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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 059 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 7 mai 2015

[Enregistrement électronique]

(1110)

[Traduction]

    Bonjour à tous. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous allons reprendre l'étude de la situation à Hong Kong.
    Je tiens à remercier tous nos témoins de leur patience. Nous avons eu des votes à la Chambre et c'est pourquoi nous commençons un peu plus tard. Je voudrais d'abord présenter tous nos témoins. Nous vous demanderons de faire vos déclarations préliminaires en suivant l'ordre dans lequel je vais vous présenter.
    Premièrement, nous entendrons le témoignage, à titre personnel, d'Yves Tiberghien, directeur de l'Institute of Asian Research et chargé d'enseignement au département de sciences politiques de l'Université de Colombie-Britannique. Il est ici, à Ottawa. Bienvenue, monsieur. Nous nous réjouissons de votre présence parmi nous.
    Nous entendrons aussi, par vidéoconférence, Dalena Wright, agrégée supérieure au Ash Center for Democratic Governance and Innovation, à la Harvard Kennedy School. Je tiens à vous souhaiter la bienvenue, madame Wright. Merci d'être des nôtres aujourd'hui.
    Nous entendrons également par vidéoconférence, à partir de Hong Kong, Alan Ka-lun Lung, président de la Hong Kong Democratic Foundation.
    Simon Young, professeur et doyen associé à la Faculté de droit, University of Hong Kong, témoigne lui aussi par vidéoconférence à partir de Hong Kong.
    Messieurs, nous vous souhaitons également la bienvenue. Je crois qu'il est tard, le soir, là où vous êtes alors merci d'avoir adapté vos horaires pour qu'ils correspondent à ceux de notre comité. C'est tout ce que je vais dire.
    Je vais commencer ici, à Ottawa, par M. Tiberghien qui va nous faire sa déclaration préliminaire, après quoi nous poursuivrons, dans l'ordre.
    Monsieur Tiberghien, la parole est à vous, monsieur.

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité, c'est vraiment un plaisir et un honneur pour moi de comparaître devant vous aujourd'hui. Je vais donner l'essentiel de mes remarques en anglais, mais je serai très heureux de répondre à vos questions en français si cela est nécessaire.

[Traduction]

    Juste pour apporter une petite précision, mon titre est professeur agrégé et directeur et non pas chargé d'enseignement.
    Je pourrais aussi ajouter que j'ai fait beaucoup de recherche sur la politique à Hong Kong par le passé. J'étais là-bas en 1996 et 1997 comme boursier de Stanford en droit et négociations. À l'époque, j'ai eu le plaisir de rencontrer tous les dirigeants politiques comme Martin Lee et les autres qui se trouvaient à Hong Kong pendant le processus de rétrocession. J'ai ensuite entretenu ces relations pendant longtemps. J'ai suivi la progression extrêmement lente de la démocratie à Hong Kong pendant de nombreuses années.
    Je voudrais d'abord exprimer mon admiration pour les étudiants de la révolte des parapluies ainsi que pour les professeurs et les dirigeants qui ont été derrière le mouvement Occupy. Il s'agit d'une mobilisation remarquable dans une ville traditionnellement non politisée qui a surpris un grand nombre d'entre nous. Il est remarquable qu'autant de jeunes gens fassent un gros sacrifice pour l'avenir du système politique de leur ville. Quand on y pense, le troisième centre financier au monde et la principale jonction entre la Chine et l'économie mondiale a été paralysé à cause de la colère des jeunes, ce qui est remarquable. Cela a été un mouvement citoyen dirigé par des jeunes qui était, au départ, plein de créativité, de recyclage et d'humour. L'ordre civil régnait au milieu du chaos. Il y avait une atmosphère de compassion, la pollution avait même soudainement disparu et on entendait les oiseaux chanter. Ce fut un événement historique et remarquable et finalement, la manifestation a été dissoute de façon relativement pacifique au bout de 81 jours. Personne n'a été tué malgré les tensions et les affrontements qui ont fait leur apparition par la suite. Il est également remarquable que dès le début, après avoir été aspergés de poivre de cayenne et avoir été confrontés à la violence policière, les étudiants ont décidé de ne pas intensifier le conflit et de ne pas occuper les édifices gouvernementaux. Ils ont fait preuve de retenue. Ils ont fait preuve de maturité. C'était assez remarquable. Je voulais donc commencer par les en féliciter et exprimer toute l'admiration que j'ai pour eux.
    Je vais seulement m'attarder sur quelques éléments du tableau d'ensemble en tant qu'analyste et universitaire qui s'intéresse à ces questions.
    Premièrement, une question qu'il me semble important de soulever est pourquoi la démocratisation a été si lente à Hong Kong. Pourquoi avons-nous vu les Chinois faire preuve d'une telle intransigeance dans la décision du CNP?
    Je voudrais vous donner quelques pistes et je me ferais un plaisir d'en proposer d'autres plus tard lors des questions.
    La première — et nous l'oublions souvent — est qu'il y a beaucoup de politique interne, en Chine, au sujet de Hong Kong. C'est le CNP, le Congrès national du peuple, qui a la haute autorité sur la Loi fondamentale et l'avenir constitutionnel de Hong Kong. Le CNP est entre les mains d'un des dirigeants les plus conservateurs du leadership collectif chinois, Zhang Dejiang, qui est le numéro trois du comité permanent. C'est lui qui a étudié en Corée du Nord et il est connu pour être conservateur. En général, il est l'adversaire des membres plus réformateurs du régime chinois.
    Au cours de discussions que j'ai eues à Beijing, on a laissé entendre que la décision aurait même pu être un piège tendu par ce conservateur aux réformateurs, y compris Xi Jinping. Je le mentionne, parce que la décision qui a été rendue le 31 août et le livre blanc qui l'a précédée en juin ont placé Xi Jinping dans une situation très délicate. S'il récusait la décision, on allait lui reprocher de ne pas protéger le nationalisme et les intérêts patriotiques chinois, mais s'il l'appuyait, il soutenait une mesure très vigoureuse qui allait nuire à la position de Hong Kong dans la communauté mondiale ainsi qu'à la position de la Chine. C'était une sorte de situation impossible. Il ne faut pas oublier le conflit sous-jacent entre conservateurs et réformateurs.
    Deuxièmement, la décision du CNP est rigoureuse et va aussi loin que le permet la Loi fondamentale, mais sans en outrepasser les limites. En fait, la décision rendue en août s'efforce de justifier longuement sa conformité avec l'article 45. N'oublions pas que la Loi fondamentale de 1990 résulte d'un compromis entre les Britanniques et les Chinois et que sa version finale, qui était un peu plus rigoureuse à l'article 45 — nous avions l'article 23 — a été le fruit de beaucoup de tractations après l'incident de Tiananmen, en juin 1989.
(1115)
    Troisièmement, quelles sont les exigences fondamentales de la Chine? Quels sont vraiment les points sur lesquels elle ne reculera pas?
    Sa première priorité, bien entendu, est sa souveraineté — le fait que Hong Kong fait partie de la Chine.
    Deuxièmement, il y a une deuxième longue ligne de résistance à l'intrusion étrangère. La Chine a tendance à réagir à tout sentiment d'ingérence étrangère, comme nous l'avons constaté lors de ce processus, même si c'était une erreur. Derrière tout cela, nous voyons des cycles stratégiques action-réaction.
    Troisièmement, la principale priorité est vraiment de soutenir la réforme de Xi Jinping et donc la position de Xi Jinping au sein de son propre régime national. On soutient tout ce qui l'appuie et on a tendance à s'opposer à tout ce qui lui fait du tort.
    Quatrièmement, la Chine aimerait avoir un leadership autonome de qualité à Hong Kong, mais seulement si les trois premières conditions sont remplies.
    En fait, la Chine cherche depuis longtemps à confier la direction de Hong Kong à des Hongkongais compétents, mais elle est confrontée à un dilemme depuis Deng Xiaoping. En effet, elle veut que des Hongkongais compétents administrent le territoire tout en étant patriotiques et dignes de confiance envers les dirigeants chinois, mais n'arrive pas à résoudre cette équation. En réalité, je ne pense pas qu'elle soit très satisfaite du leadership actuel, tout comme les Hongkongais ne sont pas très satisfaits de CY Leung. Ils n'ont pas trouvé comment résoudre leur propre problème qui est de régler deux choses en même temps.
    Quant à savoir ce qui se cache derrière tout cela, une profonde méfiance règne actuellement entre les leaders démocratiques de toutes couleurs et même les réformistes à Beijing. Par conséquent, c'est ce qui explique en partie le cycle d'action et de réaction ainsi que la difficulté, du côté chinois, à proposer une formule plus progressiste pour Hong Kong.
    La prochaine question que je désire aborder est ce qui s'est vraiment passé lors de la révolte des parapluies-Occupy Hong Kong. Je soutiens qu'en réalité, il y a eu plusieurs crises les unes par-dessus les autres et je voudrais seulement vous faire part de quelques réflexions à ce sujet.
    Au premier niveau, quand Occupy Hong Kong a été planifié, à l'initiative de Benny Tai Yiu-ting et Chan Kin-Man, le projet s'est inspiré d'Occupy Wall Street. Il reposait sur de solides motivations économiques. En parlant à des Hongkongais et à des étudiants, j'ai pu voir qu'ils déplorent l'accroissement des inégalités et ont l'impression que la jeune génération a moins de possibilités, que l'économie est accaparée par l'ancienne génération et qu'il est plus difficile pour les jeunes d'y trouver leur place, et aussi que les prix grimpent en flèche et sont inaccessibles pour les jeunes. Une bonne partie de ce mécontentement a joué un grand rôle dans la planification du mouvement. Il y avait aussi le découragement à l'égard des problèmes environnementaux. Voilà pour la première crise.
    Deuxièmement, il y a une crise identitaire à l'égard de la continentalisation qui s'est produite au cours des 10 dernières années suite au grand afflux de touristes chinois très riches qui achètent de l'immobilier et tous les produits de luxe, des affrontements de plus en plus fréquents dans les rues ainsi que dans les hôpitaux où naissent beaucoup de bébés. On a donc l'impression que tout cela dilue et absorbe la vieille société hongkongaise. C'est un problème distinct qui a largement contribué à convaincre les jeunes que la situation est critique.
    Troisièmement, il y a une véritable crise de gouvernance, mais dans un contexte plus vaste. L'ancien modèle selon lequel Hong Kong était gouverné par l'élite économique, les magnats de l'industrie et quelques membres des professions libérales triés sur le volet, légué par les Britanniques — c'est ainsi que les Britanniques gouvernaient Hong Kong au départ — n'accélère pas la démocratisation dans le cadre de la rétrocession à la Chine. Les Chinois que nous avons vus négocier avec Percy Cradock se sont empressés de reprendre ce modèle et continuent de travailler par l'entremise de l'élite économique. Ce n'est plus acceptable aux yeux des jeunes ou de la majorité des Hongkongais. Ils veulent une gouvernance plus ouverte avec un plus grand choix d'acteurs.
    Il y a aussi une crise de leadership à cause du choix qui a été fait en 2012, parce que le chef de l'exécutif actuellement en poste bénéficie de peu d'appuis et n'est pas jugé suffisamment compétent pour répondre aux besoins de Hong Kong en tant que métropole moderne du XXIe siècle. Il n'a pas le calibre voulu.
