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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 090 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 13 décembre 2023

[Enregistrement électronique]

(1635)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Bienvenue à la 90e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule selon une formule hybride, conformément au Règlement, c'est-à-dire que des membres y participent en personne et d'autres, à distance, au moyen de l'application Zoom.
    Voici quelques observations à l'intention des membres et des témoins.
    Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Vous êtes libres de vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Des services d'interprétation sont offerts.
    Bien que la salle soit équipée d'un système audio puissant, des effets Larsen peuvent se produire, ce qui risquerait de blesser grièvement les interprètes. Cet effet survient principalement parce qu'une oreillette est trop proche d'un microphone.
    En ce qui concerne la liste des intervenants, le greffier et moi-même ferons de notre mieux pour établir un ordre acceptable pour les membres.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion que le Comité a adoptée le mercredi 8 novembre 2023, nous reprenons notre étude sur les capacités diplomatiques du Canada.
    Accueillons maintenant les témoins. Nous les remercions de comparaître aujourd'hui.
    Nous allons commencer par Allan Rock qui, comme le savent les députés, est actuellement chancelier de l'Université d'Ottawa. Par Zoom, nous sommes heureux d'accueillir Louise Blais, diplomate en résidence à l'Université Laval. Il y a Stéphane Roussel, professeur à l'École nationale d'administration publique. Nous sommes enfin ravis de recevoir Guy Saint‑Jacques, ancien ambassadeur du Canada en République populaire de Chine, et Pamela Isfeld, présidente de l'Association professionnelle des agents du service extérieur.
    Chaque témoin disposera de cinq minutes pour faire sa déclaration préliminaire. Nous ouvrirons le bal avec vous, monsieur Rock. Allez‑y.

[Français]

    Monsieur le président et honorables députés, bonjour.
    Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité aujourd'hui. Le mandat de ce comité est crucial, car on y évalue la capacité d'Affaires mondiales Canada à remplir ses fonctions importantes et à réaliser ses objectifs essentiels.

[Traduction]

    Les enjeux ne manquent pas. Le réchauffement climatique représente une menace existentielle qui est en train de tout chambouler, de la production alimentaire aux transports en passant par la santé publique mondiale. Les flux massifs de migrants, dont beaucoup sont déplacés de force, déstabilisent les sociétés et changent les gouvernements dans bien des pays. Alors que, à l'échelle de la planète, les démocraties perdent du terrain, aussi bien en nombre qu'en puissance, l'autoritarisme, lui, progresse.
    Deux guerres intenses mettent chacune en jeu les intérêts nationaux du Canada et elles ne semblent pas près de prendre fin. En théorie, le Conseil de sécurité constitue l'organe le plus puissant de l'ONU, mais il est gravement dysfonctionnel, si bien qu'on peut douter qu'il arrive à remplir son rôle. En effet, par l'entremise du BRICS, de grandes puissances repensent la gouvernance mondiale pour en populariser un nouveau modèle qui leur semble mieux servir leurs intérêts.

[Français]

    La mission d'Affaires mondiales Canada est de représenter et de promouvoir les valeurs et les intérêts du Canada dans cet environnement instable et volatil, non seulement en menant une politique étrangère cohérente, mais aussi en coordonnant les efforts des portefeuilles du commerce...

[Traduction]

    Tout va bien?
    Mille excuses, veuillez poursuivre.

[Français]

     J'ai probablement parlé trop rapidement.
    Je viens de dire que la responsabilité d'Affaires mondiales Canada est de maintenir une politique étrangère cohérente, tout en coordonnant les portefeuilles du commerce et du développement international.

[Traduction]

    Dans ce contexte, permettez-moi de cibler trois sujets qui, à mon humble avis, méritent que le Comité s'y penche.
    Tout d'abord, il y a le financement. En effet, pour réussir, Affaires mondiales Canada et le service extérieur doivent disposer de ressources conformes à l'envergure et à la gravité de leur mission. Autrement dit, il faut de l'argent pour établir ou maintenir une présence adéquate à la fois dans les capitales et aux carrefours les plus stratégiques d'un monde multilatéral. Il s'agit également de fournir une aide au développement suffisante pour gagner en influence et en crédibilité auprès de nos partenaires. Sur les deux plans, comparativement à nos principaux alliés, nous ne faisons pas le poids.
    Ensuite, Affaires mondiales Canada doit s'ouvrir à de nouvelles perspectives. Le ministère ne peut pas évoluer en vase clos. Il doit solliciter des opinions variées et consulter des experts hors de ses rangs, notamment au sein du milieu universitaire, de groupes de réflexion ou de la société civile. En confrontant divers points de vue grâce à des consultations et à des affectations provisoires, il sera mieux à même de se préparer à ce que réserve l'avenir. Il pourrait s'agir, par exemple, de revenir aux anciennes journées de consultation annuelle ou de mettre sur pied des organes consultatifs permanents.
    Enfin, il faut faire place à l'audace. Sur la scène internationale, le Canada a déjà fait figure de véritable laboratoire d'idées brillantes. Nous avons été une cheville ouvrière de la création de la Cour pénale internationale. Nous avons joué un rôle fédérateur à l'égard de ce qui allait devenir la Convention d'Ottawa, qui interdit les mines antipersonnel. Nous avons institué le programme d'action pour la sécurité humaine et nous en avons fait un pilier du travail du Conseil de sécurité, lorsque le Conseil de sécurité remplissait son rôle du moins. Certaines orientations du programme n'ont d'ailleurs rien perdu de leur pertinence, comme la protection des civils; les femmes, la paix et la sécurité; les enfants et les conflits armés; et le devoir de protection.
    Malgré tout, nous continuons d'avoir beau jeu d'exercer un rôle structurant en devenant à la fois un incubateur et un catalyseur d'idées originales et de perspectives nouvelles, comme nous l'avons d'ailleurs fait dans l'histoire récente.
(1640)

[Français]

    Cependant, nous pouvons en faire beaucoup plus. Le ministère et ses fonctionnaires devraient être encouragés à imaginer un rôle de premier plan pour le Canada dans la conception de nouvelles solutions aux problèmes contemporains.
    Monsieur le président, il y a d'autres sujets importants que je pourrais mentionner et qui seront peut-être soulevés au cours de la période de questions du Comité.

[Traduction]

    Je pense notamment à la mise en commun efficace de l'information entre Affaires mondiales Canada, le milieu du renseignement de sécurité et la défense; à l'urgence de procéder à des embauches stratégiques et à des mutations latérales pour bâtir le ministère de demain; à l'importance d'améliorer les services consulaires ainsi qu'à la nécessité de faire figure d'autorité en matière de justice pénale internationale et auprès de la Cour internationale de justice.
    Merci encore, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, de m'avoir invité.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Rock.
    Passons maintenant à Louise Blais, qui se joint à nous par Zoom.
    Madame Blais, vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration préliminaire.

[Français]

    Je tiens à remercier le Comité des affaires étrangères et du développement international de cette invitation qui me permet d'être avec vous aujourd'hui.
    Les questions sur lesquelles vous vous penchez sont fondamentales. Dans l'absence d'une revue complète de notre politique étrangère, il est important d'examiner les capacités actuelles du Canada pour faire face à ce monde en évolution.
    C'est donc un honneur et un privilège pour moi de vous faire part de mes observations, qui sont basées sur l'expérience que j'ai acquise au cours de ma longue carrière au sein d'AMC, incluant mon expérience de la dernière campagne du Canada pour un siège au Conseil de sécurité des Nations unies.
    Chers distingués membres du Comité, dire que le monde a changé est devenu un cliché. Malheureusement pour le Canada, cela ne s'est pas fait pas d'une manière favorable à nos intérêts. Cependant, ce à quoi nous faisons face aujourd'hui est de notre ressort, car il s'agit de notre incapacité, jusqu'à maintenant, à nous adapter à cet échiquier mondial en évolution.
    Plusieurs facteurs sont responsables de ce constat. Au premier plan, la bureaucratisation d'Affaires mondiales Canada a sapé son efficacité. En effet, les qualités essentielles de la diplomatie telles qu'une analyse solide, la collecte de renseignements, les réseaux internationaux, les compétences en matière de négociation et le temps passé à l'étranger ont été remplacées par les prouesses de gestion interne. Au cours des 20 dernières années, les fonctionnaires qui ont accédé à des postes de haut niveau l'ont majoritairement fait sur la base de leurs compétences administratives plutôt que sur leur expérience en matière de politique étrangère.
    Tout aussi dommageables, les charges administratives qui pèsent sur nos missions à l'étranger font que les diplomates passent plus de temps dans les ambassades à s'occuper de ressources humaines et d'autres initiatives internes que de diplomatie.
    Un manque de coordination entre les ministères sur les enjeux mondiaux a aussi été défavorable. Le déséquilibre entre les priorités interdépartementales mine parfois directement nos intérêts. Par exemple, un an avant le vote pour le Conseil de sécurité des Nations unies, alors que le Canada était candidat, le ministère de l'Immigration a mis en place de lourdes exigences biométriques pour les gens en provenance de douzaines de pays malgré les conseils d'Affaires mondiales Canada. Cela n'a pas augmenté nos chances.
    Alors, comment peut-on s'assurer aujourd'hui que le Canada a les outils pour naviguer le contexte géopolitique actuel?
    Premièrement, nous avons besoin d'une politique étrangère plus étroitement liée à nos intérêts fondamentaux et moins axée sur l'étalage de vertu. Pour y parvenir, nous devons fixer des priorités claires et réduites en nombre. Le Canada appartient à beaucoup plus d'organisations internationales que de nombreux pays de taille similaire. Nous sommes trop dispersés. Un examen systématique de nos engagements et une rationalisation de notre champ d'activité s'imposent.
    Deuxièmement, il faut remettre l'expérience étrangère au cœur des compétences requises pour les hauts fonctionnaires d'AMC et les chefs de missions. La diplomatie est une profession extrêmement complexe. On acquiert des connaissances et des compétences au fil du temps en commençant par des postes de moindre importance sur le terrain. Cette expérience n'a pas d'équivalent dans le reste de l'appareil gouvernemental. On néglige son importance à ses risques et périls.
(1645)

[Traduction]

    J'ai récemment eu l'honneur de corédiger avec Michael Manulak et Kerry Buck un article intitulé « Canada and the United Nations: Rethinking and Rebuilding Canada's Global Role », qui formule des recommandations pour que le Canada se démarque, dans le contexte de tensions qui caractérise actuellement les Nations unies, en jouant un rôle structurant. Je vous en transmettrai la version intégrale avec plaisir. Il y a quelques recommandations déterminantes qui se rapportent au sujet de l'audience d'aujourd'hui.
    La première serait de faire l'inventaire de nos priorités à l'ONU afin de n'en cibler que cinq ou six, puis de les faire connaître à nos alliés afin de travailler en complémentarité. En effet, dans bien des dossiers, l'Union européenne négocie au nom de ses membres à l'ONU, tandis que des pays comme le Canada, l'Australie et la Nouvelle‑Zélande sont mis à rude épreuve, vu les chantiers de plus en plus nombreux des Nations unies.
    Nous devons adapter nos méthodes de travail.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Blais.
    C'est maintenant au tour de M. Roussel.
    Monsieur Roussel, vous avez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire.

