Passer au contenu
Début du contenu

FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 095 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 14 février 2024

[Enregistrement électronique]

  (1650)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue à la 95e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    La séance d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément au Règlement; ainsi, les députés peuvent participer en personne dans la salle et à distance au moyen de l'application Zoom.
    J'aimerais faire quelques commentaires à l'intention des députés et des témoins.
    Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous invite à le faire. Vous pouvez parler dans la langue officielle de votre choix.
    Même si cette salle est munie d'un système audio performant, des effets Larsen peuvent survenir. La principale cause en est une oreillette placée trop près du microphone.
    Je vous rappelle d'adresser tous les commentaires à la présidence.
    Concernant la liste des intervenants, la greffière du Comité veillera à ce que nous répondions aux demandes des députés.
    Conformément à la motion de régie interne adoptée par le Comité sur les tests de connexion des témoins, je vous informe que tous les témoins qui comparaissent virtuellement ont réussi les tests de connexion requis.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mercredi 8 novembre 2023, le Comité poursuit son étude sur les capacités diplomatiques du Canada.
    J'aimerais maintenant accueillir les témoins.
    Mme Carvin, professeure à l'École d'affaires internationales Norman Paterson se joint à nous en personne aujourd'hui. Nous accueillons également parmi nous M. Juneau, professeur en affaires publiques et internationales à l'Université d'Ottawa.
    M. Bonnafont, ambassadeur, devait comparaître virtuellement. Malheureusement, on m'a informé qu'il n'avait pas le bon type de casque d'écoute, donc les interprètes ne seront pas en mesure de fournir des services d'interprétation. Ils auraient indiqué à l'ambassadeur Bonnafont qu'il n'avait pas le bon casque d'écoute, mais nous allons tenter — si les membres du Comité le veulent bien — de planifier une autre date pour pouvoir bénéficier de son point de vue.
    Nous sommes également ravis d'avoir ici, parmi nous, aujourd'hui Mme Farida Deif, directrice au Canada de Human Rights Watch.
    Chaque témoin disposera de cinq minutes.
    Allez‑y, madame la députée Chatel.

[Français]

     Me permettez-vous de faire un commentaire sur le témoignage de M. Bonnafont?

[Traduction]

    Oui, bien sûr.

[Français]

    Très bien. D'abord, j'aimerais savoir si M. Bonnafont serait en mesure de rester un peu plus longtemps pour que je puisse au moins formuler plusieurs questions que je voulais poser à cet excellent témoin. J'avais bien hâte de le rencontrer et de lui poser des questions très importantes pour cette étude. Si M. Bonnafont est d'accord, j'aimerais poser mes questions afin qu'il puisse y répondre par écrit, advenant qu'il ne puisse pas se joindre à nous de nouveau.
    Ensuite, j'aimerais que nous demandions au Bureau de régie interne de réévaluer la situation particulière de notre comité, soit le Comité des affaires étrangères et du développement international, étant donné que, par définition, nous accueillons des témoins venant de l'étranger. Nous n'avons pas toujours le temps de disposer du matériel exact qui est nécessaire, selon les règles. Les questions posées sont quand même très précises.
     Serait-il possible de demander au Bureau de nous soumettre une solution afin de régler des situations de ce genre? Il arrive effectivement que nous ne puissions pas interroger des témoins dans de telles circonstances. Je demanderais donc au Bureau de régie interne de soumettre des solutions à notre comité.

  (1655)  

[Traduction]

    Je vous remercie de votre intervention, madame Chatel.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous, comme c'est sûrement le cas de tout le monde. Nous avions tous très hâte d'entendre l'ambassadeur, mais les interprètes m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas l'interpréter; nous avons envoyé des messages à l'ambassadeur pour essayer de remédier à la situation. S'il peut confirmer la marque de son casque d'écoute et que nous recevons une confirmation, nous aurons sans l'ombre d'un doute la chance de l'entendre aujourd'hui.
    Pour ce qui est de l'autre question que vous avez soulevée, nous devrions peut‑être en parler durant la partie sur les travaux du Comité, qui est prévue pour la dernière demie‑heure de la séance d'aujourd'hui.
    Est‑ce que cela vous convient? Oui, excellent.
    Nous allons commencer par entendre les témoins.
    Veuillez accepter nos excuses.
    Madame Carvin, vous avez cinq minutes pour présenter votre exposé. Il en va de même pour les trois témoins que nous allons entendre aujourd'hui.
    Si je tiens ce cellulaire en l'air, cela signifie que votre temps est presque écoulé. Cela s'applique autant aux exposés qu'aux réponses que vous donnerez aux députés, qui doivent respecter le temps imparti. Si vous me voyez lever ce cellulaire, veuillez terminer ce que vous aviez à dire en 10 à 20 secondes.
    Madame Carvin, vous avez la parole. Vous avez cinq minutes pour présenter votre exposé liminaire.
    Je vous signale que j'ai préparé un mémoire plus long, comme le ferait un vrai professionnel, mais je serai bien plus brève à l'oral pour respecter le délai de cinq minutes.
    Je présume qu'il est assez bien connu que Lester B. Pearson a un jour décrit la politique étrangère comme « la politique intérieure avec un chapeau ». Pierre Elliot Trudeau l'a décrite comme « l'extension à l'étranger des politiques nationales ». Pourtant, il est rare de voir nos décideurs traiter la politique étrangère de cette façon.
    Les affaires étrangères sont souvent reléguées au second plan. On y voit un luxe plutôt qu'un instrument de pouvoir étatique pour faire avancer nos intérêts domestiques et internationaux à l'étranger. La diplomatie est perçue comme une récompense pour l'amitié plutôt que comme un outil pour protéger nos intérêts et surmonter les différends lorsqu'il faut avoir des conversations difficiles.
    Cette attitude est compréhensible. Nous vivons dans une région du monde qui est très sécuritaire comparativement à d'autres, où se trouvent bon nombre de nos amis et alliés. Nous avons la chance de ne pas avoir à nous soucier de notre sécurité.
    Je ne pense pas que j'aie besoin de souligner que les circonstances changent vite. Les manchettes quotidiennes sur la guerre, l'ingérence étrangère, l'espionnage, les cyberattaques et la souffrance des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays dans le contexte d'un ordre international menacé suffisent à nous le rappeler.
    Tout cela pour dire que nous avons longtemps été à l'abri de beaucoup des pires difficultés au monde, mais ce n'est plus le cas. Nous n'avons plus la liberté de faire fi du monde qui nous entoure. Pour résoudre ces problèmes, nous avons besoin d'un ministère des affaires étrangères qui peut naviguer dans ces eaux troubles.
    À cette fin, je souhaite porter plusieurs points à l'attention du Comité.
    D'abord, le point que je considère comme le plus important, les ressources humaines d'Affaires mondiales Canada sont, de toute évidence, en assez piètre état. Le processus de recrutement est archaïque, chaotique et mal adapté au XXIe siècle. Pour ne donner qu'un exemple, il semble qu'un pourcentage important du personnel soit composé de jeunes titulaires de maîtrises et de jeunes étudiants qui travaillent sous contrat pour 90 jours. Ces employés temporaires font toujours face à la perspective imminente de perdre leur emploi et cherchent constamment leur prochain emploi.
    Pour le dire franchement, il est très curieux pour moi, lorsque je participe à des réunions avec Affaires mondiales, d'y rencontrer des gens inscrits au même moment dans mes propres cours. C'est arrivé à de multiples reprises.
    Ce n'est pas ainsi qu'on bâtit ses effectifs. C'est pourquoi j'appuie fermement les recommandations 9 à 13 sur l'embauche et la formation du personnel d'Affaires mondiales Canada présentées dans le rapport du Sénat de décembre 2023 intitulé « Plus qu'une vocation », que vous n'êtes pas sans connaître.
    Ensuite, honnêtement, il est franchement bizarre que le Canada, un pays du G7, n'ait pas de politique étrangère. Lorsqu'on pose des questions, la réponse est souvent décevante elle aussi. On nous dit qu'il est trop difficile, trop exigeant de créer une politique étrangère, que les circonstances changent trop vite et que ce n'est pas une priorité de signaler nos intentions à nos alliés, parce qu'ils peuvent simplement prendre le téléphone et nous appeler pour nous poser la question.
    Notre politique pour l'Indo‑Pacifique est arrivée bien tard, notre politique de défense tarde encore à refaire surface et notre stratégie promise pour l'Afrique n'est plus qu'un cadre depuis l'an dernier.
    C'est clair que nous peinons à rédiger des documents de politique étrangère. Je me demande si c'est simplement parce que nous en avons perdu l'habitude. D'autres pays vont publier des documents de manière assez périodique. Je pense qu'il y a bien des avantages à se doter d'une politique étrangère, qui nous force à faire des choix et à établir nos priorités. Oui, il est difficile d'établir nos priorités et cela demande de tenir des discussions difficiles, ou les positions peuvent changer à la lumière de nouveaux événements, mais la réponse à ces circonstances exige d'actualiser notre politique, et non d'éviter l'exercice en entier.
    Je pense aussi que la politique étrangère constitue un outil de communication important. On en sous-estime toujours l'importance, surtout au ministère des Affaires étrangères. Les gens de ce ministère ne voient pas cette politique comme un outil de communication.
    Je suis allée au Japon il y a une semaine et demie. Pour me préparer, j'ai lu son livre bleu sur la diplomatie, qui fait 400 pages. Avons‑nous besoin d'un livre de 400 pages sur les affaires étrangères? Absolument pas, mais je pense qu'un document stratégique clair, qui ferait état de nos intérêts non seulement à nos alliés, mais aussi aux Canadiens, serait sans conteste dans notre intérêt. Les autres points que je veux soulever aujourd'hui vont en témoigner et renforcer ce point.
    De plus, je veux parler de la capacité d'Affaires mondiales à donner des conseils opportuns et utiles aux décideurs au cœur du gouvernement. Mon collègue Thomas Juneau parlera du renseignement à Affaires mondiales, et je pense que cela entre en ligne de compte.
    Il est ardu de coordonner toutes ces choses, mais on entend à l'occasion des histoires de difficultés à donner des conseils. Le problème ne concerne pas qu'Affaires mondiales, mais il faut mieux former le personnel de ce ministère pour qu'il donne des conseils opportuns qui peuvent réellement aider à influencer une situation en évolution.
    Par ailleurs, nous sommes en dérive. Le rapport du Sénat « Plus qu'une vocation » dont j'ai parlé laisse entendre qu'Affaires mondiales devrait être considéré comme « un organisme central [ qui ] a la responsabilité de coordonner l’approche du Canada relative aux dossiers de politique étrangère pour l’ensemble du gouvernement fédéral. » C'est la recommandation 28.