    Quatrièmement, l'appel à la démocratie devient le cri de ralliement pour résoudre tous les autres problèmes. On met donc toutes sortes d'enjeux politiques dans le même panier dans l'espoir que le changement du mode de sélection des dirigeants aura des retombées et réglera toutes les autres questions.
(1120)
    Cinquièmement, il y a de profondes dissensions internes à Hong Kong et c'est pourquoi aujourd'hui, lorsque nous regardons la nouvelle proposition du 22 avril, nous voyons toujours une ville divisée entre le jaune et le bleu. La proposition reçoit aujourd'hui 45 % d'appuis, si l'on se fie aux sondages d'opinion, 32 % s'y opposent et les autres ne prennent pas position. Nous avons donc une ville maintenant divisée en deux moitiés comme nous l'avons vu à la fin du mouvement Occupy.
    À la fin de ce mouvement, en novembre et début décembre, sa continuation ne ralliait plus que 20 % d'appuis. Soit dit en passant, cette division est en grande partie reliée à l'âge. Les jeunes continuent d'appuyer totalement une approche beaucoup plus agressive de la poursuite de la démocratie alors que les gens de plus de 40 ans y sont moins favorables.
    Enfin, le mouvement pro-démocratie est maintenant un mouvement très diversifié, pluraliste, composé d'au moins quatre groupes.
     Nous avons l'ancienne base du Parti démocratique de Martin Lee, que j'ai suivi pendant de nombreuses années, et un très bon ami à moi, Kevin Lau Chun-to, l'ancien rédacteur en chef de Ming Pao, un ancien assistant. C'est lui qui a été attaqué par les triades, l'année dernière. Je l'ai de nouveau rencontré cette année; il se rétablit. Nous avons donc cette vieille garde et nous savons que Martin Lee a fait énormément d'efforts et a traversé des moments difficiles.
    Puis il y a maintenant ce que j'appelle la nouvelle garde soit Benny Tai, Chan Kin-Man et le pasteur qui ont planifié Occupy. Ils l'ont préparé pendant plus d'un an. Cela a été merveilleusement planifié en s'inspirant de Martin Luther King, Gandhi et Occupy Wall Street.
    Ensuite, ces initiateurs se sont laissé plus ou moins surprendre par les générations plus jeunes. Elles sont constituées de deux groupes: les étudiants universitaires, la Hong Kong Federation of Students dirigée par Alex Chow et ensuite les étudiants du secondaire, le groupe Scholarism de Joshua Wong. Ce sont eux qui ont vraiment fourni les participants dans la rue, car il s'agissait surtout de jeunes.
    Il y a donc différentes strates, ce qui a également rendu le mouvement difficile à gérer dans la rue. Joshua Wong voulait aller plus loin — être plus radical, organiser une grève de la faim et ce genre de choses — alors que les dirigeants d'Occupy, Benny Tai et Chan Kin-Man, voulaient arrêter chaque fois qu'il y avait une menace de violence.
    Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Je voudrais seulement conclure en réfléchissant à haute voix à ce que le Canada pourrait faire dans ce contexte complexe. Ce qui m'intéresse vraiment, c'est comment améliorer la situation: comment nous pouvons améliorer la vie et les espoirs des jeunes et améliorer le modèle de gouvernance.
    Voici quelques idées.
    Premièrement, il faut éviter de mettre le pouvoir entre les mains des conservateurs à Beijing, les gens comme Zhang Dejiang. Nous devons être conscients des divergences à ce sujet à Beijing et de la façon dont nous pouvons soutenir les réformateurs qui comprennent. Dans l'entourage de Xi Jinping et Li Keqiang, il y a des gens qui comprennent que le modèle ne fonctionne pas, que la gouvernance doit être améliorée et qu'ils doivent trouver un moyen de céder le pouvoir à des Hongkongais compétents. Ils se heurtent à l'opposition des radicaux.
    Deuxièmement, il me paraît essentiel de favoriser des liens entre toutes les générations de leaders démocratiques à Hong Kong et au moins les réformateurs de Chine pour mettre un terme au cycle mutuel de démagogie et créer davantage d'appuis à Beijing pour les démocrates.
    Troisièmement, il faudrait peut-être parrainer des événements et offrir des tribunes pour favoriser un dialogue entre les leaders démocratiques et étudiants et les acteurs économiques et politiques de Hong Kong. Le conflit se déroule actuellement en grande partie entre les magnats de l'industrie et l'élite économique de Hong Kong d'un côté et de l'autre, la jeune génération, les étudiants et les démocrates. Des dialogues délibérés et innovateurs, qui n'ont pas été suffisants jusqu'ici, pourraient probablement permettre de le gérer. D'autre part, le gouvernement hongkongais n'a pas la confiance des démocrates et des étudiants.
    Quatrièmement, il faudrait peut-être exhorter le gouvernement de Hong Kong et la Chine à faire preuve du maximum de souplesse à l'égard des propositions du 31 août présentées par le CNP. Le CNP ne les changera pas avant plusieurs années et nous devons donc nous y faire. Mais il est toujours possible de faire preuve de beaucoup de souplesse par exemple à l'égard de la sélection des 1 200 membres ou des instructions données aux 1 200 membres du comité de sélection afin qu'il y ait peut-être trois candidats aux élections. Si l'on s'entend très rapidement sur ce point, les démocrates pourraient peut-être ne pas opposer leur veto au Conseil législatif.
(1125)
    Monsieur Tiberghien, il faudrait que vous puissiez conclure très rapidement.
    Très bien.
    Une dernière chose est qu'en ce qui concerne le Canada, il faudrait avoir des discussions ouvertes et probablement informelles, mais à haut niveau, à Beijing, pour favoriser la souplesse et l'innovation sans provoquer les membres conservateurs du gouvernement de Beijing.
    Merci beaucoup.
    Nous allons à Cambridge, au Massachusetts, où nous attend Mme Wright.
    Je vais vous céder la parole et si vous pouviez faire de votre mieux pour vous en tenir à environ sept minutes, ce serait formidable. Je sais qu'il y a de nombreux sujets à couvrir en très peu de temps.
    La parole est à vous, madame Wright.
    C'est facile à faire, car je pense que le témoin précédent a très bien réussi à cerner les enjeux.
    Je remercie infiniment le président de m'avoir invitée aujourd'hui. Mais je remercie également le personnel qui a fait un incroyable travail pour régler toute la logistique.
    Mes propres recherches sont largement centrées sur les négociations sino-britanniques dont l'aboutissement a été la déclaration conjointe de 1984 et sa mise en oeuvre avant le départ des Britanniques. Cette histoire se situe en grande partie en dehors du cadre des audiences d'aujourd'hui, mais pas entièrement. Il y a actuellement des problèmes dont l'origine remonte aux décisions prises il y a des décennies, ce qui les rend beaucoup plus difficiles à résoudre aujourd'hui.
    Permettez-moi de soulever rapidement trois questions.
    Lorsque les Britanniques ont quitté Hong Kong, à bien des égards, ils ont laissé derrière eux un héritage vraiment admirable. Il y avait des droits et des libertés évidents — la liberté de parole, d'assemblée, de la presse — une déclaration des droits venait d'être promulguée et Hong Kong avait une excellente magistrature. Je pense que mes collègues de Hong Kong peuvent en parler de façon plus éloquente que moi.
    Même si le système économique fonctionnait librement, il y avait à l'époque un système de réglementation efficace et on pouvait s'attendre à ce que la corruption soit éliminée si elle était constatée. La ville avait une fonction publique exemplaire.
    En résumé, il s'agissait des qualités héritées d'une démocratie libérale. Néanmoins, tous ceux qui sont ici aujourd'hui comprennent très bien, je pense, que pour que ces droits, ces libertés et ces attentes soient maintenus et améliorés avec le temps, il faut un organisme dirigeant qui croit dans ces libertés, qui les garantit et qui les soutient.
    C'est ce que la Grande-Bretagne n'a pas pu laisser derrière elle. Elle n'a pas pu léguer des institutions démocratiques capables d'accomplir ce genre de choses. Avant la rétrocession, le développement constitutionnel était très timide et très superficiel et il a été difficile pour les institutions de prospérer et de se renforcer depuis la rétrocession.
    Les raisons de cette situation sont complexes, mais disons que la Grande-Bretagne a commencé très tard, que les Hongkongais qui s'intéressaient, à l'époque, à la gouvernance, étaient divisés et que la Chine était un partenaire récalcitrant. À ce moment-là, la Chine acceptait Hong Kong telle qu'elle était et non pas telle qu'elle pourrait être et elle s'opposait au développement de la démocratie. Il n'y avait pas eu de développement démocratique avant et elle s'est opposée à son développement plus tard.
    La solution était donc de procéder lentement, de maintenir quelque chose d'hybride qui permettait d'avoir des législateurs nommés, des législateurs élus indirectement et des législateurs élus directement, la proportion de chacune de ces catégories changeant avec le temps en faveur de législateurs directement élus. Du temps des Britanniques, c'était vu comme une convergence, comme un moyen direct, une solution simple qui conduirait à la démocratie. Néanmoins, il n'a jamais été vraiment précisé quand cela aurait lieu, ce qui nous conduit au problème d'aujourd'hui. Le gradualisme est la solution qu'ont trouvée la Chine et la Grande-Bretagne.
    Le problème que pose le gradualisme est qu'il doit finir par aboutir. Les Hongkongais attendent une forme de gouvernement satisfaisante, permanente et vraiment représentative non seulement depuis la rétrocession, mais depuis 1984 lorsque les premières élections indirectes ont eu lieu à Hong Kong. L'idée de progresser vers la démocratie en proposant graduellement des réformes et en attendant que la Chine accepte et reconnaisse la loyauté de Hong Kong, même si c'est comme cette dernière le conçoit, a cours depuis plus de 30 ans.
    Même maintenant, ce cycle se poursuit. Ce qui sera décidé en 2017 ne mettra pas fin au désir de Hong Kong de préserver et protéger son autonomie. On voit régulièrement des partis, des organisations et des groupes de réflexion comme la Hong Kong Democratic Foundation s'attaquer à ce cycle, proposer des compromis et des idées nouvelles, mais le processus est très lent et très décourageant. Comme l'a dit le témoin précédent, voilà ce qui a causé le mécontentement, le mouvement Occupy, cette agitation.
    Et vous avez une assemblée législative qui n'est démocratique qu'en partie. En fait, les citoyens élisent l'opposition plutôt que le gouvernement. L'assemblée législative ne peut donc pas débattre et influencer efficacement les politiques que lui soumet le gouvernement.
(1130)
    De plus, comme le chef de l'exécutif est choisi par des moyens indirects et approuvé par la Chine, les Hongkongais ont l'impression que personne ne protège l'autonomie de leur ville et ne défend ses intérêts et qu'ils n'ont aucune influence sur leur propre destinée. Dans ces conditions, comment les droits et libertés garantis dans la déclaration conjointe peuvent-ils être maintenus? Et comment Hong Kong peut-elle préserver son caractère particulier en tant que région en dehors de la Chine, mais quand même en Chine, si les Hongkongais ne peuvent pas la défendre et la faire profiter de leur sagesse? Tel est le dilemme auquel Hong Kong est actuellement confrontée.