[Français]

    Je tiens à remercier le Comité de m'avoir invité, aujourd'hui. C'est toujours un grand privilège que de pouvoir s'adresser aux élus de la Chambre des communes.
    Le Canada va être confronté, au cours des années à venir, à de grands défis structurels. On a déjà mentionné les changements climatiques. La lutte contre les changements climatiques doit être une priorité. Nous assistons aussi à la montée de la Chine, qui deviendra peut-être une des deux grandes superpuissances du système international, ce qui va bouleverser beaucoup de choses.
    L'élément sur lequel j'aimerais attirer l'attention des membres du Comité, aujourd'hui, est le risque, malheureusement de plus en plus réel depuis quelques mois, que nous voyions élire, aux États‑Unis, un président ou, en fait, une équipe dirigeante qui abandonne le rôle joué par les États‑Unis, à titre de chef de file du monde occidental, et de garant de l'ordre international dans lequel nous fonctionnons depuis la Seconde Guerre mondiale.
    Je ne suis pas le seul parmi mes collègues à me préoccuper de questions comme celles-là. Je pense notamment à mon collègue Kim Richard Nossal, retraité de l'Université Queen's, qui a publié, il y a quelques semaines, un ouvrage qui s'intitule Canada Alone: Navigating the Post-American World et qui pose aussi ce problème comme étant au cœur de ce qui devrait préoccuper le Canada. Actuellement, je parle en mon nom propre, mais je le mentionne, parce que c'est, je pense, une ressource importante pour le Comité.
    Il y a donc de fortes chances que la prochaine présidence américaine soit beaucoup plus proche d'une politique étrangère isolationniste, teintée de méfiance, sinon de mépris, à l'égard des institutions internationales, y compris des alliances militaires comme l'OTAN, et qui aurait des relations pour le moins tendues, ou difficiles, même avec ses alliés et ses plus proches partenaires.
    Naturellement, je fais allusion à Donald Trump, mais l'individu lui-même n'est plus, à mon sens, aussi important, dans la mesure où le Parti républicain des États‑Unis et un grand nombre de dirigeants américains épousent l'approche du « Make America Great Again », ou encore du « America First ». Cette politique, que nous attribuons généralement à Donald Trump, peut donc devenir institutionnalisée dans la politique étrangère américaine.
    Ce phénomène a plusieurs conséquences pour le Canada. D'une part, le Canada risque d'avoir des relations très difficiles avec les États‑Unis au cours des années, voire des décennies à venir; d'autre part, le système international qui a été mis en place, en grande partie sous la direction des États‑Unis après la Seconde Guerre mondiale, pourrait être remis en question. Or ce système international a largement servi les intérêts du Canada.
    Pour y faire face, quelles recommandations pouvons-nous faire? Je n'aborderai pas les stratégies, aujourd'hui. Le Canada utilise généralement trois ou quatre grandes stratégies dans ses relations avec les États‑Unis, mais je rappellerai simplement qu'advenant l'élection d'un gouvernement plus isolationniste en novembre prochain, le gouvernement canadien devra, cette fois, être prêt au lieu d'improviser en catastrophe une politique à l'endroit des États‑Unis, comme cela semble avoir été le cas en 2016‑2017.
    En ce qui a trait à l'objet des travaux actuels du Comité, la nécessité d'avoir un appareil diplomatique très compétent, et avec un personnel très nombreux, va être cruciale dans ce contexte. D'une part, le gouvernement canadien va sans doute s'appuyer sur une stratégie classique, qui consiste à cultiver ses relations avec les groupes d'intérêts, aux États‑Unis, qui seraient également avantagés de maintenir de bonnes relations avec le Canada.
    D'autre part, le Canada doit aussi cultiver des relations peut-être plus étroites avec les autres États, notamment les États occidentaux qui se retrouveraient dans une situation similaire et qui devraient aussi faire face à un gouvernement américain plus replié sur lui-même et peut-être plus dur dans ses relations avec les autres.
    Ces deux missions fondamentales d'Affaires mondiales Canada exigent effectivement des ressources, et elles exigent un personnel sur le terrain, donc des agents du service extérieur, à la fois nombreux et prêts à remplir ce rôle.
    Je vous remercie, monsieur le président.
(1650)
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Passons à M. Saint‑Jacques.
    Vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de votre invitation à témoigner aujourd'hui.
    J'ai passé près de 40 ans à Affaires mondiales Canada, dont 25 à l'étranger. À Ottawa, entre autres choses, j'ai travaillé pendant cinq ans au bureau du personnel, où j'étais responsable d'environ 2 000 employés permutants, c'est-à-dire ceux dont la carrière alterne entre des postes à Ottawa et des postes à l'étranger. Je supervisais donc le recrutement du personnel, les affectations à Ottawa et à l'étranger, incluant les chefs de mission, les promotions, mais aussi les conditions de service à l'étranger.
    Il est bon de noter que plus de 60 % des employés servent dans des postes difficiles à l'étranger et qu'il faut essayer de gérer les carrières en utilisant un équilibre entre les affectations difficiles et celles qui sont un peu plus faciles, tout en développant des expertises régionales, ce qui inclut l'apprentissage de langues difficiles. Il faut aussi préciser que cette carrière pose des défis particuliers en ce qui concerne la carrière des conjoints, le déplacement de la famille tous les trois ou quatre ans, le choix d'une nouvelle école pour les enfants, sans mentionner les problèmes de sécurité.

[Traduction]

    On peut dire sans se tromper que les problèmes sont nombreux à Affaires mondiales Canada. Qu'est‑ce qui explique cette situation?
    Je dirais qu'il y a eu des tensions par le passé entre la Commission de la fonction publique et lui. La Commission voulait qu'il ouvre ses concours aux fonctionnaires d'autres ministères. Or, ce serait faire abstraction du fait que le milieu de travail à Affaires mondiales Canada n'a rien à voir avec celui du reste de l'appareil fédéral, sans oublier qu'on ne devient pas diplomate en un claquement de doigts.
    Affaires mondiales Canada a fini par perdre la bataille. Depuis 15 ou 20 ans, des personnes sont donc embauchées sans vraiment avoir d'expérience pertinente. Une succession de sous-ministres venant de l'extérieur du ministère est venue aggraver le problème, avec pour conséquences une perte d'expertise à l'égard des affaires étrangères et un manque de sensibilité aux difficultés particulières que rencontrent les fonctionnaires qui travaillent à l'étranger ainsi qu'à la culture du ministère.
    Voici un exemple simple: depuis toujours, à Washington, à Londres et à Paris, si l'ambassadeur était anglophone, son numéro deux devait être francophone, et vice versa. C'était pour des raisons évidentes d'unité nationale. Eh bien, quelle est la situation actuelle? Les numéros deux à Londres et à Washington sont anglophones, bien que les ambassadeurs le soient également.
    De plus, pour des raisons qui s'expliquent difficilement, même si on savait il y a 20 ans que beaucoup d'employés partiraient à la retraite au fil du temps, le ministère a cessé des années durant d'embaucher des agents du service extérieur. Nous nous sommes donc retrouvés pris dans l'engrenage. Affaires mondiales Canada a cessé d'embaucher de jeunes Canadiens brillants, de les former et de les envoyer en affectation pour qu'ils acquièrent de l'expérience en perfectionnant leurs compétences, avec pour conséquence une perte graduelle de la qualité de ses conseils pour le ministre et le gouvernement.
    Pour tout dire, je trouve que l'ancien premier ministre et le premier ministre actuel ont négligé la politique étrangère parce qu'ils ne se rendent pas compte qu'elle influe sur la prospérité économique du pays. De plus, le fait qu'il y ait eu cinq ministres des Affaires étrangères depuis 2015 n'a aucunement aidé à rebâtir notre expertise.
    J'ajouterais que ce n'est pas en multipliant les nominations politiques à des postes d'ambassadeur dans nos missions les plus névralgiques que nous convaincrons nos partenaires de nous prendre au sérieux.
(1655)

[Français]

    Cela étant dit, je félicite la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, qui a bien compris que son ministère avait besoin d'une attention urgente, qui a reconnu les problèmes existants et qui essaie de rebâtir l'expertise du ministère. Cela prendra plusieurs années, et j'espère qu'elle aura les ressources nécessaires pour mener à bien sa mission.
    Je vous recommande également de lire le rapport que le Sénat vient de publier, intitulé « Plus qu'une vocation : le Canada doit se doter d’un service extérieur adapté au XXIe siècle ». Parmi les recommandations de ce rapport, je vous inviterais à porter une attention particulière à la nécessité d'organiser des concours annuels de recrutement de gens du service extérieur, de relancer le programme de formation, d'apporter plus d'attention aux difficultés que rencontrent les conjoints et les familles à l'étranger et de reconnaître enfin que le travail de diplomate est différent de celui qu'on peut retrouver dans le reste de la fonction publique.
    En conclusion, j'ajouterai qu'il est urgent que le Canada augmente les budgets consacrés à la défense, particulièrement dans le Nord canadien. Ces dépenses pourraient d'ailleurs compter dans le cadre des dépenses à l'OTAN.
    Il faut aussi consacrer plus d'attention au développement international. Le Canada a déjà eu beaucoup d'influence grâce à ses investissements dans le domaine du développement.
     Il ne faut pas chercher plus loin la raison pour laquelle nos deux dernières campagnes pour siéger au Conseil de sécurité des Nations unies ont été des échecs.
    Merci, je serai heureux de répondre à vos questions.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Saint‑Jacques.
    C'est maintenant le tour de Mme Isfeld.
    Vous avez cinq minutes.