  (1700)  

    Je suis tout à fait en désaccord avec cette recommandation. Je pense que c'est une mauvaise idée. Je crains qu'au lieu de fournir une orientation qui découle d'une politique étrangère, Affaires mondiales ne soit à la dérive. C'est vrai que tout enjeu au gouvernement comporte une dimension internationale et que le ministère est aux commandes en matière d'affaires mondiales, mais c'est impossible pour Affaires mondiales d'être responsable de toutes ces questions.
    Je vais manquer de temps pour présenter mes autres points. Vous pourrez me poser des questions là‑dessus plus tard, mais vous les verrez dans mon mémoire. Je pense que nous devons être conscients qu'Affaires mondiales doit s'en tenir à son mandat.
    Une dernière chose: la capacité du Canada de tenir parole. Nos alliés s'interrogent. Ils voient notre politique pour l'Indo‑Pacifique et ils sont contents, mais avons‑nous les reins assez solides pour rester dans la région et rester engagés dans les relations que nous sommes en train de bâtir là‑bas?
    Enfin, nous devons renforcer notre présence à l'étranger. Cet enjeu compte pour nos alliés, qui se soucient de nous. C'est bien plus facile de penser au Canada si l'on peut se rencontrer dans un lieu à proximité plutôt que trois pays plus loin. C'est bien plus simple.
    Je pense que le ministère des Affaires mondiales a un problème de communication. Les Canadiens ont besoin de plus de transparence et d'une meilleure communication, surtout si le gouvernement s'apprête à réinvestir dans le ministère. Nous devons expliquer aux Canadiens pourquoi c'est dans leur intérêt de le faire.
    Je vous remercie beaucoup de l'invitation à témoigner. Je suis prête à répondre à vos questions.
    Je vous remercie, madame Carvin.
    Nous passons maintenant à M. Juneau.
    Vous avez cinq minutes pour présenter votre exposé liminaire.
    Merci beaucoup. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
    Je vais me concentrer sur trois choses aujourd'hui. Premièrement, le ministère des Affaires étrangères dont nous aurons besoin à l'avenir devra travailler en symbiose avec le renseignement. Deuxièmement, ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Troisièmement, que pouvons-nous faire pour y arriver?
    Premièrement, très rapidement, le ministère des Affaires étrangères dont nous aurons besoin à l'avenir devra travailler en symbiose avec le milieu du renseignement. Ce sera nécessaire pour faire face à bon nombre des menaces internationales actuelles. Pensez à l'ingérence étrangère dans les élections, à la répression transnationale, à l'espionnage économique, au terrorisme transnational, aux répercussions des changements climatiques sur la sécurité, et ainsi de suite. Concrètement, cela signifie qu'Affaires mondiales Canada doit travailler en étroite collaboration avec le SCRS, le CST, le MDN, le commandement du renseignement des Forces canadiennes et d'autres acteurs du domaine de la sécurité et du renseignement, ici et hors d'Ottawa, pour faire face aux diverses menaces.
    Deuxièmement, je crois que le ministère des Affaires étrangères dont nous aurons besoin à l'avenir, un ministère qui travaille en symbiose avec le milieu du renseignement, n'est pas le ministère que nous avons en ce moment. Je précise que la situation actuelle est bien meilleure qu'elle ne l'était il y a 10 ou 15 ans. Le renseignement s'intègre beaucoup mieux qu'avant aux ministères qui élaborent les politiques. Mme Carvin et moi en avons discuté dans le cadre de nos recherches, mais il reste encore beaucoup à faire.
    Trop souvent, le monde de la diplomatie et le monde du renseignement parlent des langues différentes et ne travaillent pas ensemble de façon cohérente. Il doivent apprendre à communiquer l'information en temps opportun. Ils doivent coordonner les politiques et les opérations. Une partie du blâme revient au milieu du renseignement. Celui‑ci demeure trop insulaire et trop déconnecté des besoins du milieu politique. Une partie du blâme revient en revanche au monde diplomatique, parce que culturellement, la bureaucratie néglige trop le renseignement, même si, je le répète, les choses se sont améliorées dernièrement.
    On peut dire que notre service diplomatique a une faible littératie en matière de renseignement. Cela signifie que même si certains diplomates ont une solide expérience de la façon dont le renseignement peut les aider dans leur travail, dans l'ensemble, nos diplomates comprennent moins bien le renseignement et la façon de l'intégrer à leur travail que les services diplomatiques de certains de nos principaux alliés.
    Je tiens à souligner, en passant, que l'inverse est vrai et aussi problématique. Notre milieu du renseignement a une faible connaissance des politiques, mais ce n'est pas l'objet de la discussion d'aujourd'hui.
    Cela a des conséquences. Nous en avons vu la pointe de l'iceberg dans les débats sur l'ingérence étrangère au cours des derniers mois, parce que l'information ne circule pas efficacement. Les différents organes du gouvernement ne se comprennent pas l'un l'autre, notamment. Concrètement, cela signifie que notre capacité à contrer l'ingérence étrangère ou d'autres menaces auxquelles nous faisons face demeurera inférieure à ce qu'elle pourrait être tant que nous n'améliorerons pas les relations entre les organes diplomatiques et le renseignement de nos autorités nationales.
    Troisièmement, que pouvons-nous faire pour mieux intégrer nos fonctions diplomatiques et le renseignement?
    Premièrement, et cela va un peu dans le sens de ce que dit Mme Carvin, nous devons revoir en profondeur notre architecture de sécurité nationale, qui est désuète. Cela pourrait nécessiter de réformer toute la façon dont nous fixons nos priorités en matière de renseignement, un processus sclérosé. Nous devrions aussi améliorer nos mécanismes de partage de l'information, puis examiner et adapter nos structures de gouvernance en conséquence, notamment celles qui devraient permettre une meilleure coordination et un meilleur échange d'information avec les autres ordres de gouvernement, le secteur privé et la société civile. Nous traversons une crise en matière de ressources humaines, comme l'a mentionné Mme Carvin, et il y a une véritable épidémie de surclassification, dont j'ai parlé récemment dans d'autres comités, qui demeure un obstacle majeur à une meilleure utilisation du renseignement, y compris à Affaires mondiales. Enfin, il faudrait revoir nos programmes de formation.
    Deuxièmement, il faut plus de transparence et d'engagement, comme Mme Carvin l'a mentionné, avec le public, la société civile et le secteur privé. C'est essentiel pour insuffler de nouvelles idées afin de renforcer la fonction d'examen critique, qui fait défaut au ministère, et d'améliorer les mécanismes de reddition de comptes en mettant mieux en lumière les faiblesses.
    Troisièmement, il y a la question des détachements et des échanges. Nos diplomates doivent passer plus de temps hors d'Affaires mondiales, dans le milieu du renseignement, et ailleurs, d'ailleurs. C'est la meilleure façon de bâtir une compréhension mutuelle et d'approfondir les liens institutionnels.
    Quatrièmement, dans un monde idéal, nous devrions avoir un organisme de renseignement humain étranger, ce que nous n'avons pas. En réalité, il est peu probable qu'un tel organe soit créé, du moins dans un avenir rapproché. Tant que nous n'en aurons pas, nous devons utiliser les structures et les pouvoirs existants et les améliorer afin de recueillir et d'utiliser davantage et mieux le renseignement étranger par l'entremise du SCRS, du CST, du COMRENSFC et ainsi de suite. C'est un sujet sur lequel nous avons tous deux écrit ces derniers temps.

  (1705)  

    Dans un monde où de plus en plus d'incertitude plane dans nos relations avec les États-Unis, nous devrions nous efforcer de canadianiser davantage la collecte et l'analyse du renseignement étranger et de tenir davantage compte des intérêts propres au Canada.
    Cinquièmement, dans la même veine, nous devons poursuivre nos efforts pour développer nos capacités diplomatiques en matière de renseignement — Affaires mondiales Canada et le SCRS devraient le faire en tandem, même si ce n'est pas toujours facile —, diversifier nos relations étrangères en matière de renseignement et mieux tirer parti de nos partenariats.
    Enfin, et je terminerai là‑dessus, nous avons besoin d'un leadership soutenu aux niveaux politique et bureaucratique — ce qui fait actuellement défaut — afin de vraiment investir le temps nécessaire pour faire avancer ces réformes administratives.
    Merci.

  (1710)  