    Cela m'amène à ma deuxième observation, à propos de laquelle le témoin précédent a donné une belle explication. La Chine d'aujourd'hui n'est pas la Chine qui a négocié la déclaration conjointe. Je ne suis pas ici pour redorer l'âge de Deng Xiaoping. Et ce n'était certainement pas un démocrate, mais il ne voulait pas hériter d'une population belliqueuse. Il ne voulait pas voir disparaître les ressources et le raffinement de la ville et il a donc accepté de prendre d'énormes risques. Mais surtout, il n'avait pas peur que Hong Kong soit à part. Il lui suffisait d'avoir ramené un territoire égaré et dans le giron de la Chine et il ne cherchait pas à rendre Hong Kong similaire à toute autre ville chinoise. C'est ce qui a changé aujourd'hui. La Chine d'aujourd'hui ne voit pas Hong Kong comme Deng la voyait. On dit souvent que Hong Kong ne peut pas poursuivre son développement démocratique, premièrement, parce qu'elle échapperait au contrôle de la Chine et deuxièmement, parce qu'elle donnerait l'exemple et inciterait le reste de la Chine à s'intéresser au développement de la démocratie.
    La Chine n'a plus à favoriser les magnats de l'industrie de Hong Kong, parce qu'elle a les siens. Elle n'a pas à respecter le système éducatif de Hong Kong. Elle peut s'intégrer dans ce système tout comme dans le système universitaire. Elle a maintenant Shanghai pour rivaliser avec Hong Kong quoique, à bien des égards, Shanghai n'est pas comme Hong Kong.
    En résumé, contrairement à sa position dans les années 1980 et 1990 et au lendemain de la rétrocession, la Chine d'aujourd'hui veut que Hong Kong ressemble davantage à toute autre ville chinoise et elle n'est pas fascinée par le caractère particulier de Hong Kong. C'est nouveau et c'est particulièrement décourageant pour tous les Hongkongais, et pas seulement les activistes pro-démocratie.
    Enfin, monsieur le président, je signalerais que tout récemment, un représentant officiel de la Chine a déclaré, à Londres, que la déclaration conjointe est un anachronisme qui n'a aucune utilité, qu'elle était pertinente avant la rétrocession, mais qu'elle ne veut plus rien dire aujourd'hui.
    Il est vrai que les choses évoluent, mais cette position est néanmoins sans fondement et triste à entendre. Il est encore plus triste que la Grande-Bretagne ait si peu réagi. La déclaration conjointe est un traité qui a été signé et ratifié par le Parlement britannique et par le Congrès national du peuple. Elle est enregistrée en tant que traité officiel aux Nations unies. Le traité ne s'éteindra pas avant 2047 et comme Deng l'a déclaré, il restera pertinent après cette date.
    Mais surtout, c'est un document qui affirme l'engagement de la Chine envers le mode de vie, les valeurs et les libertés de Hong Kong et qui stipule l'autonomie de Hong Kong. Si la Chine peut porter atteinte au traité unilatéralement, parce qu'il ne lui convient pas ou parce qu'elle souhaiterait réinterpréter ses engagements, quelle valeur ont les traités et accords négociés jusqu'ici? Quelle serait la valeur d'un traité visant la mer de Chine méridionale ou la mer de Chine orientale s'il se matérialisait un jour? Quelles garanties offrirait un accord commercial conclu dans le cadre des règles de l'OMC si ce genre d'accords peut être annulés sous prétexte que la Chine les juge lourds ou contraignants?
    Je terminerai en disant que je me réjouis de vous voir étudier ces enjeux aujourd'hui et l'autre jour, même s'ils sont hérités du passé. J'apprécie aussi le fait que le caractère particulier, la situation spéciale de Hong Kong retiennent l'attention de tous les pays, comme le Canada et les États-Unis qui n'ont pas hésité à applaudir les modalités de la déclaration conjointe lorsque la Grande-Bretagne et la Chine leur en ont fait la demande en 1984.
    Merci, monsieur le président.
(1135)
    Merci beaucoup, madame Wright.
    Nous passons maintenant à Hong Kong et nous allons commencer par M. Lung, de la Hong Kong Democratic Foundation.
    La parole est à vous pour sept minutes, monsieur.
    Merci d’avoir invité la Hong Kong Democratic Foundation.
    Comme diplômé de l’Université Wilfrid Laurier, au Canada, je suis heureux de fournir au comité permanent les renseignements les plus récents sur l’évolution de la situation à Hong Kong.
    Je parlerai d'abord de la situation actuelle. Les nouvelles ne sont pas bonnes. On annonce généralement l’échec du projet de réforme électorale de 2017. Il est peu probable que le projet de loi obtienne la majorité des deux tiers nécessaire. Il est malheureux que Hong Kong et Beijing ne puissent en venir à une entente. En outre, on ne sait pas combien de temps il nous faudra encore attendre avant que les pourparlers concernant la future réforme en vue d’un suffrage universel, promis dans la Loi fondamentale, puissent reprendre.
    Ce désaccord n’est pas bon pour Hong Kong. Les conséquences en sont que l’incertitude politique qui est cause de trouble à Hong Kong depuis plus de 30 ans restera entière, le mouvement Occupy Central ou les manifestations dans la rue sous une forme ou une autre se poursuivront et la confiance des entreprises à l’égard de Hong Kong va baisser. Ce n’est pas bon pour Hong Kong, la Chine ou les intérêts internationaux, particulièrement les intérêts commerciaux à Hong Kong. Dans le pire des cas, ce sera le début de la fin de Hong Kong.
    Les demandes des pan-démocrates sont assez simples et faciles à expliquer à un esprit occidental. Ils veulent un véritable suffrage universel sans limitation exagérée de l’investiture et du processus électoral, insistant particulièrement sur le fait qu’il n’y ait aucun dépistage déraisonnable pour le processus de mise en candidature. Ce qu’on offre est loin de répondre à cette attente. La proposition du gouvernement est un grand pas en avant pour le processus électoral — un homme, une voix — mais un grand retour en arrière pour le processus de mise en candidature.
    Cette fois-ci, il n’y aura pas de débat télévisé pour les pan-démocrates. Ce qui est proposé ne permettra pas leur mise en candidature. On s'attend généralement à ce que, une fois le processus adopté, on puisse difficilement entreprendre une réforme à l'avenir.
    Toutefois, les pan-démocrates n’ont pas très bien réussi à communiquer leur objection. Le rejet total qu'ils préconisent des décisions du 31 août du Comité permanent de l’APN est perçu comme une attaque venimeuse et un rejet de la souveraineté de la Chine sur Hong Kong. C'est la perception de Beijing. Les pan-démocrates ont aussi fait l’erreur de ne pas prendre en considération les préoccupations exprimées par Beijing au sujet de la sécurité nationale dans leurs contre-arguments.
    J’estime que le gouvernement central de Beijing veut véritablement , mais d’une façon ambiguë, que le projet d’élection du chef de l'exécutif soit adopté. Néanmoins, comme les témoins précédents l'ont mentionné, Beijing ne renoncera pas à sa préoccupation en matière de sécurité nationale telle qu’elle est formulée dans les décisions du 31 août du CP-APN.
    D’après l’expérience des élections de 2012 par un comité électoral qui deviendra le comité de mise en candidature, les factions conservatrices de Beijing estimaient également que les candidats, une fois mis en candidature, ne pouvaient pas être contrôlés, pas même par Beijing, en 2012. Donc, la proposition actuelle d’une personne, un vote que l'on présente comme le suffrage universel constitue en effet un grand pas en avant et les gens comme moi devraient bien l’accueillir. Une telle pensée mène à la conclusion que le fait de permettre à des candidats approuvés de se présenter à un « suffrage universel », un peu comme dans le cas du système électoral présidentiel iranien, est le risque maximal que le gouvernement central est disposé à prendre pour l’instant.
(1140)
    Pour ce qui est de la stratégie utilisée par le camp proétablissement pour faire adopter ce projet de loi, le camp proétablissement est prêt à influencer, voire à tordre l’opinion publique pour faire avaler la proposition. C'est la stratégie dite « la faire avaler d'abord ». La stratégie actuelle consiste à essayer de voler quatre ou cinq votes pour la faire adopter sous sa forme actuelle.
    Tenter de déformer l’opinion publique de cette façon est une tâche impossible. La presse libre de Hong Kong diffuse déjà des sondages d’opinion publique qui sont intellectuellement plus honnêtes.
    Lors de réunions privées avec le personnel consulaire étranger en poste à Hong Kong, les responsables de la réforme constitutionnelle ont également exprimé leur pessimisme à l’égard de l’adoption du projet de loi.
    Si le projet de loi est adopté sous sa forme actuelle par une marge d’un seul vote, le résultat ne sera pas meilleur. Hong Kong sera toujours de très mauvaise humeur en juillet. Environ 40 % de la population, en particulier la jeune génération, se sentira tout de même privée de ses droits et trahie. Voilà pourquoi le mouvement « Occupy Central » reviendra toujours d’une façon ou d’une autre.
    Quant à l'influence du gouvernement du Canada, il ne peut nous aider, car toutes les critiques du gouvernement chinois seront considérées comme une mauvaise influence de l’étranger s’ingérant dans les affaires internes de la Chine. Cette ingérence pourrait déclencher un resserrement encore plus grand des restrictions applicables au processus d’investiture des candidats.
    Pour l'instant, la seule solution est que Hong Kong conclue un accord à part avec Beijing, pour amener la communauté à en arriver à un consensus sur une proposition nous rapprochant le plus possible d'un suffrage universel conformément aux décisions du 31 août du CP-APN. Ce pourrait être, par exemple, une mise en candidature conjointe par le comité de mise en candidature et le Conseil législatif. La liste complète serait approuvée par 50 % des voix, mais aucune des parties n'explorera une telle proposition.
     Voici une note plus optimiste après avoir dressé un portrait sombre. Un diplomate canadien en poste à Hong Kong m’a dit que l’ambassade du Canada à Beijing aide parfois le gouvernement de la Chine à interpréter ce que le gouvernement des États-Unis lui dit. J’imagine que c'est parce que le gouvernement chinois trouve utile d'obtenir de l'aide relativement à l'interprétation des propos subtils ou de la différence de culture qui existe entre les Américains et les Chinois. J’imagine que cela se fait à huis clos, et que ce qui a été dit ne serait jamais divulgué au South China Morning Post.
    Un haut diplomate américain qui a pris la parole à la Hong Kong Democratic Foundation — je pense que Dalena le connaît bien — nous a dit que si Mikhaïl Gorbatchov avait eu un petit morceau de Hong Kong, la réforme et l’ouverture de l’Union soviétique auraient pu mieux réussir.
    À propos de la situation à Hong Kong, il demeure possible — nous ne le savons pas encore, car rien ne se passe pour le moment — que Beijing soit disposée à prendre un peu plus de risques et à convertir la proposition actuelle d'« une personne, un vote » en un véritable suffrage universel conformément aux décisions du 31 août du CP-APN. Le résultat pourrait être très différent pour Hong Kong en juillet et pour la réforme et l'ouverture de la Chine dans un avenir très proche.
    Merci.
(1145)
    Merci, monsieur Lung.
    C'est au tour de M. Young, qui est professeur et doyen associé à la Faculté de droit, Université of Hong Kong. Monsieur Young, la parole est à vous pour sept minutes, s'il vous plaît.
    Je voudrais d'abord dire que c'est vraiment un honneur pour moi de témoigner aujourd'hui.
    Juste quelques mots au sujet de mes antécédents. Un grand nombre d'entre vous ont déjà décelé, j'en suis sûr, l'accent nord-américain. Certains parmi les plus perceptifs auront sans doute détecté l'accent du sud-ouest de l'Ontario. En effet, j'ai été élevé au Canada même si je n'y suis pas né. J'y ai fait mes études de droit. Mon premier emploi a été au ministère du procureur général de l'Ontario, Bureau des avocats de la Couronne - Droit pénal.
