogers, de comparaître souvent devant notre comité pour nous expliquer la politique monétaire.
    Monsieur le gouverneur, vous conviendrez que le Canada vit actuellement une crise de l'abordabilité, n'est‑ce pas?
    C'est certes un grand problème.
    D'accord.
    Au cours de la dernière année, vous avez employé le terme « transitoire » pour décrire la présente crise de l'inflation. Considérez-vous encore que les pressions inflationnistes actuelles sont transitoires, ou avez-vous une autre façon aujourd'hui de décrire ces pressions inflationnistes?
    Je crois qu'il y a lieu de délaisser le terme « transitoire ». Comme vous l'avez vu dans nos prévisions, nous avons revu considérablement à la hausse nos perspectives pour l'inflation.
    Aujourd'hui, l'inflation est substantiellement plus élevée que ce à quoi on s'attendait en janvier dernier. La principale raison est l'invasion non provoquée de l'Ukraine par la Russie, qui a entraîné une hausse du prix des produits de base. Elle a aussi accentué les perturbations dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. L'autre facteur qui entre en jeu — comme vous l'avez vu dans les nouvelles aujourd'hui — c'est la pandémie qui n'est pas encore terminée. La Chine procède actuellement à de nouveaux confinements. Cette situation vient perturber encore davantage les chaînes d'approvisionnement.
    Tous ces facteurs signifient que non seulement l'inflation augmente, mais aussi qu'elle demeurera élevée pendant plus longtemps.
(1115)
    Mais vous n'utiliserez pas…
    Pour formuler les choses defaçon un peu plus positive, je dirais qu'il faudra plus de temps que prévu pour observer une baisse de l'inflation, alors, les Canadiens devront, malheureusement, vivre avec un taux d'inflation accru.
    Alors, nous allons abandonner le terme « transitoire », n'est‑ce pas?
    Oui.
    Dans la dernière année, le taux d'inflation d'une année à l'autre s'est établi à 6,7 %. Est‑ce que vous vous attendez à ce que ce taux augmente au cours des prochains mois?
    Il est difficile de dire si le taux de 6,7 % représente le pic. L'inflation est caractérisée par une grande volatilité. Le taux pourrait augmenter encore un peu ou il pourrait avoir atteint le pic. Je suis d'avis que nous sommes près de ce pic. L'important, à mon avis, c'est que nous estimons, alors que nous approchons de la deuxième moitié de l'année, que les perturbations dans les chaînes d'approvisionnement mondiales vont commencer à s'atténuer. Nous allons observer une diminution de l'inflation.
    Toutefois, je ne veux pas prétendre que nous avons une idée claire quant aux problèmes qui touchent les chaînes d'approvisionnement. Nous nous attendons en effet à une baisse de l'inflation, et je tiens à souligner que, peu importe s'il s'agit du pic ou non, 6,7 % est un taux trop élevé, et nous nous sommes engagés à utiliser nos outils — y compris, s'il le faut, des mesures énergiques — pour faire diminuer l'inflation.
    Je suis heureux de vous entendre mentionner cet engagement.
    J'aimerais que vous me parliez précisément du risque que le Canada tombe en récession, si les pressions inflationnistes persistent. D'après certains économistes, la question est plutôt de savoir quand une récession va survenir et non s'il y en aura une.
    Est‑ce une situation que vous et vos collègues voyez venir, ou du moins sur laquelle vous vous penchez?
    C'est une question très importante.
    Nos propres prévisions, que nous avons publiées il y a deux semaines dans notre Rapport sur la politique monétaire, indiquent que la croissance est en train de s'atténuer. La croissance doit s'atténuer afin que la demande s'harmonise avec la capacité de production de l'économie. Même si elle s'atténue, la croissance demeure assez forte: 3 ¼ % l'année prochaine et 2 ¼ % l'année suivante. La plupart des prévisions du secteur privé sont largement similaires aux nôtres, à savoir qu'elles indiquent une diminution de l'inflation et une croissance qui se poursuivra à un rythme plus modéré.
    Je tiens à souligner, par contre, qu'obtenir cet atterrissage en douceur ne sera pas chose facile. L'équilibre est délicat. Il existe de bonnes raisons de croire que nous pouvons continuer de faire croître l'économie tout en diminuant l'inflation. Les deux principales raisons sont les suivantes. Premièrement, la plupart des facteurs qui font grimper l'inflation viennent de l'étranger. Nous avons observé une hausse du prix des produits de base et des perturbations dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. Si le prix du pétrole cesse d'augmenter et qu'il commence à baisser — ne serait‑ce que cesser d'augmenter — et que les pressions sur les chaînes d'approvisionnement mondiales commencent à s'atténuer, nous verrons naturellement une réduction de l'inflation, pourvu que nous gardions les attentes d'inflation bien ancrées.
    Permettez-moi de mettre l'accent sur ce dernier point, qui est essentiel. Si nous ne maintenons pas les attentes d'inflation bien ancrées, le taux d'inflation demeurera élevé. C'est donc ce que nous devons faire, et nous prenons des mesures en conséquence.
    La deuxième raison qui justifie qu'il soit possible de faire croître l'économie tout en diminuant l'inflation est le fait que la demande dicte tout. Nous pouvons le constater dans le marché du travail, où nous enregistrons un niveau très élevé de postes vacants. Le taux d'emploi est très élevé, mais nous sommes aux prises avec un très grand nombre de postes vacants. Si nous réussissons à diminuer la demande, nous pourrons réduire le nombre de postes vacants, conserver un fort taux d'emploi, rééquilibrer l'économie et ramener l'inflation à la cible.
    Puisqu'il ne me reste plus beaucoup de temps, j'ai seulement une dernière question à vous poser.
    De nombreux économistes affirment maintenant publiquement que la Banque du Canada a trop tardé à intervenir pour maîtriser l'inflation et qu'elle aurait probablement pu procéder plus tôt à une hausse des taux. Auriez-vous agi différemment si vous aviez su que l'inflation allait atteindre le taux auquel elle se situe aujourd'hui?
    Nous avons bien agi en majeure partie. Nous avons parfois fait des erreurs, et nous y voyons. Il y a deux semaines, nous avons pris la décision inhabituelle de relever le taux directeur de 50 points de base pour l'amener à 1 %. Nous avons fait savoir très clairement aux Canadiens qu'ils devraient s'attendre à d'autres hausses. En ce qui concerne notre prochaine décision, je m'attends à ce que nous envisagions une autre augmentation de 50 points de base.
(1120)
    Je vous remercie, et merci, monsieur Fast.
    C'est maintenant au tour des libéraux. Madame Dzerowicz, vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à dire que c'est bien de vous voir tous les deux en personne. Je vous remercie pour votre présence et pour le travail extraordinaire que vous effectuez pour notre pays, particulièrement durant cette période sans précédent. Je sais que votre tâche est très ardue.
    Je vous remercie également d'avoir reconnu l'invasion non provoquée de l'Ukraine par la Russie, et merci pour votre compassion. En tant que Canadienne d'origine ukrainienne, je trouve terrible de voir, tous les jours, ce qui se passe là‑bas. Je sais que de nombreux Canadiens éprouvent ce même sentiment.
    Ma première question est liée à ce commentaire. La semaine dernière, je pense, vous avez été sanctionné par la Russie, à l'instar de plusieurs autres éminents Canadiens. Quelle est votre réaction?
    L'attaque non provoquée de l'Ukraine par la Russie cause une souffrance humaine inimaginable au sein du peuple ukrainien. Elle contribue également à perturber sérieusement l'économie mondiale.
    J'ai passé la majeure partie de la semaine dernière à Washington pour assister aux rencontres du FMI, du G7 et du G20. La guerre a pris beaucoup de place durant ces réunions pour deux raisons. Premièrement, c'est un choc qui s'ajoute au choc de la pandémie de COVID. C'est catastrophique pour l'économie ukrainienne. Cette guerre a des répercussions sur les économies d'Europe, mais ses effets se font sentir partout dans le monde. Deuxièmement, ce conflit pèse également sur l'ordre mondial. Nous sommes allés à Washington pour rencontrer les pays membres du FMI et du G20, afin de favoriser une coopération économique et de gérer les risques, mais la Russie était à la table. La source même de cet énorme bouleversement, de cette guerre injustifiée, était présente à la table.
    Le fait que j'ai été sanctionné n'est qu'une conséquence mineure et sans importance de cette situation.
    Merci.
    Ma prochaine question concerne le Fonds monétaire international. Dans ses Perspectives de l'économie mondiale, le FMI prévoit que le Canada viendra au premier rang des pays du G7 en 2022 et 2023 pour ce qui est de la croissance du PIB réel, tout en maintenant le plus faible ratio de la dette nette au PIB. Pouvez-vous nous parler des facteurs qui contribuent à la forte croissance du PIB au Canada et à la vigueur de notre relance économique?
    Dans notre Rapport sur la politique monétaire, nous exposons de façon assez détaillée les sources possibles de cette croissance. C'est grâce à nos politiques monétaires et fiscales exceptionnelles; à l'efficacité des vaccins; et, en fin de compte, à la capacité d'adaptation, à la résilience et au pouvoir d'innovation des Canadiens et des entreprises canadiennes que nous pouvons nous targuer de connaître la reprise économique la plus rapide actuellement enregistrée.
    Notre économie se dirige toutefois maintenant vers une situation de demande excédentaire. Nous avons récupéré plus que la totalité des pertes économiques attribuables à la pandémie, et la croissance doit maintenant s'atténuer. Si l'on considère les sources de croissance à venir, on constate que les ménages se retrouvent en bonne posture financière à la faveur d'un taux de chômage plus bas que jamais et de salaires qui sont à la hausse, ce qui leur permet de dépenser à nouveau. Ils dépensent notamment pour acquérir bon nombre des services qui ne leur étaient pas accessibles pendant la pandémie.
    Les entreprises nous indiquent qu'elles sont en voie d'atteindre le maximum de leur capacité. Elles nous disent avoir d'ambitieux plans d'investissement pour accroître leur capacité afin de pouvoir répondre à cette hausse de la demande. L'économie américaine est vigoureuse et se heurte elle aussi à ses limites de capacité, un autre élément qui mousse la demande pour nos importations.
    On peut constater que la relance économique est en grande partie le fruit d'une reprise de la consommation, mais qu'elle prend maintenant de l'ampleur grâce à des investissements plus sentis et des exportations plus importantes.
    Merci.
    Ma prochaine question concerne la croissance des salaires et son impact sur l'inflation.
    J'écoutais la semaine dernière quelques économistes qui faisaient part de leurs inquiétudes quant à la croissance trop rapide des salaires en raison de ses répercussions sur l'inflation. J'estime pour ma part que nos salaires ne grimpent pas aussi rapidement que l'inflation, et j'ajouterais que de nombreux travailleurs attendent depuis trop longtemps d'obtenir cette augmentation de salaire dont ils ont tant besoin. De fait, il y a bien des industries qui tirent de l'arrière du point de vue des hausses salariales.
    Est‑ce que vous vous inquiétez de la croissance des salaires et de son impact sur l'inflation?
(1125)
    Je vais me contenter d'exposer les faits. Les salaires ont très peu augmenté pendant la pandémie. On note maintenant un regain à ce chapitre et un retour au niveau d'avant la pandémie, soit environ 3 %. Il existe toutes sortes de façons de mesurer les hausses de rémunération, et chacune d'elles pourra vous donner un résultat un peu différent, mais on en arrive à environ 3 %. Nous nous attendons à ce que les salaires continuent d'augmenter. Les dirigeants d'entreprise ne manquent pas de nous dire à quel point il leur est difficile de trouver des travailleurs. Ils en voient partir certains et nous signalent qu'ils vont devoir hausser les salaires encore davantage.
    Nous analysons les salaires en les mettant en relation avec la productivité. Disons simplement qu'une productivité plus élevée permet de payer des salaires plus élevés. À la lumière de nos projections, il y a de bonnes raisons de croire que la productivité va augmenter. Comme il y a de moins en moins de restrictions, il devient plus facile de réaliser différentes choses. Les entreprises investissent et injectent de nouveaux capitaux, ce qui signifie que leurs employés pourront travailler avec de meilleurs équipements, comme des ordinateurs plus puissants. La production de ces travailleurs devrait ainsi s'améliorer. Nous avons donc à la fois une croissance des salaires et une hausse de la productivité, et tant et aussi longtemps que ce sera le cas, l'augmentation de la rémunération ne sera pas une source d'inflation. Si la croissance des salaires devait être beaucoup plus forte que celle de la productivité, il y aurait lieu de s'en préoccuper car, en pareil cas, cette croissance accrue de la rémunération pourrait devenir une source indépendante d'inflation. Ce n'est pas ce que nous pouvons observer pour l'instant, mais nous suivons certes la situation de près.
    Merci.
    Merci, madame Dzerowicz.
    Nous passons maintenant à Mme Sinclair-Desgagné du Bloc québécois.