[Français]

    En tant que présidente de l'Association professionnelle des agents du service extérieur, l'organisme qui représente les 2 000 agents de service actuels au Canada, je suis très heureuse d'être ici.

[Traduction]

    Étant donné que je fais moi-même carrière comme agente du service extérieur, je suis on ne peut plus ravie que le Comité ait choisi de s'informer sur les capacités diplomatiques du Canada auprès des acteurs de terrain.
    Je crois que mon exposé sera un peu plus terre‑à‑terre que certains autres, car il s'inspire de ce que nous rapportent les personnes qui travaillent un peu partout dans le monde.
    Dans la fonction publique canadienne, le groupe FS est le seul dont tous les membres sont voués à travailler aussi bien au pays qu'à l'étranger; c'est une condition d'emploi sine qua non. Or, cette réalité ne concerne pas exclusivement les agents du service extérieur, mais aussi leurs conjoints, leurs enfants, leur parenté, leurs amis, leurs voisins et même leurs animaux de compagnie.
    Je sais qu'il a déjà été question des bouleversements survenus dans le monde, mais depuis une dizaine d'années, les conflits internationaux ont pris une ampleur jamais vue depuis la Seconde Guerre mondiale. À cela s'ajoute la pandémie mondiale, dont nous ne sommes pas encore remis, une récession économique et la crise climatique. Parallèlement, les fonctionnaires de carrière du service extérieur sont contraints de se battre pour obtenir le soutien politique, le financement, la formation et les dirigeants aguerris nécessaires pour bien représenter le Canada et les Canadiens à l'étranger.
    Nous nous sommes grandement réjouis du lancement de l'étude du Sénat sur le service extérieur, de l'initiative L'avenir de la diplomatie de Mme Joly et de la présente étude: c'est le signe que les décideurs canadiens sont peut-être prêts à accorder aux efforts diplomatiques du Canada dans le monde l'attention et les ressources concrètes qu'ils méritent. C'est une excellente nouvelle, car la situation n'a pas toujours été aussi prometteuse depuis que je suis venue grossir les rangs du service extérieur. C'était en 1993, ce qui ne me rajeunit pas, mais c'est fou comme le temps passe vite quand on a du plaisir.
    Nous sommes d'accord sur l'essentiel du rapport final du comité du Sénat, mais surtout en ce qui a trait au besoin de réinvestir dans les infrastructures diplomatiques et de politique étrangère. Nous savons bien sûr qu'il y a de moins en moins de ressources disponibles, mais il nous apparaît néanmoins essentiel de remettre le cap sur les priorités et les fonctions premières ainsi que de réinvestir dans le service extérieur. Nous espérons d'ailleurs que les perspectives que dégagera le Comité convaincront le gouvernement de donner concrètement suite aux analyses et aux réflexions judicieuses qui auront été exprimées.
    Nous sommes également d'accord sur la recommandation du comité sénatorial de revoir du tout au tout les Directives sur le service extérieur, en particulier — ce sont elles qui définissent une bonne partie des conditions de travail à l'étranger —, en les modernisant pour mieux répondre aux besoins actuels des fonctionnaires canadiens et de leurs familles.
    Beaucoup des principes qui les sous-tendent n'ont d'ailleurs fait l'objet d'aucune révision depuis le rapport de la Commission McDougall, en 1981, sans compter qu'un certain nombre des problèmes qui avaient alors été relevés n'ont jamais vraiment été réglés.
    Les lacunes sont particulièrement graves au chapitre de l'emploi du conjoint et de l'aide aux employées et aux membres de la famille en situation de handicap.
    M. Roussel a mentionné qu'il faut avoir la situation aux États‑Unis à l'œil compte tenu de ce qui pourrait survenir là‑bas. Le service extérieur a justement du mal à convaincre des effectifs d'aller y travailler, en grande partie à cause des Directives sur le service extérieur et, en particulier, de ses dispositions relatives aux soins de santé. Il convient de s'interroger sur le fait que des enjeux pratico-pratiques de ce genre peuvent nous empêcher concrètement de représenter de notre mieux le Canada et les Canadiens à l'étranger.
    Nous sommes également favorables à la recommandation du comité sénatorial au sujet du perfectionnement professionnel des fonctionnaires du service extérieur, mais je tiens à souligner — puisqu'on me fait comprendre que mon temps de parole achève — que ce savoir doit s'ajouter aux compétences diplomatiques traditionnelles que sont l'analyse, le réseautage, la sensibilisation interculturelle, la polyvalence et la capacité d'adaptation. Rien ne sert en effet d'avoir d'excellentes compétences linguistiques si on manque de discernement. Il importe de reconnaître que ces champs d'expertise sont tout aussi indispensables.
    Nous sommes très heureux que la ministre et le comité sénatorial estiment comme nous qu'il y a encore une pénurie d'effectifs. Pour lancer enfin une fleur à Affaires mondiales Canada, je signale que le ministère a pris de nombreuses mesures à ce chapitre.
(1700)
    L'Association professionnelle des agents du service extérieur a accueilli plus de 170 nouveaux membres en 18 mois, ce qui fait toute la différence lorsqu'il s'agit de représenter le Canada et de refléter le pluralisme des Canadiens tout en rajeunissant les effectifs.
    Lorsque j'ai témoigné au comité sénatorial, je crois justement avoir affirmé que l'âge moyen des agents du service extérieur est de 45 ans. Affaires mondiales Canada a répliqué que c'est plutôt 47 ans. Il faut bien sûr être à l'écoute de cette tranche démographique, c'est indéniable, mais il faut aussi prêter l'oreille aux autres, et le ministère prend des mesures à cet effet...
    Madame Isfeld, vous avez eu 5 minutes 30. Je vous prie de terminer en une quinzaine de secondes.
    Désolée.
    Je tiens simplement à vous remercier. Cinq minutes 30, ce n'est pas très long, alors je me ferai un grand plaisir de répondre aux questions des membres du Comité.

[Français]

