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PACP Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des comptes publics


NUMÉRO 101 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 31 mai 2018

[Enregistrement électronique]

(1630)

[Traduction]

    Bonjour à tous. En ce jeudi 31 mai 2018, nous sommes toujours à la séance 101 du Comité permanent des comptes publics.
    Chers collègues, la séance est désormais publique, et nous recevons aujourd'hui Michael Ferguson, vérificateur général du Canada.
    Il sera accompagné des directeurs principaux Jean Goulet, Philippe Le Goff, Carole McCalla et Glenn Wheeler.
    Mardi dernier, le vérificateur général a publié son rapport du printemps 2018, et nous sommes ici aujourd'hui pour le rencontrer et discuter du document.
    Je vais maintenant céder la parole à notre vérificateur général du Canada, M. Michael Ferguson.
    Bienvenue.
    Monsieur le président, j'ai le plaisir de vous présenter nos derniers rapports d'audit, qui ont été déposés à la Chambre des communes mardi. Mais avant de décrire nos audits, je veux souligner que nous nous trouvons à un moment critique, à un moment que le gouvernement se doit de saisir pour réfléchir à ce que j'appelle des « échecs incompréhensibles », et pour se demander dans quelle mesure sa culture l'empêche de produire des résultats axés sur les citoyens et citoyennes.
    Dans notre audit du système de paye Phénix, nous avons conclu que le projet a été marqué par un échec incompréhensible de la gestion de projet, et de la surveillance de projet.
    Nous avons aussi livré deux audits de programmes destinés aux peuples autochtones. Lorsque j'additionne les constats de ces deux audits aux constats de nos audits passés, je ne peux faire autrement que de reprendre les mots, échec incompréhensible pour qualifier l'incapacité des programmes fédéraux à améliorer la situation des populations autochtones du Canada.

[Français]

    Je vais maintenant passer aux constats de chacun de nos audits.
    Le premier audit a évalué les progrès réalisés par Services aux Autochtones Canada en vue de combler les écarts socioéconomiques entre les membres des Premières Nations vivant dans les réserves et le reste de la population canadienne.
    Les gouvernements s'engagent depuis des années à combler ces écarts. Pourtant, Services aux Autochtones Canada ignorait l'importance véritable des écarts et ignorait si des progrès étaient faits pour les combler.
    Nous avons examiné de plus près le secteur de l'éducation. Selon nos calculs, il y a eu, entre 2001 et 2016, un accroissement de l'écart entre les membres des Premières Nations vivant dans les réserves qui détiennent au moins un diplôme d'études secondaires et le reste de la population canadienne.
(1635)

[Traduction]

    Service aux Autochtones Canada a mal utilisé les données sur l'éducation qu'il avait recueillies. Par exemple, le ministère a consacré 42 millions de dollars sur quatre ans à aider des étudiants des Premières Nations à se préparer aux études postsecondaires. Toutefois, seulement 8 % des personnes inscrites à ce programme préparatoire l'avaient terminé.
    Malgré la faiblesse de ces résultats, le ministère n'a pas collaboré avec les Premières Nations ou les établissements d'enseignement pour améliorer le taux de réussite de ce programme.
    Le deuxième de nos audits sur les programmes autochtones a examiné les efforts déployés par Emploi et Développement social Canada pour aider les peuples autochtones à acquérir les compétences nécessaires pour trouver un emploi et le garder.

[Français]

    Malgré des dépenses qui dépassent les 300 millions de dollars par année, nous avons constaté qu'Emploi et Développement social Canada ne savait pas dans quelle mesure ses programmes aidaient les Autochtones à trouver un emploi et à le garder. Par exemple, le ministère savait que 16 % des clients autochtones bénéficiaient d'un minimum de cinq services, mais il ne savait pas si ces mêmes clients avaient fait des progrès dans leur recherche d'un emploi durable.
    Notre audit suivant a examiné la façon dont Affaires mondiales Canada avait répondu aux demandes d'assistance consulaire de Canadiens et de Canadiennes à l'étranger.
    Nous avons constaté que le ministère déployait du personnel pour aider des Canadiennes et des Canadiens confrontés à une crise à l'étranger.
    Toutefois, nous avons aussi constaté que le ministère tardait à évaluer les signes que des Canadiens détenus à l'étranger étaient victimes de mauvais traitements ou de torture.