[Français]

     Merci, monsieur le président. Je suis contente de vous voir aujourd'hui.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Macklem et madame Rogers, d'être présents.
    J'ai beaucoup aimé votre déclaration d'ouverture, parce qu'elle nous a donné une très bonne idée des problèmes actuels et des causes de l'inflation, entre autres. Vous avez notamment mentionné des problèmes liés aux chaînes d'approvisionnement, qui ont été soulignés à plusieurs reprises, mais aussi d'autres déterminants internationaux et intérieurs.
     La dernière fois que vous êtes venu au Comité, le 3 mars dernier, vous aviez déclaré que l'inflation était surtout causée par une série de facteurs internationaux et, dans une moindre mesure, par une demande excessive à l'intérieur du pays. À votre avis, cette situation a-t-elle changé?
    Grosso modo, cela n'a pas beaucoup changé. Les facteurs les plus importants qui expliquent l'inflation observée ici, au Canada, sont des facteurs internationaux, comme ceux que je viens de mentionner: la hausse des prix du pétrole, la perturbation des chaînes d'approvisionnement, etc. Cependant, compte tenu de sa forte reprise, l'économie entre dans une phase de demande excédentaire. En effet, la demande est plus élevée que l'offre. On le voit dans certains marchés intérieurs, comme celui du logement. Ce sont des pressions qui s'exercent ici, au Canada.
    Les facteurs internationaux sont donc les plus importants, mais, puisque nous sommes maintenant en situation de demande excédentaire, il est important de modérer la croissance des dépenses pour équilibrer l'offre et la demande et ramener l'inflation à la cible.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais renchérir sur cette question. Depuis le 3 mars, le gouvernement a déposé son budget. Je crois que le rapport disait que le budget déposé par le gouvernement il y a un peu plus de deux semaines allait avoir un effet positif mais modeste sur le travail de la Banque du Canada, notamment. Je voudrais connaître l'ampleur des propositions du budget et l'effet qu'elles vont avoir.
    Le rapport que nous avons publié il y a une semaine et demie ne tient pas compte des mesures du dernier budget fédéral, parce que c'était trop près de la date de publication de notre rapport.
    Comme je l'ai mentionné en conférence de presse, l'effet sera positif, vous avez raison. On estime que cela représente environ 30 milliards de dollars sur cinq ans. C'est positif, mais cela n'aura pas vraiment d'effet sur nos prévisions macroéconomiques. Quand nous ferons nos prochaines prévisions, qui seront publiées en juillet, nous allons tenir compte de ces mesures. Cela peut avoir un effet sur certains éléments, mais cela n'aura pas d'effet sur nos prévisions macroéconomiques.
(1130)
     Je vous remercie.
    Si j'ai bien compris, le dernier rapport ne comprend pas nécessairement une analyse des propositions budgétaires.
    Comme vous l'avez mentionné, nous sommes encore en plein milieu de la pandémie. Encore ce matin, j'ai reçu des coups de fil de personnes et d'entreprises qui travaillent dans le secteur du tourisme et de l'accueil et dans celui de l'événementiel. Ces personnes et ces entreprises sont vraiment dans le besoin, car le public n'est pas au rendez-vous.
    Nous avons donc un secteur qui est très troublé. D'un côté, certains secteurs éprouvent des difficultés, car les problèmes en lien avec la chaîne d'approvisionnement ne sont pas réglés. De l'autre, il y a une demande excessive.
    Quel est le point de vue de la Banque du Canada sur le fait que, comme vous l'avez dit, elle a maintenant un rôle d'arbitrage? Elle est un frein à l'inflation, mais elle est aussi un moteur de stimulation économique.
    La pandémie a eu des effets très inégaux sur plusieurs secteurs. Grâce à la forte reprise, ces inégalités ont beaucoup diminué. C'est un aspect très positif de cette reprise très forte.
    L'économie s'est complètement rétablie de la pandémie. La demande commence à être excédentaire. Cela ne veut pas dire que chaque secteur a complètement rebondi à la suite de la pandémie. En effet, quelques secteurs sont encore touchés, surtout le secteur du tourisme, par exemple, mais les autres secteurs ont plus que compensé tout cela.
    Notre mandat est lié à l'inflation. Il s'agit d'un mandat très macroéconomique. Nous devrions regarder l'économie dans sa globalité. L'économie commence à être en demande excédentaire.
    Je vous remercie.
    Merci, madame Sinclair‑Desgagné.

[Traduction]