     Je suis venu à Hong Kong en 2001 et je suis professeur à l'université depuis 14 ans. Même si j'enseigne le droit pénal et la loi sur la preuve, la plupart de mes recherches portent sur le système juridique et le système politique de Hong Kong. Je suis le coauteur d'un livre intitulé Electing Hong Kong's Chief Executive.
    Au cours des prochaines minutes, je voudrais surtout parler de l'enjeu d'une réforme politique dans le contexte constitutionnel qui convient. Je crois très important de le comprendre, car il y a d'importantes différences par rapport aux autres régimes constitutionnels, celui du Canada ou d'autres. Il est très facile, je crois, de faire certaines hypothèses erronées au sujet de notre régime constitutionnel. Je vais donc essayer de mettre en lumière les premiers principes de notre régime constitutionnel.
    Comme Mme Wright l'a déjà mentionné, l'histoire de la démocratie à Hong Kong a été très lente et tardive, mais je voudrais surtout parler ici du chef de l'exécutif. En effet, avant 1997, le chef de l'exécutif était, bien entendu, le gouverneur et les Hongkongais n'ont jamais eu leur mot à dire au sujet de la sélection du gouverneur. Il était choisi par la reine sur la recommandation de ses ministres. Par conséquent, depuis 1997 — la déclaration conjointe de 1984 et la Loi fondamentale de 1990 — il y a eu un changement majeur à cet égard étant donné que pour la première fois, l'idée de donner aux Hongkongais leur mot à dire pour le choix du chef de l'exécutif est devenue une réalité.
    Maintenant, il est important d'examiner les termes de la déclaration conjointe. Elle ne parle pas de suffrage universel, mais du pouvoir du gouvernement central de nommer le chef de l'exécutif de Hong Kong en fonction des résultats d'élections ou de consultations tenues au niveau local. Ensuite, elle parle de l'assemblée législative, de sa constitution au moyen d'élections, et c'est tout. Elle ne dit rien d'autre au sujet de la forme que prendront les élections.
    Nous en arrivons ensuite à la Loi fondamentale qui est notre instrument constitutionnel et qui est arrivée six ans après la déclaration conjointe. Elle comporte 160 articles; c'est un assez long document. Elle met en oeuvre la déclaration conjointe et fait aussi beaucoup d'autres choses en apportant des précisions. C'est là que nous trouvons les premières mentions du suffrage universel, et en l'occurrence, nous parlons de l'article 45 pour le chef de l'exécutif.
    Ce dont il faut surtout se rappeler, c'est que même si Hong Kong choisit le chef de l'exécutif, c'est au gouvernement central qu'il revient de le nommer et que ce dernier n'a cessé de répéter qu'il s'agit d'un pouvoir réel et non pas d'une approbation automatique. C'est une caractéristique fondamentale de notre régime constitutionnel. Ce n'est pas comme au Canada où les citoyens des provinces votent et élisent un premier ministre sans que le gouvernement fédéral n'ait à confirmer leur choix. Ici, il y a un processus de confirmation.
    Le gouvernement central doit nommer la personne qui a été choisie au moyen d'élections. C'est, je pense, une réalité très importante, car c'est ainsi que Beijing voit les choses: que se passera-t-il si vous choisissez quelqu'un que nous n'approuvons pas ou en qui nous n'avons pas confiance? Cela posera un problème et cette personne ne sera donc pas nommée. Il faut recommencer.
(1150)
    Cela ne peut pas durer indéfiniment. C'est une source d'instabilité et si vous examinez les termes de la loi fondamentale, elle promet la stabilité, n'est-ce pas? C'est très important pour le gouvernement chinois. En fait, c'est important pour tout le monde. Par conséquent, voici comment le gouvernement central envisage la situation: « Nous voulons quelqu'un que vous allez élire, mais que nous n'aurons pas à rejeter. Comment pouvons-nous en être sûrs? » Il centre donc son attention sur le processus de mise en candidature.
    Avant d'en venir au débat actuel, voyons comment le chef de l'exécutif a été choisi jusqu'ici. La Loi fondamentale prévoit son élection par l'entremise d'un comité. C'était d'abord un comité de sélection composé de 400 personnes. C'est ce comité qui a mis en place le premier chef de l'exécutif. Il y a eu une mini-élection parmi ces 400 personnes. C'est le petit cercle électoral que l'on critique souvent à propos de notre système.
    Ce comité s'est élargi, passant à 800 membres la fois suivante, en 2002, mais il n'y a pas eu d'élection parce que personne ne s'est présenté contre M. C.H. Tung. Cela a souligné, encore une fois, les problèmes que pose le système, mais c'était un comité composé de 800 personnes qui avaient l'appui d'environ 200 000 personnes. Par conséquent, il y a eu, pour la première fois, une certaine participation du public au choix de ce dirigeant.
    La possibilité de faire des réformes et d'élargir le comité s'est ensuite présentée en 2005, mais il fallait pour cela modifier la Loi fondamentale. La formule d'amendement prévoit un processus en trois étapes. Vous devez faire approuver le choix du chef de l'exécutif par les deux tiers des législateurs et enfin, par le gouvernement central.
    En 2005, quand les démocrates ont reçu une proposition visant à élargir un peu le comité, à le rendre un peu plus démocratique, ils l'ont rejetée parce qu'ils avaient le pouvoir de veto. C'était la première fois qu'on essayait de modifier la Loi fondamentale.
    Ce qui est étonnant, c'est que les gens ont pensé que c'était la fin de la démocratie. En décembre 2007, le gouvernement de Beijing a décidé pratiquement seul, mais probablement sous la poussée du chef de l'exécutif alors en poste, Donald Tsang, il a rendu une décision disant qu'il pourrait accepter l'élection démocratique du chef de l'exécutif en 2017. Il a également dit qu'il devait le faire avant que l'assemblée législative ne devienne démocratique.
    Cela nous amène à 2007, la première fois que nous avons eu une élection. Puis nous avons eu une deuxième élection en 2012. Avant 2012, une autre occasion de modifier la Loi fondamentale s'est présentée. Bien entendu, la situation était différente car, sachant que nous aurons peut-être le suffrage universel en 2017, les démocrates étaient un peu plus disposés à faire des concessions. Par conséquent, la commission électorale a été élargie à 1 200 membres.
    Cela nous amène à aujourd'hui, car la décision du 31 août impose trois restrictions. Elle confirme l'objectif de Beijing qui est de veiller à ce que celui qui sera choisi ne sera pas un adversaire. Le gouvernement central pense que la solution est d'exercer un contrôle très serré sur le processus de mise en candidature. Cela nous amène aux problèmes fondamentaux que nous constatons du fait que la société s'attend à avoir un système beaucoup plus démocratique respectant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui a, bien entendu, été mis en oeuvre à Hong Kong par l'entremise de notre déclaration des droits sans vraiment bien comprendre la dynamique de ce que Beijing juge important en ce qui concerne la gouvernance.
(1155)
    Voilà où nous en sommes. Occupy Central a eu lieu et comme Alan l'a déjà expliqué très clairement, je pense, nous sommes dans une situation vraiment tragique. Les deux parties ne se parlent même pas, n'essaient même pas d'explorer des moyens de mettre en place un système plus démocratique dans le cadre de la décision du 31 août. Je suis un des universitaires qui ont essayé à de nombreuses reprises de proposer différentes façons d'établir un système mieux équilibré. Ce serait certainement une amélioration par rapport au système actuel et cela nous permettrait d'avancer. Malheureusement, les deux parties ne semblent pas se faire suffisamment confiance pour réaliser le moindre progrès. Cela me paraît vraiment regrettable.
    Je vais m'arrêter là.
    Merci beaucoup, monsieur Young, et merci à nos autres témoins.
    Nous allons procéder comme nous le faisons habituellement. Le premier tour de questions sera de sept minutes pour les questions et les réponses et nous allons commencer par M. Dewar.
    Merci, monsieur le président et je remercie nos témoins de leur superbe témoignage. Il nous est très utile pour notre travail.
    Juste pour décrire en quoi consiste notre travail, cette réunion est la dernière de nos trois séances sur la situation à Hong Kong suite auxquelles nous allons formuler des recommandations dans notre rapport au Parlement. Je tiens aussi à souligner que nous n'avons pas mentionné au cours de nos audiences que le Canada a, de toute évidence, un rôle très important à jouer. Nos témoins d'aujourd'hui sont la preuve des liens entre le Canada et Hong Kong.
    D'autre part, dans le contexte des célébrations du 70e anniversaire de la victoire en Europe, nous devons également comprendre le rôle historique que nous avons joué pendant la Seconde Guerre mondiale au prix d'énormes sacrifices. Je pense que nos liens sont profonds. Pour ceux qui se demandent pourquoi nous faisons cette étude et quelle est sa pertinence, je crois important de le mentionner.
    Monsieur Lung, je voudrais commencer par vous. Dans un rapport que la Hong Kong Democratic Foundation a déposé auprès du gouvernement de Hong Kong en mars, dans le cadre des consultations sur la réforme constitutionnelle, la fondation a écrit que « la démocratie à Hong Kong est bonne pour la Chine ». Compte tenu du témoignage que nous venons d'entendre et de l'importance de ne pas avoir l'air de nous ingérer indûment, mais d'apporter plutôt notre soutien, pouvez-vous nous expliquer un peu pourquoi vous avez fait cette déclaration, pourquoi elle vaut la peine d'être examinée. Je pose la question, car certains d'entre nous trouvent très étonnant qu'on se soit écarté de la feuille de route très claire qui a été établie. C'est ce qui a conduit aux manifestations et au mouvement Occupy. Par conséquent, je voudrais simplement que vous me disiez pourquoi vous pensez que la démocratie à Hong Kong est bonne pour la Chine. Pourriez-vous nous présenter vos arguments, s'il vous plaît?
    Il y a d'abord, du point de vue de la Chine, la résolution de ses problèmes internes. Par exemple, Hong Kong est vraiment le moindre de ses problèmes pour ce qui est des risques de séparation. Il y a de nombreux « séparatistes » potentiels comme elle les appelle et je pense que le Dalaï-Lama a été mentionné lors de votre dernière séance. Le cas le plus problématique est celui du Xinjiang et il y a ensuite Taïwan. Bien entendu, le principe « un pays, deux systèmes » a d'abord été mis en place pour Taïwan par Deng Xiaoping.
    Donc, dans cette optique, du point de vue de l'unification de la Chine, si Hong Kong devient démocratique, cela peut résoudre le problème. Si Hong Kong ne peut pas résoudre ses propres difficultés alors que tout nous est promis… Nous sommes prêts. Nous avons la maturité voulue. Nous sommes une région très internationale. Ce que nous faisons est très bon pour la Chine. Elle a copié nos systèmes. Par exemple, tout le système financier chinois est le même que le système de Hong Kong. Le processus se poursuit, même dans le monde financier.