    Merci beaucoup, monsieur Juneau.
    Nous passons maintenant à Mme Farida Deif, de Human Rights Watch.
    Je vous souhaite de nouveau la bienvenue, madame Deif. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs, de m'avoir invitée à discuter des capacités diplomatiques du Canada en cette période très turbulente et imprévisible. Cette étude ne pourrait pas tomber plus à point.
    Vous ne serez pas surpris d'apprendre que je vais me concentrer sur les droits de la personne, qui, à mon avis, devraient constituer l'épine dorsale morale de la diplomatie canadienne. Comme l'a dit le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, les droits de la personne sont l'antidote à la politique dominante de distraction, de tromperie, d'indifférence et de répression.
    Il est clair que la situation profondément troublante dont nous sommes témoins dans le monde est alimentée par l'impunité pour diverses violations des droits de la personne, par l'application inégale du droit international et par la perception que certains gouvernements peuvent commettre des crimes graves et s'en tirer impunément.
    Cela dit, je me concentrerai aujourd'hui sur les efforts déployés par le Canada pour faire progresser la justice et la responsabilisation à l'égard des crimes internationaux graves et sur la norme des deux poids, deux mesures de plus en plus flagrante qui mine la crédibilité du Canada et a de profondes répercussions sur les Canadiens et les gens du monde entier.
    Comme vous le savez, le Canada a joué un rôle clé dans la création du cadre international actuel pour la prévention des atrocités de masse. Il est également un chef de file en matière de responsabilité internationale, il a joué un rôle central dans l'établissement de la Cour pénale internationale et, plus récemment, dans les efforts visant à lutter contre les crimes graves en Syrie, au Myanmar et en Ukraine.
    La position du gouvernement canadien à l'égard de la crise actuelle à Gaza l'éloigne considérablement de la longue tradition d'action du Canada. Depuis le début de ce conflit, le gouvernement évite de condamner des crimes de guerre précis à Gaza. Au lieu de cela, il répète de manière générale que toutes les parties doivent respecter le droit international, tandis qu'il a condamné la Russie, à juste titre, pour ses frappes aériennes aveugles contre des hôpitaux et des écoles en Ukraine. Israël a mené de multiples attaques semblables sans trop être condamné pour ses actes par Ottawa.
    La communauté internationale a condamné à juste titre le refus du président Bachar al‑Assad de fournir de la nourriture et de l'eau aux civils à Alep, tandis que le Canada n'a pas condamné le recours par Israël à la famine comme arme de guerre à Gaza.
    De même, le Canada a longtemps été un chef de file mondial de l'interdiction d'explosifs comme les mines terrestres et les munitions à dispersion, il a endossé une nouvelle déclaration politique sur les armes explosives, tandis que le gouvernement a directement nui aux efforts en ce sens, dans ce cas‑ci, en restant silencieux sur l'utilisation récente par Israël de phosphore blanc dans des zones peuplées de Gaza et du Liban.
    La réponse problématique du gouvernement à la récente décision de la Cour internationale de Justice sur Israël mine davantage son soi-disant engagement à l'égard d'un ordre mondial fondé sur des règles et met en lumière les deux poids, deux mesures qui prévalent lorsqu'il s'agit d'Israël. Cela peut indiquer qu'Israël n'a pas besoin de se conformer à l'ordre mondial et envoie un message dangereux aux autres États qui comparaissent devant les instances internationales.
    Lorsque la diplomatie canadienne dévie du droit international, cela a des conséquences néfastes pour le Canada bien au‑delà de Gaza. Les déclarations des représentants canadiens sur les atrocités commises n'importe où dans le monde sonneront creux, et il deviendra plus difficile de tenir les agresseurs responsables de leurs actes et de les dissuader de commettre d'autres crimes internationaux. Les pressions exercées par le Canada sur les parties belligérantes pour qu'elles respectent les lois en situation de guerre et de conflit auront sans doute moins de poids.
    Cette norme dangereuse des deux poids, deux mesures s'étend malheureusement aux affaires consulaires. J'ai comparu devant le Comité pour mettre en lumière la situation désastreuse dans laquelle sont projetés les hommes, les femmes et les enfants canadiens détenus arbitrairement dans le Nord-Est de la Syrie parce qu'ils sont soupçonnés d'avoir des liens avec Daech. Human Rights Watch, de concert avec divers experts de l'ONU, dont le secrétaire général de l'ONU, a demandé à maintes reprises au Canada de rapatrier ses citoyens pour les réadapter, les réintégrer dans la société et les poursuivre en justice, au besoin. Quelques femmes et enfants canadiens ont certes été rapatriés à la suite d'une affaire judiciaire, mais bon nombre d'entre eux demeurent détenus illégalement, en plus de tous les hommes canadiens. À ce jour, aucun des Canadiens détenus depuis près de sept ans n'a reçu d'aide consulaire. Ainsi, le Canada fait fi non seulement de ses obligations juridiques internationales, mais aussi de ses propres recommandations d'intervenir lorsque ses citoyens à l'étranger sont exposés à de graves abus allant jusqu'au risque de mort, en passant par la torture et les traitements inhumains et dégradants.
    En janvier 2021, Affaires mondiales a adopté un cadre de politique consulaire propre à ce groupe de citoyens qui rend presque impossible pour eux de rentrer chez eux. Parmi les critères d'admissibilité au rapatriement, il y a un changement dans l'état de santé, mais le gouvernement sait très bien qu'il y a peu de chances, voire aucune, que ces détenus aient accès à des soins médicaux sans l'aide du Canada.
    Enfin, j'aimerais vous rappeler qu'en juin 2021, le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international a formulé des recommandations concrètes sur la prestation d'une aide consulaire à ce groupe de détenus canadiens. Malheureusement, tout cela est tombé dans l'oreille d'un sourd. Affaires mondiales n'a fourni aucune aide consulaire aux détenus et n'a pratiquement rien fait pour soutenir leurs familles ici, au Canada, dont certains ne font que demander une preuve que leurs proches sont toujours en vie.
    Merci beaucoup.

  (1715)  

    Merci beaucoup, madame Deif.
    Nous allons maintenant passer aux questions des députés.
    Si je comprends bien, M. Chong est le premier à prendre la parole. Vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être venus.
    J'ai remarqué que dans l'article que vous avez publié ensemble dans une revue internationale en 2023, vous avez écrit ce qui suit:
Les pays sont de plus en plus souvent invités à participer à des coalitions internationales parce qu'ils sont désireux et capables d'apporter leur contribution, et non en raison de leur identité ou de ce qu'ils représentent. À l'ère de la résurgence de la concurrence entre grandes puissances, ce facteur matériel est susceptible de dominer la création de coalitions internationales dans l'avenir.
    Vous avez ajouté que le XXI e siècle « ressemblera davantage à un repas-partage qu'à une fête: il faut apporter quelque chose pour être invité ».
    Dans ce contexte et dans le contexte de votre déclaration préliminaire, vous pourriez peut-être nous dire quelles sont les capacités dont le Canada dispose actuellement et celles dont il ne dispose pas.
    Monsieur, rien ne rend un universitaire plus heureux que d'entendre quelqu'un citer son article. Je vous en remercie du fond du cœur.
    Je pense que le Canada a en fait pas mal de capacités, puis il y en a sur lesquelles nous devrons prendre des décisions.
    Le Canada a de très bonnes capacités dans l'Arctique, par exemple. Nous avons de bons renseignements dans l'Arctique. Cette zone est de plus en plus considérée comme une zone de conflit potentielle — et je ne suis pas en train de dire que je suis d'accord avec cette idée. C'est quelque chose qui inquiète particulièrement nos alliés européens et qui sera certainement un point de mire de l'OTAN à l'avenir. Nous avons de grandes capacités là.
    De même, on me dit que nous avons de très bonnes capacités en ce qui concerne la Russie. Évidemment, cette question est très d'actualité, et nos alliés s'en préoccupent aussi.
    Ce sont des capacités de pointe.
    Nous avons également notre propre expertise dans le secteur de la technologie, ce qui est fantastique. Nous sommes vraiment des chefs de file en matière d'intelligence artificielle. Nous innovons dans de nombreux domaines d'intérêt futurs. Nous l'avons constaté par les diverses tentatives de voler cette information et d'accéder à notre propriété intellectuelle. Je pense que ce sont des domaines dont nous pourrions tirer parti, mais nous devrons prendre des décisions pour cela.
    M. Juneau et moi-même avons discuté avec nos alliés. Ils nous disent souvent que lorsque le Canada participe à des réunions, il ne dit rien. Il ne donne pas son avis. Parfois, il soumet de nouveaux éléments à la discussion. Nous avons toutes sortes de bonnes choses à apporter au repas-partage, mais nous n'arrivons pas à prendre de décisions.
    Certains de nos plus proches alliés nous ont dit qu'ils attendent que nous leur disions ce que nous pouvons apporter. Ce n'est pas qu'ils nous demandent des choses et que nous leur refusons, ils nous demandent simplement ce que nous allons apporter, et nous semblons rester là à nous consulter sans pouvoir fournir de réponse.
    J'attends que les gens d'Affaires mondiales et du ministère de la Défense nationale nous disent, à nous et à nos alliés, ce qu'ils peuvent apporter.
    Merci.
    Je suis d'accord. J'aimerais simplement ajouter quelques points.
    Cet article a été écrit en référence à l'AUKUS en particulier, mais c'est un point qui, selon nous, s'applique bien au‑delà de cette coalition. De plus en plus de coalitions spéciales seront créées en fonctio-n de ce que les parties peuvent apporter à la table plutôt que de leur gentillesse présumée. D'un point de vue canadien, c'est un problème.
    J'ajouterais également à ce que Mme Carvin a mentionné en disant que l'incapacité du Canada, dans de nombreux cas — pas systématiquement —, d'apporter quelque chose à la table, d'apporter une contribution concrète cause une frustration croissante chez ses alliés.

  (1720)  

    Lorsque vous parlez d'une incapacité d'apporter quelque chose à la table, faites-vous référence à notre manque de capacités en matière de défense et de sécurité, à notre capacité en matière de renseignement?
    Tout ça, oui.
    C'est un problème. Le Canada agit très rarement seul. Nous travaillons avec des alliés. Notre intérêt premier et le plus important en matière de politique étrangère est d'être un allié fiable et d'être perçu comme tel par nos alliés. Lorsque la frustration que j'ai mentionnée prend de l'ampleur, c'est un de nos intérêts nationaux vitaux qui est menacé.
    Je sais qu'hier, dans le Financial Times, un représentant de l'OTAN a dit que les deux tiers des membres de l'OTAN allaient respecter leur engagement de 2 % cette année. Le Canada ne fait certainement pas partie de ces deux tiers. Cette déclaration a été faite dans le contexte d'une inquiétude croissante quant au résultat possible des élections américaines plus tard cette année.
    Ces choses arrivent à point nommé en ce moment. N'êtes-vous pas d'accord?
    À la liste des capacités spécialisées que Mme Carvin a mentionnées, j'ajouterais le Centre de la sécurité des télécommunications, notre organisme national de cryptologie des renseignements et de signaux, qui est un organisme très respecté à l'étranger. Il est très bon et est respecté par nos alliés.
    Vous n'avez pas utilisé le terme « appareil gouvernemental »; vous avez utilisé le terme « gouvernance » dans votre déclaration préliminaire au sujet de la réorganisation d'éléments au sein du gouvernement du Canada, de l'interaction de ses organismes centraux et de ses ministères et du fonctionnement de la communauté du renseignement. Vous avez mentionné les quatre éléments de la communauté du renseignement et du gouvernement canadien.
    Quels changements précis à l'appareil gouvernemental recommanderiez-vous?
    C'est une très bonne question.
    Tout d'abord, j'aimerais mentionner que Mme Carvin et moi avons écrit ensemble un livre sur l'analyse du renseignement et l'élaboration de politiques qui porte précisément sur ces aspects, dont un chapitre complet est consacré à des recommandations.
    Je pense que la première recommandation doit être d'effectuer un examen exhaustif. Ce n'est pas une recommandation concrète, mais nous devons faire un effort sérieux et systématique pour examiner tout ce que nous faisons.
    En ce qui concerne la politique étrangère et la politique en matière de sécurité nationale en général, y compris la dimension liée à l'appareil gouvernemental, bon nombre de nos structures sont désuètes, et elles reflètent...
    Cet examen de la défense est en cours depuis un certain temps déjà. Pourquoi est‑ce toujours aussi long au Canada alors que c'est loin d'être aussi long dans les autres pays du G7?
    Répondez très brièvement, s'il vous plaît, car nous n'avons plus de temps.
    Je dirais qu'il s'agit d'une orientation politique et de l'absence d'un besoin pressant perçu de le faire.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Chatel. Vous avez six minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je sais que M. Bonnafont n'a pas le bon casque d'écoute. Toutefois, je vais lui poser quelques questions; peut-être certains témoins pourront-ils, par la suite, répondre à mes questions.
    Monsieur Bonnafont, je sais que vous ne pourrez pas répondre verbalement au Comité, aujourd'hui, mais je vais vous lire quand même mes questions, parce que j'aimerais beaucoup en apprendre davantage sur votre expérience. Vous pourrez ensuite transmettre vos réponses par écrit au Comité.
    Monsieur Bonnafont, vous êtes diplomate de carrière depuis 1986. Vous avez été en poste à New Delhi, au Koweït, à New York. Vous avez été le porte-parole de la présidence de la République avant de devenir ambassadeur en Inde et en Espagne. Vous êtes directeur pour l'Afrique du Nord et le Proche-Orient et conseiller du premier ministre.
    Or, vous avez fait une chose qui a suscité l'intérêt de ce comité: en mars 2023, les États généraux de la diplomatie, qui ont eu lieu et que vous avez d'ailleurs dirigés, ont abouti à un rapport de 298 pages.
    Je vous pose les questions suivantes.
    Premièrement, pouvez-vous nous donner un aperçu de cet examen de la diplomatie et de ses objectifs, en particulier en ce qui concerne l'adaptation et l'actualisation du travail et des capacités diplomatiques?
    Deuxièmement, de quelle manière le rapport a-t-il cherché à améliorer l'efficacité et l'efficience des efforts diplomatiques de la France dans le traitement des questions et des crises mondiales complexes? L'un des facteurs qui m'intéressent plus particulièrement est la façon dont la crise climatique que nous vivons va affecter la géopolitique et les réfugiés qu'on appelle communément les « réfugiés climatiques ». Il y a donc beaucoup de répercussions à ce chapitre en raison des changements climatiques.
    Je vois que vous prenez des notes, mais nous allons vous envoyer toutes ces questions par écrit.
    Troisièmement, compte tenu de votre participation aux états généraux de la diplomatie en France, selon vous, quelles leçons le Canada pourrait-il tirer de cette expérience, alors qu'il envisage l'avenir de ses propres capacités et services diplomatiques?
    Quatrièmement, dans le cadre de ces états généraux, pouvez-vous évoquer les principales leçons tirées ou les meilleures pratiques identifiées qui pourraient être utiles pour d'autres pays, y compris, évidemment, le Canada, pour façonner l'avenir de la diplomatie?
    Enfin, cinquièmement, compte tenu de la nature dynamique des relations internationales, comment envisagez-vous l'évolution du rôle des services diplomatiques en réponse aux nouveaux défis et aux possibilités à l'échelle mondiale?
    Ce sont donc les questions que je vous adresse, monsieur Bonnafont.
    Encore une fois, je vous souhaite la bienvenue au Comité, même si, malheureusement, nous éprouvons des problèmes techniques en raison des normes liées aux casques d'écoute.
    Je me tourne maintenant vers Mme Carvin et M. Juneau.
    Vous avez pu voir mon intérêt pour les changements climatiques et les changements géopolitiques.
     Je vous invite également à répondre à mes questions.