    Ce sera maintenant au tour du NPD et de M. Blaikie pour une période de six minutes.
    Je tiens à remercier le gouverneur Macklem et la première sous-gouverneure Rogers d'être des nôtres aujourd'hui.
    Il était question tout à l'heure de la croissance des salaires qui pourrait être considérée comme un facteur d'inflation. Nous parlons aussi de la hausse des prix. Dans le rapport que vous venez de publier, j'ai pu constater que la croissance des profits est prise en compte dans l'analyse effectuée par la Banque du Canada.
    Plusieurs études dont les résultats ont été rendus publics au cours des quatre dernières semaines révèlent une croissance vraiment exceptionnelle des bénéfices des entreprises dans de nombreux secteurs de l'économie canadienne comparativement aux données enregistrées en 2019 avant la pandémie. Je crois que c'est David Macdonald, du Centre canadien de politiques alternatives, qui a estimé que près du quart de l'inflation que nous connaissons actuellement au Canada pourrait être attribuable à ces bénéfices accrus.
    Comme je n'ai rien vu au sujet des profits des entreprises dans votre rapport, je me demande si c'est un aspect auquel vous vous intéressez et de quelle manière cela peut s'inscrire dans notre cadre économique. Que pourriez-vous dire aujourd'hui au Comité de l'effet des augmentations de prix qui vont au‑delà des hausses de coûts pour les entreprises offrant des biens et services au sein de l'économie canadienne?
    J'aurais quelques commentaires à ce sujet.
    Disons d'abord et avant tout que notre économie se porte bien. Il va de soi qu'en pareille situation, les entreprises se tirent généralement plutôt bien d'affaire, les profits sont au rendez-vous et les salaires sont à la hausse.
    Nous nous intéressons effectivement au mode de répartition des revenus entre travailleurs et entreprises. Il est bien évident que nous souhaitons que la prospérité profite à tous. J'ajouterais une observation que nous avons pu faire au fil d'une longue période avant la pandémie. Cela concerne les hausses de prix. Nous parlons régulièrement aux chefs d'entreprise. Nous leur posons des questions. Nous menons chaque trimestre une enquête sur les perspectives des entreprises qui nous permet de leur demander notamment si elles transfèrent à leurs clients les coûts supplémentaires des intrants lorsque ceux‑ci augmentent.
    On nous répond généralement qu'il y a bel et bien des coûts qui sont transférés, mais seulement dans une très faible proportion, car les clients réagissent beaucoup aux hausses de prix, ce qui rend l'exercice très ardu.
    Dans un contexte où notre économie se dirige vers une situation de demande excédentaire, avec des prix qui augmentent d'une manière générale, les entreprises nous indiquent qu'elles transfèrent plus rapidement les hausses de prix à leurs clients.
    Dans les circonstances, la meilleure solution consiste à réduire l'inflation afin de rétablir la stabilité des prix.
    Une inflation stable à un niveau faible a notamment pour avantage de mettre en lumière les hausses de prix, ce qui fait réagir les consommateurs, un risque que les entreprises doivent prendre en considération. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles nous devons juguler l'inflation, et c'est pourquoi nous haussons les taux d'intérêt.
(1135)
    Lorsqu'on nous dit que la marge bénéficiaire moyenne des entreprises est passée de 9 % en 2019 à 16 % en 2021, tout semble indiquer que l'on ne se contente pas de transférer les coûts supplémentaires aux consommateurs. La marge bénéficiaire ne grimperait pas de la sorte s'il s'agissait simplement d'un transfert de ces coûts, car tous les revenus additionnels iraient au paiement des coûts supplémentaires en question si les prix devaient être majorés dans un ratio d’un pour un. De toute évidence, avec des marges bénéficiaires qui ont augmenté de près de 50 % au fil des deux dernières années, ces hausses de prix ne se limitent pas à un simple transfert des coûts supplémentaires au consommateur. Il y a bien d'autres questions qui entrent en ligne de compte. Il va de soi qu'il y a certaines différences entre les industries, mais on note une croissance assez forte des bénéfices dans plusieurs d'entre elles, et ce, dans une proportion qui semble nettement éclipser les hausses de coûts qu'elles doivent assumer. On peut présumer qu'il n'y aurait au contraire aucune augmentation des bénéfices si les consommateurs devaient payer seulement pour les coûts additionnels engagés par l'entreprise pour offrir un bien ou un service.
    Comme je l'ai dit au départ, l'économie se porte bien. Les entreprises constatent une forte demande pour leurs produits, ce qui leur donne le pouvoir de fixer les prix. Les profits ont tendance à aller dans le sens de l'évolution cyclique, et nous sommes dans une conjoncture de demande excédentaire. Nous devons modérer les dépenses de manière à mieux harmoniser l'offre et la demande; c'est la meilleure façon de rééquilibrer les choses.
    Lorsque les hausses considérables des prix se traduisent par des hausses encore plus considérables des profits, et qu'il ne s'agit donc pas seulement d'un transfert des coûts, n'est‑il pas vrai que ces augmentations de prix contribuent à l'inflation? Si des entreprises profitent d'un marché où la compétition est réduite, en raison des perturbations des chaînes d'approvisionnement mondial ou pour tout autre motif leur conférant un plus grand pouvoir de fixer les prix sur ce marché, et que cette situation est en partie attribuable au simple fait que la demande a augmenté, surtout pour les biens, parce que les gens n'ont pas pu dépenser pour des services dans la même mesure… Dans un tel contexte, si des entreprises voient la possibilité d'augmenter leurs bénéfices, elles vont aussi contribuer à faire grimper l'inflation.
    Je vous dirais que cela ne correspond pas vraiment à ce que l'on nous dit au sujet de l'inflation. Mais si ces fortes hausses de prix et cette croissance exceptionnelle des profits sont à l'origine de la poussée inflationniste de 25 % que subissent actuellement les Canadiens dans l'établissement de leur budget, et bien que je sois conscient que la solution ne peut pas venir de la politique monétaire, ne serait‑il pas important que l'on fasse ce constat dans notre discours officiel de telle sorte que le gouvernement en prenne dûment acte et ressente l'obligation d'agir en ce sens dans le cadre de sa politique fiscale entre autres mesures.
    Je veux être bien clair dans mon message aux entreprises. Elles ne doivent pas s'attendre à ce que les taux d'inflation actuels perdurent, et elles ne devraient pas fixer leurs prix en fonction de ces taux. Nous n'avons laissé planer aucun doute: nous haussons les taux d'intérêt pour ralentir les dépenses et juguler l'inflation, et c'est en fonction de cela que les entreprises devraient dorénavant prendre leurs décisions en matière de prix.
(1140)
    Merci, monsieur Blaikie, mais c'est tout le temps que vous aviez.
    Nous allons maintenant passer à notre deuxième tour de questions.
    Les conservateurs vont partir le bal.
    Monsieur Chambers, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur le gouverneur. Je me réjouis de vous voir parmi nous. Bienvenue également à madame la première sous-gouverneure.
    J'ose espérer que nous avons créé un précédent et que nous pourrons vous voir régulièrement comparaître devant le Comité d'ici à ce que nous ayons repris le contrôle de l'inflation. Ce n'est toutefois pas le moment de fixer de nouveaux rendez-vous.
    À mes yeux, le poste de gouverneur d'une banque centrale est l'un des plus difficiles que l'on puisse occuper par les temps qui courent. Vous avez indiqué en réponse à mon collègue que vous avez eu raison à certains égards, mais que vous avez fait fausse route relativement à d'autres enjeux. Il est vraiment rafraîchissant d'entendre une telle déclaration. Je pense que nous serions tous mieux servis si les membres de l'organe exécutif affichaient une humilité semblable.
    Je veux vous ramener à l'automne 2008 alors que les banques centrales ont procédé de façon coordonnée à une diminution de 50 points de base en réaction à la crise financière qui sévissait à l'époque. Il s'agissait d'une mesure hors cycle pour un certain nombre des pays participants. On a appris que vous auriez déclaré la semaine dernière lors des réunions du FMI qu'une hausse dépassant les 50 points de base pourrait être envisagée. J'aimerais vous donner l'occasion de nous en dire davantage à ce sujet. Est‑ce que des mesures plus vigoureuses sont à l'étude et y a‑t‑il coordination entre les banques centrales pour hausser les taux, à l'instar de ce que l'on a pu faire pour les réduire?
    Je vais d'abord répondre à la seconde partie de votre question.
    Partout dans le monde, les banques centrales sont confrontées à des réalités très semblables. En fait, les différentes régions du monde émergent de cette pandémie à des vitesses différentes. Même si j'estime que toutes les banques centrales — ou tout au moins la plupart d'entre elles — s'en vont à peu près dans la même direction, la rapidité d'action et l'ampleur des mesures prises dépendent de la situation dans chaque pays. C'est d'ailleurs le principal avantage d'avoir sa propre monnaie et sa propre politique monétaire. Il vous est ainsi possible d'adapter cette politique à la situation qui prévaut dans votre pays.
    Pour ce qui est de la première question concernant les commentaires que j'ai pu faire, il y a quelques éléments que je souhaiterais mettre en lumière. Il y a une semaine et demie, nous avons haussé notre taux directeur de 50 points de base. C'est plutôt inhabituel. Nos changements sont généralement de l'ordre de 25 points de base. Nous avons aussi commencé à faire du resserrement quantitatif. En prenant ces deux mesures d'importance, nous avons indiqué aux Canadiens qu'ils devaient s'attendre à de nouvelles augmentations des taux d'intérêt. Nous leur avons dit qu'il nous fallait assurer assez rapidement un retour à la normale de notre politique monétaire.
    Pour ce qui est de la prochaine décision que nous allons prendre, la variation devrait normalement être de 25 points de base. Comme je l'ai indiqué précédemment, je m'attends à ce que nous envisagions une augmentation de 50 points de base. Je ne vais pas éliminer d'emblée les autres options, mais toute fluctuation dépassant les 50 points de base serait des plus inusitée.
    Merci beaucoup.
    Il me reste environ une minute et demie et j'ai encore deux questions à poser. Je vais devoir être bref.
    Pour ce qui est de la hausse des taux en vue de juguler l'inflation, êtes-vous prêt — ou est‑ce que la Banque est prête — à assumer le risque que cela cause une récession?
    Comme je le disais, nous croyons que l'économie peut connaître une forte croissance et ramener l'inflation à la cible. Je n'irai jamais jusqu'à dire que la situation n'est pas délicate, mais compte tenu de notre économie où la demande est excédentaire et de notre marché du travail où les postes à combler sont très nombreux, si nous faisons les choses correctement, nous pourrons redresser la situation de l'emploi et ramener l'inflation à la cible. C'est ce que nous visons.
    Y a‑t‑il des risques? Oui, il y en a quelques-uns. Je dirais seulement qu'il faut prendre une décision à la fois. Nous allons d'abord surveiller les effets des taux d'intérêt plus élevés et voir comment ils se répercutent sur l'économie. Nous allons déterminer quelles sont les incidences sur l'inflation et calibrer nos décisions en fonction des besoins de notre économie pour nous acquitter de notre mandat.
    Merci. C'est très instructif. Nous y reviendrons peut-être au prochain tour.
    Vous avez un mandat quelque peu modifié qui englobe désormais la situation de l'emploi. Je note toutefois que la Banque ne fait pas de projections des niveaux d'emploi. Je trouve cela particulièrement intéressant du fait qu'on entend des économistes du secteur privé prédire que le niveau de chômage va demeurer très faible et s'accompagner d'une diminution de l'inflation. Je ne crois pas qu'un tel phénomène se soit produit au sein d'une économie évoluée au cours des 50 dernières années.
    Pouvez-vous nous dire si cette situation vous préoccupe, si vous effectuez des projections de l'emploi à l'interne et si vous comptez les rendre publiques maintenant que cela fait partie de votre mandat?
(1145)
    Pour ce qui est de l'emploi, nous avons commencé — et je pense que cela nous a très bien servi — à publier un large éventail d'indicateurs sur le marché du travail. Nous avons d'ailleurs fait une mise à jour à ce sujet il y a une semaine et demie dans notre Rapport sur la politique monétaire. Je pourrai vous en dire plus long si vous le souhaitez.
    L'analyse du marché du travail a été très utile à toutes les étapes de la pandémie. Comme je le disais dans mes observations préliminaires, le taux de chômage a grimpé jusqu'à 13,4 % dans les moments les plus sombres. Dans bien des secteurs, il était encore plus élevé; les petits salariés et les femmes ont été particulièrement touchés.
    Nous pouvons maintenant constater que presque tous les indicateurs nous donnent à penser que la situation s'est redressée sur notre marché du travail où la demande est aujourd'hui plus forte que l'offre. Nos décisions relatives à la politique monétaire ont été prises à la lumière de ce constat.
    Merci.
    Merci, monsieur Chambers.
    Nous revenons du côté des libéraux avec M. Baker pour une période de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur le gouverneur, d'être des nôtres aujourd'hui.
    Je tiens d'abord à vous remercier de démontrer votre soutien au peuple ukrainien en arborant cette épinglette au revers de votre veston. Je veux revenir à une question posée tout à l'heure par ma collègue, Julie Dzerowicz. Elle vous a demandé ce que vous pensiez du fait d'avoir été sanctionné, et vous avez dit que c'était plutôt anodin, ou quelque chose du genre. Je ne suis pas prêt à vous contredire à ce sujet, mais j'aimerais vous dire ce qui n'est pas anodin à mes yeux. Ces sanctions imposées à vous en même temps qu'à bien d'autres citoyens de notre pays montrent bien que les Canadiens et leurs chefs de file jouent un rôle important dans le soutien apporté au peuple ukrainien. Je tiens à vous remercier pour ce soutien.
    Cela dit, ma première question porte sur les causes de l'inflation. On a amplement discuté des causes profondes de l'inflation, aussi bien dans les médias partout au pays que devant ce comité aujourd'hui même. Dans le cadre de ce dialogue, certains ont laissé entendre que la fameuse « planche à billets » serait l'une des raisons pour lesquelles l'inflation se retrouve à son niveau actuel. Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure vous estimez cette interprétation juste?
    Notre réponse a été très énergique au plus fort de la pandémie. Il y a deux ans, l'économie était fortement ébranlée et se situait à 15 % en deçà de son niveau d'avant la pandémie. La politique monétaire, qui a consisté à abaisser le taux directeur en recourant aux indications prospectives et à l'assouplissement quantitatif, qui sont des mesures exceptionnelles, a contribué à soutenir la reprise. Je ne vais certainement pas m'en attribuer tout le mérite. La politique budgétaire, les vaccins très efficaces et la capacité d'adaptation et la résilience des Canadiens ont également joué un rôle extrêmement important.
     Je crois que je dirais que nous augmentons maintenant les taux d'intérêt et que nous avons indiqué que nous devions normaliser la politique monétaire assez rapidement. Ce n'est pas parce que nos politiques ont échoué. C'est parce qu'elles ont été très efficaces, et nous devons maintenant faire face à l'autre aspect de la question.
     Comme je l'ai dit, avons-nous été parfaits? Non. Nous avons été surpris, en particulier, par la persistance et l'étendue de ces contraintes d'offre. L'inflation est maintenant trop élevée. Nous normalisons notre politique pour ramener l'inflation à la cible, et les Canadiens devraient avoir l'assurance que nous y parviendrons.
(1150)
    Merci beaucoup.
    Permettez-moi de commencer par ceci. Croyez-vous qu'il existe un moyen pour le Canada ou pour les Canadiens d'échapper entièrement à l'inflation? Plus précisément, les cryptomonnaies sont-elles un moyen, par exemple, d'y échapper?
    Je vais demander à notre première sous-gouverneure d'intervenir.
    L'un des avantages d'une inflation faible et stable est que les prix restent stables. Je pense que si les Canadiens recherchent une source de paiement stable et une valeur stable, les cryptomonnaies ne répondent pas vraiment à ce critère. Au cours des deux dernières années, la volatilité des cryptomonnaies a été plus élevée que celle de l'essence, du taux de change du dollar canadien et de la plupart des produits de base. Nous ne considérons donc pas les cryptomonnaies comme un moyen pour les Canadiens d'échapper à l'inflation ou comme une source ou une valeur stable.
    Merci.
    Au cours des derniers mois, nous avons vu quelques cas où les cryptomonnaies ont été utilisées pour éviter les sanctions mondiales, comme celles imposées à la Russie, ou pour financer des activités illégales. Le budget fédéral prévoit 17,7 millions de dollars pour lancer un examen législatif du secteur financier, dont la priorité est l'examen des cryptomonnaies et des cryptomonnaies stables.
    Il ne me reste que 30 secondes environ, mais pourriez-vous nous parler brièvement des risques pour la stabilité financière et la sécurité nationale causés par l'essor des actifs numériques et des cryptomonnaies?
    Je pense que l'examen législatif est justement conçu pour examiner cet élément. Les cryptomonnaies ou la technologie sous-jacente sont prometteuses. Il y a là une innovation importante, et je pense que l'examen législatif nous permettra d'explorer cette innovation, mais aussi de chercher des moyens d'obtenir ces avantages dans un environnement plus réglementé, afin de nous assurer que les Canadiens qui veulent utiliser ces formes numériques de paiement sont également protégés.
     Nous ne voyons pas de compromis entre l'innovation et la surveillance de la réglementation, mais il est certain que compte tenu de l'augmentation de la numérisation dans le secteur financier, il est important que nous entreprenions le bon niveau de recherche et de développement. C'est ce que fait la banque centrale en ce moment, et c'est ce que l'examen législatif vise à faire.
     Merci.
    Nous passons maintenant au Bloc québécois. Madame Sinclair-Desgagné, vous disposez de deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poursuivre dans la même lignée que mes questions précédentes, qui portaient sur les déterminants nationaux et internationaux de l'inflation. Différentes mesures d'urgence ont été instaurées au Canada. Si on considère que les déterminants de l'inflation étaient majoritairement causés par l'international et, dans une moindre mesure, par l'intérieur, est-ce qu'une prolongation des mesures d'urgence actuelles, qui doivent prendre fin la semaine prochaine, aurait un impact sur l'inflation? Pouvez-vous confirmer ou infirmer l'influence de ces programmes?
    Je vais répondre à votre question en deux volets.
    La plupart du temps, l'inflation est causée principalement par les pressions internationales. Cependant, il est très important de souligner que nous devons maintenir les anticipations d'inflation bien ancrées à notre cible, parce que, sinon, lorsque ces pressions seront réduites, l'inflation ne baissera pas. Au contraire, si ces anticipations sont bien ancrées à la cible, nous observerons une diminution.
    L'autre aspect de l'inflation, qui est davantage lié à votre question, c'est la pression sur le plan national. Il y a une demande excédentaire actuellement. Il y a eu une reprise complète de l'économie en général depuis la pandémie, et des mesures qui ajoutent plus de demande vont créer encore plus de demande excédentaire. Cela nous obligera à hausser les taux d'intérêt davantage ou cela nous empêchera de diminuer le taux d'inflation afin d'atteindre notre cible. L'inflation affecte le budget personnel de tous les Canadiens et il est très important pour tous les Canadiens que l'inflation demeure ancrée à la cible.
(1155)
    Merci, monsieur Macklem.
    Merci, madame Sinclair‑Desgagné.

