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SRSR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la science et de la recherche


NUMÉRO 003 
l
1re SESSION 
l
45e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 17 septembre 2025

[Enregistrement électronique]

(1630)

[Traduction]

    Bienvenue à la troisième réunion du Comité permanent de la science et de la recherche.
    Conformément à la motion de la Chambre du 18 juin 2025, le Comité se réunit pour étudier l'impact des critères d'attribution du financement fédéral sur l'excellence de la recherche au Canada.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement. Des membres du Comité sont présents dans la salle, et d'autres participent à la réunion à distance au moyen de l'application Zoom.
    Avant de poursuivre, je demande à tous les participants dans la salle de consulter les lignes directrices écrites sur les cartes qui se trouvent sur la table. Ces mesures sont en place pour prévenir les incidents acoustiques et pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes. Vous remarquerez également un code QR sur la carte, qui renvoie à une courte vidéo de sensibilisation.
    J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez à la réunion par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Veuillez désactiver votre micro lorsque vous ne parlez pas.
    Si vous êtes sur Zoom, vous pouvez sélectionner au bas de votre écran le canal approprié pour l'interprétation : le parquet, l'anglais ou le français. Les participants dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et sélectionner le canal désiré.
    Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Les membres du Comité dans la salle doivent lever la main s'ils souhaitent prendre la parole. Les membres du Comité sur Zoom doivent utiliser la fonction « Lever la main. » Le greffier et moi ferons de notre mieux pour gérer l'ordre des interventions. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins du premier groupe.
    Nous accueillons M. David Freeman, professeur agrégé à l'Université Simon-Fraser, qui se joint à nous par vidéoconférence. Nous recevons également M. Yuan Yi Zhu, professeur adjoint de relations internationales et de droit international à l'Université Leiden.
    Je vous remercie tous deux de comparaître devant le Comité.
    Tous les témoins disposeront de cinq minutes pour faire leur déclaration préliminaire, puis nous passerons aux séries de questions.
    Monsieur Freeman, nous allons commencer par vous. Vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration liminaire. Merci.
    Merci, madame la présidente, de m'avoir invité.
    Permettez-moi d'abord de me présenter. Je suis professeur d'économie à l'Université Simon-Fraser et je fais de la recherche en économie comportementale et expérimentale. Je suis personnellement reconnaissant au Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, ou CRSH, de m'avoir soutenu dans mon travail à la maîtrise et au doctorat à l'Université de la Colombie-Britannique et maintenant en tant que membre du corps professoral de l'Université Simon-Fraser.
    À titre d'information, de 2020 à 2023, j'ai siégé à quatre comités d'évaluation du CRSH pour les subventions de développement Savoir en économie. Je vais d'abord y décrire mon expérience.
    Mon expérience a été assez positive. Les membres étaient très qualifiés. Ils prenaient la tâche au sérieux et s'engageaient à financer les meilleures propositions selon les normes du milieu de l'économie. Les critères sont raisonnablement bien définis pour permettre au comité de le faire. En fait, j'ai préféré travailler avec ces critères que, disons, avec les critères de la Fondation nationale des sciences, ou NSF. Les critères du CRSH sont tout simplement plus faciles à interpréter.
    L'évaluation d'un point de vue disciplinaire fait ce qu'elle est censée faire: elle permet de choisir les meilleures propositions selon les normes de chaque discipline. Le monde universitaire est organisé par discipline, et c'est donc une façon sensée d'évaluer les propositions. Cependant, le CRSH n'a pas de critères adéquats pour répartir les fonds entre les disciplines et les programmes. Je n'ai pas de solution parfaite, mais je veux souligner trois problèmes et proposer quelques suggestions progressives qui pourraient mieux harmoniser le financement du CRSH avec les priorités des Canadiens.
    Premièrement, parlons du programme de perfectionnement des compétences du CRSH, qui finance des bourses de recherche et d'études pour les étudiants de deuxième cycle et de niveau postdoctoral. Je pense que ces fonds ne sont pas répartis proportionnellement.
    Prenons un exemple simple. En 2024, le programme de perfectionnement des compétences a financé 140 bourses d'études et de recherche en sociologie; 155 en histoire; seulement 52 en gestion; et 40 en économie. Rappelons que, dans une université typique, les départements de la gestion et de l'économie sont beaucoup plus grands que ceux de l'histoire et de la sociologie. Il va presque sans dire que la demande est beaucoup plus forte pour les doctorats en gestion et en économie, alors je pense que nous faisons fausse route avec cette affectation de fonds. Je ne veux pas m'en prendre à ces disciplines en particulier; je cherche simplement à décrire un problème plus général.
    Je recommande que le CRSH repense sa répartition du financement du programme de perfectionnement des compétences entre les disciplines. L'organisation pourrait envisager une autre mesure — comme le nombre d'étudiants qui obtiennent leur diplôme dans une année — pour répartir le financement entre les disciplines. Il pourrait peut-être aussi ajuster la répartition en fonction de la demande du marché pour les diplômés.
    Deuxièmement, le Canada accuse beaucoup de retard par rapport à d'autres pays dans sa capacité à fournir des ensembles de données de grande qualité aux chercheurs en sciences sociales, et le CRSH devrait avoir du financement pour régler ce problème. Beaucoup plus d'études influentes en économie utilisent des ensembles de données suédois et américains que des ensembles de données canadiens, même si l'on tient compte de la petite taille du Canada comparativement aux États-Unis.
    Les recherches menées au Canada permettent de formuler d'importantes perspectives sur des politiques et des organisations canadiennes uniques. Or, lorsque les données nécessaires pour mener ces recherches font défaut, nous devons nous fier à des leçons imparfaites provenant d'ailleurs. Je recommande que le CRSH réserve des fonds pour la recherche qui utilise des données canadiennes et crée de nouveaux ensembles de données canadiens.
    Le troisième point est épineux. J'aimerais parler de la recherche militante dans les disciplines du CRSH. Certaines approches entourant les bourses d'études mettent l'accent sur les questions normatives plutôt que sur les questions positives. Certaines rejettent même la distinction entre la recherche de la vérité et la poursuite du militantisme. Cette réalité dépend beaucoup de la discipline et varie en intensité dans les disciplines où certaines de ces approches se manifestent.
    Le problème est le suivant: les professeurs militants ont presque tous des idées politiques de gauche ou d'extrême gauche, et les méthodes d'attribution de bourses axées sur le militantisme risquent d'être influencées par les préjugés, les opinions et les valeurs des chercheurs. À mon avis, le déséquilibre politique entre les chercheurs portés sur la défense des intérêts risque de compromettre l'approbation sociale à l'égard des universités.
    Est-il légitime que l'ensemble des contribuables canadiens financent le militantisme de gauche et d'extrême gauche sous le couvert du financement de la recherche? Je ne pense pas, mais c'est un problème extrêmement délicat à régler d'une manière raisonnée. Je n'ai pas de solution parfaite, mais permettez-moi de proposer quelques idées.
    Premièrement, je suggère que les enveloppes de financement accordent la priorité à la recherche fondamentale par l'entremise du programme Savoir.
    Deuxièmement, les critères du programme Savoir ne devraient pas valoriser la recherche normative et militante ni les résultats non universitaires pour l'acquisition des connaissances.
    Troisièmement, je propose que le CRSH remanie ses politiques en matière d'équité, de diversité et d'inclusion pour que la priorité soit accordée à la diversité des points de vue, surtout à la diversité des points de vue politiques.
    Enfin, je recommande que le gouvernement mette sur pied un conseil de gouvernance équilibré et représentatif sur le plan politique pour chacun des trois conseils subventionnaires. Les chercheurs devraient eux-mêmes trouver leurs contacts et partenariats, et ils devraient faire de l'activisme politique à leurs frais et dans leurs temps libres.
    En résumé, je recommande que le CRSH distribue les bourses d'études supérieures en fonction du nombre d'étudiants, finance les données canadiennes et repense le financement de la recherche militante.
    Merci, madame la présidente.
(1635)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre notre deuxième témoin, M. Yi Zhu.
    Vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration préliminaire. Allez‑y.
     Je remercie les membres du Comité de leur présence. C'est un plaisir d'être de retour à Ottawa pour témoigner devant vous aujourd'hui.
     Chaque année, le gouvernement fédéral du Canada consacre des milliards de dollars au financement de la recherche. Les Canadiens s'attendent, à juste titre, à ce que cet argent soit attribué aux chercheurs les plus méritants en fonction de l'excellence — et de l'excellence seulement — afin qu'ils puissent mener des recherches de haute qualité qui profiteront aux Canadiens. Malheureusement, ce n'est plus le cas.
     Aujourd'hui, le financement fédéral de la recherche est souvent attribué en fonction de la race, du sexe, de l'identité de genre, de la conformité idéologique et d'autres critères qui n'ont rien à voir avec la recherche de la vérité et de l'excellence. Par conséquent, les chaires de recherche du Canada, qui sont financées par le gouvernement fédéral, ne sont offertes qu'aux personnes d'une certaine race, d'un certain sexe ou d'une combinaison des deux, même si aucune de ces caractéristiques n'a quoi que ce soit à voir avec la qualité de la recherche d'une personne. En effet, les universités peuvent perdre leur financement dans le cadre du Programme des chaires de recherche du Canada si elles ne répondent pas aux exigences de diversité en matière de recrutement des professeurs.
    Aujourd'hui, les programmes de recherche financés par le gouvernement fédéral s'attendent à ce que les demandeurs « démontrent clairement leur engagement solide à l'égard de l'équité, de la diversité et de l'inclusion dans leurs demandes » et à ce qu'ils intègrent l'EDI dans la « conception et la pratique de la recherche ». En tout respect, la conception de la recherche doit viser à favoriser la réalisation de bonnes recherches, et non à promouvoir des objectifs idéologiques précis.
     De plus, il existe de nombreux obstacles informels à la poursuite de l'excellence au sein du système fédéral de financement de la recherche. Par exemple, dans les sciences humaines et sociales, mon milieu, il est bien connu que les propositions de recherche qui contiennent un jargon à la mode et un langage politique progressiste dans l'air du temps ont de bien meilleures chances d'être retenues que les propositions qui portent sur des sujets plus traditionnels, qui préconisent des approches plus classiques. Cela signifie que, dès le début de leur carrière, les jeunes universitaires et chercheurs apprennent que la façon d'avancer dans le milieu universitaire est d'être conformiste et de chercher de l'argent sous forme de subventions en utilisant des mots à la mode, peu importe ce qu'ils estiment réellement pertinent sur le plan intellectuel.
     Tout comme M. Freeman, je m'adresse au Comité en tant qu'ancien bénéficiaire du financement du CRSH, qui m'a permis d'obtenir un doctorat. Je suis très reconnaissant envers les contribuables, de même qu'à l'égard du CRSH et du gouvernement fédéral qui m'ont permis de poursuivre ma carrière universitaire, ce que je n'aurais pas pu faire autrement.
    Naturellement, je crois fermement à l'importance d'investir des fonds publics dans la recherche. Cependant, en cette conjoncture économique difficile, de nombreux Canadiens s'interrogent déjà sur la valeur du financement de la recherche universitaire, qui peut parfois sembler sans rapport avec leur vie quotidienne. De plus, l'imposition brutale de l'EDI et d'autres exigences idéologiques dans le financement de la recherche mine le soutien public et menace l'avenir de l'enseignement supérieur au Canada. C'est un problème auquel il faut s'attaquer de toute urgence.
     Merci beaucoup.
(1640)
    Nous allons maintenant passer aux questions des membres du Comité. Nous allons commencer par une première ronde de six minutes, avec M. Baldinelli.
    Allez‑y.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Monsieur Zhu, c'est la deuxième fois que vous comparaissez devant nous pour discuter de ce sujet. Vous avez comparu lors de la dernière législature, le 28 novembre 2024. Je crois que c'était notre 111e réunion. À la lecture des témoignages, il est évident que des problèmes techniques vous avaient empêché de participer pleinement à la réunion. Ces problèmes avaient aussi empêché les membres du Comité de vous poser des questions et d'entendre vos réponses.
    Nous sommes heureux de vous recevoir à nouveau aujourd'hui. Nous vous remercions d'être avec nous.
    Lors de la réunion du 28 novembre, l'ancienne présidente vous avait invité à nous transmettre des renseignements supplémentaires dans un mémoire si vous le souhaitiez. J'aimerais savoir si vous avez été en mesure de le faire.
    Je n'ai pas été en mesure de le faire la dernière fois, mais je vais le faire après la réunion d'aujourd'hui.
    Merci beaucoup.
    Dans votre déclaration préliminaire du 28 novembre 2024, vous avez dit ceci:
    Aujourd'hui, le financement fédéral de la recherche est souvent attribué en fonction de la race, du sexe, de la conformité idéologique et d'autres critères qui n'ont rien à voir avec la recherche de la vérité et de l'excellence.
    À votre avis, quels sont les risques et les dangers associés à cette approche en matière d'équité, de diversité et d'inclusion pour l'excellence de la recherche canadienne?
    Je vous remercie pour votre question.
     Premièrement, rien de tout cela n'est caché. Si vous allez sur le site Web de n'importe lequel des conseils de recherche, il y a des pages consacrées aux politiques et aux programmes en matière d'équité, de diversité et d'inclusion qui sont très précisément conçus pour faire avancer certains points de vue et certains groupes minoritaires.
     La vérité, c'est que... Écoutez, selon moi, la recherche est une quête de vérité et d'excellence. Si vous dites à l'avance aux chercheurs que vous pouvez leur donner de l'argent à condition qu'ils effectuent des recherches qui cochent certaines cases en matière d'EDI ou qu'ils appartiennent à une certaine race ou quoi que ce soit d'autre, cela réduit le bassin de personnes admissibles. Les personnes qui ne répondent pas aux critères ou qui n'ont pas ces caractéristiques personnelles ne reçoivent pas d'argent. Les gens qui veulent faire certains types de recherche qui sont moins à la mode et qui sont moins idéologiquement favorables à l'EDI n'obtiennent pas l'argent. Les fonds vont à un plus petit bassin de personnes. Cela encourage très souvent les gens à mentir sur ce qu'ils veulent vraiment étudier. En tant que chercheur, lorsque je fais une demande de subvention, je dois me demander ce que l'on s'attend à y lire afin qu'elle puisse être acceptée et que je puisse faire mon travail. Cela nous incite donc à être malhonnêtes.
     De plus, comme l'a aussi fait valoir M. Freeman, je crois, une grande partie des fonds est versée à un certain nombre de chercheurs très idéologiques. Je ne dis pas qu'ils ne devraient pas recevoir d'argent; je dis qu'ils ne devraient pas bénéficier d'un traitement de faveur.
    C'est intéressant. Dans les faits, certaines personnes doivent mentir dans leur demande afin d'obtenir du financement pour un programme misant sur l'excellence de la recherche, ce qui est malhonnête. Je crois qu'il y a quelque chose qui cloche avec ce système.