     Merci beaucoup à tous.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Isfeld.
    Passons maintenant aux questions des membres, à raison de quatre minutes chacun pour la première série.
    Tout d'abord, il y a M. Aboultaif.
    Je remercie les témoins de leurs témoignages éclairants.
    Les ressources, le financement, l'influence, la crédibilité, l'ouverture: il y a tellement de fronts où il faut intervenir. Selon M. Roussel, nous devons nous préparer à la prochaine administration des États-Unis, sans compter que nos relations avec la Chine et l'Inde ont déjà été meilleures.
    Messieurs Rock et Saint‑Jacques, comment composerons-nous avec les États‑Unis et la Chine? Ces deux superpuissances semblent sur la même longueur d'onde à bien des égards, même si chacune a ses propres perspectives sur son rôle d'impulsion et sur l'avenir de la planète. Comment le Canada peut‑il gérer ces relations? Est‑il possible de renouer des relations cordiales? Est‑ce envisageable?
    Allez‑y le premier, monsieur Rock.
    Je vous remercie.
    Selon moi, oui. Déjà, dans le cas des Américains, tout dépendra de ce qui arrivera en novembre. Je rappelle que nous ignorons ce qui se passera à la Maison-Blanche dans un an, et certaines éventualités font plutôt froid dans le dos. Que les Américains fassent ou non pencher la balance du bon côté, ils seront toujours juste à côté. Nous ne pouvons pas faire abstraction de cette réalité. Nous devons y faire face.
    Je trouve que le gouvernement actuel a adopté une approche judicieuse au cours du premier mandat de M. Trump en dépêchant toutes les ressources possibles auprès des autres ordres de gouvernement, c'est‑à‑dire les gouverneurs, les sénateurs et les représentants, pour faire sentir la présence du Canada et exprimer ses points de vue sans avoir à confronter personnellement cet homme. La stratégie m'a semblé efficace, puisqu'elle a contribué à adoucir la position de l'administration au moment de renégocier l'Accord de libre-échange nord-américain. Il a fallu du doigté pour décider d'intervenir à tel ou tel endroit en affectant les ressources latéralement. C'est une approche judicieuse.
    En ce qui a trait à la Chine, il faut de toute évidence calmer le jeu avant de pouvoir envisager de renouer. J'ai toujours eu l'impression que le domaine de la santé — les soins, la santé publique — constitue un levier efficace pour briser la glace. J'ai été ministre fédéral de la Santé pendant presque cinq ans. À l'époque, j'ai instauré une rencontre annuelle entre les ministères de la Santé de nos deux pays. Nous avons ainsi appris que nous avions énormément de points communs. Les Chinois admirent notre régime public. À leurs yeux, avoir un payeur unique est le moyen le plus efficace de fournir des soins à plus de 1,3 milliard de personnes.
    De plus, ils s'intéressent à notre modèle de soins communautaires. Lorsque j'étais recteur de l'Université d'Ottawa, notre Faculté de médecine a été choisie en vue d'ouvrir celle de l'Université de Shanghaï—Jiao Tong. Les responsables là‑bas ont repris notre programme d'enseignement. Les professeurs sont venus sur notre campus pour apprendre comment enseigner la matière. À leur retour, une faculté de médecine a ouvert ses portes à Shanghaï. Elle applique notre programme, car les autorités veulent qu'après quatre années d'études, les diplômés pratiquent la médecine communautaire ou familiale.
    Fonder ainsi nos relations sur un intérêt commun pour la santé, un domaine crucial qui induit une perception très favorable, peut ouvrir des portes, rendre les intervenants mieux disposés et relâcher les tensions de manière à faire avancer des dossiers plus sensibles. Il y a des moyens à notre disposition.
(1705)
    Monsieur Saint‑Jacques, que répondez-vous à la même question?
    Pour ce qui est des États‑Unis, il faut tout d'abord suivre attentivement l'évolution de la situation. J'estime moi aussi que le ministère et le gouvernement ont fait la preuve qu'il est possible de mener à bien des actions concertées, y compris avec les premiers ministres des provinces — après tout, ils sont plusieurs à entretenir de bonnes relations avec des gouverneurs —, pour montrer à quel point la prospérité des États‑Unis est tributaire du Canada.
    En ce qui a trait aux pays avec qui les relations sont difficiles, Mme Joly a dit dernièrement que le Canada miserait sur une « diplomatie pragmatique », et j'ai trouvé cela encourageant. J'espère que cette approche implique la nomination d'ambassadeurs dans des pays comme l'Iran. Je suis d'ailleurs ravi que nous ayons désormais un ambassadeur en Arabie saoudite. C'est important de discuter avec eux...
    Monsieur Saint‑Jacques, je vous laisse 15 secondes pour terminer votre réponse, si vous le voulez bien.
    En ce qui concerne la Chine, la Stratégie pour l'Indo-Pacifique constitue une approche fort prometteuse.
    Je suis par ailleurs d'accord avec M. Rock: la santé mondiale, l'environnement et la biodiversité sont d'excellents domaines où concentrer nos énergies. J'espère que les deux parties voudront...
    Je crains de devoir vous interrompre, monsieur Saint‑Jacques. Je suis désolé.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Puis‑je obtenir une précision? De combien de temps disposons-nous au cours de ce tour?
    Pour les questions, c'est quatre minutes.
    Pourquoi donc? Nous avons jusqu'à 18 heures.
    Si vous vous rappelez, il y a eu des discussions auparavant. On semblait avoir convenu de terminer à 17 h 30. M. Rock doit partir à 17 h 45. Quelqu'un s'est absenté, mais cette personne est de retour. Nous envisagions, si les membres...
    Puisque nous avons finalement décidé de poursuivre la réunion jusqu'à 18 heures, comme prévu, serait‑il possible de laisser à M. Aboultaif les sept minutes auxquelles il a droit?
    Il n'a jamais droit à autant de temps. Personne ne dispose jamais de sept minutes. Le maximum est de six minutes. Quoi qu'il en soit, M. Aboultaif a largement dépassé son temps de parole, d'une minute et demie. En fait, il a eu cinq minutes et demie.
    Plaît‑il au Comité de poursuivre avec les témoins jusqu'à 18 heures ou 17 h 30?
    Des voix: Allons‑y jusqu'à 18 heures.
    Le président: D'accord.
    Par conséquent, nous ne discuterons pas des travaux du Comité par la suite.
    Peu importe le temps qu'il faudra... Nous avons de 18 heures à 18 h 30.
    J'invoque le Règlement.
    Je croyais qu'il y avait eu une demande pour terminer à 18 heures — pas de notre côté, mais de l'autre côté, pour les célébrations des Fêtes.
    C'est exact. J'ai demandé aux autres membres s'ils étaient d'accord. A priori, ils avaient dit oui, mais il semble y avoir eu un changement de plans.
    Monsieur le président, voici ce que je propose. Nous avons tellement de témoins à entendre. Nous pourrions poser des questions aux témoins jusqu'à 18 heures, puis discuter des travaux du Comité à huis clos aussi longtemps qu'il le faudra. Nous avons jusqu'à 18 h 30. Cela ne prendra peut-être que cinq minutes. Je pense que nous sommes tous très disposés à...
    Certainement.
    Je demanderais toutefois qu'à partir de maintenant, lorsque les députés s'entendent sur quelque chose, ils ne changent pas d'idée après le début des délibérations.
    Aucune motion n'a été présentée aujourd'hui.
    Ce n'était pas une motion. Nous avons eu des discussions. Monsieur Hoback, vous n'étiez pas présent dans la salle, mais oui, il y a eu entente entre les autres députés.
(1710)
    Non, il n'y en a pas eu. Je n'étais pas là.
    Vous n'étiez pas là, monsieur Hoback, mais oui, il y a eu entente. J'ai personnellement parlé aux députés présents.
    J'étais là quand la réunion a commencé. Vous n'avez pas dit, depuis le début de la séance, que les plans avaient changé.
    C'était avant votre arrivée. J'en ai parlé avec les députés présents. Je n'ai jamais dit que c'était une motion, monsieur Hoback.
    Alors vous n'avez pas... L'ordre du jour était établi...
    Monsieur Hoback, attendez une seconde, s'il vous plaît. Je n'ai jamais dit qu'il y avait eu une motion. J'ai dit que j'en avais discuté avec les députés. Tout le monde voulait que les témoins restent avec nous jusqu'à 18 heures.
    Est‑ce que tout le monde est d'accord?
    Des voix: D'accord.
    Le président: D'accord.
    Pourquoi ne pas procéder ainsi?
    Monsieur Aboultaif, pouvons-nous convenir du fait qu'il vous reste une minute? Je donnerai ensuite la parole aux autres députés pour six minutes.
    Merci.
    La question s'adresse à Mme Blais.
    Il y a eu cinq ministres des Affaires étrangères différents en six ans... Cela a‑t‑il une incidence sur la stratégie du ministère et sur la politique des affaires étrangères du Canada?
    Le rôle de ministre des Affaires étrangères se fonde sur les relations et l'expérience. Lorsqu'on change constamment de ministre, cela rend les choses plus difficiles. Pendant notre campagne au Conseil de sécurité de l'ONU, nous avons essentiellement eu trois ministres différents. Quand un ministre commence à avoir des relations avec ses homologues, puis que tout à coup, il faut changer... Évidemment, le monde de la politique regorge de complexité, et il y a des choses auxquelles on ne peut rien.
    Je tiens seulement à dire pour le compte rendu qu'une certaine stabilité au poste de ministre des Affaires étrangères est essentielle à la réussite d'un pays comme le Canada.
    Merci.
    Madame Chatel, vous avez six minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de leur présence, en personne ou en virtuel.
    Je vous remercie également de vos services, messieurs les ambassadeurs. Je suis très heureuse que vous ayez pris le temps de venir nous rencontrer.
    Monsieur Rock, vous parliez plus tôt d'améliorer la qualité de l'expertise à l'intérieur des affaires étrangères, mais aussi au sein du personnel diplomatique et de celui qui entoure les ambassadeurs. Vous parliez de deux choses. Vous avez parlé d'aller chercher de l'expertise, par exemple, au moyen de politiques d'échange, donc un échange entre des personnes de pratique privée à l'université, par exemple, qui ont étudié dans le domaine, soit aussi économique. Vous parliez aussi de la création d'un comité consultatif composé de personnes possédant une expertise. Par exemple, dans le cas de la Chine, il faudrait une expertise des différents secteurs qui affectent nos relations avec la Chine.
    Monsieur Saint‑Jacques, vous nous disiez qu'il faudrait plutôt rebâtir une expertise interne solide, donc miser les ressources vraiment sur notre capacité interne.
    Madame Isfeld, vous avez parlé un peu de la même chose. J'aimerais vous entendre tous les trois à ce propos. Va-t-on chercher l'expertise à l'interne par l'entremise de politiques d'échange?
    J'ai travaillé pour des organismes internationaux, et c'était une des mesures utilisées auprès des membres. Ils s'assuraient ainsi d'avoir beaucoup d'expertise et une base très solide à l'interne.
    Monsieur Rock, monsieur Saint-Jacques et madame Isfeld, j'aimerais que vous nous parliez de cela.
    Je vous remercie de votre question.
    Monsieur le président, l'ouverture du ministère aux points de vue des autres est importante. Je pense aux processus de consultations.
    Il y a quelques années, le ministère des Affaires étrangères consacrait annuellement trois jours, en janvier ou en février, pour recevoir des représentants d'ONG, d'universités, ainsi que des experts de sujets liés au ministère. Ces personnes étaient invitées à visiter Ottawa et à participer aux discussions avec les hauts fonctionnaires du ministère, pour échanger des points de vue concernant les grands projets, les grands défis qui attendaient le Canada, comme pays. Ce n'est qu'un exemple d'une approche possible.
    Il y a une autre approche potentielle. Le ministère, pour une période de deux ou trois ans, pourrait nommer des consultants, pour qu'ils puissent transmettre leur expertise et donner leur point de vue.
    L'objectif de tout cela est d'augmenter les sources d'information disponibles au ministère pour qu'on puisse avoir une perspective plus large sur le monde complexe.
    Comme vous l'avez mentionné, madame, vous avez participé à plusieurs ONG ayant des relations de responsabilité internationale. Vous avez alors une expérience et un point de vue à partager qui ont de la valeur.
(1715)

[Traduction]

    Je veux simplement dire qu'il est sain pour le ministère de rester ouvert aux différents points de vue et que c'est bon pour la politique étrangère canadienne.

[Français]

    Merci, monsieur Rock.
    J'aimerais demander à M. Saint‑Jacques de réagir à cette proposition.
    Je vous remercie de votre question.
    Ces deux approches sont nécessaires. Il faut reconnaître qu'il y a de nouveaux sujets. Par exemple, il y a environ 30 ans, on n'avait pas d'expertise au ministère sur les questions de terrorisme. Or le terrorisme est devenu un sujet important.
    Les questions d'intelligence artificielle et de cybersécurité sont aussi devenues très importantes, et on n'a pas nécessairement beaucoup d'experts.
    Ce que je prône, c'est avoir un service extérieur où on développe le plus d'expertises possible. C'est difficile de développer cette expertise, ces compétences. Il faut travailler à long terme et, au besoin, quand il y a des besoins ponctuels, il faut essayer d'aller chercher des spécialistes.
    Comme le disait M. Rock, il faut encourager les consultations avec les universités, les groupes de réflexion de la société civile, pour entendre d'autres points de vue. Je suis tout à fait en faveur quand de le faire quand c'est possible. Il n'y a pas de contradiction entre les deux.
     Madame Isfeld, voulez-vous ajouter quelque chose?