[Traduction]

    C'est maintenant au tour du NPD.
    Monsieur Blaikie, vous disposez de deux minutes et demie.
    Merci.
    Lorsque nous parlons d'inflation, il y a certainement ceux qui aimeraient dire que les dépenses du gouvernement constituent le seul déterminant de l'inflation, alors j'ai parlé un peu plus tôt de certains des autres facteurs possibles.
    À l'échelle internationale, il y a autant de cas particuliers qu'il y a de pays, mais le Japon est un pays dont le ratio dette-PIB est extrêmement plus élevé que celui du Canada. Il est de l'ordre de 250 %. Le Japon a parfois été cité par d'autres parlementaires comme un exemple de pays où l'inflation est faible, bien que le ratio dette-PIB ne soit généralement pas inclus dans cette référence.
     Je me demande si vous avez réfléchi à cette question et aux leçons que nous pourrions tirer lorsqu'on compare le Canada avec un pays comme le Japon, qui gère manifestement son économie d'une manière bien différente de celle du Canada.
    Il faut faire très attention aux conclusions que l'on tire lorsqu'on compare l'économie japonaise avec l'économie canadienne. L'économie japonaise est très différente à bien des égards.
    En fait, si l'on compare le Canada avec d'autres économies plus comparables, comme les États-Unis, l'Europe, l'Australie, la Suède ou le Royaume-Uni, on constate qu'ils ont beaucoup plus de points communs, beaucoup plus d'expériences similaires. Dans toutes ces économies, l'inflation est trop élevée. Dans toutes ces économies, la politique monétaire est de plus en plus orientée vers la normalisation. Cela va se faire à des rythmes différents, parce que ces pays ne sont pas tous rendus au même point dans leur reprise. Ce serait une meilleure comparaison.
     Je serais prudent à cet égard, car le Japon a des caractéristiques bien particulières que d'autres membres du G7, par exemple, n'ont tout simplement pas.
    Est‑ce que cela a une incidence sur les discussions lorsque les banquiers centraux des sept pays sont réunis?
    En fait, j'étais justement à Washington et je me suis entretenu avec le gouverneur Kuroda.
     Le Japon a sa propre politique monétaire. Il a sa propre monnaie. Il a un taux de change flexible. Les décisions sont adaptées à la situation au Japon, et cela se reflète dans le taux de change. C'est ainsi que fonctionne le système monétaire international. Différents pays prendront des mesures différentes en fonction de leur situation, et l'ordre international, par le biais du système de change, s'adaptera en conséquence.
    Merci.
    C'est maintenant au tour des conservateurs, soit du député Albas, qui dispose de cinq minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Je remercie le gouverneur et la première sous-gouverneure de comparaître en personne aujourd'hui.
     Monsieur le gouverneur, votre voix semble un peu enrouée aujourd'hui et je pense que c'est probablement parce que vous n'avez cessé de répéter à qui veut l'entendre que l'inflation est trop élevée et que les taux d'intérêt doivent augmenter. Vous avez eu raison sur beaucoup de choses et tort sur beaucoup d'autres. L'économie entre dans une phase de demande excédentaire, et nous constatons que vous voulez garder les attentes d'inflation bien ancrées. De plus, la demande dépasse l'offre.
    Stephen Tapp, de la Chambre de commerce du Canada a souligné que le taux directeur nominal de 1 % est toujours inférieur à ce que la Banque considère comme un taux neutre, c'est‑à‑dire de 2 à 3 %. Il a ajouté que tant et aussi longtemps que le taux ne dépassera pas les 2 à 3 %, « la Banque jette de l'huile sur le feu et alimente l'inflation ».
     Je sais que le gouvernement ne peut pas s'en empêcher. Il dépense chaque fois qu'il le peut, mais vous êtes différent, monsieur le gouverneur. Votre institution est indépendante et votre principale tâche, depuis décembre dernier, concerne toujours la stabilité des prix.
    Comment expliquez-vous que vous continuez à jeter de l'huile sur le feu et à alimenter l'inflation en ce moment?
(1200)
    Nous augmentons les taux d'intérêt. Il y a une semaine et demie, nous avons pris la mesure inhabituelle de relever le taux de 50 points de base. Nous avons également amorcé un resserrement quantitatif, ce que nous n'avions jamais fait auparavant, et nous avons signalé que d'autres hausses sont à venir. Nous réagissons donc à la situation.
    Je suis convaincu que des taux d'intérêt plus élevés... Si l'on regarde les taux hypothécaires sur cinq ans et si l'on tient compte de l'anticipation de nouvelles hausses, il y a déjà un effet sur l'économie. Je pense que cela modérera les dépenses.
     Nous ne voulons pas faire surchauffer l'économie. Nous ne voulons pas trop la refroidir non plus. Bien que nous réagissions et agissions rapidement, il faut procéder par étapes et examiner les effets, puis ajuster notre réponse pour ramener l'inflation à la cible.
    Dans votre propre rapport sur la politique monétaire, monsieur le gouverneur, on indique que la banque cherche généralement à mettre en œuvre sa politique dans un délai de six à huit trimestres, de sorte que la plupart des effets de la décision du 13 avril ne seront pas pleinement mis en œuvre et intégrés dans l'économie avant six à huit trimestres.
     Quand avez-vous amorcé le resserrement quantitatif? Je crois que c'était hier soir.
    Nous avons mis fin à l'assouplissement quantitatif en novembre dernier et, en effet, aujourd'hui, nous avons amorcé le resserrement quantitatif.
    Encore une fois, ces changements mettent beaucoup de temps à se répercuter sur l'économie, monsieur le gouverneur.
    Je me demande donc dans quelle mesure le fait que de nombreux Canadiens soient lourdement endettés empêche la Banque du Canada d'augmenter les taux d'intérêt pour réduire l'inflation?
    Je vais demander à la première sous-gouverneure de répondre à la question.
    Je ferai deux remarques.
     Il est vrai que la politique monétaire est orientée vers l'avenir. Il faut un certain temps pour que l'effet se fasse sentir dans l'économie et le secteur financier et qu'il y ait ensuite un effet direct sur l'inflation. Cependant, l'effet de signal de notre trajectoire vers la normalisation se fait déjà sentir, notamment dans les taux hypothécaires.
     Pour revenir à votre autre question, cependant, je dois dire que nous savons que le niveau d'endettement est élevé dans l'économie canadienne. C'est un sujet dont la Banque du Canada parle depuis longtemps maintenant; elle en parlait bien avant la pandémie. Nous prévoyons que cela rendra l'économie plus sensible aux changements de taux d'intérêt et nous allons surveiller la situation. Comme l'a dit le gouverneur, nous tenons compte de tous ces signaux lorsque nous prenons nos décisions.
    Avec tout le respect que je vous dois, madame la première sous-gouverneure, au début de la pandémie, M. Macklem a dit aux Canadiens de ne pas s'inquiéter parce que les taux d'intérêt étaient très bas et le resteraient encore longtemps, pendant plusieurs années, je crois.
    Les taux d'intérêt sont restés bas pendant longtemps.
     J'ai entendu dire que les prix des maisons à Vancouver commencent déjà à baisser. De plus, on commence à voir des restaurants changer leurs menus pour tenir compte de la hausse des coûts. Comme ils ne savent pas à quoi ressemblera l'inflation, ils augmentent leurs prix de façon considérable. Il en va de même pour les salons de coiffure. Quelqu'un m'a dit que son coiffeur avait augmenté le coût d'une coupe de cheveux de 15 $, et je ne dirais pas que c'est un secteur touché par l'inflation.
     Monsieur le gouverneur, quand on voit que certains critiques de la Banque disent que vous auriez dû faire bouger les choses il y a un an pour une augmentation lente et régulière, que répondez-vous à ces critiques, étant donné que vous ne pouvez pas augmenter les taux en raison du lourd endettement des Canadiens?
    Il est facile d'oublier que les Canadiens ont vécu beaucoup de choses au cours des deux dernières années. Il y a deux ans, notre économie était de 15 % en deçà de son niveau d'avant la pandémie. Le taux de chômage était de 13,4 %. Les politiques monétaires et budgétaires et des vaccins très efficaces ont permis une reprise très impressionnante, la plus forte reprise jamais enregistrée en fait.
     Si nous devons maintenant relever les taux d'intérêt assez rapidement et si l'inflation est trop élevée, ce n'est pas parce que notre réponse a échoué; c'est parce qu'elle a été très efficace.
(1205)
    Dans ce cas, monsieur le gouverneur, quelle a été la principale erreur?
    Monsieur Albas, le temps est écoulé. Nous en sommes à six minutes. Nous avons déjà dépassé d'une minute.
    Puis‑je répondre à la question sur l'erreur?
    Vous pouvez répondre, mais soyez bref, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le gouverneur.
    Comme je l'ai dit en réponse à d'autres questions, je pense que nous avons bien fait beaucoup de choses. Nous avons fait certaines erreurs. Nous avons été surpris, en particulier, par la persistance et l'ampleur des chocs d'offre. Les chocs d'offre étaient liés à des éléments très spécifiques comme les puces informatiques. Ce que nous avons constaté depuis, c'est que tous les biens sont touchés.
     Oui, nous avons révisé à la hausse nos perspectives d'inflation, et ce, à plus long terme. Il faut un certain temps à la politique monétaire pour agir sur le système et ramener l'inflation à la cible. C'est pourquoi nous agissons relativement rapidement pour normaliser la politique monétaire, garder les attentes d'inflation bien ancrées et rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande dans l'économie.
    Merci, monsieur le gouverneur.
    Merci, monsieur Albas.
    J'aimerais dire aux membres du Comité que j'essaie de trouver la transition la plus naturelle possible pour passer d'un député à l'autre. Nous avons dépassé le temps de deux ou trois minutes.
    Nous passons maintenant du côté des libéraux avec la députée Chatel, qui dispose de cinq minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, gouverneur Macklem et première sous-gouverneure Rogers.
    J'ai quelques questions concernant les causes de l'inflation. C'est sûr que certains aimeraient simplifier à l'extrême un problème aussi complexe que l'inflation, mais, comme vous l'avez bien noté, l'inflation est un phénomène mondial. J'ai regardé les statistiques récentes, et à 6,7 %, le taux d'inflation au Canada se situe quand même sous la moyenne des pays de l'OCDE, qui est de 7,7 %, sous celle du G20, qui est de 6,8 %, et sous celle de la zone euro, qui est de 7,3 %.
    Je voudrais vous féliciter. Dans votre nouveau rapport sur la politique monétaire, dans l'encadré 4, à la page 21 de la version française, vous résumez très bien et succinctement les déterminants intérieurs et mondiaux de l'inflation. Maintenant, plus personne ne peut simplifier à l'extrême les causes de l'inflation. Vous le résumez bien.
     Vous avez particulièrement mentionné le coût de remplacement par le propriétaire d'une maison. Le Comité a étudié, entre autres, l'inflation dans le domaine immobilier.
    Pouvez-vous en dire davantage sur ce sujet?
     Oui, bien sûr.
    Premièrement, au Canada, l'inflation est un peu sous la moyenne des autres pays. Cependant, selon les Canadiens, elle est trop élevée. Manifestement, nous devrions la maîtriser.
    En ce qui concerne le prix du logement, nous observons que les prix des maisons ont connu une forte hausse d'environ 25 % d'une année à l'autre.
    Cela entre dans le calcul de l'IPC, l'Indice des prix à la consommation, mais ce n'est pas du un pour un. Au moyen de l'IPC, on tente de mesurer le service qu'on reçoit — il peut s'agir de la maison ou du logement. Cependant, le coût de ce service, pour remplacer ou améliorer les maisons, se base sur la mesure utilisée pour les nouvelles maisons. Cela fait donc partie de l'IPC, mais cela n'a pas d'effet direct.
    Or, si nous regardons le coût du logement dans l'IPC, nous verrons qu'il est effectivement fortement à la hausse. Cela reflète les pressions, ici, au Canada. Ce ne sont pas des pressions internationales, mais plutôt des pressions de demandes excédentaires, ici, au Canada.
    Je vous remercie.
    Le fait d'inclure cette information dans le rapport sur la politique monétaire nous donne la possibilité d'élaborer de meilleures politiques, ce qui nous permet justement de gérer le problème de l'inflation.
    Je vous remercie donc de votre travail.
(1210)

