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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 085 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 8 novembre 2017

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Je suis désolée, nous sommes en train de vérifier où se trouve une de nos témoins. Entretemps, nous aller examiner les travaux du Comité. Ils étaient prévus pour la première partie de la réunion, mais je les déplace maintenant à la fin de la deuxième heure, parce que, en regardant l'heure et l'ordre du jour, je pense que ce serait plus facile de procéder ainsi.
    Pour économiser du temps, je vais commencer par les témoins qui sont présents. Mme Mohammed n'est pas encore arrivée. Je vais présenter M. Achab, professeur de linguistique à l'Université d'Ottawa; ainsi que Faisal Khan Suri, président, et Aurangzeb Qureschi, vice-président, Politiques publiques et communications, de l'Alberta Muslim Public Affairs Council.
    Vous avez 10 minutes pour présenter votre déclaration au Comité, mais puisque vous appartenez tous deux au même groupe, votre groupe a 10 minutes. Vous pouvez décider comment vous souhaitez répartir ce temps.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité du patrimoine étudie les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques.
    Je vais commencer par l'Alberta Muslim Public Affairs Council, pour 10 minutes.
    Madame la présidente, avant de commencer, pourrions-nous obtenir des précisions? Quatre témoins figurent sur la liste, et nous sommes heureux d'en compter deux parmi nous.
    Pourriez-vous nous donner quelques renseignements au sujet des deux autres? Vous avez dit que vous cherchiez l'un d'eux, mais il nous manque deux personnes. Je me demande si vous avez une idée de l'endroit où ils se trouvent.
    Il n'en manque qu'un seul.
(1535)
    Permettez-moi de dire que, selon notre liste, il en manque deux.
    Une voix: Karim Achab et Yasmine Mohammed.
    Le nom de M. Achab n'apparaît pas sur la liste. Je ne le vois pas.
    Non, il n'y est pas.
    Nous allons commencer par les témoins qui sont présents, pendant que le greffier aide à réunir les témoins ou à les faire passer par la sécurité.
    Commençons.
    Merci, madame la présidente, et merci au Comité de nous donner l'occasion de témoigner relativement à l'étude sur le racisme et la discrimination religieuse systémiques. Nous sommes aussi heureux de constater la présence de l'opposition et des députés, ainsi que leur dévouement à l'égard du sujet de la discrimination, et tout particulièrement, de l'islamophobie.
    Comme l'a mentionné la présidente, je m'appelle Aurangzeb Qureshi. Je suis vice-président, Politiques publiques et communications, de l'Alberta Muslim Public Affairs Council, et je suis accompagné de Faisal Khan Suri, président. Nous espérons que nos recommandations aideront à réduire et à éliminer les formes de racisme et de discrimination au Canada, ce qui comprend aussi l'islamophobie.
    Pour vous donner un bref historique de l'organisation, l'AMPAC a été formé à la fin de 2014, après une série d'attaques islamophobes commises en Alberta. Comme tel, le mandat de l'organisation est de protéger les droits individuels et collectifs des musulmans dans une panoplie de contextes politiques et juridiques différents en Alberta.
    Nous sommes l'un des principaux défenseurs des accommodements religieux et culturels en Alberta. L'organisation participe activement à des discussions stratégiques et juridiques sur le traitement des minorités religieuses et culturelles dans la province.
    L'AMPAC est aussi considéré comme un expert dans les efforts de lutte contre la discrimination et le racisme déployés en Alberta, non seulement pour les musulmans, mais pour toutes les minorités religieuses. L'AMPAC a aussi fait la promotion de politiques qui procurent une plus grande reconnaissance des droits des communautés minoritaires.
    Permettez-moi de vous présenter les grandes lignes de ce que nous avons fait: nous continuons de consulter les gouvernements fédéral et provinciaux sur une diversité de projets de loi concernant les droits, les libertés et la reconnaissance des musulmans en Alberta, y compris sur la législation relative à la sécurité nationale et aux crimes haineux. Nous travaillons à un programme d'études andalouses destiné au système d'éducation public de l'Alberta pour veiller à ce que soit reconnue l'histoire de l'interaction positive entre les musulmans, les juifs et les chrétiens dans l'Espagne médiévale.
    Nous exploitons une ligne téléphonique d'aide contre l'islamophobie permettant au public de signaler des incidents de vandalisme et de discrimination liés à l'islamophobie en Alberta. Nous formulons des commentaires et nous nous exprimons sur les crimes haineux et d'autres formes de discrimination en Alberta, y compris en fournissant souvent des opinions d'experts, en publiant des lettres d'opinion et en prônant l'augmentation de l'acceptation et des accommodements religieux. Nous animons des forums stratégiques et des ateliers regroupant des représentants politiques et des membres du public sur des questions d'accommodement des minorités religieuses et culturelles. Nous collaborons avec d'autres communautés confessionnelles et culturelles afin d'encourager une grande tolérance des accommodements et de la diversité des minorités en Alberta. Enfin, et surtout, nous organisons et facilitons des vigiles et des événements de solidarité pour honorer les victimes d'attaques terroristes dans la Ville de Québec et à Edmonton.
    Je passe maintenant aux recommandations: pour chacune d'elles, je vais d'abord établir les fondements, puis formuler la recommandation. Il y a au total quatre recommandations. J'aimerais souligner que la ligne téléphonique d'aide contre l'islamophobie de l'AMPAC a été lancée en avril 2016, et j'y ai fait allusion plus tôt. La ligne téléphonique a été présentée comme un outil pour la communauté musulmane qui permet en outre la surveillance des incidents islamophobes se produisant partout en Alberta. Cela ne se faisait pas auparavant.
    Au cours de la dernière année, la ligne téléphonique a reçu plus de 400 appels, et nous avons constaté que les incidents à caractère islamophobe dans la province suivaient un thème commun. Les cibles sont soit les nouveaux arrivants au Canada qui sont perçus comme des musulmans, soit les femmes qui portent le foulard islamique ou le hidjab. C'est la preuve que l'islamophobie est bien réelle. Ce n'est pas juste une question qui touche les musulmans; elle touche l'Alberta et le Canada.
    Nous croyons comprendre que l'alinéa 2b) de la Charte des droits et libertés protège la liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression. Ceux qui veulent critiquer l'islam sont libres de le faire. De telles critiques à l'égard de toute foi ou idéologie sont admises en vertu du droit canadien. Toutefois, nous savons aussi qu'une telle liberté d'expression s'assortit également de limites raisonnables. Il y a trois articles particuliers du Code criminel qui traitent du comportement que certaines personnes appellent des « crimes haineux ». L'article 318, sur la propagande haineuse, porte principalement sur l'encouragement au génocide; l'article 319, sur l'incitation publique à la haine, concerne l'incitation à la haine dans un lieu public; et le paragraphe 430(4.1), sur les méfaits liés aux biens religieux, porte tout particulièrement sur les méfaits commis dans des églises, des mosquées, des synagogues et des temples.
    Compte tenu de la nature très particulière de ces infractions, nous avons conclu qu'il est extrêmement difficile d'accuser une personne d'un crime haineux, et cela exige un seuil qui est irréaliste. Par exemple, l'article 319 exige précisément le consentement du procureur général pour qu'il puisse y avoir des accusations, barre élevée et chose que très peu d'autres articles exigent.
    À la fin de l'année dernière, à Edmonton, un homme a sorti un noeud coulant de son manteau, a pointé du doigt deux femmes musulmanes qui portaient le hidjab et leur a dit: « C'est pour vous ». Il s'est ensuite mis à chanter l'hymne national canadien. Aucune accusation n'a été portée. Des incidents comme celui-là créent un précédent terrible qui procure essentiellement une assurance et une licence. Cela dit à d'autres qu'ils peuvent participer à ce type de pratiques et d'actes discriminatoires.
(1540)
    L'AMPAC recommande qu'on clarifie la nature ambiguë de l'article 319 et qu'on modifie l'article 318 du Code criminel du Canada, de façon à ce que la personne qui commet un incident haineux puisse être accusée d'un crime sans que celui-ci doive précisément atteindre le seuil si irréaliste de « génocide ». L'article sur les méfaits devrait aussi aller au-delà des biens religieux et considérer le fait de prononcer des menaces violentes et racistes comme un délit passible de poursuites. Cela tient compte du dernier rapport de Statistique Canada, selon lequel les crimes haineux signalés par la police ont augmenté de 39 % en Alberta en 2005, soit la plus grande augmentation parmi les provinces au Canada.
    Cela m'amène à la deuxième recommandation. L'AMPAC croit aussi qu'il doit y avoir une reconnaissance du fait que l'islamophobie est un problème systémique, propagé au moyen des médias et de la culture, et non pas un enjeu politique, et que, pour y réagir, des changements sociaux doivent se produire à un niveau éducatif de base. Par conséquent, l'AMPAC travaille en étroite collaboration avec les trois ordres de gouvernement pour s'assurer que des programmes qui mettent l'accent sur les valeurs canadiennes du pluralisme, de l'inclusion et de l'acceptation sont mis en place. Nous travaillons de façon continue avec la Ville d'Edmonton et les municipalités de l'Alberta pour fournir des programmes éducatifs et des initiatives de lutte contre le racisme et pour soutenir le gouvernement provincial de l'Alberta dans ses efforts visant à éliminer le racisme, en faisant participer les Albertains à une initiative contre le racisme.
    L'AMPAC recommande que le gouvernement renforce la capacité éducative et les structures nécessaires pour tenir compte de la discrimination systémique de façon permanente. Cela suppose de soutenir la création de programmes locaux bénéficiant de fonds fédéraux qui sont axés sur le fait d'apprendre à connaître les musulmans comme étant des personnes normales au quotidien, qui ont les mêmes espoirs, désirs et aspirations que n'importe qui d'autre. Un exemple de cela — j'y ai fait allusion plus tôt — est le programme d'études andalouses sur lequel nous travaillons, qui montre que les musulmans, les juifs et les chrétiens ont vécu dans la paix et continuent de vivre dans la paix et la tolérance. La prochaine recommandation qui s'inscrit là-dedans, c'est la création d'un office fédéral qui cherchera à réduire et, au final, à éliminer l'islamophobie, l'antisémitisme et d'autres formes de racisme, grâce à une représentation locale, à un niveau de base, de diverses provinces.
    L'AMPAC entretient aussi d'excellentes relations avec les forces de l'ordre partout dans la province. Nous avons reçu un appui extraordinaire de la police locale et nous la considérons comme une partenaire égale dans la réussite de l'AMPAC. Nous continuons d'avoir des discussions franches avec les agents d'application de la loi au sujet de questions de sécurité et de la montée d'organisations de l'extrême-droite, comme les Three Percenters, la Worldwide Coalition against Islam et les Soldiers of Odin, qui ont tous une présence en Alberta.
    À chaque étape, les forces de l'ordre ont été de notre côté, mais il y a certains faits nouveaux qui nous donnent l'impression que ce n'est peut-être pas toujours le cas. Ce cas est toujours devant les tribunaux, mais il a soulevé quelques drapeaux rouges. Une déclaration présentée contre le SCRS décrit les expériences d'employés qui, après avoir souffert durant de nombreuses années de discrimination fondée sur la religion, la race et l'orientation sexuelle, ont finalement rendu leurs déclarations publiques. Trois agents du renseignement musulmans, connus sous les noms de Bahira, Cemal et Emran à des fins d'anonymat, ont noté que les commentaires et les opinions anti-islamiques étaient courants dans le milieu de travail. Plus particulièrement, il est dit ce qui suit dans la déclaration: « Tous les musulmans sont des suspects, et même s'ils semblent bien s'intégrer, ils pourraient frapper à tout moment ». La déclaration fait aussi état d'un comportement discriminatoire semblable contre un employé homosexuel et noir de la part des employés et de la direction.