  (1725)  

[Traduction]

    Merci.
    Je suis vraiment désolée.

[Français]

     Je parle le français d'Oshawa, qui n'est pas du vrai français.

[Traduction]

    Étant donné mon fort accent, je vais répondre en anglais.
    En ce qui concerne ces enjeux, je pense que nous ne pouvons pas fonctionner sans améliorer les capacités fondamentales de l'organisation. Peu importe le problème.
    Monsieur Juneau et moi étudions tous les deux la sécurité nationale. C'est là que se trouvent nos intérêts. Fondamentalement, il est évident que le climat aura une grande incidence sur la sécurité nationale et les changements géopolitiques, mais nous ne pouvons rien faire à ce sujet si nous ne nous penchons pas sur les compétences de base de l'organisation. C'est ce qui m'inquiète.
    En ce qui concerne ce que M. Chong a dit plus tôt, je crains que nous assistions à ces forums internationaux sans apporter nos meilleures idées à la table. Où est notre voix? Nous avons fait preuve de leadership dans certains domaines, mais encore une fois, je crains que ce leadership ne soit pas pérenne. Je crains que l'accent soit mis sur ce qui fait les manchettes et ce que nous pouvons faire à partir de là. Je crois qu'il y a beaucoup de travail derrière ce qui fait les manchettes, mais que ce travail n'est pas utile s'il est toujours juste derrière les manchettes. Cela renvoie en quelque sorte à l'aspect de la transparence et des communications liées aux affaires étrangères qui, à mon avis, fait également défaut.
    Je dirais que nous devons assurer une meilleure orientation, une meilleure formation et une meilleure capacité. Il est difficile d'être en désaccord avec l'une ou l'autre de vos questions. Je ne suis pas sûre d'avoir de grandes précisions à apporter.
    Encore une fois, je pense que j'ai un léger parti pris à la suite de mon récent voyage au Japon, car je remarque que les diplomates de ce pays, une fois embauchés, passent immédiatement deux ans à l'étranger dans le cadre de leur formation. Je ne pense pas que les diplomates canadiens feront une telle chose bientôt, mais cette mesure donne une visibilité incroyable. Non seulement je l'ai trouvée vraiment inspirante, mais elle m'a rendue triste, parce que j'ai découvert que, parmi toutes les personnes à qui j'ai parlé au sein du ministère des Affaires étrangères japonais, une seule avait choisi de venir au Canada...
    Madame Carvin, je suis désolé. Pourriez-vous conclure?
    Merci.
    Merci.
    Je suis terriblement désolé de cette interruption.
    Nous passons maintenant à M. Bergeron.

[Français]

    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour six minutes.
     Merci, monsieur le président.
    C'est vraiment dommage que nous ne puissions entendre l'ambassadeur Bonnafont. Comme ma collègue, j'avais l'intention de lui poser un certain nombre de questions.
     Votre Excellence, je suis très heureux de vous voir. Je suis vraiment désolé que vous ne puissiez participer à cette séance en raison de problèmes techniques. Je vous remercie de votre patience. J'aimerais vous poser un certain nombre de questions, et je vous invite à nous répondre par écrit.
    Premièrement, la France a connu son lot de péripéties diplomatiques récemment, notamment en Afrique. En effet, les derniers militaires français qui avaient été envoyés au Niger ont quitté ce pays, le 22 décembre au matin. Cette journée mettait fin à plus de 10 ans de lutte contre le djihad au Sahel. On a vu ce qui est arrivé également au Mali et au Burkina Faso. Que s'est-il passé pour que la France, qui était une puissance avec une empreinte positive en Afrique, se retrouve dans cette situation? Qu'est-ce qui a manqué, du côté de la diplomatie française, pour qu'on en arrive à une telle situation?
    Deuxièmement, en 2023, les États généraux de la diplomatie, une consultation ouverte sur l'évolution de la diplomatie française que vous avez dirigée, ont abouti à un rapport de 298 pages. Dans la lettre de couverture du rapport, vous indiquez que celui-ci propose « deux séries de mesures, les unes pour conduire la modernisation de nos outils et de nos méthodes, les autres pour moderniser notre politique de ressources humaines ». Une recommandation indique une plus grande coopération avec les élus du Parlement, notamment en ce qui a trait à la diplomatie parlementaire. De quelle façon la France met-elle en valeur la diplomatie parlementaire pour augmenter son rayonnement?
    Troisièmement, je crois que la plupart des États amis de l'Ukraine y ont déjà envoyé une délégation parlementaire, ce que le Canada n'a pas encore fait. Selon vous, quelle contribution les missions parlementaires dans des pays en guerre, comme l'Ukraine, peuvent-elles apporter?
    Ma dernière question concerne une autre recommandation portant sur la nécessité d'investir dans la diplomatie culturelle, scientifique et économique. En quoi la diplomatie culturelle est-elle également un adjuvant au rayonnement de la France dans le monde?
    Je suis très impatient d'entendre vos propos à cet égard, Votre Excellence. Encore une fois, je suis profondément désolé de la situation dans laquelle vous vous retrouvez aujourd'hui. Je vous remercie d'être des nôtres et de votre patience.
    Monsieur le président, j'aimerais maintenant poser à M. Juneau une question que j'ai posée au sénateur Boehm, cette semaine.
    Comme vous le savez peut-être, monsieur Juneau, le sénateur Boehm est le président du Comité sénatorial sur les Affaires étrangères et commerce international, qui a produit un rapport sur la diplomatie. Nous avons invité le sénateur ici pour discuter avec nous de ce rapport, dont voici une des recommandations:
Affaires mondiales Canada devrait promouvoir l’utilisation égale du français et de l’anglais au sein du Ministère, assurer le maintien de la formation en langues officielles pour les employés ayant le statut ab initio, et élargir les possibilités de formation en langues officielles offertes aux autres employés, y compris les employés canadiens et les employés recrutés sur place.
    J'ai deux questions à vous poser à cet égard.
    D'abord, nous avons eu vent de l'existence d'un passe-droit qui permettrait aux hauts fonctionnaires de se soustraire à l'obligation de bilinguisme. En avez-vous entendu parler? Est-ce quelque chose qui est susceptible de nuire au statut du français au sein d'Affaires mondiales Canada?
    Ensuite, la plupart du temps, à Ottawa, le premier ministre, les ministres et les hauts fonctionnaires, lorsqu'ils prennent la parole ou participent à des conférences ou aux travaux de ce comité, le font presque exclusivement en anglais. Quel message cela envoie-t-il à la communauté diplomatique établie à Ottawa?

  (1730)  

    Je vous remercie beaucoup de vos questions.
    J'ai lu le rapport du comité du Sénat. En général, c'est un très bon rapport. Ce comité s'est penché sur des questions qui ne sont pas nécessairement sensationnalistes ou qui n'attirent pas beaucoup l'attention, mais qui sont essentielles. Par exemple, il s'est penché sur des questions liées à la « machinerie » — je reprends ici le mot qui a été utilisé — et à la capacité administrative. Il s'agit d'un excellent effort. J'espère que le Comité va continuer dans cette direction.
    Comme je l'ai dit dans mon témoignage, c'est bien beau de mettre en place des objectifs stratégiques en matière de politique étrangère, de défense ou de sécurité nationale, mais, sans la « machinerie » en place, on ne sera pas capable de les mettre en œuvre. Il s'agissait donc d'une bonne contribution au débat.
    Vous m'avez demandé si les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement avaient un passe-droit. Je dois dire que je ne le sais pas. Comme je n'étudie pas les questions linguistiques dans la fonction publique, je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.
    J'ai travaillé au ministère de la Défense nationale pendant 10 ans, et je suis professeur depuis près de 10 ans. Selon mon expérience, Affaires mondiales Canada est un des ministères les plus bilingues. C'est loin d'être parfait, mais c'est mieux qu'à bien des endroits.
    Cela dit, je ne peux pas répondre à la question que vous m'avez posée.

  (1735)  

    Ce que vous nous dites est absolument terrifiant...

