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PROC Rapport du Comité

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OPINIONS SUPPLÉMENTAIRES DE L’OPPOSITION OFFICIELLE

L’Opposition officielle tient à remercier tous les témoins qui ont comparu devant le Comité et les personnes qui ont présenté un mémoire dans le cadre de l’étude sur le rapport du directeur général des élections intitulé « Un régime électoral pour le 21e siècle – Recommandations du directeur général des élections du Canada à la suite de la 42élection générale ».

Si nous appuyons la majeure partie du contenu du troisième rapport provisoire du Comité, nous avons toutefois des réserves que nous exprimons dans les conclusions supplémentaires et dissidentes de l’Opposition officielle ci-après.

Recommandation A22. Jour du scrutin

Dispositions de la Loi : 56.1, 57(3), 57(4) et 128

L’Opposition officielle estime que la recommandation du directeur général des élections proposant que le Parlement envisage de fixer le jour du scrutin le samedi ou le dimanche au lieu du lundi, devrait être rejetée.

Le Comité a bien noté dans son rapport qu’« Élections Canada utilise fréquemment des lieux de culte ou des salles rattachées à des lieux de culte pour le scrutin dans de nombreuses circonscriptions, en particulier dans les zones rurales. En conséquence, la tenue du scrutin un jour de fin de semaine pourrait avoir pour effet d’interrompre les pratiques religieuses d’un certain nombre de Canadiens et, possiblement, d’empiéter indûment sur leurs croyances religieuses. » Toutefois, l’Opposition officielle tient également à exprimer son désaccord, car elle est d’avis que cette recommandation ne tient pas pleinement compte de l’effet important qu’elle aurait sur les pratiques culturelles et religieuses des Canadiens.

En outre, les modalités de vote actuellement en vigueur aux termes de la Loi électorale du Canada établissent un équilibre entre les possibilités de vote en semaine et durant la fin de semaine à la disposition des électeurs. Selon la Loi électorale du Canada, le jour du scrutin a lieu un lundi, et le vote par anticipation se déroule les 10e, 9e, 8e et 7e jours précédant le jour du scrutin (un vendredi, un samedi, un dimanche et un lundi). De plus, les électeurs ont la possibilité de voter le jour de l’élection avant ou après leurs heures de travail ou durant leur pause du déjeuner, car selon la loi, ils doivent disposer de trois heures consécutives pour aller voter pendant les heures de vote, le jour du scrutin. En outre, il leur est possible de voter l’un ou l’autre des quatre jours de vote par anticipation, dont deux sont des jours de fin de semaine.

La modification de ces modalités de façon à ce que le jour du scrutin ait lieu un samedi ou un dimanche risquerait de réduire la participation électorale en raison des activités ou des engagements culturels ou religieux auxquels de nombreux Canadiens prennent part durant la fin de semaine. En conséquence, l’Opposition officielle s’oppose à cette recommandation.

Recommandation A33. Pouvoir du commissaire de contraindre à témoigner

Disposition de la Loi : 510

Grâce à des modifications à la Loi électorale du Canada proposées et adoptées sous le gouvernement précédent (article 482.1), la Loi interdit désormais de communiquer sciemment des renseignements faux ou trompeurs à un enquêteur ou de faire obstruction à une enquête menée par le commissaire.

À l’heure actuelle, le commissaire aux élections fédérales et les policiers ont des pouvoirs d’enquête semblables, notamment celui de demander à un tribunal de leur délivrer un mandat de perquisition, une ordonnance de communication et d’autres ordonnances liées à des preuves éventuelles.

Dans le cadre d’un procès, seuls les tribunaux ont le pouvoir de citer des témoins à comparaître et de contraindre une personne à témoigner, une fois que des accusations ont été portées. Même si la Loi électorale du Canada est de nature réglementaire, à l’heure actuelle, toutes les infractions commises prévues par la Loi sont traitées comme des actes criminels au sens de la loi. Dans une enquête criminelle, les policiers n’ont pas le pouvoir de contraindre une personne à témoigner, hormis dans le cas bien précis des enquêtes antiterroristes, dans le cadre desquelles ils peuvent contraindre une personne à témoigner au moyen d’une ordonnance du tribunal. Il est clair qu’on ne saurait raisonnablement comparer les enquêtes antiterroristes aux enquêtes menées dans le contexte de la loi électorale.