    L'AMPAC recommande que le Comité soit proactif et collabore avec le ministère de la Sécurité publique et s'assure que des agents éventuels du SCRS et de la GRC reçoivent une séance de sensibilisation sur l'inclusion et la diversité. Si nous voulons réellement lutter contre le racisme systémique et l'éliminer, on doit en tenir compte dans les corridors du pouvoir. Le SCRS est un de ces corridors qui fonctionnent dans une obscurité relative.
    Ensuite, nous avons la quatrième recommandation. Le Canada est un territoire qui a, par le passé, accepté des gens de nombreuses origines et religions et qui continue de le faire. C'est aussi vrai de milliers de réfugiés syriens qui ont traversé nos frontières au cours des dernières années. Comme nous le savons déjà, bon nombre de ces réfugiés viennent au Canada depuis des pays déchirés par la guerre, ce qui a un effet persistant sur leur santé mentale. Ces mêmes enfants vont aller à l'école...
    Monsieur Qureshi, il vous reste une minute, je vous presserais donc de passer à vos recommandations, si vous en avez d'autres. Merci.
    Merci.
    Dans ce cas, la dernière recommandation, c'est que le gouvernement songe à inclure des programmes de santé mentale pour aider les réfugiés à immigrer au Canada. Cela va permettre non seulement d'accélérer le processus d'intégration, mais aussi de prévenir une contre-réaction discriminatoire.
    Nous aimerions remercier le Comité de nous avoir invités. Nous ferons parvenir à une date ultérieure un mémoire détaillé qui présente ces idées.
(1545)
    Merci beaucoup.
    Bienvenue, monsieur Achab. Vous avez 10 minutes pour présenter votre exposé.
    J'ai une présentation PowerPoint, mais je n'ai pas eu le temps d'établir la connexion. Vous ne serez pas en mesure de la voir, mais vous pourrez l'entendre.
    D'abord, je vais m'assurer que je n'ai pas mal compris le contexte. J'ai reçu l'invitation à venir ici vendredi dernier, et j'ai donc eu très peu de temps pour me préparer. Le contexte, c'est que des gens commettent des actes de violence et de terreur, tuant d'innocentes victimes. D'autres personnes sont blâmées, victimes de représailles, et parfois même tuées pour ces actions, quand il n'y a aucune relation que ce soit entre la première catégorie — les tueurs — et la deuxième. Oui, si rien n'est fait, d'autres victimes pourraient suivre, malheureusement. J'imagine que c'est la motivation de votre comité. Le gouvernement canadien a été invité à agir rapidement pour « reconnaître qu'il faille endiguer le climat de haine et de peur qui s'installe dans la population ». C'est ainsi que cela a été présenté.
    Mon exposé comporte deux parties. J'imagine que chacune d'elles durera cinq minutes. Dans la première partie, je vais fournir quelques commentaires, d'abord en tant que linguiste, sur le mot « islamophobie ». Les dictionnaires ne s'entendent pas sur la définition de ce terme. Une compilation des différentes définitions a été affichée en ligne par Kathleen Harris, de CBC News. Parmi les différents dictionnaires, un seul offre une définition qui correspond à ce qui a été officiellement retenu par le Comité. C'est aussi celle qui circule. C'est aussi celle qui correspond à la définition des militants dans le domaine islamique.
    La définition retenue par le Comité laisse entendre que la haine « rationnelle » est appropriée, selon ce que je comprends, mais que la haine « irrationnelle » ne l'est pas. Nous devons savoir où se trouve la limite entre ce qui est rationnel et ce qui est irrationnel. Nous savons que le Canada est un pays qui n'accepte aucune forme de racisme, rationnel ou irrationnel, ni aucune forme de discrimination. La propagation de la haine est aussi condamnée par le droit canadien.
    Je vais maintenant passer au terme « phobie » proprement dit. La phobie est un terme médical qui renvoie à un type de trouble mental. Si ces personnes qui montrent cette haine et font ces tueries sont phobiques, elles ont peut-être besoin d'aide. C'est de l'aide médicale dont elles ont besoin, non pas d'une loi ni de quoi que ce soit d'autre qui les condamne.
    Selon la définition fournie par l'American Psychiatric Association, la phobie est un trouble anxieux « défini par une peur persistante d'un objet ou d'une situation ». C'est une représentation mentale. Donc, si nous parlons d'islamophobie comme d'une phobie — parce que le mot « phobie » s'y trouve — c'est donc une représentation mentale qui ne correspond pas à la réalité de ce qu'est une phobie.
    Une phobie est une représentation mentale qui ne correspond pas au monde externe. C'est pourquoi nous parlons des gens qui ont une phobie sociale comme ayant une représentation mentale erronée de ce qu'est la foule. Ils ont peur. Ils craignent d'y aller, mais il n'y a rien dans la foule.
    Nous pouvons aussi parler de claustrophobie, qui est lorsqu'une personne a peur de se retrouver dans un endroit clos. Quelqu'un qui est claustrophobe a peur de se trouver dans un ascenseur parce qu'il croit qu'il restera pris dedans. Habituellement, ce n'est pas le cas. C'est aussi un trouble mental.
    L'homophobie en est un autre. Oui, en raison des représentations mentales que nous avons construites, qui sont fondées sur la façon dont les religions et les adultes présentent la communauté des homosexuels — comme s'ils étaient des malfaiteurs — c'est une phobie. C'est une représentation mentale erronée que nous devons tous corriger. Nous sommes en 2017. Tout le monde doit corriger sa représentation mentale sur les homosexuels. Ce ne sont pas des malfaiteurs. Les gens qui les attaquent pensent qu'ils sont effectivement des malfaiteurs.
(1550)
    Vous ne pouvez pas parler de « noir-ophobie ». Personne ne parle d'« arménophobie », de « kurdophobie », de « yézidophobie » ni de « coptophobie » — les coptes en Égypte qui sont massacrés presque chaque jour. Pour moi, le terme « islamophobie » est sincèrement inapproprié.
    Bien sûr, il y a cette liberté de la création lexicale des théoriciens. Les gens sont libres de créer des mots et libres de les utiliser, mais ils n'ont pas de place au Parlement ni dans aucune institution qui est concernée par les lois d'une société. C'est ainsi que je vois le problème avec le terme « islamophobie ». C'est la différence entre le fait de profiter de la création lexicale de théoriciens et d'embrasser ce que le mot qui a été inventé donne à penser. Nous avons besoin d'une distance entre le mot qui nous est offert et ce qui se trouve à l'intérieur de celui-ci. Les mots offrent un certain degré de conditionnement. Lorsque nous prenons un mot, nous prenons le concept et, en quelque sorte, nous devenons conditionnés par cette définition.
    Les auteurs du texte initial ont inventé le terme et nous ont offert une définition. Cependant, en nous offrant une définition, ils nous demandent aussi de changer la définition de la phobie. Qui peut faire cela? De nouveau, le mot n'est pas justifiable, n'est pas motivé, selon mon point de vue de linguiste.
    Tout cela, ce n'est qu'un seul côté de la médaille, par rapport au débat sur l'islamophobie, le mot même et tout le débat. Qu'en est-il de l'autre côté de la médaille? C'est la deuxième partie de mon exposé.
    En gardant à l'esprit le contexte que je viens de mentionner plus tôt, y a-t-il une peur rationnelle qui préoccupe les citoyens canadiens? Il y a cette peur irrationnelle, mais y a-t-il d'autres peurs rationnelles auxquelles le gouvernement canadien devrait peut-être réagir? Il y a une autre question: toute personne qui a une opinion différente est-elle nécessairement une personne raciste, un suprémaciste blanc ou un conservateur cachant d'autres intentions sous le voile de la liberté d'expression?
    La réponse à la première question — y a-t-il une peur rationnelle qui préoccupe les citoyens canadiens? — est « oui ». Évidemment, oui. Les éléments de la réponse se trouvent en réalité dans le débat lui-même, à la télévision, dans des forums de discussion et dans des discussions de groupe. Quelle est cette autre chose, cet autre côté de la médaille? C'est la menace entre l'idéologie...
    Il vous reste deux minutes, s'il vous plaît.
    Par rapport à la menace entre une religion et une idéologie, dans une certaine mesure, une religion et une idéologie sont toujours interreliées. Les gens doivent être protégés, mais non pas les idéologies. Les droits de la personne concernent le fait de protéger les gens, non pas les idéologies. La question de savoir comment démêler ces deux entités est peut-être quelque chose que la société canadienne dans son ensemble devrait étudier.
    Les gens sont aussi évalués par rapport à la violence qui est inhérente à leur religion, qui est mentionnée dans le Coran. Maintenant, c'est sur Internet. Vous pouvez faire une recherche dans Google et trouver des versions du Coran approuvées par le Roi de l'Arabie saoudite, qui est considéré comme le représentant de la religion islamique.
    Les gens doivent entendre comment le gouvernement canadien, le Parlement ou la société canadienne ont l'intention de réagir à cela, parce que le Canada a aussi une tradition d'accueillir des gens et de nouveaux citoyens avec leur bagage, quel qu'il soit, comme la religion. Nous devons savoir comment cela sera pris en considération maintenant et comment cela sera géré.
(1555)
    Il vous reste 30 secondes, monsieur Achab.
    Je vais simplement conclure avec une des deux diapositives.
    Je serai ici pour répondre à vos questions. Merci.
    Merci, monsieur Achab.
    Madame Mohammed, vous avez 10 minutes.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs, merci de m'avoir invitée ici et de me fournir l'occasion de parler de quelque chose qui m'est très personnel.
    Je suis née et j'ai grandi au Canada. J'ai étudié et j'ai enseigné dans des écoles islamiques financées publiquement au Canada. J'ai porté un hidjab dès l'âge de neuf ans au Canada, puis, plus tard, quand on m'a forcée à me marier à un djihadiste, j'ai aussi porté le niqab ici, au Canada.
    Durant toutes ces années, je ne peux citer un seul cas de discrimination à mon égard. En fait, ce n'est qu'au moment où j'ai retiré mon hidjab, à la fin de ma vingtaine, que je me suis rendu compte que j'avais vécu une vie bénie. Les Canadiens ne faisaient plus des pieds et des mains pour retenir très longtemps la porte pour moi, de peur d'être considérés comme racistes. Ils ne se faisaient plus un point d'honneur de me sourire, de peur d'être considérés comme racistes. Les Canadiens se fendraient en quatre et sépareraient les océans s'ils pouvaient éviter d'être considérés comme quoi que ce soit d'autre que les personnes ouvertes d'esprit, aimantes et accueillantes qu'elles sont. J'ai voyagé et vécu dans de nombreuses régions du monde, et je peux dire sans aucun doute que je suis reconnaissante et privilégiée d'être Canadienne.
    La motion M-103 vise à endiguer le sectarisme contre des êtres humains. C'est une valeur que les Canadiens sont fiers de défendre, une valeur qui se manifeste dans chaque aspect de notre vie en tant que Canadiens. Bien sûr, personne d'entre nous ne veut que quiconque fasse l'objet de discrimination. Malheureusement, la motion M-103 fait exactement le contraire de son intention. Plutôt que d'endiguer le sectarisme, elle alimente le brasier. Parce qu'elle renferme le mot « islamophobie », elle vise non pas à protéger les gens et les musulmans, mais plutôt à protéger l'idéologie, l'islam.
    Comme tous les gens, les Canadiens ont peur. Ils se préoccupent au sujet de cette idéologie qui semble se répandre partout sur la planète, une idéologie qui tue des gens chaque jour. Depuis les attaques de Paris qui se sont produites il y a deux ans ce mois-ci, les Occidentaux ont été naturellement mal à l'aise et suspicieux par rapport à une prétendue idéologie de paix qui pourrait faire couler beaucoup de sang.
    Pour des gens comme moi, les gens ayant des origines dans le monde musulman, il y a de l'indifférence. Nous composons avec des massacres de musulmans commis au nom de la religion depuis 1 400 ans. Nous nous sommes habitués aux islamistes comme les Frères musulmans et les djihadistes comme Al-Qaïda et l'État islamique. J'ai été mariée à un membre d'Al-Qaïda; j'ai eu son bébé. Rien de cela n'est un mystère pour moi. Rien de cela n'est nouveau. Pour la plupart des Canadiens, c'est nouveau et c'est terrifiant. Naturellement, lorsque quelque chose est nouveau et terrifiant, nous voulons en parler. Nous voulons le remettre en question, nous voulons un dialogue ouvert et des discours civils pour décortiquer ces idées et comprendre pourquoi cela se produit tout autour de nous. La motion M-103, avec sa mention du mot « islamophobie », annule ce désir naturel et sain de remettre en question, d'apprendre et de comprendre.