[Traduction]

    Je crains que vous n'ayez largement dépassé votre temps, monsieur Bergeron. Vous en êtes à 6 minutes et 37 secondes.
    Nous passons maintenant à Mme McPherson. Vous avez 6 minutes.
    Merci à tous les témoins.
    Je suis également désolée que nous ne puissions pas entendre Son Excellence.
    Madame Carvin, j'ai été très intéressée par certaines des choses que vous avez dites au sujet de notre incapacité à mettre en place des politiques — je demande depuis très longtemps la mise en place d'une politique étrangère féministe — et par les répercussions de cette incapacité sur notre propre intérêt, nos relations et ce que nous essayons de bâtir.
    Il y a une chose qui m'intrigue. J'écoutais quelqu'un me raconter l'histoire d'un général trois étoiles qui avait parlé de la nécessité du développement et de la diplomatie en tant que cadres clés de la défense et qui disait que ces cadres étaient en fait des pierres angulaires. Si nous faisions cela, alors... Je pense que le Comité a entendu David Beasley, du Programme alimentaire mondial, parler de payer une fois pour ce qui doit être fait maintenant ou de payer mille fois plus à une date ultérieure, compte tenu du coût du conflit et de tout le reste.
    En ce qui concerne notre corps diplomatique, l'appareil gouvernemental et tous les éléments qui en font partie, quelles sont les conséquences pour le Canada de ne pas investir dans le développement et les droits de la personne, en plus peut-être de l'échec de la politique en matière de défense?
    Je pense qu'elles sont importantes.
    J'ai parlé de notre sécurité nationale et de notre défense parce qu'elles font davantage partie de mon domaine d'expertise, mais je serais d'accord avec le général, sauf sur un point: je crains que nous ne voulions pas sécuriser le développement. Nous voulons nous assurer que le développement est indépendant et qu'il n'est pas considéré comme un outil militaire ou un outil de renforcement de la sécurité nationale. Je pense que c'est une question à laquelle il faut faire attention.
    Oui, nous parlons souvent du budget de 2 %, mais nous ne parlons pas souvent du budget de l'aide étrangère, qui est, je ne pense même pas...
    Il est de 0,7 %. C'est du moins ce que nous visons, mais nous ne nous sommes jamais rapprochés de ce chiffre.
    Exactement.
    Je pense que cela nous nuit. Où? Nous le voyons aux Nations unies. Nous pourrions avoir toute une discussion sur notre position aux Nations unies et ce genre de choses, mais s'il s'agit d'un domaine où nous voulons faire preuve de leadership ou répondre à des États qui remettent en question notre engagement envers des organisations ou des normes internationales ou des choses du genre, alors que ces États ne nous voient pas payer pour ces choses, cela finit par nuire à notre capacité de susciter des conversations, de créer des relations, ce genre de choses.
    J'ai été particulièrement déçue lorsque nous avons réduit notre stratégie pour l'Afrique à un cadre. Je pense que c'est une mauvaise chose.
    C'était intéressant... Encore une fois, je suis désolée de revenir sans cesse sur mon voyage au Japon. C'était une expérience remarquable, je la recommande fortement.
    Quelqu'un a dit que c'est un domaine où le Canada pourrait peut-être même faire preuve de leadership. Quelqu'un a laissé entendre qu'il pourrait y avoir un dialogue quadrilatéral en Afrique en ce qui concerne le développement, les droits de la personne et ce genre de choses. L'Australie, le Japon, le Canada et la Corée pourraient travailler ensemble pour offrir une solution de rechange à la Chine ou à d'autres États autoritaires qui gagnent du terrain.
    Oui, absolument. Nous avons appris aux nouvelles que le comité sénatorial avait entendu dire que le Canada perdait presque toute sa pertinence en Afrique, ce qui, bien sûr, n'est pas la position que nous aimerions voir le Canada occuper.
    Je vais poser rapidement une question à Mme Deif, qui est en ligne.
    Vous avez aussi beaucoup parlé des conséquences de l'application différente par le Canada du droit international et des normes internationales dans différents contextes. J'aimerais vous poser la même question.
    D'après ce que nous voyons en Israël et en Palestine et compte tenu de l'horrible situation qui prévaut actuellement à Rafah et à Gaza, lorsque le reste du monde voit le Canada agir très différemment dans des circonstances différentes, quelles en sont les conséquences?
    Nous ne semblons tout simplement pas être un acteur qui a des principes et qui est impartial, alors nous perdons notre crédibilité. Nous perdons notre capacité de mettre en lumière des violations des lois de la guerre dans d'autres conflits. Nous perdons notre influence auprès des États et, surtout, nous laissons tomber les victimes.
    Nous le verrons, par exemple, pendant la séance du Conseil des droits de l'homme dans quelques semaines. Le Canada, comme d'autres États occidentaux, sera dans une position très difficile pour ce qui est de faire pression en faveur du renouvellement d'une commission d'enquête très importante sur l'Ukraine, parce que de nombreux États verront très clairement que l'Occident crée une situation de deux poids, deux mesures en offrant une réponse à l'Ukraine au moyen de tous les outils diplomatiques à sa disposition, qui vont du soutien aux enquêtes de la Cour pénale internationale aux sanctions ciblées, tout en offrant une réponse manifestement très différente aux graves violations des lois de la guerre à Gaza.

  (1740)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Juneau, avez-vous quelque chose à ajouter à cette conversation?
    Très brièvement, je dirais que peu importe nos points de vue individuels sur la guerre à Gaza, que nous voulions ou non un cessez-le-feu et que nous soyons davantage en faveur d'un côté ou de l'autre, l'une des conséquences de cette guerre sera un préjudice majeur à la crédibilité occidentale, à notre pouvoir souple, ou peu importe comment vous voulez l'appeler.
    Même si vous êtes très pro-Israël et que vous appuyez fortement les opérations israéliennes, c'est subjectif. Objectivement — et je me rends souvent au Moyen-Orient —, le tort causé à cette crédibilité est important. Plus la guerre dure, plus les dommages vont s'accumuler, et nous devrons vivre avec ces conséquences à bien des égards en ce qui a trait à notre crédibilité et à notre capacité de bâtir des coalitions pour promouvoir des objectifs et lutter contre la radicalisation de bien des façons. Je pense que c'est objectivement vrai, peu importe notre position sur la guerre elle-même.
    De mon point de vue, je pense que si nous n'appuyons pas la CIJ, nous affaiblissons le travail qu'elle essaie de faire dans ce conflit et dans d'autres également.
    Merci.
    Vous avez terminé juste à temps. Merci, madame McPherson.
    Nous passons maintenant à M. Hoback. Vous avez quatre minutes.
    Je serai bref, alors.
    Nous allons commencer par vous, madame Carvin.
    Vous avez parlé des étudiants et de leur intégration à Affaires mondiales. Est‑ce qu'Affaires mondiales informent les universités des exigences auxquelles elles souhaitent que les étudiants satisfassent lorsqu'ils terminent leurs études universitaires ou leur programme de maîtrise?
    Oui. Il ne s'agit pas d'une liste d'exigences particulières, je tiens à le préciser, mais nous sommes constamment en contact avec le gouvernement.
    Évidemment, j'enseigne à la Norman Paterson School of International Affairs, qui est nettement supérieure à l'école des études supérieures de l'Université d'Ottawa, mais ces deux écoles communiquent régulièrement avec le gouvernement pour déterminer quelles compétences il veut que nos étudiants possèdent.
    Par exemple, je ne demande pas à mes étudiants de rédiger des essais de 40 pages. Je leur demande d'écrire un mémoire d'une page sur un enjeu. Ils pensent que c'est formidable, car il ne s'agit que d'une page, mais ils voient ensuite tout ce qu'ils doivent intégrer dans une page. C'est le genre de formation que nous essayons d'offrir.
    J'ai parlé à des étudiants canadiens dans d'autres universités du monde. L'une des plaintes qu'ils formulent, c'est qu'ils ont l'impression qu'il s'agit d'un système de recrutement centré sur Ottawa et qu'ils n'obtiennent pas de crédit pour l'éducation qu'ils reçoivent, par exemple, à Washington, à Londres ou dans d'autres régions du monde.
    Êtes-vous d'accord avec ce genre d'observation?
    En tant que personne qui a fait toutes ses études supérieures au Royaume-Uni, oui. C'est difficile.
    Il y a quelque temps — je dirais en 2005 ou en 2006 —, on a lancé le programme visant à recruter des chefs de file en matière de politiques, qui avait des contacts dans les capitales internationales à l'étranger, ce qui donnait des possibilités aux étudiants qui étudiaient à Washington, à Londres, en France et dans des endroits semblables.
    Je pense que nous pourrions faire mieux. Je suis d'accord pour dire qu'il est important d'encourager ce genre de contacts, même à Calgary ou en Colombie-Britannique.
    Leur logique était qu'ils pensaient qu'Affaires mondiales ne voulaient pas de gens qui réfléchissaient hors des sentiers battus, qu'elles voulaient le même type de personne copié-collé et mis en place.
    Monsieur Juneau, je pense que vous voulez répondre à cette question.
    Si vous me permettez d'intervenir, je pense que cela rejoint le point que Mme Carvin a mentionné, à savoir le fait qu'un grand nombre de postes de premier échelon sont des contrats à court terme de divers types. Sur le plan logistique, il est donc plus facile d'embaucher de l'autre côté de la rue à Ottawa, que ce soit à l'Université d'Ottawa ou à l'Université Carleton. Si nous avions un système plus soutenu et mieux structuré permettant d'embaucher des gens pour une période indéterminée grâce à un processus approprié, il serait plus facile de dire à quelqu'un à Calgary de venir pour un emploi à temps plein plutôt que de dire à quelqu'un à Victoria de venir pour 90 jours, après quoi son statut serait évalué.

  (1745)  