[Traduction]

     Vous avez dit tout à l'heure qu'il était important de ne pas faire surchauffer l'économie, mais qu'il ne fallait pas trop la refroidir non plus, et que l'équilibre est fragile. Comment évaluez-vous le compromis entre le risque d'inflation et une éventuelle récession? C'est ce qui est en jeu ici.
    Comme je l'ai dit, selon nos propres prévisions, la croissance ralentira, mais restera assez solide et l'inflation diminuera, donc nous pensons... Même si la croissance est un peu plus faible par rapport à nos prévisions, il y a encore une marge de manœuvre pour qu'elle soit un peu plus faible et qu'elle soit positive. Nous pensons qu'il y a une voie d'avenir avec une inflation en baisse et une croissance raisonnablement solide.
    Comme je l'ai dit, ce sera délicat. C'est pourquoi nous prenons une décision à la fois. Si l'économie commence à ralentir plus vite que nous le prévoyons, si l'inflation commence à diminuer plus vite que nous le prévoyons, nous devrons... Les taux sont encore très bas. Nous devons les rapprocher d'un taux neutre, mais si l'économie commence à ralentir plus rapidement, il pourrait être approprié de faire une pause et de réévaluer un peu la situation.
     Je soulignerais qu'au bout du compte, nous avons le mandat de maîtriser l'inflation. C'est en obtenant cet atterrissage en douceur que l'on maîtrise l'inflation. Nous voulons que l'inflation revienne à la cible; nous ne voulons pas qu'elle soit en deçà de la cible, et c'est ce que nous nous efforçons de faire. Nous allons utiliser nos outils, et nous sommes prêts à les utiliser avec vigueur si nécessaire pour ramener l'inflation à la cible.
    Merci.
    Chers collègues, nous passons à notre troisième série de questions.
    Le premier intervenant est le député Stewart, du Parti conservateur. Il dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence.
    Vous avez mentionné tout à l'heure que vous avez bien agi pour certaines choses et que vous avez fait parfois des erreurs. Pourriez-vous expliquer exactement quelles sont ces erreurs?
     Si nous revenons à notre rapport de janvier, nous nous attendions, à ce moment‑là, à ce que l'inflation plafonne à environ 5 %. Et, à partir de là, nous nous attendions à voir des signes qui laisseraient entrevoir l'amorce d'une redescente de la courbe de l'inflation. Les derniers chiffres de l'IPC en mars, soit 6,7 %, sont manifestement bien au‑dessus de 5 %.
    Un autre point, qui est même plus important à nos yeux en ce qui concerne les perspectives d'inflation, c'est que le mouvement amorcé est plus élevé. Si nous revenons à janvier, nous pensions alors nous retrouver dans le haut de la fourchette de maîtrise de 1 % à 3 % au moment où nous arriverions à la fin de l'année. Nous nous attendons, désormais, à atteindre probablement 4 %, et ce, vers la fin de cette année.
    Ce n'est pas seulement l'augmentation en soi, mais le fait que l'augmentation durera plus longtemps. La courbe prendra plus longtemps à redescendre.
    C'est dans ce sens que nous avons été surpris par la persistance et l'omniprésence de ces crises de l'offre. Nous avons évidemment été surpris par l'attaque non provoquée contre l'Ukraine. Tout cela n'arrange pas les choses... La guerre se poursuit. Je ne sais pas quand elle se terminera. Dans l'intérêt de tous, j'espère qu'elle se terminera très vite, mais elle perturbe encore davantage les chaînes d'approvisionnement. Les éclosions de COVID en Chine vont de surcroît aussi perturber la chaîne d'approvisionnement.
    Cela va durer plus longtemps avec une certaine incertitude. En revanche, ce qui est certain, c'est la détermination de la Banque du Canada à se prévaloir de ses outils pour rediriger l'inflation vers sa cible. Nous réagissons là où nous avons été pris par surprise. C'est là qu'on mesure l'importance d'avoir un mandat clair.
    Je vous remercie.
    Il y a quelques années, la banque centrale et vous-mêmes aviez prévu une déflation. Je ne me rappelle plus vos termes exacts, mais vous aviez simplement prévu une déflation.
    Pouvez-vous expliquer cette prévision et son résultat?
(1215)
    Il y a deux ans, je n'étais pas gouverneur. Il y a deux ans et au début de la pandémie, l'économie a connu le pire effondrement de son histoire. Le PIB a chuté de 15 %. Le taux de chômage a grimpé de 5,7 % à 13,4 %. Près de trois millions de Canadiens étaient sans emploi et trois autres millions de Canadiens ne faisaient que 50 % de leurs heures de travail.
    Cette situation présentait un sérieux risque de déflation. Le surplus de l'offre, au sein de l'économie, était énorme. Beaucoup de Canadiens ne travaillaient pas et, s'il n'y avait pas eu de politique concertée, il y aurait eu un véritable risque de déflation.
    Pourquoi la déflation est-elle si dommageable? Lorsqu'un état d'esprit déflationniste s'installe, les gens pensent que les prix vont chuter et ils ont tendance à attendre pour acheter plus tard lorsque les prix auront été réduits. Les choses sont déjà chancelantes, alors si les gens décident d'attendre et d'acheter plus tard lorsque les prix auront baissé, cela affaiblit davantage l'économie. Dans une économie où le niveau d'endettement des ménages est à un niveau relativement élevé et où le paiement hypothécaire est une valeur nominale fixe, une baisse de revenu rend ces paiements encore plus risqués.
    Ces commentaires valent dans le contexte d'une économie en danger de déflation. Nous ne prévoyions pas d'inflation. Nous avons pris des mesures audacieuses afin, tout d'abord, de limiter ce déclin et, ensuite, de soutenir la relance économique. Nous ne prévoyions pas de déflation, mais nous précisions que, si nous ne prenions pas des mesures audacieuses, c'est ce qui aurait très bien pu se produire.
    Nous l'avons vu lors de la Grande Dépression... Pourquoi l'avons-nous appelée la Grande Dépression? Il y a eu d'abord un déclin très marqué, puis une économie incroyablement faible pendant une période terriblement longue. Bien des gens en ont souffert en conséquence.
     Je vous remercie, monsieur Stewart.
    Passons maintenant aux libéraux et à M. MacDonald, pour cinq minutes, s'il vous plaît.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie également les gouverneurs d'être revenus témoigner aujourd'hui. Ce sont toujours des discussions intéressantes.
    C'est bon à savoir. J'ai déjà posé des questions à propos du resserrement quantitatif, de la normalisation de votre bilan et de la vitesse à laquelle vous pouviez y arriver sans que cela ait trop de conséquences négatives sur l'économie.
    Je voudrais revenir à la stabilité du marché ou, disons, à l'effet de signaler la situation. Vous en avez parlé brièvement avec mon collègue, M. Albas. Lorsque vous signalez une hausse des taux d'intérêt, quel est l'effet sur les marchés? Pouvez-vous juste nous donner un aperçu un peu plus détaillé de la façon dont cela affecte l'inflation?
    Absolument. Je voudrais dire tout d'abord que ce sont les Canadiens qui sont notre auditoire le plus important. J'ai appris que la politique monétaire fonctionne mieux lorsque les gens la comprennent. Et puis, si les gens comprennent la politique monétaire, ils comprennent nos objectifs, ils comprennent nos outils et ils ont tendance à avoir davantage confiance en la politique monétaire. Notre travail en fin de compte consiste à donner confiance en la valeur de l'argent, aussi la confiance est-elle primordiale. C'est important d'expliquer aux Canadiens ce que nous faisons, pourquoi nous le faisons et à quoi ils devraient s'attendre, pour qu'ils puissent nous demander de rendre des comptes et que ce comité nous demande de rendre des comptes. Les Canadiens et ce comité doivent nous demander des comptes. En plus, c'est utile pour que la politique monétaire se révèle efficace.
    En ce qui concerne les marchés, ils ont un insatiable appétit de certitude et gobent toute la certitude que nous pouvons leur donner, et lorsque nous sommes raisonnablement convaincus d'une direction, nous la prenons. Lorsque nous pensons devoir rester plus effacés, nous indiquons que nous devons rester effacés. Les marchés vont lire avec intérêt les rapports concernant notre politique monétaire, ils seront certainement attentifs à nos déclarations et ils tireront leurs propres conclusions.
    La politique monétaire fonctionne par l'intermédiaire des marchés. Il est important que les marchés comprennent ce que nous pensons et, en particulier, ce que nous envisageons. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous publions des prévisions passablement détaillées. Nous rendons publique notre perspective, et à mesure que les données rentrent, le marché peut savoir s'il est plus fort que les prévisions de la banque ou moins fort. Il peut ensuite en tirer ses propres conclusions.
(1220)
    Je vous remercie.
    Comment le Canada peut‑il continuer de maintenir la dette à un niveau faible?
    Les décisions concernant les questions de politiques budgétaires incombent en réalité au gouvernement et, en dernière analyse, au Parlement. Le Canada se trouve dans une assez bonne position tout du moins par rapport aux autres pays du G7.
    Comment maintenir cette position? Eh bien, en ne dépensant pas trop par rapport aux recettes.
    Je vous remercie.
    Ces derniers temps, j'ai du mal à concilier les choses en voyant les provinces partout au pays enregistrer un excédent, et pourtant, tout le monde sait que nous parlons d'inflation au niveau fédéral, mais nous parlons aussi de surplus ou du fait que les provinces sont en très bonne posture. Je me demande souvent comment vous pouvez proposer une perspective économique à la société en général et aux non-initiés, en vous fondant sur ces facteurs.
    Vous soulevez plusieurs points. Tout d'abord, les gouvernements ont toute une série de priorités. Ils ont des priorités économiques, des priorités sociales, des priorités en santé, en éducation, en sécurité publique, en défense. Les priorités sont nombreuses et votre travail est difficile. À la Banque du Canada, nous n'avons qu'une seule responsabilité, et c'est de contrôler l'inflation. Nous prenons les budgets provinciaux et fédéral annoncés tels qu'ils nous parviennent et les insérons dans nos modèles. Nous les saisissons avec toutes les autres données comme la dynamique de l'économie américaine, les prix des produits de base, ainsi que d'autres facteurs, et nous actualisons nos projections. Ce sont des données utiles. Ce sont des données importantes qui contribuent aux décisions que nous prenons en vue de remplir notre mandat.
    Je vous remercie.