[Traduction]

    Merci.
    Je suis d'accord avec mes collègues pour dire qu'il n'y a pas à choisir entre les deux. Nous avons besoin des deux types d'expertise.
    Avant d'occuper le poste de présidente de l'Association professionnelle des agents du service extérieur à temps plein, j'étais directrice adjointe de la recherche sur les politiques étrangères à Affaires mondiales Canada. J'étais particulièrement frustrée du manque chronique de personnel au ministère; nous avions beaucoup de mal à protéger notre petit groupe d'experts de la recherche sur les politiques étrangères des tâches quotidiennes.
    Notre travail ne consistait pas nécessairement à être des experts dans chaque dossier. Comme M. Saint-Jacques l'a souligné, de nouveaux problèmes surgissent constamment. Cependant, on peut être un expert des experts et savoir où aller chercher l'expertise voulue à l'extérieur. C'est le genre de choses que j'aimerais voir Affaires mondiales faire plus souvent.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à M. Bergeron.
    Vous avez six minutes, monsieur.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins d'être des nôtres et de contribuer à notre réflexion sur l'avenir de la diplomatie canadienne.
    Madame Blais, Jennifer Welsh, directrice du Centre d'études sur la paix et la sécurité internationale de l'Université McGill, a fait savoir ceci au Comité:
Les Canadiens vivent dans un système international qui est aujourd'hui moins accueillant à l'égard de nos intérêts et de nos valeurs qu'à tout autre moment depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
    Je crois comprendre que vous partagez ce point de vue. Qu'est-ce qui a amené cette détérioration de la perception des valeurs canadiennes dans le monde? Comment faire pour repositionner le Canada dans ce contexte changeant?
    Je vous remercie de votre question.
    Dans le contexte international, surtout multilatéral, il faut observer l'ONU. En effet, celle-ci avait une cinquantaine de membres dans les années 1950, et, aujourd'hui, elle en a 193.
     Il, y a eu une montée de l'hémisphère Sud, qui s'affirme dans les enceintes internationales, par l'entremise des groupes de négociation dont le Groupe des 77, ou G77. Il s'agit en fait d'environ 130 pays accompagnés par la Chine et qui négocient en bloc à l'ONU. Ils ont, de facto, les deux tiers des sièges de l'ONU. Aujourd'hui, l'influence du Canada s'est amoindrie dans cette compagnie, qui s'est agrandie.
    Cependant, le Canada ne s'est pas aidé au cours des dernières décennies en axant sa politique étrangère sur l'exportation de ses valeurs. Nous avons été très moralistes à l'étranger. Quand nous parlions aux pays en voie de développement, nous leur parlions de ce que nous pouvions faire pour eux et de ce qu'ils devaient faire eux-mêmes. Nous voulions les rendre à notre image.
    Aujourd'hui, on se rend compte que cela ne nous sert pas, à long terme. En effet, d'une part, nous n'avons pas réussi à changer ces pays, et notre monde devient de plus en plus autocrate. Nous n'avons donc pas réussi à rendre le monde plus à l'image du Canada.
    De plus, nous nous sommes un peu mis les pieds dans les plats, parce que, à force de dire aux autres quoi faire et de leur parler sur un plan inégal, je pense qu'il y a eu de l'usure. Maintenant, on nous écoute beaucoup moins. Personnellement, j'ai entendu des chefs d'État dire qu'effectivement, nous n'étions pas disposés à entendre leurs priorités.
    Je pense qu'il faut prendre conscience premièrement de notre position sur l'échiquier mondial et parler avec les pays des choses qui les intéressent. De plus, il faut réussir à développer des relations justement avec des pays avec lesquels nous ne sommes pas d'accord. Pour réussir à tirer notre épingle du jeu, il faut adopter un changement de ton et un changement de tactique.
     Nous nous sommes souvent entourés de ceux qui avaient des vues similaires aux nôtres, mais je pense que le Canada aurait intérêt à parler plus souvent avec les pays de l'Amérique latine, par exemple, avec les plus petits pays qui ont des choses très importantes à dire et qui ont leur propre sphère d'influence dans leur région.
(1720)
     Monsieur Roussel, d'abord, bonjour. Je suis bien heureux de vous retrouver.
    Un certain nombre d'alliés du Canada, dont les États‑Unis, le Royaume‑Uni et l'Australie, ont jugé important d'avoir une espèce de processus périodique de révision de leurs politiques étrangères. Rien de tel n'est prévu. J'ai participé à la dernière révision majeure de la politique étrangère du Canada, en 1994. Il n'y en a pas eu d'aussi complexes depuis lors. En revanche, le Canada est en train de réviser sa politique de défense.
    Ne croyez-vous pas qu'on met un peu la charrue devant les bœufs?
    D'abord, bonjour, monsieur Bergeron. Je suis heureux de vous retrouver, aussi.
    Pour ce qui est de savoir si, penser à la défense avant de songer aux affaires étrangères, c'est mettre la charrue devant les bœufs, en fait, je dirais que l'un influence l'autre. S'il est vrai que, généralement, on s'attend à ce que la politique de défense découle de la politique étrangère ou s'y conforme, je vous répondrai aussi que, dans l'histoire du Canada, ces deux entités ont pu fonctionner de manière découplée ou qu'il y a rarement eu de grands efforts pour les rendre cohérentes.
    Cela étant dit, je reviens à votre premier élément, à savoir les consultations que nous tenions sur la politique étrangère, au Canada, jusqu'à la fin des années 1990 et au tournant des années 2000.
    Ce modèle me laisse un peu ambivalent. En effet, il avait l'avantage de permettre à la société canadienne de s'exprimer, de mettre ses priorités, mais cela laissait parfois, aussi, l'impression de cooptation; le gouvernement recevait une série d'avis contradictoires de la société civile, et il n'avait qu'à choisir ceux qui faisaient son affaire.
    En revanche, il y a un autre processus que j'aime bien, et c'est une révision aux 10 ans. Cette façon de faire est en vigueur dans d'autres États. Je crois que la Norvège l'utilise. On se donne un comité qui pourrait ressembler à une commission d'enquête canadienne. Ce comité fait ses recommandations au gouvernement sur la façon dont il devrait envisager sa politique étrangère, ainsi que sa politique de défense, au cours des prochaines années.
(1725)
    Merci.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à Mme McPherson. Vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, merci beaucoup à tous nos témoins.
    Merci d'être ici en personne, monsieur Rock. Je sais que vous devez partir bientôt, alors je vais vous poser quelques questions avant que vous ne partiez. Je vais vous poser des questions sur l'actualité d'une perspective diplomatique.
    J'ai lu l'article que vous avez écrit récemment avec Lloyd Axworthy intitulé « In the conflict in Gaza, we must think about the children ». C'est un très bon article. Merci beaucoup de l'avoir écrit. Vous avez dit qu'il a longtemps été une priorité internationale de protéger les enfants des conflits armés, mais que ces dernières années, cela ne semblait plus figurer sur la liste de priorités du Canada. Vous avez posé la question suivante: n'aimons-nous pas tous nos enfants et ne voulons-nous pas tous leur épargner les horreurs de la guerre?
    J'aimerais vous poser une question sur Gaza, en particulier, et les répercussions massives du conflit sur les enfants. Nous savons que de 7 000 à 8 000 enfants ont été tués dans les bombardements et que beaucoup d'autres sont en danger en raison du blocus et de la guerre actuels. En fait, je pense qu'on peut dire que Gaza est l'endroit le plus dangereux au monde pour les enfants à l'heure actuelle.
    En Cisjordanie, nous savons qu'Israël poursuit de 500 à 700 enfants palestiniens devant les tribunaux militaires chaque année. Comme les adultes, les enfants palestiniens qui vivent en Cisjordanie occupée risquent d'être arrêtés, poursuivis et emprisonnés dans un système de détention militaire israélien qui les prive de leurs droits fondamentaux.
    À votre avis, pourquoi le Canada a‑t‑il mis tant de temps avant de réclamer un cessez‑le‑feu alors que les répercussions du conflit sur les enfants à Gaza sont si graves? Que devrait faire le Canada maintenant pour réaffirmer son engagement à protéger les enfants dans des endroits comme Israël et la Palestine ou, en fait, dans n'importe quel conflit?
    Je n'ose pas me prononcer sur le moment choisi par le gouvernement, quel qu'il soit, pour réclamer un cessez‑le‑feu. La complexité effarante des enjeux est étourdissante, et je n'envie pas ceux qui doivent prendre des décisions. Cela dit, j'étais ravi de voir, hier, que nous avons officiellement réclamé un cessez‑le‑feu.
    Pour renchérir sur votre commentaire, je rappelle que le secrétaire général a affirmé que Gaza est devenue « un cimetière pour enfants ». La population est jeune là‑bas. Les civils font les frais de toute cette violence, particulièrement les femmes et les enfants.
    C'est Graça Machel qui, en 1996, a publié un rapport sur les enfants et les conflits. Son rapport avait alors donné lieu à une conférence organisée ici, au Canada, afin de braquer les feux des projecteurs sur les enfants pris dans des conflits armés. Le secrétaire général avait alors nommé un représentant spécial pour les enfants dans les conflits armés, et le Conseil de sécurité a ensuite adopté diverses résolutions visant à nommer et à humilier les pays qui maltraitent les enfants. Il y avait au moins un mécanisme permettant d'identifier ceux qui commettaient de graves violations contre les enfants en situation de conflit. Ce mécanisme s'est affaibli au fil des ans, malheureusement. Maintenant, devant la situation à Gaza, aussi bien dire qu'il n'existe plus. C'est devenu risible.
    L'une des principales raisons pour déclarer un cessez‑le‑feu, outre l'acheminement d'aide humanitaire, c'est pour épargner la vie des enfants encore coincés là‑bas.
    Je ne sais pas si je réponds à votre question, mais cela a déjà été une priorité pour le Canada et le reste du monde. On l'a oublié. Il faut remettre cette question à l'avant-plan. Si nous n'arrivons pas à nous entendre sur quoi que ce soit d'autre dans ce monde de fous, nous devrions au moins convenir du fait que les enfants devraient être épargnés des horreurs de la guerre.
    Absolument!
    Je conviens avec vous que cet enjeu ne semble plus faire partie des priorités du Canada. Nous devrions pourtant être les chefs de file en la matière. Nous avons toutes les capacités voulues pour piloter ce dossier.
    À maintes reprises, j'ai demandé à la ministre et aux représentants d'Affaires mondiales Canada de me dire pourquoi notre pays n'apporte pas son soutien aux mécanismes de justice internationale, comme la Cour pénale internationale et la Cour internationale de justice, dans le contexte d'Israël et de la Palestine. Je suis ravie de constater que nous appuyons de telles enquêtes dans des endroits comme l'Ukraine, mais nous manquons beaucoup de constance dans notre recours à ces tribunaux. Le constat doit être plutôt déconcertant — et c'est sans doute le moins que l'on puisse dire, en toute franchise — pour le reste de la planète qui observe notre application du droit humanitaire international. À n'en pas douter, c'est un régime de deux poids, deux mesures.
    À la lumière de votre expérience, pouvez-vous nous dire ce que pourraient faire les parlementaires, et notamment les membres du Comité, pour exercer des pressions sur le gouvernement du Canada afin qu'il se tourne vers la Cour pénale internationale et la Cour internationale de justice en assurant une application uniforme du droit humanitaire international dans tous les contextes où la situation s'y prête?
(1730)
    La Chambre de première instance de la Cour pénale internationale a conclu que celle‑ci avait compétence pour enquêter sur les présumés crimes de guerre commis en Cisjordanie et en Palestine. Le Canada pourrait aider financièrement la Cour pénale internationale dans cette initiative. Nous pouvons aussi détacher du personnel pour que la Cour dispose de ressources humaines supplémentaires.
    Il faut passer par Affaires mondiales Canada pour convaincre le gouvernement de faire le nécessaire. Il s'agit simplement d'inciter la ministre et le ministère à tout mettre en œuvre pour appuyer le travail du système de justice pénale internationale, car nous devons absolument demander des comptes aux coupables, une étape cruciale si l'on veut redresser les torts.
    Merci beaucoup.
    Madame Blais, je ne sais pas si je pourrais vous poser la même question. Pourriez-vous nous répondre également à ce sujet?
    Je pense que M. Rock vous a très bien répondu.
    C'est en fin de compte le procureur qui détermine quelles enquêtes seront effectuées. Nous avons des Canadiens qui font partie de ce tribunal, mais la décision incombe au procureur.
    C'est une situation qui ne va pas manquer d'entraîner de sérieuses interrogations. Nous sommes malheureusement en présence d'un groupe terroriste comme le Hamas qui pose des gestes indicibles et commet des meurtres. Qui fait en sorte que justice soit faite?