    Différentes personnes sont affectées à l'étranger. Selon vous, de quel type de préparation ont-elles besoin avant d'aller à l'étranger?
    Outre la formation en matière de sécurité et les éléments de base de la formation professionnelle, quel genre de formation de base suivent-elles en ce qui concerne le pays où elles vont, la région qu'elles représentent ou dans laquelle elles travaillent, les différentes diasporas et ce genre de choses? Travaillez-vous avec ces écoles? Connaissez-vous des groupes de réflexion avec lesquels elles travaillent dans ce domaine?
    Je n'ai pas étudié leur programme de formation en profondeur, alors je ne peux pas en parler de façon systématique, mais j'ai beaucoup travaillé avec ces écoles. Je donne régulièrement de la formation sur le Moyen-Orient, sur les questions de sécurité internationale et sur d'autres sujets.
    C'est un système assez complexe, mais il y a toujours la question de savoir si les écoles ont suffisamment de ressources pour vraiment fournir aux diplomates la formation dont ils ont besoin, qu'elle soit linguistique ou autre. Chaque fois qu'il y a une ère d'austérité budgétaire, couper dans la formation est toujours la solution facile.
    L'autre problème que je vois en ce qui concerne la formation — et c'est une chose à laquelle j'ai réfléchi un peu du côté du renseignement également —, c'est le manque de reddition de comptes et le manque de mesures du rendement. Nous envoyons des gens en formation et nous cochons ensuite la case. Les efforts déployés pour mesurer les résultats de la formation sont extrêmement limités. Je reconnais que c'est très difficile, mais on ne le fait pas.
    En Corée du Sud, les candidats passent un examen et rédigent une dissertation avant d'obtenir un emploi, simplement pour pouvoir postuler. Il y a un système axé sur les résultats.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Zuberi. Vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais commencer par Mme Deif.
    Vous avez évoqué des enjeux consulaires dans une région du monde dont nous ne parlons pas souvent au Comité et dans l'espace public.
    Cela me ramène aux cas de quelques Canadiens, il y a plusieurs années. Je parle de cas comme ceux de Maher Arar, d'Abdullah Almalki, d'Ahmad Abou-Elmaati, de Muayyed Nureddin et d'Omar Khadr. Toutes ces personnes devaient composer avec des étiquettes extrêmement lourdes. Il y avait un nuage au‑dessus d'elles.
    En même temps, je pense aux instruments relatifs aux droits de la personne, aux valeurs de la Charte et à la primauté du droit pour tous, même lorsque c'est difficile.
    Vous avez soulevé la question des services consulaires dans le Nord-Est de la Syrie. J'aimerais connaître votre opinion. Vous avez fait une comparaison avec les services consulaires en général, mais j'aimerais faire une comparaison avec les services qui se sont retrouvés dans des situations analogues — avec des gens ayant des étiquettes lourdes, comme dans le Nord-Est de la Syrie.
    Voyez-vous une distinction entre les services consulaires offerts à ces personnes et à d'autres qui ont des étiquettes lourdes, comme celles auxquelles font face aujourd'hui les gens du Nord-Est de la Syrie?
    Je vous remercie de la question.
    Je pense que ce qui est clair, c'est qu'il y a très peu de volonté politique par rapport à certains dossiers consulaires. Essentiellement, le gouvernement veut simplement gérer le dossier et ne pas le régler. L’absence de volonté politique de la part du gouvernement pour rapatrier les Canadiens soupçonnés d’avoir des liens avec l’État islamique, en particulier les hommes, a eu des répercussions à tous les échelons d’Affaires mondiales.
    Pour illustrer le point soulevé par Mme Carvin, il peut y avoir par exemple un agent consulaire très subalterne chargé du dossier très complexe de lutte contre le terrorisme, qui concerne des Canadiens qui se trouvent dans des conditions qui, selon les Nations unies, équivalent à de la torture et à des traitements inhumains et dégradants. Bien entendu, la situation exigerait un ensemble de compétences beaucoup plus complexe.
    De manière générale, pour un dossier qui est délicat, on constate une réponse très lente d'Affaires mondiales, très peu de soutien consulaire et très peu de soutien aux membres de la famille.
    Hier, j'ai parlé à une membre d'une famille qui vit à Ottawa et qui cherche désespérément à rencontrer son agent des services consulaires depuis des années. Ce délai s'explique simplement parce que le message transmis à Affaires mondiales et à l'équipe consulaire indique clairement qu'il ne s'agit pas d'une question hautement prioritaire et que le premier ministre ne tient pas à rapatrier ces ressortissants canadiens.
    Ces cas sont traités très différemment des autres cas, comme les cas d'évacuation. Les membres des familles qui ont des êtres chers détenus dans le Nord-Est de la Syrie depuis sept ans ont vu le gouvernement présenter une déclaration mondiale sur la détention arbitraire. Ils ont vu le gouvernement évacuer des centaines de ressortissants de nombreuses zones de guerre dans le monde, mais leurs familles sont laissées pour compte. Leurs êtres chers sont laissés derrière de façon très intentionnelle.

  (1750)  

    Merci.
    Monsieur Juneau, j'aimerais savoir ce que nous avons appris sur la façon de nous y prendre avec des personnes qui ont un nuage au‑dessus de la tête, comme dans le Nord-Est de la Syrie. Qu'avons-nous appris au cours des 20 dernières années sur l'approche à adopter concernant ces personnes?
    Je pense, par exemple, aux mesures prises par certains pays du Moyen-Orient pour déradicaliser des gens. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    Je n'en ai pas. Je ne sais pas si vous pouvez répondre, mais cela dépasse mes compétences. Je suis désolé.
    Soyez très brève, madame Carvin, si vous avez une réponse à donner.
    Je serais heureuse d'en discuter avec vous après la réunion. Je pense que le Canada a été un assez grand pionnier dans le domaine de la lutte contre la radicalisation. J'ai des préoccupations au sujet de certains programmes en Arabie saoudite, entre autres. Je ne suis pas certaine que ces modèles soient ceux que nous voulions adopter, mais nous devrions certainement discuter avec ces pays, et je répète qu'il faut rapatrier ces personnes et, au besoin, les poursuivre en vertu du droit criminel, au lieu de les laisser dans un trou noir.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Bergeron.
    Vous avez deux minutes.

[Français]

     Merci.
    Je disais, monsieur Juneau, que je trouve cette situation absolument terrifiante. En effet, si le comité sénatorial a décidé de mettre en avant cette recommandation sur le français, c'est que tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes à Affaires mondiales Canada. Si ce ministère est l'un des meilleurs exemples qui puissent exister, je n'ose même pas imaginer ce qui se passe dans les autres ministères.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Deif.
    La ministre des Affaires étrangères a déclaré que la politique étrangère du Canada serait guidée par deux principes: la souveraineté et la diplomatie pragmatique. Cela implique, selon elle, de travailler avec des pays aux « perspectives différentes » sans jamais compromettre les valeurs canadiennes ou les intérêts nationaux.
    Ma question est fort simple: travailler avec des pays aux « perspectives différentes », notamment des pays qui violent ouvertement les droits de la personne, sans compromettre les valeurs canadiennes liées au respect de ces droits, n'est-il pas en quelque sorte comme tenter de résoudre la quadrature du cercle?
     Comment réagissez-vous à cela?

[Traduction]

    Oui, il ne fait aucun doute qu'un certain nombre de pays violent gravement les droits internationaux de la personne, tout en demeurant de très solides alliés du Canada. Il est intéressant de noter qu'avant le cas de la présumée exécution extrajudiciaire en sol canadien d'un homme sikh canadien, nous avions demandé pendant des années au gouvernement de scruter à la loupe le bilan de l'Inde en matière de droits de la personne et de faire des démarches au Conseil des droits de l'homme des Nations unies en ce qui concerne les attaques contre des minorités religieuses en Inde, l'intimidation, le harcèlement, les exécutions extrajudiciaires, etc. Malheureusement, cela ne s'est pas concrétisé avant que ce problème ne surgisse sur notre territoire, et de telles situations se produiront de plus en plus souvent si nous ne prenons pas des mesures préventives pour lutter contre les violations des droits de la personne — même celles qui sont commises par nos alliés.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme McPherson. Vous avez deux minutes.
    Deux minutes, c'est très court. Je vais donc vous poser deux questions très difficiles, puis vous laisser répondre en vous souhaitant bonne chance.
    La première question porte sur nos ventes d'armes et sur ce que cela révèle sur nos relations diplomatiques avec d'autres pays lorsque nous accordons la priorité aux exportations d'armes vers la Turquie, Israël, l'Inde et l'Arabie saoudite plutôt qu'à nos responsabilités en vertu du TCA, soit le Traité sur le commerce des armes, et à nos obligations en matière de droits de la personne.
    J'aimerais aussi que vous nous disiez, en tant qu'experts, où en est le Canada sur le plan diplomatique en ce qui concerne les autres enjeux que nous observons au Moyen-Orient, comme les Houthis en Iran.
    Madame Deif, je vais commencer par vous.
    Nous sommes très heureux que vous ayez présenté une motion, qui a d'ailleurs été adoptée, au sujet de la vente d'armes à Israël, et je pense qu'il est extrêmement important d'évaluer constamment les risques afin d'avoir un régime de contrôle des armes fondé sur les droits de la personne et l'atténuation des risques.
    Essentiellement, la décision de la Cour internationale de justice sur le risque plausible de génocide souligne la nécessité pour le Canada d'examiner les ventes d'armes à Israël en vue de les suspendre — sachant que des crimes graves sont commis en toute impunité —, et cela devrait être le cas partout.
    Allez‑y, monsieur Juneau.
    La reprise des ventes d'armes à la Turquie par le Canada est, à mon avis, un bon exemple de la façon dont la politique étrangère consiste à trouver un équilibre entre des priorités concurrentes. Les droits de la personne en font partie, comme il se doit, mais ce n'est pas la seule considération. L'un des intérêts les plus importants du Canada en matière de politique étrangère, c'est sa position au sein d'une OTAN fonctionnelle, et j'estime que l'élargissement de l'OTAN va dans ce sens. Tant que la Turquie refusait d'approuver l'adhésion de la Suède à l'OTAN, j'étais tout à fait favorable à la suspension de ces ventes dans le cadre des négociations. Je crois comprendre que, pour un certain nombre d'alliés, dont les États-Unis, le Canada et peut-être d'autres, la reprise de ces ventes d'armes était une condition après...

  (1755)  

    Même si cela contrevient au droit international ou canadien aux termes du TCA?
    N'étant pas un expert du TCA, je ne peux pas me prononcer là‑dessus.
    Du point de vue de la politique étrangère, cette décision me paraissait logique. La situation n'a certes rien d'agréable, mais dans le contexte mondial actuel, le bon fonctionnement de l'OTAN — qui est menacée, même de l'intérieur — revêt un intérêt primordial pour nous.
    Ce n'est pas gentil, mais, selon moi, c'était la bonne décision à prendre.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Aboultaif. Vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens aussi à remercier les témoins.
    Jennifer Welsh, la directrice du Centre d'études sur la paix et la sécurité internationale de l'Université McGill, a dit au Comité que « [l]es Canadiens vivent dans un système international qui est aujourd'hui moins accueillant à l'égard de nos intérêts et de nos valeurs [...] ».
    La question est la suivante: si nous vivons dans un système international qui est moins accueillant à l'égard de nos valeurs et de nos intérêts, est‑ce parce que nous avons baissé les bras, traîné de l'arrière ou fait quelque chose de mal?
    Pour être honnête, je pense que nous sommes devenus un peu paresseux. Ce n'est pas tant que nous soyons indifférents, mais...
    C'est comme une maison. Vous vous installez dans votre nouvelle demeure et vous êtes aux anges, mais vous devez à l'occasion remplacer les fenêtres, refaire le toit et tout le reste. Je pense que nous sommes devenus paresseux, en tenant pour acquis que cette infrastructure serait toujours là et que nous pourrions toujours en faire partie. Notre ministère des Affaires mondiales doit avoir la capacité de veiller à ce que le renouvellement puisse se faire de façon constante.
    Monsieur Juneau, qu'en pensez-vous?
    Je suis d'accord avec ce que Mme Carvin vient de dire. Je pense que le fait de vivre sous le parapluie américain de la défense et de la sécurité depuis des décennies nous a affaiblis sur le plan de la politique étrangère. Nous avons choisi la facilité et négligé la politique étrangère. Nous avons pris de mauvaises décisions en la matière, sans en payer le prix pendant des décennies. Ce temps est révolu.
    Merci.
    Il y a différents types de diplomatie. La ministre des Affaires étrangères a parlé de « diplomatie pragmatique ». Il y a aussi ce qu'on appelle la « diplomatie financière ».
    Quelles mesures prenons-nous? La diplomatie pragmatique suffit-elle vraiment à réserver notre place dans le monde parmi nos alliés et au sein de la communauté internationale? Faisons-nous assez de diplomatie financière, oui ou non?
    Ma question s'adresse à M. Juneau, puis à Mme Carvin.
    Pour que ce soit bien clair, qu'entendez-vous au juste par « diplomatie financière »?
    La diplomatie financière est l'un des moyens utilisés par les pays pour exercer une certaine influence sur la scène internationale. Si nous tirons de l'arrière et que nous n'affectons pas suffisamment de ressources, c'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles nous ne faisons pas bonne figure.
    Très brièvement, quelles que soient les réformes que nous mettons en œuvre pour des questions liées à l'appareil gouvernemental et peu importe ce que nous faisons pour mieux définir nos intérêts, nos objectifs, etc. en matière de politique étrangère, si nous ne consacrons pas d'argent ni de ressources à la diplomatie, à la défense et, j'ajouterais, au renseignement étranger et à la sécurité nationale, nous ne pourrons défendre nos intérêts que partiellement. Il faut tout simplement investir davantage.
    Madame Carvin, qu'en pensez-vous?
    Je suis d'accord. Je reviens à ce que j'ai dit à Mme McPherson: le développement compte dans ces discussions, surtout auprès de nos alliés non occidentaux. Nous ne semblons pas y prêter attention.
    Je ne sais pas si l'expression « diplomatie financière » me plaît vraiment. Nous en parlons assurément dans... Certains parlent du piège d'endettement en Afrique pour décrire la façon dont la Chine accorde des sommes qui ne seront jamais remboursées, mais il y a certainement des mesures que nous pourrions prendre, surtout avec nos alliés, pour tendre la main à ces pays.
    Si je vous demandais, en tant qu'universitaires, d'expliquer ou de définir la diplomatie pragmatique en quelques mots, seriez-vous en mesure de le faire?
    Tout d'abord, la diplomatie pragmatique peut signifier ce que vous voulez. C'est, selon moi, le point essentiel. Quand un politicien définit une telle notion, pour moi, cela veut dire qu'on va improviser en faisant fi des principes, des objectifs et des stratégies. En théorie, une diplomatie pragmatique voudrait dire que l'idéologie et les valeurs passent au second plan.