    Monsieur Freeman, vous avez récemment écrit un article qui a été publié sur le site Web The Hub, au sujet des universités canadiennes qui recevaient des fonds publics sans que rien ne soit exigé d'elles en retour. Dans cet article, vous dites qu'il y a de graves problèmes avec les universités.
    Quels sont les problèmes que vous avez observés et qui vous ont mené à faire une telle affirmation?
(1645)
     Je vous remercie pour votre question.
    En tant que membre du corps professoral juif, les réactions qu'ont suscitées les événements du 7 octobre m'ont vraiment ébranlé. J'ai été profondément bouleversé de voir de nombreux professeurs célébrer, en quelque sorte, le massacre du Hamas. Je pourrais en dire plus à ce sujet, et aussi sur l'imposant soutien qui s'en est suivi.
     Cela m'a vraiment frappé, mais je pense que ce n'est qu'un symptôme d'un problème beaucoup plus vaste. M. Yi Zhu et moi parlons des autres facettes de la question. Je pense que le déséquilibre idéologique et la culture d'annulation qui ont été documentés dans diverses sources sont des problèmes vraiment profonds. Nous voulons que les universités soient des endroits qui favorisent la vérité, la diversité des points de vue et l'acquisition de connaissances au service des Canadiens; des connaissances auxquelles peuvent se fier les Canadiens.
    Je pense que vous avez mentionné cette notion, la notion de vérité. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de « recherche militante ». Ce militantisme, au lieu de favoriser la recherche de la vérité, oriente en quelque sorte les conclusions de la recherche que vous essayez de faire.
    Je pense que c'est le cas, en effet, dans certaines disciplines et pour certains chercheurs. C'est un continuum. Il est très difficile de départager nettement ce qui est de nature militante et ce qui ne l'est pas.
    Par exemple, si vous croyez que la vérité est très subjective et que vos propos alimentent un discours qui contribue aux relations de pouvoir, vous pourriez très bien choisir d'être sélectif quant aux preuves que vous utilisez pour promouvoir un côté donné — peut-être celui que vous considérez comme le plus opprimé — comme idéologie parmi le vaste spectre des idées universitaires.
    Je pense que ce que j'appelle la « recherche militante », au sens large, est très bien ancré dans certaines sphères du monde universitaire. Je ne dis pas qu'il faut s'en débarrasser...
    Si vous me le permettez, monsieur Freeman, il me reste seulement une quinzaine de secondes.
    Une témoin qui a comparu lundi a mentionné que la surveillance des subventions destinées à la recherche est très limitée. Êtes-vous d'accord avec ce commentaire?
    C'est vrai, mais en tant que chercheur, il est vraiment difficile de déterminer la voie à suivre utile lorsque je rédige une demande de subvention. Si je rédige une demande de subvention en toute honnêteté, elle concerne de la recherche que je n'ai pas menée. Au début de la recherche, il est possible que j'apprenne quelque chose, puis que j'adopte une direction légèrement différente, et donc...
    Je suis désolée de vous interrompre. Votre temps est écoulé. Vous aurez peut-être l'occasion de compléter au deuxième tour. Merci.
    Cela dit, nous passons à M. Rana.
    Monsieur Rana, vous avez six minutes pour votre série de questions. Veuillez commencer.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de passer du temps avec nous en ce mercredi soir pour discuter des critères d'attribution du financement fédéral et de l'excellence de la recherche au Canada.
    Ma première question s'adresse à M. Zhu.
    Vous avez dénoncé la façon dont le milieu universitaire éloigne d'éventuels lauréats du prix Nobel. Cependant, au Canada, nous avons récemment célébré la réalisation historique de M. Geoffrey Hinton, qui a remporté le prix Nobel de physique, ce qui illustre avec éclat l'excellence canadienne et la compétence des organismes de financement canadiens. En fait, notre gouvernement investit 734 millions de dollars pour soutenir l'infrastructure et les instituts de recherche de calibre mondial du Canada et aider la prochaine génération de chercheurs à réaliser de nouvelles percées scientifiques.
    Pourriez-vous en dire davantage sur l'importance de financer les chercheurs, même si la recherche peut sembler fantaisiste, voire étrange, pour les gens de l'extérieur du milieu de la recherche?
    Je vous remercie de votre question. Je n'ai pas compris la dernière partie, mais je pense avoir saisi l'essentiel.
    Le Canada est un pays très chanceux: nous avons des chercheurs de calibre mondial. Personne ne le conteste. Bien franchement, nous jouons dans la cour des grands. Nous regorgeons de talents. Comme je l'ai dit, je suis favorable aux investissements du gouvernement fédéral en recherche. Ce n'est pas le cas de tout le monde. Je pense que c'est une bonne chose, de façon générale. Je pense que nous en avons probablement les moyens, en tant que pays.
    À vrai dire, il peut être très difficile pour les conseils de recherche de trouver des recherches prometteuses, surtout dans des domaines comme les sciences naturelles. Le financement de la recherche est intrinsèquement imprévisible. Vous donnez des fonds à des gens qui vous semblent prometteurs. Parfois, cela fonctionne, parfois non. C'est aléatoire. Le problème des conseils de recherche qui ont une vision un peu trop étroite, c'est qu'ils disent: « Voilà la prochaine grande percée; je vais leur donner beaucoup d'argent », mais parfois, les apparences sont trompeuses: cela ne fonctionne pas ou ce n'est pas une grande percée. C'est l'un des arguments en faveur d'une ouverture d'esprit et d'une diversité accrue à l'égard des activités que nous finançons, car on ne sait jamais quel projet sera révolutionnaire et quel sera un échec.
    L'année dernière, à titre d'exemple, une personne aux États-Unis a remporté un prix Nobel de médecine. Pendant des décennies, elle n'a eu aucun emploi dans le milieu universitaire parce que tout le monde disait que sa recherche était sans importance. Elle n'avait pas d'argent, et elle a travaillé seule jusqu'à ce qu'elle reçoive le prix Nobel pour sa contribution à la mise au point du vaccin contre la COVID‑19. Voilà un exemple de ce qui se produit très souvent dans le domaine de la recherche: des idées prometteuses ne sont pas financées parce que ceux qui les financent — les fonctionnaires qui prennent les décisions relatives au financement — ont une vision étroite. Ils sont à l'affût de la prochaine grande avancée, mais parfois, cela ne fonctionne pas.
(1650)
    Dans un article publié par UnHerd en 2023, vous avez déclaré que « Le fait que les décisions d'acceptation et de refus soient habituellement prises par d'autres chercheurs du même domaine ne semble que renforcer le sentiment que tout le système est brisé. »
    Pourriez-vous en dire davantage au sujet de cet argument?
    Monsieur, quel est l'article en question?
    Je parle de votre article où vous mentionnez que les décisions d'acceptation et de refus sont habituellement prises par d'autres chercheurs du même domaine.
    Ah, oui. Merci.
    C'est une question un peu délicate. D'une part, lorsqu'on pense à ceux qui sont les mieux placés pour juger de ce qui constitue une bonne recherche ou non, on pense aux gens de la même discipline. D'autre part, le danger, c'est que ces gens de la même discipline adhèrent à des orthodoxies et ne sont pas prêts à financer des recherches qui vont à l'encontre de ces orthodoxies. Le problème se pose particulièrement au Canada, car nous ne sommes pas un très grand pays. Dans une discipline donnée, on peut compter quelques centaines de chercheurs, et l'on retrouve toujours les mêmes chercheurs d'expérience au sein des comités d'octroi de subventions. Si vous demandez de l'argent pour réfuter ce sur quoi une personne a bâti sa carrière, il arrive que cette personne dise que ce n'est pas ce qu'elle veut et qu'elle préfère financer des gens qui ont la même approche.
    Voilà une autre raison soulignant l'importance de faire preuve d'une plus grande ouverture d'esprit et d'accroître la base de financement pour la recherche, car les chercheurs d'expérience, en particulier, tendent parfois à être très attachés à leur héritage, ce qui peut être contre-productif.
    Merci.
    Monsieur Freeman, je vais vous céder la parole. Je veux examiner votre parcours à l'Université Simon Fraser.
    Comment pouvons-nous protéger le financement de la recherche afin qu'il reste indépendant et résilient à long terme, en particulier face à l'influence politique?
    C'est une question très difficile.
    Tous les membres du comité d'adjudication apporteront leur propre partialité politique. La première étape consiste à octroyer beaucoup d'indépendance aux universités et aux comités d'adjudication. La deuxième consiste à dépolitiser le milieu universitaire. Ce n'est pas facile à faire, et cela ne relève pas entièrement de la compétence fédérale, mais il faut amener les universités à adopter [difficultés techniques] pour que [difficultés techniques] ces départements ne favorisent pas un programme politique. Il faut promouvoir la diversité politique dans les universités pour que les gens puissent prendre en considération les arguments de tous les horizons.
    Je ne me soucie pas vraiment de l'orientation politique d'un physicien, mais c'est peut-être un peu plus important dans le domaine des sciences sociales et humaines interprétatives. Je pense que favoriser la diversité politique dans les universités contribuera à protéger l'indépendance politique, mais c'est très difficile à faire. Comment y parvenir sans essentiellement faire de discrimination fondée sur les croyances politiques, ce qui ne me met pas très à l'aise? C'est un problème délicat.
    Je serais ravi de proposer d'autres idées et de les mettre par écrit.
    Au fil des ans, quels changements avez-vous observés en matière de financement de la recherche et de liberté universitaire? Avez-vous constaté des changements?
    Je suis désolée, mais votre temps de parole est écoulé, monsieur Rana.
    Merci. Ce n'est pas grave. Ce sera pour une prochaine fois.
    Nous allons maintenant céder la parole à M. Blanchette-Joncas.
    Vous disposerez de six minutes pour poser vos questions. Commencez, je vous prie.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les témoins qui sont des nôtres pendant la première heure de la réunion.
    Ma question s'adresse au professeur Yuan Yi Zhu.
    Selon vous, dans quelle mesure les critères liés à des caractéristiques personnelles indépendantes de la qualité scientifique influencent-ils l'excellence universitaire?
    Je vais essayer de vous répondre en français.
    Personnellement, je pense qu'il n'y a pas de lien entre les caractéristiques personnelles et l'excellence. L'excellence en recherche n'a rien à voir avec les caractéristiques personnelles, comme le sexe ou la race. Je ne suis pas un meilleur ou un moins bon chercheur parce que je suis d'origine chinoise, que je suis un homme ou que je suis hétérosexuel. Cela n'a rien à voir. C'est une idée franchement discriminatoire et raciste qui mène à des résultats absurdes.
    Par exemple, l'année dernière, en 2024, l'Université de la Colombie‑Britannique avait annoncé la fondation, par le gouvernement fédéral, d'une chaire de recherche du Canada pour la recherche sur le cancer buccal, c'est-à-dire le cancer de la bouche. Les candidats devaient être des personnes handicapées, des Autochtones, des personnes racialisées, des femmes ou des personnes issues de groupes d'identités sexuelles minoritaires. Je trouve qu'il est franchement absurde de dire qu'un homme blanc ne peut pas faire de la recherche sur le cancer buccal. Ça n'a rien à voir. De plus, ce genre de choses diminue la confiance du public envers la recherche au Canada.
(1655)
    Plusieurs témoins ont souligné que les formulaires d'adhésion aux valeurs d'équité, de diversité et d'inclusion, ou EDI, exigés pour les demandes de financement du gouvernement fédéral peuvent alourdir le travail administratif. Certains chercheurs ont même recours à l'intelligence artificielle pour y répondre.
    Selon vous, quels effets ces exigences ont-elles sur la recherche scientifique et sur le travail des chercheurs?
    En 2012, les Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC, ont mené une étude selon laquelle un chercheur passait en moyenne 22 jours à rédiger une seule demande de subvention auprès des IRSC. J'ai bien dit « 22 jours », et pas « 22 heures ». Ils y passent donc un mois; c'est un mois de temps perdu. Cette étude a été faite en 2012, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur des demandes d'adhésion et d'engagement aux valeurs d'EDI. On peut donc imaginer combien de temps ça prend maintenant.
    Il s'agit d'une perte de temps pour tout le monde. Les chercheurs veulent faire de la recherche, mais ils doivent remplir le petit formulaire sur l'équité, la diversité et l'inclusion. Ça nuit à la recherche et on gaspille l'argent des contribuables canadiens, qui veulent que les chercheurs fassent de la recherche, et non qu'ils passent leur temps à remplir des formulaires en lien avec l'idéologie woke.
    Aux États‑Unis, la Cour suprême a récemment jugé que certaines politiques d'admission fondées sur l'équité, la diversité et l'inclusion étaient contraires au droit.
    Quelles leçons peut-on tirer de ce débat en ce qui concerne le financement et l'organisation de la recherche au Canada?
    Les États‑Unis et le Canada ont deux régimes distincts. Aux États‑Unis, selon la Cour suprême, la discrimination positive est illégale, conformément à la Déclaration des droits. Au Canada, selon la Charte canadienne des droits et libertés, la discrimination positive à des fins d'amélioration est légale. Cependant, le fait que ce soit légal ne veut pas dire qu'il s'agit d'une bonne chose à faire.
    Je pense que la plupart des Canadiennes et des Canadiens ne veulent pas d'un système par lequel on octroie de l'argent sur cette base. Aux États‑Unis, on a banni l'action affirmative pour les admissions dans les universités et le monde n'a pas arrêté de tourner. Les universités américaines sont encore excellentes et elles recrutent encore des talents partout dans le monde. Ça n'a rien changé; en fait, ça a amélioré les universités américaines.
    Je pense que le Canada devrait considérer suivre l'exemple américain. C'est un bon exemple à suivre. En fait, les Canadiens ne sont pas très différents des Américains. Nous sommes un peuple ouvert, et nous voulons que les gens soient jugés en fonction de leur mérite, et non de leurs caractéristiques personnelles.
    Selon vous, est-ce que les politiques d'équité, de diversité et d'inclusion influencent la liberté universitaire des chercheurs et leur capacité à explorer certains sujets de manière indépendante?
    Absolument. J'ai beaucoup de collègues qui font de l'autocensure ou qui ne parlent pas de certains sujets; s'ils parlent de certains sujets, ils doivent le faire d'une façon discrète. J'ai des collègues qui ont perdu leur emploi parce que leur point de vue politique n'était pas populaire. L'autocensure s'exerce de manière persistante et quotidienne parmi les chercheurs dont les points de vue politiques ou idéologiques ne sont pas conformes à ceux de la majorité.
    Nous vivons dans un pays libre. Quand je publie un article, je ne devrais pas avoir à me demander si mes collègues vont me punir ou si mon emploi va être touché. Pourtant, c'est la réalité au Canada. Ça nuit absolument à la liberté universitaire au Canada.
    Dans un contexte de compétition mondiale pour attirer les meilleurs talents, ces exigences renforcent-elles ou affaiblissent-elles l'attractivité du Canada pour les chercheurs étrangers? Bien sûr, je précise que je parle toujours ici des critères d'équité, de diversité et d'inclusion qui sont rendus obligatoires par le gouvernement fédéral.
    Après mon baccalauréat, j'ai poursuivi ma carrière scientifique en Europe, au Royaume‑Uni et aux Pays‑Bas. Il faut que je dise que le Canada a malheureusement acquis la réputation d'être un pays excessivement woke. Ce ne sont pas seulement mes collègues de droite qui le disent. Même mes collègues progressistes me disent parfois que le Canada est un très beau pays, mais qu'ils ne veulent pas y travailler parce que ses universités exagèrent un peu.
    Je pense qu'il y a absolument un effet néfaste sur l'attraction du talent. Les chercheurs veulent faire de la recherche et ne veulent pas avoir à se conformer aux politiques d'équité, de diversité et d'inclusion, même s'ils sont progressistes. Si on leur dit qu'ils devront se conformer à ces critères s'ils viennent au Canada, ça ne les attirera pas.
(1700)