[Français]

     Madame Sinclair-Desgagné, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais maintenant aborder un sujet qui est peut-être moins attendu aujourd'hui. Pourtant, il est tout aussi pertinent. Il s'agit du rôle de la banque centrale pour s'assurer de la stabilité financière. C'est drôle parce que vous venez d'en parler. Le rôle premier de la banque centrale, c'est de contrôler l'inflation et donc de garantir la confiance des investisseurs et de l'économie et donc de garantir une croissance à moyen et à long terme.
    Vous êtes parmi les rares décideurs publics qui ont ce rôle à jouer sur le moyen à long terme, contrairement aux législateurs et aux décideurs au Parlement.
    Les changements climatiques représentent un risque fondamental pour notre économie et pour la stabilité financière. Je salue la parution du rapport en janvier intitulé « Évaluation des risques liés aux changements climatiques pesant sur notre système financier ».
    J'aimerais savoir où nous en sommes considérant que d'autres économies importantes, malgré la pandémie, se sont penchées sur cette question et ont intégré les risques climatiques aux systèmes financiers. Je voudrais savoir où en est notre banque centrale à ce sujet.
    Je commencerai à répondre à votre question, puis je passerai la parole à Mme Rogers pour ce qui est de la question sur la stabilité des prix.
    La première chose que je veux souligner, c'est que les politiques sur les changements climatiques sont des politiques qui concernent le gouvernement ou le Parlement. Ce n'est pas à nous de décider des politiques sur les changements climatiques. Toutefois, nous avons tout de même un rôle à jouer.
    Il y a deux dimensions de notre mandat qui touchent les changements climatiques.
    Premièrement, les changements climatiques peuvent influer sur la stabilité financière. Si un rajustement très rapide est fait dans l'évaluation de certains actifs, cela peut perturber le système financier et avoir des effets négatifs sur l'économie. Mme Rogers pourra donner plus de précisions au sujet de notre étude.
    L'autre dimension touche les politiques monétaires. Les changements climatiques exercent une force importante sur l'économie, surtout en ce qui concerne la transition vers une économie avec moins d'émissions. Cela représentera de grands changements. Pour réussir à remplir notre mandat quant à la stabilité des prix, nous devons comprendre et prendre en compte ces effets négatifs lorsque nous examinons les politiques monétaires.
(1225)

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Vous avez mentionné l'étude que nous avons publiée en janvier. Nous avons réalisé cette étude en collaboration avec le Bureau du surintendant des institutions financières. L'objectif était d'examiner l'incidence que les changements climatiques pourraient avoir sur la stabilité du secteur financier. Comme le gouverneur l'a dit, le rôle premier de la banque centrale concerne la stabilité des prix, mais la stabilité du secteur financier dans son ensemble fait aussi partie de notre mandat. C'est pour cette raison que nous nous penchons sur les changements climatiques.
    Le constat principal de notre étude, c'est que l'économie du Canada, une économie qui dépend d'un secteur des combustibles fossiles important, subira des changements structurels profonds, peu importe les mesures prises à l'égard des changements climatiques. Les effets se font déjà ressentir. Si vous étiez ici l'été dernier, vous avez vu les effets des changements climatiques sur l'économie canadienne, et ces effets se sont fait ressentir en même temps que d'autres pressions.
    En bref, notre étude montre que des changements structurels s'imposent. Aussi, plus nous nous donnerons une grande marge de manœuvre pour agir, moins les effets seront dévastateurs. Si nous tardons à adopter des politiques et à faire le travail nécessaire pour apporter les changements qui s'imposent, les perturbations seront de plus en plus fortes et elles auront une incidence négative sur la stabilité financière.

[Français]

    Merci, madame Sinclair‑Desgagné.

[Traduction]