    Il y a aussi l'innovation et la technologie. La Chine tient beaucoup à suivre cette voie, mais son système juridique ne le lui permet pas. Elle n'a aucun moyen de réformer son système juridique à cause de son système politique. Bien des gens le savent en Chine continentale. Ils abandonnent. La façon de résoudre le problème… Par exemple, il y a la question de la protection de la propriété intellectuelle. La plupart des sociétés internationales, de même que les entreprises chinoises, préfèrent placer leur IP à Hong Kong pour que Hong Kong la protège. Il ne s'agit donc pas seulement de résoudre les problèmes internes; c'est une question de réforme et d'ouverture. Les Chinois ne vont pas nous copier et nous ne pouvons pas les forcer à le faire. Mais ils s'inspirent de Hong Kong quand ils sont prêts à le faire. Nous ne pouvons pas leur dicter quoi faire. Néanmoins, chacun sait que nous surnommons Hong Kong la queue qui fait bouger le chien. Avec sa petite queue, Hong Kong a la possibilité de faire bouger le gros chien. La démocratie joue donc un rôle.
(1200)
    Madame Wright, j'ai lu l'article que vous avez publié dans Foreign Policy, l'année dernière, et où vous dites:
    La rétrocession de Hong Kong à la Chine en 1997 aurait dû souligner le renouveau et la confiance de la Chine — comme le concept d'un pays, deux systèmes devait le démontrer — mais cela n'a pas vraiment été le cas. Elle a plutôt révélé l'insécurité de Beijing et sa propension à attribuer ses difficultés aux étrangers qui ont des visées sur son centre financier.
    Pourriez-vous nous en dire davantage? D'après ce que nous venons d'entendre, la Chine ne rate-t-elle pas une occasion en s'abstenant de mettre en oeuvre le concept un pays, deux systèmes? Personnellement, je crois que c'est au coeur du problème. Le concept d'un pays, deux systèmes est vraiment compromis si les Chinois ne tiennent pas leur promesse.
    Vous l'avez dit aussi bien que j'aurais pu le faire.
    J'ai essayé de faire valoir, dans mon témoignage, que Deng avait de nombreux côtés négatifs, mais qu'il se sentait assez à l'aise au sujet de Hong Kong. Il reconnaissait sa valeur, non seulement sa valeur économique, mais aussi sa valeur pour la Chine, pour Taïwan, pour Macao et pour les membres de la communauté internationale qui devaient décider de l'endroit où situer leurs banques ou le siège social de leurs sociétés. Il ne s'inquiétait pas autant que l'administration chinoise actuelle de l'impact que Hong Kong aurait sur la Chine. Il a permis aux diverses provinces d'envoyer des délégations commerciales à Hong Kong pour voir ce qu'elles pouvaient faire sur le plan de l'investissement direct étranger. Il avait le sentiment que l'individualité de Hong Kong serait utile à la Chine. Et c'est cette idée qui s'est érodée.
    Maintenant, le désir de la Chine est de sublimer Hong Kong, de l'adapter à la Chine, de la rendre davantage comme la Chine et non pas se réjouir de son individualité et de son autonomie. C'est un signe d'insécurité. On craint que Hong Kong contamine le reste de la Chine, qu'elle soit le point de départ d'un courant prodémocratie et qu'elle ait un effet néfaste sur la Chine alors que, comme l'a dit le témoin précédent, elle peut avoir un effet salutaire sur l'ouverture de l'économie, sur le système juridique, sur le droit des contrats et sur la prévisibilité. C'est quelque chose dont il faut se réjouir. Ne pas s'en réjouir, en avoir peur, avoir une population divisée et belliqueuse et des étudiants aussi agités, ce ne sont pas des gages de sécurité pour la Chine qui perpétue cette situation.
(1205)
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Brown.
    Vous disposez de sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous nos témoins de s'être joints à nous.
    Madame Wright, je vais vous poser ma première question. Dans votre exposé, vous avez dit que le traité avait été signé et ratifié par la Chine, le Royaume-Uni et les Nations unies. Vous avez demandé ce que valent les traités s'ils ne peuvent pas être appliqués. Si l'on ne tient pas compte des traités, si on les désavoue ou ne les applique pas, quel rôle le reste du monde peut-il jouer à propos de cette situation?
    Oui, c'est une question très délicate. Comme chacun sait, la propension des Chinois à parler d'ingérence étrangère a été une question névralgique pour Hong Kong depuis les années 1980. La question qu'on s'est posée était la suivante: La Grande-Bretagne allait-elle déstabiliser délibérément Hong Kong après son départ? La démocratie serait-elle un fer de lance des intérêts britanniques plutôt que des intérêts chinois?
    L'intervention étrangère a été un sujet névralgique, même avant maintenant, et on s'en sert à présent pour dissuader de nombreux pays d'exprimer leur opinion. C'est une question délicate. Comme l'a dit le premier témoin, vous ne voulez pas être les jouets des conservateurs. Vous ne voulez pas ranimer la notion d'intervention étrangère.
    Cela dit, les autres pays auraient tort — et je pense que l'erreur a été commise — de dire: « Le suffrage universel n'est-il pas une bonne chose? N'est-ce pas ce que nous visons tous? N'est-ce pas quelque chose dont il faut se réjouir? » Eh bien non, si vous le tronquez, le minimisez et le réduisez comme on le fait. Voilà pourquoi j'en reviens au traité.
    Le traité prévoit l'individualité, l'autonomie et un pays, deux systèmes. C'est un moyen pour les puissances étrangères de s'organiser pour soutenir Hong Kong. On a demandé au Canada, aux États-Unis et au Japon d'appuyer ouvertement la déclaration conjointe. On leur a demandé de la célébrer. C'est un moyen d'aborder le problème en évitant les écueils de l'intervention étrangère tout en ranimant, célébrant et commentant la déclaration conjointe. Ce n'est pas la façon idéale de résoudre le problème, mais c'est une façon d'éviter les écueils de l'intervention étrangère et de l'homme de paille.
    Je vous remercie de vos observations.
    Je lance ma deuxième question aux messieurs pour savoir ce qu'ils en pensent.
    Monsieur Lung, vous avez dit que le Canada ne peut pas vraiment vous aider, car ce serait vu comme de l'ingérence et que la seule solution est que Hong Kong puisse conclure un accord.
    Monsieur Tiberghien, vous avez parlé de certaines questions pour lesquelles vous pensez que le Canada pourrait apporter son aide.
    Nous avons une énorme diaspora de Hong Kong et de Chine continentale. Tout d'abord, la diaspora a-t-elle des avis aussi tranchés à ce sujet que nous le voyons à Hong Kong et en Chine? Nous avons diplômé un nombre considérable de médiateurs dans notre pays. Le Canada peut-il jouer un rôle en aidant à jeter des ponts? Avons-nous un rôle à jouer en lançant des discussions qui pourraient donner un résultat?
    Je pose simplement la question à chacun d'entre vous.
    Nous allons commencer par M. Tiberghien.
    C'est une excellente question.
    Je suis optimiste à ce sujet, car j'ai déjà assisté à des dialogues de bonne qualité à l'UBC, par exemple. Nous avons des étudiants de Hong Kong et de Chine continentale et nous avons toutes sortes de diasporas, d'anciens étudiants, etc. De toute évidence, ce que Simon et Alan ont décrit est que même l'accord du 31 août laisse une marge de manoeuvre. Tout le monde ici conviendra, je pense, qu'il n'est pas réaliste de s'attendre à ce que CNP retire la décision du 31 août, du moins d'ici le prochain congrès du parti, à l'automne 2017, notamment parce que cela placerait Xi Jinping dans une situation très très difficile au sein du parti. Après 2018, il sera peut-être possible de repousser les limites, mais elles sont là pour le moment. Il est certainement possible, comme le travail de Simon l'a démontré, de repousser les limites de l'accord du 31 août. Il y a un manque de confiance. Il y a un fossé. Les deux parties ne l'ont pas encore franchi à Hong Kong.
    Oui, je suis optimiste. En tenant des tribunes publiques ou en poussant les partenaires locaux et autres à Hong Kong, tout ce qui pourrait favoriser… C'est un enjeu qui semble bien se prêter à la médiation. Il s'agit de la mener comme il faut. Néanmoins, comme l'a mentionné Simon, il doit y avoir un meilleur moyen de repousser les limites.
    Une autre option pour le gouvernement chinois et le gouvernement de Hong Kong serait de faire preuve d'une grande souplesse pour la mise en oeuvre ou la gestion du comité de sélection. Néanmoins, du côté des démocrates, il est évidemment impossible de voir là un engagement crédible. Comment pouvez-vous leur faire confiance…? Pour ce qui est de la sélection des membres, oui, il y aura 38 circonscriptions et tout cela. Il est encore possible de rendre le comité beaucoup plus représentatif, plus proche du public. Il est possible de pousser dans ce sens, mais je pense que les démocrates ne peuvent pas faire confiance au gouvernement. Néanmoins, cela reste encore une possibilité. Tout ce qui pourrait conduire à un dialogue de qualité, à abaisser un peu la température et vraiment explorer toutes les possibilités, au moins pour qu'il soit plus facile à 40 % du public et aux démocrates de donner leur accord, ou pour trouver un moyen de modifier le projet de loi pour le rendre acceptable…
    Selon le second scénario, si rien ne change, si l'affrontement se poursuit et si le projet de loi est rejeté, en 2017, nous appliquerons l'ancien système, ce qui conduira probablement à des manifestations dans la rue et beaucoup d'instabilité. Néanmoins, la Chine ne cédera pas non plus. Voilà donc la situation. Je demeure convaincu que si nous pouvions donner un coup de pouce au processus de 2017 — une homme, une femme, une voix, la tenue une élection, même s'il n'y a que deux ou trois candidats en lice  — aurait quand même un énorme impact, des retombées, dirais-je. C'est comme lorsque la France a procédé à la privatisation. Au départ, elle l'a fait en partie en gardant un certain contrôle, n'est-ce pas? Mais une privatisation même partielle a changé la donne, car elle a déclenché tout un mouvement. Je pense donc que la tenue d'une élection aurait quand même un énorme impact positif, mais il s'agit de trouver un moyen de la rendre plus acceptable.
(1210)
    En permettant aux deux parties de sauver la face.
    Exactement.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Brown.
    Nous passons maintenant à M. Garneau, pour sept minutes.
    Je remercie tous les témoins. Vous comblez certainement des lacunes dans mes connaissances.
    Comme je n'ai que sept minutes, je vais être assez rapide. J'espère que vous pourrez répondre brièvement et que vous ne me trouverez pas impoli si je vous interromps.
    Ma première question s'adresse à M. Young. A-t-on jamais envisagé un compromis selon lequel Beijing présenterait des candidats et Hong Kong présenterait les siens? Cette idée a-t-elle jamais été envisagée ou est-ce hors de question?
    S'il y a un compromis, il doit se situer au niveau de la structure du comité de mise en candidature. En fait, ce qui vient de se passer en avril est assez intéressant. Je ne sais pas si les gens en comprennent vraiment les conséquences, car bien que la composition du comité de mise en candidature soit la même que celle de l'ancien comité électoral, les règles régissant les votes sont un peu différentes. Avant, les membres du comité de mise en candidature pouvaient seulement choisir une personne que ce soit pour la mise en candidature ou pour l'élection. Cette fois-ci, le seuil fixé pour entrer dans la course est bas, c'est un seuil de 10 % — vous devez obtenir au moins 10 % des voix du comité. Vous aurez ensuite jusqu'à cinq ou dix personnes qui se retrouveront devant le comité pour essayer d'obtenir 50 % des voix.
    Voilà ce qui est intéressant. Le seuil de 50 % permet pour la première fois aux membres du comité de voter pour plus d'une personne, ce qui n'est jamais arrivé avant. C'est, je pense, ce qu'on appelle parfois un vote d'approbation. Ce qui est intéressant, et je l'ai décrit dans un article, est que vous avez trois types d'électeurs au sein du comité de mise en candidature: ceux qui votent uniquement pour les candidats pro-establishment; ceux qui votent uniquement pour les pandémocrates et ensuite ceux qui sont prêts à voter pour les deux, peut-être dans l'espoir d'avoir une élection plus concurrentielle.