    L'antidote au sectarisme et à la peur est l'éducation, mais la motion M-103 dit aux Canadiens: « Non, vous n'avez pas le droit de remettre en question ou de critiquer cette idéologie qui tue vos compatriotes humains ni de vous battre contre elle ». Vous devez vous mordre la langue lorsque vous apprenez que 13 pays vont vous exécuter parce que vous êtes homosexuel ou que l'écrasante majorité des filles en Égypte et au Soudan ont subi l'excision de leur clitoris. Vous devez tendre l'autre joue lorsque vous voyez une enfant emmaillotée dans des vêtements qui limitent chacun de ses cinq sens. Vous devez sourire et hocher la tête lorsque vous voyez une autre enfant qui est forcée à se marier et où on la violera pour le reste de sa vie.
    La motion M-103 n'existait pas quand j'étais enfant, mais son principe d'islamophobie est ce qui a incité un juge à me renvoyer auprès de ma famille très violente lorsque j'avais 13 ans. Il savait que ma famille m'avait accrochée tête en bas dans le garage et m'avait fouetté la plante des pieds, mais il m'a tout de même renvoyée auprès d'elle. Il m'a renvoyée parce que, comme il l'a expliqué, les cultures différentes ont des façons différentes de discipliner leurs enfants. Si seulement j'étais née avec la peau blanche, ce juge aurait jugé bon de me protéger. Mais, hélas, je suis venue de la mauvaise culture, j'ai donc été renvoyée.
    Dans son objectif de tenir compte des différences culturelles, ce juge a fini par agir de façon incroyablement sectaire. Il m'a traitée différemment de tous les autres enfants canadiens en raison de mes origines culturelles, et c'est inacceptable.
    Très souvent, les Canadiens sont animés des meilleures intentions, et la motion M-103 en est un exemple, mais nous devons faire très attention de ne pas avoir l'esprit si ouvert que notre bon sens prendra le bord. Nous devons faire attention de ne pas être si tolérants que nous finissons par tolérer des choses qui seraient intolérables. Notre coeur est à la bonne place. Nous devons juste nous assurer que notre esprit l'est aussi.
    La motion M-103 vise à protéger les Canadiens contre les formes de racisme et de discrimination religieuse. Bien sûr, nous appuyons tous cette valeur. Nous sommes un État laïque. Nous croyons en la liberté de pratiquer notre religion et en la liberté d'échapper à la religion. Nous croyons à la liberté de pensée. Ce en quoi nous ne croyons pas, ce sont les lois qui visent à protéger toute idéologie, y compris la religion, contre l'examen, les critiques, les questions, les débats et même le ridicule. J'établis des liens avec des musulmans comme Tarek Fatah et Raheel Raza, ici, au Canada; l'imam Tawhidi, en Australie; Asra Nomani, aux États-Unis, et Maajid Nawaz, au Royaume-Uni; des musulmans qui se battent contre ces lois archaïques dans les pays à majorité musulmane et, bien sûr, ici, en Occident.
(1600)
    La plupart des musulmans sont ici parce qu'ils ont fui des lois oppressives et draconiennes qui entravaient leur liberté d'expression. La dernière chose au monde qu'ils veulent, c'est être à nouveau aux prises avec ces lois ici en Occident, dans le monde libre.
     De nombreux intervenants ont dit à maintes reprises — et je me rallie à leur position — que la motion M-103 ne peut faire autrement que de diviser et d'exacerber la haine, la discrimination et la peur aussi longtemps qu'on utilisera l'expression « islamophobie ». Tous les Canadiens devraient être protégés contre la discrimination, tout comme ils devraient être libres d'exprimer leur opinion à propos de n'importe quelle idéologie. La motion M-103 n'assure ni l'un ni l'autre.
     Si nous voulons que la motion M-103, d'une part, protège les êtres humains, et d'autre part, ne protège pas une idéologie en particulier, il faut retirer ou clarifier cette expression, ou la remplacer par « intolérance contre les musulmans ».
    Les gens croient de façon générale que ceux qui s'opposent au mot « islamophobie » sont en faveur de la discrimination contre les musulmans. C'est absolument absurde. Christopher Hitchens a dit, dans les grandes lignes, que les gens ont tendance à croire que si une personne a un point de vue différent du vôtre, alors ce doit être pour la pire raison possible, et si vous trouvez quel est le pire motif possible, alors vous avez trouvé le bon.
    C'est exactement ce dont on accuse ceux qui s'opposent à la motion M-103. Clairement, il s'agit d'un moyen dégoûtant pour nous réduire au silence, mais, encore une fois, cela ne m'est pas étranger. Je suis habituée à ce que les gens emploient toutes sortes de moyens pour m'empêcher de m'exprimer. Ma propre mère a menacé de me tuer quand j'ai quitté l'islam, mais même cette menace ne m'a pas empêchée de dire ce qui est, selon moi, la vérité.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, pour résumer, ce que je veux, à l'instar de la plupart des Canadiens, c'est que tous les êtres humains soient protégés, et je vais faire tout en mon pouvoir pour promouvoir cet objectif. Cependant, je ne veux pas qu'on accorde aussi cette protection aux idées, parce que nous devons pouvoir être en mesure de remettre en question n'importe quelle idée.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Mohammed.
    Nous allons passer à la période de questions. Chacun aura sept minutes pour poser ses questions et entendre les réponses, et je demanderais à tout le monde de faire attention, parce que notre temps n'est pas illimité. Si vous dépassez votre temps, je vais devoir vous interrompre.
    Commençons avec M. Virani, du Parti libéral. Vous avez sept minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
    Je tiens à remercier tous les témoins d'être venus témoigner devant nous, en particulier Mme Mohammed. Merci d'avoir eu le courage de venir témoigner de votre vécu.
    Comme de nombreux autres députés siégeant au Comité l'ont déjà fait, je veux préciser encore une fois que la motion a été adoptée à la Chambre. Ce dont il est question ici, c'est l'étude prévue dans la motion. Je tiens toutefois à insister sur le fait qu'absolument aucun membre du Parti libéral siégeant au Comité n'oserait faire quoi que ce soit qui porterait atteinte à l'alinéa 2b) ou au droit à la liberté d'expression que nous avons au Canada. C'est un pilier important de notre Constitution que tous ici appuient et soutiennent.
    Je vais m'adresser à l'AMPAC en particulier. Vous êtes de l'Alberta, et nous n'avons pas reçu beaucoup de témoins de l'Alberta jusqu'ici. Il y a quatre sujets que je veux aborder avec vous dans les sept minutes dont je dispose.
    Premièrement, j'aimerais savoir comment vous concevez l'incidence des médias sociaux et des organes médiatiques sur la montée des sentiments antimusulmans et de l'islamophobie. En particulier, croyez-vous qu'ils contribuent à cela en encourageant les divisions?
    Pouvez-vous nous parler un peu de Rebel Media? Cet organe médiatique traite parfois de nouvelles de portée nationale, mais il s'intéresse surtout à ce qui se passe dans l'Ouest, y compris en Alberta. Quel impact a-t-il, dans un sens ou dans l'autre, sur les divisions de plus en plus profondes que nous voyons?
    Pour commencer, je vais vous dire comment nous avons réagi à la situation. Dans le passé, lorsque les médias d'Edmonton — d'où nous venons tous les deux — s'intéressaient aux musulmans ou à l'islam, ils allaient habituellement voir l'imam à la mosquée. Nous avons eu l'idée de créer l'AMPAC quand nous nous sommes dit que les médias devraient pouvoir interroger une personne qui ne parle pas seulement en son nom ou au nom de sa mosquée. Ils doivent pouvoir interroger des gens qui connaissent ces sujets. C'était l'une des raisons. Aujourd'hui, les médias savent où aller pour obtenir des commentaires sur les nouvelles ou d'autres choses du genre.
    Certains organes médiatiques cherchent à tirer parti des divisions, comme le fait parfois celui que vous avez mentionné. Nous tenons un discours très général, et lorsqu'ils décident d'adopter un point de vue, nous nous contentons d'adopter un message positif. Le message que nous voulons promouvoir et propager en tout temps est un message d'inclusion, de coexistence pacifique, de tolérance et de pluralisme. Nous parlons des avantages de ce type de société par opposition au genre de société que cet organe médiatique tente de promouvoir et de propager.
    En trois années d'existence, nos efforts pour rassembler tous les Canadiens ont été une expérience très positive. Cela ne concerne pas uniquement les musulmans. Nous voulons rassembler toutes les minorités, toutes les collectivités, et nous avons l'impression que nos efforts en ont vraiment valu la peine.
(1605)
    Merci. Cela dissipe une partie de la confusion qui régnait de ce côté-ci de la table, où nous avons reçu des témoins figurant régulièrement dans la plateforme de Rebel Media, malgré le fait que la plupart des politiciens ont rejeté cette plateforme, y compris le chef de l'opposition officielle.
    Ma prochaine question a rapport à la collaboration. Je vais vous la poser en deux parties. Pouvez-vous nous parler un peu de vos efforts de collaboration? Vous avez parlé d'une initiative sur l'Andalousie qui a pour but de promouvoir le dialogue interconfessionnel et la compréhension entre les différents groupes religieux. Il y a également cette préoccupation concurrente: à l'époque, au Canada, il y avait des subventions accordées aux collectivités elles-mêmes, des subventions pour le renforcement des capacités communautaires ou pour l'autonomisation des collectivités. Y a-t-il de la place pour les deux, pour ce genre de dialogue qui encourage la communication entre les collectivités, les cultures et les religions ainsi que pour la promotion des capacités communautaires elles-mêmes?
    En ce qui concerne nos efforts d'approche communautaire, la division des affaires extérieures de l'AMPAC a déjà organisé beaucoup de réunions entre groupes interconfessionnels. Du côté de la communauté juive, nous avons un groupe du nom de Salaam Shalom, où les femmes musulmanes et juives peuvent se réunir pour échanger leurs histoires et parler de leur mode de vie. Dans ce genre d'environnement, elles peuvent parler de leur vie et nouer des liens de camaraderie et de fraternité. Cela sert à abattre les obstacles qui existent dans le monde d'aujourd'hui; les musulmans contre les juifs. C'est ce que fait ce groupe, pour la première fois.
    Nous avons également fait quelque chose de semblable pour un grand nombre de groupes chrétiens. Nous utilisons exactement la même approche dans le cadre de notre collaboration avec le John Humphrey Centre for Peace and Human Rights, c'est-à-dire, encore une fois, que nous répandons notre message pour aider les gens à comprendre qui sont les musulmans et ce que l'islam représente. Nous voulons dissiper le portrait négatif dépeint par les médias.
    Du côté du financement, ce serait extrêmement avantageux pour nous de pouvoir obtenir du financement pour ces programmes. Le manque de financement pour ce genre de programmes dans le passé, et le fait que nous ne pouvons pas leur donner de la visibilité minent le processus constructif qui vise à rapprocher et à unir graduellement ces communautés.
    Vous avez aussi mentionné votre ligne téléphonique. De notre côté, nous sommes préoccupés du fait qu'il semble, comme l'ont affirmé un certain nombre de témoins, que les crimes haineux soient peu souvent déclarés. Selon les témoins, la perception qu'ont les gens des forces de l'ordre et des gens en position d'autorité, etc., fait qu'il est parfois difficile d'établir un lien de confiance.
    Pouvez-vous nous parler un peu plus de votre ligne téléphonique? Selon vous, les organisations gouvernementales pourraient-elles collaborer et coopérer avec ce genre de groupes de la société civile relativement à l'agrégation de ce genre de données, pour récolter ces données, pour uniformiser les données ainsi que la façon dont elles sont récoltées, etc.?
    Bien sûr.
    La ligne téléphonique, comme Abe l'a dit dans ses recommandations, a été conçue pour offrir du soutien aux musulmans ou à des personnes venant d'une autre culture qui étaient réticents à s'ouvrir à leurs parents, leurs amis, leurs frères ou soeurs. Nous savons qu'il y a des gens dans notre société qui viennent de cultures qui sont réticentes à faire confiance aux forces de l'ordre; ces personnes viennent de sociétés où règne la corruption et ce genre de choses.
    Les gens utilisent la ligne téléphonique ou le courriel lorsqu'ils ont quelque chose à signaler, et c'est dans ce contexte que nous entendons ce genre d'histoires. Ils ne veulent pas nous donner leur nom, tout ce qu'ils veulent, c'est se vider le coeur. Parfois, ils veulent seulement quelqu'un à qui parler, quelqu'un qui va comprendre ce qu'ils ont vécu. Nous sommes très fiers du fait que nous leur offrons du soutien ainsi que de notre étroite collaboration avec les forces de l'ordre, en particulier, dans ce cas, avec l'unité de lutte contre les crimes haineux de la police d'Edmonton. Nous avons connaissance de certains cas et...