[Traduction]

    En 2004, le juge Dennis O'Connor recommandait à Affaires mondiales Canada de mieux former son personnel à reconnaître les signes de torture ou de mauvais traitements, et de veiller à ce que le ministre soit rapidement informé de ces cas. Plus d'une décennie plus tard, nous avons constaté que le ministère n'avait donné qu'une formation générale à son personnel consulaire sur la façon de mener les visites en prison et de déterminer si un prisonnier canadien avait été maltraité ou torturé. Dans un cas, nous avons vu qu'il lui avait fallu sept mois pour informer le ministre.

[Français]

    Passons maintenant à notre audit dont le but était de déterminer si les Forces armées canadiennes administraient de façon efficiente le système de justice militaire.

[Traduction]

    Nous avons constaté que les Forces armées canadiennes prenaient souvent trop de temps pour régler des poursuites devant la justice militaire, autant dans le cas d'infractions disciplinaires mineures jugées lors de procès sommaires que dans celui d'allégations jugées par une cour martiale. Les Forces armées canadiennes ont dû abandonner 10 causes portées devant une cour martiale parce qu'elles n'avaient pas été traitées aussi rapidement qu'elles auraient dû l'être. Ces retards vont à l'encontre du droit de tout accusé d'être jugé promptement. Ils laissent les victimes et leurs familles dans l'incertitude.
    Les Forces armées canadiennes sont au courant de ces problèmes depuis au moins 10 ans, mais elles n'ont pas réussi à les corriger.

[Français]

    Notre audit suivant portait sur la manière dont les organismes fédéraux se débarrassent de leur matériel et leurs biens excédentaires.
    Nous avons constaté qu'au cours de l'exercice ayant pris fin le 31 mars 2017, la vente d'actifs avait rapporté 50 millions de dollars aux organismes gouvernementaux. Toutefois, nous estimons que la conservation ou la réutilisation de ces actifs représentait une valeur de 82 millions de dollars.

[Traduction]

    L'Agence du revenu du Canada a mis en oeuvre un système pour réutiliser ses biens qui lui a permis d'économiser 4,5 millions de dollars en trois ans. Cet exemple montre que le gouvernement peut réaliser des économies s'il réutilise avec prudence ses biens.
    Passons maintenant à notre audit du projet du gouvernement de remplacer le pont Champlain, à Montréal.

[Français]

    Nous avons constaté que la décision de remplacer le pont Champlain aurait dû être prise des années plus tôt. Le retard a coûté aux contribuables plus d'un demi-milliard de dollars.
    L'audit a montré qu'Infrastructure Canada avait analysé le modèle de partenariat public-privé après que le gouvernement eut annoncé qu'il le retenait. De plus, nous avons noté des faiblesses dans l'analyse faite par le ministère. Une analyse approfondie aurait révélé qu'un partenariat public-privé allait fort probablement finir par coûter plus cher qu'un modèle d'approvisionnement traditionnel.
    Selon nous, le nouveau pont coûtera plus cher que si la décision de le remplacer avait été prise plus tôt, il coûtera plus cher que prévu à l'origine et il n'est pas certain qu'il sera terminé avant l'échéance de décembre 2018.
(1640)

[Traduction]

    Le dernier de nos audits de performance examinait encore une fois le système de paye Phénix. Cette fois, nous avons examiné si la décision de déployer le système de paye avait été raisonnable. Nous avons conclu que le projet Phénix constituait un échec incompréhensible de la gestion de projet, et de la surveillance du projet. La décision de lancer Phénix était donc une mauvaise décision.
    Pour respecter le budget et les échéanciers établis, les cadres de Services publics et Approvisionnement Canada ont décidé de supprimer des fonctionnalités essentielles du système, de réduire l'étendue des essais et d'annuler une mise en oeuvre pilote. Les cadres responsables de Phénix ont ignoré des signes manifestes que le centre de paye de Miramichi n'était pas prêt à assumer le volume d'opérations de paye, et que Phénix lui-même n'était pas prêt à traiter correctement la paye des fonctionnaires fédéraux. Lorsque les cadres responsables de Phénix ont informé le sous-ministre de Services publics et Approvisionnement Canada que Phénix serait déployé, ils ont passé sous silence les problèmes graves dont ils avaient connaissance.

[Français]

    Enfin, la décision de déployer Phénix n'est pas documentée. Étant donné les informations connues à l'époque, nous jugeons que la décision de déployer Phénix n'était pas raisonnable. Le système ne fait pas ce qu'il devait faire. Il a coûté des centaines de millions de dollars de plus que prévu et il a eu des conséquences négatives sur des dizaines de milliers de fonctionnaires fédéraux et leur famille.
    Passons maintenant aux résultats des audits que nous avons faits dans les sociétés d'État. Depuis l'automne, nous avons audité le Musée canadien pour les droits de la personne, l'Administration de pilotage des Grands Lacs, Ridley Terminals Inc. ainsi qu'Exportation et développement Canada.

[Traduction]

    Nous avons relevé des défauts graves dans les moyens et méthodes de toutes ces sociétés d'État. Dans le cas de Ridley Terminals Inc., les problèmes que nous avons cernés étaient tels que la société opérait hors du champ de la pratique prudente attendue d'une société d'État. Ces problèmes ont été exacerbés par la surveillance inefficace de Ridley Terminals par Transports Canada.
    Notre commentaire sur les audits de performance des sociétés d'État 2016-2018 analyse d'importants problèmes que nous avons relevés dans les quatre audits dont je viens de parler, et aussi dans neuf audits que nous avons réalisés depuis 2016. Par exemple, nous avons été préoccupés de constater que, dans huit sociétés d'État, le mandat d'un nombre élevé de membres des conseils d'administration était échu.

[Français]

    Je veux aussi signaler que vous pouvez consulter, dans notre site Web, nos commentaires et notre vidéo sur les audits d'états financiers d'organismes gouvernementaux que nous avons effectués en 2016-2017.
    Avant de répondre à vos questions, je tiens à réitérer à quel point il est important que le gouvernement et la fonction publique considèrent nos audits sous un angle nouveau, pour y voir non pas une liste des problèmes relevés dans différents programmes, mais bien les symptômes d'un problème culturel fondamental.
    Les ministères peuvent mettre en oeuvre nos recommandations et réagir aux symptômes que nous signalons, et il est important qu'ils le fassent. Par contre, la question cruciale que le gouvernement doit étudier, c'est de savoir pourquoi nous continuons de mettre au jour des problèmes graves, et pourquoi des échecs incompréhensibles continuent d'arriver.

[Traduction]

    Monsieur le président, je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Ferguson.
    Nous allons maintenant passer au premier tour, à commencer par M. Massé, qui a sept minutes.

[Français]

    Monsieur Ferguson, merci du travail que l'ensemble de votre équipe et vous faites pour permettre aux politiciens que nous sommes de mieux comprendre les raisons qui expliquent les enjeux, de découvrir des problèmes et de tenter de les résoudre.
    J'ai lu attentivement l'ensemble de vos rapports ainsi que ce que nous appelons ici le chapitre zéro, c'est-à-dire le message du vérificateur général. Je dois avouer que j'ai une perspective interne, puisque, comme je vous l'ai déjà dit, j'ai passé plusieurs années dans la fonction publique fédérale. Je sais pertinemment bien que tous les employés de la fonction publique, ou la très grande majorité de ceux-ci, travaillent très fort tous les jours pour s'assurer de mettre en oeuvre les programmes et les activités pour lesquels ils ont été mandatés. Personne n'en arrive intentionnellement à créer un problème fondamental comme celui du système de paie Phénix.
    Aujourd'hui encore, j'ai une pensée pour les fonctionnaires touchés par les problèmes importants associés à Phénix. Pour certains, ces problèmes financiers ont causé toutes sortes d'autres problèmes familiaux. Je pense à eux.
    Monsieur le vérificateur général, dans votre rapport et dans votre message, vous parlez d'une culture d'obéissance qui pourrait être à la source du problème du projet Phénix. Je me gratte la tête et j'essaie de bien comprendre la situation. Est-ce possible que toutes les conditions défavorables aient été réunies? De fait, nous avions un système qui datait de plus de 40 ans. Je ne veux pas faire de politique, mais je dois dire que nous avions aussi une stratégie qui visait à réduire les coûts du gouvernement, c'est-à-dire que la réalisation de ce projet devait servir à réaliser des économies importantes. De nombreux fonctionnaires et conseillers à la paie allaient prendre leur retraite. Certains devaient justement prendre leur retraite à cause des compressions qui devaient être réalisées. Une centralisation des services devait se faire à Miramichi, et presque tous les employés étaient nouveaux.
    Je pense qu'il y a évidemment un élément lié à la culture d'obéissance, mais il faut tenir compte de tous les autres facteurs. Plutôt que de parler de cette culture, ne devrait-on pas dire qu'il y avait une combinaison parfaite de conditions défavorables?
(1645)
    Premièrement, je dois dire que les fonctionnaires qui travaillent au sein du gouvernement fédéral sont des personnes qui ont beaucoup de compétences et d'expérience et qui travaillent très fort, bien sûr. Aussi, il est important de dire que l'environnement dans lequel ces personnes travaillent ainsi que la culture organisationnelle peuvent les aider à accomplir toutes leurs tâches et à rendre des services aux Canadiens.
    Je sais que Phénix était un projet très complexe qui comportait différents enjeux. Cependant, je pense que les fonctionnaires au sein du gouvernement fédéral devraient être en mesure de gérer un projet aussi complexe. C'est donc difficile de comprendre pourquoi Phénix s'est avéré un tel échec. Ce projet comportait différents aspects difficiles, mais je pense que les fonctionnaires sont capables de gérer ce type de complexité, étant donné que l'environnement dans lequel ils travaillent et la culture du gouvernement fédéral les appuient dans l'accomplissement de leurs tâches.
    Merci.
    Cela m'amène à une autre question.
    Les employés de la fonction publique ont réalisé des projets importants au cours des dernières années. Je pense même à un projet qui a été en quelque sorte la fondation du projet Phénix, soit la modernisation des services de pensions des fonctionnaires de la fonction publique fédérale. Ce projet a été réalisé et a connu un excellent succès, puisqu'il y a maintenant plus de 800 000 anciens employés de la fonction publique qui reçoivent une pension grâce à ce système. Ce programme est géré par un groupe de fonctionnaires à Shediac, notamment, tandis que d'autres se trouvent à Ottawa.
    Dans votre rapport, vous attribuez la responsabilité de l'échec de Phénix à trois individus. Évidemment, de hauts responsables, de hauts fonctionnaires, des sous-ministres et des sous-ministres délégués ont aussi participé à l'élaboration et à la réalisation de ce projet. Dans votre rapport, vous dites effectivement qu'il y a eu diverses rencontres avec une trentaine de sous-ministres et de sous-ministres délégués qui provenaient de différents ministères. Cependant, puisque vous dites qu'ils ne faisaient pas partie de la gouvernance officielle du projet, vous semblez les déresponsabiliser des problèmes associés à Phénix.
    Pourriez-vous m'expliquer votre point de vue?
    Je vais être franc avec vous. Si j'étais sous-ministre ou sous-ministre délégué et qu'on me disait qu'il y avait des problèmes importants liés à un projet de ce genre et que cela aurait potentiellement des conséquences sur mes employés, évidemment, je lèverais la main et je dirais qu'il n'est pas question que ce projet aille de l'avant.
    Expliquez-moi comment vous faites porter le blâme à trois individus plutôt qu'à plusieurs personnes qui occupaient un poste important et qui avaient un rôle à jouer à cet égard.
(1650)
    Le but de cet audit était d'expliquer toutes les décisions prises dans le cadre de ce projet. Dans un audit, nous pouvons seulement vérifier tous les éléments probants. Nous devons donc fournir les explications nécessaires en nous appuyant sur tous les faits existants.
    Bien sûr, un sous-ministre est responsable de toutes les décisions qui se prennent et de toutes les activités qui se passent au sein de son ministère. Il est important qu'un sous-ministre soit responsable des décisions et qu'il puisse les justifier.
    En ce qui a trait à tous les autres sous-ministres, ils n'avaient aucune autorité dans la structure de ce projet. Bien sûr, ils ont indiqué des problèmes et fait part de leurs préoccupations, mais on leur a répondu qu'on était déjà au courant et qu'il y avait des façons de gérer ces problèmes. Ces sous-ministres ont donc signalé certains problèmes, mais cela n'a entraîné aucun changement d'opinion chez les personnes responsables du projet, qui n'ont pas modifié leur façon de le gérer et de le compléter.