    Nous passons maintenant au NPD. Monsieur Blaikie, vous disposez de deux minutes et demie.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Macklem, je pense que vous avez fait allusion tout à l'heure au fait que la pandémie a entraîné une réduction de la demande de services et une explosion de la demande de biens de toutes sortes puisque les gens étaient confinés dans leur domicile et qu'ils cherchaient à s'occuper et à améliorer leur foyer. Aujourd'hui, les activités commencent à reprendre. C'est difficile de prédire jusqu'où cela ira et ce que le virus fera, mais il semble y avoir une reprise des activités. La tendance semble se diriger vers l'ouverture des économies ainsi que vers la reprise des voyages à l'étranger.
    J'aimerais savoir quels sont les facteurs dont vous tenez compte quand vous dites essayer de ralentir la hausse de la demande en augmentant les taux d'intérêt. Aussi, l'explosion de la demande de biens est-elle liée en partie au fait que les gens peuvent maintenant accéder à des services auxquels ils n'ont pas eu accès pendant deux ans? Cette situation entraînera aussi un ralentissement de la demande dans le secteur des biens, la relation entre les biens et les services étant aussi, je crois, un des principaux facteurs de la hausse de l'inflation.
    Quels sont les facteurs dont vous tenez compte pour déterminer si l'équilibre entre la demande de biens et la demande de services est en train de revenir à la normale et pour comprendre les implications de cette situation au moment de décider si la banque doit augmenter les taux d'intérêt ou prendre d'autres mesures monétaires stratégiques?
    Oui, la situation est exactement telle que vous l'avez décrite. Durant la pandémie, les gens ne pouvaient pas acheter et consommer les services qu'ils voulaient puisque ces services exigent des contacts étroits. Par conséquent, les gens ont remplacé ces services par des biens. Au lieu de fréquenter le gym, ils ont acheté des appareils de conditionnement physique. Au lieu d'aller au restaurant, ils ont amélioré leur équipement de cuisine. Cette situation s'est reflétée dans l'ensemble du marché du logement. De nombreux Canadiens travaillaient à domicile, leurs enfants faisaient l'école à domicile, et toutes les activités récréatives se déroulaient à domicile. Ce n'est donc pas étonnant qu'ils aient voulu de plus grandes maisons, ce qui a eu un effet sur le marché du logement. De plus, une plus grande maison demande plus de meubles et de nouveaux électroménagers.
    Habituellement, durant les récessions, ce sont les biens durables qui sont le plus touchés, car les gens peuvent garder leur divan un peu plus longtemps, mais pendant la pandémie, ils passaient toute la journée sur leur divan. Les biens durables étaient beaucoup plus utilisés. La grande réorientation de la demande vers les biens est une situation fort inhabituelle, et elle ne s'est pas produite seulement au Canada, mais bien partout dans le monde. La très forte demande de biens, combinée aux perturbations dans les chaînes d'approvisionnement, a entraîné une hausse importante des prix des biens.
    D'après nous, l'équilibre de la demande se rétablira naturellement à mesure que la pandémie s'atténuera. On le voit déjà. Les gens veulent recommencer à fréquenter le gym, à aller au restaurant du coin et à sortir. Par conséquent, nous nous attendons à ce que la demande de biens diminue à mesure que la consommation de services augmente.
    Toutefois, en ce moment, la demande dépasse l'offre; la moyenne doit donc croître à un rythme plus lent que dans le passé, sinon les pressions inflationnistes persisteront. Il se passe donc deux choses en même temps. Nous examinons de très près la réorientation de la demande de biens vers la demande de services.
    Jusqu'à maintenant, nous avons constaté un fort rebond de la demande de services. Cependant, la demande de biens n'a pas vraiment diminué. C'est peut-être attribuable en partie aux contraintes liées à l'offre. Une personne qui essaie d'acheter une voiture pourrait devoir attendre six mois avant de l'obtenir et de conclure la vente. La demande n'a pas encore vraiment diminué; c'est une des raisons pour lesquelles l'économie est forte. Nous espérons que lorsqu'il y aura moins de contraintes liées à l'offre, les gens obtiendront les biens qu'ils voulaient, et la demande commencera à se rééquilibrer. Nous surveillerons la situation de près.
(1230)
    Merci, député Blaikie.
    Nous passons maintenant au député Fast, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Merci encore une fois de votre présence, monsieur le gouverneur. Nous vous sommes toujours reconnaissants de vous joindre à nous et d'échanger honnêtement avec nous sur les défis auxquels la population canadienne fait face, surtout en cette période de crise d'abordabilité qui touche tout le Canada.
    Étant donné la crise actuelle liée au coût de la vie, je trouve raisonnable que la population se demande si le dollar canadien est sûr. Je trouve aussi raisonnable de vous demander, en votre qualité de gouverneur, quelle est la meilleure façon de se protéger contre l'inflation.
    La meilleure façon de se protéger contre l'inflation, c'est en la jugulant. Ainsi, les gens n'auront plus à s'en inquiéter. C'est notre objectif principal.
    En ce qui concerne le dollar canadien, le gouverneur de la Banque du Canada ne donne pas de conseils en matière d'investissement. L'économie canadienne est forte. La population canadienne peut avoir confiance en l'économie canadienne et en la valeur du dollar canadien. Notre système financier est très stable. Il se tire extrêmement bien de la pandémie. Notre situation commerciale est relativement bonne. Pour nombre des produits que nous exportons, comme le pétrole, le blé et la potasse, les prix sont élevés et la demande mondiale est très forte. L'économie canadienne se porte bien.
    Pour revenir à notre mandat, je vous dirais que l'économie canadienne peut supporter une hausse des taux d'intérêt. J'irais même jusqu'à dire qu'elle a besoin d'une hausse des taux d'intérêt.
    Les observations de M. Rogers un peu plus tôt au sujet des cryptomonnaies signalent qu'il ne s'agit pas d'un moyen convenable pour contrer l'inflation. Je note que la Banque du Canada a publié un rapport du personnel qui aborde la question de la sensibilisation, de la propriété et de l'utilisation des bitcoins. Un extrait m'a frappé:
Les propriétaires de bitcoins sont exposés à certains risques, comme en témoigne le fait qu'environ la moitié d'anciens et d'actuels propriétaires ont déclaré avoir été touchés par des événements tels que l'effondrement des prix, la perte d'accès à des fonds, des escroqueries ou des atteintes à la protection des données.
    Est‑ce que ce sont là certaines des raisons pour lesquelles la banque ne recommande pas les cryptomonnaies comme moyen de protection contre l'inflation?
(1235)
    Certainement. Je ne pense pas que la banque recommande ce moyen de protection en général, mais c'est certainement parmi les raisons pour lesquelles nous ne considérons pas les cryptomonnaies comme une forme stable de paiement.
    Merci de la réponse.
    Vous attendez-vous à ce que les cryptomonnaies puissent, à court ou à moyen terme, remplacer un jour le dollar canadien comme monnaie officielle au Canada?
    Comme je l'ai dit plus tôt, le gouvernement a lancé une étude pour examiner les monnaies numériques en général et pour voir comment leur popularité croissante influence l'économie et la stabilité financière. L'une des choses que nous étudions depuis un certain nombre d'années vise à savoir si nous avons besoin ou non d'une monnaie numérique nationale, une monnaie numérique de la banque centrale. Comme je l'ai dit plus tôt, les innovations dans les monnaies numériques présentent de nombreux avantages sous-jacents. Elles peuvent avoir le potentiel de renforcer l'efficacité des paiements et rehausser la concurrence dans le secteur financier.
    Ça vaut vraiment la peine d'étudier la question. C'est d'ailleurs ce que font les banques centrales depuis fort longtemps. Nous sommes en fait passés d'un stade de recherche à un stade de début d'élaboration.
    C'est le Parlement qui décidera au bout du compte si le Canada aura ou non une monnaie numérique émise par la banque centrale. Ce n'est pas une décision que prendra la Banque du Canada. Nous considérons que notre rôle consiste à préparer le terrain de sorte que si nous estimons qu'une monnaie numérique de la banque centrale serait utile pour les Canadiens, nous serons prêts à la fournir.
    J'ajouterais que l'innovation dans le secteur financier donne lieu à des avantages prometteurs. Cela dit, nous prévoyons que le dollar canadien demeurera au cœur du système financier canadien.
    C'est ce que je voulais savoir. Merci.
    Merci, monsieur Fast. C'est terminé. Je conviens que le temps passe très vite.
    Nous passons aux libéraux, à la députée Dzerowicz, pour cinq minutes, je vous prie.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poser trois questions. La première porte sur une des motions dont est saisi le Comité. J'espère que nous pourrons l'examiner à un moment donné. Elle a trait à l'harmonisation des règlements au Canada, dans les provinces et les territoires, et à l'élimination de tous les obstacles qui entravent la circulation des biens, des services et des personnes.
    Dans quelle mesure croyez-vous qu'il s'agit d'une priorité pour le Canada, et quelles seraient les conséquences sur la croissance et la productivité pour le pays?
    Je reviens à l'une de vos questions précédentes sur l'importance de la croissance de la productivité. Je souligne que la croissance de la productivité est à la base de l'amélioration du niveau de vie.
    Pour ce qui est des obstacles interprovinciaux, il faut se demander à quoi ils servent. Nous avons une union. Nous avons un pays. Si nous parvenons à l'harmonisation et à la libre circulation des biens et de la main-d’œuvre au pays, les ressources pourront atteindre leur valeur optimale et leur summum de productivité.
    Voilà ce que les gouvernements partout au pays peuvent faire pour améliorer la productivité sans qu'il en coûte quoi que ce soit; c'est la beauté de la chose.
    Pensez-vous que c'est une priorité pour nous?
    À mon avis, nous avons été témoins d'une très grande coopération dans tout le pays pendant la pandémie, alors j'estime que le moment est propice.
    C'est un problème de longue date et il y a certainement eu du progrès à certains égards, mais je pense que le moment est bien choisi, car l'amélioration de notre croissance en matière de productivité…
    La croissance de la productivité a été trop faible pendant trop longtemps. Nous avons réalisé une croissance au pays grâce à une augmentation de la main-d’œuvre. C'est formidable, mais la main-d’œuvre vieillira de plus en plus. L'augmentation de la main-d’œuvre ralentira, ce qui fera ressortir la nécessité d'une croissance de la productivité pour que l'économie canadienne puisse continuer de croître au rythme actuel.
(1240)
    Merci.
    Ma prochaine question porte sur un sujet que vous avez évoqué dans vos déclarations liminaires. Vous avez parlé de l'inflation et de la façon dont elle a une incidence sur tous les Canadiens mais, plus particulièrement sur les personnes qui se situent à l'extrémité inférieure de l'échelle des revenus, les plus vulnérables.
    Maintenant que la plupart de nos prestations sociales au pays — l'Allocation canadienne pour enfants, l'Allocation canadienne pour les travailleurs, la Sécurité de la vieillesse, le Régime de pensions du Canada — sont indexées à l'inflation, sera‑t‑il utile d'alléger une partie du stress causé par l'inflation, ou peut‑on en faire plus à l'échelle nationale pour mieux venir en aide aux personnes les plus vulnérables?
    Je sais que je vous ai donné cette réponse à plusieurs reprises, mais la meilleure façon de résoudre ce problème consiste à faire baisser l'inflation.
    Oui, les membres de la société les plus vulnérables sont particulièrement touchés par l'inflation. Maintenant que l'inflation est très généralisée, plus des deux tiers du panier de l'IPC augmentent de plus de 3 %. Même si vous êtes un consommateur averti, vous ne pouvez pas éviter la hausse des prix, et les gouvernements ont un rôle à jouer pour protéger les membres de la société les plus vulnérables.
    La politique monétaire est un vaste outil macroéconomique. Nous ne pouvons pas cibler des personnes précises. Ces décisions doivent être prises par les gouvernements et le Parlement.
    Quand je lis à propos des articles sur les marchés dans le monde, je constate qu'un certain nombre d'économistes estiment que la politique monétaire a été cooptée par les marchés et qu'il est nécessaire de remettre la politique monétaire au service de l'économie réelle plutôt que des marchés financiers.
    Dans quelle mesure est‑ce un problème au Canada? Dans quelle mesure est‑ce un problème qui vous préoccupe?
    La politique monétaire fonctionne grâce aux marchés. Nous avons une économie moderne fondée sur le marché au Canada, et les marchés sont au coeur d'une grande partie de notre prospérité.
    La politique monétaire a un mandat clair. Nous prenons nos décisions pour remplir notre mandat dans le meilleur intérêt des Canadiens, et les marchés s'ajustent en conséquence.
    Je ne pense pas que ce soit un problème au Canada.
    Merci.
    Monsieur le gouverneur et madame la première sous-gouverneure, merci de toutes les questions auxquelles vous avez répondu.
    Nous allons passer à notre dernière série de questions. Je sais que les membres ont encore de nombreuses questions à poser.
    Je regarde l'heure, chers collègues. Comme nous avons l'habitude de faire à ce comité, quand nous n'avons pas suffisamment de temps pour tenir une série de questions complète, nous divisons le temps également. J'envisage d'accorder environ trois ou quatre minutes à chaque parti.
    Nous allons commencer avec les conservateurs. Je crois que le député Chambers prendra la parole.
    Nous essaierons de raccourcir nos réponses.
    Excellent. Je vous en suis très reconnaissant.
    Vous avez mentionné la demande excédentaire. Cette demande excédentaire a‑t‑elle été créée en partie par la politique monétaire et financière beaucoup trop laxiste que nous voyons?
    Ce doit être en quelque sorte un facteur qui contribue à la demande excédentaire que nous constatons, un peu comme un simple...
    Nos politiques sont très efficaces pour nous sortir d'un trou béant. L'économie a évolué vers une demande excédentaire et il est maintenant temps d'ajuster cela.
    Nous avons certainement commencé à le faire. Nous l'avons très clairement signalé aux Canadiens. Nous avons encore du travail à faire.
    C'est de bonne guerre.
    Vous avez mentionné les dépenses plus tôt. Il y a eu une hausse de 25 % des dépenses gouvernementales entre les niveaux prépandémiques et maintenant. Clignez des yeux deux fois si vous avez l'impression d'être pris en otage par une politique financière trop laxiste. Je plaisante. Ne répondez pas à cela. Je sais que vous ne le ferez pas.
    Les risques pour les perspectives semblent être dépeints comme étant encore assez optimistes alors qu'il semble que le meilleur scénario soit présenté comme une partie du scénario de base. Je sais que nous avons un peu augmenté l'inflation, mais la croissance des salaires aux États‑Unis a été considérable. Encore une fois, les dépenses publiques continuent d'être importantes. Dans le bilan comptable des ménages, il y a encore beaucoup d'argent sur les comptes bancaires. Si la demande est excédentaire, cela est déployé. Je pense que c'est un peu risqué.
    La banque déclare à nouveau que les risques pour les perspectives sont équilibrés. Je pense que c'est probablement la quatrième ou cinquième fois que nous entendons cette déclaration.
    En quoi cette fois‑ci serait-elle différente des précédentes?
(1245)
    Je vais dire deux choses.
    Je pense qu'il y a des risques des deux côtés et qu'il y a des risques à la hausse. Vous en avez soulevé quelques-uns. Le bilan financier des Canadiens est meilleur. Les Canadiens ont environ 200 milliards de dollars d'épargne excédentaire — c'est une drôle d'expression — ou plus d'économies que ce que nous aurions pensé qu'ils auraient eues s'il n'y avait pas eu de pandémie. Cela revient à la question de M. Blaikie. Ils n'ont pas été en mesure de consommer bon nombre de choses qu'ils voulaient consommer, si bien qu'ils ont épargné de l'argent.
    Dans nos perspectives économiques, nous présumons qu'ils dépensent une bonne partie de cet argent, mais ils pourraient dépenser plus, si bien qu'il pourrait y avoir des risques à la hausse.
    Il y a aussi des risques à la baisse. Nous sommes très prudents dans nos présomptions. Nous ne supposons pas qu'il y ait un renversement des prix de ces biens durables. Nous pensons qu'ils vont se stabiliser, sans pour autant se replier. S'il y a des changements à la baisse, l'inflation pourrait en fait diminuer plus rapidement.
    Il y a des risques des deux côtés, mais mon deuxième point est important. Avec une inflation à 6,7 % et des perspectives d'inflation bien supérieures à notre fourchette cible pour l'ensemble de l'année, nous sommes plus préoccupés par les risques de hausse que par les risques de baisse.
    Merci beaucoup.
    Les voitures d'occasion seront ajoutées au prochain trimestre, ce qui va faire grimper encore plus les prix.
    Nous n'avons jamais été aussi endettés en tant que nation — dette du secteur privé, dette du secteur public et dette des consommateurs. C'est un autre risque important.
    Devrions-nous commencer à mettre en garde les Canadiens maintenant au sujet des niveaux d'endettement, plus que nous l'avons fait auparavant? Je sais que vous avez été mis en garde récemment, mais devons-nous vraiment nous en préoccuper? Nous n'avons jamais vu ces niveaux d'endettement.
    Je vais peut-être demander à la première sous-gouverneure de dire un mot sur le bilan financier des ménages.
    Répondez très rapidement, je vous prie. Vous avez 15 secondes.
    Vous l'avez bien dit. C'est un risque sur lequel la Banque du Canada nous met en garde depuis des années, bien avant la pandémie.
    Comme je l'ai dit plus tôt, nous pensons que les ménages et les entreprises qui ont des niveaux d'endettement élevés seront plus sensibles aux risques liés au taux d'intérêt. Comme nous le signalons, l'épargne excédentaire dans le bilan des ménages pourrait également en modérer les effets.
    Nous surveillerons la situation. Comme le gouverneur l'a dit, il y a des risques des deux côtés.
    Merci beaucoup.
    Merci, député Chambers.
    Nous allons maintenant entendre les libéraux.
    Député Baker, la parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur le gouverneur, avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie, nous avions déjà une chaîne d'approvisionnement qui était asphyxiée, ce qui faisait augmenter l'inflation dans le monde.
    Pouvez-vous décrire quelle était la situation à l'époque et comment elle est maintenant exacerbée par l'invasion de l'Ukraine par la Russie?
    Oui, si l'on remonte à janvier — et je n'ai pas le rapport de janvier devant moi —, avant la guerre, on commençait à voir un début d'atténuation de ces perturbations de la chaîne d'approvisionnement. Je dirais qu'ils étaient quelque peu timides, mais si vous regardez les retards d'expédition, par exemple, ils avaient certainement atteint un sommet et commençaient à se résorber. En ce qui concerne les puces électroniques, par exemple, nous avons constaté que l'approvisionnement s'améliorait. Vous avez vu un certain redressement dans notre propre industrie de fabrication automobile, car elle a obtenu les puces dont elle avait besoin.
    Je dirais que les choses ne s'amélioraient peut-être pas aussi rapidement que nous aurions pu l'espérer, mais elles commençaient à s'améliorer.
    La guerre a certainement constitué un nouveau revers. Elle provoque, en particulier en Europe, de nouvelles perturbations dans la chaîne d'approvisionnement. Certaines composantes clés de la chaîne d'approvisionnement qui sont produites en Ukraine — ou en Russie, d'ailleurs, mais davantage en Ukraine —, le néon, par exemple, ne sont pas disponibles à l'heure actuelle.
    Je pense que ce qui est le plus important, certainement pour le Canada, c'est que le transport maritime mondial est perturbé.
    Ensuite, l'autre élément que je soulignerais est ce que les nouvelles éclosions de COVID et les nouveaux confinements en Chine provoquent. Le port de Shanghai est très engorgé en ce moment.
    La guerre et la COVID continuent donc de perturber les chaînes d'approvisionnement. Nous pensons qu'à mesure que nous entrons dans la deuxième moitié de l'année, ces problèmes vont s'estomper. Cependant, oui, il y a énormément d'incertitude concernant ces chaînes d'approvisionnement, et malheureusement, ce n'est pas près de disparaître.
(1250)
    Merci de ces remarques.
    À titre de question complémentaire, l'Ukraine est l'un des plus grands producteurs alimentaires du monde. La Russie est évidemment un très grand producteur alimentaire aussi. Étant donné que l'Ukraine est incapable d'exporter la plupart de ses produits alimentaires — voire tous —, pourriez-vous nous parler de l'incidence que cela a sur les prix mondiaux des aliments? Cela a‑t‑il une incidence sur les prix des aliments au Canada?
    Dans un premier temps, l'économie ukrainienne a été dévastée. La semaine dernière, le ministre ukrainien des Finances, M. Marchenko, était à Washington. J'ai eu l'occasion de lui parler à plusieurs reprises. Je dirai que la résilience et le courage des Ukrainiens sont incroyables. Ils vont de l'avant avec leur intention de planter leurs cultures. J'espère que cela pourra continuer.
    Le grand défi, cependant, comme vous y avez fait allusion, est celui de la récolte: comment récoltent-ils les cultures et comment les transportent-ils? S'ils n'ont pas accès au transport, il y aura un très grave problème.
    Le FMI, en particulier, et la Banque mondiale ont souligné les répercussions pour la sécurité alimentaire, notamment dans les pays d'Afrique du Nord, qui reçoivent une grande partie de leur blé d'Ukraine. C'est une grave menace.
    Je pense que les pays du G7 et d'autres grandes nations se concentrent sur ce risque et examinent ce qui peut être fait, mais je ne prétendrai pas que la situation n'est pas inquiétante.
    Merci.
    Nous allons passer au Bloc et à Mme Sinclair‑Desgagné.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je souhaite continuer sur la lancée précédente, qui portait sur l'intégration des changements climatiques et des risques climatiques. Puisque je m'adresse aux experts, j'aimerais vraiment obtenir une réponse précise et concrète.
    Tout d'abord, quels sont les risques qui seront intégrés dans la modalisation que fait la banque centrale, et comment seront-ils intégrés? On parle notamment des risques du réchauffement climatique, mais aussi des risques de la transition. Je parle donc de tous les types de risques et j'aimerais savoir comment ils seront intégrés. Je voudrais surtout savoir quand les Canadiens et les Québécois pourront compter sur une banque centrale qui intègre les risques.
     Je vais souligner quelques points.
     Premièrement, l'étude que nous avons publiée présente divers scénarios. Il y a beaucoup d'incertitudes quant aux effets des changements climatiques, et nous ne sommes pas en mesure de faire de prévisions à cet égard. Cependant, il est très utile et très important d'avoir recours à des scénarios pour évaluer les risques.
    Les scénarios que nous avons utilisés sont axés sur les risques de transition vers un objectif carboneutre. Cependant, ces scénarios n'incluent pas les risques physiques, comme les tempêtes ou les sécheresses qui sont plus fréquentes. Cela dit, nous allons également tenir compte de ces risques à une autre étape.
     Des événements récents ont fait ressortir un autre aspect, c'est-à-dire les délais. Même nos scénarios tiennent compte des délais pour entamer cette transition climatique. Comme Mme Rogers l'a souligné, c'est plus coûteux lorsqu'il y a des délais.
    Cela dit, ces scénarios sont probablement trop optimistes parce que, dans le modèle que nous présentons, tout le monde connaît les politiques climatiques et tout le monde connaît les prévisions. Ainsi, en vertu de ces scénarios, les investissements dans de nouvelles sources d'énergie seront accessibles au fur et à mesure que les investissements dans le pétrole diminueront, et il ne semble pas y avoir de problème du point de vue de la coordination.
    Or, ce que nous voyons partout au monde, c'est que la question de la sécurité d'énergie devient de plus en plus importante et qu'il n'est pas évident que l'offre pourra répondre à la demande.
    Nous avons donc beaucoup de travail à faire pour réussir à modéliser une situation où la coordination n'est pas très bonne.
(1255)