(1610)
    Monsieur Suri, pouvez-vous terminer sur cette phrase, s'il vous plaît?
    Merci.
    ... beaucoup de cas sont signalés aux forces de l'ordre ainsi.
    Est-ce que cela répond à votre question?
    Merci beaucoup.
    La parole va maintenant à M. Reid, du Parti conservateur. Vous avez sept minutes.
    Merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Avant de poser mes questions, j'aurais une recommandation à faire à vous tous. Deux des trois groupes de témoins aujourd'hui ont mentionné avoir une version écrite de leur exposé. Monsieur Achab, vous aviez votre présentation PowerPoint, et les messieurs de l'Alberta ont dit qu'ils allaient nous faire parvenir la leur à une date ultérieure. Puisque la date limite pour la présentation de documents approche à grands pas, vous devriez les envoyer au greffier le plus tôt possible. Vous savez que le mieux est l'ennemi du bien.
    Je vais commencer avec M. Achab. Vous avez mentionné que Kathleen Harris avait tiré, je crois, de diverses organisations un éventail de définitions de l'islamophobie. J'ai fait des recherches en ligne quand vous avez dit cela, mais je n'ai rien trouvé. Pourriez-vous nous fournir une source à ce sujet?
    Oui, certainement. Le texte est toujours en ligne. J'ai l'adresse URL et je peux vous la fournir si vous en avez besoin.
    D'accord. Si vous pouviez la faire parvenir au greffier, il se chargera de la transmettre à tous les membres du Comité. Merci beaucoup.
    Monsieur, vous avez dit que le mot islamophobie posait un problème; je crois, pour la même raison que... c'est une version de la théorie des idées de Platon. Ce ne sont pas vos mots, mais je crois que c'est vrai. Nous disons que ce que nous appelons « islamophobie » existe, tout comme Platon disait qu'il existe quelque chose qu'on appelle, au niveau conceptuel, une « table ». Ensuite, on vérifie s'il s'agit bel et bien d'une table en regardant si l'objet est conforme au concept parfait prédominant. C'est loin d'être une façon idéale de trouver des concepts pratiques et utilisables. Au niveau abstrait, est-ce que cela correspond de façon raisonnable au problème qui se pose ici?
    Il y a un problème lorsque la représentation mentale que les Canadiens ont de l'islam est erronée, c'est-à-dire qu'elle ne correspond pas à ce qui se passe dans le vrai monde, mais ce n'est pas le cas ici. Leur peur est tout à fait justifiée, parce qu'elle reflète ce qui se passe dans le vrai monde. Les gens ont raison d'avoir peur et d'éprouver de la crainte, mais ce n'est pas une phobie. Ce n'est pas une forme de phobie.
    Il y a une chose qu'on semble souvent ignorer ou négliger, soit l'activisme sous-jacent. Dans le Coran, les musulmans sont non seulement encouragés à être fidèles à leur religion et à avoir la foi, ils sont aussi encouragés à le faire de façon active, c'est-à-dire qu'ils doivent être proactifs pour répandre leur idéologie en voyageant et en immigrant. Il faudrait prendre des mesures afin de rompre avec cette idéologie. Ce qu'on demande des musulmans est tiré directement du Coran, réputé être la parole d'Allah. Si Allah leur demande d'aller aux quatre coins du monde pour répandre cette idéologie, et que vous, en votre qualité de député, leur demandez d'arrêter, selon vous, qui vont-ils écouter?
    Il n'y a rien de mal à ce que des musulmans décident de partir ailleurs pour essayer de convertir d'autres personnes à leur religion, pas plus que ce ne serait mal pour une personne appartenant à une autre religion de faire la même chose. Vous êtes d'accord avec moi sur ce point, n'est-ce pas?
    C'est vrai, mais il existe un continuum qui va, d'un côté, des djihadistes jusqu'à l'autre, les activistes qui font partie d'organisations politiques ou même d'organisations non gouvernementales, c'est-à-dire des politiciens et des activistes en droits de la personne et tout le reste. Il y a, disons, une courbe de distribution. Je ne dis pas que c'est explicite, mais c'est implicite. Chacun joue un rôle qui lui est imparti.
    Le rôle du djihadiste est de tuer, et un autre a pour rôle de trouver une justification, de parer de belles phrases l'objet des meurtres afin de trouver des circonstances atténuantes. Ensuite, quand une personne se retrouve en prison à cause de ce qu'elle a fait, son rôle est terminé, et quelqu'un d'autre prend sa place. Nous savons aussi qu'on va s'occuper de la personne qui est incarcérée à cause du crime qu'elle a commis.
    C'est une chaîne sans fin, où les rôles sont distribués à la perfection.
    Le temps me manque. Je suis désolé, mais je dois passer à un autre témoin.
    Madame Mohammed, j'ai lu certains extraits de votre livre en ligne. Au départ, je n'étais pas sûr, et je me suis arrêté le temps de pouvoir poser cette question. J'ai lu votre livre comme s'il s'agissait d'un récit fictif inspiré de votre vie, mais en réalité, il s'agit vraiment de ce que vous avez vécu, n'est-ce pas?
(1615)
    C'est exact.
    D'accord. Wow. Merci.
    La motion M-103 débute avec l'affirmation qu'un climat de haine et de peur s'installe dans la population. Oublions un moment ce qui vient de Statistique Canada; si on s'appuie sur le fait que le pire cas de meurtre à motivation religieuse des 30 dernières années au Canada a été commis plus tôt cette année, l'affirmation se tient. Dans votre témoignage, cependant, vous dites quelque chose de très différent. Pouvez-vous expliquer votre pensée?
    Je sais que vous ne portez plus le hidjab, et cela a peut-être une incidence sur l'opinion qu'ont les gens de vous et la façon dont ils vous perçoivent, mais dans tous les cas, pourriez-vous approfondir ce que vous avez dit plus tôt quand vous avez mentionné que les Canadiens sont accueillants?
    Les Canadiens sont un peuple incroyablement accueillant, parfois trop. J'ai déjà dit que rien de tout cela n'est nouveau pour moi, étant donné que je viens du monde musulman. Dans le monde musulman, nous avons plein de lois contre le niqab, par exemple. En Égypte, au Qatar et au Maroc — partout dans tout le monde musulman —, il y a beaucoup de restrictions entourant le port du niqab. Cela ne soulève aucun problème là-bas parce que tout le monde comprend tout de suite que c'est une question de sécurité. Lorsqu'on soulève la même question dans le monde occidental, dans un pays de l'Occident, les gens commencent à se demander « sommes-nous racistes? Est-ce de l'islamophobie? » Tout à coup, tout le monde met des gants blancs pour éviter de forcer qui que ce soit.
    C'est ce que je veux dire quand je parle d'être trop accueillant. La sécurité devrait être la première priorité. Nous nous sommes habitués ici à vivre sans crainte, mais ce n'est pas le cas dans le monde musulman. En réaction aux islamistes...
    Il vous reste 30 secondes.
    Il y a des musulmans, il y a des islamistes et il y a des djihadistes. Dans tout le monde musulman, personne ne confond ces trois groupes. C'est ici, dans le monde occidental, qu'on les mélange, qu'on voit les trois comme étant des musulmans.
    Voilà donc le problème, en résumé, avec le mot « islamophobie ».
    C'est bien ça. Le mot « islamophobie » renvoie à la religion elle-même; il n'y a pas de distinction entre les différents groupes de gens. Les musulmans, bien sûr, sont des musulmans tout ce qu'il y a d'ordinaire. Parmi les musulmans, il y a aussi les islamistes et les djihadistes, qui sont aussi des musulmans. Les islamistes, comme Karim l'a décrit, ont des desseins politiques. Je pense par exemple aux Frères musulmans. En Égypte, en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis et dans beaucoup d'autres pays du monde musulman, les Frères musulmans sont réputés être une organisation terroriste, parce que c'est la vérité, mais ce n'est pas le cas en Occident, parce que notre point de vue est différent. Nous avons du retard à rattraper sur ce point.
    Nous pouvons étudier ce que les pays musulmans ont fait depuis tant d'années pour réagir à ce problème. Nous pouvons voir quelles erreurs ils ont commises et les bonnes mesures qu'ils ont prises. Nous pouvons tirer des leçons de ce qu'ils ont fait ainsi que de la façon dont ils affrontent ce problème. Rien de tout cela ne date d'hier. Ce que nous faisons ici présentement, c'est essayer de réinventer la roue, mais avec le coeur et l'esprit ouvert. Nous voulons tant éviter d'offenser qui que ce soit...
    Merci.
    ... que nous avons perdu de vue le fait que la sécurité est plus importante.
    Je suis désolée. Merci beaucoup.
    La parole va à Jenny Kwan du Nouveau Parti démocratique. Vous avez sept minutes.
    Merci à tous les témoins.
    Si vous me le permettez, j'aimerais commencer par poser une question aux représentants de l'Alberta Muslim Public Affairs Council.
    Dans votre exposé, vous nous avez donné un exemple très frappant d'un incident qui est survenu. D'un autre point de vue, j'aimerais beaucoup savoir comment nous pouvons réagir à ce genre de choses — les problèmes liés au signalement et à la ligne téléphonique d'urgence que vous avez mentionnés — de façon concrète. D'autres personnes qui ont témoigné devant le Comité ont évoqué la possibilité de mobiliser des ONG sur le terrain, des organisations proches de la collectivité — afin de créer une zone de confort où les gens pourront s'exprimer. Pourriez-vous, s'il vous plaît, approfondir le sujet? Avez-vous des recommandations pour des mesures?
    Dans le même ordre d'idées, je suis très consciente de la situation des femmes, et en particulier à quel point il est difficile de s'exprimer dans ce contexte. D'autres témoins ont présenté des exposés à ce sujet. Je me demandais si vous pouviez nous en parler davantage.
    Pour terminer, en ce qui concerne l'élaboration d'une stratégie nationale, disons, contre le racisme, la discrimination et la discrimination religieuse, croyez-vous qu'il soit important, dans le cadre de ce plan, que le gouvernement ait pour stratégie de financer des ONG afin qu'elles collaborent avec tous les ordres de gouvernement pour lutter contre la discrimination?
(1620)
    Je vais commencer en parlant de notre ligne téléphonique d'urgence, que vous avez évoquée. C'est un outil vraiment pratique qui nous permet de voir ce qui se passe réellement sur le terrain. Nous pouvons parler d'islamophobie et de discrimination, mais nous ne pouvons avoir de portrait clair de la situation si nous ne mesurons rien. Le service d'aide nous a aidés à comprendre l'ampleur et la fréquence des problèmes ainsi que le genre de discrimination qui sévit dans la province. Les deux exemples que je vous ai donnés ne sont que ça, des exemples, deux tendances, mais nous pouvons aussi vous fournir quelque chose de concret en analysant les 400 appels que nous avons reçus afin de tracer l'évolution de la situation de façon qualitative. Comme vous l'avez mentionné, les femmes et les nouveaux arrivants sont pris comme cibles. Cela est évident. Mais il y a d'autres tendances que nous pouvons cerner afin de les communiquer au Comité afin de vous donner une bonne compréhension des types de discrimination qui surviennent et de la façon dont on peut y réagir.
    Puis-je vous interrompre un instant pour vous poser une question? Des 400 appels que votre ligne téléphonique a reçus, combien ont mené à des poursuites judiciaires qui ont abouti?
    Environ 60 incidents ont été signalés aux forces de l'ordre, soit à l'unité de lutte contre les crimes haineux du Service de police d'Edmonton. Chaque cas pouvant être interprété comme un crime haineux a fait l'objet d'une enquête. C'est aussi pourquoi, dans nos recommandations, nous mentionnons l'article 318 du Code criminel, parce qu'il y a une certaine ambiguïté autour de ce qui constitue un crime haineux. C'est quelque chose que les gens ne comprennent pas. Notre travail consiste à aider les gens à comprendre le fait que lorsque vous signalez un incident... Il y a un cas où un homme chantant l'hymne national tenait un noeud coulant en pointant du doigt deux femmes portant le hidjab. Nous y voyons un problème. Pour moi, en tant que Canadien, en tant que citoyen d'Edmonton et de l'Alberta, c'est un problème, et pourtant, aucune accusation n'a été portée.
    Encore une fois, nous voulons éliminer la confusion à ce sujet et vous aider à comprendre, puis à voir ce que vous pouvez faire par rapport à cela.
    Y a-t-il eu des cas où des accusations ont été portées avec succès?
    Je crois que cela est arrivé dans cinq des cas.
    Donc, dans 5 cas sur 400. Merci.
    Je vous en prie, continuez.
    Je vais répondre au reste de vos questions.
    Certaines personnes ont commencé à faire confiance aux ONG, et cela est, de notre point de vue, une évolution très positive. Il y a des gens qui ont de la difficulté à faire confiance aux forces de l'ordre — je crois que Faisal l'a mentionné plus tôt —, alors ils font appel à nous pour que nous agissions en tant qu'intermédiaire. Nous ne remplaçons pas le 911; nous insistons sur le fait que nous ne nous substituons pas aux forces de l'ordre, mais nous faisons le pont entre eux. Voilà notre rôle.