[Traduction]

    Merci, monsieur Massé. Vous avez eu presque neuf minutes, mon ami.
    C'est maintenant au tour de M. Nuttall, pour sept minutes.
     Je remercie le vérificateur général et son équipe pour le travail incroyable accompli dans tous les rapports, et aussi pour le message du vérificateur général.
    Avant de poser des questions ou de faire des déclarations, j'aimerais commencer par dire que nous sommes incroyablement fiers de notre fonction publique, et du travail que ces gens accomplissent dans le processus visant à comprendre — ou du moins à essayer de comprendre — ce qui s'est passé en particulier avec le problème de Phénix. Il ne s'agit en aucun cas d'une attaque contre notre fonction publique.
    C'est tout le contraire, étant donné qu'il y a tellement de fonctionnaires qui ont été lésés financièrement en raison des problèmes causés par Phénix. Je suis persuadé que nous avons tous reçu la visite de ces personnes à nos bureaux. Il était parfois déchirant d'entendre certaines histoires et les problèmes rencontrés, surtout aux alentours de Noël, alors que des chèques de paye ne sont tout simplement pas arrivés.
     Monsieur le vérificateur général, je veux juste dire que votre message d'introduction au sujet des vérifications qui ont été effectuées est un des documents les plus fermes, si ce n'est le plus ferme que j'ai vu depuis que je suis député. Je pense qu'il exprime ce qui ne va pas chez le gouvernement aux yeux du public, qu'il s'agisse de personnes ou de personnes morales. Il est question de l'absence d'éléments mesurables, ou des éléments mesurables erronés qui sont en place à l'occasion des annonces, des nouveaux programmes ou des dépenses. On y parle de la quantité de travail que notre fonction publique doit accomplir, en surveillant ses arrières, et de la quantité de travail que cela représente pour les gens qui s'occupent de ces services gouvernementaux.
     Il y a un certain nombre d'éléments que je voulais aborder. Mais avant, je crois que vous avez dit ce qui suit en introduction aujourd'hui, un passage qui se trouve à la page 2: « Services aux Autochtones Canada a mal utilisé les données sur l'éducation qu'il avait recueillies ». Et plus loin: « Toutefois, seulement 8 % des personnes inscrites à ce programme préparatoire l'avaient terminé. Malgré la faiblesse de ces résultats, le ministère n'a pas collaboré avec les Premières Nations ou les établissements d'enseignement pour améliorer le taux de réussite de ce programme. »
    C'est pourquoi nous ne prenons pas ces chiffres, qui sont épouvantables — et le mot n'est pas assez fort — pour en faire un examen des processus, dans le but de trouver un moyen d'obtenir de meilleurs résultats en fin de compte pour les gens que sert le gouvernement du Canada, quel que soit son ministère.
    Nous avons vu ces mots dans votre message, où il est question des services aux Autochtones:
Pour vraiment avancer ce dossier, il faut privilégier le long terme. Toutefois, comme le dossier est généralement porteur de problèmes politiques à court terme, le gouvernement joue la prudence en se limitant à gérer des paiements au lieu de nouer des partenariats actifs avec les peuples autochtones pour améliorer les résultats des programmes. Le succès se mesure désormais aux sommes dépensées, et non à des résultats supérieurs pour les peuples autochtones.
    Plus bas, vous dites:
Il ressort de cette dynamique une fonction publique docile qui tente d’éviter tout risque et erreur, ce qui est bien sûr impossible, de sorte qu’elle cherche plutôt à éviter de devoir assumer la responsabilité des erreurs qui surviennent.
Dans cette culture, pour un fonctionnaire, il est souvent préférable de ne rien faire plutôt que d’agir puis d’échouer. Cependant, si le fonctionnaire ne peut éviter d’agir, alors il essaie de se trouver un moyen plausible de décliner toute responsabilité en cas d’erreur.