[Traduction]

    Merci.
    Sur ce, la première série de questions est terminée. Nous allons entamer notre deuxième série d'interventions de cinq minutes avec M. Ho.
    Monsieur Ho, veuillez commencer. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Mes premières questions s'adressent à M. Freeman.
    Vous avez mentionné un manque de diversité dans les points de vue politiques dans les universités. Je pense qu'une étude a révélé que 88 % des professeurs d'université sont à tendance gauchiste et que les autres sont de droite, ce qui représente un déséquilibre flagrant. J'aimerais simplement connaître votre opinion sur la façon dont cela se traduit dans votre milieu et votre expérience en tant que membre du corps professoral et étudiant, et comprendre comment le gouvernement libéral a permis qu'on en arrive là.
    Il y a de nombreuses études différentes — moins nombreuses au Canada, mais il y en a beaucoup aux États-Unis —, et cela varie selon la discipline. Heureusement, je travaille dans le domaine de l'économie, et je confirme qu'il y a peut-être un ratio de quatre libéraux pour un conservateur, mais beaucoup de gens sont considérés comme étant de centre ou de centre gauche, et les gens sont assez tolérants. J'ai de bonnes relations avec mes collègues de mon département.
    Comment les choses fonctionnent-elles à l'université? Au lieu de vous concentrer uniquement sur le ratio entre les gens de gauche et de droite, pensez au ratio de personnes qui sont d'extrême gauche et s'identifient comme telles — je ne parle pas des électeurs libéraux, mais des gens qui sont d'extrême gauche — et de personnes qui sont de droite ou de centre droit. Il y a bien plus de gens d'extrême gauche que de...
    Quels sont quelques exemples de cet activisme d'extrême gauche?
    Les expressions à la mode que vous entendez sont la « recherche marxiste » ou la « théorie critique de la race ». Les gens les utiliseraient comme exemples de formes militantes de recherche qui ont tendance à être associées à la politique d'extrême gauche.
    Ne pensez-vous pas que le financement gouvernemental, l'argent des contribuables, devrait servir à une vision équilibrée et apolitique? Ce n'est tout simplement pas le cas dans les facultés universitaires. Ne pensez-vous pas qu'il y a un déséquilibre total? On pourrait croire que cet argent devrait être assorti de conditions, n'est‑ce pas?
    Je ne sais pas pour les conditions. Il est très difficile de prédire à l'avance les résultats de recherche, alors je ne sais pas comment vous voulez envisager les conditions. C'est très délicat. Je dirais toutefois qu'il y a effectivement un déséquilibre politique dans les facultés — c'est pratiquement indéniable —, et c'est pire dans les disciplines qui ne sont pas positivistes et qui sont plus assujetties à la partialité des chercheurs, notamment dans les sciences sociales et humaines interprétatives.
    Vous avez mentionné le 7 octobre et l'antisémitisme dont ont été victimes les professeurs et les étudiants juifs dans tout le pays. Pourriez-vous me parler un peu de votre expérience?
    Oui. J'ai rédigé un mémoire pour l'étude du Comité de la justice de la Chambre des communes. J'ai trouvé très déconcertant de voir des gens politiser l'université et tenter d'adopter une motion anti-Israël.
    C'est l'argent des contribuables qui finance cela.
    De plus, voir des étudiants s'exprimer en faveur de la Palestine et des professeurs les soutenir, rejoindre des groupes tels que Faculty for Palestine ou Students for Justice in Palestine, qui sont de connivence avec Samidoun et le Hamas et qui ont clairement des liens... Des professeurs de mon université étaient présents au campement anti-israélien de l'Université de la Colombie‑Britannique avec des membres de Samidoun.
    Diriez-vous qu'on vous réduit maintenant au silence, que vous vous sentez moins en sécurité et que vous ne pouvez peut-être pas exercer pleinement votre liberté universitaire à cause de cela?
    Écoutez, comme certaines personnes ont tenté de politiser les universités par divers moyens — pour, par exemple, favoriser le désinvestissement des fabricants d'armes, ce à quoi je m'oppose catégoriquement —, j'ai fait connaître mon opinion. Vous ne trouverez pas l'emplacement de mon bureau en ligne. Je verrouille mes portes et je m'assure que personne ne sait où j'habite. C'est une nouvelle réalité. Les Juifs se sont habitués à cette réalité au fil des générations. Je dois simplement m'y habituer.
(1705)
    Pensez-vous que le gouvernement devrait agir à ce sujet?
    Oui.
    D'après vous, que peut‑il faire?
    Il ne faut pas oublier que les universités relèvent principalement des provinces, si bien que la répartition des fonds du CRSH entre les disciplines est la priorité absolue. Ce type d'activisme dans les universités vient de quelque part, et il vient de mouvements activistes d'extrême gauche.
    Pensez aux conditions associées aux coûts indirects du financement indirect de la recherche. Je ne dis pas qu'il faut retirer les subventions aux gens, mais il y a une grande caisse noire qui est remise aux universités pour payer les administrateurs et autres frais similaires. Vous pourriez envisager certaines politiques et rendre cela conditionnel dans certaines politiques.
    Puisque des fonds proviennent des recettes fiscales fédérales, c'est indirectement lié au gouvernement fédéral. Le financement finit par être remis aux professeurs et aux administrateurs, ce qui a essentiellement créé un espace qui a réduit au silence les voix dissidentes — même la voix des Juifs, mais aussi d'autres voix qui ne sont pas...
    Monsieur Ho, votre temps de parole est écoulé. Je vous remercie.
    Je rappelle à tous que cette étude porte sur les critères fédéraux en matière de financement de la recherche.
    Sur ce, nous allons maintenant céder la parole à la députée Jaczek.
    Députée Jaczek, vous disposez de cinq minutes pour poser vos questions. Vous pouvez commencer, je vous prie.
    Merci, madame la présidente.
    Nous pourrions peut-être veiller à ce que le langage utilisé à ce comité demeure impartial, objectif et axé sur l'objectif de l'étude.
    Sur ce, j'aimerais poser une question à M. Freeman et à M. Yi Zhu.
    Monsieur Freeman, je pense que vous avez surtout travaillé avec le CRSH, n'est‑ce pas? Vous n'avez pas travaillé avec le CRSNG, l'ICIS ou d'autres organismes de financement que le gouvernement a en place, n'est‑ce pas?
    C'est exact. J'ai seulement travaillé avec le CRSH.
    Est‑ce la même chose pour vous, monsieur Yi Zhu?
    Oui.
    Depuis le début de notre étude, nous avons entendu plusieurs suggestions qui pourraient vous aider tous les deux. Des témoins ont proposé que la demande initiale déposée auprès d'un des trois conseils ne comprenne ni le nom du professeur ou du chercheur, ni le nombre d'articles publiés, ni tout autre renseignement permettant d'identifier la personne candidate, afin que l'examen de la proposition, ainsi que l'évaluation de l'originalité de l'idée et de la capacité de recherche de l'équipe soient le plus objectif possible.
    Avez-vous suivi les délibérations du Comité?
    Je vais commencer par vous, monsieur Freeman. Appuyez-vous l'idée d'un examen fondé sur le mérite, qui tiendrait strictement compte de la proposition et qui ferait abstraction de l'identité de la personne candidate?
    J'essaie de suivre les travaux du Comité, mais c'est la première fois que j'entends cette suggestion.
    Je n'ai rien contre la proposition de ne pas divulguer le nom de la personne. C'est probablement une bonne idée. Toutefois, en ce qui concerne le nombre de publications, au CRSH, cette donnée est utilisée pour évaluer la proposition en fonction non seulement du critère du défi, mais aussi du critère de la capacité. Grosso modo, on évalue le curriculum vitæ de la personne. Quels sont ses antécédents en matière de publication? Je ne sais pas comment on ferait, à moins de séparer ces deux éléments, ce qui pourrait être faisable. Ce serait un peu plus de travail côté administration, mais l'idée n'est pas mauvaise.
    Le concept d'une évaluation par étapes a aussi été présenté. Je vous remercie pour votre réponse.
    Monsieur Yi Zhu, avez-vous suivi les travaux du Comité et entendu les suggestions? Avez-vous des observations?
    Je regrette, je n'ai pas suivi les travaux du Comités; toutefois, j'ai entendu parler de cette idée.
    Il y a deux écoles de pensée. La première, c'est que le nom ou l'identité de la personne ne devrait pas influencer la décision. La seconde, c'est que si quelqu'un a déjà réussi, pourquoi ne devrait‑on pas lui donner plus d'argent? La réponse, c'est que cette personne est peut-être très bonne à obtenir des subventions. Y a‑t‑il un lien entre l'obtention d'une subvention, par exemple, et la réussite? Certaines personnes sont simplement douées dans la préparation de demandes de subvention. C'est un art, en quelque sorte.
    Je pense qu'il faut se demander si une telle approche changerait la donne. Je soupçonne que cela dépend du niveau de financement. Les doctorants n'ont pas accès au même financement que les chercheurs qui travaillent à des fins mercantiles. Si la personne qui demande de l'argent a remporté un prix Nobel et a un grand laboratoire, c'est logique puisqu'elle a sans doute publié des dizaines d'articles et elle est connue. C'est peut-être différent pour une personne qui fait ses débuts. Je suis agnostique, mais je pense que cela dépend vraiment du niveau de financement, et peut-être aussi du domaine de recherche.
(1710)
    Je vous remercie.
    Une autre idée qui a été présentée au Comité durant la législature précédente, c'est de financer un certain pourcentage de demandes de manière purement aléatoire. Autrement dit, il y aurait une loterie pour, disons, 10 % des demandes, étant donné que les recherches scientifiques donnent souvent des résultats imprévisibles.
    Monsieur Freeman, avez-vous entendu parler de cette proposition? Qu'en pensez-vous?
    Toute approche aléatoire représente une utilisation inefficace des fonds publics. À mon avis, il faut tenir compte, dans une certaine mesure, du mérite de la proposition, tel que défini par le domaine d'étude, ainsi que des publications antérieures de la personne candidate.
    Le problème, c'est que si un domaine d'étude fait des erreurs importantes, on a avantage à adopter une approche différente. Par exemple, on pourrait créer un autre volet auprès duquel il serait plus facile de déposer des demandes, mais qui offrirait de plus petites subventions pour des recherches à faible coût. Je pense que c'est ce que le CRSH a tenté de faire en créant les subventions Savoir. N'oubliez pas que je pense aux sciences humaines, un domaine dans lequel le coût de la recherche peut être relativement faible.
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Blanchette-Joncas, pour deux minutes et demie.
    La parole est à vous.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je vais poursuivre avec le professeur Zhu.
    Dispose-t-on de preuves solides que les politiques en matière d'équité, de diversité et d'inclusion améliorent la qualité de la recherche scientifique ou s'agit-il surtout de mesures symboliques?

[Traduction]