En outre, l’Opposition officielle craint que les processus que demandent le directeur général des élections et le commissaire aux élections fédérales, malgré leurs affirmations, n’aillent à l’encontre des protections garanties par l’alinéa 11c) et l’article 13 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui protègent contre l’auto‑incrimination et le recours à un témoignage donné dans le cadre d’une procédure pour amorcer des poursuites contre la personne contrainte à témoigner. Étant donné la capacité et la volonté établies d’Élections Canada de dépenser des millions de dollars en litiges, il pourrait s’avérer financièrement impossible pour des particuliers de faire valoir leurs droits constitutionnels dans une instance engagée par le commissaire aux élections fédérales.

L’Opposition officielle estime que la Loi, dans sa version actuelle, établit un juste équilibre entre les droits des personnes prenant part à des enquêtes menées dans le contexte de la loi électorale et les pouvoirs consentis aux personnes chargées de les réaliser.

Recommandation A34. Pouvoir du commissaire de déposer une accusation

Dispositions de la Loi : 511 et 512(1)

L’Opposition officielle prend note que le directeur général des élections indique dans son rapport que « [p]our la grande majorité des infractions à la législation fédérale, l’organisme d’enquête dépose l’accusation et le directeur des poursuites pénales intente la poursuite ». Il ajoute dans son annexe qu’« habituellement, des accusations sont déposées préalablement à l’examen de la Couronne puis sont annulées si la Couronne conclut qu’il n’est pas dans l’intérêt public d’engager une poursuite ou qu’il n’y a aucune perspective raisonnable d’obtenir une déclaration de culpabilité ».

La Loi électorale du Canada est appliquée dans un environnement marqué par une concurrence partisane intense et soumise à l’examen public entre les acteurs que la Loi cherche à réglementer. Dans un tel contexte, il est essentiel que les acteurs politiques aient pleinement confiance dans l’impartialité et l’équité de l’application et de l’exécution de la Loi. Une décision de porter des accusations contre un acteur politique en est une qui risque grandement d’infliger des torts importants et irréparables sur le plan politique et personnel à cet acteur et aux personnes qui lui sont associées.

De plus, l’inculpation d’un acteur politique peut profondément marquer l’opinion publique, en particulier durant la période électorale ou à son imminence. Il est peu probable qu’une décision ultérieure, après une durée indéterminée et pour une raison quelconque, de surseoir aux accusations parvienne véritablement à rétablir l’image de l’acteur politique que les accusations initiales avaient ternie vis-à-vis de la population; les torts les plus graves sont causés au dépôt de l’accusation – des torts équivalant après tout à une condamnation –, et il est peu probable qu’une suspension des accusations parvienne à réparer les pots cassés.

À la lumière de l’incidence d’une inculpation sur les acteurs politiques, l’Opposition officielle croit qu’il importe, au nom de l’équité et de l’intégrité électorales, que la décision de porter des accusations en vertu de la Loi doit être prise avec circonspection et en ayant conscience des enjeux électoraux associés à une telle décision. L’Opposition officielle estime que les personnes chargées d’intenter des poursuites en vertu de la Loi devaient par conséquent avoir un point de vue indépendant sur une enquête une fois cette dernière menée à terme. Le maintien de cette indépendance entre les enquêteurs et les procureurs est la pratique observée depuis longtemps aux termes des dispositions de la Loi en vigueur, comme l’a expliqué le 1er avril 2014 l’ancien commissaire aux élections fédérales, William Corbett. S’appuyant sur son expérience, M. Corbett a indiqué que :

« moins les [procureurs] ont de contacts avec les enquêteurs avant, mieux cela vaut pour eux. S’ils ont eu affaire aux enquêteurs par suite d’une demande de nature judiciaire, c’est un autre membre du bureau qui prend la décision d’intenter des poursuites ».

Par conséquent, l’Opposition officielle croit qu’il est approprié que la Loi continue d’exiger qu’il revienne à un agent indépendant, ici le directeur des poursuites pénales, de réaliser un examen indépendant de la preuve produite et d’être responsable de décider s’il convient de porter des accusations en vertu de la Loi contre un acteur politique.

Recommandation B12. Publication de fausses déclarations pour influencer les résultats d’une élection

Disposition de la Loi : 91

Le Comité a reçu deux recommandations divergentes à propos de l’article 91 de la Loi électorale du Canada : la première, du directeur général des élections, qui préconise l’abrogation de l’article 91; la seconde, du commissaire aux élections fédérales, qui préconise pour sa part la clarification ou l’abrogation de l’article 91.