    Nous ignorons l'importance du groupe du milieu. Nous savons que ceux qui votent uniquement pour les pandémocrates représentent peut-être environ 16 %. Un pandémocrate pourra peut-être recueillir suffisamment de voix de la part de 34 % des membres pour être mis en candidature. De nombreuses questions restent sans réponse.
    À mon avis, le mieux serait simplement de tester le système, car en fin de compte, cela nous ramène à la question de la composition du comité. Malheureusement, le gouvernement n'est pas prêt à la changer pour le moment, mais il pourrait probablement l'assouplir la prochaine fois. Il pourrait peut-être y avoir certains membres directement élus.
    Par conséquent, les discussions ne sont pas près de finir.
(1215)
    Merci.
    Monsieur Tiberghien, vous avez laissé entendre qu'il n'y avait peut-être pas tout à fait unanimité à Beijing à l'égard de ce processus en ce sens qu'il y a des conservateurs et ce que je pourrais peut-être appeler des progressistes.
    Y a-t-il la moindre chance que les choses évoluent dans la direction des progressistes? Est-il possible qu'au cours des années à venir, si le gouvernement de Beijing n'est pas prêt à céder cette fois-ci, il pourrait le faire pour la prochaine élection d'un chef de l'exécutif?
    Oui, les choses peuvent évoluer à long terme.
    À court terme, n'oublions pas que Xi Jinping s'est plus ou moins lancé dans un combat à mort. Sa priorité absolue est de procéder à des réformes économiques et sociales pour sortir du piège du revenu moyen et des terribles inégalités. Il a vraiment des gros problèmes à résoudre, mais il ne peut pas le faire sans s'attaquer aux prix gérés par l'État et à certains gros intérêts.
    C'est notamment pour détruire l'opposition que son parti se sert de la campagne contre la corruption, mais depuis 30 ou 40 ans, il est le premier dirigeant à s'être attaqué en même temps au chef de l'armée, au chef de la sécurité intérieure, Zhou Yongkang, un protégé de l'ancien dirigeant Jiang Zemin. Certaines personnes pensent qu'il lutte pour sa vie. S'il commet une erreur, il pourrait être assassiné ou… C'est un jeu très risqué.
    Dans ce contexte, je ne pense pas qu'il puisse donner l'impression d'être mou sur le plan de la souveraineté avant le prochain congrès du parti. Néanmoins, après le congrès, le jeu est…
    Ce serait en 2018.
    Monsieur Lung, j'ai une question pour vous.
    Vous avez mentionné les sondages d'opinion. D'après vous, que disent les sondages actuellement à l'égard de la question dont nous parlons aujourd'hui?
    Les derniers résultats des sondages apparaissent en note de bas de page. Le 28 avril 2015, dans l'ensemble, 47 % étaient pour, 38 % étaient contre et 16 % sans opinion. Néanmoins, 65 % du groupe âgé de 18 à 29 ans étaient contre. Par conséquent, les jeunes qui siègent à l'arrière de la chambre sont contre. Mon fils est contre. La jeune génération s'inquiète pour son avenir.
    Il est très intéressant de voir que 55 % des diplômés universitaires sont contre tandis que 55 % de ceux qui n'ont qu'un diplôme d'études secondaires ou moins sont pour. Ce sont donc les gens plus jeunes et plus instruits qui n'aiment pas ce qu'on leur propose.
    Je suis d'accord avec Yves Tiberghien, le témoin précédent, pour dire qu'il reste une marge de manoeuvre. Toutes les possibilités n'ont pas été bien explorées, même dans le cadre des décisions du 31 août du CP-APN.
    Je ne dis pas que c'est ma proposition qui doit aboutir, mais il y a des possibilités d'amélioration. Pourquoi ne sont-elles pas explorées par le gouvernement de Hong Kong? Pourquoi n'est-ce pas négocié par les deux parties? Je l'ignore. Par exemple, la proposition que j'ai soumise et qui n'était pas suffisamment détaillée prévoit que les mises en candidature du conseil législatif devraient réduire la liste à deux ou trois candidats comme l'exige la décision du 31 août. Cela revient à l'investiture d'un parti. Il n'y a pas de loi à cet égard à Hong Kong. Il nous est impossible d'obtenir l'investiture d'un parti parce que nous n'avons pas suffisamment de temps pour créer une loi régissant les partis, mais il s'agit effectivement de l'investiture d'un parti. C'est entièrement conforme à l'article 25 du PIRDCP.
    Comme les pandémocrates ont plus de 20 membres, ils entreront. D'autre part, l'approbation de la liste par 50 % des membres confère à Beijing le pouvoir de veto à l'égard de ses préoccupations en matière de sécurité nationale. Cela lui permet de rayer de la liste un candidat qu'il n'aime pas, mais il aurait à rayer toute la liste.
    Cette théorie n'est pas notre invention. Elle a été inventée par le groupe dit des 13 universitaires. L'approbation de la liste par 50 % des membres est en fait une théorie économique. On l'appelle la « théorie des jeux » parce qu'on pense que les membres du comité de mise en candidature sont tout à fait rationnels. Si le comité rejette une candidature, il sera possible d'inclure une personne acceptable aux yeux de Beijing avant le déclenchement des élections. Tout cela est conforme à la décision du 31 août.
(1220)
    Merci.
    Merci, monsieur Lung, c'est tout le temps dont nous disposons.
    Nous allons entamer notre deuxième tour, qui sera de cinq minutes.
    Je vais commencer par M. Trottier.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être des nôtres aujourd'hui.
    Madame Wright, j'ai apprécié certaines de vos observations, notamment quand vous avez dit que la Chine d'aujourd'hui n'est plus la Chine qui a négocié la déclaration conjointe. Il s'est passé beaucoup de choses depuis et à l'époque, Deng Xiaoping n'avait pas peur de l'individualité de Hong Kong. Je pense qu'aujourd'hui on hésite à respecter l'identité unique de Hong Kong pour des raisons qui sont propres à la Chine.
    Néanmoins, comme vous l'avez souligné, le fait est qu'il s'agit d'un traité officiel reconnu par les Nations unies et d'autres entités. L'autre signataire important de ce traité est le Royaume-Uni et j'aimerais savoir si vous pourriez nous dire ce qu'a fait le Royaume-Uni pour assurer l'application du traité qu'il a conclu avec la Chine.
    Je sais qu'il y a actuellement des élections au Royaume-Uni et que les signaux politiques pourraient changer. Néanmoins, depuis une quinzaine d'années, qu'a fait le Royaume-Uni pour s'assurer que le traité était respecté?
    Très peu, malheureusement. Le parti au pouvoir, peut-être jusqu'à minuit ce soir, a certainement favorisé le commerce et les échanges commerciaux. C'est un signe des temps et tout le monde le fait. Néanmoins, il a eu beaucoup de difficulté à trouver le bon moment pour intervenir. Quand doit-il s'exprimer en faveur de Hong Kong, ou réaffirmer le traité ou réaffirmer les droits qu'il a conservés pour la supervision du traité? Il a été très timide à ce sujet.
    Vous avez constaté, je pense, un désaccord entre les députés qui voulaient une réponse plus énergique et le gouvernement qui ne le souhaitait pas. Nous avons vu quelque chose de très inhabituel à Londres quand l'ambassadeur s'en est pris aux députés et que la Chine a refusé d'émettre des visas à des parlementaires qui voulaient faire le travail eux-mêmes ou enquêter sur la situation à Hong Kong.
    Ces réactions ne sont pas étonnantes. Néanmoins, le gouvernement ne semble pas enclin à agir. Quelles sont les chances que le gouvernement, le Foreign Office, le Parlement, trouvent un terrain d'entente et ne s'en écartent plus?
    Mon propre gouvernement a fait la même chose en ce sens qu'il a tronqué la politique, félicité la Chine et Hong Kong de ce mouvement vers le suffrage universel en restant relativement silencieux à l'égard de l'éléphant dans la pièce, c'est-à-dire comment délimiter les propositions actuelles. Vous ne pouvez pas vous réjouir d'un côté et rester silencieux de l'autre.
    Même si vous êtes réfléchi, même si vous êtes prudent, même si cela ne vous passionne pas, vous devez trouver une série solide de propositions et y souscrire.
    Hugo Swire, le ministre responsable, a fait entendre différents sons de cloche. Il a manqué de constance. Il était beaucoup plus énergique il y a un an qu'il ne l'a été récemment. Ce n'est pas sain. Trouvez au moins votre position éthique, trouvez votre position pratique, trouvez la voie à suivre et soyez constant.
    Cela leur a été difficile.
(1225)
    Merci.
    Monsieur Young, dans votre témoignage, vous avez signalé que les mots « suffrage universel » ne sont pas dans la déclaration conjointe. Je suppose que d'une certaine façon, Hong Kong est elle-même passée à autre chose. On cherche des éléments particuliers.
    Pouvez-vous nous éclairer à cet égard? Pourquoi est-ce que le suffrage universel n'a pas été intégré dans la déclaration conjointe? Est-ce que c'est quelque chose que le Royaume-Uni ou les démocrates de Hong Kong ont exigé et dont on a convenu du retrait? Est-ce plutôt que ça n'a jamais été une visée de la déclaration conjointe initiale?
    Vous supposez que ça a été exclu. Nous ne savons pas si quelqu'un l'a proposé. Je crois que les deux parties, le Royaume-Uni et la Chine, ont été satisfaites du choix du terme « élection » et heureuses de son caractère imprécis, sachant que ces éléments seraient étoffés ultérieurement.
    Par ailleurs, vous devez savoir que le processus d'ébauche de la Loi fondamentale, l'instrument constitutionnel, qui est une loi chinoise, n'a pas mis les Britanniques à contribution. C'est un processus qui a impliqué le comité de rédaction composé d'habitants de la Chine continentale et d'habitants de Hong Kong, mais surtout d'habitants de la Chine continentale. Dans le cadre de ce processus, ils sont arrivés au terme « suffrage universel ».
    Qui l'a proposé? Nous ne le savons pas, parce que nous n'avons pas les procès-verbaux des réunions. Ils ne sont pas disponibles. C'est dans un cadre chinois, comme le diront les Chinois, que ces mots sont apparus.
    Merci beaucoup pour cette information.
    Nous allons passer à M. Saganash, qui a cinq minutes à sa disposition.
    Je tiens à remercier les témoins. Je suis allé à Hong Kong une ou deux fois, donc ce que j'entends aujourd'hui m'interpelle. Je suis heureux de ces témoignages.
    Monsieur Tiberghien, dans le document de référence que vous avez remis au comité, vous formulez la recommandation suivante:
    Dans sa réponse officielle à ce qui se vit actuellement à Hong Kong, le Canada doit continuer de défendre la primauté du droit, les droits et libertés de la personne ainsi que le processus d'ordre établi dans la Loi fondamentale. Le Canada doit également continuer d'encourager la retenue et le pacifisme, notamment au chapitre des interventions gouvernementales.

[Français]

     Comme vous le savez sans doute, le NPD a proposé à la Chambre des communes une motion qui a été adoptée unanimement. Cette motion faisait sensiblement appel aux mêmes principes, soit le fait d'observer de la retenue dans les manifestations, le respect de la présente entente, le principe du « Un pays, deux systèmes » ainsi que le maintien d'un dialogue ouvert et responsable sur la réforme électorale.