    Nous avons travaillé avec le John Humphrey Centre for Peace and Human Rights, également établi à Edmonton. La Fédération du travail de l'Alberta soutient aussi énormément nos initiatives, tout comme, bien sûr, les forces de l'ordre elles-mêmes. Nous avons travaillé avec un grand nombre d'organisations, non seulement des organisations musulmanes, mais aussi avec des organisations traditionnelles. Nous avons travaillé avec des organisations d'autres confessions religieuses, puisque, au bout du compte, nous sommes tous dans le même bateau. Ce ne sont pas que les musulmans qui sont victimes de discrimination, et c'est aussi quelque chose que nous voulons faire valoir.
    Il vous reste deux minutes, madame Kwan.
    Avez-vous quelque chose à dire à propos du plan national?
    Notre objectif a toujours été de jeter des bases solides pour un processus interne officiel, un processus uniforme, avant de mettre quoi que ce soit en oeuvre. Présentement, nous sommes en train de créer de la synergie et de nouer des liens de collaboration entre les autres organisations afin de réaliser ce plan national. Comme M. Virani l'a mentionné, nous avons besoin de récolter des données qualitatives, de les regrouper, d'en tirer des conclusions, puis d'élaborer une stratégie à la lumière de tout cela. Donc, voilà sur quoi nous déployons des efforts actuellement. Avec un peu de chance, en 2018, nous aurons quelque chose.
    Cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas avoir une stratégie nationale entre-temps, jusqu'au moment où les données seront recueillies, parce qu'il y a beaucoup d'autres choses que nous pouvons faire même en l'absence de données suffisantes.
    Oui. Ligne d'urgence n'était que le début. Je le redis, nous devons créer de plus en plus de mécanismes afin de régler le manque de compréhension autour du mot « islamophobie » et d'aider à sensibiliser les gens.
    Relativement aux ressources, est-ce que le gouvernement fédéral devrait intervenir à ce chapitre dans le plan national en accordant des ressources à cette fin en collaboration avec les ONG dans tout le pays?
    Absolument.
    Il vous reste 30 secondes, madame Kwan, si vous les voulez.
    Oui.
    Pour le processus, il serait essentiel que le plan national comprenne aussi un mécanisme d'obligation redditionnelle, un mécanisme de reddition de comptes afin que nous puissions rendre des comptes à la collectivité à propos des mesures prises. Cela nous permettrait aussi d'obtenir une rétroaction pour améliorer le plan, le peaufiner et savoir où attribuer les ressources pour la suite des choses.
(1625)
    Oui, dans ce genre d'exercice, il faut continuellement revenir en arrière pour suivre l'évolution des données et voir comment nous pouvons les utiliser pour réagir différemment aux problèmes. Les données sont en évolution constante, et il faut toujours les revérifier. Les choses continuent de changer, alors vous devez toujours améliorer vos processus, améliorer vos solutions et trouver de nouvelles façons de résoudre les problèmes. La discrimination est un problème qui évolue constamment, qui change en tout temps, et les problèmes qui en découlent ne sont jamais les mêmes. Si vous voulez un jour l'éliminer, vous devez continuer de surveiller la situation de près.
    Merci, madame Kwan.
    Nous passons maintenant à Anju Dhillon, du Parti libéral, pour sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci à tous nos témoins d'être venus ici aujourd'hui.
    Je vais surtout adresser mes questions aux représentants de l'Alberta Muslim Public Affairs Council.
    Depuis la création de votre association, avez-vous observé une diminution des crimes haineux fondés sur la religion ou la race?
    Nous avons observé une hausse marquée de la sensibilisation, ce qui est l'un de nos principaux buts. Nous avons observé une hausse du nombre de séances d'éducation que nous organisons dans le but d'éliminer et d'éradiquer tous les malentendus qui auraient pu s'installer. Nous comprenons bien que nous parlons d'une phobie, avec tout le respect que je dois à ce qui s'est dit sur ce terme pendant les audiences d'aujourd'hui. Les gens qui souffrent d'arachnophobie craignent les araignées, tout simplement.
    En effet.
    C'est ce que c'est. Nous n'allons pas explorer trop avant la terminologie pour savoir ce qu'il en est, si ces gens sont fous ou non. Il s'agit tout simplement d'une peur des araignées, et vous les aidez à comprendre qu'il ne s'agit que d'araignées. Nous essayons d'aider les gens à comprendre qu'il s'agit tout simplement de musulmans, et que notre religion est axée sur la paix, l'amour et l'harmonie. Les gens qui viennent d'une culture différente n'ont pas à dicter ou à définir la religion. Une personne ne peut être mauvaise en soi; ce n'est pas parce qu'elle appartient à une religion donnée. Il y a des gens mauvais dans toutes les religions qui existent. Il n'existe aucune religion qui ne compte pas parmi ses fidèles une personne mauvaise. Cela ne veut pas dire que cette religion est mauvaise.
    Encore une fois, à notre avis, il faut s'occuper d'éducation. Il faut s'occuper de la sensibilisation et de promouvoir la sensibilisation, et nous constatons une augmentation à ce chapitre, tout à fait. En un sens, nous observons une diminution des manifestations haineuses. Nous le constatons tous les jours, aujourd'hui encore.
    Est-ce que vous collaborez avec d'autres organisations?
    Absolument. Comme je l'ai déjà dit, ce sera toujours un effort de collaboration. C'est ainsi que ça peut se faire. Encore une fois, en Alberta, nous collaborons avec d'autres organisations. Nous le faisons aussi avec des organisations nationales.
    Par exemple, d'autres organisations religieuses...?
    C'est cela. Nous avons collaboré avec la collectivité juive, les collectivités de foi chrétienne. C'est exactement ce que nous faisons, pour éliminer les obstacles.
    Nous avons travaillé en étroite collaboration avec le centre mennonite pendant la crise des réfugiés syriens. Nous avons continué à collaborer avec la collectivité sikhe, parce qu'elle souffre. Nous oublions parfois que les sikhs font aussi partie des principales victimes de l'islamophobie. L'islamophobie, ce n'est pas seulement une discrimination contre les musulmans; c'est une discrimination contre les gens qui sont perçus comme étant des musulmans, ce qui est une forme de racisme. Une imposante majorité de musulmans en Amérique du Nord, en Occident, sont des gens de couleur, et cela s'apparente en effet à une phobie raciste.
    C'est ce que vous vouliez dire quand vous avez parlé, dans votre déclaration préliminaire, des gens qui sont perçus comme étant des musulmans?
    Oui. Cela tient aux caractéristiques physiques. Je pourrais être perçu comme un musulman, sans être un musulman, et être quand même victime d'islamophobie.
    Je dirais la même chose. J'aimerais vous raconter un incident qui s'est passé à Bashaw, en Alberta. Un sikh était propriétaire d'un motel. Le motel a été incendié, et il y a eu un mort, pour la simple raison qu'on était dans l'ignorance et qu'on ne savait pas si cette personne était ou non un musulman. Il était un sikh, un de ces sikhs qui portent le turban.
    Comment pouvons-nous combattre cette ignorance, qu'il s'agisse des symboles religieux que les sikhs arborent ou de la couleur de la peau d'une personne?
    Encore une fois, cela tient à l'éducation et à la sensibilisation. Cela tient à la compréhension de qui nous sommes, en tant que personnes. Nous ouvrons nos portes et nos mosquées et nous accueillons nos voisins, afin qu'ils comprennent qui nous sommes et ce que nous faisons. Nous sommes des gens ordinaires, nous payons nos impôts. Nous sommes des médecins, des ingénieurs, des technologues et des comptables. Nous sommes tout simplement des gens ordinaires. Nous n'avons rien de différent.
    Les gens qui commettent ces crimes au nom du djihad ne nous définissent pas. Nous ne les associons pas avec l'islam, parce que, je le répète, ils n'appartiennent pas à une religion.
    Comment pouvons-nous toucher les gens qui commettent des crimes haineux ou qui posent des gestes haineux, par exemple en affichant des messages de haine dans les universités? Est-ce que vous joignez l'organisation en essayant de bâtir des ponts...?
(1630)
    Absolument. Il y a eu des élections municipales il n'y a pas si longtemps, à Edmonton. Une des candidates affichait sa rhétorique anti-islamique et antimusulmane sur sa page Facebook, et nous l'avons découvert. Nous n'avons pas réagi négativement. Nous l'avons appelée pour lui dire: « Dites donc, nous avons vu ce qui se passe. Qu'avez-vous à dire? Pourquoi mettez-vous tout ça sur votre page Facebook? » Elle s'est excusée. Elle a dit: « Eh bien, savez-vous quoi... » Nous l'avons invitée à la mosquée et nous l'avons fait visiter.
    Ce qu'il faut combattre, c'est l'ignorance. Quand des choses comme ça arrivent, la moitié du temps c'est parce que les gens ne savent pas. Il se fie à ce qu'ils voient à la télévision.
    C'est la peur de l'inconnu.
    Exactement. Une fois qu'ils apprennent à connaître l'inconnu, ils s'aperçoivent que nous sommes disposés à leur parler et ils nous traitent comme des personnes normales et ordinaires. Il s'agit d'abord et avant tout de combattre l'ignorance. C'est ce que nous avons constaté. Et c'est ce que nous essayons de faire. J'ai évoqué le programme d'études andalouses. Ce qui nous motive à faire cela, ce n'est pas que l'Espagne nous obsède nécessairement, mais c'est parce que, pendant cette période de l'histoire, les musulmans, les chrétiens et les juifs vivaient ensemble et en paix, et c'est ce que nous voulons mettre en relief.
    Auriez-vous l'obligeance de communiquer ce programme d'études andalouses à notre Comité?
    Bien sûr.
    Il vous reste environ une minute, madame Dhillon.
    Je suis ravie d'apprendre que vous avez une ligne téléphonique d'urgence. Je crois que ces lignes sont utiles. Dès que quelqu'un a un problème, il lui suffit de prendre son téléphone et d'appeler. Depuis que vous avez créé cette ligne d'urgence, est-ce que vous avez reçu beaucoup de monde, à votre bureau? Existe-t-il un endroit où les gens peuvent se présenter lorsqu'ils ont besoin d'aide sur le plan psychologique ou juridique? Nous avons entendu dire, tout au long des témoignages, que certaines personnes avaient beaucoup de difficultés à savoir où s'adresser pour obtenir une aide juridique. Les gens ont peur de se prévaloir de leurs droits. Les immigrants de fraîche date craignent d'être expulsés s'ils s'adressent à la police, étant donné la façon dont les choses se passaient là d'où ils viennent.
    Les gens qui prennent les appels sont des professionnels. Ce sont des psychologues, des avocats, tout ce que vous voulez. Ces appels sont strictement confidentiels, et les renseignements personnels sont protégés. Je ne peux pas moi-même savoir exactement de quoi il est question, parce que je ne suis pas censé savoir de quoi il est question. On prend des arrangements avec la personne qui a appelé pour demander un soutien quelconque: une réunion en tête-à-tête, une discussion au téléphone, ou d'autres échanges qui pourront se produire jusqu'à ce que la personne ait trouvé un soutien digne de ce nom, soit des organismes d'exécution de la loi, soit des services de santé mentale.
    Comme je l'ai déjà dit, peu importe les arrangements qui sont pris, ils sont pris par le professionnel et la personne qui est une victime. Mais le personnel du conseil n'est pas supposé être au courant, pour des motifs liés à la confidentialité. Nous traitons cela comme nous traitons la relation entre le médecin et son patient, et ça ne va pas plus loin.
    Merci, madame Dhillon et monsieur Suri. Je suis désolée, vous avez épuisé vos sept minutes.
    Nous avons terminé les questions.
    Oui, David.
    Madame la présidente, juste une chose, j'aimerais rappeler aux témoins que s'ils veulent nous envoyer d'autres recommandations ou informations, nous serions heureux de pouvoir les intégrer aux témoignages.
    J'allais justement le dire.
    Veuillez le faire le plus rapidement possible. Notre comité va très bientôt mettre fin aux séances et s'attaquer à son rapport; si vous avez des informations à communiquer, faites-les parvenir au greffier, qui nous les distribuera. Nous pourrons les lire, mais faites-le aussi vite que possible. Merci.
    J'aimerais remercier les témoins d'être venus et d'avoir pris le temps de nous exposer leurs opinions sur ce rapport.
    Je vais suspendre la séance, pour permettre à l'autre groupe de témoins de s'installer. Merci.
(1630)