    Il faudra trouver le juste équilibre pour l'approche retenue. Nous n'avons pas eu le temps de réagir. C'est un conflit encore relativement récent, mais je crois que viendra un moment où nous devrons prendre ces décisions. Je veux toutefois insister sur le fait que c'est le procureur qui doit trancher.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à un deuxième tour de questions où chaque intervenant aura droit à cinq minutes. C'est M. Epp qui sera le premier à pouvoir poser ses questions.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins qui sont des nôtres aujourd'hui.
    Monsieur Rock, je vais profiter du fait que vous êtes encore avec nous. Lors de notre dernière séance, on nous a rappelé à quel point il est difficile d'avoir le pouvoir de convaincre si on n'a pas le pouvoir de contraindre. Le Canada semble perdre du terrain sur ces deux tableaux à l'échelle planétaire. Quel serait votre conseil pour rectifier le tir si vous souscrivez bel et bien à cet énoncé?
    Je crois que le pouvoir de convaincre a toujours été l'une des grandes forces du Canada. Vous gagnez en crédibilité en investissant dans votre défense et en contribuant aux efforts de défense à l'échelle internationale.
    M. Saint-Jacques a indiqué que l'Arctique est l'un des endroits où nous devons dépenser davantage aux fins de la défense, et je partage tout à fait cet avis. Je pense que nous pourrions faire d'une pierre deux coups. Nous pourrions d'abord et avant tout consentir les investissements nécessaires pour nous assurer de pouvoir compter sur des systèmes de défense efficaces dans l'Arctique et pour l'Arctique, ce qui nous aiderait du même coup à atteindre le seuil de 2 % de notre PIB qui est exigé par nos collègues de l'OTAN.
    Je crois que c'est exactement ce qu'on entend par « pouvoir de contraindre ». Il est alors question de l'équipement à proprement parler et des investissements dans nos navires, nos avions et nos troupes de telle sorte que toutes ces ressources puissent être déployées pour patrouiller et assurer le respect de notre souveraineté.
    Il y a un lien entre cet aspect physique et notre capacité à nous montrer persuasifs grâce à notre pouvoir diplomatique, car c'est avant tout une question de crédibilité. Si vous ne respectez pas vos obligations en matière de défense, si vous ne mettez pas l'épaule à la roue et si vous n'investissez pas dans les systèmes de défense, vous perdez de la crédibilité quand vient le moment d'utiliser votre pouvoir de convaincre, car je crois que tout cela est relié.
     Dans vos observations préliminaires, vous avez aussi fait le lien entre la crédibilité du Canada et son aide au développement. Que vouliez-vous dire par là exactement?
    C'est Lester B. Pearson qui a suggéré il y a 50 ans que chaque pays investisse 0,7 % de son PIB dans l'aide au développement international. Nous ne nous sommes jamais approchés de cet objectif. Des pays comme le Royaume-Uni et la Norvège l'ont surpassé.
    Nous avons réduit notre aide au développement international au fil des ans, alors que je crois que nous devrions l'augmenter. C'est en quelque sorte le prix à payer pour avoir droit à la crédibilité de la communauté internationale.
    Merci.
    Par ailleurs, parmi les autres critiques, ou peut-être les autres suggestions, que l'on peut entendre, il y a la nécessité d'élargir le bassin d'expérience des individus qui forment notre corps diplomatique à Affaires mondiales Canada… Pour dire vrai, on note une prépondérance de diplômés de Carleton et de l'Université d'Ottawa.
    Étant donné le poste que vous occupez actuellement, comment réagissez-vous à un tel constat? Est‑ce que notre pays serait mieux servi s'il pouvait compter sur des effectifs provenant d'un échantillon plus large de nos établissements d'enseignement supérieur?
(1735)
    Nous avons plusieurs excellentes universités au Canada. Nous devrions profiter de l'apport des diplômés de toutes ces universités.
    Permettez-moi à ce sujet un commentaire en passant. La période que j'ai passée à New York au sein de la mission du Canada auprès des Nations unies m'a permis d'apprécier vivement la grande valeur et l'engagement des hommes et des femmes qui font partie de notre service extérieur. Ce sont des gens merveilleux qui travaillent d'arrache-pied et possèdent de vastes compétences. Sans égard à l'endroit où ils ont été formés, ils accomplissent un excellent travail.
    Il y a dans toutes les régions du pays des universités capables de former des diplômés de qualité, et nous devrions en recruter le plus grand nombre possible.
    Merci.
    Ma prochaine question sera pour Mme Blais. Vous avez parlé de la bureaucratisation d'Affaires mondiales Canada.
    On trouve notamment dans le rapport du Sénat une recommandation visant à réduire le nombre de hauts fonctionnaires. Que pensez-vous de cette recommandation?
    Je crois que c'est une excellente recommandation. J'estime qu'il y a trop de couches de gestion à Affaires mondiales Canada, même s'il faut bien avouer qu'il y a beaucoup de travail à faire au sein de ce ministère. C'est d'ailleurs pour cette raison que je soulignais la nécessité de réduire le nombre de nos priorités. Il est impossible de répondre à toutes les attentes.
    Lorsque je parle de bureaucratisation, c'est en fait davantage un état d'esprit, une culture qui s'est implantée à Affaires mondiales Canada. Lorsque je suis entrée en fonction là‑bas, les choses étaient différentes, et je ne parle pas seulement du nom du ministère qui a changé très souvent…
    Je vais vous demander de nous en dire plus long sur un seul élément, car je vais bientôt manquer de temps.
    Vous avez également parlé des intérêts fondamentaux en précisant que nous devrions nous concentrer sur un certain nombre d'objectifs. Pourriez-vous nous dire quels devraient être ces objectifs pour le Canada? Seraient-ils davantage reliés à nos intérêts commerciaux? Où devraient se situer nos priorités à votre avis?
    Je vais vous donner la réponse brève. À mon avis, il faut viser la sécurité et la prospérité. Tout bien considéré, les Canadiens ont besoin de sécurité territoriale et de prospérité économique. Ce sont deux éléments qui s'inscrivent dans notre politique étrangère.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Oliphant. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais juste souligner d'entrée de jeu que, si nous avons effectivement eu de nombreux ministres des Affaires étrangères au cours des dernières années, nous n'avons eu qu'un seul et unique secrétaire parlementaire pour nos quatre derniers ministres, ce qui nous assure une certaine constance. Je suis un peu comme un sphinx.
    Nous avons pu jusqu'à maintenant entendre divers commentaires sur différents sujets, y compris la démocratie et les démocraties en déclin; les instances multilatérales qui doivent être restructurées; la possible expansion des pays du BRICS nous faisant craindre pour l'ordre international fondé sur des règles et la primauté du droit; la nécessité d'intensifier les consultations; un monde en pleine évolution; le changement climatique et le risque de revoir Trump ou d'autres républicains de sa trempe soucieux de faire passer les États-Unis avant toutes ces « contrées lointaines ».
    Ce sont là autant d'éléments qui sont complexes et en pleine évolution. C'est dans ce contexte que la ministre Joly a jugé nécessaire d'apporter de grands changements à notre secteur des affaires étrangères, ce dont je me réjouis vivement.
    J'ai deux questions, une facile et l'autre qui l'est moins, que je pose à tous nos témoins.
    Commençons par la facile. Estimez-vous que le Canada doit investir davantage dans Affaires mondiales Canada et toutes ses directions générales?
    Maintenant la moins facile. Si nous décidions de le faire, quelles seraient vos deux ou trois grandes priorités?
    Nous pouvons commencer par M. Rock qui doit nous quitter bientôt.
    Je dirais qu'il faut effectivement fournir au ministère les ressources dont il a besoin pour s'acquitter de son importante mission.
    Pendant que j'étais au gouvernement et depuis mon départ, j'ai pu constater une diminution constante de nos investissements en matière d'affaires étrangères. C'est un peu comme si on pouvait se permettre de telles coupures parce que personne ne s'en rendra compte, ou parce que cela ne fera aucune différence. Je peux vous dire que cela fait vraiment une différence de pouvoir compter sur ces missions en Afrique et sur un effectif complet de représentants lorsque les organisations multinationales se réunissent pour établir les nouvelles règles du jeu. Il faut que nous soyons présents, et ce, dans une mesure nous permettant d'être efficaces.
    Je crois donc qu'il faut investir davantage. Je pense que le Sénat abonde dans le même sens dans son rapport et qu'il en va de même de celui de la ministre sur « L'avenir de la diplomatie ».
    Pour répondre à votre seconde question, je pense que les organisations multilatérales devraient être notre priorité, car ce sont les instances qui établissent les règles qui vont nous toucher. Pour pouvoir véritablement contribuer à changer les choses, nous devons avoir une forte présence aux Nations unies, à l'OTAN et au sein des autres organisations multilatérales.
    Madame Blais.
    Je suis tout à fait d'accord avec M. Rock.
    J'ajouterais seulement une chose. Nous avons bel et bien besoin de plus de ressources, mais nous vivons dans un contexte de compressions financières. Étant donné cette conjoncture et le fait qu'on a besoin d'argent pour la défense et pour bien d'autres initiatives, je pense qu'il est nécessaire de rationaliser les activités d'Affaires mondiales Canada.
    En toute franchise, je crois que l'administration centrale prend trop de place au détriment des missions. J'estime que c'est à l'étranger qu'il nous faut investir, car c'est là qu'on peut trouver la plus grande valeur ajoutée. Il y a trop de systèmes à Ottawa. Je ne suis pas en train de dire que les gens qui y travaillent ne sont pas occupés — bien au contraire —, mais je pense qu'un examen des activités s'impose et qu'il faudrait réaffecter nos ressources de manière à accroître notre présence à l'étranger, car c'est le rôle premier de ce ministère.
(1740)
    Monsieur Saint-Jacques.
    Je souscris à tout ce qui a été dit jusqu'à maintenant, mais j'ajouterais que le ministère n'a pas besoin d'autant d'argent qu'on le croirait. Il s'agit seulement de montants supplémentaires. J'ai été un peu déçu d'apprendre dans le National Post que l'on a suspendu la formation en langues étrangères dans les missions jusqu'à la fin de l'exercice financier. Pour travailler à l'étranger, il faut pouvoir s'exprimer dans la langue du pays. C'est donc une décision très regrettable, si c'est effectivement ce que l'on a fait.
    Je conviens avec M. Rock qu'il nous faut investir davantage dans les organisations multilatérales.
    Du point de vue commercial, il serait important de travailler avec les Américains pour essayer de les convaincre de la nécessité de faire en sorte que l'Organisation mondiale du commerce redevienne une structure fonctionnelle.
    Pour ce qui est du ministère lui-même, j'ai été heureux d'entendre Mme Isfeld nous dire que l'Association professionnelle des agents du service extérieur compte 170 nouveaux membres, mais je pense que nous devons poursuivre nos efforts pour recruter partout au Canada des jeunes possédant les compétences requises et leur offrir une formation adéquate, ainsi que pour améliorer les conditions de travail à l'étranger.
    Monsieur Roussel.
    Je conviens tout à fait avec les autres témoins qu'il serait bon d'augmenter le budget de notre service extérieur. Si je puis me permettre, je recommanderais cependant que le ministère, s'il dispose d'un budget suffisant à cette fin, imite ce que fait celui de la Défense nationale depuis 50 ans en octroyant des distinctions et en appuyant la recherche universitaire. On s'assurerait ainsi de pouvoir compter sur une nouvelle génération de futurs diplomates formés dans nos universités tout en augmentant les chances que nos universitaires puissent travailler comme experts‑conseils pour le ministère.
    Cette stratégie a produit d'excellents résultats pour le ministère de la Défense nationale, mais celui des Affaires mondiales n'a jamais décidé d'en faire autant ou jugé que cela était nécessaire.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Bergeron pour une période de deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à Mme Isfeld.
    Dans un article paru dans le Hill Times cette semaine, vous affirmez que la classe politique et le ministère doivent accepter de prendre des risques. Selon vous, l'aversion au risque est liée à un manque de compréhension des intérêts et des valeurs du Canada en matière de politique étrangère.
    Or, comme vous le savez sans doute, ce comité et les députés qui le composent sont disposés et sont prêts à voyager et à prendre des risques. Pourtant, nous en sommes régulièrement découragés par Affaires mondiales Canada et par la sécurité parlementaire.
     Comment peut-on changer cette mentalité?