    Selon vous, y a-t-il d'autres moyens que le gouvernement et le Parlement canadiens pourraient utiliser pour exprimer leur appui à ces questions de principe touchant les droits de la personne, la primauté du droit à Hong Kong et ainsi de suite?
    Malgré le ton très positif que vous avez employé devant ce comité, je crois que vous avez dit que les gens qui gouvernent Hong Kong devraient à la fois être compétents, autonomes et patriotiques. Or cela vous semblait impossible.
     Est-ce que c'est le cas et pourquoi?
    Je vous remercie. Vous soulevez beaucoup de questions délicates.
    Je vais simplement ajouter un mot concernant la question précédente. Il y a un livre qui explique bien des choses à ce sujet. Il s'intitule Experiences of China, de Percy Cradock. Ce dernier était l'un des conseillers des Anglais en 1984. Il explique dans son livre que les Anglais s'étaient mis d'accord pour ne pas mettre en oeuvre de processus démocratique avant 1997. Il y avait derrière cela toute une entente secrète. Celle-ci a été dévoilée lorsque Chris Patten est arrivé au poste de gouverneur parce qu'il allait contre les promesses révélées dans le livre de Percy Cradock.
    En ce qui concerne ces questions difficiles, il est vrai que c'est un peu une danse. Un pays démocratique comme le Canada, pour qui beaucoup d'enjeux et de liens humains sont en cause, doit pouvoir réaffirmer toutes ses valeurs, ses principes et ainsi de suite.
    Par exemple, on a vu que la réaction de la police, le 28 septembre dernier, n'était pas adéquate. Ce fut assurément pour elle un baptême du feu. Les policiers n'étaient pas bien entraînés pour faire face à cette situation et des erreurs ont été commises. Dans de tels cas, il est vrai qu'un pays comme le Canada peut toujours réaffirmer fortement ses valeurs, ce qui a de toute façon un effet. Ce n'est pas une intervention directe, étant donné qu'on ne dicte pas une conduite à suivre, mais cela joue un rôle à cet égard.
    Je crois que l'une des grandes qualités du Canada est sa capacité de dialogue multiculturel et de délibération. Il s'agit de qualités très fortes, de talents de médiation multiculturelle et ainsi de suite. Il faut essayer de mettre cela en avant. Pour avoir un effet plus large, il faut peut-être toujours faire valoir l'aspect gagnant-gagnant. Nous sommes conscients des défis auxquels est confronté le leadership chinois, mais nous ne cherchons pas à intervenir. D'une part, nous soutenons les réformes, mais de l'autre, nous soutenons nos valeurs à cet égard. Nous continuons donc de croire qu'il est possible de faire les deux en encourageant ce dialogue.
    Par ailleurs, il faut résoudre la question d'avoir des gens compétents, légitimes, soutenus par la population et qui ont en plus la confiance de Beijing. C'est la quadrature du cercle que Beijing n'arrive pas à réaliser. L'un des problèmes est que la relation n'est pas bonne entre Beijing et l'ensemble des leaders démocrates ainsi que les jeunes qui émergent. Or ce n'est pas le cas uniquement chez les membres plutôt réactionnaires, mais aussi chez les réformistes.
    Comment encourager ces liens? Il faudrait que le dialogue soit beaucoup plus important, et ce, des deux côtés. Comme enseignant, je remarque que moins de jeunes de Hong Kong obtiennent maintenant des doubles diplômes, c'est-à-dire en Chine et à Hong Kong, ou essaient d'être formés en Chine tout en étant à Hong Kong. Il faut essayer de construire tous ces liens humains parce qu'il y a aujourd'hui un problème de confiance. Les gens compétents de Hong Kong n'arrivent pas à assurer Beijing que, malgré leurs compétences, ils n'ont aucune envie de déclencher une sécession ou des problèmes de sécurité. De son côté, Beijing n'arrive pas à leur faire confiance, alors qu'en fait, le fossé est tout petit.
    Comme le disaient Simon et Alan, il est très peu probable qu'un avocat ou un professionnel de Hong Kong qui est proche du parti démocrate soit un sécessionniste ou veuille menacer l'intégrité de la Chine. Par contre, il n'arrive pas à le démontrer à la Chine. Celle-ci bloque donc des gens qui, en réalité, ne constituent pas une vraie menace. C'est un aspect tragique de la méfiance.
(1230)

[Traduction]

    Merci beaucoup, merci.
    Monsieur Saganash, c'est tout le temps qu'on a.
    Nous allons terminer cette première série de questions par M. Goldring, qui a cinq minutes à sa disposition.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Monsieur Lung, je suis tout à fait d'accord avec vos observations et l'exposé que vous avez fait ici aujourd'hui. Le gouvernement canadien ne peut nous aider parce qu'il est considéré comme une mauvaise influence de l'étranger et, bien sûr, l'ambassadeur a expliqué très clairement cette position dans une lettre qu'il nous a adressée. Je crois que ce serait la même chose pour le Royaume-Uni ou les États-Unis, si ces pays essayaient de suggérer...
    Il y a un autre groupe, par contre, un groupe de parlementaires de quelque 150 pays, l'Union interparlementaire, qui est plus ou moins rattaché aux Nations unies, à New York. Est-ce que ce n'est pas là un organe auquel vous pourriez en référer directement? Peut-être que tout le monde pourrait en profiter, parce que vous avez également déclaré que d'associer le terme de « suffrage universel » aux élections iraniennes, c'est pousser un peu sur les bords. Ne serait-il pas bien de soumettre ce terme de « suffrage universel » ainsi que vos questions et préoccupations à cet organe afin d'obtenir un genre de résolution de sa part, à l'exemple de notre rapport que nous allons publier? Je ne sais pas jusqu'à quel point ça influencera les choses, mais venant d'un groupe de parlementaires de 150 pays, j'ose croire que cela aurait un effet très important et serait très crédible. Qu'en pensez-vous?
(1235)
    Malheureusement, les Canadiens ne peuvent nous aider. Le gouvernement canadien, soit le Parlement et le service extérieur, doit se positionner et éviter le contrecoup qu'entraînerait tout genre de critique ouverte, ce qui serait instantané.
    Je crois également que les diplomates canadiens conseillent Beijing de manière très indirecte sur des enjeux sans rapport avec Hong Kong. J'encourage vraiment votre service diplomatique ou quiconque à faire cela et à leur expliquer comment ils seraient perçus s'ils accordaient simplement à Hong Kong un petit peu plus de place, l'avantage qu'ils en retireraient. Par contre, une critique ouverte de la Chine de la part d'un gouvernement étranger, y compris cet organe de 150 parlementaires, ne serait pas bien accueillie.
    Au bout du compte, ça pourrait ne pas donner les résultats escomptés, parce que nous sommes très près de l'échéance, dans deux mois, et nous devons nous arranger pour qu'elle passe non pas par quatre ou cinq voix de majorité, mais environ une douzaine de voix, c'est-à-dire une majorité absolue. Pour y arriver, il faut une médiation.
    Bien sûr, les Canadiens ont un rôle de médiation, mais les médiateurs doivent être très discrets. J'inviterais le gouvernement canadien à faire cela. Ce serait utile.
    Dans une autre note, vous dites que cet accord doit respecter les droits humains des citoyens pendant 50 ans après la rétrocession du territoire. Est-ce qu'on se pose des questions au sujet de cette limite de 50 ans? La philosophie chinoise étant ce qu'elle est, une durée de 50 ans représente un simple battement de paupières. Y a-t-il une raison pour laquelle on a fixé ce délai à 50 ans?
    Qui veut répondre?
    Monsieur Tiberghien.
    Si on lit les discours de Deng Xiaoping, à l'époque, il a dit ceci: « Je vous en accorde 50 pour vous montrer que je ne plaisante pas. » Il avait ce plan à long terme en tête, selon lequel, en 50 ans, la Chine se développerait et se moderniserait suffisamment pour arriver au niveau de développement de Hong Kong. C'était sa grande ambition. Il a aussi dit ceci: « Je pourrais vous donner 50 ans de plus », ou « Nous verrons où cela nous mènera. » La Chine n'a pas fermé la porte.
    Ça s'est révélé, de la part de Deng Xiaoping, une image de tous les projets qu'il avait pour la Chine. Je ne crois pas que ce chiffre soit le résultat d'un calcul sérieux.
    Merci.
    Je vous remercie, monsieur Goldring.
    Nous allons passer à M. Schellenberger, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, et je remercie tous nos témoins. J'ai entendu M. Garneau dire qu'on a éclairé sa lanterne. La mienne aussi.
    Monsieur Lung, jusqu'à quel point Beijing craint-il de s'aliéner les jeunes de Hong Kong?
    Votre question est plus courte que je ne m'y attendais.
    Je crois que Beijing a vraiment, vraiment peur de perdre une génération. Ce que j'ai lu tout de suite après le mouvement Occupy Central, c'est qu'ils ont vraiment, vraiment peur de perdre M. Law, le président de la fédération étudiante, qui, je crois, a témoigné devant vous. Je ne sais pas pourquoi ils ont été, pour reprendre leurs termes, « plutôt indulgents » en essayant de ne pas les critiquer. Au lieu de cela, ils blâment le développement économique. Ils sont vraiment inquiets et l'une des motivations de Beijing, c'est de trouver le moyen de reconquérir la confiance de cette génération, parce que, s'ils entraînent ma désaffection — j'ai déjà 50 ans —, combien de temps me reste-t-il à vivre? Ça n'a pas vraiment d'importance. Ils peuvent me tolérer pendant 20 ans, jusqu'à mon décès. Par contre, les jeunes vont vivre plus longtemps, et perdre une génération est vraiment un gros risque pour eux. C'est pourquoi ils ont fait preuve, selon leur terme, d'indulgence envers le mouvement Occupy Central.
(1240)
    Nous avons entendu diverses versions de ce qui pourrait être fait, mais comment imaginez-vous un compromis politique concernant l'élection des membres de l'administration de Hong Kong? Y a-t-il place pour le compromis et quel est le processus de mise en candidature que Beijing pourrait tolérer, qui respecte les préférences des Hongkongais?
    Il y a plusieurs propositions sur la table. La mienne n'est pas la seule. Simon et d'autres ont proposé bien des choses. Je crois que le fond du problème pour Beijing, c'est qu'il doit respecter les décisions du 31 août. Le principal, c'est qu'il ne laissera pas tomber son pouvoir de radiation. La minorité dite occidentale, les démocrates, n'a pas cela à l'esprit. Elle voit cela comme un genre de suffrage universel, une question de principe. Beijing le voit comme une mesure de protection de sa souveraineté. Dans son esprit, il ne peut accepter que quelqu'un qui lutte contre les intérêts de la Chine devienne le chef de l'exécutif. Franchement, il a toujours eu le pouvoir de ne pas nommer; donc, une approbation par 50 %, c'est en fait confier la sale besogne au comité de mise en candidature. Vous pouvez le voir ainsi. Donc, est-ce que la majorité hongkongaise sera prête à faire ce compromis? Comme l'a dit Simon, nous ne sommes pas un pays indépendant. Beijing conserve le pouvoir de nommer et, contrairement aux provinces du Canada, où aucune nomination n'est effectuée par le gouvernement d'Ottawa, il y a un processus de nomination. Cet élément a toujours fait partie de la Loi fondamentale.
    Merci.