    Je suis désolée de vous interrompre. Nous allons arrêter le chronomètre. Il n'y a pas d'interprétation.
    Nous entendons maintenant l'interprétation.
    Je vous prie de reprendre du début.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je m'adresse toujours au professeur Zhu.
    Dispose-t-on de preuves solides que les politiques en matière d'équité, de diversité et d'inclusion améliorent la qualité de la recherche scientifique ou s'agit-il surtout de mesures symboliques?
    Je n'ai jamais vu de recherches qui suggèrent que ces politiques améliorent les résultats. Il se peut que ça existe, mais je n'en ai jamais vu.
    Si ces politiques d'équité, de diversité et d'inclusion se maintiennent ou s'intensifient, quelles conséquences durables anticipez-vous pour l'avenir de la recherche au Canada?
    Je pense qu'il y aurait des effets néfastes. On en voit déjà qui se manifestent, après une décennie d'application de ces politiques. Beaucoup de gens vont choisir une autre carrière au lieu d'une carrière en recherche, parce qu'ils ne pensent pas qu'ils seront traités de façon juste et équitable, à cause de leurs caractéristiques personnelles.
    J'ai des amis qui ont abandonné leur carrière universitaire, tandis que d'autres ont été suspendus ou virés de leur travail universitaire en raison de leur point de vue sur les politiques d'équité, de diversité et d'inclusion. On perd donc des gens talentueux qui pourraient faire de bonnes recherches. Ils se demandent ce qu'ils font là, alors qu'ils pourraient avoir un emploi dans une banque et y gagner plus d'argent, au lieu de faire de la recherche dans des milieux qu'ils considèrent comme hostiles à leurs idées.
    Est-ce que vous pourriez nous faire des recommandations tangibles et concrètes quant à la façon d'améliorer la situation afin d'éviter le genre de choses que vous venez de mentionner?
    C'est très simple. Le professeur Dave Snow, de l'Université de Guelph, a écrit un rapport pour l'Institut Macdonald‑Laurier. Il a lu toutes les pages Web des trois conseils de recherche et il a noté toutes les occurrences où les politiques d'équité, de diversité et d'inclusion étaient mentionnées.
    En fait, c'est très facile: il faut abolir tous les critères d'équité, de diversité et d'inclusion de tous les règlements des trois conseils de recherche, parce que ça n'ajoute rien à l'excellence universitaire; en fait, ça y nuit. Si on pouvait revenir à un système où les demandes sont évaluées de façon neutre, et pas en fonction des critères d'équité, de diversité et d'inclusion, ce serait très facile et ça représenterait un très grand progrès pour la scène universitaire au Canada.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Holman, pour cinq minutes.
    La parole est à vous. Vous disposez de cinq minutes pour poser vos questions.
(1715)
    Je vous remercie, madame la présidente. Je remercie également les témoins de leur présence.
    J'aimerais présenter des extraits du résumé des témoignages produit par la Bibliothèque du Parlement pour le Comité permanent de la science et de la recherche au sujet de l'impact des critères d'attribution du financement fédéral sur l'excellence de la recherche au Canada.
    Un des éléments qui en ressort, c'est qu'une enquête a montré que « 88 % des professeurs d'université interrogés au Canada se sont identifiés comme étant politiquement de gauche. » C'est alarmant.
    On y souligne aussi, par rapport aux programmes de diversité, équité et inclusion, qu'une « série de critiques ont été formulées à l'égard des mesures, politiques et programmes d'EDI mis en place par les universités et les organismes subventionnaires. »
    On peut y lire ce qui suit: « Tout d'abord, plusieurs témoins ont jugé que les critères de financement liés à l'EDI ne sont pas neutres d'un point de vue idéologique. » Deuxièmement, des témoins « ont souligné que ce risque entraîne selon eux certains chercheurs à s'autocensurer ou à remplir » des énoncés sur l'EDI « même s'ils n'y adhèrent pas ». De plus, des témoins « ont évoqué la possibilité que des chercheurs utilisent même des outils d'intelligence artificielle pour rédiger de tels énoncés dans leurs demandes. » Ensuite, plusieurs témoins « ont recommandé que ces énoncés sur la diversité soient éliminés des demandes de financement. » En outre, d'après « certains témoignages, les mesures liées à l'EDI ont un caractère discriminatoire », et des témoins « ont soutenu qu'en mettant l'accent sur le genre et l'origine ethnique, certaines mesures d'EDI pouvaient se révéler discriminatoires. » Qui plus est, il a été mentionné au Comité « que les politiques d'EDI sont généralement impopulaires, et risquent de provoquer des réactions négatives à l'encontre des groupes qui sont censés en bénéficier; et de décrédibiliser le monde de la recherche. » Enfin, d'autres témoins « ont signalé que les critères liés à l'EDI alourdissent les processus de demande de financement et constituent un fardeau pour les chercheurs. »
    Comme le professeur Steven Pinker l'a dit lundi, l'EDI est un problème. En faisant passer l'identité avant le mérite, le Canada compromet sérieusement ses chances de devenir un chef de file dans la science et la recherche. Nous devrions recruter nos plus brillants cerveaux afin de réaliser des progrès dans ces domaines critiques.
    Maintenant, j'ai une question pour M. Freeman.
    Vous avez publié dans The Hub un article intitulé « Les universités canadiennes font fausse route. Pourquoi les gouvernements continuent-ils à les financer sans condition? » Au début de l'article, vous écrivez que de nombreux indicateurs montrent qu'en Amérique du Nord et partout en Occident, les établissements d'études supérieures ne remplissent pas le contrat social implicitement lié au financement public qu'ils reçoivent. Vous donnez l'exemple des excès de l'EDI. Pouvez-vous nous en dire plus là‑dessus?
    Oui.
    Puisque nous parlons de financement aujourd'hui, je dois préciser que le CRSH n'avait pas de critères en matière d'équité, de diversité et d'inclusion lorsque j'ai présenté des demandes de subventions ou lorsque j'ai rendu des décisions. Mais j'ai certainement entendu des exemples d'excès en matière de diversité, d'équité et d'inclusion de personnes qui ont présenté des demandes de subvention aux IRSC et au CRSNG.
    Par exemple, le CRSH attribue actuellement des bourses d'études supérieures en fonction de la race. Pour donner un autre exemple courant, ma propre faculté, la faculté des arts et des sciences sociales de mon université, a une série de listes liées à l'équité, la diversité et l'inclusion. Elle a un plan de recherche stratégique. D'autres universités en ont aussi. L'un de leurs trois principaux engagements transversaux est l'équité, la diversité et l'inclusion. Il semble extrême que ce soit l'un des trois principaux engagements transversaux.
    Lorsque j'entends des gens parler d'équité, de diversité et d'inclusion, que je les vois brandir le drapeau de la fierté et établir un milieu aussi inclusif, et ensuite mentionner que leur prochaine réunion tombe le jour du Yom Kippour, je trouve cela vide de sens.
    Lorsque les gens plaident en faveur de l'équité, de la diversité et de l'inclusion et affirment que c'est parce qu'ils veulent inclure tout le monde et avoir une diversité de points de vue, mais qu'il n'y a presque pas de conservateurs dans le milieu universitaire... À mon avis, il y a possiblement des cas légitimes en faveur de l'équité, de la diversité et de l'inclusion, mais si on se penche sérieusement sur ces notions, on constate que les initiatives en matière d'équité, de diversité et d'inclusion ont échoué sur le plan pratique. Le problème du manque de conservateurs dans le milieu universitaire s'est considérablement aggravé à l'ère de l'équité, de la diversité et de l'inclusion au cours des quelque 10 dernières années.
    Ma prochaine question s'adresse à vous, monsieur Zhu.
    Vous avez mentionné qu'on enseigne aux universitaires que le secret de la réussite est d'employer des mots à la mode. Selon vous, quel est l'impact de cette prédilection pour les sujets à la mode sur l'excellence en recherche?
    Eh bien, il y aura toujours des tendances. Nous sommes des êtres humains. Les êtres humains sont des animaux sociaux. Nous aimons faire la même chose que les autres.
    Encore une fois, je ne saurais trop recommander le rapport de M. Snow pour l'Institut Macdonald-Laurier. Il y a une page où il passe en revue tous les résumés présentés dans le cadre de demandes de financement au CRSH au cours des 5 ou 10 dernières années. Il examine plusieurs mots et leur fréquence. On peut constater que les mots comme « équité » ou « racisme » sont à la hausse. Cela minimise les questions auxquelles nous répondons et encourage la réflexion de groupe au détriment de la diversité intellectuelle.
(1720)
    Je vous remercie. Nous entendrons maintenant M. Noormohamed.
    Monsieur Noormohamed, vous avez la parole. Vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie beaucoup.
    J'aimerais commencer par obtenir quelques éclaircissements, car je veux m'assurer que certaines paroles qui ont été prononcées plus tôt ne vous ont pas été attribuées personnellement.
    Vous avez parlé des manifestations sur les campus. À titre de personne qui a pris la parole pour veiller à ce que la communauté juive puisse se sentir en sécurité dans notre pays aussi souvent que possible, y compris en m'adressant à certains manifestants antisémites plutôt désagréables sur la Colline avant-hier, je veux m'assurer que je ne vous ai pas entendu dire que les personnes qui soutiennent la cause palestinienne sont inextricablement liées à des organisations terroristes. Je veux seulement m'assurer que ce n'est pas ce que vous avez dit, car c'est ce que j'ai entendu. Je tiens simplement à m'assurer que ce n'est pas ce que vous avez dit.
    Non, je n'ai pas dit cela.
    D'accord. Je tiens simplement à m'en assurer, car on utilise souvent des extraits de nos réunions de comités à tort et à travers. Je tiens à m'assurer que ce n'est pas ce que vous avez dit.
    Il s'agissait d'un sous-ensemble précis de personnes associées à cette cause.
    D'accord.
    Vous avez beaucoup parlé de l'importance de la diversité des points de vue, et je suis d'accord avec vous. Je pense que c'est très important pour...
    Je pense que mon collègue d'en face trouve cela drôle, mais j'ai effectivement eu des professeurs conservateurs. Vous avez peut-être entendu parler de Robert George, un professeur conservateur très célèbre qui m'a enseigné...
    Ne parlez pas en même temps, s'il vous plaît. Une personne à la fois a la parole.
    Vous savez, je serais reconnaissant à mes collègues d'en face de faire preuve d'un peu de respect, mais je sais que cela peut être difficile pour eux.
    Puis‑je arrêter le chronomètre? S'il vous plaît, ne parlez pas en même temps.
    La parole est à M. Noormohamed. Il ne s'adresse pas à vous. Ce temps lui est imparti pour ses questions, et il devrait pouvoir l'utiliser à cette fin. Ne nous interrompons pas les uns les autres. Toutes les questions doivent être adressées à la présidence, et je tiens à ce que nous observions le décorum au cours de la réunion. Nous sommes tous des adultes, et nous devrions donc...
    Je vous remercie.
    Par votre entremise, madame la présidente, je m'adresse à M. Freeman. Lorsque nous parlons de l'importance de la diversité des points de vue, nous ne devrions pas nous soucier des penchants politiques de nos physiciens, de nos biologistes ou de nos mathématiciens, n'est‑ce pas? Nous ne disons pas que cela devrait nous préoccuper.
    C'est mon avis. Cela a certainement des répercussions en aval sur la réflexion concernant la gouvernance universitaire et la gouvernance collégiale, mais c'est secondaire, et c'est certainement secondaire par rapport aux questions examinées par le Comité.
    Plus précisément, nous ne devrions pas nous soucier de savoir si 97 % des physiciens de l'Université Simon Fraser votent d'une certaine façon.
    Je pense que c'est assez juste.
    Nous ne devrions pas nous soucier de savoir si 97 %, 98 % ou 92 % de nos mathématiciens sont libéraux ou conservateurs. Cela ne devrait avoir aucune incidence sur quoi que ce soit, n'est‑ce pas?
    C'est assez juste.
    À des fins de précision, dans ce cas, nous devrions éviter de nous concentrer sur certains discours sur les « guerres culturelles » qui se font entendre. Nous devrions plutôt nous concentrer sur la rigueur universitaire, n'est‑ce pas?
    Oui, je pense que nous devrions nous concentrer sur la rigueur universitaire, mais dans les domaines où les préjugés des chercheurs entrent en jeu, nous devrions réfléchir soigneusement à la façon de représenter la diversité des raisonnements moraux et politiques chez les Canadiens, et c'est une question délicate.
    Vous avez dit qu'on a peut-être tendance à favoriser une certaine position. Vous ne préconisez pas la mise en œuvre d'un programme d'action affirmative pour les professeurs conservateurs, n'est‑ce pas?
    Je pense que c'est une question délicate. Si on décidait de mettre en œuvre des initiatives en matière d'équité, de diversité et d'inclusion, je pense que ce serait la priorité dans ce cas. Personnellement, je serais très heureux si nous éliminions les initiatives en matière d'équité, de diversité et d'inclusion et que nous décidions ces choses en fonction du mérite, mais je pense qu'on a fait valoir cet argument de façon assez convaincante, surtout dans les domaines où les préjugés des chercheurs ont une incidence sur les résultats.
    Comment pourrait‑on s'assurer, dans ce cas, qu'on ne se retrouve pas avec des recherches de moindre qualité dans ces domaines?
    Dans les domaines où les préjugés des chercheurs peuvent intervenir... C'est intrinsèquement subjectif. Comme nous en avons convenu, nous ne parlons pas de physique, de mathématiques ou d'un autre domaine, où la qualité de la recherche revient à guérir le cancer.
    Y a‑t‑il un compromis possible? Je ne sais pas, mais l'évaluation est très subjective dans le domaine des sciences sociales subjectives, et il s'agit donc d'une question épineuse.
    Avez-vous constaté que les recherches menées par vos collègues qui ont ce que l'on appelle, je suppose, des « antécédents liés à la recherche de la diversité » sont de moins bonne qualité que celles menées par d'autres?
(1725)
    Je vais me limiter à l'aspect économique, puisque c'est là que se concentre mon expertise en matière d'évaluation disciplinaire.
    Je ne pense pas. En réalité, je n'y ai pas vraiment réfléchi. Je dirais que non, car nous embauchons généralement en nous fondant sur le mérite.
    Vous nous dites que vous embauchez en fonction du mérite et que vous n'avez pas constaté une diminution de la qualité de la recherche du fait qu'un groupe plus diversifié de professeurs ou d'universitaires a été recruté. Comment pouvons-nous gérer cela pour nous assurer de continuer de pouvoir compter sur un milieu universitaire représentatif de la population sans pour autant miner la qualité de la recherche?
    Vous me dites que, d'après ce que vous avez pu constater, cela n'a pas diminué la qualité de la recherche, mais nous savons aussi que nous devons faire les choses différemment.
    N'oubliez pas que l'économie est une discipline fortement axée sur le positivisme. Nous accordons une grande importance à la vérité et à l'utilisation des données pour répondre aux questions de telle sorte qu'il y a, selon moi, beaucoup moins de place pour les préjugés des chercheurs. Cependant, si nous avions plus de conservateurs dans nos rangs, il y aurait probablement plus de recherches sur des sujets comme la productivité ou les effets négatifs de la bureaucratie gouvernementale.
    Je suis désolée de devoir vous interrompre.
    Le temps de M. Noormohamed est écoulé, ce qui met fin à notre deuxième série de questions. Nous allons mettre un terme à cette partie de la réunion.
    Je tiens vraiment à remercier nos deux témoins d'avoir comparu devant le Comité aujourd'hui.
    Nous allons maintenant suspendre la séance pour permettre aux témoins du prochain groupe de prendre place.
    Je vous remercie encore une fois.
    Nous reprendrons dans quelques minutes.
(1725)