[Traduction]

    J'ai bien peur de ne pas vraiment avoir les qualifications requises pour commenter les décisions prises par les responsables de la sécurité à Affaires mondiales Canada. Nous avons un réseau très complexe de spécialistes sur le terrain qui prennent ces décisions et prodiguent des conseils en fonction de ce qu'ils sont à même d'observer.
    Comme certains l'ont fait valoir, notre monde est devenu beaucoup plus périlleux à bien des endroits. Je sais qu'il peut parfois être difficile d'organiser des visites et des activités de la sorte. Je ne voudrais pas remettre en question… Il faudrait savoir quelles sont les circonstances exactes lorsqu'on indique à des gens qu'il serait préférable qu'ils ne fassent pas une visite.
    Je dirais que l'on pourrait en faire beaucoup en intervenant dans le sens contraire pour notamment accroître la sensibilisation et nouer des liens. À titre d'exemple, on pourrait voir plus souvent des gens travaillant dans nos missions venir parler aux parlementaires lorsqu'ils sont à Ottawa, donner des conférences et participer à des activités semblables pour faire mieux connaître le travail d'Affaires mondiales Canada et du service extérieur. Il arrive que l'on n’aide pas sa cause lorsqu'on essaie de faire ce travail de sensibilisation. Il y a des façons d'y parvenir efficacement.
    Je suis désolée d'apprendre que des parlementaires ont l'impression qu'on les dissuade de voyager. Je pense que l'on se prive ainsi d'une bonne compréhension des enjeux touchant notre service extérieur et notre politique étrangère, si bien qu'il devient plus difficile de prendre des décisions éclairées.
(1745)

[Français]

    Monsieur l'ambassadeur Saint‑Jacques, le gouvernement du Canada, dans sa stratégie indo-pacifique explique que, dans le domaine de profonds désaccords, nous interpellerons la Chine.
    On semble accorder beaucoup d'importance au pouvoir d'interpellation du Canada. Or nous avons interpellé l'Azerbaïdjan pour son comportement dans le Haut‑Karabakh; nous avons interpellé Israël pour son manque de retenue à Gaza, avec les résultats qu'on connaît.
    Le Canada a-t-il un véritable pouvoir d'interpellation?
    Évidemment, il faut comprendre que notre pouvoir est assez limité, mais je pense que, ce qui est important, c'est d'essayer de changer le comportement de la Chine. Là-dessus, des progrès ont été faits, et je salue l'adoption de la Déclaration contre la détention arbitraire dans les relations d’État à État.
    Nous sommes au stade où il faudrait donner du mordant à cette déclaration, afin de punir les pays qui oseraient utiliser la prise d'otage à l'avenir.
    Il est aussi important que le Canada travaille de concert avec les pays amis pour essayer de changer le comportement de la Chine. Le message est simple. Nous ne voyons aucun problème à ce que la Chine soit une superpuissance, pourvu qu'elle respecte le droit international et les règles internationales. De plus, elle doit mettre fin à son comportement de voyou qu'elle affiche en prenant des gens en otage ou en imposant des mesures coercitives sur le plan commercial.

[Traduction]