(1635)
    Si vous le permettez, nous reprenons nos travaux.
    Encore une fois, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité mène une étude sur les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques. Nous recevons aujourd'hui des représentants de Statistique Canada, M. Clermont et Mme Kong.
    Je vais rapidement vous expliquer le protocole. Vous avez ensemble 10 minutes pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi, évidemment, nous passerons aux questions.
    J'aimerais rappeler aux membres du Comité que nous allons cesser les questions 15 minutes avant la fin pour poursuivre à huis clos, car nous devons discuter de la rédaction du rapport du Comité.
    Monsieur Clermont.

[Français]

     Bonjour à tous.
    Laissez-moi d'abord remercier les membres du Comité de m'avoir invité à présenter les plus récentes données sur les crimes haineux déclarés par les Canadiens et par les services de police au Canada.

[Traduction]

    Les statistiques les plus récentes que nous avons, ce sont les données communiquées par la police pour l’année 2015; elles ont été publiées en juin dernier. Nous essayons de produire les données le plus rapidement possible, et j’aimerais que le Comité sache que les données de l’année 2016 seront publiées le 28 novembre.
    Je suis venu aujourd'hui avec Mme Rebecca Kong, chef du Programme des services policiers, qui travaille elle aussi pour le Centre canadien de la statistique juridique de Statistique Canada. Elle dirige le Programme de déclaration uniforme de la criminalité, d'où la plupart des données présentées aujourd'hui sont tirées et d'autres programmes d'enquête relatifs au maintien de l'ordre.

[Français]

    En résumé, les résultats dont nous allons discuter aujourd'hui démontrent, d'une part, que le Canada est une société très diversifiée — elle le deviendra davantage au cours des prochaines années —, et d'autre part, que les incidents de crimes haineux rapportés par les Canadiens représentent environ une affaire criminelle sur vingt, selon l'enquête sur la victimisation.
    Entre 2014 et 2015, les incidents de crimes haineux déclarés par la police sont passés de 1 295 à 1 362. De plus grandes augmentations ont été observées chez certains groupes. À cet égard, en 2015, le nombre d'incidents à l'encontre des Arabes et des Asiatiques de l'Ouest est passé de 69 à 92 incidents, et il est passé de 99 à 159 incidents à l'encontre de la population musulmane. Je parle toujours d'incidents rapportés à la police.

[Traduction]

    Pour commencer, j'aimerais vous présenter quelques données récentes tirées du recensement, ce qui vous aidera à comprendre le contexte de ce dont nous allons parler.

[Français]

    Selon les résultats du recensement de 2016, plus d'une personne sur cinq au Canada est née à l'étranger, soit 7,5 millions de personnes, dont plusieurs sont arrivées au cours des dernières années. Parmi ces personnes, plus de 2 millions sont arrivées au cours des 10 dernières années.

[Traduction]

    Les Philippines sont aujourd'hui le principal pays d'origine des immigrants récents au Canada. Ce pays est suivi de l'Inde et de la Chine. Il convient de souligner que la Syrie fait partie des 10 principaux pays sources de l'immigration récente, ce qui s'explique par l'afflux récent de réfugiés syriens.
    Les données du recensement mettent en relief la très grande diversité de la population canadienne. Selon nos projections, ces tendances devraient se poursuivre encore deux décennies. On prévoit qu'en 2036, trois Canadiens sur dix seront nés à l'étranger et, dans la même proportion, que leur langue maternelle ne sera ni le français, ni l'anglais. Le taux de fécondité élevé contribuera à l'augmentation de la proportion des Autochtones au sein de la population. Les jeunes Autochtones, par exemple, représentent une proportion relativement élevée des jeunes du Canada, et cette tendance s'accentuera elle aussi.
    Statistique Canada compte sur deux sources de données sur les crimes haineux: les données touchant les crimes autodéclarés et les données communiquées par la police. La première source s'appelle l'Enquête sociale générale, volet victimisation, qui est menée tous les cinq ans, la dernière datant de 2014. Cette enquête permet de recueillir de l'information sur les incidents criminels autodéclarés, peu importe leur nature. La deuxième source d'information englobe tous les cas signalés par des Canadiens à la police, qui les signale ensuite à Statistique Canada. Ces données sont regroupées chaque année dans la Déclaration uniforme de la criminalité.
(1640)

[Français]

     Voyons d'abord les résultats tirés de l'Enquête sociale générale sur la victimisation, qui est effectuée tous les cinq ans.
    Dans le cadre de cette enquête, on demande à un échantillon de Canadiens de 15 ans et plus s'ils ont été victimes de certains crimes, tels qu'une agression sexuelle, un vol qualifié, des voies de fait, des vols ou du vandalisme. Si les répondants indiquent qu'ils en ont été victimes, on leur demande s'ils croient que l'incident était motivé par la haine et, le cas échéant, on leur demande alors quel était le motif de cette haine.
    En 2014, les Canadiens ont déclaré 330 000 incidents criminels qu'ils croyaient motivés par la haine. Cela équivaut à 5 % de tous les incidents déclarés ou à un incident sur vingt. Les données ont aussi révélé que les deux tiers des personnes ayant déclaré avoir été victimes d'un incident motivé par la haine ne l'ont pas signalé à la police.
    Allons maintenant du côté des incidents rapportés à la police. Il importe d'abord de définir ce qu'est un crime haineux. Les données policières s'appuient sur des critères juridiques stricts appliqués aux affaires dont le bien-fondé est établi au moyen d'une enquête policière.

[Traduction]

    Les crimes haineux comprennent toutes les infractions au Code criminel faisant partie des quatre infractions spécifiques liées aux crimes haineux qui y sont énumérées: encouragement au génocide, incitation publique à la violence, fomenter volontairement la haine et méfait: culte religieux motivé par la haine. Les crimes haineux signalés par la police comprennent tous les autres incidents où l'infraction a été motivée par la haine, selon la police.
    À la diapositive 8 du document qui vous a été remis, vous pouvez voir que les crimes haineux ont augmenté de 5 % au Canada en 2015. Cette augmentation reflète principalement l'augmentation des incidents ciblant la population musulmane ou arabe ou encore d'Asie de l'Ouest. La police a déclaré 1 362 incidents de cette nature, c'est-à-dire 67 de plus que l'année précédente. Il faut néanmoins souligner, à titre comparatif, que près de 1,9 million d'incidents de nature criminelle ont été signalés à la police la même année.
    Vous voyez sur la diapositive 9 que le nombre de crimes déclarés par la police et motivés par la haine d'une origine raciale ou ethnique est passé de 611 à 641, une augmentation de 5 % ou de 30 incidents. Près de la moitié des crimes haineux déclarés à la police en 2015 étaient motivés par la haine d'une origine raciale ou ethnique. Les policiers ont déclaré en 2015 469 incidents motivés par la haine d'une religion. C'est 40 incidents de plus que l'année précédente. Les incidents de ce type représentent encore une fois 35 % des crimes motivés par la haine commis cette année-là. Les crimes haineux qui ciblent une orientation sexuelle ont diminué de 9 %, c'est-à-dire qu'il y a eu 141 incidents de moins. Ces incidents représentent 11 % des crimes haineux.
    Vous voyez à la diapositive 10 que les crimes haineux sont classés en deux catégories, avec ou sans violence. Les crimes avec violence sont les voies de fait et les menaces, les types les plus courants d'infractions avec violence motivées par la haine. Le crime haineux sans violence le plus courant, c'est le méfait, qui comprend le vandalisme et les graffitis. C'est l'infraction la plus courante visant la religion ou une origine ethnique. Les incidents motivés par la haine d'une orientation sexuelle, en 2015, étaient plus susceptibles d'être de nature violente, puisque c'est le cas de 60 % d'entre eux. Les incidents motivés par la haine d'une origine raciale ou ethnique arrivent au rang suivant, représentant 55 % des crimes haineux.
    Passons à la diapositive 11. Depuis 2010, les populations de race noire sont le groupe le plus souvent ciblé par les crimes haineux. Toutefois, le nombre total d'incidents ciblant ce groupe diminue depuis 2012. Il reste que, en 2015, les incidents déclarés par la police qui étaient motivés par la haine des Noirs représentaient 35 % des crimes haineux liés à l'origine raciale. À l'opposé, les crimes haineux ciblant les populations arabes ou asiatiques de l'Ouest, selon les déclarations de la police, sont en augmentation depuis 2013. En 2014, on avait signalé 69 crimes haineux ciblant ce groupe, et on en a signalé 92 en 2015. Ces incidents représentent 14 % des crimes haineux motivés par l'origine raciale ou ethnique.
    Sur la diapositive 12, on voit que les autres groupes ciblés en 2015 comprenaient la population blanche, pour 6 % et les Autochtones, pour 5 %. En 2015, la police a signalé 35 crimes haineux ciblant la population autochtone. Ces incidents sont relativement peu fréquents.
(1645)

[Français]

     La hausse de l'ensemble des crimes haineux commis en 2015 était en partie attribuable à une hausse du nombre d'affaires ciblant des musulmans. Le nombre de crimes haineux contre des musulmans ayant été déclarés à la police sont passés de 99 à 159, ce qui représente une augmentation de 61 %.
    Parallèlement à cela, le nombre de crimes haineux ciblant des juifs a diminué: il est passé de 213, en 2014, à 178, en 2015. Ainsi, les crimes haineux visant la population juive représentaient encore la plus grande partie des crimes motivés par la haine, mais cette proportion était suivie de très près par les crimes ciblant la population musulmane.

[Traduction]

    Sur la diapositive 14, on peut voir une tendance intéressante touchant l'âge des accusés. En 2015, les jeunes âgés de 12 à 17 ans représentaient 22 % des individus accusés de crimes haineux déclarés par la police. Cette tendance confirme la tendance observée l'année précédente. La majorité des individus accusés de crimes haineux sont des hommes, à 87 %. Les jeunes hommes de moins de 25 ans représentent plus du tiers des personnes accusées d'avoir commis un crime haineux.
    Passons maintenant à la diapositive 15. Les personnes accusées d'avoir commis un crime motivé par la haine et ciblant une religion sont encore plus jeunes, ce qui a aussi été observé les années précédentes. À peu près la moitié des personnes accusées d'un crime haineux ciblant la religion étaient âgées de 24 ans ou moins.
    Pour terminer, sur la diapositive 16, on voit le profil d'âge des personnes accusées de crimes haineux ciblant une origine raciale ou ethnique; elles sont en général plus âgées que les personnes accusées d'un crime ciblant une religion. En 2015, 63 % de ces personnes étaient âgées de 25 ans ou plus.

[Français]