[Traduction]

    Madame Sinclair-Desgagné, votre temps de parole est écoulé.

[Français]

    J'ai une brève question à vous poser.
    Quand pensez-vous que ces risques physiques pourront être intégrés dans une prochaine étude?

[Traduction]

    Répondez très rapidement.
    Nous y travaillons en ce moment. Nous nous ferons un plaisir de vous fournir plus de détails à ce sujet.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Notre dernier intervenant pour la séance d'aujourd'hui sera un membre du NPD.
    Monsieur Blaikie, la parole est à vous pour les trois prochaines minutes à peu près.
    L'une des choses que j'apprécie chez ce président, c'est qu'il garde toujours le meilleur pour la fin.
    Nous avons abordé un certain nombre de facteurs différents aujourd'hui, que ce soit la COVID, la guerre ou les changements climatiques qui ont eu une incidence sur l'inflation. Nous avons parlé de certaines causes nationales, dont les prix abusifs dans le secteur privé qui, à mon avis, ont été bien documentés par les gens de l'organisme Canadiens pour une fiscalité équitable et du Centre canadien de politiques alternatives. Il est clair qu'il y a beaucoup de conjectures, et nous en avons entendu quelques-unes aujourd'hui, sur le rôle du gouvernement en matière de politique fiscale et d'inflation et peut-être certains appels qui ont été faits à la Banque du Canada sur la question de la politique monétaire et les scénarios possibles qui ont été évoqués.
    Si l'on remonte dans le temps à octobre 2021, les propos tenus par certains parlementaires étaient que les prestations de la pandémie, en particulier la Prestation canadienne d'urgence et la Prestation canadienne de relance économique, favorisaient l'inflation. Je veux dire, soyons honnêtes: la plus grande part des dépenses gouvernementales pendant la pandémie a été consacrée au soutien direct du revenu des Canadiens. C'est de cela qu'il s'agit quand on parle de politique fiscale. Je pense qu'il était implicite, et parfois explicite, que l'argument visait à dire que si les soutiens au revenu pendant la pandémie étaient retirés de l'équation, on observerait un ralentissement de l'inflation maintenant.
    Les programmes de prestations liées à la pandémie ont été presque entièrement annulés à la fin d'octobre 2021. Les programmes qui ont été mis en place au cours de cette législature étaient beaucoup moins importants. Ils étaient plus difficiles d'accès. Ils ont procuré moins d'avantages aux Canadiens pendant le confinement causé par le variant Omicron que les prédécesseurs lors des vagues précédentes, et pourtant l'inflation a grimpé en flèche et continue d'augmenter depuis l'élimination de la prestation. Je n'insinue certainement pas qu'il existe un lien de cause à effet ou même une corrélation entre l'élimination de ces programmes et l'inflation, mais il me semble assez clair que le soutien au revenu pendant la pandémie n'a pas été un moteur important de l'inflation ou que nous aurions constaté une certaine diminution de l'inflation, si ces programmes n'avaient pas existé.
    Il y a encore des gens qui sont en grande détresse, pas explicitement à cause des confinements, mais je pense aux gens de l'industrie du voyage et du tourisme, en particulier les conseillers en voyage indépendants. Je pense aux gens du secteur des arts et de la culture qui, bien que les lieux soient ouverts, n'ont tout simplement pas vu le même nombre de spectateurs revenir. Dans certains cas, oui, mais dans d'autres, non.
    Je me demande si vous avez des réflexions rétrospectives sur les programmes de prestations en cas de pandémie et des idées sur la nécessité d'offrir un soutien continu dans certains volets importants de notre économie, comme les voyages et le tourisme, que nous voulons voir revenir. Dans un marché du travail compétitif, nous ne voulons pas voir tous ces gens se diriger vers un autre secteur de l'économie, car ce sont des compétences et une expertise qui ne seront pas disponibles pour les entreprises canadiennes lorsque ces industries se rétabliront, ce qui ne s'est pas encore produit autant que nous l'aurions voulu, mais qui se produira sans doute.
    Je me demande si vous pourriez faire part de quelques-unes de vos réflexions à ce sujet au Comité.
    Vous avez soulevé beaucoup d'éléments.
    Je pense avoir été très clair concernant notre mandat et nos objectifs. Je vais laisser au directeur parlementaire du budget et à d'autres organismes le soin d'évaluer la réponse du gouvernement à la pandémie. Je me concentre sur la réponse de la politique monétaire, sur le besoin actuel d'une économie qui se dirige vers une demande excédentaire pour normaliser la politique monétaire assez rapidement.
    Je sais que les mots sont galvaudés, mais nous n'avons jamais vécu une situation de la sorte. Nous n'allions pas réussir sur tous les fronts. À la Banque du Canada, je pense que nous avons fait plus de bien que de mal, mais il y a eu quelques surprises. Nous nous en occupons, et j'espère bien qu'au bout d'un certain temps, lorsque nous regarderons en arrière, nous aurons enregistré une forte reprise avec un retour de l'inflation à la cible, nous aurons une économie bien équilibrée et en bonne croissance, et nous aurons de la prospérité dans ce pays.
    Je pense vraiment que les choses auraient pu être bien pires. La réponse collective a permis de tirer le meilleur parti d'une situation difficile, mais nous ne sommes pas encore tout à fait au bout de nos peines. Nous avons encore du travail à faire et nous en sommes très conscients.
(1300)
    Merci, monsieur Blaikie.
    Sur ce, monsieur Blaikie — le meilleur pour la fin —, je tiens à remercier le gouverneur Tiff Macklem et la première sous-gouverneure Carolyn Rogers. Les députés avaient de nombreuses questions et vous y avez répondu de manière exhaustive, avec beaucoup de détails et de points de vue. Nous vous en remercions.
    Au nom du Comité des finances, du greffier, des analystes, des interprètes et de toutes les personnes présentes, merci beaucoup. Nous vous en sommes reconnaissants. Passez une excellente journée.
    C'est un plaisir. Nous sommes reconnaissants au Comité qu'il nous demande des comptes, alors merci.
    Merci.
    La séance est levée.
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