(1730)
    Nous reprenons nos travaux.
    J'aurais quelques indications à l'intention de nos nouveaux témoins.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Pour ceux qui participent par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Veuillez désactiver votre micro lorsque vous ne parlez pas. En fait, je ne pense pas qu'il y ait quelqu'un sur Zoom.
    Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
    Sur ce, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux trois témoins de ce groupe. Nous accueillons Mme Malinda Smith, vice-présidente associée, Recherche en équité, diversité et inclusion, Université de Calgary. Nous recevons également M. Martin Normand, président-directeur général de l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne. Notre troisième témoin de ce groupe est M. Ken Doyle, directeur général de Tech-Accès Canada.
    Chacun d'entre vous disposera de cinq minutes pour nous faire part de ses observations préliminaires.
    Nous allons commencer par Mme Smith. Vous avez cinq minutes.
    Bonjour, madame la présidente et membres du Comité. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous pour contribuer à cette importante réflexion.
    Il ressort des débats publics et parlementaires tenus récemment que l'application de critères d'accessibilité, d'inclusion, de diversité et d'équité, ou AIDE, dans le financement de la recherche remettent en question les principes du mérite et de la liberté universitaire. Cette affirmation est erronée et directement contredite par un corpus substantiel de recherches empiriques.
    Les faits témoignent plutôt du contraire. Le recours aux principes d'AIDE dans le financement de la recherche renforce les universités en élargissant leurs bassins de talents, en atténuant les préjugés, en éliminant les obstacles et en réduisant les inégalités systémiques, autant de résultats qui donnent tout son sens à la liberté universitaire. Sans l'application de ces critères d'AIDE, la liberté et l'excellence demeurent des privilèges réservés à quelques-uns seulement. Ces critères procurent au plus grand nombre une protection commune propice à alimenter la capacité de recherche du Canada et sa compétitivité à l'échelle mondiale.
    En ce qui concerne le mérite, les mesures traditionnelles comme la publication, le nombre de citations et le prestige institutionnel sont des points de repère importants, mais elles peuvent récompenser de façon disproportionnée ceux qui bénéficient déjà de l'accès à des établissements, à du financement et à des réseaux d'élite. On risque ainsi de privilégier la conformité aux normes établies et la poursuite de travaux déjà entrepris, plutôt que la recherche novatrice, et l'avantage réputationnel au détriment de l'originalité.
    Par le truchement de cadres comme la Déclaration de San Francisco sur l'évaluation de la recherche, on préconise une compréhension plus holistique du mérite à la faveur d'approches qui valorisent l'interdisciplinarité, la collaboration, le mentorat et l'impact sociétal. Il ne s'agit pas d'abaisser les normes, mais plutôt de mieux prendre en compte l'ensemble du spectre du leadership en matière de recherche et d'innovation.
    Les preuves empiriques sont claires: la diversité renforce la recherche et l'innovation à tous les niveaux, des chercheurs individuels aux équipes de recherche en passant par l'écosystème institutionnel. Page et Hong ont démontré mathématiquement et empiriquement que les groupes diversifiés sont plus performants que les groupes homogènes, même lorsque ces derniers sont composés de personnes très talentueuses, parce qu'ils nous donnent accès à des méthodes heuristiques et à des stratégies de résolution de problèmes distinctes. Dans les travaux touchant la modélisation climatique, la recherche biomédicale, l'intelligence artificielle et les objectifs de développement durable, la diversité génère des idées qu'aucun expert ou groupe d'optique commune ne pourrait produire.
    Hofstra et ses collègues ont parlé du « paradoxe diversité-innovation ». Les femmes et les minorités racisées produisent plus de travaux novateurs, mais elles sont systématiquement sous-estimées. Sans l'application de critères visant l'accessibilité, l'inclusion, la diversité et l'équité, nos établissements pourraient se priver de ces percées qui alimentent l'excellence.
    Rock et Grant ont fait la preuve que les équipes diversifiées prennent de meilleures décisions en évitant la pensée groupale. Forbes Insights a établi que la diversité du leadership procure des gains mesurables en matière de rentabilité et d'innovation.
    Au Canada, Momani et Stirk ont documenté un « dividende de diversité ». Les établissements qui font appel à un bassin diversifié de talents ont un meilleur rendement, une productivité accrue et une plus grande capacité d'adaptation.
    Mes recherches récentes ont révélé l'existence d'un « dividende d'excellence ». L'inclusion est une condition préalable à l'originalité, à la qualité et à l'impact mondial. En éliminant les obstacles et en valorisant les épistémologies et les modes de connaissance diversifiés, nous renforçons la capacité de recherche et les avantages sociétaux.
    La gouvernance est importante. Des structures de gouvernance inclusives sont essentielles au maintien de ces gains. Les universités qui intègrent les principes d'AIDE dans le recrutement, le mentorat, le financement et la prise de décisions protègent la liberté universitaire. Les critères d'évaluation transparents et l'autonomie institutionnelle mettent les chercheurs à l'abri de l'ingérence externe et des inégalités internes. À une époque où des discours anti-wokes déformés sont importés au Canada et érodent la confiance du public, il est essentiel que le Parlement reconnaisse que les principes d'AIDE s'inscrivent non pas dans une tendance politique, mais bien dans une approche constitutionnelle, légale et fondée sur des données probantes.
    La liberté universitaire diffère de la liberté d'expression. La liberté d'expression protège le droit de chacun d'exprimer sa pensée, tandis que la liberté universitaire est un droit professionnel enchâssé dans les conventions collectives, les normes disciplinaires et l'autonomie institutionnelle. La liberté d'expression protège presque toutes les formes légales d'expression dans une démocratie, même si elles sont infondées ou impopulaires. En revanche, la liberté universitaire protège la liberté d'enseigner, de mener des recherches, de publier et de participer au débat public sans crainte de censure ou de représailles. Elle est régie par des normes disciplinaires, l'expertise intellectuelle et la rigueur méthodologique. Elle garantit le maintien des conditions dans lesquelles les recherches fondées sur des données probantes peuvent faire progresser les connaissances, en particulier sur les questions controversées.
    Comme nous le savons toutefois, la liberté universitaire n'est pas répartie équitablement. Les chercheurs marginalisés sont plus vulnérables. Cet effet paralysant restreint l'ampleur des programmes d'enquête et de recherche et étouffe le débat. Le recours aux critères d'AIDE contrecarre directement ces pressions en protégeant les universitaires d'horizons variés et en élargissant la diversité des connaissances produites.
    Les conséquences sur le plan stratégique sont claires. Les principes d'AIDE n'équivalent pas à une dilution des normes; ils découlent plutôt d'un impératif stratégique. Ils font en sorte que l'économie du savoir du Canada tire parti de toute la gamme des talents, ce qui crée des conditions plus propices à un effort de recherche rigoureux et positionne le Canada comme un chef de file mondial à une époque où l'innovation récolte les dividendes de la diversité et du pluralisme.
(1735)
    L'équité alimente la liberté; la diversité stimule le mérite; et l'inclusion génère le dividende de l'excellence. Les principes d'AIDE représentent le cadre à l'intérieur duquel la liberté et l'excellence peuvent se concrétiser de façon durable et universelle. Sans cela, le Canada risque de laisser des talents inexploités. Grâce à ces principes, le Canada peut être un chef de file mondial.
    Je vous remercie de votre attention. Je suis prête à répondre à vos questions.
    Merci, madame Smith.
    Nous passons maintenant à M. Normand.
    Monsieur Normand, vous disposez de cinq minutes pour nous présenter vos observations préliminaires. Nous vous écoutons.

[Français]

    La recherche en français est l'un des moteurs de l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, ou ACUFC, et de ses 22 membres situés dans huit provinces et un territoire. Plusieurs initiatives de l'ACUFC, comme le Réseau national de formation en justice, le Réseau de recherche sur la francophonie canadienne, le Consortium national de formation en santé ou, plus récemment, l'Observatoire de la formation en petite enfance, jouent un rôle charnière en matière de production et de mobilisation de connaissances en français dans tout le Canada.
    Les investissements fédéraux en recherche ont sans conteste une incidence réelle sur les secteurs prioritaires de l'économie canadienne et entraînent des retombées directes dans les communautés francophones en situation minoritaire. Plusieurs chercheuses et chercheurs de notre réseau travaillent sur des sujets d'intérêt national, comme l'éducation, la santé et la justice, mais avec une lentille francophone.
    Cependant, l'écosystème de la science et de la recherche en français en contexte francophone minoritaire fait face à des défis complexes dont vous avez déjà entendu parler, à savoir des conditions précaires, des iniquités structurelles et un déclin accentué de la publication en français. En l'absence de mesures positives concrètes qui permettent de réduire les obstacles linguistiques et institutionnels, notamment dans le processus d'évaluation, dans l'exploitation des données linguistiques et dans la découvrabilité du contenu scientifique, le déséquilibre actuel ne fera qu'exacerber les iniquités persistantes et portera atteinte à la vitalité des communautés francophones. C'est pourquoi nous devons repenser la façon d'évaluer la recherche en français au Canada, de la soutenir et d'investir dans celle-ci.
    Les conseils subventionnaires fédéraux doivent assumer leur pleine responsabilité par la mise en œuvre pleine et entière de leurs obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles. Maintes études ont soulevé l'anglicisation de la recherche, l'internationalisation des objets de recherche et la prédominance de la publication d'articles en anglais au Canada. Ces tendances, qui nourrissent les doutes à l'égard de l'excellence de la recherche en français, contribuent à uniformiser la production scientifique plutôt qu'à encourager la recherche qui répond à des besoins locaux en matière de données.
    Alors que le gouvernement du Canada s'engage dans de grands projets nationaux et dans l'établissement d'une économie canadienne plus unifiée, il est important que tous les segments de la population puissent en profiter. C'est pourquoi les critères d'excellence en recherche doivent permettre à la recherche en français et à la recherche sur les communautés francophones en situation minoritaire de participer pleinement à ces efforts.
    Les conseils subventionnaires doivent développer activement une culture organisationnelle qui promeut et reconnaît l'excellence de la production et de la mobilisation de connaissances en français. En dépit des tendances, ils doivent adopter des mesures positives en vue de veiller à ce que la recherche en français contribue à l'épanouissement des communautés francophones. Ces dernières relèvent aussi des défis émergents et ont des besoins accrus en matière de données, auxquels souhaitent répondre les membres de l'ACUFC faisant partie de la communauté de la recherche en français. La recherche qui répond à ces questions a une portée, une pertinence et des effets concrets.
    Or, malgré des efforts, l'évaluation de l'excellence n'est pas à l'abri de préjugés linguistiques et institutionnels. Les membres de l'ACUFC proviennent de milieux urbains, de milieux ruraux ou de régions éloignées. Ils sont de petits, de moyens ou de grands établissements. La sensibilisation et la formation aux préjugés inconscients à l'endroit de la recherche réalisée en français et dans l'intérêt des communautés francophones sont primordiales. La perpétuation de ces préjugés dans les critères et l'évaluation freine le développement d'une culture de la recherche en français partout au pays. Les conseils subventionnaires fédéraux sont tenus de viser l'égalité réelle entre les communautés linguistiques dans le déploiement de leurs programmes.
    Nous souhaitons aussi faire écho aux témoignages de Collèges et instituts Canada dans le cadre de cette étude. Il est impératif d'élargir l'admissibilité des collèges au financement des conseils subventionnaires. Les collèges de la francophonie canadienne contribuent audacieusement à bâtir une seule économie canadienne. Les recherches qu'ils mènent sont en partenariat avec les entreprises et les organismes francophones locaux et contribuent à la formation d'une main‑d'œuvre francophone et bilingue hautement recherchée. Les conseils subventionnaires doivent miser sur cette nouvelle force des collèges dans des domaines de pointe et reconnaître l'excellence de la recherche qui en émerge.
    Je vais terminer mon allocution en faisant deux recommandations.
    Premièrement, je recommande que les conseils subventionnaires se dotent d'un véritable plan de mise en œuvre de leurs obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles, qui comprend des mesures positives visant la reconnaissance de l'excellence de la recherche en français.
    Deuxièmement, je recommande que les conseils subventionnaires s'engagent dans une révision stratégique de leurs politiques et programmes, en vue de réduire les préjugés linguistiques et institutionnels qui nuisent à la production scientifique en français.
(1740)

[Traduction]

    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Doyle.
    À vous la parole. Vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire. Merci.
     Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
    Nous savons que le Canada compte des chercheurs de calibre mondial, mais il perd du terrain lorsqu'il s'agit de transformer les idées en résultats sur le marché. C'est à cet égard qu'intervient Tech-Accès Canada.
    Tech-Accès Canada est le réseau national de centres d'accès à la technologie, ce que certains appellent le secret le mieux gardé de la R‑D canadienne. Le modèle a été étudié par l'OCDE et est purement canadien. Considérez‑le comme un bien public, à l'instar d'un phare ou d'un service d'incendie, mais pour l'économie de l'innovation.
     Notre modèle est simple. Nous sommes rattachés à des cégeps et à des collèges canadiens financés par le public. Nous offrons aux petites entreprises l'accès à de l'équipement spécialisé, à des installations de classe mondiale et à des spécialistes qui savent les utiliser. Nous aidons les entreprises à commercialiser plus rapidement leurs produits, à innover dans leurs ateliers et à augmenter leur productivité. Chaque centre se concentre sur les secteurs les plus importants pour sa région.
    Quatre éléments nous distinguent et expliquent pourquoi 6 000 entreprises nous font confiance chaque année.
    Le premier est nos ressources spécialisées. Nous employons 2 400 spécialistes en R‑D appliquée: des scientifiques aux technologues en passant par les soudeurs, qui travaillent avec de l'équipement hautement spécialisé d'une valeur de 500 millions de dollars, le tout dans un espace de R‑D appliquée de deux millions de pieds carrés réparti dans nos 70 centres d'un océan à l'autre.
    Le deuxième élément concerne les projets menés par l'industrie. Chaque projet commence par un défi que doit relever une entreprise, qu'il s'agisse de perfectionner un prototype, de prolonger la durée de conservation d'aliments ou d'intégrer la robotique dans la production. Nous résolvons les problèmes en quelques jours, semaines ou mois — et non en plusieurs années. Nous suivons le rythme des affaires.
    Le troisième est l'innovation en équipe. Chaque projet fait appel à une équipe multidisciplinaire de spécialistes en R‑D et à des étudiants de collèges et d'universités. Les jeunes ont ainsi la possibilité d'acquérir des compétences pratiques recherchées en matière d'innovation avant d'obtenir leur diplôme.
    Le quatrième élément est le soutien non dilutif. Les entreprises conservent la propriété intellectuelle. Nous ne prenons aucune participation au capital, ne percevons aucune redevance et n'imposons aucune condition. Nous offrons aux entreprises la souplesse qu'il faut pour commercialiser rapidement leurs produits sans effrayer les investisseurs potentiels.
    La combinaison de ces quatre éléments fonctionne. Chaque année, des milliers de petites et moyennes entreprises canadiennes nous font confiance en tant qu'équipe de R‑D pour les accompagner dans leur parcours vers la commercialisation.
    Permettez-moi de vous ramener en 1993, lorsque le Canada était au sommet dans le monde du sport. Les Blue Jays de Toronto avaient remporté deux fois de suite la Série mondiale et Patrick Roy et les Canadiens de Montréal avaient soulevé la Coupe Stanley en battant Wayne Gretzky. Ce réveil brutal a poussé les équipes de nos voisins du Sud à changer leur façon de jouer. Elles se sont tournées vers l'analyse de données et ont misé sur la profondeur et la spécialisation de leur alignement, tandis que le Canada attend depuis des décennies le retour d'un défilé de la Série mondiale ou de la Coupe Stanley.
    Notre système de recherche se trouve dans la même situation. Dans les années 1990, le Canada a investi massivement dans l'excellence en recherche. Selon les critères de l'époque — laboratoires de classe mondiale, analyses comparatives internationales, recrutement et maintien en poste des talents et travaux scientifiques évalués par les pairs —, nous avons réussi, mais pendant que nous savourions notre victoire, d'autres pays ont élargi leur définition de l'excellence pour y inclure les effets, l'inclusion et les résultats appliqués. Les règles du jeu ont changé, mais nous continuons à suivre celles des années 1990.
    Qu'est‑ce qui en découle? Le Canada est l'un des meilleurs pays au monde quand il s'agit de transformer l'argent en recherche, mais il a encore du mal à transformer la recherche en argent. Autrement dit, nous excellons dans la recherche, mais nous n'avons pas encore trouvé le moyen de la transformer systématiquement en résultats sur le marché. Les données ne mentent pas: l'année dernière, les Canadiens ont déboursé 17 milliards de dollars pour obtenir des licences de propriété intellectuelle à l'étranger, mais nous n'avons encaissé que 8 milliards de dollars pour la propriété intellectuelle produite au Canada. Cela représente un déficit commercial de 9 milliards de dollars. Au cours de la dernière décennie, cet écart s'est élevé à 80 milliards de dollars.
    Il faut que quelque chose change.
    Il ne s'agit pas de faire un choix. Je suis convaincu que la recherche fondamentale et la recherche appliquée sont toutes deux importantes, mais comme l'a dit Einstein, si on juge un poisson sur sa capacité à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu'il est stupide.
    Des voix: Ha, ha!
    Ken Doyle: Selon les normes actuelles, la R‑D appliquée collaborative n'est pas toujours prise en compte, mais selon les normes mondiales, elle représente l'excellence. C'est exactement ce que les centres d'accès à la technologie du Canada offrent chaque jour en ayant recours à de l'équipement spécialisé et à des personnes brillantes pour résoudre les difficultés des entreprises en matière d'innovation, en les aidant à passer à la commercialisation et en aidant les entreprises canadiennes à conquérir des marchés d'exportation, à créer de bons emplois et à accroître la richesse ici même, chez nous. Cependant, notre beau modèle ne cadre pas bien avec les programmes de financement conçus dans les années 1990.
    Je ne demande pas que l'on permette aux collèges de participer aux programmes des conseils subventionnaires, ni que l'on révise les critères d'évaluation en fonction des collèges et de notre façon de faire les choses, ni même que l'on intègre nos représentants dans les comités d'examen. Je demande plutôt que l'on mette en place au sein d'Industrie Canada un programme non lié aux conseils subventionnaires qui reconnaît l'excellence de la recherche appliquée et qui soutient adéquatement la R‑D industrielle collaborative au rythme des affaires.
     Cela ne nécessite pas un alourdissement du fardeau administratif, mais simplement une organisation plus intelligente: moins de portails, formulaires plus courts, processus décisionnel plus rapide et suivi des résultats de base. Nous disposons d'un modèle qui a fait ses preuves avec les centres d'accès à la technologie du Canada. Compte tenu du retard que nous accusons sur le plan de la productivité et de la compétitivité par rapport à nos rivaux mondiaux, qui avancent plus rapidement que nous, il faut maintenant que l'on nous soutienne adéquatement et que l'on concrétise le tout à plus grande échelle afin que les innovateurs canadiens puissent être concurrentiels et gagner.
    Je vous remercie. Je suis prêt à répondre à vos questions.
(1745)
     Merci.
    Nous allons maintenant passer à notre première série de questions. Les députés disposeront de six minutes chacun.
    Madame DeRidder, c'est vous qui commencez. Allez‑y, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie tous de votre présence à titre de spécialistes.
     Je viens de Kitchener. On y trouve des innovations de classe mondiale. Notre écosystème d'innovation est sans égal. Cependant, je constate, d'une part, que certaines technologies de pointe n'atteignent pas le stade de la monétisation et, d'autre part, que celles qui l'atteignent ne restent pas au Canada. À cet égard, le Canada a perdu 62 milliards de dollars d'investissements nets au cours des 5 derniers mois.
     Monsieur Doyle, mes questions s'adressent à vous. L'un de vos centres est situé dans ma collectivité. Merci de nous faire profiter de votre expertise aujourd'hui.
    Tout d'abord, comment les dépenses actuelles soutiennent-elles l'adoption réelle de technologies par la monétisation, ce qui est essentiel dans des pôles technologiques comme Kitchener?
(1750)
    Le financement existe. C'est simplement que la demande dépasse tellement l'offre que la situation est assez frustrante pour nos centres et les entreprises qu'ils soutiennent. C'est encore plus frustrant pour les entreprises qui sont sur des listes d'attente. Nous avons récemment mené une enquête auprès des centres et quelque 850 entreprises sont actuellement sur une liste d'attente. Il faut en moyenne 11 semaines pour qu'une place se libère et qu'elles puissent bénéficier de cette aide, avec 2 800 jours-personnes de soutien, soit de services de notre part, à ces entreprises.
     La demande est bien présente. Les entreprises canadiennes veulent innover, mais tout comme une équipe de hockey, elles ne peuvent pas jouer à six contre un. Elles ont besoin d'aide. Nous sommes ces intermédiaires objectifs en matière d'innovation qui peuvent les aider à faire passer leur idée révolutionnaire du stade de quelque chose qu'on a écrit sur le coin d'une table à celui de produit vendu en magasin. C'est seulement que le mode de financement actuel semble un peu plus orienté vers la recherche fondamentale axée sur la découverte et moins vers les étapes ultérieures du développement expérimental et de la commercialisation.
    Je crois que si vous regardez du côté des conseils subventionnaires, vous constaterez que leur budget avoisine les 3 milliards de dollars par année et que, comme je l'ai dit, les fonds sont surtout destinés à la recherche fondamentale axée sur la découverte, des travaux remarquables. Ensuite, il y a des programmes comme le Programme d'aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherches. Son nom comprend le terme « recherche industrielle » et je crois qu'on parle d'environ 350 millions de dollars par année. Il y a un déséquilibre de 10 contre 1 entre les ressources investies dans la recherche fondamentale et celles consacrées à la commercialisation.
     Vous avez mentionné la nécessité de s'orienter davantage vers la commercialisation et le développement économique. À votre avis, quel est actuellement le rendement des investissements des contribuables dans les programmes gouvernementaux? Les contribuables du Canada et de Kitchener obtiennent-ils un rendement positif sur leurs investissements lorsqu'il s'agit de développement économique?
    Je pense que cela dépend vraiment des critères. Si on évalue l'excellence après le...
    Les conseils subventionnaires sont très bons pour attribuer du financement aux gens et aux projets, mais une fois que le chèque est émis et que le projet est approuvé, il y a très peu de suivi quant aux impacts de la recherche. Les étudiants deviennent des personnes hautement qualifiées, nous publions et nous obtenons des mentions et des brevets, ce qui est très bien. Cependant, notre déficit commercial et notre déficit de propriété intellectuelle montrent clairement que les entreprises canadiennes doivent obtenir des licences de propriété intellectuelle à l'étranger et que la propriété intellectuelle que nous produisons ne semble pas tellement attrayante aux yeux de nos amis internationaux, ce qui donne à penser que nous créons peut-être des choses qui servent à résoudre des problèmes qui ne touchent pas tout à fait les innovateurs et les entreprises du Canada. Si cette situation nous amène à blâmer l'industrie pour son incapacité à adopter et à mettre en œuvre ces innovations, c'est malheureux. Nos amis internationaux ont élaboré des modèles qui visent davantage à atteindre un équilibre entre la recherche appliquée et la recherche fondamentale, et je crois que nous devrions peut-être envisager de nous rapprocher de cet équilibre.
    Je vous remercie.
    Vous avez parlé du processus bureaucratique. Ce que j'entends dans ma collectivité en ce moment, c'est que pour recevoir du financement, il faut passer par un processus très bureaucratique. Au lieu de passer par le processus bureaucratique, y aurait‑il moyen, selon vous, de mettre en place un processus qui se concentre davantage sur l'industrie et la monétisation pour les secteurs technologiques comme celui de Kitchener?
    Il y a les innovateurs qui souhaitent obtenir un peu d'aide pour perfectionner leur prototype et le préparer à la production. À l'heure actuelle, le seul programme qui soutient les collèges dans le domaine de la recherche appliquée comporte un volet réservé au soutien des projets, mais le délai entre la présentation d'une demande et la décision est en moyenne de neuf mois. Dans le cas d'une petite entreprise canadienne, cela signifie qu'elle pourrait avoir cessé ses activités six mois avant d'obtenir une réponse, et rien ne garantit que la réponse sera positive, car la demande dépasse largement l'offre.
    En tant que contribuable, je souhaite absolument que les meilleurs projets soient financés, mais la manière dont on détermine quels projets sont les « meilleurs » laisse un peu à désirer, en particulier dans le domaine de la recherche-développement industrielle. Le Programme d'aide à la recherche industrielle du CNRC agit beaucoup plus rapidement. Il peut prendre une décision similaire en 30 jours. Dans le cadre de notre programme phare chez Tech-Accès Canada, lors des visites interactives, nous traitons les demandes en 48 heures en moyenne et nous menons les projets à terme en 51 jours, ce qui prouve que c'est possible. Il suffit d'en avoir la volonté et peut-être d'éviter l'aversion au risque qui entre en jeu pour s'assurer que les projets potentiellement mauvais ne soient pas financés; il faut simplement fixer une limite.
(1755)
    Merci beaucoup. Je suis d'accord avec vous. Je pense qu'il nous faut la volonté de le faire.
    Je n'ai pas d'autres questions. Je vais céder le reste de mon temps de parole à mon collègue, M. Mahal.
    Il ne vous restait que 10 secondes, donc votre temps est pour ainsi dire écoulé. Merci.
    La parole est maintenant à Mme McKelvie. Allez‑y. Vous disposez de six minutes.
    Merci, madame la présidente. Mes premières questions s'adressent à Mme Smith.
    Je suis une ancienne chercheuse. Mes travaux postdoctoraux ont été récompensés par un prix décerné aux femmes scientifiques par L'Oréal et l'UNESCO. Ce prix impliquait notamment de s'engager à aider et à soutenir d'autres femmes et à les encourager à se lancer dans le domaine.
    Je voudrais savoir ceci: selon vous, quelle est la place des femmes dans les domaines de la science et de la recherche dans les différentes disciplines universitaires? Avons-nous encore du chemin à parcourir?
    Je vous remercie de la question.
    Bien sûr, nous avons encore du travail à faire, mais il s'agit d'un excellent programme de L'Oréal et de l'UNESCO.
    En ce qui a trait aux trois organismes, le CRSNG et les IRSC font du très bon travail avec leurs chaires pour l'inclusion et leurs chaires pour les femmes en sciences et en génie. Je pense que le CRSH a besoin de chaires semblables.
    Dans les STIM, il faut certes plus de femmes. Comme je l'ai laissé entendre dans mon exposé, ce n'est pas parce que les femmes ne réussissent pas bien à l'école secondaire, ne font pas d'études ou n'obtiennent pas d'emplois. Il y a certaines conditions qui leur permettent de s'épanouir une fois qu'elles sont dans le milieu universitaire qui sont peut-être absentes. Il peut s'agir de politiques favorables à la famille, par exemple. Depuis peu, les postdoctorants ont droit à des congés de maternité et des congés parentaux. Cela leur permet de s'épanouir.
    L'autre chose que je peux dire, c'est que, lorsque les femmes entrent dans le monde universitaire et dans les disciplines scientifiques, elles s'épanouissent. Nous le voyons, et ces observations sont fondées sur des données probantes. Je ne parle pas d'anecdotes ou de pratiques discriminatoires; ce sont des résultats fondés sur des données probantes publiés dans des études à grande échelle évaluées par les pairs menées au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Europe.
    Il y a des obstacles au passage du statut de professeur agrégé à celui de professeur titulaire. Même si la situation s'améliore, il y a encore des écarts salariaux. L'écart salarial entre les sexes continue d'exister. Pour ce qui est des femmes occupant des postes de direction, l'écart est encore de 30 % dans le cas des postes de recteur d'université. Il est toutefois intéressant de noter que la plupart des femmes qui obtiennent des postes de direction ont fait des études dans les STIM, principalement en génie. Je trouve cela fascinant.
    L'écart entre les sexes continue d'exister, mais des progrès sont réalisés.
    Merci.
    Il existe un adage qui dit: « Si vous pouvez la voir, vous pouvez être comme elle. » Je sais qu'on faisait toujours valoir cela dans un grand nombre des programmes de mentorat auxquels j'ai participé.
    Je sais que le CRSNG a notamment permis d'indiquer des circonstances atténuantes dans les demandes. Par exemple, une personne peut mentionner qu'elle était en congé parental. Lorsque l'on compare l'excellence en recherche simplement à l'aide de paramètres — et c'est l'une de mes préoccupations concernant l'évaluation en aveugle —, si l'on se contente d'examiner les chiffres totaux, on ne tient pas compte du fait qu'il existe des circonstances atténuantes: quelqu'un a peut-être été en congé parental, par exemple, et peut-être même plus d'une fois.
    Est‑il important de continuer à inclure ce genre d'éléments dans les demandes, même si nous adoptons une évaluation en aveugle?
    La Commission royale sur l'égalité en matière d'emploi, comme l'a souligné la juge Rosalie Silberman Abella en 1984, a fait ressortir le fait que nous devons examiner ces questions non seulement dans le milieu universitaire, par exemple, mais aussi dans la société en général.
    Oui, nous devons tenir compte des circonstances atténuantes. Nous savons, notamment, que les femmes s'occupent davantage des enfants, des parents et de la famille, et que ce travail n'est pas rémunéré. Parallèlement, ceux qui ont moins de responsabilités familiales ont évidemment la possibilité de publier davantage, par exemple. Nous devons trouver un équilibre, qui n'a rien à voir avec l'excellence, les connaissances ou les capacités. Ce sont les circonstances qui entrent en jeu.
    La deuxième chose que je voudrais dire au sujet de l'équilibre en rapport avec les congés parentaux, c'est que, maintenant que nous avons des congés parentaux, les conjoints peuvent prendre des congés. Je vais vous donner un exemple tiré de la pandémie de COVID‑19. Si l'on examine les tâches de soins effectuées par les femmes et les hommes, par exemple, et que l'on observe la division binaire, on constate que les hommes ont publié davantage pendant la pandémie de COVID. Les femmes s'occupaient des enfants et de leurs parents. Elles travaillaient en ligne tout en s'occupant de toutes ces tâches, car les enfants étaient à la maison. Comment gérer les conséquences de cette situation? Si vous prenez un congé de maternité, votre salaire est également gelé. Les politiques d'ÉDI contribuent à atténuer certaines de ces inégalités potentielles qui ne sont pas liées à votre excellence, à vos capacités ou à vos réalisations, mais à d'autres circonstances.
    Il y a du travail à faire. Les universités, les collèges et les cégeps font beaucoup pour régler ces problèmes. Je crois aussi que les trois organismes et leurs critères de financement contribuent grandement à équilibrer ces facteurs pour les étudiants diplômés d'aujourd'hui, pour les postdoctorants et certainement pour les nouveaux chercheurs ainsi que pour les chercheurs chevronnés.
(1800)
    Le travail réalisé pour formuler ces recommandations est‑il issu d'une collaboration avec le milieu scientifique?
    J'ai déjà participé à un très grand sommet sur les femmes dans le domaine des sciences qui a mené à des recommandations. Les trois conseils ont‑ils abordé la façon dont ils peuvent améliorer les choses? Y a‑t‑il des discussions en cours à ce sujet?