     Madame la présidente, c'est ainsi que se termine ma présentation d'aujourd'hui.
     Je tiens à remercier tous les membres du Comité de leur attention et du temps qu'ils m'ont accordé.
    Ma collègue Mme Kong et moi-même sommes à votre disposition pour répondre aux questions.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Je tiens à vous remercier d'être venus, étant donné que nombre des témoins que nous avons entendus jusqu'ici ont souligné l'absence de données statistiques, de données ventilées, etc. Nous avons pensé qu'il serait très important de vous convoquer pour que vous puissiez nous en présenter quelques-unes.
    Nous allons commencer une série de questions de sept minutes, délai qui s'applique à la question et à la réponse. La première question viendra de Mme Dabrusin, du Parti libéral.
    Les diapositives que vous avez présentées ont été très utiles, mais mes questions porteront principalement sur votre rapport. Je l'ai parcouru en me posant bien des questions sur la façon dont nous pouvions réunir les chiffres que nous venons d'examiner.
    Je pense à certains énoncés figurant dans le rapport... Par exemple: « Les changements apportés aux pratiques de déclaration [de la police] peuvent avoir une incidence sur les statistiques concernant les crimes motivés par la haine. » On y dit aussi que, étant donné le petit nombre d'incidents, au total, « une variation de l'ordre de quelques affaires peut avoir un effet considérable ».
    Ma première question est la suivante: comment établissons-nous les données de référence d'une année sur l'autre? Si nous prenons, disons, les statistiques de 2016 qui vont bientôt être publiées, comment devrions-nous les interpréter par rapport aux statistiques que nous avons déjà en main?
(1650)
    C'est une bonne question.
    Nous faisons toujours une mise en garde, dans le rapport, pour dire que le mode de déclaration peut changer d'une année à l'autre. Nous savons que toutes sortes de facteurs peuvent influer sur les déclarations. Il s'agit des incidents qui sont déclarés par les victimes à la police, et nous savons que ce ne sont pas tous les incidents qui sont signalés à la police. Nous avons déjà constaté dans le passé — particulièrement les tout premiers temps, lorsque les services de police mettaient en place des unités des crimes haineux ou faisaient des activités de sensibilisation touchant en particulier certaines collectivités — que cela pouvait avoir une influence sur l'augmentation ou la diminution des nombres. C'est la réponse à votre première question.
    En ce qui concerne les données de référence, c'est plus difficile. Les chiffres ne sont pas élevés. Comme vous l'avez vu, nous avons compté en 2015 un total de 1 300 crimes haineux, et c'est par rapport à plus d'un million de crimes signalés au total à la police. Nous devons faire une mise en garde pour dire que de petites variations d'une année sur l'autre peuvent se traduire par de grandes augmentations des pourcentages.
    Il arrive souvent, quand nous examinons les caractéristiques des victimes ou des accusés, que nous cherchions à regrouper les données pour obtenir des nombres plus élevés, mais il s'agit essentiellement de données administratives. Il s'agit de chiffres. Il s'agit non pas d'estimations, mais des chiffres que nous a donnés la police, et il est important de tenir compte du contexte au moment de les interpréter.
    J'ai remarqué que, même pour les données de 2015, les services de la police municipale de Calgary, de Québec et de Saint John n'avaient pas pu transmettre de l'information détaillée.
    Une des recommandations faites par un certain nombre de témoins consiste à élaborer une norme d'uniformité pour la collecte de données. J'aimerais savoir si vous avez des suggestions sur la forme que cette collecte pourrait prendre et la façon dont elle pourrait fonctionner.
    Les données publiées dans Juristat sont tirées de la déclaration uniforme de la criminalité. La collecte de données sur les crimes motivés par la haine a été conçue de manière à permettre la collecte d'information standard: qu'est-ce qui constitue un incident selon la police, comment la police comptabilise les incidents, de quelle information elle tient compte lorsqu'elle enregistre un crime dans la catégorie des crimes haineux. Les catégories et les définitions qui s'appliquent au crime haineux que nous utilisons sont celles qu'utilisent tous les services de police. Quand nous disons qu'un service de police n'a pas communiqué de renseignements, c'est parce qu'il n'est pas encore passé à la dernière version du programme, laquelle comporte un module sur les crimes haineux. C'est pour cette raison qu'ils ne fournissent pas d'information détaillée.
    Pourront-ils le faire en 2016?
    Ils ne fournissent pas de détails, mais ils signalent l'incident. Nous savons qu'il y a eu un incident et nous en connaissons la nature. Il nous manque tout simplement des détails sur...
    La victime et l'accusé...
    Est-ce que les trois services vont être inclus dans les données de 2016, et fourniront-ils ces détails?
    Calgary a fait la conversion, et nous les aurons. Ce n'est pas encore fait à Québec. Saint John a elle aussi fait la transition.
    Seriez-vous en mesure de nous communiquer les normes que tous les services doivent respecter, comme vous l'avez dit? Si nous pouvions les avoir par écrit, ça nous serait utile.
    Absolument.
    J'aimerais aborder rapidement un autre aspect. Le sujet est vaste.
    Les données sociales générales, sur la sécurité des Canadiens, sur la victimisation, sont différentes des données fournies par la police, puisqu'elles proviennent des victimes. Les deux tiers des personnes qui ont participé à la dernière enquête et qui ont dit avoir été victimes d'un crime motivé par la haine n'avaient pas signalé l'incident à la police.
    Y avait-il une question de suivi, dans cette enquête, quant à la raison pour laquelle les incidents n'avaient pas été signalés à la police?
    Oui, il y en avait une. Nous avons également établi une comparaison avec les crimes autres que haineux pour savoir s'il y avait des points communs ou des différences. Nous avons proposé aux répondants une liste de motifs pour lesquels ils auraient signalé ou omis de signaler un incident à la police, et la distribution est à peu près la même quand il s'agit de crimes haineux ou de crimes non motivés par la haine.
    Les deux principales différences avaient trait à la crainte de représailles, plus forte chez les victimes de crimes haineux et la crainte des préjugés de la police, un autre motif au regard duquel la prévalence est plus élevée chez les victimes de crimes haineux que chez les victimes de crimes non motivés par la haine.
    Il vous reste une minute et demie.
    Si nous cherchions un moyen d'améliorer la qualité des données que nous recueillons à propos des crimes haineux, qu'auriez-vous à suggérer quant à la façon dont nous recueillons cette information auprès des victimes ainsi qu'auprès des services de police?
(1655)
    Je vais vous présenter un bref compte rendu, puis j'inviterais ma collègue, Mme Kong, à fournir davantage d'information à ce sujet.
    Je crois qu'avec le temps, vu tous les mécanismes qui sont en place dans les services de police et qui servent à rendre compte au moyen de la déclaration uniforme de la criminalité... Les normes ont été établies. Une formation est offerte en ligne. Nous validons les données que les services de police nous fournissent chaque fois que nous constatons qu'il y a d'importants écarts d'une année à l'autre. Tout un processus s'applique à la validation des données fournies par les services de police. Je dirais que les mécanismes actuellement en place sont de très bonne qualité, surtout qu'il s'agit de données administratives.
    Bien sûr, il y a toujours place à l'amélioration, mais c'est délicat pour les répondants, et il y a beaucoup d'échanges entre les intervieweurs et les répondants. Je crois que ça fonctionne assez bien actuellement, mais, s'il existait d'autres façons d'améliorer le processus, je demanderais à Mme Kong de nous donner de l'information.
    Mme Kong pourra peut-être fournir cette information quand quelqu'un d'autre lui posera une question, parce que la série de questions de sept minutes vient de prendre fin.
    Elle pourra peut-être répondre par écrit, si personne d'autre ne lui pose de questions...
    Je donne maintenant la parole à M. Anderson, qui partage son temps avec M. Sweet
    C'est moi qui vais commencer, madame la présidente, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. J'ai deux ou trois petites questions.
    Depuis combien de temps recueillez-vous des données sur les crimes haineux auprès des organismes d'exécution de la loi?
    Nous avons commencé en 2005. L'enquête a été mise au point au début des années 2000, dans le cadre du Plan d'action canadien contre le racisme qui venait d'être mis en oeuvre.
    La collecte de données a été élaborée en 2005, et les services de police s'y sont joints l'un après l'autre, chaque fois que de nouvelles versions de l'enquête étaient proposées.
    Donc, la collecte des données s'est faite selon différentes normes en matière de vigueur et de conformité. De quelle façon les incitez-vous à y participer?
    Habituellement, la façon dont fonctionne la collecte des données dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité, c'est que les nouvelles versions sont mises en oeuvre dans leur système de gestion des dossiers, le système automatisé qu'ils utilisent pour entrer leurs dossiers. Quand ils effectueront la mise à niveau pour passer à la prochaine version de ce système auprès de leur fournisseur, ils obtiendront les nouvelles exigences relatives au programme. Il s'agissait essentiellement de ce qui motivait les services de police au moment où ils effectuaient le changement.
    Je pense que même un seul incident ou crime haineux, c'est déplorable, et que nous devrions faire de notre mieux pour les prévenir, mais je veux veiller à ce que, dans notre quête visant à les empêcher, nous nous assurions également que les termes que nous employons sont appropriés.
    Cette motion contient les termes « climat de haine et de peur » croissant. Je regarde vos chiffres concernant les crimes haineux commis de 2009 à 2015, ainsi que la population du Canada, qui a augmenté d'environ 2 millions. Voyez-vous dans ces chiffres la preuve d'un climat de haine et de peur croissant?
    Si on tient compte de la population, les taux sont relativement faibles. Les fluctuations générales d'année en année ne sont pas très grandes, mais nous avons observé des différences en ce qui concerne des groupes particuliers, soit certaines des différences que M. Clermont a mentionnées dans les diapositives en ce qui a trait aux cibles changeantes des crimes motivés par la haine.
    Je vais céder la parole à mon collègue.
    Je veux faire un suivi à ce sujet. L'existence de ce « climat de haine et de peur qui s'installe » compte parmi les suppositions exposées dans le rapport. D'un point de vue statistique, comment feriez-vous pour en arriver à une telle conclusion? Comment pouvez-vous déterminer l'existence de quelque chose de systémique — comme le fait que nous avons un climat de haine et de peur qui s'installe —, ou bien ne vous aventurez-vous pas sur ce terrain? Rendez-vous tout simplement compte des chiffres, puis il incombe aux décideurs de faire la déclaration?
    Je dirais — en plus des propos qu'a tenus Mme Kong en réponse à la question de M. Sweet — que le Programme de déclaration uniforme de la criminalité ne recueille que des données au sujet des actes qui ont été reconnus comme étant des crimes. Ce n'est pas le bon outil pour mesurer la crainte ou la haine, puisque la haine, en soi, n'est pas un crime. Il faudrait qu'il y ait d'autres moyens statistiques pour le faire. Peut-être que la meilleure façon de procéder consiste à recourir à une enquête sociale générale, par exemple, et à poser des questions au sujet de la tolérance.
(1700)
    Dans ce cas, vous inviteriez les gens à déclarer s'ils ont l'impression que les autres sont tolérants ou intolérants, et c'est ainsi que vous détermineriez si le climat a changé.
    Ce pourrait être des deux côtés. Ce serait l'un des moyens qui pourraient être étudiés. Je n'ai pas de réponse définitive à cette question, mais il pourrait s'agir d'une voie à envisager.
    Est-ce ainsi que vous avez obtenu les chiffres autodéclarés dont vous disposez, au moyen des auto-enquêtes? Je veux simplement lire ce passage, parce qu'il a attiré mon attention: En 2014, près de 1 000  incidents criminels par jour sont survenus, lesquels avaient été motivés par la haine, selon les personnes touchées. Est-ce exact?
    Oui.
    C'est 20 % des incidents criminels, alors 6,5 millions d'incidents criminels se produisent par année au Canada, environ. Est-ce bien ce que vous affirmez?
    Eh bien, c'est ce que les répondants déclarent.
    Déclarent-ils 6,5 millions de crimes?
    Oui.
    De ces 1 000 incidents par jour, il y en a 1 300 par année qui sont signalés par la police comme étant des crimes haineux et — je présume — qui font l'objet d'instances judiciaires.
    Vous pourriez interpréter ces résultats ainsi.
    Comment les interpréteriez-vous autrement? Je vous pose la question parce que ce sont vos chiffres. Des 330 000 incidents qui, selon les gens, avaient été motivés par la haine, l'an dernier, des mesures ont été prises à l'égard de 1 362.
    Oui.
    Y a-t-il là un écart?
    Vous disposez de deux minutes.
    Des 330 000 cas où les gens ont affirmé qu'ils croyaient que la haine avait été un motif du crime — il aurait pu y avoir d'autres motifs également, mais la haine faisait partie de ceux qu'ils auraient pu choisir —, les deux tiers ne se sont jamais rendus jusqu'à la police. Du tiers restant, nous ne saurons pas ce qu'il est advenu de ces cas, car nous n'en avons pas fait le suivi expressément. La seule chose que nous savons, c'est que, lorsque nous examinons ce qui est signalé à la police, nous n'obtenons que 1 300 cas des policiers.
    Laissez-vous entendre que 110 000 cas sont signalés à la police, mais que seulement 1 300 finissent par être déclarés par les policiers?
    Je n'irai pas jusqu'à tirer cette conclusion.
    Seulement 1 300 cas sont corroborés par les policiers comme étant des crimes haineux, mais il s'agit d'une autre source. Ce sont deux choses différentes.
    Une source est l'opinion de la personne en question. L'autre, c'est la police.
    Oui, c'est ce qui est signalé à la police et qui est corroboré par les policiers après une enquête.
    Cela ressemble à la question posée par M. Sweet. Quand vous voyez une ligne droite — qui part de 1 482, en 2009, pour descendre à 1 332, puis remonter jusqu'à 1 414 et finir à 1 362 —, considérez-vous cela comme un taux croissant, alors que la population a augmenté de près de 2 millions?