  (1800)  

    Si vous n'y voyez pas d'inconvénient...
    M. Juneau est l'expert, comme vous le savez. Je m'en remets donc à lui.
    Je suis d'accord. Mon seul bémol, c'est que le qualificatif « pragmatique » pourrait désigner n'importe quoi. C'est un mot passe-partout.
    Les valeurs et les droits de la personne ont un rôle à jouer dans notre politique étrangère. Ils doivent en faire partie intégrante, sinon je pense que nous... Nous avons parlé d'hypocrisie; nous ne voulons pas non plus être perçus comme étant cyniques.
    Nous passons maintenant à M. Oliphant. Vous avez quatre minutes.
    Je vais céder mon temps de parole à M. Alghabra.
    Merci, monsieur le président.
    Je ne sais pas si vous voulez toujours partager votre temps, car nous devons réserver une demi-heure pour les travaux du Comité.
    J'invoque le Règlement. Je veux vérifier où nous en sommes, car il est 18 heures. Je croyais que nous avions prévu une demi-heure pour les travaux du Comité...
    Nous avons commencé à 17 heures moins 10.
    À quelle heure pensez-vous que nous allons mettre fin à la réunion?
    Nous allons terminer dans une vingtaine de minutes.
    Je cherche à savoir quand nous allons commencer les travaux du Comité, car je pensais que nous pourrions terminer cette partie de la réunion plus tôt. Nous n'en avons pas discuté.
    Comme je l'ai dit, il nous reste encore 20 minutes. Cela signifie que nous allons commencer les travaux du Comité dans environ 20 minutes.
    Pourriez-vous sonder les membres du Comité pour savoir si c'est bien ce qu'ils souhaitent? Je me demande simplement si nous voulons deux autres tours.
    J'avais cru comprendre que nous avions terminé.
    Nous pourrions peut-être terminer une série de questions.
    Est‑ce que tout le monde est d'accord pour terminer après...?
    Sommes-nous en train de nous débarrasser des travaux du Comité?
    Non. Nous devions nous en tenir à deux heures, mais nous avons commencé à 17 heures moins 10.
    En ce qui nous concerne, il s'agit de notre dernière série de questions.
    Voulez-vous éliminer la dernière série de questions, dans ce cas?
    Pouvons-nous terminer ce tour‑ci, qui sera le dernier?
    Parlez-vous d'un tour supplémentaire?
     L'hon. Robert Oliphant: Non, je dis que nous avons commencé ce tour avec les conservateurs. Nous allons entendre les libéraux, après quoi nous aurons terminé.
    C'est le deuxième tour, n'est‑ce pas? Vous êtes le dernier intervenant du deuxième tour.
    Je pense que nous en sommes au troisième tour.
    Non. Nous en sommes au deuxième.
    Je ne suis pas très doué pour tenir le compte du nombre de tours. Ce que je...
    Vous êtes le dernier intervenant du deuxième tour.
    Il s'agit du troisième tour.
    Heureusement, c'était un rappel au Règlement.
    S'il s'agit de notre dernier tour, j'aimerais simplement m'assurer que c'est le dernier intervenant en ce moment.
    Est‑ce que tout le monde est d'accord pour que ce soit la dernière question?
     Des députés: D'accord.
     Le président: Allez‑y, monsieur Alghabra.
    Même si je voulais poser des questions, je vais céder mon temps de parole à ma collègue, Hedy Fry.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Alghabra. Merci, monsieur Oliphant, de me céder la parole.
    Je vais profiter de l'occasion pour proposer une motion que vous avez tous en main et qui se rapporte à ce que nous étudions en ce moment. Je propose:
Que, dans le cadre de son étude sur les capacités diplomatiques du Canada, le Comité des affaires étrangères et du développement international reconnaisse que le développement international fait partie intégrante de la stratégie diplomatique du Canada et affirme son appui aux droits en matière de santé sexuelle et génésique; qu’il reconnaisse que le droit à des soins génésiques sûrs et légaux fait partie du droit à des soins de santé; qu’il condamne tout effort visant à limiter les droits en matière de santé sexuelle et génésique ou à en retirer; qu’il souligne l’importance de maintenir l’accès à des soins de santé génésique et sexuelle, y compris à des avortements et à des contraceptifs sûrs, en tant qu’élément principal de la Politique d’aide internationale féministe du Canada.
    Merci beaucoup, madame Fry.
    Tout d'abord, seriez-vous tous d'accord pour que je laisse partir nos témoins parce que vous n'avez plus de questions pour eux?
    Sur ce, madame Carvin, monsieur Juneau et madame Deif, nous vous remercions énormément d'avoir témoigné devant nous. Vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion.
    Monsieur l'ambassadeur, nous tenons également à vous remercier infiniment de vous être joint à nous. Veuillez accepter nos plus sincères excuses pour les problèmes techniques.
    Nous vous en sommes tous reconnaissants. Merci.
    Madame Fry, vous n'avez évidemment pas donné de préavis de 48 heures pour cette motion; cependant, j'aimerais que vous me disiez comment, selon vous, cette motion s'inscrit dans le cadre des capacités diplomatiques du Canada.

  (1805)  

    Si vous avez écouté nos témoins d'aujourd'hui et ceux de la dernière réunion, vous savez qu'ils ont expliqué que notre capacité diplomatique consiste, en fait, à fournir de l'aide étrangère, et cela fait partie de notre programme d'aide étrangère.
    L'objet de la motion s'inscrit clairement dans le cadre de nos efforts diplomatiques à l'étranger. M. Aboultaif a même posé une question sur la diplomatie financière. Il s'agit de fournir de l'aide étrangère; c'est donc une question très fondamentale et pertinente dans le contexte de l'étude que nous menons en ce moment. Voilà pourquoi je n'ai pas besoin de donner un préavis de 48 heures. C'est recevable.
    Merci, madame Fry.
    Allez‑y, monsieur Chong.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Je ne pense pas que la motion soit recevable. Je crois qu'elle serait recevable à la prochaine réunion du Comité, parce que le préavis de 48 heures aurait alors été donné. La motion a été mise en avis aujourd'hui. De plus, je ne crois pas que son objet corresponde à la question à l'étude, à savoir les capacités diplomatiques du Canada. Je ne pense pas que l'avortement et les droits en matière de santé génésique fassent partie de l'étude que nous menons actuellement.
    Selon moi, cette motion devrait être examinée à la prochaine réunion du Comité plutôt que maintenant. Ce n'est pas parce que le préambule fait référence à l'étude dont nous sommes saisis que la motion est recevable.
    Je pense donc que la motion est irrecevable. À mon sens, elle sera recevable à notre prochaine réunion puisqu'un préavis de 48 heures aura alors été donné, mais je ne pense pas qu'elle soit recevable en ce moment.
    Merci, monsieur Chong.
    Quelqu'un d'autre veut‑il intervenir à ce sujet?
    Allez‑y, monsieur Bergeron.

[Français]

     D'abord, je suis d'accord avec M. Chong. Je crois que la règle pour les motions de fond s'applique ici.
    Ensuite, quoique je sois très réceptif au contenu de la motion, je me pose deux questions.
    Premièrement, est-ce qu'on ne met pas un peu la charrue avant les bœufs, dans la mesure où on en viendra ultimement à faire un rapport?
    D'ailleurs, nous allons nous pencher, dans quelques instants, sur les instructions pour le rapport. Il y aura des recommandations. Cela pourra faire l'objet de recommandations adoptées par l'ensemble du Comité, ou, à tout le moins, d'une opinion dissidente ou complémentaire au rapport du Comité.
    Deuxièmement, nous venons tout juste de mener une étude approfondie sur la question des droits reproductifs et sexuels des femmes. Je me demande quelle est la valeur ajoutée de la motion devant nous. Cependant, puisque celle-ci n'est pas recevable, je n'en débattrai pas plus longuement, mais je soumets, en préavis, mes questionnements, monsieur le président.

[Traduction]

    Puis‑je répondre à cette question?
    Je dois d'abord céder la parole à Mme McPherson.
    D'accord, allez‑y.
    Je suis désolée, Heather.
    Je dois dire que ce que dit M. Bergeron est tout à fait sensé. Cependant, il faut se demander si cette motion relève de la question à l'étude.
    D'un point de vue pratique, M. Bergeron soulève un excellent point.
    À mon avis, cette motion est tout à fait pertinente, d'autant plus que nous voulons donner aujourd'hui les instructions à nos analystes pour la rédaction d'un rapport.
    Tout au long de cette étude, on a assurément parlé de l'importance du développement dans le cadre de nos efforts diplomatiques — du moins j'ai essayé de faire ressortir cet aspect. De toute évidence, la pierre angulaire du travail de développement du Canada est la Politique d'aide internationale féministe. Cette politique s'applique à toutes nos activités de développement international, et je considère donc qu'il est logique qu'on présente cette motion au moment de donner les instructions de rédaction à nos analystes.