    La culture dont vous parlez dans ce document, celle de l'ensemble du gouvernement... Vous parlez bel et bien de certaines vérifications précises qui ont porté sur Phénix, où vous décrivez la situation catastrophique, mais, en réalité, vous parlez du gouvernement dans son ensemble, de la culture qui prévaut au sein de tout le gouvernement canadien.
(1655)
    La prémisse sur laquelle cette affirmation repose est que les politiques se fondent sur une vision à très court terme. Voilà qui entretient un problème à long terme au sein du gouvernement dans son ensemble, en ce qui a trait à la gestion du changement et à ce genre de choses.
    Vous terminez essentiellement en disant que vous n'avez pas la réponse, mais espérons que la reconnaissance du problème sera la première étape.
    Pourriez-vous nous donner quelques exemples de vérifications précédentes auxquelles vous songiez lorsque vous avez rédigé ces mots? À la suite de votre vérification, les modifications du processus ont été mises en place ou non, mais nous obtenons pourtant toujours les mêmes résultats.
    Je ferai référence à deux audits que nous avons réalisés cette fois-ci. Il y en a un sur le système de justice militaire. Il y a 10 ans, un rapport relevait un certain nombre de problèmes dans le fonctionnement du système de justice militaire, et disait que ceux-ci devaient être corrigés. Nous avons ensuite fait la vérification que nous vous présentons ici, et nous avons constaté les mêmes problèmes 10 ans plus tard. Encore une fois, des recommandations très importantes avaient été formulées pour améliorer le système, mais elles n'ont pas été appliquées pour une raison ou pour une autre.
     L'autre vérification portait sur les services consulaires d'Affaires mondiales Canada. Encore une fois, il y a près de 10 ans, le juge O'Connor a mené une enquête sur l'affaire Maher Arar, puis a indiqué ce qu'Affaires mondiales Canada devait faire pour changer la façon dont les services consulaires aident les Canadiens qui sont détenus à l'étranger. Nous examinons le dossier au moins 10 ans plus tard, puis nous constatons que bon nombre des mêmes problèmes existent toujours. La formation offerte par le ministère était superficielle et n'expliquait pas en détail la façon dont les agents consulaires devraient effectuer les visites en prison des Canadiens qui sont détenus à l'étranger.
    Je pense que nous voyons simplement les mêmes choses décennie après décennie. Je crois que cela indique vraiment que la culture fait obstacle.
(1700)
    Tout à fait. J'aime dire que des informations pertinentes permettent de prendre des décisions éclairées, mais, si l'information n'est pas mise à profit, ce ne sera jamais…
    Monsieur le vérificateur général, avez-vous l'impression d'avoir toutes les réponses que vous cherchiez sur le système de paye Phénix, maintenant que vous avez réalisé le deuxième rapport? Veuillez s'il vous plaît répondre par oui ou non.
    Je pense que nous avons obtenu toutes les réponses que nous voulions, mais, encore une fois, un audit a ses limites. Nous n'avons pas accès à la salle du Cabinet ou à ce genre de choses, et bon nombre des discussions avec le sous-ministre n'ont pas été documentées. Je crois donc que nous avons obtenu ce dont nous avions besoin et ce que nous cherchions, mais toute vérification a ses limites.
    Il y a encore des questions auxquelles il faut répondre en dehors de ce que vous recherchiez dans votre vérification.
    Monsieur le président, c'est donc pour cette raison que j'aimerais proposer la motion suivante.
    Le message du vérificateur général est sans précédent, et son objectif est d'explorer la cause des échecs incompréhensibles au sein du gouvernement. Je propose donc:
Que le Comité invite le greffier du Conseil privé pour avoir des réponses aux questions suivantes: pourquoi Phénix est-il un échec? Et, dans un environnement aussi contrôlé que le gouvernement, comment Phénix a-t-il pu être approuvé?