    Il y a eu une augmentation de 5 % dans les chiffres de 2015 par rapport à 2014. Il n'y a pas eu d'augmentation de 5 % de la population en une année, alors il s'agit d'une augmentation de 5 % du nombre d'incidents.
    En fait, je pense que vous vous trompez, parce que, de 2013 à 2014, le nombre de cas a augmenté de ce pourcentage, mais, de 2012 à 2013, il a diminué de façon plus importante. Vous êtes le statisticien, mais le nombre de cas est passé de 1 414, en 2012, à 1 167, en 2013. Cette diminution est bien plus grande que l'augmentation qui a eu lieu. Je ne dis pas qu'elle n'a pas eu lieu. J'affirme simplement...
    Parlez-vous des...?
    C'est à la diapositive 8. Nous sommes dans la même fourchette qu'en 2009. En fait, nous sommes encore en dessous de 2009 et de 2010. Nous sommes à peine au-dessus de 2011, mais en dessous de 2012.
    Oui.
    Est-ce une augmentation? Il y a deux millions de personnes de plus.
    Désolé, je faisais allusion à l'augmentation dans les données de la dernière année, soit de 2014 à 2015, qui correspond à 5 %. Vous avez raison, toutefois; il y a eu une diminution après 2009.
    Merci, monsieur Clermont.
    David, nous sommes allés bien au-delà des sept minutes.
    Je vais passer à Mme Kwan, pour sept minutes.
    Merci à nos représentants pour ce rapport.
    Deux tiers des victimes n'ont pas signalé l'incident à la police. Ce chiffre est-il applicable à l'ensemble des diverses provinces? Y a-t-il une différence importante entre les provinces et les territoires pour ce qui est de ne pas faire de signalement à la police, ou bien est-ce pas mal partout pareil, c'est-à-dire qu'environ les deux tiers des incidents survenus dans chaque province et territoire ne sont pas signalés à la police?
(1705)
    Nous n'avons pas apporté cette information. Il faudrait que nous la fournissions au Comité.
    Pourriez-vous le faire, s'il vous plaît?
    Je suis curieuse de voir une comparaison province par province et territoire par territoire afin de savoir s'il y a des provinces qui se démarquent ou si personne n'effectue de signalement, de façon générale. Je souhaite également savoir... le dossier que nous avons reçu présente une répartition, année par année, du nombre d'incidents, et il y a des années où les chiffres font l'objet d'une hausse importante dans une province particulière, presque le double. Si nous examinons ces années en comparaison des changements démographiques ou des tendances en matière d'immigration, je me demande s'il ressortirait quoi que ce soit qui nous montrerait que quelque chose d'unique est en train de se passer, ou bien si ces fluctuations se produisent tout simplement de façon aléatoire.
    Je crois comprendre que vous n'avez pas apporté d'information aussi détaillée.
    Non.
    Si nous pouvions obtenir ces renseignements, je souhaiterais vraiment connaître la comparaison d'année en année entre l'ensemble des provinces et des territoires et voir comment la démographie pourrait avoir changé et savoir par exemple si la population d'une origine ethnique particulière a augmenté dans telle province, pour telle année, ou bien quoi que ce soit de ce genre. Ce serait très utile et pertinent.
    Je suppose que, grâce à toute cette information... Ce sont les renseignements que vous ne recueillez pas; je ne suis pas certaine que vous le fassiez. Des cas qui ont été déclarés, avez-vous des données sur le nombre qui ont non seulement été signalés, mais qui ont aussi fait l'objet de poursuites, et sur le résultat de ces poursuites? Disposez-vous de ces renseignements également?
    Non, nous ne les avons pas.
    Vous ne les recueillez pas du tout.
    Non.
    C'est tout dans le domaine de la police.
    Oui.
    Pour ce qui est des rapports, vous avez aussi l'analyse comparative entre les sexes. Est-ce que j'interprète bien ce tableau? C'est celui où les résultats sont répartis en fonction de l'âge et du sexe, puis de l'origine ethnique, de la religion et de l'orientation. S'agit-il du nombre de personnes accusées?
    Voici le tableau.
    Oui, ce sont les accusés.
    Avez-vous également la même répartition des signalements, des cas qui sont déclarés? Je suis curieuse de savoir combien d'entre eux touchent des femmes, par exemple.
    Voulez-vous parler des victimes?
    Oui.
    Nous avons des renseignements sur les victimes dans les cas d'infractions avec violence, que nous pourrons fournir également.
    S'agit-il de données sur les crimes haineux?
    Oui. Quand je dis « infractions avec violence »... dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité, nous ne recueillons de renseignements sur la victime que si l'infraction était violente, pas si elle visait un bien. Alors, en ce qui concerne les crimes haineux et violents, nous aurons ces renseignements à vous fournir.
    Pouvez-vous préciser de quel tableau vous parlez, Jenny?
    Je regarde le tableau 2. Il porte sur les accusés, mais je me demande si nous pouvons obtenir des renseignements de type semblable concernant les victimes afin que nous puissions nous faire une idée de qui elles sont, de ce point de vue.
    Comme les gens affirment ne pas se sentir à l'aise d'effectuer un signalement... vous avez de l'information au sujet des raisons pour lesquelles les gens ne signalent pas les incidents. Y a-t-il une distinction liée à l'âge et au sexe, ou bien est-ce de façon générale?
    Il faudrait que nous examinions les données de cette manière. Nous n'avons recueilli que des données générales, concernant toutes les victimes, en ce qui a trait aux raisons de ne pas effectuer de signalement.
    D'accord. Je me demande si le Comité pourrait obtenir ces renseignements également.
    Je suis désolée. J'approfondis le sujet jusqu'à ce degré de détail parce que cela nous permettrait de voir à quoi ressemble cette situation. Si nous devons tenter de trouver des solutions pour amener les gens à signaler les incidents, nous devons tenir compte de cette information. Espérons qu'elle nous éclairera en conséquence.
    En fait, madame la présidente, ce sont toutes les questions que je me pose du point des détails que je souhaite obtenir afin de mieux comprendre ce que signifient ces statistiques.
(1710)
    Merci, madame Kwan.
    Maintenant, nous passons à M. Vandal, pour les libéraux.
    Merci beaucoup de votre exposé.
    J'essaie de décortiquer certains des chiffres que je viens d'entendre, alors veuillez faire preuve d'indulgence à mon égard.
    Avant que j'y arrive, recueillez-vous des données sur les crimes haineux auprès d'autres secteurs du système de justice pénale, que ce soit le système judiciaire ou correctionnel?
    Concernant les quatre infractions prévues dans le Code criminel, nos données provenant des tribunaux contiennent cette information.
    Quel genre de données recueillez-vous?
    Nous recueillons des renseignements au sujet des caractéristiques de l'accusé, du temps qu'il a fallu pour l'instruction de la cause par le tribunal et de la décision rendue à l'issue du procès, pour ne donner que quelques types de renseignements dont nous pourrions disposer à ce sujet.
    Je regarde la page 5 de votre présentation. Il y a deux moyens de recueillir des données sur les crimes haineux. Le premier, c'est par une enquête auprès des ménages, dont les données sont autodéclarées. L'autre, c'est par les statistiques déclarées par la police.
    Manifestement, il n'est pas nécessaire qu'une accusation soit déposée par le service de police pour que l'on puisse recueillir les données que vous recherchez. Me suivez-vous?
    Je ne suis pas certain d'avoir compris la question, désolé.
    Il s'agit d'une enquête auprès des ménages. Il se pourrait qu'une personne ait été menacée et que la menace ait été réelle, mais qu'aucune accusation n'ait été déposée. Cette situation entrerait-elle tout de même dans les statistiques sur les crimes haineux?
    Si le répondant l'a affirmé, oui, ce serait le cas.
    Contrairement aux statistiques déclarées par la police, qui tiennent compte — je présume — des cas où une accusation est portée...
    Les policiers reçoivent une plainte, puis ils déposent une accusation.
    Les policiers enquêtent, puis il y a des accusations.
    Je souhaite simplement corriger cette information: ils pourraient ne pas déposer d'accusation s'ils n'ont trouvé personne à accuser, mais les données de la police représentent des incidents corroborés qui ont fait l'objet d'une enquête.
    Quelle est la différence entre votre Programme de déclaration uniforme de la criminalité et l'Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle?
    L'Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle est une base de données administrative ou une collecte de données menée auprès de tous les tribunaux provinciaux et de toutes les cours supérieures du pays qui permet de recueillir des renseignements seulement au sujet des caractéristiques de l'affaire et de l'accusé, et de la décision rendue à la fin, une fois que l'affaire est terminée.
    D'accord, et le Programme de déclaration uniforme de la criminalité, c'est ce que nous avons ici, essentiellement.
    Oui.
    Ce sont des données provenant des services de police, alors il s'agit de tous les incidents qui ont déclenché une intervention policière et qui ont été corroborés, que les services aient trouvé ou non quelqu'un à accuser, et que l'affaire se soit ou non rendue devant les tribunaux.
    Que pouvons-nous faire pour améliorer le système de données avec lequel vous travaillez maintenant? Avez-vous des suggestions à nous adresser quant à ce que nous pouvons mieux faire en tant que gouvernement?
    Je pense que cela nous ramène au commentaire formulé par l'autre membre du Comité. M. Clermont a déjà un peu commenté ce que nous faisons pour confirmer les données déclarées par la police. Pour ce qui est de former les policiers, nous leur offrons une formation en ligne afin qu'ils soient en mesure de comprendre comment noter adéquatement les données, etc., et, comme nous le constatons d'après ces chiffres, une grande part de l'information dépend de la volonté des gens de se présenter pour faire un signalement à la police. Dans le passé, nous avons vu que, lorsque des programmes de sensibilisation communautaire sont mis en oeuvre, les chiffres tendent à augmenter.
    Selon moi, en ce qui concerne le travail avec les policiers et le fait de continuer à les sensibiliser à l'importance des données et de les former, nous constatons que la situation en ce qui a trait à la volonté des victimes de se manifester est très différente lorsque le service de police possède une unité consacrée aux crimes haineux et entretient des relations solides avec les communautés. C'est là que nous obtenons de l'information sur les chiffres.
    L'autre aspect à l'égard duquel il pourrait y avoir une lacune, c'est que nous en savons beaucoup au sujet des victimes grâce à l'enquête sur la victimisation, mais nous n'en savons pas beaucoup au sujet des délinquants et de ce qui les motive à commettre ces crimes. Il y a une lacune au chapitre de l'information à cet égard, de la compréhension des pensées qui sous-tendent le comportement des délinquants et des raisons pour lesquelles ils pourraient perpétrer leurs crimes.
(1715)
    Vous disposez de deux minutes.
    Je crois que Julie Dzerowicz a des questions à poser.
    Merci. Je vais seulement poursuivre...
    Tenez-vous-en à deux minutes, toutefois, Julie, sans quoi je vous interromprai.
    Ça va. Ne vous inquiétez pas.
    L'une des recommandations vise à déterminer si les données pourraient en fait être recueillies par des organismes communautaires. Pourriez-vous appliquer un programme de déclaration uniforme de la criminalité à des organismes communautaires de la même manière que vous l'appliquez à la police?
    Je peux comprendre pourquoi beaucoup de gens au sein d'organisations de partout au pays ne s'adresseraient pas aux policiers. Il y a diverses raisons. Les cultures sont différentes d'une ville et d'un endroit à l'autre. Je me demande si Statistique Canada a déjà eu recours à un programme de déclaration uniforme de la criminalité — le même modèle que celui de la police —, mais auprès d'organismes communautaires?
    Vous disposez d'une minute.
    Dans le passé, nous avons recueilli des données auprès d'organisations comme celles qui sont liées aux services aux victimes afin de combler des lacunes au chapitre des renseignements. Il est déjà arrivé que Statistique Canada travaille avec des organismes sans but lucratif ou communautaire dans le cadre de la collecte des données.
    C'est possible.
    C'est possible. J'allais dire exactement la même chose. Nous tenons aussi l'Enquête sur les maisons d'hébergement, alors c'est une possibilité.
    Si vous deviez recueillir des données sur les délinquants, comment procéderiez-vous? Quelle serait votre recommandation?
    Nous considérerions probablement cela non pas tant comme une enquête, mais davantage comme une recherche menée selon un modèle précis, de sorte que les personnes qui auraient accès aux délinquants pourraient mener des entrevues et recueillir ce type de renseignements. Il semble que ce type de renseignements ne soit pas propice à un sondage.
    D'accord, c'est excellent.
    Merci beaucoup.
    Madame Fry, puis-je simplement prendre 10 secondes pour leur demander une précision concernant l'une des informations qu'ils vont fournir?
    Il faudrait vraiment que ce soit 10 secondes, monsieur Virani.
    Vous avez dit que vous faisiez le suivi des caractéristiques des accusés, du temps qu'il fallait pour que le tribunal instruise l'affaire et du résultat final de l'instance judiciaire. S'agit-il de renseignements que vous alliez fournir au Comité et, sinon, auriez-vous l'obligeance de les fournir?
    Merci de la précision, car je n'avais pas interprété cela comme une demande. Nous pourrions vérifier s'il y a un nombre suffisant de procès liés à l'une des quatre infractions prévues dans le Code criminel en ce qui a trait aux crimes haineux en particulier. Pour ce qui est de tous les autres types d'infractions — c'est-à-dire, par exemple, méfaits, proférer des menaces, ou quoi que ce soit qui était motivé par la haine —, nous ne pouvons pas les retracer dans le système judiciaire.
    Merci, monsieur Clermont.
    Voudriez-vous remettre ces renseignements au greffier, s'il vous plaît, afin qu'ils puissent être transmis à tous les membres du Comité?
    Oui.
    Je veux vous remercier de votre présence. C'était très instructif. J'aurais voulu que nous ayons deux heures à vous accorder, mais merci de vous être présentés.
    Je voudrais maintenant passer à huis clos, alors il faudrait que quiconque n'est pas un membre du personnel d'un député ou un député sorte de la salle. Nous ferons retentir une sonnerie 25 minutes après l'heure, et ce sera une sonnerie de 15 minutes.
    La séance est suspendue.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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