    Je vais vous donner trois exemples.
    Le premier remonte à 2012, au moment où les chaires d'excellence en recherche du Canada, ou CERC, ont été fondées. Elles étaient occupées par 19 hommes et aucune femme. Le gouvernement fédéral conservateur de l'époque a mené une étude pour savoir ce qui se passait. Il y avait deux recteurs, dont Indira Samarasekera, qui était alors à l'Université de l'Alberta. Cette étude a mis en lumière plusieurs indicateurs de ce qui est à l'origine de l'écart entre les sexes dans le financement de la recherche.
    Plus récemment, le Conseil des académies canadiennes, ou CAC, a produit un rapport sur l'équité, la diversité et l'inclusion dans le système de recherche secondaire...
    Je vais vous demander de conclure rapidement. Le temps est écoulé.
    Veuillez m'excuser.
    C'est une autre étude. Le programme Dimensions sur l’équité, la diversité et l’inclusion a également fait une évaluation.
    Il y a toutes sortes d'études qui soulignent ce qui pourrait être fait, mais c'est une question de « volonté ».
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Blanchette-Joncas. Allez‑y, s'il vous plaît. Vous avez six minutes pour poser vos questions.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins qui sont avec nous aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à M. Normand.
    Depuis l'adoption du projet de loi C‑13, le gouvernement fédéral a désormais l'obligation légale, et non pas seulement morale, d'assurer l'égalité réelle entre le français et l'anglais. Je rappelle que le projet de loi C‑13 visait la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Pourtant, les chercheurs qui soumettent une demande en français voient leurs chances de succès être réduites. De plus, les membres des comités d'évaluation ne sont pas toujours réellement bilingues. Les comités d'évaluation par les pairs font leur propre évaluation des compétences linguistiques.
    Êtes-vous prêt à intégrer explicitement cette obligation dans les règles de financement et à instaurer de vrais comités paritaires ainsi que des mécanismes de correction afin que le mérite scientifique des chercheurs francophones soit jugé équitablement, sans préjugés linguistiques?
    Bien évidemment, je pense que tous les conseils subventionnaires doivent revoir leurs pratiques et leurs politiques relativement à l'évaluation effective des demandes soumises en français.
    Comme on l'a vu, il y a eu plusieurs études à ce sujet. Nous nous sommes penchés sur la question, et l'Association francophone pour le savoir s'y est aussi penchée, ainsi que plusieurs autres personnes.
    Lors du processus d'évaluation des demandes de subvention, des préjugés linguistiques sont induits, notamment par un jugement sur l'objet de la recherche. C'est le cas, par exemple, lorsque la recherche porte sur les communautés francophones. On nous a même déjà dit que la recherche en français était moins objective parce qu'elle correspondait à un choix politique; on croyait donc que les résultats seraient teintés par ce choix politique. Nous avons entendu plein de choses.
    Au-delà de ça, il a été démontré que la capacité linguistique des évaluateurs a un impact sur l'évaluation de l'excellence des demandes de subvention. Dans le cas de certaines demandes d'évaluation, des commentaires d'évaluateurs démontraient qu'ils ne connaissaient certainement pas suffisamment le français pour comprendre la demande qu'ils évaluaient, même si, de toute évidence, ils avaient déclaré connaître le français. Par conséquent, les chercheurs recevaient des rapports d'évaluation dans lesquels on leur faisait des suggestions complètement farfelues, ou encore des suggestions qui étaient déjà dans les demandes de subvention. De toute évidence, les demandes avaient été mal comprises.
    Il y a toute une infrastructure à revoir quant à la façon dont sont évaluées les demandes en français, pour qu'elles soient traitées équitablement par rapport à celles en anglais évaluées par des pairs évaluateurs anglophones.
(1805)
    Les chercheurs francophones du Québec, comme ceux de la francophonie canadienne, doivent souvent se tourner vers des fonds provinciaux, donc du Québec, des fonds du milieu communautaire ou des fonds philanthropiques afin de mener des projets pourtant excellents et de haut mérite scientifique. De fait, l'excellence et le mérite ne peuvent pas se limiter aux projets financés par Ottawa.
    Êtes-vous prêt à reconnaître officiellement ces contributions dans l'évaluation de l'excellence, afin que la qualité scientifique soit jugée sur son mérite, et non sur la provenance des fonds?
    Absolument. Ce serait un point de départ. Il y a de l'excellente recherche qui s'effectue, notamment dans notre réseau d'établissements, et qui est financée par d'autres instances que les conseils subventionnaires, en raison de toutes les barrières linguistiques à l'accès aux fonds fédéraux et des préjugés sur la recherche en français, par exemple. Vous avez consacré toute une étude à la recherche en français dans la législature précédente. Tout ça vous indiquerait la direction à suivre pour agir.
    On se retrouve donc dans un contexte où nos chercheurs francophones cherchent d'autres sources de financement. Personnellement, certains de mes collègues chercheurs francophones de partout au pays vont chercher des fonds de recherche au Québec pour être capables de réaliser de la recherche à l'extérieur du Québec, précisément à cause de ces barrières systémiques.
    Je vous donne un exemple. Dans le domaine de la santé, nous avons des chercheurs qui ont passé des années à essayer d'accéder au financement des Instituts de recherche en santé du Canada, mais il y a toujours une barrière devant eux. Nous avons, chez nous, un programme du Consortium national de formation en santé qui finance des bourses de recherche. Cela permet justement d'avoir un effet de levier et de créer une production scientifique en français dans le domaine de la santé, qui autrement ne serait pas produite.
    Chaque année, l'Association francophone pour le savoir, ou Acfas, remet des prix de reconnaissance de la recherche. Ces prix ont une très bonne reconnaissance dans le milieu public. Pas plus tard que l'année dernière, une chercheuse de notre réseau qui reçoit régulièrement du financement de nos programmes de recherche a reçu un prix de l'Acfas. On reconnaît donc que la recherche faite en français est excellente, mais il y a encore des barrières qui, souvent, empêchent ces chercheurs et chercheuses d'accéder aux programmes de financement régulier.
    À propos de barrières, aujourd'hui, on sait que 80 % des fonds fédéraux de recherche vont aux universités du regroupement U15, qui compte 15 universités situées dans des grands centres urbains, dont 13 sont des universités anglophones. Quant aux petites universités francophones, qui sont souvent ancrées dans nos régions, elles reçoivent beaucoup moins que ce qu'elles devraient, malgré le mérite scientifique reconnu de leurs chercheurs.
    Appuieriez-vous des correctifs précis, comme des plafonds, des enveloppes réservées, des incitatifs ou une réforme du Fonds de soutien à la recherche, pour garantir que le mérite est reconnu partout, et non seulement dans les grands centres urbains anglophones?
    Tout à fait. Les mesures que vous suggérez seraient des mesures positives qui entreraient dans le cadre de réflexion de la Loi sur les langues officielles.
    Pour notre part, nous appelons les conseils subventionnaires à développer des mesures positives qui répondent aux besoins de la communauté scientifique francophone et aux besoins des communautés francophones dans leur ensemble. La nouvelle Loi sur les langues officielles inclut de nouvelles obligations, et je pense qu'il faut sensibiliser les décideurs publics et les hauts fonctionnaires à la portée de celles-ci. Il faut développer des mesures positives qui embrassent l'asymétrie entre les communautés linguistiques. Puisque la Loi sur les langues officielles vise l'égalité réelle, ces mesures vont veiller de front à ce qu'il y ait une répartition équitable des fonds de recherche et que les fonds appropriés se rendent vers les établissements de la francophonie canadienne.
    Merci.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant commencer notre deuxième tour.
    Monsieur Singh Mahal, c'est à vous. Vous disposez de cinq minutes pour vos questions.
    Merci, madame la présidente. Je vous remercie de m'accorder du temps pour poser des questions.
    Merci à tous les témoins qui sont venus aujourd'hui.
    Je vais commencer par M. Doyle.
    Dans votre mot d'ouverture, vous avez dit au Comité que vous travaillez avec des collèges en recherche appliquée, et que vous avez un réseau de plus de 70 établissements à l'échelle du pays. En ce qui concerne le financement fédéral, vous constatez un déséquilibre entre le financement de la recherche que les universités reçoivent et les sommes que le fédéral verse aux collèges pour la recherche appliquée.
    Pouvez-vous nous en dire plus là‑dessus? Que nous conseillez-vous? Comment le Comité peut‑il combler l'écart?
    La recherche appliquée à l'échelle collégiale est un phénomène assez récent. Elle est fondée sur un modèle québécois qui a fait ses preuves depuis les années 1980. Or, puisque le reste du Canada ne s'y est mis qu'au début des années 2000, le déséquilibre entre le soutien versé aux universités et aux collèges est un peu normal.
    De fait, le gouvernement fédéral a versé 4,3 milliards de dollars l'an dernier aux universités pour la recherche et le développement, alors que les collèges ont reçu 135 millions de dollars, ce qui représente environ 97 et 3 %.
    De plus, 100 universités et 120 collèges sont admissibles à cette aide. C'est inégal. J'ignore quelle en est la raison, mais c'est ce que révèlent les chiffres.
(1810)
    Si le gouvernement fédéral haussait le financement de ces collèges et ces centres de recherche appliquée, comment les établissements seraient-ils plus productifs? Comment contribueraient-ils à la société? Comment pourraient-ils rentabiliser davantage cet argent?
    C'est peut-être notamment parce qu'il y a 20 ans, le gouvernement a pris des programmes qui devaient permettre aux universités d'exceller, mais qu'il a simplement remplacé le mot « université » par le mot « collège ».
    Nous avons toujours été régis par les conseils subventionnaires et considérés comme un outil de R‑D universitaire. Or, même si nous souhaitons ardemment faire avancer le savoir et le reste, ce n'est pas ce que nous faisons. Ce n'est pas notre raison d'être.
    Pour modifier la situation actuelle, il faudrait avoir un programme de soutien à la R‑D collégiale, où nous sommes considérés comme un outil de R‑D industrielle plutôt qu'un moyen de faire progresser les connaissances universitaires. À ce jour, il n'y a rien eu de semblable.
    Je préférerais probablement une telle mesure, plutôt que de torturer les pauvres conseils subventionnaires afin qu'ils essaient de se conformer à la dynamique unique de la R‑D collégiale.
    Je vous remercie.
    Pouvez-vous également nous expliquer pourquoi la recherche appliquée est si importante et quels types de résultats elle produit, par rapport à d'autres recherches?
    Nous basculons désormais dans l'ère de l'intelligence artificielle, et nous en avons beaucoup entendu parler. Quelle place occupent ces collèges dans ce monde, et quelle est la suite des choses?
    C'est une excellente question. L'intelligence artificielle est un dossier très chaud, et trois de nos centres se spécialisent dans ce domaine.
    Comme je l'ai mentionné, il y a 70 centres au pays qui appuient le secteur revêtant une grande importance dans la région. Aussi, beaucoup d'entre eux soutiennent verticalement un domaine, comme un centre d'accès à la technologie aérospatiale qui aide son industrie. D'autres centres sont plutôt des plateformes technologiques, comme les systèmes et les centres d'intégration numérique, et leur expertise s'applique à l'ensemble des secteurs verticaux de l'industrie. L'intelligence artificielle en est un exemple.
    Nous constatons une demande énorme de la part d'entreprises, principalement dans des industries analogiques comme l'agriculture, la foresterie et la pêche, qui aimeraient appliquer de grands modèles de langage et l'intelligence artificielle pour améliorer leur bénéfice net. Qu'il s'agisse d'augmenter leurs revenus ou de réduire leurs coûts, ces entreprises sont prêtes, disposées et aptes à adopter la technologie. Elles ont simplement besoin d'une personne parfaitement objective pour les guider. L'une des choses que nous faisons pour le « bien commun », c'est de ralentir les maniaques de la technologie. Lorsque des entreprises se rendent à un salon professionnel et sont devant une technologie toute nouvelle et novatrice, elles n'ont peut-être pas besoin de la Lamborghini alors qu'une chose beaucoup plus modeste, comme une bicyclette, conviendrait à leur réalité opérationnelle. Nous pouvons donc leur dire quelle est la bonne solution pour leur utilisation. L'intelligence artificielle est un domaine où nous assistons à une croissance fulgurante, et nous avons la chance de pouvoir apporter notre aide.
    En résumé, nous sommes un comité de financement. Sur une échelle de 1 à 10, comment est‑il possible de rétablir l'équilibre entre le financement des universités et celui des collèges, qui appliquent des solutions pratiques, du côté des chiffres?
    Je suis rationnel, et je ne demanderais jamais rien que notre secteur ne puisse pas offrir. Le déséquilibre entre 4,3 milliards et 135 millions de dollars est réel, mais compte tenu de notre capacité actuelle, je pense que le bon chiffre serait d'environ 150 millions de dollars par année, peut-être suivi d'une augmentation annuelle de 10 % pour répondre à la demande, et laisser le modèle prendre de l'ampleur. Y investir des milliards de dollars pour obtenir un partage en parts égales serait regrettable pour tout le monde.
    Je suis désolée de vous interrompre, mais le temps est écoulé. Je vous remercie.
    Nous allons maintenant écouter M. Noormohamed.
    Monsieur, vous avez cinq minutes pour poser vos questions. Veuillez commencer.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Madame la présidente, je m'adresse à Mme Smith par votre entremise. J'ai trouvé intéressant de réfléchir au Fonds d'excellence en recherche Apogée Canada, qui a été créé par Stephen Harper en 2014, et qui comportait des critères très intéressants, surtout en assurant l'inclusion d'une diversité de voix et de chercheurs.
    Pouvez-vous nous parler de l'importance de ce type de fonds et de la raison pour laquelle ces critères sont si importants pour garantir que nous menions les meilleures recherches et des travaux de première qualité au Canada?
(1815)
    Je vais répondre à la question.
    Je comprends aussi que ces chaires de recherche — celles du Fonds d'excellence en recherche Apogée Canada, les Chaires d'excellence en recherche du Canada et celles du Programme des chaires de recherche de Canada 150 — sont non partisanes. Tous les gouvernements veulent attirer les personnes les plus talentueuses au pays.
    Je vais revenir à votre point: les universités agissent de manière rationnelle. Nous voulons les meilleures personnes qui soient, et je pense qu'il est très important de reconnaître que nous avons obtenu les meilleures. Il ne faut donc pas s'apitoyer sur notre sort. Les objectifs d'équité, de diversité et d'inclusion sont très compatibles avec l'excellence. Comme je l'ai dit, ils créent les conditions permettant d'attirer les meilleurs talents.
    Nous savons également que nous avons perdu certains talents à défaut d'avoir réussi à gérer quelque chose d'aussi simple que la situation familiale, par exemple. On ne peut pas attirer des gens d'Oxford et de Harvard, comme certains des premiers présidents ont essayé de le faire, lorsqu'on ne reconnaît pas qu'il y a deux familles universitaires: pas seulement la personne qu'on essaie de recruter, mais aussi son conjoint ou sa conjointe.
    Je crois que ces présidents, les organismes subventionnaires et le Secrétariat des programmes interorganismes à l'intention des établissements, qui gèrent ces critères, ont fait un travail formidable. Lorsque nous parlons d'« équité », nous parlons d'être justes, et le point important à soulever est qu'il y a toujours plus de gens qualifiés pour occuper ces chaires que de chaires disponibles. Soyons très clairs: même lorsque les universités recrutent à l'interne, plutôt qu'à l'externe ou à l'étranger, il y a plus de gens qualifiés que de chaires. Nous ne devrions donc pas nous faire d'illusions à ce sujet.
    Ce que j'entends, entre autres choses, dans les arguments avancés à propos de la diversité dans les établissements au Québec ou dans les collèges, c'est qu'il n'est pas nécessaire de se faire concurrence. Nous devons parler d'un financement différencié pour assurer la prospérité de tous nos établissements. Le Fonds d'excellence en recherche Apogée Canada a des critères d'équité, de diversité et d'inclusion, et nous n'avons aucun problème à recruter les meilleurs talents.
    Pour éviter toute ambiguïté, pouvez-vous confirmer que lorsque vous avez examiné les chaires de recherche, celles du fonds d'excellence et d'autres, vous n'avez vu aucune personne moins qualifiée ou moins disposée à faire la recherche être choisie à cause de critères d'ethnicité ou de diversité?
    Pourquoi ferait‑on une telle chose?
    Eh bien, exactement: je pense que c'est exactement le point.
    Il y a deux ou trois choses.
    L'une des choses auxquelles les gens font allusion, ce sont les efforts déployés en matière d'équité, de diversité et d'inclusion pour dire: « Assurons-nous d'atténuer les préjugés contre les Autochtones, les femmes et les personnes racisées. » D'où provient cette idée? Elle est issue de la Commission royale sur l'égalité en matière d'emploi, que la juge Rosalie Silberman Abella a dirigée. Elle a examiné les données de Statistiques Canada, qui disent que ces personnes possédaient les compétences, mais que d'une certaine façon, des obstacles et des préjugés les empêchaient d'avoir accès au marché du travail ou au milieu universitaire.
    L'élimination de ces obstacles et de ces préjugés ne signifiait pas qu'on allait obtenir une chaire de recherche ou entrer dans le monde universitaire. Cela signifiait qu'on avait une chance égale. On avait un accès.
    Je crois que le Canada est l'un des endroits où les gens sont les mieux éduqués dans le monde. Nous avons beaucoup de personnes exceptionnellement talentueuses. Je suis aussi d'avis que nous avons beaucoup de talents inexploités, sous-utilisés, comme des ingénieurs ou des médecins qui conduisent des taxis, par exemple. Du point de vue de l'équité, la façon de s'attaquer à ce problème consiste à se pencher sur les titres de compétence et à les reconnaître.
    C'est la raison pour laquelle les mesures d'équité, de diversité et d'inclusion sont importantes. Elles sont importantes parce que nous essayons d'accorder un accès à toutes les personnes talentueuses du Canada, peu importe les critères identitaires. Personne n'est embauché à cause de son sexe. C'est illégal, par exemple...
    Je suis content que vous ayez éclairci ce point, car on entend beaucoup de propos associés à une guerre des cultures qui, selon moi, ont injustement nui à la perception que les gens ont du travail accompli par certaines personnes qui ne méritent pas ce genre de critique.
    Je vais prendre le temps qu'il me reste, environ 10 secondes je crois, monsieur Doyle, pour parler de la commercialisation de la recherche, qui est très importante. Que peut‑on faire de plus pour nous assurer de commercialiser la recherche qui provient de nos instituts et de nos universités?
    Je suis désolée. Votre temps est écoulé, monsieur Noormohamed.
    Si vous n'avez pas l'occasion d'y revenir, le témoin peut toujours fournir une réponse écrite à la question que vous avez posée.
    Mon travail consiste à tenir compte du temps de parole. Nous allons passer à M. Blanchette-Joncas pour deux minutes et demie.
    Je vous en prie.
(1820)