L’Opposition officielle s’oppose vivement aux modifications à l’article 91 proposées, pour répondre à la demande du Comité, par le Bureau du commissaire aux élections fédérales. Comme le fait observer le directeur général des élections dans son rapport, « [d]’autres mécanismes de droit privé et pénal existent pour les cas graves de diffamation ». Par ailleurs, nous notons que l’article 92 de la Loi continue d’interdire quiconque de « publier sciemment une fausse déclaration au sujet du désistement d’un candidat ». L’Opposition officielle appuie le maintien de l’article 92 dans sa forme actuelle.

L’Opposition officielle rejette tout élargissement du pouvoir de contrôler le discours politique en période électorale, ou rétrospectivement, et elle rejette particulièrement la possibilité d’exercer ce pouvoir à l’extérieur d’une cour de justice. L’Opposition officielle ne croit pas qu’il appartienne au gouvernement ou aux agents du pouvoir exécutif de juger de la véracité du discours politique en dehors de la période électorale ou durant cette dernière. En outre, l’Opposition officielle ne croit pas que ces agents devraient avoir le pouvoir de porter des accusations contre un discours politique ni de punir en fonction de ce dernier, exception faite d’un discours rendu déjà illégitime en vertu d’autres articles de la Loi ou d’autres lois canadiennes.

L’Opposition officielle appuie la recommandation du directeur général des élections d’abroger unilatéralement l’article 91 de la Loi. De plus, l’Opposition officielle s’opposerait vivement au remplacement de l’article 91 par toute autre disposition visant à contrôler un discours politique qui n’est pas déjà rendu illégitime en vertu d’autres articles de la Loi ou d’autres lois canadiennes.

En ce qui concerne les poursuites judiciaires découlant de la Loi, l’Opposition officielle estime qu’il est profondément injuste, voire inconstitutionnel que, aux termes des dispositions actuelles de la Loi, les entités politiques doivent payer leurs frais juridiques à même des contributions assujetties à un contrôle, alors que la Couronne, pour sa part, jouit d’une capacité de financement pour ainsi dire illimitée des poursuites judiciaires qu’elle intente contre les entités politiques. À l’heure actuelle, comme le note le directeur général des élections dans son rapport, les « frais juridiques entraînés par un litige ou une demande d’examen judiciaire en vertu de la Loi [...] constituent des dépenses de campagne électorale » et doivent être acquittés directement des fonds de la campagne à l’aide de contributions réglementées et limitées. Il poursuit dans son rapport en indiquant que « les plafonds de contributions entraînent certains problèmes », et que cette limitation de la capacité d’un candidat de « se prévaloir de son droit à un avocat, […] dans certains cas, […] ne serait pas appropriée ». Lors de sa comparution devant le Comité, le 16 mai 2017, le directeur général des élections par intérim a confirmé l’état des choses concernant le financement des frais juridiques des partis politiques.

Dans son rapport, concernant la recommandation A37 et la « [s]ouplesse accrue pour certaines catégories de dépenses des candidats », le directeur général des élections préconise une modification des conditions liées aux frais de justice engagés par les candidats selon laquelle les frais juridiques entraînés par un litige ou une demande d’examen judiciaire en vertu de la Loi « devraient être spécifiquement exclus de l’application obligatoire des dispositions visant les dépenses de campagne » et que les « candidats devraient être libres d’engager des frais juridiques, qu’ils soient visés ou non par les dispositions législatives ».

Dans son vingt-troisième rapport, à savoir son premier rapport provisoire publié en réponse aux recommandations du directeur général des élections, le Comité appuyait à l’unanimité la recommandation A37 relative aux frais de litige des candidats. L’Opposition officielle estime qu’il y aurait lieu d’envisager une disposition analogue relativement aux frais juridiques engagés par les partis.

Recommandation B15. Serment que doit prêter une personne qui vient en aide à un électeur

Disposition de la Loi : 155(3)

L’Opposition officielle rejette l’idée d’abroger la disposition obligeant tout parent ou ami d’un électeur atteint d’une limitation fonctionnelle à prêter serment afin de lui venir en aide.

Ce parent ou ami doit jurer qu’il remplira le bulletin conformément aux instructions de l’électeur, qu’il ne divulguera pas ni ne tentera d’influencer son choix, et qu’il n’a pas déjà, à titre d’ami, aidé une autre personne à voter à l’élection en cours.

L’Opposition officielle estime que ce serment est absolument essentiel au maintien de l’intégrité du système électoral canadien et que, par conséquent, il doit être maintenu.