    Madame Wright, vous avez écrit que l'incapacité de se gouverner de Hong Kong avait été mise en branle par des politiques adoptées sous le régime britannique. Étant donné que le gradualisme est la norme depuis longtemps à Hong Kong, combien de temps sera nécessaire pour atteindre la démocratie complète et entière? Est-ce chose impossible dans les circonstances actuelles?
    Je crois, oui. La réponse, c'est que c'est impossible dans les circonstances actuelles. La Chine devrait être différente pour que la démocratie se développe. Il n'y a pas grandes chances pour que cela se produise bientôt.
    J'aurais une remarque à faire si vous le permettez: plus tôt, on a parlé des premières années et du suffrage universel ainsi que de la déclaration conjointe; il faut savoir que la Chine ne voulait pas entendre parler d'élection ni de gouvernance future dans la déclaration conjointe. C'est la raison pour laquelle ça reste un enjeu depuis longtemps. Elle avait pris un instantané de Hong Kong en 1984 et c'est ce qu'elle voulait qui continue; elle estimait que la gouvernance et les institutions seraient choisies plus tard dans le contexte de la Loi fondamentale.
    C'est la Grande-Bretagne qui a dit à la Chine qu'elle ne pouvait obtenir le soutien du peuple en 1984 sous promesse que quelque chose de bien se produirait quatre ou cinq ans plus tard dans la Loi fondamentale. Elle a donc persuadé la Chine de parler de démocratie et de gouvernance future et elle a mis de l'avant des propositions pendant l'été 1984. Toutes les propositions ont été rejetées par la Chine. La seule raison pour laquelle ils ont obtenu ce qu'ils ont, c'est que l'échéance de septembre approchait et que les Britanniques ont finalement trouvé la bonne formule, et la Chine, ne sachant plus quoi faire, a accepté la version finale. Pour cette raison, ce langage n'est ni pondéré, ni réfléchi ni d'une grande portée.
    J'insiste ici pour dire que ce dont parlait Cradock dans ses mémoires n'était pas un accord visant l'absence de démocratie d'ici 1997. Il a déclaré qu'il n'allait pas obtenir plus que ce que les Chinois étaient prêts à tolérer. Par ailleurs, dans le cadre de la Loi fondamentale, les Britanniques se sont bel et bien engagés dans le processus et ont plaidé avec véhémence en faveur de représentants élus par la population, afin de relever la barre dans les années à venir. C'est une histoire très compliquée et ça appuie votre argument, qui veut que c'est un va-et-vient depuis 1984 et que ça continuera de l'être pendant quelques années encore, hélas.
(1245)
    Merci. Je vous remercie, monsieur Schellenberger.
    Nous allons maintenant passer à M. Dewar, qui a cinq minutes à sa disposition.
    Pour approfondir cette idée, je veux m'adresser à MM. Lung et Young à Hong Kong. Est-ce que les propositions actuellement mises de l'avant par les autorités hongkongaises pour l'élection du chef de l'exécutif en 2017 sont conformes à la Loi fondamentale de Hong Kong et à l'esprit de la déclaration de 1984?
    La déclaration conjointe ne dit pas grand-chose. Elle parle d'élection ou de consultation.
    D'accord.
    Est-ce qu'elle en respecte la lettre? Oui. Quant à l'esprit, le sujet peut nous faire tourner en rond. Par ailleurs, en ce qui concerne la Loi fondamentale, encore une fois, je pense que c'est quelque chose dont vous devez attribuer le mérite à la Chine. Elle essaie de fonctionner avec l'énoncé de l'article 45 et les décisions précédentes du comité permanent. Si vous examinez le langage utilisé là, c'est généralement cohérent.
    Une chose que j'ai soulignée et qui est un peu anormale, c'est la mention de deux ou trois candidats. Cette notion, bien sûr, ne fait pas partie de la Loi fondamentale. Comme je l'ai écrit, c'est uniquement l'opportunisme qui a motivé ce geste. L'une de mes dernières propositions aux pan-démocrates a été de formuler une contre-proposition visant à relever ce nombre à cinq, parce qu'il sera alors possible d'arriver à dépasser le seuil du 50 %, mais ils ne seront pas dans les trois premiers. Ils devraient augmenter le nombre de postes.
    La limite de deux ou trois candidats n'est qu'une question d'opportunisme, mais en ce qui concerne le gouvernement par la majorité, l'article 45 contient des éléments de cela et je peux comprendre pourquoi ils le disent. Bien sûr, la référence au comité des élections renvoie à l'une de leurs décisions antérieures. Donc, sur la base du texte, il y a cohérence.
    Monsieur Lung, que pensez-vous de cette proposition?
    S'il y avait une proposition, disons, qui interdise au Parti conservateur du Canada de présenter des candidats, le parti protesterait certainement.
    Quant au respect de la Loi fondamentale, il y a certainement conformité... il y a un élément majeur au sujet du système. C'est un enjeu constitutionnel et je vais en référer au professeur. Il semble que même face à la Loi fondamentale, le NPC a le pouvoir d'adopter de nouvelles choses telles que la décision 8.31, laquelle devient partie de la Loi fondamentale.
    Cela dit, même avec la décision 8.31 du 31 août, la proposition mise de l'avant par le gouvernement n'exploite pas toute la place disponible. Ça demeure une proposition très restrictive. Pourquoi? Nous ne pouvons que supposer que c'est là une décision politique. Même à la suite de la décision 8.31, qui fait maintenant partie de la Loi fondamentale, les décisions politiques peuvent donner plus de marge de manoeuvre. Une décision politique doit être négociée, mais personne ne propose ces pourparlers — et c'est une façon très évidente de le dire — parce que l'expérience du Parti démocratique qui a pris l'initiative de négocier, je crois, en 19...
    Une voix: C'était en 2010.
    M. Alan Ka-lun Lung: ... oui, c'était en 2010. Ce qu'ils disent, c'est que vous voulez que je saute par la fenêtre, parce que si leurs partisans croient qu'ils ont fait un compromis, ils ne seront pas réélus. Si vous demandez à quatre personnes de sauter par la fenêtre, elles ne le feront pas. Ils veulent que 12 personnes au moins sautent en même temps. Pour que 12 personnes sautent ensemble, il faut une proposition plus accommodante, plus juste, qui se rapproche de ce que nous considérons comme le suffrage universel. Même en vertu de la décision 8.31, qui fait maintenant partie de la Loi fondamentale — c'est la raison pour laquelle la Chine affirme qu'elle ne la changera pas —, il y a place à amélioration.
(1250)
    Merci.
    Nous allons terminer par M. Wilks qui dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai une question à l'intention de MM. Lung et Young.
    Il y a deux semaines environ, le 22 avril 2015, dans une allocution devant le Conseil législatif, la secrétaire en chef du gouvernement de la RAS de Hong Kong, Carrie Lam, exposant les grandes lignes de propositions et préconisant ces dernières, a déclaré qu’il n’est ni pratique ni réaliste de s’attendre à ce qu’un seul ensemble de propositions soit en mesure d’atteindre les idéaux de peuples différents. Elle a poursuivi en faisant remarquer que les propositions essaient de trouver un terrain d’entente et le juste milieu parmi les nombreuses exigences et points de vue divergents.
    Toutefois, ce qui a attiré mon attention, c’est le fait que, dans ses observations finales, Mme Lamb ait également commenté la nécessité pour les législateurs de chercher avec grand soin à savoir si l’adoption de ces propositions serait préférable à l’impasse constitutionnelle pour la défense des intérêts généraux et futurs de Hong Kong.
    J’aimerais que vous commentiez ses observations finales quant à une possible impasse constitutionnelle. L’un ou l’autre peut répondre en premier.
    Une des choses que le gouvernement souligne, c’est l’ironie de la situation voulant que les pan-démocrates mettent leur veto à la démocratie. C’est un clou qu’ils enfoncent parce que toute personne pragmatique admettra qu’une certaine progression est mieux que le système en place. Par ailleurs, les pan-démocrates ont des principes et invoquent la norme internationale que traduit le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Selon l’article 25 de ce pacte, tout citoyen a le droit de voter et d’être élu sans restrictions déraisonnables. Leur point de départ, c’est que ces trois restrictions que comporte la décision 8.31 sont déraisonnables; par conséquent, elles doivent toutes être retirées du texte.
    Voilà donc leur principe, mais ils se fichent de l’incidence stratégique ou des répercussions concrètes qu’aurait cette modification de la proposition du gouvernement. C’est la raison du blocage des négociations. Aussi, comme Alan vient de le dire, ils estiment qu’ils perdront des votes s’ils reviennent sur leur position de principe.
    Je viens de lire sur mon iPhone que Martin Lee est venu dire que les pan-démocrates devraient engager des pourparlers avec le gouvernement central. Le résultat d’une telle démarche pourrait être la modification de certaines de ces restrictions, mais non leur élimination complète. C’est essentiellement ce que je préconise moi aussi: axer les efforts sur ce qui est faisable, et peut-être arrivera-t-on à augmenter le nombre visé. Cette négociation n’a pas eu lieu et on ne dirait pas que ce soit une possibilité. Je ne sais pas très bien comment ça va se terminer.
    Parlant de principe, il est certain que j’appuierais le rejet de la proposition actuelle par les pan-démocrates pour des raisons de gouvernance, pour des raisons très pratiques, parce que, s’il y a des restrictions, les personnes compétentes ne seront tout simplement pas nommées, et Hong Kong n’arrivera jamais à régler ces problèmes de gouvernance et à placer au gouvernement les personnes qui feront fonctionner Hong Kong. Dans mon esprit, c’est aussi simple que cela. Nous voulons les bonnes personnes, un régime qui permet de choisir les bonnes personnes à la tête de Hong Kong. Derrière ce supposé principe, il y a aussi la prise en compte de manière pratique et pragmatique de l’éventualité de négociations.
    Il y a des changements subtils, en dépit de ce que M. Young affirme. Tant le gouvernement que le Parti démocratique ont bougé. Ils affirment dorénavant, dans un langage très subtil — et seulement des personnes comme nous le remarqueront, parce que nous lisons les journaux tous les jours — qu’au lieu de rejeter complètement la décision 8.31, le Parti démocratique affirme maintenant qu’elle doit être modifiée.
    Dans sa livraison du jour, le Hong Kong Economic Journal reprend vraiment les propos de plusieurs. Bien des gens font planer l’idée qu’elle pourrait ne pas être rejetée. La majorité pourrait être de quatre voix. L’offre de Beijing pourrait ressembler à un compromis.
    Voilà donc les subtils changements qui se dessinent, mais personne ne négocie encore, pour autant que je sache.
(1255)
    Je vous remercie.
    Merci à vous, monsieur Wilks.
    Nous voulons vous remercier, madame Wright, d’avoir participé à nos débats à partir de Cambridge; vous aussi, messieurs Lung et Young, à Hong Kong, nous vous remercions d’être restés debout jusqu’au milieu de la nuit pour parler avec nous. Merci.
    Monsieur Young, je suis moi-même diplômé de l’Université Wilfrid Laurier. Je suis donc heureux d’avoir rencontré un confrère ce soir.
    Monsieur Tiberghien, à Ottawa, je vous remercie infiniment de votre participation aujourd’hui.
    Je vais suspendre la séance pendant 30 secondes, le temps de mettre fin aux connexions pour vidéoconférence. Nous reprendrons ensuite à huis clos pour présenter rapidement une motion.
    Je vous remercie beaucoup.
    La séance est levée pendant 30 secondes, le temps de passer à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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