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Permettez-moi de déposer une motion en lien avec l'étude qui nous concerne actuellement:
Que le Comité demande aux trois conseils subventionnaires, soit le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), de comparaître devant le Comité, lors de l'étude sur l'impact des critères d'attribution du financement fédéral sur l'excellence de la recherche au Canada, afin de témoigner à ce sujet. Que le Comité consacre une heure à l'audition de leur témoignage.
    J'en ai déjà discuté avec mes collègues. Les personnes concernées ont déjà été invitées, mais, malheureusement, elles ne semblent pas prioriser leur comparution devant le Comité. Il me paraît inconcevable que les gens...

[Traduction]

    Je suis désolé de vous interrompre.
    Je veux juste tirer quelque chose au clair pour tous les membres du Comité, car ce n'est pas la première fois que la situation se produit. J'aimerais savoir comment notre comité souhaite procéder.
    Dans certains comités, j'ai constaté que lorsqu'une motion est présentée, nous arrêtons le chronomètre, et le motionnaire, si la motion est recevable, a le temps de l'expliquer, et j'ai vu dans beaucoup d'autres comités que lorsqu'il poursuit son explication pendant deux minutes et demie, il perd son temps de parole. De quelle façon aimeriez-vous procéder ici? Avez-vous des suggestions ou des commentaires?
    Voulez-vous dire quelque chose, monsieur Noormohamed?
    Madame la présidente, je ne parle pas de la motion, même si je pense que c'est une discussion très importante pour nous, mais j'estime que lorsque quelqu'un présente une motion lorsqu'il a la parole, son temps de parole devrait continuer de s'écouler.
    Monsieur Baldinelli, vous vouliez dire quelque chose.
    Madame la présidente, j'ai siégé à des comités où on arrêtait le chronomètre. J'ai donc vécu l'expérience inverse. Dans ce cas‑ci, mon collègue aurait encore son temps de parole après avoir présenté la motion.
    C'est aussi une motion très courte. Je pense que nous pouvons en parler, la mettre aux voix et revenir rapidement aux délibérations du Comité.
    Y a‑t‑il d'autres personnes qui souhaitent intervenir?
    Allez‑y, monsieur Blanchette-Joncas.

[Français]

    Madame la présidente, en tout respect, j'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi vous avez interrompu mon tour de parole pour sonder mes collègues. J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi vous n'avez pas attendu que je termine mon argumentaire.
    Je suis parlementaire depuis cinq ans et demi, et c'est la première fois que je vis une telle situation. Je vous avoue que, présentement, j'ai un profond malaise relativement à la façon dont vous présidez le Comité. On ne devrait pas interrompre un parlementaire pendant qu'il est en train de débattre d'une motion qu'il vient de déposer, dans le but de solliciter l'avis des autres collègues avant de lui redonner la parole pour qu'il poursuive son argument.
    J'aimerais que vous m'expliquiez, en toute sincérité, pourquoi vous avez agi de la sorte.

[Traduction]

    Merci de soulever ce point. J'ai arrêté le chronomètre, car c'est la première fois que nous avons cette situation au Comité. Je voulais tout simplement voir comment nous devrions fonctionner. Mon travail consiste à respecter la volonté des membres du Comité.

[Français]

    Madame la présidente, si je comprends bien votre réponse, le fait d'arrêter le chronomètre vous permet d'interrompre un parlementaire pendant qu'il dépose une motion.

[Traduction]

    Vous avez lu toute la motion, et vous avez ensuite entamé une explication. Je voulais tirer la question au clair avant votre explication, mais je n'ai pas voulu vous interrompre lorsque vous avez présenté la motion. Vous l'avez lue au complet.

[Français]

    Madame la présidente, je vous invite à revoir votre intervention. Vous avez clairement dit que vous m'interrompiez pour expliquer à nos collègues la façon dont vous vouliez que ce comité fonctionne pour déposer une motion. En toute humilité, j'aurais aimé que vous vous excusiez, mais je comprends que ce ne sera pas pour aujourd'hui. J'espère que, les prochaines fois, on fera usage de civilité et on évitera d'interrompre les parlementaires pour demander l'avis des collègues.

[Traduction]

    Vous pouvez y aller. Nous pouvons aborder la question lorsque nous discuterons des travaux du Comité pour savoir comment procéder à l'avenir.
    Je vous en prie.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Dans mon intervention initiale, j'expliquais que ce dépôt de motion est important, à mon avis, parce que les gens qui administrent les critères de financement de la recherche au Canada, ce sont les organismes subventionnaires. Actuellement, nous avons déjà invité des gens des organismes subventionnaires à venir témoigner. Malheureusement, ils ne sont pas disponibles pour venir témoigner ou n'en ont pas fait une priorité. Évidemment, il m'apparaît important que ces gens, qui font partie de l'écosystème de la recherche scientifique, puissent venir témoigner devant nous.
(1825)

[Traduction]

    Nous avons une motion, et elle peut donc faire l'objet d'un débat.
    Allez‑y, monsieur Noormohamed.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    À mon avis, la motion de mon collègue est très intéressante et très importante. Si on a déjà demandé aux personnes de ces organismes de se présenter devant le Comité, on pourrait utiliser cette motion pour s'assurer qu'elles vont venir témoigner. C'est quelque chose que nous pouvons appuyer. Cependant, je me demande si c'est la meilleure façon d'atteindre le but de mon collègue.

[Traduction]

    Je souscris parfaitement à ce que mon collègue essaie d'accomplir ici, et la motion ne me pose pas problème, mais je me demande si c'est la meilleure façon pour nous d'obtenir le résultat que nous voulons, à savoir que ces trois organisations se présentent et témoignent pendant une heure. Si une motion est nécessaire, qu'il en soit ainsi, mais nous pouvons peut-être nous assurer qu'ils se présentent. Je crois que c'est ce que mon collègue aimerait.
    La motion ne me pose pas problème. Je m'intéresse juste à la façon pour nous de parvenir à nos fins.
    Madame la présidente, distingués membres du Comité, je crois que le greffier a invité les trois. Une seule organisation a répondu. Elle a accepté, mais je préférerais que les trois témoignent. C'est la raison pour laquelle j'appuie la notion d'une motion. Je ne veux pas qu'un seul des conseils comparaisse plutôt que les trois.
    Dans cette optique, je suis heureux d'appuyer la motion de mon collègue du Bloc. Elle envoie un message aux trois organismes, à savoir qu'il est important qu'ils se présentent devant le Comité. Je suis prêt à voter, si mes collègues le sont aussi, et nous pouvons régler cette question et revenir aux témoins.
    Merci, monsieur Baldinelli.
    Pour que tout le monde soit au courant, un témoin du Conseil de recherches en sciences humaines doit déjà comparaître le mercredi 24 septembre. Il fera partie du deuxième groupe de témoins, qui siégera de 17 h 30 à 16 h 30.
    Voyons si nous pouvons faire comparaître les trois en même temps.
    Comme plus personne ne souhaite intervenir, nous allons mettre la motion aux voix. S'il y a consensus, nous pouvons procéder à main levée.
    (La motion est adoptée.)
    Le présidente: Monsieur Blanchette-Joncas, veuillez poursuivre vos questions.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je poursuis mes questions qui s'adressent à M. Normand.
    Le financement octroyé par le gouvernement fédéral aide déjà à financer de grandes infrastructures de recherche, mais elles sont concentrées dans quelques grandes universités anglophones. Les chercheurs du Québec et de la francophonie, surtout en région, n'y ont pas accès de manière équitable. Or, sans infrastructures, même le chercheur le plus méritant ne peut déployer son plein potentiel.
    Appuieriez-vous la mise en place d'un modèle de partage qui assure la présence de nœuds dans les universités francophones afin que le mérite scientifique puisse s'exprimer pleinement partout?
    À la base, je suis absolument d'accord sur le principe. La mise en commun des ressources est la voie à suivre.
    Cependant, comme notre réseau d'établissements s'étend partout au pays, l'accès aux infrastructures de recherche pourrait devenir plus difficile. Je vais donner l'exemple du Campus Saint‑Jean de l'Université de l'Alberta: il n'a pas de voisin immédiat doté d'infrastructures de recherche qui fonctionnent en français et qui permettraient de combler les besoins qui ne sont pas comblés à l'heure actuelle.
    Si on veut aller dans cette voie pour assurer un accès équitable à ces infrastructures, il faudrait offrir un financement additionnel afin de permettre le déplacement interprovincial et de mener des projets de recherche dans des laboratoires situés dans une autre province. Il faudrait aussi s'assurer que l'infrastructure et le matériel informatique sont disponibles en français pour qu'on puisse réaliser certains de ces projets.
    Je suis d'accord sur le principe, à la base, mais je pense qu'il y a d'autres barrières à faire tomber pour que cette solution soit efficace.
    En ce qui concerne les barrières, il faut comprendre qu'on a besoin de données pour analyser les situations. Pour que le gouvernement fédéral rende des comptes, il faut de la transparence.
    Seriez-vous prêt à exiger la publication annuelle des taux de succès, détaillés selon la langue, la région et la taille de l'établissement, et à reconnaître officiellement les projets de haut mérite scientifique financés par des organismes autres que les trois conseils subventionnaires?
    La liberté universitaire exige que la valeur scientifique prime tout autre critère externe.
(1830)
    Oui. De toute façon, selon la Loi sur les langues officielles, tous les conseils subventionnaires vont être tenus de produire des données pour montrer comment des programmes ont ou non un impact négatif direct sur les communautés francophones. Cette infrastructure de données va être essentielle pour que toutes les institutions, y compris les conseils subventionnaires, respectent leurs obligations en vertu de la Loi.
    Pour conclure, avez-vous d'autres suggestions concrètes concernant la modification des critères de financement pour instaurer une équité réelle et garantir que le seul critère déterminant demeure le mérite scientifique?
     Il faut agir sur les préjugés linguistiques et institutionnels dans l'évaluation et éviter qu'il y ait une perception négative selon laquelle la publication scientifique en français a un contenu politique ou est moins objective que la publication scientifique en anglais. À partir de là, les critères d'évaluation vont pouvoir nous amener beaucoup plus loin et nous permettre de progresser vers un traitement plus équitable des demandes soumises en français.

[Traduction]

    Merci.
    C'est tout le temps que nous avions à consacrer à ce groupe de témoins.
    Madame la présidente, je suis désolé, mais j'ai une brève question. Je veux juste donner suite aux propos de mon collègue, M. Noormohamed.
    Il a posé une question à M. Doyle...
    Essayez-vous de poser des questions?
    Je ne pose pas de question, mais M. Noormohamed vient tout juste de demander à M. Doyle s'il pouvait présenter un mémoire, je crois, sur les meilleures façons pour le gouvernement du Canada de commercialiser sa recherche...
    J'y arrive.
    Sur ce, je tiens vraiment à remercier les trois témoins d'avoir comparu devant le Comité. Si vous n'avez pas eu l'occasion de répondre à certaines questions, veuillez transmettre un mémoire au greffier du Comité, et il le distribuera à tous les membres.
    Allez‑y, monsieur Singh.
    Je tiens juste à préciser, madame la présidente, que votre commentaire se rapportait uniquement aux questions auxquelles les témoins n'ont pas répondu, pas aux autres cas.
    Cela s'applique aussi aux autres cas. S'ils n'ont pas pu répondre à une question à cause du temps, ils peuvent présenter un mémoire, ou s'il y a autre chose qu'ils n'ont pas pu porter à l'attention du Comité faute de temps, ils peuvent également répondre par écrit. Les réponses seront distribuées aux membres du Comité qui en tiendront compte au moment de rédiger les rapports.
    Plaît‑il au Comité de lever la séance?
    Des députés: Oui.
    La présidente: D'accord, merci. La séance est levée.
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