    Madame McPherson, vous avez deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci encore une fois aux témoins qui sont des nôtres aujourd'hui.
    Je veux remercier Mme Blais d'avoir souligné que la Cour pénale internationale a un rôle à jouer au titre des poursuites intentées à l'encontre des deux parties à n'importe quel conflit. Il va de soi que nous nous attendrions à ce qu'il y ait de telles poursuites contre cette organisation terroriste qu'est le Hamas.
    Nous nous sommes réjouis de voir le gouvernement canadien changer son fusil d'épaule lors du vote aux Nations unies, mais j'aimerais comprendre un peu mieux comment les choses se passent à ce niveau.
    Le 10 novembre, à l'Assemblée générale des Nations unies, le Canada a voté contre une résolution condamnant les colonies de peuplement illégales, allant ainsi à l'encontre de sa propre position officielle.
    En réaction, vous avez publié le gazouillis suivant:
Les Canadiens doivent demander à leur gouvernement les motifs justifiant cette décision catastrophique pour la réputation de notre pays dans le monde.
D'après mon expérience, les États-Unis ne nous ont pas demandé de nous ranger de leur côté.
Nous l'avons fait de notre propre chef. Mais pourquoi donc? Comme le coût d'une telle décision est énorme, on devrait nous en fournir les raisons.
    Ce vote a eu lieu il y a un mois.
     Pouvez-vous nous en dire davantage sur les raisons qui ont incité le Canada à voter contre sa propre politique aux Nations unies, alors même que les colonies de peuplement illégales prennent de l'ampleur et minent considérablement les chances qu'un éventuel processus de paix puisse être viable?
    Merci pour la question. Je suis heureuse que vous souleviez cet enjeu.
    Le processus des résolutions est complexe, et il n'est pas rare qu'un État membre vote contre une résolution qui semble, à première vue, aller dans le sens de ses propres politiques, car ces propositions renferment parfois des éléments qui nous amèneraient au‑delà des limites que nous nous ne voulons pas franchir. Il faut vraiment considérer la résolution dans son ensemble.
    Dans le cas de la résolution qui a précédé celle qui a été adoptée cette semaine, je me souviens que le Canada avait essayé de faire accepter un amendement qui aurait fait en sorte que notre pays aurait pu donner son accord. Nous avons fini par nous abstenir pour ensuite voter en faveur d'une résolution différente en raison de l'évolution du conflit et de notre position à cet égard.
    Il faut bien avouer que le Canada fait en quelque sorte cavalier seul quand vient le temps de se prononcer sur les sempiternelles résolutions des Nations unies concernant la Palestine, parce que nous avons toujours dit et pensé, ou parce que le gouvernement a toujours dit et pensé, que ces résolutions étaient tendancieuses et que les Nations unies ciblaient Israël de façon injustifiée.
    Je suis désolée de vous interrompre, mais vous avez dit que le coût est énorme lorsque le Canada vote contre ses propres politiques.
    J'y arrive. Je ne faisais que citer la position du gouvernement.
    Il y a eu un coût à cela. C’est l’une des raisons pour lesquelles notre candidature n'a pas été retenue la dernière fois. En effet, de nombreux pays qui appuient le sort des Palestiniens savaient que le Canada pourrait ne pas voter en leur faveur. C’était donc un facteur. Lorsque le Canada vote dans le même sens que les États-Unis, Israël et peut-être une poignée d'autres pays, je dirais que nous sommes isolés. Les États-Unis peuvent se le permettre; c'est une superpuissance. Le Canada est une puissance moyenne, de sorte que le coût est plus élevé pour nous. C'est une chose qui...
(1750)
    Je vous remercie.
    Je crains de devoir passer à la prochaine question, madame Blais.
    Monsieur Hoback, vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici en ce mercredi après-midi.
    L'un des commentaires que j'entends lorsque je parle aux gens d'Affaires mondiales Canada, ou AMC, c'est que nous avons de très bons employés au ministère. C'est ce que je dirais. Ces gens en font plus que ce que l’on attend d’eux. En fait, ils dépassent les normes. Lors de mes interactions avec eux, j'ai vu le travail qu'ils font, et c'est très bon.
    Mais un des commentaires qui revient constamment, c'est qu'AMC est dirigé par les ressources humaines. Les employés sont très mécontents du service des RH. Ils ont du mal à avoir le contrôle, à obtenir des promotions et à changer d'emploi à cause de la politique des RH.
    Êtes-vous d'accord avec ce commentaire?
    Je vais commencer par vous, madame Blais, puis je suivrai la liste.
    Je vous remercie.
    À l'instar de Guy Saint-Jacques, j'ai passé un certain temps aux ressources humaines du ministère. J'ai vu comment le service fonctionne. J'en ai aussi été bénéficiaire en tant que directrice et employée.
    Dans notre quête de transparence et d'égalité au ministère, nous exécutons des processus à l'aveugle, ce qui fait partie du problème. Nous accordons des promotions aux gens comme s'ils étaient nouvellement arrivés. Ils viennent passer une entrevue anonymisée qui ne tient pas vraiment compte de leurs antécédents et leur expérience, puis ils ne sont pas promus pour diverses raisons — par exemple, ils n'ont pas démontré leur efficacité interculturelle, même s'ils ont été affectés à certains des endroits les plus difficiles au monde.
    Je pense qu'il faut revoir la façon dont nous accordons les promotions et affectons les gens à l'étranger. Je crois que c'est un problème difficile à résoudre, mais auquel nous devons nous attaquer, parce que cela a une incidence sur le moral des troupes. Je ne sais pas si Mme Isfeld serait d'accord, mais c'est vraiment un problème profond au ministère. Il n'y a pas suffisamment de communication sur les raisons pour lesquelles une personne ne reçoit pas ceci ou cela. Il y a vraiment une mauvaise gestion des talents au ministère des Affaires étrangères.
    Je vais m'adresser à Mme Isfeld.
    Êtes-vous d'accord avec ce commentaire? J'ai d'autres questions, alors j'aimerais avoir une réponse brève pour ne pas manquer de temps.
    Oui, je suis tout à fait d'accord.
    Je pense que les décideurs sont allés à deux extrêmes.
    Autrefois, les promotions étaient accordées par des gens qui connaissaient la réputation du candidat et qui se fondaient sur différents facteurs de ce genre. Cela a fini par être une chasse gardée, ce qui n'était pas juste.
    Les RH ont adopté cette approche en théorie très objective qui se fonde uniquement sur les capacités actuelles. Ils sont donc à l'autre bout du spectre. Ils doivent revenir à un examen des capacités actuelles et une évaluation objective, tout en tenant compte de l'expérience et du rendement antérieur.
    La grille salariale du ministère comprend le niveau EX. J'ai entendu une plainte — c'est un bon exemple — d'une employée qui était affectée à l'étranger comme EX‑01. Elle racontait comment elle était passée au niveau EX‑02. Il y avait en fait un tel poste à l'ambassade, mais comme elle passait au niveau suivant, elle a dû revenir au Canada, puis poser sa candidature pour le poste qu'elle aurait dû pouvoir occuper naturellement.
    J'ai entendu parler d'autres situations où des gens sont passés d'un niveau EX‑02 à EX‑03, sans pourtant avoir à passer par ce processus. Comme la personne était déjà ambassadrice, elle a semblé pouvoir glisser dans l'autre poste sans problème.
    Qu'est‑ce qui est équitable dans ce type de système?
    Je vais commencer par vous, madame Isfeld.
    Eh bien, rien ne l'est, essentiellement. Voilà ce qu'il faut retenir pour certains de ces mécanismes.
    C'est ce dont nous nous plaignons parfois. À titre d'association professionnelle et de syndicat représentant les gens qui ont des griefs et des plaintes en matière de dotation... Parfois, ce sont des systèmes très rigides qui répondent aux besoins des autorités centrales quand elles le veulent. Si ces systèmes ne servent pas les intérêts du pouvoir, il y a toujours moyen de les contourner.
    Ce n'est pas simple, mais je crois que c'est une chose qui doit changer. J'aimerais beaucoup qu'Affaires mondiales reçoive des conseils sur la façon de procéder.
    Ma prochaine question porte sur l'emplacement de nos ressources.
    À l'heure actuelle, je crois que 81,2 % de tous les employés d'AMC sont en poste à Ottawa. Est‑ce un vrai chiffre? Ne devrait‑on pas avoir 80 % des employés à l'étranger et 20 % à Ottawa pour les soutenir? Quel est le bon ratio? Évidemment, 81 %, c'est trop élevé. N'êtes-vous pas d'accord, madame Blais?
    Comme je l'ai dit plus tôt, je suis d'accord.
    Je ne sais pas quel est le ratio actuel — vous semblez très bien informé —, mais je sais qu'il y a un déséquilibre, et que nous devons l'examiner. Cependant, il faut pour ce faire regarder ce qui doit être effectué à Ottawa. Que faisons-nous ici, alors que nous ne le devrions pas, et quelle est la valeur du ministère? Une étude doit être réalisée. J'espère que cela fait partie de ce qui est examiné en ce moment.
    À mon époque, l'administration centrale avait pris de l'expansion. Le ratio était différent lorsque je suis arrivée, et les choses semblaient bien fonctionner. Je pense que nous devons revenir en arrière, mais la machine se nourrit d'elle-même.
    Oui, je sais que vous avez...
(1755)
    Je m'excuse. J'aurais aimé avoir plus de temps. Je pense que nous devrons y revenir plus tard.
    Monsieur Hoback, je suis désolé.
    C'est M. Zuberi qui posera les dernières questions.
    Vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Ma première question s'adresse à Guy Saint-Jacques.
    Elle porte sur la Stratégie pour l'Indo-pacifique et sur la façon dont elle a été accueillie par nos partenaires, les chefs d'entreprise et les intervenants à l'étranger, ainsi que par les Canadiens qui vivent à l'étranger.
    Pouvez-vous nous dire comment notre stratégie a été accueillie par ces différents groupes?
    Jusqu'à maintenant, les informations que j'ai reçues indiquent que l'accueil est très favorable.
    En effet, le plan a été élaboré avec la participation de tous les ministères concernés à Ottawa, et il est accompagné de nouvelles sommes considérables qui atteignent 2,5 milliards de dollars sur cinq ans. De plus, il compense le fait que les régions ont été négligées au cours des années précédentes. Par ailleurs, la stratégie répond aux priorités des pays visés.
    Pour ce qui est de la mise en œuvre de la stratégie... Bien sûr, il y a eu un recul important compte tenu du problème que nous avons avec l'Inde. Bien sûr, ce serait préférable si la relation avec la Chine était meilleure. Sinon, pour ce qui est de l'ouverture de nouvelles missions, de l'organisation des missions commerciales d'Équipe Canada et de l'ouverture de nouveaux bureaux par EDC, je pense que tout est sur la bonne voie.
    De mon point de vue, c'est une très bonne stratégie et j'espère qu'elle continuera d'être réalisée.
    Vous avez mentionné le montant que nous avons investi dans la stratégie.
    Vous attendez-vous à ce qu'il y ait un rendement du capital investi à cet égard?
    Oui. Je pense que, tant sur le plan politique que commercial...
    Sur le plan politique, le ministère est en train de renforcer son expertise sur la Chine. La Chine ne disparaîtra pas, alors on accorde plus d'attention à essayer de comprendre comment le pays fonctionne — surtout le Parti communiste chinois.
    Sur le plan commercial, ce sera utile. Je parle régulièrement avec les entreprises, et je les conseille. Je pense que beaucoup d'efforts sont déployés pour les aider à envisager de nouveaux marchés — pour les aider. Cela devrait nous aider à diversifier nos échanges commerciaux.
    M. Rock a dit que le Canada avait encore une fois fait preuve d'audace sur la scène internationale. Il a parlé de la Cour pénale internationale, ou CPI, des mines terrestres et du programme de sécurité humaine.
    Voulez-vous nous dire la façon dont nous pouvons aller de l'avant en tant que pays?
    Je pense que la valeur ajoutée d'un diplomate — Mme Blais y a fait allusion —, c'est la qualité de ses réseaux et de ses relations. C'est extrêmement utile lorsqu'on veut évaluer où se situe un pays.
    Je pense qu'il faut adopter une approche à long terme. Il faut développer cette expertise en renvoyant les gens à l'étranger. Voilà pourquoi il est important de parler la langue locale. C'est la façon de bien comprendre le pays.
    Je vous remercie.
    J'ai deux questions à vous poser. J'espère que vous pourrez répondre aux deux en une minute et demie.
    Vous parlez de compétence linguistique. Lorsque je voyage à l'étranger, je me fais toujours un devoir de visiter nos missions diplomatiques chaque fois que c'est possible. J'ai remarqué qu'au Canada, nous avons des gens de différentes origines qui peuvent parler une deuxième et une troisième langue en plus de l'anglais et du français. Par contre, dans certaines missions, nous avons des employés qui ne parlent que l'anglais ou le français. Nous avons du personnel canadien, pas local.
    Pourriez-vous nous parler très brièvement de l'importance pour le personnel canadien d'avoir au moins la capacité de comprendre une langue locale? C'est ma première question.
    Deuxièmement, pourriez-vous commenter le point soulevé par M. Bergeron au sujet de l'importance pour le Comité de se déplacer afin de mieux comprendre ce qui se passe à l'étranger?
(1800)
    Eh bien, je suis un peu surpris par votre première question, parce que les agents du service extérieur sont parfaitement bilingues avant d'être affectés à l'étranger — c'était du moins le cas lorsque j'en étais responsable —, et ils peuvent parler...
    Je parle d'une langue locale autre que l'anglais ou le français.
    Pour ce qui est de la langue locale, c'est un problème. J'écoutais ce que le sous-ministre David Morrison a dit. Il a affirmé qu'environ 30 % seulement des agents parlent la langue locale. De toute évidence, c'est un domaine dans lequel nous devons investir davantage.
    Pour ce qui est du travail du Comité, je vous encourage à voyager, à aller dans des missions difficiles pour comprendre ce que c'est, mais aussi à profiter de ce qui a été suggéré plus tôt, c'est‑à‑dire de parler à nos diplomates lorsqu'ils reviennent au Canada.
    Lorsque j'étais ambassadeur en Chine, je revenais au Canada environ six fois par année. J'essaierais de rencontrer le plus de gens possible. Cela fait partie du travail d'un ambassadeur, et l'invitation pourrait être envoyée à d'autres agents diplomatiques aussi.
    Je vous remercie. C'est ce qui met fin aux questions des membres du Comité.
    J'aimerais remercier l'ancien ambassadeur Guy Saint-Jacques, le professeur Roussel, Mme Isfeld et Mme Blais. Nous vous sommes très reconnaissants de vos points de vue et de votre temps. Soyez assurés que certaines de vos idées se retrouveront dans notre rapport définitif.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes, puis nous poursuivrons à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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