L’Opposition officielle partage les préoccupations soulevées par le Comité à l’égard de cette recommandation et estime, par ailleurs, que le caractère sacré de chaque vote, y compris le vote des Canadiens atteints d’une limite fonctionnelle qui ont besoin d’aide pour voter, doit l’emporter. C’est pourquoi toutes les garanties possibles, y compris ce serment, doivent être en place pour veiller à en préserver le caractère sacré.

Recommandation B18. Dépouillement des bulletins de vote par anticipation

Dispositions de la Loi : 172a)(iv) et 289(1)

Le directeur général des élections recommandait que la Loi électorale du Canada soit modifiée afin de « préciser que les directeurs de scrutin peuvent procéder au dépouillement des bulletins de vote par anticipation avant la fermeture des bureaux le jour de l’élection, sous réserve de l’approbation préalable du directeur général des élections ».

Le Comité a ajouté des conditions à cette recommandation, précisant « qu’il soit permis de procéder au dépouillement des bulletins de vote par anticipation avant la fermeture des bureaux, dans la mesure où le dépouillement commence au plus deux heures avant la fermeture des bureaux et que toute personne présente durant le dépouillement est isolée jusqu’à la fermeture des bureaux de scrutin. En outre, il est également recommandé que quiconque dévoile les résultats du vote par anticipation fasse l’objet d’une sanction équivalant à celle qui serait imposée pour une infraction de nature similaire. »

L’Opposition officielle appuie la recommandation du Comité; toutefois, elle croit qu’il conviendrait d’ajouter une précision supplémentaire, précision dont le Comité a discuté. L’Opposition officielle recommande également que les directeurs du scrutin obtiennent le consentement unanime de tous les candidats avant d’autoriser le dépouillement des bulletins de vote par anticipation avant la fermeture des bureaux.

Recommandation B27. Étrangers incitant des électeurs à voter ou à s’abstenir de voter

Disposition de la Loi : 331

Pour répondre à une demande du Comité, le Bureau du directeur général des élections et le Bureau du commissaire aux élections fédérales ont proposé des modifications à l’article 331 de la Loi électorale du Canada. L’Opposition officielle commentera chacune des propositions individuellement.

Dans les modifications à l’article 331 de la Loi qu’il suggère, le Bureau du commissaire aux élections fédérales propose la création de l’alinéa 331(2)b). De l’avis de l’Opposition officielle, la nature du nouvel alinéa proposé est semblable à celle des modifications à l’article 91 que propose le Bureau du commissaire aux élections fédérales à la recommandation B12. Par conséquent, l’Opposition officielle s’oppose vivement à l’inclusion de la modification à la Loi qui est suggérée.

Quant au reste des modifications à l’article 331 de la Loi proposées par le Bureau du commissaire aux élections fédérales, l’Opposition officielle observe que les dispositions qu’il suggère auraient pour effet d’accroître la transparence relativement aux dépenses des tiers au titre des activités électorales et de réduire la capacité de fonds étrangers de jouer un rôle dans les élections canadiennes ce qui, en retour, aurait pour effet de renforcer la confiance des citoyens à l’égard de nos lois électorales et de nos capacités de faire appliquer les lois. L’Opposition officielle est favorable à de tels résultats.

L’Opposition officielle accueille les recommandations du directeur général des élections intitulées Remaniement des règles applicables aux tiers en vue de mieux réglementer l’influence étrangère, qui visent à restreindre l’utilisation des recettes générales d’un tiers pour financer des activités réglementées. Elle accueille également le soutien du directeur général des élections aux recommandations indiquées dans le rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles datant du 8 juin 2017, intitulé Contrôler l’influence étrangère sur les élections canadiennes, qui recommandait que la « réglementation des activités des tiers devrait être étendue au‑delà de la "publicité électorale" et inclure un plus grand éventail d’activités promotionnelles, comme les contacts directs avec les électeurs et les sondages à l’appui des activités de campagne ».

L’Opposition officielle observe que, à première vue, le fait que la « publicité électorale » soit la seule catégorie d’activité électorale accomplie par des tiers à être réglementée pose problème et est en décalage avec le reste du régime de réglementation des activités politiques. L’Opposition officielle aimerait que ces recommandations fassent l’objet d’un complément d’étude afin d’assurer la réglementation et le contrôle justes, efficaces et transparents des activités électorales et du financement électoral par des tierces parties.

Conclusion

Nous encourageons vivement le gouvernement à tenir compte des réflexions, des préoccupations et des recommandations exprimées par l’Opposition officielle dans le présent rapport.

Le tout respectueusement soumis.