  (1810)  

    Monsieur Chong, vous avez la parole.
    Monsieur le président, je ne crois pas que nous soyons rendus à donner les instructions pour la rédaction du rapport. Nous en sommes encore à la partie publique de la réunion consacrée aux capacités diplomatiques du Canada.
    Je suis d'accord pour que nous passions aux instructions, mais sachez qu'en ce moment, nous siégeons en public.
    Je dois dire que je suis d'accord avec vous, monsieur Chong. Je suis également d'accord avec M. Bergeron.
    À l'heure actuelle, le Comité doit simplement déterminer si cette motion respecte la portée de notre étude sur les capacités diplomatiques du Canada.
    Allez‑y, madame Fry.
    Merci.
    Peu importe que l'on donne des instructions ou non, je tiens à dire que cette motion relève tout à fait du sujet à l'étude. Nous avons entendu des témoins dire que le Canada doit défendre les droits de la personne dans le cadre de ses efforts diplomatiques.
    On a établi en 1995 que les droits des femmes constituaient des droits de la personne et que les droits en matière de santé sexuelle et génésique faisaient partie intégrante des droits de la personne. Si nous voulons que nos efforts diplomatiques tiennent compte des droits de la personne, nous avons besoin de cette motion.
    Partout dans le monde, nous constatons que les droits des femmes sont bafoués. Nous allons nous rendre en Afrique. On n'a qu'à regarder ce qui se passe là‑bas. On sait que 78 000 femmes meurent chaque année dans cette partie du monde et dans les pays en développement à la suite d'avortements pratiqués dans des conditions dangereuses. Ces femmes meurent aussi parce qu'elles accouchent de leur 20e enfant et que leur utérus est rendu mince comme une feuille de papier, ce qui provoque des hémorragies post-partum. Elles meurent et leurs enfants en souffrent.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    C'est un élément important de nos capacités diplomatiques. Les droits de la personne font partie intégrante de nos efforts diplomatiques.
    Merci.
    Je n'aime pas interrompre ma collègue, mais j'ai un rappel au Règlement, ce qui a préséance.
    Je tiens à dire d'emblée que j'appuierai la motion lorsque le moment sera opportun.
    Je pense qu'à l'heure actuelle, nous devons déterminer si la motion s'inscrit dans le cadre de l'étude. Je pense que cette motion ne peut être débattue pour l'instant. S'il y a contestation, nous pouvons avoir un débat sur le rappel au Règlement, mais pas sur le sujet de la motion.
    Je pense qu'il serait important que la présidence se prononce sur la recevabilité de la motion. Ensuite, nous pourrions peut-être avoir une brève discussion pour savoir si nous devons voter là‑dessus aujourd'hui ou si nous devons traiter des travaux du comité.
    Je pense qu'il y a une question de validité et que c'est à vous de trancher.
    Je comprends.
    Nous pourrions écouter ce que les députés ont à dire afin de déterminer si cette motion s'inscrit dans le cadre de notre étude sur les capacités diplomatiques du Canada.
    Oui, c'est l'objet du rappel au Règlement.
    Toutefois, nous ne pouvons pas débattre de la motion à ce moment‑ci. La question est de savoir si elle s'inscrit ou non dans le cadre de notre étude.
    C'est ce que je ne cesse de dire. Nous devons décider si la motion est pertinente dans le contexte de notre étude sur les capacités diplomatiques du Canada.
    Je viens justement d'en parler. Merci.
    Effectivement, Mme Fry a abordé cette question.
    Est‑ce que quelqu'un d'autre souhaite dire...?
    Après avoir entendu tout le monde, et en particulier Mme Fry — et il ne s'agit pas seulement d'une question de formulation, mais de tout ce qui a été souligné —, je dirais que oui, cette motion se rapporte à notre étude sur les capacités diplomatiques du Canada.
    Est‑ce que tout le monde est d'accord? Quelqu'un s'y oppose?
    D'accord. Nous allons faire une pause de quelques minutes, après quoi nous traiterons des travaux du Comité.
    Nous allons faire une pause de trois ou quatre minutes puis nous reprendrons la séance à huis clos.
    Avez-vous une question?

  (1815)  

    Sommes-nous saisis de la motion?
    Oui, la motion a été adoptée.
    Je veux simplement que les choses soient claires. Vous avez déclaré que la motion était recevable. Votre décision n'a pas été contestée. Nous devons maintenant discuter de la motion avant de pouvoir traiter des travaux du Comité.
    Oui, c'est exact.
    Non, je pense que le président a déterminé que la motion s'inscrivait dans le cadre de l'étude. Étant donné que le prochain point à l'ordre du jour est l'examen des instructions de rédaction à l'intention des analystes, je crois que nous devons maintenant passer à huis clos afin de poursuivre le débat sur la motion.
    Les députés souhaitent-ils débattre de la motion maintenant?
    Nous aimerions débattre de la motion.
    Le Comité doit‑il siéger à huis clos ou en public? L'un ou l'autre me convient.
    Si nous en débattons, nous devons continuer à siéger en public.
    Il faut débattre de la motion en public, puisque je l'ai proposée lors de la séance publique.
    J'aimerais que le président donne quelques précisions.
    Je crois que la séance publique se poursuit. Nous ne sommes pas encore à huis clos. Nous sommes saisis d'une motion, que vous avez jugée recevable. Je pense que la motion doit être débattue maintenant.
    Le président: Vous avez raison.
    L'hon. Robert Oliphant: À moins que quelque chose ne nous en empêche, le débat se poursuivra tant que les députés auront des choses à dire sur le sujet.
    Le président: Tout à fait.
    L'hon. Robert Oliphant: Je suis désolé, c'est ce que je voulais dire. Puisque nous en débattons maintenant, j'aimerais que le Comité vote rapidement sur cette motion afin que nous puissions passer aux travaux du comité. Compte tenu de la pause de la semaine prochaine, il est d'autant plus important de discuter des travaux du Comité. Nous aurions donc intérêt à donner nos instructions aux analystes aujourd'hui afin qu'ils puissent rédiger ce rapport.
    Il y a un certain nombre d'autres choses dont il faudra discuter durant la partie consacrée aux travaux du Comité. Pour l'instant, je me contenterai de dire que j'appuie la motion. Je n'ai pas besoin d'en dire plus.
    Merci.
    Monsieur Chong, souhaitez-vous également parler de la motion?
    Je ne considère pas que la motion a été présentée de manière constructive. On nous l'a balancée à la dernière minute.
    C'est la même tendance visant à semer la discorde qui se dégage ici...
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Madame Fry, la parole est à vous.
    Vous avez jugé que la motion était recevable.
    Je crois que M. Chong s'interroge encore à savoir si la motion est recevable ou non, alors qu'il devrait plutôt débattre de la teneur de la motion.
    Pas du tout, monsieur le président. Je parle du contenu de la motion.
    J'estime que cette motion est très clivante et qu'elle s'inscrit dans une tendance générale de la part du gouvernement à présenter à la Chambre et au sein des comités des mesures qui sèment la discorde afin de détourner l'attention de ses échecs.
    Je ne pense pas que cette motion soit constructive dans le contexte de l'étude sur les capacités diplomatiques. Je tiens à souligner que cette motion a déjà été présentée sous une forme différente au sein du Comité, et le Comité a fait fausse route.
    Le Comité va, encore une fois, s'égarer, parce que la motion ne fait visiblement pas consensus. Je trouve cela déplorable, car je considère que les députés et les Canadiens en général, peu importe leur allégeance politique, peuvent s'entendre lorsqu'il s'agit de l'aide du Canada à l'étranger.
    Le Comité aurait dû s'inspirer de l'approche adoptée par le gouvernement lorsqu'il a lancé l'Initiative de Muskoka pour la santé maternelle, néonatale et infantile lors du G8, une initiative largement considérée comme une réussite, précisément parce que les ONG et le gouvernement ont mis de côté la partisanerie et, au‑delà de leurs divergences, sont parvenus à un consensus sur des questions d'intérêt commun.
    J'ai récemment lu un article écrit par Elly Vandenberg, paru dans Options politiques en 2017. Elly Vandenberg enseigne à la Munk School of Global Affairs de l'Université de Toronto. Elle a travaillé pendant 25 ans à Vision mondiale Canada et elle a écrit quelque chose qui me semble particulièrement pertinent dans le contexte de la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui. Elle a mis en évidence 10 leçons pratiques tirées du succès de l'Initiative de Muskoka. L'une de ces 10 leçons consiste à collaborer, peu importe les divergences d'opinions, et à se concentrer sur les points communs.
    Ce n'est pas ce que fait cette motion; en fait, elle fait tout le contraire. Il s'agit d'une motion qui sème la discorde et que nous avons déjà traitée au sein du comité. Je ne crois pas qu'on s'appuie ici sur les leçons tirées de la réussite de l'Initiative de Muskoka, qui a réellement mobilisé non seulement les ONG et les organismes de développement international ici au Canada, mais aussi ceux à l'étranger. Elle a joué un rôle important en nous aidant à progresser vers les objectifs de développement du millénaire que nous avions du mal à atteindre, alors que nous en étions aux deux tiers du parcours en 2010.
    Nous savons que depuis la pandémie, les pays les plus pauvres souffrent de manière disproportionnée. La Banque mondiale, si je ne me trompe pas, a souligné l'année dernière que des dizaines de millions de personnes étaient retombées sous le seuil de pauvreté extrême à la suite de la pandémie. Il est donc nécessaire de redoubler d'efforts pour atteindre les objectifs de développement durable et les objectifs de développement du millénaire.

  (1820)  

    J'invoque le Règlement
    Allez‑y, madame McPherson.
    Je suis désolée d'interrompre mon collègue.
     J'aimerais simplement proposer qu'on lève la séance, puisque c'est la Saint-Valentin et que nous aimerions tous, j'en suis sûre, passer du temps avec nos êtres chers. J'aimerais proposer une motion visant à lever la séance.
    Je pense que ce rappel au Règlement n'est pas recevable, puisque M. Chong est...
    Monsieur le président, j'ai terminé.
    Merci.
     Je suis désolée. Qu'est‑ce que...?
    Monsieur le président, j'ai terminé mon intervention. Vous pouvez céder la parole au prochain intervenant.
    Allez‑y, madame McPherson.
    J'aimerais proposer que le Comité lève la séance.
    Merci.
    J'aurais quelque chose à dire.
    Une voix: Non, c'est terminé. La séance est levée.
    Mme Sophie Chatel: Pas à ce sujet, mais...
    Nous avons ajourné le débat.
    Une voix: La majorité des membres du Comité souhaitent lever la séance.
    Le président: Plaît‑il au Comité de lever la séance?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Excellent. La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU