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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 038 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 janvier 2007

[Enregistrement électronique]

(0905)

[Traduction]

    Bonjour à tous. Nous sommes le mardi 30 janvier 2007 et il s'agit de la 38e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.
    Je tiens à profiter de l'occasion pour souhaiter à tous un bon retour. J'espère que vous avez tous passé un joyeux Noël et que vous avez profité des vacances que vous avez passées avec votre famille et vos amis.
    Je tiens à souhaiter une bienvenue toute spéciale à Mme Lalonde qui a eu un long —
    Des voix: Bravo, bravo!
    Le président: Je puis vous assurer que nos prières et nos meilleurs voeux ont été avec vous, madame. Mme Lalonde siège à ce comité depuis longtemps et est un membre très précieux du comité; nous lui souhaitons donc un bon retour.
    En ma qualité de président, je tiens également à souhaiter la bienvenue aux nouveaux membres du Comité des affaires étrangères et du développement international. C'est bon d'avoir du sang neuf. Je peux dire avec une certaine fierté que ce comité a toujours entretenu de très bonnes relations de travail avec tous les membres de tous les partis. Au cours des dernières années, nous avons essayé de travailler par consensus et je crois que notre travail en fait foi.
    Nous poursuivons notre étude sur le développement démocratique. Il s'agit de la principale étude du comité sur le rôle du Canada à l'appui du développement démocratique dans le monde. La semaine prochaine, notre comité se rendra à Washington et à New York dans le prolongement de notre voyage de l'automne dernier à Oslo et dans d'autres destinations européennes. Notre comité fait face à un horaire passablement éprouvant à son retour et pourtant je suis sûr que nous accordons tous une très grande valeur à ce que nous voyons et apprenons et aux expériences que nous vivons à l'occasion de ces voyages et lors de nos réunions ici comme comité.
    Aujourd'hui, au cours de notre première heure, nous entendrons l'Association du Barreau canadien. Nous recevons Robin Sully, directrice du développement international, John Hoyles, chef de la direction, et William Goodridge, membre du Comité de développement international. Nous vous souhaitons la bienvenue ce matin.
    Comme vous le savez, c'est la première fois que nous nous réunissons depuis la relâche. Votre témoignage de ce matin devrait certes nous aider dans notre étude étant donné que nous en apprendrons davantage sur l'importance du principe de la primauté du droit et les meilleures pratiques pour la promouvoir. Nous vous souhaitons la bienvenue et sommes impatients d'entendre votre exposé.
    Monsieur Goodridge, je crois comprendre que vous avez un exposé et qu'ensuite, tous les membres de votre groupe répondront aux questions des membres du comité.
    Bienvenue.
    Merci, monsieur le président, et merci, honorables membres.
    L'Association du Barreau canadien est heureuse de cette occasion de vous faire part aujourd'hui de son point de vue sur l'aide que peut apporter le Canada au développement démocratique dans le monde. Je suis venu ici aujourd'hui de St. John's, Terre-Neuve. Je suis membre du Comité de développement international, mais je suis venu ici spécifiquement pour faire cet exposé devant le comité à la demande de l'Association du Barreau canadien.
    Veuillez poursuivre.
    Comme le savent la plupart d'entre vous, nous sommes une organisation nationale qui représente environ 37 000 membres. Nos membres sont des avocats, des juges, des notaires du Québec et des professeurs de droit de tout le Canada. Nous avons accumulé beaucoup de savoir-faire en développement international.
    Depuis 1990, l'Association du Barreau canadien a réalisé des projets de réforme législative et judiciaire et veillé au renforcement des capacités dans 29 pays de l'Asie, de l'Afrique, de l'Europe centrale et des Caraïbes. Dans tous ces projets, nous préconisons notre attachement à l'accès à la justice par le biais des valeurs d'une profession juridique indépendante, d'une magistrature impartiale, de la primauté du droit et de la dignité de la personne.
    Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles le Canada devrait promouvoir la démocratie à l'étranger : amélioration des débouchés économiques, intérêts en matière de politique stratégique étrangère et même renforcement de la sécurité nationale. Mais, de notre point de vue, la raison la plus importante pour laquelle le Canada doit appuyer la démocratie est d'accroître le développement — c'est-à-dire réduire la pauvreté et la faim, soutenir les droits humains fondamentaux, améliorer la santé et la sécurité et protéger l'environnement.
    Par rapport aux nombreuses questions que vous avez énoncées, nous allons aujourd'hui nous attarder sur trois en particulier : la nature que doit prendre l'appui du Canada au développement démocratique, les leçons tirées des expériences menées à l'appui du développement démocratique et la question de savoir si le Canada peut et devrait faire davantage.
    Concernant la nature du soutien du Canada, nous estimons que la meilleure façon de promouvoir la démocratie à l'étranger est de promouvoir une bonne gouvernance dont la primauté du droit constitue un élément essentiel. Sans cette dernière, la démocratie ne peut être durable. Les deux concepts sont inextricablement liés, et un pays ne peut améliorer son sort à long terme sans une bonne gouvernance.
    Qu'est-ce qu'une bonne gouvernance? Elle comporte de nombreuses caractéristiques. Elle a des valeurs spéciales, des règles, et peut-être ce qui est le plus important, des institutions qui prennent des décisions et exercent le pouvoir. Une bonne gouvernance favorise la participation et est à l'écoute des citoyens; elle est transparente, responsable, juste et efficace. Il y a beaucoup d'adjectifs, mais tous sont importants pour le concept.
    La valeur de la démocratie, c'est qu'elle constitue la meilleure forme de gouvernement qui incarne toutes ces caractéristiques, mais à elle seule, elle ne suffit pas à créer une bonne gouvernance. Nous pouvons voir de nombreux exemples dans le monde où des élections justes et libres n'ont pas réussi à améliorer de façon magique le développement, faute d'une bonne gouvernance.
     Une démocratie ne peut fonctionner sans primauté du droit. Par exemple, comment des élections pourraient-elles être considérées comme libres ou équitables si les règles électorales ne sont pas appliquées équitablement, justement et uniformément; ou si le mécanisme de votation n'est pas accessible au public ou encore si les différends relatifs à des irrégularités en matière de scrutin ne sont pas réglés par des tribunaux et des juges indépendants? Donc, dans sa forme la plus élémentaire, la primauté du droit signifie que tous sont assujettis à la même loi — les représentants du gouvernement, les législateurs, les juges, les entreprises et les particuliers. Mais cela signifie aussi que le gouvernement est lié par la loi. Tous les actes du gouvernement doivent être autorisés par la loi. La règle de droit signifie que les lois doivent être claires, cohérentes et stables et appliquées de manière prévisible et sans arbitraire, corruption, copinage ou favoritisme.
    Cela dit, je vais maintenant passer à la deuxième question que nous aimerions aborder : les leçons tirées des expériences menées à l'appui du développement démocratique. Dans notre exposé écrit, nous avons énuméré certaines des leçons que l'Association du Barreau canadien a apprises comme réalisateur d'un projet de réforme juridique et judiciaire, si bien que ce matin je ne vais évoquer que quelques exemples. Le rapport comporte plus de détails.
(0910)
    La première expérience... Dans chacun de nos projets, nous avons eu besoin d'un engagement et d'une responsabilité à l'échelle locale pour être efficaces. Le Canada doit appuyer des programmes qui sont sensibles aux besoins locaux et sont pris en charge à l'échelle locale. À notre avis, sans cela, les programmes sont voués à l'échec. Il faut également faire participer les intervenants locaux à la planification, à la mise en oeuvre et à la surveillance des programmes. D'après notre expérience, l'approche la plus fructueuse est celle où les acteurs et décideurs locaux sont habilités à faire des choix. Un élément important de notre aide doit donc viser le renforcement des capacités. Amener les citoyens à exprimer leur point de vue dans leur propre pays est un moteur de changement beaucoup plus puissant à l'échelle nationale que d'avoir des groupes de défense étrangers ou un gouvernement étranger tenter de faire la même chose.
    À l'engagement et à la responsabilité à l'échelle locale se greffe la nécessité d'une coopération régionale. Je vais vous donner un exemple que nous avons connu par le biais de l'Association du Barreau canadien. En Afrique de l'Est, l'Association du Barreau canadien travaille avec les barreaux de l'Ouganda, de la Tanzanie et du Kenya depuis 1998. Une partie du travail y a consisté à renforcer les capacités de leurs ordres d'avocats de sorte qu'ils puissent promouvoir plus efficacement, entre autres choses, la réforme du droit.
    Les ateliers de développement des capacités régionales donnés par l'Association du Barreau canadien ont attiré des participants de l'Afrique de l'Est et des partenaires de l'Afrique australe. Nos partenaires ainsi réunis ont pu partager leurs expériences, apprendre des uns des autres comme ils ont appris des Canadiens et comme nous avons également appris d'eux. Grâce à ces ateliers, l'Association du Barreau canadien a facilité l'établissement de relations qui ont conduit à une collaboration suivie entre ces barreaux africains. L'approche régionale leur confère une voix plus forte que ce qu'ils pourraient obtenir individuellement.
    En 2005, les barreaux de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique australe se sont unis et ont aidé le Barreau du Zimbabwe à présenter une plainte aux termes de la Charte africaine des droits de la personne. La plainte concernait des amendements à la Constitution du Zimbabwe qui violaient le droit à une protection égale de la loi et le droit à la liberté de mouvement. Plus particulièrement, dans ce cas, il s'agissait d'une loi qui autorisait la confiscation des passeports par des résidents du Zimbabwe.
    La deuxième leçon que l'Association du Barreau canadien a apprise, c'est que nous ne pouvons pas supposer qu'un seul modèle donnera les meilleurs résultats. Il existe de nombreux modèles différents d'un système juridique et judiciaire, et des modèles différents peuvent être efficaces en différents lieux, à des époques différentes. Par exemple, dans la plupart des pays, y compris le Canada, la grande majorité des gens ne s'adressent qu'aux instances inférieures du système judiciaire. En fait, la plupart des gens renoncent à recourir aux tribunaux et recourent à d'autres types de règlement des différends. Paradoxalement, à l'heure actuelle, la majorité de l'aide fournie au système judiciaire par le Canada vise les cours suprêmes, les ministères de la Justice et d'autres institutions qui n'ont que très peu d'influence, voire aucune, sur la vie des pauvres et des défavorisés.
    La troisième leçon que l'Association du Barreau canadien a apprise, c'est que la réforme juridique ne peut réussir sans l'appui de défenseurs acharnés dans le pays en cause. Dans certains cas, la meilleure approche, c'est quand l'appui vient du haut — c'est-à-dire par le biais d'un solide engagement politique et la collaboration avec les institutions publiques et les ministères. Dans d'autres cas, la société civile, ou l'approche dite « ascendante », est un meilleur point de départ pour l'engagement. À long terme, aucune de ces deux stratégies ne peut porter fruit sans l'engagement de tout un éventail d'acteurs. Les activités comme la formation des juges, l'amélioration des systèmes de gestion et la fourniture d'ordinateurs au système judiciaire n'auront qu'une incidence limitée si elles ne sont pas conjuguées à des approches « ascendantes ». Cette approche pourrait comporter une sensibilisation du public envers les droits, et une aide juridique pour faire appliquer ces droits.
(0915)
    Par conséquent, nous, les membres du Barreau canadien, recommandons que le Canada appuie davantage les partenaires de développement des ONG et de la société civile à l'étranger.
    Je vais vous donner un exemple concret de raison pour laquelle il est si important de renforcer la société civile. En Chine, le système de justice pénale est encore riche en incidents de torture, de détention arbitraire et en refus d'application régulière de la loi. Les avocats de la défense en droit pénal sont sur la ligne de front de la défense des droits de la personne fondamentaux, et l'Association du Barreau canadien travaille actuellement avec l'Association de tous les avocats de la Chine afin de mobiliser ses membres et à les faire participer activement à une réforme du système de justice pénale et à la défense des droits.
    L'Association de tous les avocats de la Chine s'inspire des connaissances qu'elle tire du système de justice canadien et des normes juridiques internationales, qu'elle a acquises grâce au projet de l'ABC, pour exhorter le gouvernement chinois à réformer en profondeur le système de justice pénale d'une façon qui aura des effets directs et positifs sur les droits de la personne. Elle a fait des propositions au gouvernement chinois pour qu'il réforme la procédure pénale et améliore la protection des suspects et des défendeurs en vertu du droit pénal. L'association est également en train d'élaborer des lignes directrices sur la défense contre la peine de mort afin de créer un rôle pour les avocats de la défense afin que les condamnations à la peine de mort soient réexaminées par les tribunaux supérieurs.
    Ainsi, les avocats d'aujourd'hui en Chine font partie d'une nouvelle catégorie d'avocats qui utilise le système juridique du pays et se bat pour la justice sociale. Ils génèrent un changement petit, mais significatif et réalisent des victoires significatives qui étaient inimaginables il n'y a que quelques années encore.
    La quatrième leçon que nous retenons, c'est que nous devons conserver un regard à long terme. L'instauration du principe de la primauté du droit au Canada ne s'est pas faite du jour au lendemain. Nous ne devrions pas nous attendre à plus dans les autres pays, particulièrement dans ceux qui ont connu des conflits ou des défis sociaux, politiques et économiques. Le renforcement des valeurs prend beaucoup plus de temps que le transfert de compétences technocratiques. Comme l'incidence des activités qu'appuient les donateurs pourrait ne pas être manifeste avant 10 ans sinon plus, la planification des projets et les attentes doivent être ajustées en conséquence. Nous devons fixer des objectifs réalistes et nous assurer que la mesure du rendement les reflète adéquatement.
    La dernière leçon que nous retenons, c'est que nous devons concevoir de meilleures techniques d'évaluation. Il est facile d'évaluer l'incidence d'un nouveau pont ou d'un nouveau barrage dans un pays en développement, mais il est difficile d'évaluer l'incidence de projets de réforme de la justice ou de l'appareil judiciaire. L'art et la science de la mesure du rendement doivent être améliorés. Un bon point de départ consisterait à partager davantage les expériences entre donateurs et organismes d'exécution.
    Bref, d'après ce que nous retenons de nos expériences, le sentiment d'appartenance et la participation locaux sont importants, nous avons besoin d'approches descendantes comme d'approches ascendantes et nous avons besoin de plans stratégiques à long terme ainsi que de meilleurs outils d'évaluation.
    Prenons maintenant la troisième question que nous souhaitons aborder, c'est-à-dire si le Canada peut et devrait en faire plus. Où devrait-il concentrer ses efforts?
    Le Canada a beaucoup à offrir. Nous sommes une démocratie parlementaire dotée d'un système fédéral de gouvernement parlementaire et de traditions démocratiques solides. Notre Constitution, y compris notre Charte, est prise pour modèle par les autres pays. Notre système de justice, qui conjugue la common law avec le droit civil, est tenu en haute estime. Nos juristes sont très respectés dans le monde. L'expérience du Canada des processus participatifs de réforme de la justice civile et criminelle, des enjeux sur l'enregistrement des terres et des titres ancestraux et des enjeux liés à la justice réparatrice sont tous des exemples de l'expertise que nous pouvons partager avec le monde. En outre, les organisations canadiennes ont démontré leur capacité de travailler efficacement dans un domaine qui nécessite une grande sensibilité politique et culturelle. Bref, il serait honteux de gaspiller ces atouts et de ne pas les utiliser pour promouvoir la démocratie et la primauté du droit dans le monde.
    Quant à la façon dont nous pouvons en faire plus, nous croyons qu'il n'y a aucune organisation existante ou nouvelle qui peut ou qui devrait tout faire. La promotion de la démocratie, le renforcement de la primauté du droit et le soutien à la bonne gouvernance nécessitent beaucoup de choses différentes dans beaucoup de domaines différents.
(0920)
    Diverses institutions existantes de très grande qualité excellent dans tous les domaines dans lesquels nous devons travailler. Par conséquent, nous croyons que la meilleure façon de faire est d'accroître le pouvoir de ces organismes canadiens de jouer un rôle international accru. Cela comprend d'améliorer les connaissances et l'expertise au sein du gouvernement canadien pour produire des programmes plus efficaces.
    Bien que le Canada ait le potentiel d'en faire plus dans ce domaine, les institutions du pays sont nettement restreintes par le manque de ressources. Alors que le besoin de ressources et d'expertise dans le domaine ne cesse de croître, le financement des organisations canadiennes a stagné ou baissé ces dernières années. Le manque de ressources rend impossible la mise en oeuvre des pratiques exemplaires dont j'ai déjà parlé, comme l'amélioration de la recherche et de l'évaluation, le partage des connaissances et l'engagement stratégique.
    Je vous remercie tous de votre temps.
    Bien entendu, notre mémoire écrit est plus détaillé, mais nous sommes ici pour répondre à toutes vos questions de notre mieux.
    Merci beaucoup, monsieur Goodridge.
    J'aimerais vous remercier de votre exposé, de même que de votre mémoire, qui comprend des recommandations très détaillées, présentées de manière à ce que nous puissions les étudier.
    Nous allons entreprendre le premier tour de table par l'opposition officielle. Monsieur Patry, vous avez sept minutes. Allez-y.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président, monsieur Goodridge, madame Sully et monsieur Hoyles.
    Dans votre mémoire, monsieur Goodridge, l'ABC reconnaît la faiblesse d'une bonne partie de l'assistance en matière de primauté du droit. Je vous cite :
Il semble néanmoins que la majorité de l’aide fournie au système judiciaire vise les cours suprêmes, les ministères de la Justice et d’autres institutions qui n’ont que très peu d’influence, voire aucune, sur la vie des pauvres et des défavorisés.
    Comment cette faiblesse pourrait-elle être corrigée dans le soutien que le Canada accorde aux activités dans ce domaine?

[Traduction]

    Monsieur Patry, je commencerai par vous dire qu'il importe que la Cour suprême, bien qu'elle ne soit pas celle qui a le plus d'incidence sur la vie des pauvres et des défavorisés, reçoive un soutien adéquat et puisse fonctionner, puisque c'est l'une des principales institutions d'un régime fondé sur la primauté du droit.
    Si nous augmentions le financement que nous accordons, nous nous attendrions à ce que le gouvernement accorde davantage d'attention non seulement à la Cour suprême, mais aussi aux tribunaux inférieurs et aux projets qui touchent davantage les personnes les plus désavantagées et les plus dans le besoin. Il faudrait notamment financer les mécanismes d'accès à moindre coût aux méthodes alternatives de règlement des conflits qui existent déjà dans certains pays en développement, des mécanismes qui entrent en jeu avant même les tribunaux d'entrée.
(0925)
    Puis-je ajouter quelque chose, monsieur Patry?
    Bien sûr.
    Notre expérience nous enseigne qu'il doit s'agir d'un effort collectif, qu'il faut travailler avec les sociétés de droit ou les associations d'avocats pour que les avocats s'engagent avec les personnes défavorisées et réunir tous les intervenants.
    L'exemple de M. Goodridge nous montre notre réussite en Afrique orientale et en Chine. Nous avons travaillé avec l'association d'avocats et avons compris que les choses se passent d'un bout à l'autre du système et non seulement en haut. Comme nous l'avons indiqué, c'est ce qui est le plus garant de succès.
    J'aurais une dernière chose à ajouter. Nous sommes entrés en contact avec l'ACDI et aussi avec le DFID, je suppose. Selon notre stratégie, quand nous nous rendons dans un pays, nous devons repérer tous les acteurs. Il n'y a pas que les avocats et les juges; il y a aussi la police, les services correctionnels et les universités. Nous devons aller observer la situation pour déterminer où nous pouvons intervenir le mieux pour rassembler ces partenaires. Il faut également mobiliser le public, comme nous le faisons au Canada, où le public a voix au chapitre.
    Un moment donné, il nous faut une stratégie. On peut commencer par le bas, on peut commencer par la Cour suprême, mais un moment donné, il faut déterminer comment on peut rassembler tous les acteurs et il faut le savoir avant d'intervenir.
    Merci.
    Vous avez dit que selon l'ABC, le meilleur moyen pour le Canada de contribuer à l'effort international général de développement démocratique, c'est d'accroître le pouvoir des organisations canadiennes de jouer un rôle accru à l'échelle internationale.
    Comment peut-on améliorer les connaissances et l'expertise du gouvernement canadien pour appuyer des programmes efficaces d'instauration de la primauté du droit?
    L'une des solutions, c'est d'intensifier les recherches sur ce qui fonctionne. Bon nombre des organisations qui travaillent dans ce domaine n'ont pas de moyens actuellement, pas de financement de base.
    Certaines d'entre elles sont gouvernementales, comme la GRC et Corrections Canada. Leur mandat est national, mais elles sont pourtant appelées à faire du travail international (en très grande partie de la recherche), bien qu'elles n'aient pas de ressources pour ce faire.
    Il n'y a personne qui étudie ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, particulièrement dans ce domaine si fondamental. La Banque mondiale a travaillé un peu en ce sens, mais il faut en faire beaucoup plus. Cela informerait le gouvernement.
    De plus, le gouvernement doit s'inspirer des ressources qui se trouvent ici, au Canada, et de leur expérience, parce qu'il est certain que notre agence de financement ne peut pas financer ces ressources techniques à l'interne. Il y a beaucoup de ressources que nous pourrions mettre ensemble et utiliser pour informer le gouvernement et les personnes engagées dans ce domaine sur les meilleures façons de faire.
    Merci.
    Merci, monsieur Patry.
    Monsieur Wilfert, vous avez environ deux minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Pour le projet en Afrique orientale, par exemple, ou en Chine, quels outils de mesure utilisez-vous pour évaluer votre degré de réussite?
    Monsieur Goodridge.
    C'est une bonne question, une question que j'ai posée aussi. Je vois les résultats, parce que j'ai participé moi-même aux projets en Afrique orientale et qu'il arrive parfois que les résultats prennent quelques années à venir. En particulier, en Afrique orientale, nous avons essayé d'accroître les pouvoirs des barreaux pour qu'ils soient indépendants du gouvernement. Cela augmentera leur degré de confiance, ainsi que leur pouvoir de s'exprimer et de représenter les citoyens, particulièrement en ce qui concerne les droits civils ou les droits de la personne.
    Comment évaluons-nous le degré de réussite? Dans certains cas, ce peut être un petit changement législatif qui renforce l'autonomie du barreau. Dans d'autres, on verra le barreau oser s'exprimer, affirmer une indépendance qu'il n'avait pas auparavant et contester le gouvernement là où il le juge approprié. Je crois que nous en voyons les résultats en Éthiopie, en particulier, où les barreaux de plusieurs pays d'Afrique orientale ont contesté le ministère de la Justice dans ce domaine afin qu'il reconnaisse l'existence d'un barreau indépendant en Éthiopie, puisqu'il n'en existe pas pour l'instant.
    Comment mesurons-nous les résultats? J'ai personnellement observé des résultats tangibles, de petits pas en avant. Toutefois, il est difficile de les mesurer sur une base annuelle.
(0930)
    Monsieur le président, j'aimerais ajouter que je suis chef de la direction de l'Association du Barreau canadien depuis dix ans et que je suis allé en Chine au moment où nous avons lancé notre projet là-bas. Les premières années, les membres de l'Association de tous les avocats de la Chine n'auraient jamais pensé proposer les recommandations de changement que M. Goodridge a mentionnées. À l'origine, cette association était très liée au ministère de la Justice. Elle s'en détache maintenant et devient plus indépendante. On ne peut pas le mesurer en chiffres, mais on peut le voir par la façon dont le changement s'en vient.
    La seule chose que j'ajouterais, c'est qu'il y a plus de 800 avocats bénévoles au pays qui nous aident dans ce travail. Si leur enthousiasme et leur degré d'engagement sont si élevés, c'est qu'ils voient qu'ils peuvent vraiment faire une différence en consacrant du temps à ces projets.
    Je voudrais ajouter, du point de vue de la gestion, que notre gestion se fait en fonction des résultats. Nous fixons des objectifs pour chacun de nos projets. Nous mesurons les résultats en fonction de ces objectifs. En fait, nous sommes des leaders dans la mise en place de modèles de gestion axés sur les résultats pour gérer nos projets afin d'obtenir des résultats, notamment pour la préparation de rapports sur nos projets avec l'ACDI. Il faut nous battre, parce que ces choses-là ne sont pas faciles à mesurer. Elles ne sont pas quantifiables. Bien honnêtement, il y a aussi le problème de l'absence de ressources, dans ces projets, pour financer le suivi et l'évaluation. C'est un immense défi pour nous. Je pense que c'est un immense défi pour quiconque travaille dans ce domaine.
    Merci.
    Madame Lalonde.

[Français]

    Bonjour à vous tous.
    On aborde un sujet extrêmement important. En fait, notre volonté, c'est d'être en mesure de mieux aider certains pays. Or, on sera mieux en mesure de faire des recommandations afin de mieux les aider si vous nous aidez vous-mêmes. Le principe dont vous vous inspirez, j'imagine, c'est qu'il ne faut pas qu'il existe d'impunité dans les sociétés des pays faillis. Vous apportez votre assistance à un processus de bonne gouvernance.
    Quelles sont, selon vous, les priorités que l'on devrait favoriser? Manifestement, on ne peut pas tout faire à la fois. Alors, quelles sont les priorités que vous proposeriez, compte tenu des leçons apprises?

[Traduction]

    Merci, madame Lalonde.
    Les priorités différeront selon les pays. Lorsqu'on fixe ses priorités dans un autre pays, on peut constater que certains niveaux de changements ne sont pas possibles ou qu'ils ne le sont pas à court terme. Par exemple, on pourrait vouloir essayer de créer une élection démocratique en Chine. Ce pourrait être irréalisable à court terme, donc on mettrait ses énergies dans les organismes dans la société civile, comme nous le faisons en ce moment. La réponse est donc qu'il ne serait pas juste de prétendre qu'il y a une solution pour tous. Le modèle sera différent pour chaque pays.
    Je dirais que le modèle idéal se caractériserait par du travail au niveau supérieur, au niveau du gouvernement, dans les institutions nationales, en descendant, ainsi que par un travail parallèle dans les organismes de la société civile, pour conserver des mécanismes de contrepoids aux autorités, pour les garder dans le droit chemin ou pour les contester afin de protéger les droits de la personne. Donc s'il y avait un modèle idéal, on mettrait l'accent aux deux niveaux. Parfois, pour des raisons politiques ou économiques, ce n'est pas possible. C'est donc une grande question, mais il n'y a pas de solution magique.
    J'aimerais ajouter, monsieur le président, que notre expérience nous montre que si l'on veut susciter un développement solide dans des pays en développement, on ne peut le faire sans une bonne gouvernance de base, dont la recette est la primauté du droit, de sorte que lorsqu'on travaille sur le terrain, lorsqu'on veut que les choses fonctionnent vraiment... Il faut savoir qu'il y a des règles en place, que tout le monde suit les mêmes, que même les personnes très pauvres ou qui entrent dans la classe moyenne dans ces pays peuvent savoir que l'infrastructure est là.
    On prend les choses pour acquises quand un policier nous arrête et nous donne une contravention pour excès de vitesse. On sait qu'il y a des recours si l'on n'est pas d'accord. Dans les pays en développement, toutefois, ces mécanismes n'existent pas. Ils sont nécessaires non seulement pour que les autres pays puissent venir en aide aux pays en développement, mais aussi pour inciter le secteur privé à aller dans ces pays et à y investir parce que tous sauront que les règles du jeu sont les mêmes pour tout le monde et qu'elles ne changeront pas en un claquement de doigts.
(0935)
    J'aimerais ajouter que si l'on se donne une priorité, je pense qu'il est bon de la fonder sur la primauté du droit, pour les raisons que John a mentionnées. Si vous vous promenez, que vous allez parler à vos collègues qui travaillent dans le domaine, que vous parlez aux gens de la Banque mondiale, je pense que vous allez voir que c'est un nouvel enjeu pour lequel tout le monde se bat. Le Canada a une longueur d'avance. Nous faisons bonne figure. Nous avons beaucoup plus d'expérience que bien d'autre pays dans ce domaine. Il semble que nous puissions bien travailler dans ce domaine. Nous avons des institutions solides.
     C'est donc peut-être un domaine... Je ne voudrais pas sembler trop intéressée, mais il est prouvé que la primauté du droit et la bonne gouvernance sont les meilleurs indices de la réduction de la pauvreté. Nous en avons l'expérience. Nous avons du talent dans ce domaine. Le Canada devrait mettre l'accent là-dessus. Il y a beaucoup d'outils et il y a beaucoup d'organisations qui peuvent vous aider, qui sont prêtes à faire leur part. Je pense que nous devrions en profiter.
    La justice est fondamentale pour donner du pouvoir aux gens, et le peuple en veut. Nous voyons à quoi nous mène de ne pas investir en ce sens.

[Français]

    Merci.
    Madame Barbot, vous avez deux minutes.
    Merci d'être ici. Vous avez mentionné avoir constaté que le Canada travaille davantage au niveau supérieur, avec les autorités judiciaires et la Cour suprême, et qu'on devrait mettre l'accent davantage sur les groupes de la base.
    Dans cette optique, jusqu'à quel point encouragez-vous les ONG canadiennes à faire ce travail, qui demande — vous n'en avez pas parlé — un travail d'éducation populaire? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

[Traduction]

    Je les appuie beaucoup. Vous me demandez ce que j'en pense; nous serions certainement d'accord pour dire que si nous pouvions habiliter les ONG à contribuer à l'éducation populaire sur l'accès aux tribunaux inférieurs, leur donner des ressources pour cela et permettre aux tribunaux eux-mêmes de se doter de moyens pour traiter les demandes des parties en litige devant eux, ce serait bien.
    Vous savez, c'est difficile, parce que l'essentiel de notre argent est investi de façon bilatérale, donc il aboutit dans les coffres des gouvernements. Bien souvent, dans les pays où nous travaillons, les gouvernements ne sont pas nécessairement ouverts à l'engagement de la société civile, parce qu'elle critique souvent le gouvernement. Le barreau se trouve à être l'une de ces voix, mais bien sûr, il y a aussi d'autres ONG. Si nous envoyons de l'argent par le gouvernement, il est peu probable que nous arrivions à donner du pouvoir aux ONG ou aux personnes qui, normalement, s'exprimeraient contre le gouvernement. Nous devons donc concevoir des moyens plus imaginatifs pour financer les divers intervenants et les inciter à s'engager.
    Je pense que nous ne dirons jamais qu'il ne faut pas mettre une cour suprême à contribution. Il le faut. Il faut toutefois solliciter la contribution des intervenants au niveau d'entrée, notamment dans la société civile, dans le public, pour qu'ils comprennent leurs droits et sachent qu'ils peuvent les faire respecter. Il ne suffit pas de dire aux gens qu'ils ont des droits. S'ils ne peuvent pas les faire respecter et qu'ils ne voient pas qu'il est possible de les faire respecter, le problème deviendra encore plus grave encore que lorsqu'ils ne comprenaient même pas qu'ils avaient des droits.
    J'ajouterais simplement que lorsque nous travaillons dans ces pays, nous nous rendons compte qu'ils veulent s'engager au sein du barreau et d'autres ONG non liées au gouvernement parce qu'ils se sentent plus à l'aise, étant donné qu'ils ne sont pas forcés de prendre une position donnée. Je reprends l'exemple de l'Association de tous les avocats de la Chine, avec qui nous avons réussi à établir cette relation parce que nous ne représentons pas le gouvernement.
    Nous avons vécu une petite expérience assez drôle au Kenya. Au début, les juges ne parlaient même pas aux avocats. Pour les réunir, nous avons trouvé des ordinateurs usagés. Le système kényan se fonde sur la common law, et depuis des années, ils n'écrivaient pas les décisions. Comment peut-on se fonder sur un précédent lorsqu'il n'y a pas de décision écrite? On dit au juge : « Votre honneur, vous rappelez-vous de la décision que vous avez rendue dans telle affaire il y a quelques années, qui n'a pas été écrite? Vous aviez décidé ceci. » Grâce aux ordinateurs, nous avons réussi à les pousser à commencer à noter les affaires et les décisions. On nous avait dit que les juges ne voudraient jamais rencontrer des avocats et leur parler dans un contexte informel. Cependant, en les invitant tous et en les formant sur l'utilisation de ces ordinateurs, nous avons réussi à les rassembler.
    Vous parlez ensuite de mesure. C'est un tout petit exemple, mais il y a un dialogue qui s'installe entre les juges et les avocats, ce qui est automatique dans les pays occidentaux. Cela n'existait pas. C'est ce genre de choses. Elle a été possible parce qu'elle venait de l'ABC et non du gouvernement canadien ni du ministère de la Justice, mais d'une ONG, et je pense que cela a eu une incidence particulière.
    Merci infiniment.
    Nous allons donner la parole au député du gouvernement, M. Obhrai.
    Merci. Je vais partager mon temps avec mon collègue Bill.
    J'ai deux questions. Vous avez raison de dire que les Canadiens jouissent d'une excellente réputation et d'une expertise à l'étranger dans ce domaine. En même temps, vous parlez d'engagement local. Le nouveau facteur, c'est l'établissement de tous ces tribunaux comme celui sur le génocide au Rwanda, entre autres. Je suis allé voir ce tribunal à Arusha. Il y a des personnes extrêmement éminentes qui y siègent : des experts locaux et non externes.
    Le tribunal du Rwanda aura très bientôt terminé son travail, d'ici la fin de l'année, je crois. Il y a un grand risque que nous perdions toute l'expertise acquise en droit. Les gens autour de vous exercent-ils des pressions pour que vous vous engagiez avec les gouvernements d'Afrique orientale? Vous avez là une occasion en or de trouver un moyen de retenir ces compétences avant qu'elles ne se perdent.
    C'est un domaine en émergence. Vous vous concentrez tous à aider le barreau et les autres organisations, mais les tribunaux des Nations Unies qui siègent dans le monde sont une réalité toute nouvelle. Je pense que nous devrions nous pencher sur eux pour que ces compétences ne se perdent pas.
    J'ai une autre question connexe. Vous avez parlé des dépenses fédérales pour promouvoir la primauté du droit et de tout ce que vous avez demandé en ce sens. Ce comité vient d'adopter le projet de loi C-293, qui dicte que l'aide doit être axée sur la réduction de la pauvreté. Qu'adviendra-t-il de cela? Ce ne serait pas considéré comme de l'aide, donc comment pourrions-nous transférer de l'argent là-bas? Qu'en pensez-vous?
(0940)
    Madame Sully.
    Je peux peut-être commencer par les tribunaux.
    Ce qui se passe à Arusha est très intéressant, parce qu'on dépense des millions et des millions de dollars pour ce tribunal, mais qu'au tribunal local d'Arusha, on ne peut pas obtenir de décision écrite, parce qu'il n'y a pas de papier. Les avocats doivent apporter leur propre papier pour une obtenir une décision.
    Le fossé qui existe entre les ressources mises à la disponibilité des tribunaux internationaux et celles qu'on trouve dans l'environnement local est une immense question. La plupart des gens qui travaillent dans les tribunaux internationaux viennent de partout dans le monde, donc il n'y a pas de centre d'intérêt particulier. Bien entendu, il y a des gens qui viennent de l'Est africain, mais ils viennent de partout en Afrique, et certains avocats de la défense viennent même du Canada, en fait.
    Il y a donc absolument des ressources et de la formation. Il y a des ressources bibliothécaires qui pourraient être très utiles. Nous devrions certainement essayer de les conserver, si possible.
    Nous dirions toutefois que le plus important est de ne pas perdre l'objectif de vue. Il y a aussi tout le problème du lien entre ces tribunaux et les instances nationales. Il y a des problèmes à Arusha quant à la relation qui existe entre ce tribunal et les instances nationales du Rwanda.
    Cela dit, je pense qu'en gros, nous voulons surtout renforcer les capacités, non seulement avec les avocats, mais également avec les juges et tous les acteurs du pays lui-même. Bien que nous ayons certaines leçons à tirer de cette expérience, son incidence sera utile, mais je pense qu'il serait préférable de continuer de travailler à l'échelle nationale, d'établir les institutions et de leur donner les ressources nécessaires pour se développer à l'interne. Le Rwanda est un bon exemple. Un système de justice qui fonctionne aura probablement une incidence bien plus grande sur le Rwanda que le tribunal du Rwanda.
    Qu'avez-vous à répondre à ma deuxième question?
    Je vais essayer d'y répondre.
    Je suis convaincu que si l'on investit dans la primauté du droit, c'est là où on a le plus de chances de réduire la pauvreté. L'idée, c'est que si l'on ne crée pas de système dans lequel les pauvres et les vulnérables de la société peuvent faire valoir leurs droits, on n'a pas beaucoup de chances d'éliminer la pauvreté. L'élimination de la pauvreté découlera d'un processus juridique et politique et non de l'aide alimentaire dans les situations de pauvreté. Il faut créer une structure pour permettre aux gens de revendiquer leurs droits.
    Donc, à votre avis, le projet de loi C-293 vous permettrait d'obtenir des fonds d'aide? Est-ce ce que vous pensez?
    Je ne connais pas tous les détails. En ce moment, je sais qu'on met l'accent sur la réduction de la pauvreté. Je sais qu'environ 30 p. 100 du financement de l'ACDI est dirigé vers des organisations locales ou des organismes de la société civile qui se consacrent à la réduction de la pauvreté et que l'Association du Barreau canadien est bénéficiaire d'une partie de cet argent. Je ne suis pas absolument certain de connaître l'incidence du projet de loi dont vous parlez.
    Je pense que la Banque mondiale a indiqué avoir créé un indice pour mesurer tous les efforts qu'elle a déployés avec le temps. Selon elle, l'élément qui a eu le plus d'incidence sur la réduction de la pauvreté est l'amélioration de la bonne gouvernance. C'est un indice que la Banque peut mesurer parmi tout ce qu'elle fait.
    Prenons les objectifs du millénaire. Je crois qu'il est entendu de tous que si toutes les interventions particulières qui visent à réduire la pauvreté et à habiliter les personnes à se défendre ne sont pas financées ni fondées sur la bonne gouvernance, elles sont vouées à l'échec. Sans la primauté du droit — La primauté du droit donne aux pauvres voix au chapitre. Les riches peuvent faire annuler les règles, parce qu'ils ne s'en soucient pas. Ce sont les pauvres qui peuvent se fier aux règles et avoir des droits à exercer pour faire entendre leur voix. C'est la raison pour laquelle c'est si important.
(0945)
    Merci, madame Sully.
    Monsieur Casey, vous avez deux minutes et demie.
    Je trouve cela vraiment intéressant. Je n'étais pas au courant de cet effort de l'Association du Barreau et je vous en félicite. Je suis désolé que nous ne vous ayons pas reçu il y a deux semaines, parce que certains d'entre nous, dont Alexa McDonough, moi et deux autres personnes, arrivons tout juste du Kenya. Nous y avons passé une semaine, pendant laquelle nous avons appris beaucoup. Les efforts déployés là-bas sont surtout concentrés sur la santé, la gouvernance et l'éducation. Je ne pense pas avoir entendu parler du système de justice. Aujourd'hui, après avoir entendu votre exposé, je me rends compte que c'était une omission évidente de notre part de ne pas y avoir consacré du temps. Je suis totalement d'accord que l'une des parties essentielles de la démocratie, c'est un système de justice qui fonctionne, ainsi que la liberté de presse et un gouvernement élu.
    Nous avons rencontré le représentant de la Banque mondiale là-bas, Colin Bruce, et avons discuté longuement avec lui. Encore une fois, nous avons beaucoup discuté de la gouvernance et de la corruption. Il y a des cas où les gouvernements ou les pays donateurs retiennent l'argent destiné aux ONG et à de bons projets, où ils retardent leurs dons ou encore où ils trouvent des moyens de contourner le gouvernement. Je trouve votre mémoire fascinant. Je vous félicite de ce que vous faites et j'espère que nous pourrons vous aider à le faire.
    En matière d'éducation, j'ai été fasciné de constater que le Canada, la Grande-Bretagne et quelques autres pays ont créé des comptes bancaires pour 18 500 écoles primaires, pour envoyer de l'argent directement aux écoles. Ces comptes sont administrés par les commissaires d'école, soit les parents des élèves et non les directeurs d'école ou le gouvernement. Nous avons trouvé un moyen de tout contourner et de faire en sorte que l'argent aille directement aux écoles pour nous assurer qu'elles puissent acheter des livres et du matériel pédagogique. Je ne sais pas si vous pouvez ou non suivre ce modèle, mais il est intéressant; c'est une bonne façon d'assurer l'optimisation des ressources.
    M. Wilfert vous a demandé comment vous jugiez vos accomplissements. J'aimerais commencer par le début. Où commencez-vous? Si vous travaillez dans un pays — et je ne parle pas du Kenya — où il y a beaucoup de corruption au gouvernement, comment commencez-vous?
    Je pense que nous commençons par étudier la situation générale et trouver des défenseurs. Bill l'a déjà mentionné. Nous cherchons des défenseurs. Nous cherchons des personnes qui veulent changer les choses. Nous nous demandons ensuite quelle institution ces défenseurs représentent. C'est là d'où nous partons. Nous nous demandons comment ils s'insèrent dans le système en général et quel type d'influence ils peuvent exercer. Nous essayons de les faire participer au renforcement de leur capacité de travailler et d'ouvrir des domaines, en cherchant toujours — Par exemple, si nous commençons par le barreau, nous voulons tout de même savoir. Nous ne voulons pas seulement mettre l'accent sur le barreau, parce qu'à lui seul, il ne peut pas faire grand-chose.
    Un moment donné, nous devons obtenir la contribution du gouvernement. Même si l'on réussit à le contourner, le gouvernement doit changer à un moment donné. Il faut nous demander comment nous pouvons les pousser à le faire changer. Ce peut être un objectif à très long terme, mais nous ne devons jamais le perdre de vue. Nous devons décider où sera notre point d'intersection, où sont nos défenseurs, puis comment nous allons déployer graduellement notre stratégie pour rassembler tous ces acteurs d'une façon ou d'une autre. Peut-être devrons-nous nous satisfaire de petits changements au début et espérer qu'ils feront boule de neige.
    Merci, madame Sully.
    Nous allons passer à Mme McDonough.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Avant de poser quelques questions, j'aimerais saisir l'occasion de souhaiter la bienvenue à Mme Lalonde, dont la participation nous a beaucoup manqué ces derniers temps. Je suis certaine que tous les députés partagent le même sentiment que moi.
    C'est peut-être parce que je souffre d'un énorme choc culturel après avoir passé les deux dernières semaines au Kenya et en Ouganda que j'ai tant de mal à comprendre où vous voulez en venir. Je dois être très honnête avec vous. Je suis tout à fait d'accord que l'absence d'infrastructure à divers égards en Afrique subsaharienne est un obstacle ahurissant à de véritables avancées, qu'il s'agisse des objectifs de développement du millénaire ou de n'importe quel autre indice que vous voudriez adopter. Mais je suppose qu'après le voyage que certains d'entre nous venons de faire, après avoir constaté l'absence totale d'infrastructure d'hygiène ou de distribution d'eau potable sûre, dans des endroits où les politiques de la Banque mondiale ont mené à l'anéantissement total des programmes d'éducation et de santé qui existaient, il y a un énorme pas à franchir pour essayer de comprendre l'application et la pertinence de ce que vous proposez, peut-être seulement parce que cela nous semble assez abstrait après ce que nous avons vu.
    J'ai quelques questions très précises. Vous avez mentionné qu'il fallait accorder davantage la priorité à la primauté du droit. Il est absolument clair qu'il faut prendre des mesures et progresser vers l'élimination de la corruption, cela ne fait aucun doute. Je suppose que la grande question est la façon d'y arriver. Vous avez dit que les groupes de défense de l'extérieur n'y parviendraient pas. Vous parlez donc de véritable renforcement des capacités par le renforcement de la primauté du droit. Cela m'inquiète beaucoup que ce soit l'un ou l'autre.
    Je vais vous poser quelques brèves questions, parce que je veux vraiment que vous preniez le temps d'y répondre.
    Premièrement, où croyez-vous que le Canada en est dans ses efforts pour respecter les obligations internationales qu'il a prises et reprises dans le cadre des objectifs de développement du millénaire et ce qu'on considère comme le minimum, et non le maximum, de la norme internationale de 0,7 p. 100 du revenu national consacré à l'aide officielle au développement.
    Deuxièmement, vous avez dit que l'instauration de la primauté du droit donnerait aux pauvres le pouvoir de se défendre, en plus de réduire efficacement la pauvreté et d'assurer l'accès aux services d'un avocat pour les pauvres. En fait, on observe plutôt au Canada, depuis une bonne dizaine d'années, l'érosion significative des programmes qui permettraient aux personnes qui vivent dans la pauvreté de faire valoir leurs droits, une érosion grave au point où nous faisons bien mauvaise figure dans le monde parmi les pays développés à cet égard. Je me demande ce que vous en pensez. Je ne sais pas s'il y a un équivalent juridique à l'adage « Médecin, guéris-toi toi-même », mais je pense que la barreau devrait vouloir jouer un rôle à cet égard.
    Troisièmement, il est parfois tout aussi important de regarder chez le voisin que chez soi. Ce comité, et particulièrement le Sous-comité des droits internationaux de la personne, est très au courant qu'en Colombie, par exemple, il y a des personnes qui sont tuées sans ménagement pour avoir participé à des activités politiques, que les dirigeants syndicaux sont assassinés par millier. Je me demande si la situation actuelle en Colombie, par exemple, illustre la pertinence de votre proposition et si vous êtes intervenus d'une manière ou d'une autre en Amérique du Sud ou Centrale pour réagir à ces problèmes juridiques très graves et très évidents ou encore si vous considérez que ce que vous proposez à un quelconque lien avec tout cela.
(0950)
    Merci, madame McDonough.
    Monsieur Hoyles.
    Je vais commencer par les deux dernières questions, si vous êtes d'accord, monsieur le président.
    Concernant la primauté du droit, vous avez parlé de l'aide juridique et de l'accès à la justice dans ce pays, ainsi que de la réduction du financement. Vous savez peut-être que l'Association du Barreau canadien poursuit le gouvernement fédéral et le celui de la Colombie-Britannique sur la base des critères d'aide juridique concernant le droit constitutionnel à l'aide juridique. Nous sommes donc très conscients du problème; c'est l'une de nos grandes priorités.
    Selon notre expérience et notre travail, lorsqu'on regarde la situation — et je comprends que vous revenez à peine du Kenya et de l'Ouganda — on se demande par où commencer. Notre expérience nous apprend à suivre le vieil adage et de prendre des petites bouchées pour faire des progrès.
    Je vais vous donner l'exemple du Cambodge. Pour revenir à l'argument de M. Casey, notre point de départ là-bas était d'établir un très petit barreau de 50 avocats. Pol Pot les a littéralement tous tués. Le fait est que nous travaillons maintenant avec eux depuis bien longtemps. Nous avons mis sur pied un programme de formation en partenariat avec le Japon et le Barreau de Lyon, en France, pour que les avocats aient accès à un programme de formation complet. Il s'agissait de bâtir l'infrastructure pour que les gens aient un système auquel se fier.
    Dans le cas de la Colombie, je vais demander à Robin Sully de nous parler de notre expérience dans les Caraïbes. Je dirai seulement, en gros, que nous avons bien d'autres projets dans le collimateur, mais qu'il n'y a pas suffisamment de ressources de financement. Les projets adaptés aux besoins sont les meilleurs projets à mener. Il s'agit alors de repérer un besoin et de faire une proposition à l'ACDI, à la Banque mondiale, à la Banque asiatique de développement ou à la Banque interaméricaine de développement pour pouvoir faire ce genre de chose. Parfois, il n'y a tout simplement pas assez d'argent pour tout faire.
    Robin, vous voulez peut-être ajouter quelque chose.
(0955)
    J'aimerais faire quelques observations.
    Je sais que vous en arrivez tout juste, mais je pense que même si nous avons beaucoup de problèmes au Canada sur lesquels nous ne pouvons pas fermer les yeux et si nous pouvons même dire qu'il y a un certain degré de corruption et de capitalisme de réseau ici, au Canada, et que la primauté du droit a ses faiblesses ici aussi, nous ne sommes même pas dans la même stratosphère, à la même page que certains de ces pays en développement, dont le Kenya et l'Ouganda. Les différences sont inimaginables.
    Votre temps est écoulé, donc je vous prierais de les laisser finir.
    Je suis d'accord avec vous que lorsqu'on voit les besoins de base à combler, on se dit « Mon Dieu! Comment peut-on consacrer des ressources aux besoins de plus haut niveau? », et j'entends par « plus haut niveau » toute la primauté du droit, lorsqu'il y a des besoins en eau et en alimentation à la base. Le fait est, toutefois, que l'un ne va pas sans l'autre.
    Si l'on ouvre les robinets et qu'on offre de l'eau potable gratuite sans se doter d'un système de primauté du droit fondé sur la bonne gouvernance, on ne pourra pas continuer. Autrement dit, l'eau sera peut-être détournée vers les grandes fermes, les fermes commerciales ou les riches. Il faut effectivement ouvrir les robinets et trouver un moyen d'offrir de l'aide, mais il faut aussi établir un système de primauté du droit pour que les personnes qui sont censées obtenir de l'eau puissent continuer à en obtenir, que cette eau soit propre et qu'il y ait des travailleurs de confiance pour réparer toutes les structures nécessaires au fonctionnement d'un pays.
    Enfin, est-ce que le Canada respecte ses obligations internationales? Je ne le pense pas. Je pense que le Canada est un très bon modèle à l'échelle internationale, mais que nous ne devrions pas nous suffire de toutes les grandes choses qui se font au Canada. Le fait est qu'on fait de grandes choses au Canada, mais qu'on devrait en faire plus à l'échelle internationale. Le simple fait que notre administration soit en ordre et que nous soyons prospères, que la plus grande partie du Canada soit prospère, nous permet-il de ne pas penser à nos voisins dans le monde? Je pense que nous n'en faisons pas assez. L'engagement que nous avons pris il y a 25 ans constituait à donner 0,7 p. 100 en aide étrangère. Pourtant, nous en donnons... Je ne sais pas, peut-être la moitié en ce moment.
    Pas même la moitié, effectivement.
    Donc, en faisons-nous beaucoup? Non. À mon avis, nous sommes un peu trop satisfaits de nous-mêmes et nous devrions faire beaucoup plus au sein de la communauté internationale.
    Pour bien illustrer l'impact que nous avons, prenez l'exemple que je vous ai cité tout à l'heure au sujet de la modification constitutionnelle au Zimbabwe tant décriée par tous les barreaux. L'élément déclencheur a été en réalité un avocat, un dirigeant du Barreau du Zimbabwe qui militait en faveur des droits de la personne, un véritable gorille qui avait si bonne réputation là-bas que le gouvernement ne pouvait l'atteindre. En d'autres mots, on n'allait pas l'arrêter parce que les journaux en parlaient constamment.
    Il acceptait de défendre toutes ces causes bénévolement. Il se portait à la défense des droits de la personne, de l'égalité des sexes, des droits des femmes, quitte à aller devant les tribunaux. La volonté du gouvernement de lui retirer son paaseport a déclenché la pluie de protestations. Le gouvernement a modifié la constitution pour pouvoir lui retirer son passeport, le museler. Vous avez demandé à savoir s'il ne faudrait pas se concentrer sur d'autres questions. Alors, voilà un bon exemple, celui d'un avocat qui n'avait pas peur de prendre la parole et d'essayer de faire respecter la constitution et qu'on tentait de museler.
    Je vous remercie beaucoup de votre exposé. Il est bon de se retrouver au sein de ce comité-ci, où les exposés sont si intéressants. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris la peine de venir nous rencontrer aujourd'hui.
    Nous pourrons nous en remettre au compte rendu de tout ce qui s'est dit aujourd'hui quand viendra le temps de rédiger notre rapport.
    À nouveau, je vous remercie.
    Nous allons interrompre nos délibérations pour quelques instants afin de donner aux témoins suivants le temps de s'installer.

(1000)
    Reprenons nos travaux.
    Le comité entame la seconde heure de la réunion et il a le privilège d'accueillir trois témoins.
    Le premier témoin que nous accueillons est Kevin Deveaux. M. Deveaux est membre de l'Assemblée législative de Nouvelle-Écosse. Il est également le leader à la Chambre du Nouveau Parti démocratique. Il a une longue expérience de travail au sein du National Democratic Institute et d'autres organismes. Il a beaucoup travaillé avec divers groupes, y compris avec certains groupes des Nations Unies. Bientôt, M. Deveaux doit remettre sa démission en tant que député pour occuper un poste, je crois, auprès d'un organisme des Nations Unies au Vietnam, où il se consacrera aux moins fortunés et s'efforcera de promouvoir la démocratie et d'autres grands principes. Monsieur Deveaux, soyez le bienvenu.
    Nous accueillons aussi notre collègue John Williams, député d'Edmonton–St. Albert, qui se fera le porte-parole de l'Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption, mieux connue sous l'appellation GOPAC. L'organisme s'est acquis une fort bonne réputation partout dans le monde, grâce, en grande partie, aux efforts déployés par M. Williams. Il est accompagné de Martin Ulrich, secrétaire exécutif du GOPAC. Soyez tous les deux les bienvenus. Avant Noël, alors que nous travaillions à d'autres projets de loi, nous avions dû reporter votre comparution. Je vous remercie donc tous deux d'avoir accepté de venir témoigner ce matin.
    Nous allons commencer par entendre les déclarations de M. Williams et de M. Deveaux, après quoi nous entamerons le premier tour de table.
    Monsieur Deveaux, si vous voulez bien commencer, nous vous écoutons.
(1005)
    Merci, monsieur le président. Je vous sais gré de cette occasion de comparaître devant le comité.
    Vous avez été bien gentil de souligner mon changement de carrière imminent, mais je tenais à donner brièvement une petite idée de mon cheminement. Vous avez fait remarquer que j'ai travaillé au National Democratic Institute. J'ai beaucoup travaillé au Kosovo. J'ai aussi travaillé en République populaire de Chine, en Irak, en Égypte, en Palestine et au Cambodge. Comme vous l'avez dit, dès le début de mars, je travaillerai à temps plein pour le Programme des Nations unies pour le développement, c'est-à-dire le PNUD, à Hanoï, au Vietnam.
    Mon travail s'est concentré surtout sur les domaines de gouvernance. Quand je parle de gouvernance, il faut entendre le pouvoir du Parlement et le pouvoir exécutif. Mais j'ai aussi travaillé auprès de partis politiques et de la société civile et agi comme observateur d'élections. Je tenais à dire, au départ, que je ne me prétends pas théoricien, mais bien praticien. J'ai fait ce travail pendant plusieurs années et, de toute évidence, étant donné mon changement de carrière, mon engagement est ferme.
    Mon point de vue est donc celui de quelqu'un qui, sur le terrain, a fait ce travail de concert avec les gouvernements et la société civile. Je tenais à vous expliquer ce point de vue et, avec un peu de chance, vos questions en tiendront compte.
    J'aimerais vous parler plus particulièrement de ce qui ne va pas dans l'approche actuelle du gouvernement du Canada.
    Une des choses que je tiens à préciser puisque je travaille sur le terrain, c'est que le Canada n'est pas un intervenant sérieux en matière de développement de la démocratie. Quand on voit des pays comme le Royaume-Uni, avec sa Westminster Fondation for Democracy, les Américains avec leur NED, NDI et IRI, les Allemands avec leurs Stiftungs, entre autres, la plupart affirmeraient que le Canada n'a même pas commencé à se pointer au niveau international dans les domaines plus particuliers du pouvoir parlementaire et exécutif et du développement de partis politiques.
    Je l'affirme, mais je tiens aussi à faire observer que le Canada a effectivement — et je crois avoir entendu le dernier groupe de témoins l'affirmer également — beaucoup d'excellentes personnes qui font un travail incroyable, un travail fantastique. Il faut en prendre acte. L'autre point, c'est qu'il existe beaucoup d'organismes au Canada même qui touchent de l'argent de l'ACDI et du gouvernement et qui font de l'excellent travail. J'estime simplement que le travail accompli soit n'est pas bien présenté, soit est mal vendu, ce qui pourrait aussi faire partie du problème. D'après certains témoignages que j'ai entendus tout à l'heure et la lecture de certains autres entendus lors d'audiences précédentes, je crois que ces groupes font du bon travail, mais je ne suis pas sûr que ce travail soit présenté de manière à inspirer le respect.
    J'aimerais vous parler de ce que je conçois comme une nouvelle approche et certains de ses avantages. D'une part, si nous investissions vraiment dans le développement et la gouvernance, nous aurions accès à ces pays. Dans le cadre d'une politique étrangère, des affaires étrangères, je ne crois pas qu'on puisse surestimer l'importance de cet accès. En débloquant des fonds pour le développement de partis politiques, d'une société civile, d'un parlement, d'un pouvoir exécutif et d'un pouvoir judiciaire, nous créerions des programmes qui auraient une influence directe sur les dirigeants de certains pays.
    Bien sûr, cette influence donne en retour l'accès. Nous aurions ainsi manifestement un certain pouvoir dans des dossiers comme le commerce et les droits de la personne et lors de différends bilatéraux ou multilatéraux. Quand bien même ce ne serait que pour cette seule raison, considérez les efforts de développement de la démocratie comme le moyen de nous ouvrir des portes, très utiles si nous avons besoin de soutien dans d'autres domaines.
    Je tiens également à souligner que cette approche peut être très rentable. De par l'expérience que j'acquise sur le terrain, je sais que pour une contribution annuelle de deux millions et demi de dollars par pays, le Canada peut s'imposer non simplement comme une forte présence, mais comme le plus important joueur dans un pays. C'est ce que mon expérience dans des sociétés d'après-guerre m'a appris, plus précisément au Kosovo. Donc, en investissant chaque année deux millions et demi de dollars par pays, le Canada peut avoir un fort bon programme, probablement le meilleur de bien des pays. Pour 25 millions de dollars par année, par exemple, le Canada pourrait s'imposer comme un intervenant sérieux dans dix pays. Si nous les choisissons bien, en fonction de notre histoire, de notre diversité, je crois que nous pouvons y avoir beaucoup d'impact.
    Naturellement, le domaine évident que d'autres ont également souligné est la liberté et la sécurité. Tout avantage, tout investissement dans ce domaine peut améliorer la démocratie et la sécurité.
(1010)
    Vous vous demandez peut-être, étant donné le peu de temps dont je dispose, à quoi je veux en venir quand j'aborde ce sujet. Deux choses. La structure que je recommanderais est double. D'une part, je crois que le Canada a besoin d'un organisme de financement qui traite particulièrement de la démocratisation, qui offrirait des subventions et des fonds aux organismes, en s'inspirant plus ou moins de ce que fait le National Endowment for Democracy aux États-Unis, c'est-à-dire le NED. Je crois que c'est une bonne façon de s'y prendre. Vous auriez un organisme qui se consacrerait expressément à la démocratisation, et je crois que cela pourrait fonctionner.
    D'autre part, j'aimerais bien qu'il y ait un organisme s'apparentant à la Westminster Foundation du Royaume-Uni. Alors que les Allemands et les Américains sont passés à des groupes sectaires, je recommanderais un groupe multipartisans comme le Westminster Foundation, un groupe qui permettrait à toutes les parties de se concerter pour travailler au développement des pouvoirs exécutif, judiciaire et parlementaire, pour agir en tant qu'observateur lors d'élections et pour favoriser la naissance de partis politiques. Ce serait bien.
    De plus, à mon avis, grâce à une version canadienne du NED, on pourrait faire participer au processus de plus petits entrepreneurs ou des sous-traitants. Cela serait aussi source de concurrence et permettrait aux petits organismes de pouvoir fournir eux aussi leur expertise.
    En guise de conclusion, je tenais à dire que le Canada a besoin d'une approche purement canadienne en matière de politique étrangère. Si nous allons en ce sens, alors il faut favoriser la démocratisation. Nous avons besoin de pouvoir disposer de fonds qui nous donnent accès aux ordres les plus élevés du gouvernement, de la société civile, des partis politiques et du pouvoir judiciaire.
    Enfin, j'aimerais dire qu'il y a beaucoup de Canadiens qui font ce travail à temps plein. Ils le font pour le compte d'organismes britanniques, d'organismes américains, d'organismes des Nations Unies et du Commonwealth. Il existe un énorme bassin de Canadiens qui ont accumulé beaucoup d'expérience dans ce domaine et, pour les avoir écoutés, pour avoir discuté avec eux, je sais qu'ils affirment souvent qu'ils aimeraient pouvoir le faire pour un organisme canadien, qu'ils aimeraient que nous ayons une version canadienne du NED ou de la Westminster Foundation.
    En conclusion, je vous demanderais d'envisager la possibilité de créer une version canadienne des autres organismes. Je sais que cela pourrait avoir beaucoup d'impact dans le monde et permettrait aux Canadiens de faire le travail qu'ils font si bien, qu'ils seraient fiers d'accomplir pour un organisme canadien.
    Monsieur Deveaux, je vous remercie.
    Monsieur Williams, vous disposez de dix minutes.
    Je crois que le texte de ma déclaration a été distribué dans les deux langues officielles.
    Permettez-moi d'abord de féliciter le comité pour cette étude bien d'actualité sur un sujet de la plus haute importance.
    Les événements qui se déroulent dans certaines parties du monde continuent de démontrer que la démocratie ne se trouve pas au bout du fusil et qu'on ne peut pas conclure qu'elle a pris racine tant que des éléments n'ont pas permis de mettre en place un parlement et un gouvernement qui jouissent de la confiance de la population.
    Remarquez que j'ai dit « un parlement et un gouvernement ». Ce sont là deux institutions distinctes, le parlement étant au coeur même de la démocratie. Le gouvernement est l'organe exécutif, et le pouvoir exécutif est confié à un premier ministre ou à un président qui désigne les membres de son cabinet à son gré. Le premier ministre ou le président est investi de grands pouvoirs. Dans une démocratie, toutefois, certaines contraintes s'appliquent à ces pouvoirs. Il ne peut les exercer qu'avec le consentement du parlement qui représente la population.
    Le parlement est une institution qui exige et rend des comptes, et non une institution de gestion. Il ne dirige pas le gouvernement, mais il a le pouvoir d'approuver ses plans, il a un droit de regard sur les mesures qu'il prend et il le tient responsable de son rendement. Les parlements doivent être forts, car seules des institutions solides peuvent encadrer des dirigeants puissants.
    C'est ce que j'appelle la « théorie du sablier », et nous connaissons tous le triangle de la structure organisationnelle. Dans les nations souveraines, la population, au bas du triangle, est servie par la fonction publique. Celle-ci reçoit ses directives des ministres du cabinet et leur rend des comptes. Le cabinet siège selon le bon vouloir du premier ministre. C'est le triangle classique d'une organisation, que j'appelle le triangle des services, chapeauté par une personne et allant en s'élargissant en nombre vers le bas. Mais sans reddition de comptes ou sans contrainte imposée par la démocratie, cette personne devient un dictateur. La société est au service du dictateur.
    Pour que la reddition de comptes démocratique se fasse, les parlements se sont vus confiés au fil des ans le pouvoir constitutionnel de tenir le premier ministre ou le président responsable de ses actes. Voilà pourquoi il existe, au-dessus du triangle de services, un triangle inversé que j'appelle le triangle de gouvernance. Le gouvernement rend des comptes au Parlement, qui à son tour rend des comptes à la population grâce à des médias ouverts et indépendants.
    Le parlement, dans une démocratie, a quatre responsabilités fondamentales : approuver au nom de la population les mesures législatives proposées par le gouvernement; approuver, au nom de la population, le budget que propose le gouvernement afin de prélever des impôts et des taxes et d'amasser les fonds nécessaires pour diriger le pays; approuver, au nom de la population, le budget qui contient des dépenses détaillées et donne au gouvernement le pouvoir d'affecter des sommes précises à des programmes précis; et enfin la quatrième, la plus importante à mon avis, le gouvernement fait rapport et rend des comptes au parlement.
    Étant donné ces quatre responsabilités, il va de soi que le parlement se doit d'être aux commandes. Mais dans les faits, dans une démocratie qui fonctionne bien, le pouvoir politique ultime appartient à la population. Celle-ci délègue au parlement la responsabilité de surveiller le gouvernement, mais conserve le droit de réprimander les députés au moment des élections.
    Le parlement, une tribune publique, approuve les mesures législatives, les budgets et les budgets des dépenses requis par le gouvernement et tient ce dernier responsable de ses actes. Le parlement conserve également le droit de refuser son consentement, de dissoudre le gouvernement ou de destitutuer le président.
    De son côté, le gouvernement fournit des services à la population par l'intermédiaire de la fonction publique et tient les fonctionnaires responsables du rendement et de la prestation des services.
    Monsieur le président, un pays démocratique a donc son modèle de gestion (le triangle des services) et son modèle de reddition de comptes ( le triangle de gouvernance).
    Le pouvoir politique ultime est largement subdivisé afin de réduire au minimum les risques d'abus. Cependant, bien des pays qui se disent démocratiques sont affligés de corruption et d'abus de pouvoir incontrôlables. Pourquoi? Parce que le parlement n'assume pas l'obligation qui lui incombe d'être un surveillant indépendant du gouvernement; celui-ci le gagne à ses vues et lui fait accepter son programme d'action. Le modèle de reddition de comptes démocratique du triangle de gouvernance ne peut pas donner de bons résultats si le parlement est bousculé ou corrompu par le gouvernement.
    Dans beaucoup de pays, si le gouvernement ne peut venir à bout des parlementaires par un débat bien articulé, il peut les acheter. S'il ne peut pas les acheter, il peut les intimider. S'il ne peut pas les intimider, il peut les défaire à l'élection suivante en manipulant les résultats. S'il ne peut pas les défaire, il peut les emprisonner. Et pour les quelques durs-à-cuire qui refusent obstinément de se laisser enrôler dans un régime corrompu, il y a toujours l'assassinat et l'élimination.
    Les dirigeants puissants doivent être encadrés par des institutions bien solides. L'institution la plus forte d'un pays doit être son parlement, la voix du peuple.
(1015)
    Seul le parlement a le pouvoir constitutionnel de restreindre l'action des dirigeants et des gouvernements, d'exiger des comptes et de les émettre, s'il juge approprié de le faire. Aucune autre organisation d'un pays n'a ce genre de pouvoir, mais trop souvent le parlement n'a rien d'autres que le nom. C'est une marionnette du gouvernement, et la société en souffre.
    Le concept est simple. Quand le parlement n'exige pas de reddition de comptes du gouvernement, ce dernier manque à son devoir de diriger le pays. Quand le gouvernement manque à son devoir, la société s'affaiblit. Le parlement est la pierre angulaire. Si le parlement fonctionne bien, la société prospérera.
    Par contre, si le parlement manque à son devoir de surveillance, le gouvernement perd sa fibre morale, et la corruption s'installe. Il sert alors ses intérêts en taxant les pauvres pour s'enrichir. Il dérobe l'argent destiné à construire des écoles et des hôpitaux. Il soutire des pots-de-vin des citoyens. Il manipule les tribunaux et les organismes de réglementation à son avantage. Il élimine la dissidence démocratique légitime. Il intimide les médias. Il arrange les élections et nuit au processus démocratique. Il modifie la constitution pour demeurer au pouvoir.
    Un manque de vigilance de la part du parlement permet à la corruption de s'étendre. La corruption tue la prospérité économique et, si vous regardez l'indice de perception de la corruption de Transparency International, vous observerez une relation inverse entre la corruption et la prospérité. Le développement économique et le respect des droits de la personne et de la primauté du droit relèvent du gouvernement. Mais quand le parlement se soustrait à son devoir d'exiger des comptes du gouvernement, ce dernier se soustrait à celui de servir les citoyens. Voilà pourquoi, monsieur le président, tout dépend de nous.
    L'indépendance parlementaire et la démocratie dans le monde ont un besoin criant d'aide, et je suis heureux de vous dire que cette aide est sur le point d'arriver. En octobre 2002, 170 parlementaires des quatre coins de la planète se sont réunis dans notre Chambre des communes pour créer l'Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption (GOPAC). Ils ont adopté un règlement constitutif et élu un conseil d'administration et un comité de direction. J'ai été élu président de l'organisation.
    La GOPAC a une mission : rendre les parlements plus efficaces en tant qu'institutions démocratiques de surveillance des gouvernements. Sa mission repose sur trois piliers. Tout d'abord, l'appui des pairs. Nous aidons les parlementaires qui malgré les embûches et les périls ont décidé de tenir tête à la corruption. Le deuxième est l'éducation des parlementaires. Nous envoyons nos jeunes à l'université pour qu'ils deviennent avocats, médecins, ingénieurs et comptables, mais qui forme nos parlementaires et leur enseigne à surveiller le gouvernement? Enfin, il y a le leadership axé sur les résultats. Les belles paroles ne suffisent pas. Il est temps que nous, parlementaires, exigions des comptes de nos gouvernements et prenions des initiatives pour lutter contre la corruption et faire régner l'honnêteté et l'intégrité dans la gestion des affaires publiques.
    En septembre dernier, à Arusha, en Tanzanie, la GOPAC a tenu sa deuxième conférence mondiale à laquelle ont pris part quelque 250 parlementaires venus des quatre coins du monde. Pour donner du poids à l'organisation et démontrer que nous voulons axer le leadership sur des résultats, la conférence a adopté huit résolutions. Chaque résolution exigeait la création d'un groupe de travail mondial de parlementaires pour animer le débat et encourager son adoption partout dans le monde. Ces résolutions concernent notamment l'institution du parlement, la promotion de lois anticorruption et la transparence du financement international.
    Si nous aspirons au développement, à la prospérité, à la paix, au respect des droits de la personne et à une réduction importante de la corruption dans le monde, il faut que les principes démocratiques s'épanouissent à l'intérieur des pays. C'est là que la GOPAC prend toute son importance. La GOPAC s'adresse aux parlementaires animés d'une volonté de réforme, soucieux d'honnêteté et d'intégrité. Elle leur permet de développer leurs talents et leur capacité politiques d'exiger des comptes de leur gouvernement.
    Les agences de développement peuvent offrir de l'aide, mais ne peuvent faire le travail à leur place. Je suis heureux de dire que la communauté du développement international considère maintenant que le développement démocratique est essentiel à la prospérité. Le gouvernement du Canada le reconnaît aussi, et je le remercie, ainsi que l'Agence canadienne de développement international, de leur appui à la GOPAC.
    Je vous demande par conséquent de souligner dans votre rapport au Parlement l'importance de l'indépendance parlementaire dans une démocratie, de dire que la démocratie ne peut s'épanouir qu'à l'intérieur d'un pays, avec l'aide de l'extérieur toutefois, et que la GOPAC est peut-être le meilleur moyen de rejoindre les parlementaires étrangers qui oeuvrent à l'avancement de la démocratie, de l'éthique, de la surveillance et de la probité.
    Je vous remercie beaucoup.
(1020)
    Merci, monsieur Williams.
    Monsieur Deveaux, nous allons entamer la première série de questions. Les interventions dureront probablement cinq minutes car nous devrons ensuite nous occuper des travaux du comité.
    Monsieur Wilfert, je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, de votre présence parmi nous.
    Monsieur Deveaux, mes félicitations pour votre nouvelle affectation au Vietnam. C'est une région que je connais très bien.
    J'aimerais en savoir plus à propos de ce concept de structure centrale. Vous avez également mentionné le National Endowment, aux États-Unis; à votre avis, qu'est-ce qui nous empêche de mettre sur pied un organisme de ce genre au Canada?
    Par ailleurs, nos actions avaient tendance à être très éparpillées. Par exemple, au Vietnam, par l'entremise de l'ACDI, nous avons travaillé sur des dossiers judiciaires tels que celui des droits humains, mais jamais de façon cohérente ni durable, et en partant du haut plutôt que du bas.
    Nous avons entendu la Fédération canadienne des maires et des municipalités qui, par l'entremise de son centre international pour une administration locale, a proposé qu'on alloue un budget de 15 millions de dollars à l'ACDI afin que celle-ci étudie des questions de gouvernance et d'élaboration de lois au niveau local. Pourriez-vous nous entretenir de ce type d'approche, plutôt que des interventions partant du haut?
(1025)
    Merci, monsieur Wilfert.
    Monsieur Deveaux.
    Merci.
    Je vais d'abord répondre à votre deuxième question. De toute évidence, la gouvernance locale et le développement démocratique sont des sujets très actuels, qui sont intimement liés à la lutte contre la corruption en vertu de cette théorie selon laquelle plus vous pouvez fournir de soutien et d'autonomie au niveau local, plus vous êtes capable d'exercer un certain contrôle et ainsi, d'éliminer la corruption. Je crois donc que tout ce que nous pouvons faire sur le plan local peut rapporter, et qu'il est préférable d'intervenir à la base.
    Quant à ce qui nous empêche de créer ce type d'organisme, je dois admettre que j'ai toujours travaillé avec des organisations américaines ou internationales, et non directement avec des organisations canadiennes. Mais je dirais que d'après les quelques observations que j'ai faites, notre système canadien ne voit pas beaucoup le financement comme un outil de démocratisation. Il axe ses efforts sur les infrastructures, l'éducation, la construction d'écoles et les soins de santé. Ce sont des objectifs de développement fort louables, j'en conviens, mais on ne semble pas beaucoup reconnaître la nécessité de prendre des engagements sérieux en matière de gouvernance. Je n'ai rien vu de tel. C'est pourquoi je pense qu'il nous faut un nouvel organisme bénéficiant d'un financement distinct qui prendrait cet engagement, car réformer les structures et les organisations actuelles est un défi trop imposant.
    J'ai également demandé quel type de mandat devrait avoir, selon vous, cette nouvelle structure, et quels outils il lui faudrait pour être efficace.
    Ces outils sont évidemment le financement.
    Mais encore?
    Je suis pour que le Canada se concentre sur quelques pays et y investisse beaucoup d'argent. D'après mon expérience au Kosovo, notamment, je peux vous dire que dans certains pays, un investissement de 2 ou 2,5 millions de dollars canadiens pourrait faire du Canada le pourvoyeur le plus important et l'y faire tenir un rôle insoupçonné. Donc, au lieu de mesures éparses visant une trentaine ou une quarantaine de pays, je recommanderais que le mandat consiste plutôt à offrir un soutien intensif à une dizaine de pays afin que les résultats soient significatifs.
    Merci, monsieur Wilfert.
    Madame Barbot.

[Français]

    Merci.
    Bonjour, messieurs. Vous proposez la création d'un organisme à part pour s'occuper des questions qui vous concernent. Pourtant, on a l'impression que la tendance serait plutôt d'avoir une vision beaucoup plus globale de l'aide canadienne. D'ailleurs, vous dites vous-mêmes que le Canada devrait peut-être se concentrer sur un pays et y faire davantage.
     Toujours dans le même sens, vous faites le lien entre la corruption et la prospérité, et l'on comprend que l'un est inversement proportionnel à l'autre. Je suis surprise que vous ne fassiez aucun lien entre la corruption et la pauvreté, car bien souvent, même si les gens à qui vous avez affaire, les parlementaires ne sont pas directement... D'ailleurs, les parlementaires sont souvent pauvres eux-mêmes. Néanmoins, il y a l'appât du gain et toutes sortes de raisons autres que celle de boire et manger tous les jours. Cependant, le contexte global fait en sorte que souvent les gens ont peu de débouchés pour sortir de la pauvreté.
    Comment combinez-vous ces éléments?

[Traduction]

    Monsieur Deveaux.
    N'allez pas penser qu'à mon avis, le développement démocratique est une panacée ou qu'il est la réponse à toutes les questions. Mais je peux vous dire ceci : la démocratisation apporte au Canada, au niveau des hauts fonctionnaires, qu'ils soient dans l'administration locale ou au gouvernement national, l'occasion d'offrir une perspective canadienne. Je crois que c'est ce qui fait défaut.
    De mon point de vue et de celui d'autres spécialistes, les Canadiens accomplissent un excellent travail, et le Canada a quelque chose qu'il est le seul à pouvoir offrir. Vous seriez étonnés du nombre de Canadiens qui font ce travail, surtout pour les organisations états-uniennes, car les Américains ont un système très semblable à celui utilisé en Amérique latine, par exemple, mais qui n'est pas courant en Europe, en Afrique ou en Asie. Notre système parlementaire est plus répandu, et nous autres Canadiens avons davantage de possibilités, grâce à notre expérience politique, de faire entendre notre voix.
    Est-ce que cela mettra un terme à la pauvreté? Pas de façon directe. Mais je dirais — comme un témoin l'a mentionné, je crois, au cours de la dernière heure — que par la gouvernance et la démocratie, on finira par atteindre la prospérité. Il s'agit de jeter les bases de ce qui mènera plus tard à une société plus prospère, à la primauté du droit, etc., mais tout cela commence avec le développement en collaboration avec les hauts fonctionnaires.
(1030)
    Merci.
    Madame Barbot, il vous reste deux minutes.

[Français]

    D'accord.
    Devrait-on alors comprendre que le développement démocratique ailleurs est d'abord et avant tout le développement des Canadiens?

[Traduction]

    Je suis désolé. Pouvez-vous répéter la question?

[Français]

    Vous avez parlé de placer les Canadiens qui travaillent à l'étranger dans leur domaine d'expertise. L'un des buts premiers du Canada en matière d'aide internationale devrait-il être de prendre en charge le développement des Canadiens?

[Traduction]

    Bien sûr. Pour les Canadiens au Canada — et je crois que Mme McDonough a également soulevé la question au cours de la dernière heure — il y a de nombreux problèmes à régler ici-même. Mais chaque fois que le Canada, en tant que pays, abordera la question du développement démocratique, il devra tenir compte du processus dans son ensemble.
    Il ne s'agit pas seulement de développement. Bien sûr, c'est une bonne chose en soi, mais nous devons reconnaître que cela s'inscrit dans notre politique étrangère. Cela doit en faire partie intégrante, et dans cette optique, je dirais qu'il faut aussi prendre en considération certains aspects comme l'accès et le rapport coût-efficacité.
    Merci, monsieur Deveaux.
    Monsieur Obhrai.
    Merci.
    Très brièvement, j'aimerais d'abord dire à John Williams qu'évidemment, je connais très bien l'Organisation mondiale de parlementaires contre la corruption et son utilité. Vous faites du bon travail; je tiens à vous le dire. Continuez ainsi. Nous sommes très heureux que l'organisation vous ait confié cette tâche.
    Cela a un impact. Lorsque je discute avec eux, les parlementaires d'Afrique de l'Est et du reste du monde reconnaissaient l'importance du rôle du Parlement tel que vous l'avez décrit, ainsi que les responsabilités qu'ils doivent assumer. Bien sûr, ils font parfois face à des obstacles insurmontables, à de la corruption et tout ce qui s'ensuit; cependant, lentement mais sûrement, ils progressent. Nous devons prendre de telles mesures, comme le fait votre organisation. J'aimerais donc vous féliciter pour cela, John.
    Je m'adresse maintenant à Kevin. Bien que je convienne avec vous qu'il faille changer certaines choses, je suis totalement en désaccord avec vous quant au fait que par le passé, les Canadiens n'ont pas fait le travail et n'avaient aucune politique. Je siège à ce comité depuis presque sept ans et j'ai constaté que les Canadiens ont accompli un travail colossal, que ce soit au Canada ou à l'étranger, en matière de politique étrangère. Et même si nous n'avons pas atteint l'objectif de 0,07 p. 100 — ce qu'Alexa continue de répéter —, je vous dis que nous sommes respectés par de nombreux pays dans le monde ainsi que de nombreux organismes d'aide pour notre expertise et la façon dont nous la transmettons.
    Vous avez mentionné, et j'ai déjà été d'accord avec vous, que le Canada s'occupait de 104 pays. Mais l'ACDI se concentre maintenant sur 25 pays pour être bien certaine d'appliquer ce que vous recommandez.
    Je crois donc que nous devrions également nous féliciter et éviter de dire continuellement que nous n'avons pas agi. Nous avons fait du bon travail, et il est reconnu. Mais il y a toujours moyen d'apporter des améliorations; nous allons donc nous concentrer là-dessus et étudier le développement démocratique. Il y a place à l'amélioration, et nous irons dans cette direction.
    C'est tout ce que j'avais à dire là-dessus.
    Monsieur Casey, je vous cède la parole.
    Ce qui me rend perplexe — et j'ai eu la chance de voyager un peu —, c'est que les pays africains, surtout, se qualifient de démocraties sans l'être réellement. À mon avis, il s'agit de dictatures déguisées ayant des parlements fantoches. Les parlementaires sont très bien rémunérés, mais ils n'ont ni personnel, ni autorité, ni accès à l'information, ni comptes à rendre au gouvernement. On qualifie quand même ces pays de démocraties et leur régime de parlementaire afin qu'ils puissent accéder aux programmes internationaux et avoir une reconnaissance internationale.
    Serait-il possible d'établir des niveaux de démocratie ou de reconnaître que certaines démocraties n'en sont pas vraiment? Serait-ce envisageable? Lorsque je visite ces pays, je suis sidéré de voir que les parlementaires n'y ont aucun outil de travail. Ils n'ont pas accès à l'information, aucune liberté de presse, rien. Il me semble que ces pays sont démocratiques uniquement dans leur imagination. Quelle est la réponse?
(1035)
    Monsieur Williams.
    Merci, monsieur le président.
    M. Casey a raison: il existe beaucoup de pseudo-démocraties.
    La démocratie signifie qu'un gouvernement doit être tenu responsable. C'est le principe fondamental. Ici, au Canada, la corruption est contrôlée parce que les gouvernements ont des comptes à rendre. Partout dans le monde développé, des parlements tiennent les gouvernements responsables. C'est la démocratie. Un parlement n'est pas un édifice où les gens se réunissent et votent pour accorder à leur président ou à leur premier ministre ce qu'il veut. Il s'agit de tenir les dirigeants responsables devant la population grâce à un organe indépendant. Lorsque cela ne fonctionne pas, tout le système s'écroule.
    Par conséquent, à mon avis, monsieur le président — je partage en grande partie l'opinion de Kevin —, nous devrions appuyer le développement démocratique de cette institution. Des dirigeants forts peuvent seulement être encadrés par des institutions fortes. Nous devons construire cette institution qu'est le parlement, la seule qui a le pouvoir, entre autres, de démettre un gouvernement.
    Ainsi, je crois que nous devrions, en tant que Canadiens, injecter davantage d'argent dans des organismes comme la GOPAC, qui repère les parlementaires armés d'une volonté de réforme dans tous les parlements. Peu importe le degré de corruption, je pense que dans chaque parlement se trouvent des personnes qui croient en l'honnêteté, l'intégrité, l'éthique et la probité. Nous devons les aider.
    Certaines personnes risquent leur peau. Je pense au président de la Commission anticorruption du Nigeria. Lorsque je lui ai parlé, je lui ai demandé s'il avait peur. Il m'a répondu que oui, qu'il pourrait être assassiné, mais qu'il préférait mourir jeune pour une bonne cause que vivre vieux sans avoir rien fait.
    Ces personnes ont besoin de soutien, car elles tentent de faire bouger les choses: instaurer la reddition de comptes démocratique. C'est pourquoi, avec la GOPAC, qui intervient directement dans les parlements et trouve ce type de personnes, les rassemble et leur offre outils, éducation, soutien et ainsi de suite, il y a quelque chose à faire.
    Outre la GOPAC, quelles organisations peuvent travailler en ce sens?
    Il existe une organisation semblable à la GOPAC, qui fait appel à des parlementaires. Le PNUD, entre autres, fait intervenir des mécanismes de soutien, assure la formation du personnel parlementaire, etc., pour tenter d'appliquer la législation modèle et la Convention des Nations Unies contre la corruption.
    Je ne connais aucune organisation, hormis la GOPAC, qui sollicite la participation des parlementaires et rassemble ceux qui souhaitent voir des réformes et des améliorations.
    Pensez-vous que des organisations comme l'ONU devraient reconnaître que certains pays qui se prétendent démocratiques ne le sont pas vraiment?
    L'ONU est une organisation composée de gouvernements; demander à ses membres de se promener avec des feuilles de notation ne donnera pas grand-chose. Ils doivent agir. Puisque c'est un regroupement de gouvernements, ceux-ci ne sont jamais encouragés à faire leur auto-examen. C'est pourquoi nous devons construire des parlements. Comme je l'ai dit, des dirigeants forts peuvent seulement être encadrés par des institutions solides, c'est-à-dire des parlements. Or, les gouvernements corrompus ne sont pas tellement enclins à favoriser des parlements forts et vigoureux qui les tiendront responsables. Bien au contraire. Par conséquent, l'ONU n'est pas le moyen indiqué.
    L'ONU appuie la GOPAC. Grâce à ce soutien, nous avons organisé une conférence en Jordanie, en décembre dernier. M. Ulrich y était présent. Au même moment s'est tenue une conférence des États parties de la Convention des Nations Unies contre la corruption afin d'inciter les parlementaires à exercer des pressions pour donner force de loi à cette convention. Parallèlement, les pays l'ayant ratifiée tâchaient d'accroître le nombre de pays signataires.
    Les gouvernements et les parlements doivent travailler main dans la main. Ces derniers, à mon avis, sont beaucoup trop faibles; ils sont ignorés, sous-financés et dominés par leurs exécutifs. Si nous voulons changer le monde, commençons par là.
(1040)
    Merci, monsieur Williams.
    Je cède la parole à Mme McDonough.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais poser trois questions, et on manque toujours de temps. Mais je tiens à remercier Kevin Deveaux d'avoir dit clairement que les deux entités ne vont pas l'une sans l'autre.
    Je pense que c'est assez effrayant, en fait, si l'on imagine prélever une somme sur l'allocation existante, terriblement insuffisante, qui doit servir à remplir nos obligations en matière d'APD, afin de l'injecter dans les projets dont vous nous parlez. Pourtant, il serait absolument ridicule pour quiconque parmi nous a eu le privilège, en tant qu'élu, de voyager et de constater de visu ce qui se passe dans de nombreux pays, de nier que la corruption est un grave problème. Cela ne fait aucun doute.
    Afin d'illustrer mes propos, j'aimerais prendre l'exemple du Kenya, que nous venons de visiter. Le plus grand désastre qui afflige ce pays aujourd'hui est la pandémie du VIH-sida.
    Bill Casey, aidez-moi à y voir clair. Il y a là-bas un Parlement de 314 députés, je crois — ils sont à peu près aussi nombreux que nous —, au sein duquel personne ne parle de VIH-sida, et encore moins ne défend cette population sacrifiée composée en majorité de gens qui meurent du VIH-sida, sont séropositifs ou encore sérieusement touchés parce qu'un membre de leur famille souffre de la maladie. Il est certain que bon nombre de leurs concitoyens sont infectés par le virus. Or, au Parlement, pas un mot là-dessus; on reste muet.
    Pendant ce temps, des fonds sont alloués à chacune des circonscriptions pour les programmes et services de comté, fonds entièrement administrés à la discrétion des parlementaires. Nous avons entendu parler — et j'ai rencontré à plusieurs occasions des personnes ayant témoigné en ce sens — de la façon dont ces fonds sont gérés en totalité par le député, sans que celui-ci rende de comptes. Bien souvent, on n'en informe même pas les électeurs. Lorsqu'ils tentent de savoir où va l'argent et demandent transparence et responsabilité, on leur cloue le bec. Dans un certain cas, une source très fiable, dont le témoignage a été corroboré par d'autres, m'a dit qu'à quelques reprises, on avait débloqué l'argent destiné au comté et que le député en avait réclamé une partie pour lui-même en échange de son versement.
    Face à une situation semblable, je me pose la question suivante: par où commencer pour faire avancer le développement démocratique quand personne, je dis bien personne au Parlement n'est prêt à parler de transparence et de reddition de comptes, ni à soulever la question du plus grand fléau qui affecte la population kényane?
    Merci, madame McDonough.
    Allez-y, monsieur Deveaux.
    Merci.
    C'est difficile, particulièrement s'ils ne veulent pas en parler. Je crois qu'il convient d'adopter une approche globale. Alors, commencez par les partis politiques et notamment par les jeunes au sein même de ces partis.
    J'ai lu d'autres témoignages présentés devant ce comité et je tiens à rappeler que le développement démocratique ne se fait pas du jour au lendemain; c'est un travail de longue haleine. À défaut d'autre chose, commencez par les membres les plus jeunes des partis politiques, car ils ont envie d'apprendre, et travaillez avec eux. Cela peut prendre du temps, mais d'ici cinq à dix ans, les partis politiques seront prêts à aborder ces questions.
    D'un autre côté, je crois qu'il existe des partis politiques qui ne sont pas présentement au pouvoir, mais qui aimeraient bien y accéder. Ils seraient prêts à faire ce qu'il faut pour remporter les élections. Le Kenya tient des élections et je crois que nous avons l'occasion de collaborer avec les partis représentés au parlement de cette façon.
    Enfin, il y a la société civile. Je crois qu'on peut mettre en place un système beaucoup plus responsable, dans lequel les parlementaires devront rendre des comptes, si on a une société civile puissante disposant des moyens lui permettant de parler de ces questions librement — par exemple, si les députés ont un pouvoir de financement totalement discrétionnaire.
(1045)
    Monsieur Williams, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Merci, monsieur le président.
    Mme McDonough a raison, ce n'est vraiment pas évident. Au Kenya, par exemple, les députés sont payés 165 000 $US par année, si je me souviens bien. C'est suffisant pour que tout le monde s'entende relativement bien dans ce pays.
    Comme vous le savez, John Githongo présidait le comité de lutte contre la corruption. Il a dû s'enfuir pour sauver sa vie. Le CRDI lui apporte maintenant son aide du Canada et il sera au pays plus tard cette année.
    Par où commencer? Je crois que dans chaque parlement, il y en a toujours qui croient en l'honnêteté et l'intégrité. Ils se font peut-être discrets, de peur d'être attaqués. Je me souviens de Musikari Kombo, qui brigue la présidence au Kenya et qui est membre de l'Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption (GOPAC). Il essaie de défendre l'honnêteté et l'intégrité. M. Arap Moi, l'ancien président, a essayé de le discréditer en donnant des terres à son fils, afin qu'on le perçoive comme étant une personne corrompue.
    La situation est vraiment difficile. Quand on pense à tous les pouvoirs qu'un gouvernement possède, c'est jouer à un jeu dangereux que de lui faire face seul. C'est même un jeu très dangereux. Pour cette raison, il est important qu'ils sachent qui les soutient dans le monde, et pas seulement dans leur pays.
    Comme vous le savez, il y a une grande différence entre des députés élus et les mécanismes de soutien que l'on retrouve dans un parlement. Des améliorations restent à apporter des deux côtés. C'est pourquoi la GOPAC se concentre sur les députés élus. Il existe de nombreux autres programmes — et il devrait peut-être y en avoir encore plus — pour apporter un soutien technique aux parlementaires, afin qu'ils aient les ressources nécessaires.
    Lorsque j'ai rencontré pour la première fois Musikari Kombo, qui était alors député de l'opposition, il m'a dit que tout ce dont il disposait, c'était l'accès à l'un des deux téléphones fixés au mur du couloir et qui ne fonctionnaient pas la plupart du temps. Rien de plus. Pensez à tous les moyens dont nous disposons pour demander à notre gouvernement de rendre des comptes : l'accès à l'information, le droit d'appeler des témoins, etc. — tout cela, relevant du domaine public et accessible lorsque nécessaire. Comparez cela avec l'accès à deux téléphones pour l'ensemble du pays, sans articles de papeterie ni bureaux ou employés: rien du tout.
    Maintenant, nous avons un président qui a entrepris de lutter contre la corruption, mais ça ne semble pas fonctionner. Nous ne pouvons pas nous permettre d'abandonner. Nous devons poursuivre nos efforts.
    Merci beaucoup.
    Je suis heureux que la séance de ce matin nous ait permis de connaître l'avis de trois groupes distincts, de l'Association du Barreau canadien et de M. Deveaux, qui possède une longue expérience dans ce domaine. Et il n'y a pas que nous qui puissions le faire. M. Williams affirme que nous avons besoin d'entendre plus de témoins, comme M. Deveaux, les représentants du National Democratic Institute, de l'International Republican Institute : tous des acteurs principaux dans la préparation du terrain. Ce sont tant de différents morceaux d'un casse-tête.
    Nous sommes heureux que vous soyez venus nous donner un aperçu de votre implication dans tout cela. Je sais que plus nous nous penchons sur le développement démocratique, plus ces petits morceaux de casse-tête commencent à s'assembler. J'espère que c'est bien ce qui se passe. Je vous remercie de votre présence.
    Nous allons faire une courte pause. Nous passerons ensuite aux travaux du comité. Il nous faut examiner deux ou trois motions, puis régler une autre affaire très rapidement. Je vous demanderais de revenir ici le plus vite possible, peut-être même de ne pas quitter vos sièges. Nous pourrons remercier les témoins plus tard. N'allez pas remercier tout le monde car sinon nous ne finirons jamais.
    Une voix: Nous sommes à votre disposition.
    Bon.
    Chers collègues, il nous faut reprendre les travaux du comité sans tarder. Avant de nous pencher sur les motions — je crois que deux ou trois avis de motion ont été déposés —, il faudrait, question de planifier... Le Democracy Council d'Ottawa organise une conférence sur la démocratie le 15 février. Il nous faut une motion du comité pour nous rendre au Centre des congrès, où l'événement aura lieu, je crois.
    Divers groupes y participeront, incluant le conférencier de la Géorgie, qui fera sa présentation vers midi et qui aimerait nous entretenir du développement démocratique là-bas. D'autres organismes y présenteront leurs observations. Le comité a l'occasion de s'y rendre, du moins pour les deux heures pendant lesquelles notre comité se rencontre normalement, mais nous avons besoin d'une motion pour ce faire.
    Madame Lalonde.
(1050)

[Français]

    Quand cette réunion se tiendra-t-elle?

[Traduction]

    Le 15 février.

[Français]

    Le 15 février?
    Oui. Je crois que tous les députés ont reçu une invitation lundi.
    Excusez-moi, je ne l'ai pas vue. Je lis beaucoup.
    Cela ne me pose pas de problème, je peux proposer —

[Traduction]

    Oui, des invitations ont été envoyées. Je ne suis pas certain que les nouveaux membres du comité en ait reçu une. Enfin, cette conférence a lieu le même jour où nous nous réunissons, et tous ces différents groupes y participent. Nous sommes invités à y assister plus longtemps, mais particulièrement pendant ces deux heures. Nous ne connaissons pas le programme pour ces deux heures, si vous vous posez la question. Je ne l'ai pas encore.
    Afin de nous rendre au Centre des congrès facilement, nous pouvons simplement marcher jusque là, mais nous devons obtenir la permission de quitter la Colline. C'est ce que nous demandons: une motion nous permettant de nous y rendre, si c'est ce que nous voulons.
    Madame Lalonde.

[Français]

    Je propose.

[Traduction]

    Merci.
    Avons-nous besoin d'un appuyeur?
    Non.
    (La motion est adoptée.)
    Parfait. J'aimerais aussi mentionner qu'un autre comité se rencontre à 11 heures et qu'il faut donc nous prononcer sur ces motions.
    Le premier avis de motion à l'ordre du jour est celui de l'honorable Albina Guarnieri.
    Madame, pouvez-vous nous présenter votre motion, s'il vous plaît?
    Il y a deux semaines, j'ai fait part de mon intention au comité de lancer une invitation cordiale au membre le plus récent de ce comité et notre ancien collègue, M. Wajid Khan. Ce serait pour lui l'occasion de révéler les secrets de sa visite mystère au Moyen-Orient au comité et aux Canadiens qui ont déjà payé pour ce voyage de découvertes. Je vois que Mme Lalonde partage l'envie du public de savoir si le voyage de M. Khan lui a permis de comprendre que la politique du premier ministre envers Israël était sage ou si M. Khan demandait plutôt au chef du gouvernement de reconnaître ses erreurs et de faire marche arrière dans certains dossiers majeurs. Je crois donc que Mme Lalonde proposera un amendement favorable à la motion suivante.
    C'est ça.
    La motion se lit comme suit :
    Que le Comité permanent des Affaires étrangères et du développement international invite M. Wajid Khan, député de Mississauga—Streetsville et conseiller spécial du premier ministre en politique étrangère sur le Moyen-Orient et l'Asie du Sud, dans le but de discuter de son ou ses rapports, présentés au premier ministre, concernant le Moyen-Orient.
    Mme Lalonde souhaite proposer un amendement de pure forme.

[Français]

    Puis-je ajouter tout de suite, monsieur le président, ce que je ferais?

[Traduction]

    Allez-y, madame Lalonde.

[Français]

    À la fin du texte de Mme Guarnieri, j'ajouterais : « afin de faire part de ses constatations et conclusions au sujet de sa récente visite au Moyen-Orient », pour qu'on puisse lui poser des questions de façon plus large. J'ai été intéressée, entre autres, par un article du Globe and Mail. Toute aide qu'on peut avoir pour le Moyen-Orient est bienvenue.

[Traduction]

    Mme Guarnieri est d'accord.
    Monsieur Obhrai, voulez-vous commenter la motion modifiée?
    Oui. Merci, monsieur le président.
    Concernant la motion de Mme Albina Guarnieri, bien que nous comprenions l'objectif de celle-ci, vu la situation en Afghanistan, entre autres, de même que l'amendement présenté par Mme Lalonde, et bien que nous soyons d'accord, je note que les conseillers spéciaux nommés par votre parti, lorsqu'il était au pouvoir, n'ont jamais rendu public ce qu'ils ont dit au premier ministre. Je songe, par exemple, à Mme Mobina Jaffer, qui a été conseillère spéciale pour le Soudan, et à Roméo Dallaire. Ce précédent a été établi par votre propre parti, lorsqu'il était au pouvoir: jamais les conseils donnés au premier ministre n'ont été rendus publics.
    Ensuite, M. Wajid Khanavait pour mandat de conseiller le premier ministre du Canada et non les membres du comité. Sa nomination n'a pas été approuvée par le comité et n'a pas fait l'objet d'une résolution disant qu'il ferait part de ses constatations au comité ou à quelqu'un d'autre. Il a fait ce que le premier ministre lui a demandé de faire. Il a présenté son rapport au premier ministre. Le rapport est entre les mains du premier ministre. C'est lui qui va décider de la marche à suivre, en fonction des conseils qu'il a reçus.
    À mon avis, cette motion n'est pas appropriée, compte tenu des facteurs que je viens de mentionner. Je dirais que le débat, comme l'a indiqué Mme Albina Guarnieri dans son exposé, découle davantage du fait que notre politique envers Israël est mal inspirée, ce qui incite le comité à opter pour une démarche plus stratégique. Pour cette raison, nous allons voter contre la motion. 
(1055)
    Merci, monsieur Obhrai.
    Je devrais peut-être en profiter pour souhaiter la bienvenue à M. Khan.
    Nous aurons, d'une façon ou d'une autre, l'occasion d'entendre son point de vue. Il est bon que nous sachions ce qu'il pense. Toutefois, revenons à la motion de Mme Guarnieri concernant la comparution comme témoin de M. Khan.
    Rapidement, la motion est assez claire. Peu importe son statut actuel, il est libre de priver les Canadiens de leur droit de savoir, mais il a déclaré qu'il rendrait publiques ses constatations. M. Williams vient de nous présenter un exposé concis et fort pertinent sur l'obligation de rendre compte, et c'est ce que tente de faire cette motion. C'est clair et simple.
    Autrement dit, cette motion, à votre avis, porte davantage sur l'obligation de rendre compte que sur le droit de savoir exactement ce que dit le rapport présenté au premier ministre?
    Il est question ici du droit du public de savoir. Le public a assumé les dépenses de voyage de M. Khan. Le fait qu'il a déclaré publiquement qu'il ferait part de ses constatations devrait être pris en compte.
    D'après une séquence télévisée que j'ai vue, même le ministre des Affaires étrangères ne sait pas ce que contient le rapport. Le comité a pour mandat d'aider le ministre à faire son travail. Cette démarche, je l'espère, nous aidera à en savoir plus.
    Merci.
    M. Wilfert, et ensuite M. Patry.

[Français]

    N'ai-je pas demandé la parole?

[Traduction]

    J'ai toute une liste de personnes qui souhaitent intervenir. Or, il y a un autre comité qui va se réunir dans cette salle dans deux minutes.
    Allez-y, monsieur Wilfert.
    Monsieur le président, j'allais dire la même chose que Bernard. Je passe donc mon tour.
    Je tiens tout simplement à signaler à M. Obhrai que des envoyés spéciaux ont été nommés, dans le passé, par l'ancien gouvernement, le gouvernement libéral. M. David Pratt, entre autres, est allé au Sierra Leone. Il a présenté un rapport qui a été rendu public et qui a été remis à tous les députés.
    Je tenais tout simplement à faire cette précision. Tous les envoyés spéciaux ont déposé un rapport.
    Merci, monsieur Patry.
    Nous allons entendre M. Obhrai, Mme McDonough et Mme Lalonde.
    Je tiens tout simplement à dire ceci. Nous en revenons au même point.
    Je voudrais faire remarquer très brièvement, pour réfuter ce que dit Albina, que la prérogative revient au premier ministre. Vos premiers ministres ont eu droit à tous ces rapports, de sorte que vous ne pouvez pas, soudainement, clore le chapitre et ensuite soulever cet argument, dire que nous devons maintenant rendre des comptes alors que vous ne l'avez pas fait quand vous étiez au pouvoir.
    Non, non, laissez-moi finir. C'est à mon tour de parler.
    Vous avez dit que des fonds publics ont été dépensés. Vos conseillers aussi ont dépensé des fonds publics quand ils ont fait leur travail, pour la simple raison qu'ils fournissaient des conseils au premier ministre. Cette prérogative revient au premier ministre. La règle est la même dans ce cas-ci. Il n'est pas question ici de deux poids, deux mesures.
    Le premier ministre a demandé à recevoir des conseils, et c'est pour cette raison qu'il l'a nommé.
    Merci.
    Madame McDonough.
    Merci, monsieur le président.
    Je ne veux pas me lancer dans un débat sur ce que les libéraux ont fait et sur ce que les conservateurs ne se sentent pas obligés de faire parce que les libéraux, eux, ne l'ont pas fait. Toutefois, et je m'en souviens très bien, Mobina Jaffer a présenté au comité un rapport très détaillé et fouillé sur le travail qu'elle a effectué à titre d'envoyée spéciale au Soudan. De plus, je ne connais personne en dehors de Roméo Dallaire qui a parlé aussi souvent, ouvertement et en détail de son expérience. La suggestion voulant que ces deux personnes ont été bâillonnées et qu'elles ne voulaient pas parler me laisse donc un peu sceptique. Je pense qu'elles ont été très ouvertes et, en fait, très généreuses dans leurs commentaires.
    Il y a une chose qui me déçoit en ce qui concerne le libellé des motions dont nous sommes saisis. Franchement, j'aurais été davantage prête à appuyer la motion de Francine Lalonde en premier lieu, car je ne crois pas que la question au centre du débat soit le rapport présenté au premier ministre. Le premier ministre ne tient absolument pas à en divulguer les conclusions. Il se peut que Wajid Khan, qui est un membre du comité, soit prêt à nous en faire part, mais que le premier ministre refuse qu'il le fasse. Il devra faire le point là-dessus.
    À mon avis, le point en litige ici, c'est que M. Khan s'est rendu au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est aux frais du public, dans le but de remplir une mission d'intérêt public. Le comité a été saisi du dossier, et nous aimerions savoir quelles sont ses observations, ses conclusions, ses constatations.
    Je ne sais pas si, dans le but d'obtenir ce que nous voulons, c'est-à-dire un compte rendu des constatations, nous pouvons proposer un autre amendement de pure forme ou essayer de convaincre Mme Guarnieri de demander non pas la divulgation du rapport présenté en tant que tel au premier ministre, mais plutôt la comparution de M. Khan devant le comité, pour qu'il puisse nous faire part de ses observations et conclusions.
(1100)
    Merci.
    Mme Barbot, et ensuite Mme Lalonde.

[Français]

    J'ajouterais simplement que c'est une occasion unique pour nous, comme comité, d'obtenir une information de première main de la part d'un député, je dois dire, qui a joué le rôle qu'on connaît. Et pour la population, tout le contexte actuel fait en sorte qu'on a besoin de poser cette question en tant que comité, d'avoir la vision et les remarques de M. Khan. Il me semble que c'est tout à fait approprié.

[Traduction]

    Merci, madame Barbot.
    Madame Lalonde.

[Français]

    Je serai brève, je ne ferai qu'ajouter à ce qui a été dit. M. Khan est un député. S'il était un citoyen expert, ou pas, auquel le premier ministre avait demandé d'aller faire une observation sur le terrain, je comprendrais alors qu'il dise que c'est pour le premier ministre et qu'il s'en tienne à cela.
    J'ajouterai, monsieur le président, que les deux motions indiquent que l'on « invite » M. Wajid Khan. On l'invite. Alors, s'il ne veut pas, il ne vient pas, mais il est de notre responsabilité de l'inviter, compte tenu des efforts que nous avons mis et de l'importance que nous attachons au règlement de la question du Moyen-Orient. Nous aimerions obtenir le rapport, nous le disons au premier ministre et nous invitons M. Khan. Alors, si le premier ministre ne veut pas nous le remettre, j'aimerais bien qu'au bout du compte, M. Khan vienne débattre avec nous de ce qu'il a vu. Il est un député, et si j'étais une de ses concitoyennes, je pourrais lui dire qu'il est important qu'il vienne dire au comité ce qui s'est passé là-bas.
    On l'invite, c'est une question de principe en ce qui touche le rapport, et il me semble que cela en est une aussi pour —

[Traduction]

    Merci.
    Est-ce que vous demandez le vote?
    Oui.
    D'accord. Nous devons prendre une décision. Un autre comité doit se réunir dans cette salle. Les motions de ce genre peuvent faire l'objet d'un débat illimité. Nous avons la possibilité de reporter l'étude de la motion à la prochaine réunion, ou de demander le vote. S'il n'y a pas d'autres commentaires, nous allons demander le vote.
    Question.
    Il s'agit d'un amendement de pure forme. Si j'ai bien compris, il n'est pas nécessaire d'adopter d'abord l'amendement. Nous allons nous prononcer sur la motion modifiée.
    (La motion est adoptée.)
    Merci.
    Madame Lalonde, nous allons devoir reporter l'étude de votre motion à la prochaine réunion.
(1105)

[Français]

    Oui, mais j'ai entendu que le gouvernement est d'accord et que tout le monde est d'accord, donc on peut se préparer.
    Des voix: Ah, ah!

[Traduction]

    D'accord, nous en discuterons à une date ultérieure.
    La séance est levée.