    La motion est recevable.
    Monsieur Nuttall, vous pouvez en parler si vous le souhaitez, ou s'il y a…
    Est-ce que tout le monde est d'accord? Nous avons parlé à différents membres de différents partis, et ils semblent être d'accord sur la motion.
    Nous n'avons pas le texte de la motion. Pourriez-vous nous donner un avis de motion? J'aurais un amendement à proposer.
    De quoi s'agirait-il?
    Il touche la portée de… Il ne s'agit pas seulement de Phénix; il y a beaucoup…
    Elle est préoccupée par le fait que vous mettez uniquement l’accent sur Phénix, au lieu de parler aussi des problèmes liés aux Autochtones et de l’entière portée de l’audit.
    Cela ne me pose pas de problème.
    Vous ne faites pas cela d’une façon appropriée. J’aimerais donc que vous donniez avis de la motion, afin que nous puissions proposer l’amendement en question.
    Monsieur le président, si je puis me permette, la motion a été présentée d’une façon appropriée. Puisque nous discutons de la question abordée par la motion, nous pouvons la présenter sans préavis, n’est-ce pas?
    Je comprends, et je sais que votre motion est recevable, mais pour être en mesure de rédiger l’amendement, je dois pouvoir examiner la motion.
    D’accord, veuillez intervenir par l’entremise de la présidence. Souhaitez-vous apporter un amendement à cette...
    Oui, absolument.
    ...puis nous pourrons au moins sortir d’ici en déclarant que, oui, nous avons pris une décision?
    Alors, puis-je la voir, s’il vous plaît?
    Nous entendrons M. Angus à ce sujet.
    J’aimerais vraiment travailler à la rédaction de la motion avec mes collègues. Je pense qu’elle devrait être mise au point correctement, mais nous accueillons en ce moment le vérificateur général, et notre séance est télévisée. Je préférerais avoir au moins la chance de poser quelques questions pendant qu’ils s’emploient à rédiger la motion. Nous pourrons ensuite terminer la motion avant la fin de la séance à 17 h 30.
    Madame Mendès, pendant que vous travaillez à la rédaction de votre motion, je vous rappelle que nous sommes saisis d’une motion en ce moment.
    Y a-t-il un processus qui nous permet de mettre la motion de côté et de poursuivre…
    Nous pouvons reporter la motion.
    D’accord.
    L’auteur de la motion accepte-t-il qu’elle soit reportée jusqu’à ce que nous obtenions…
    Mme Alexandra Mendès: Je pourrais ensuite y apporter une modification.
    Le président: … l’amendement qui montrera la portée complète de l’audit? Ainsi, nous pourrons continuer de poser d’autres questions à notre vérificateur général.
    Oui, monsieur le président, à condition que nous nous occupions de la motion aujourd’hui, je pense que cela fait partie de notre réaction.
    Sommes-nous d’accord pour reporter la motion jusqu’aux 10 dernières minutes de la…
(1705)
    Oui, nous pouvons la reporter jusqu’aux cinq dernières minutes de la séance.
    D’accord, c’est ce que nous ferons.
    Je remercie l’auteur de la motion et Mme Mendès d'avoir proposé l’amendement.
    Monsieur Angus, soyez le bienvenu. Je vous remercie du temps que vous nous consacrez.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Ferguson.
    D’emblée, je tiens à mentionner l’énorme respect que j’ai pour le travail que vous et votre prédécesseur avez accompli en faisant la lumière sur le trou noir que représente le ministère des Affaires autochtones, maintenant connu sous le nom de ministère des Services autochtones.
    C’est aujourd’hui le huitième anniversaire du décès de Shannen Koostachin, la jeune militante qui n’avait jamais vu une véritable école alors qu’elle vivait dans un pays comme le Canada. Elle a lutté pour recevoir une éducation. Je trouve déplorable qu’après chaque rapport que votre ministère a rendu public, nous parlions encore d’un « échec incompréhensible ». Si le ministère refuse de faire passer les intérêts des enfants en premier, cet échec n’a rien d’« incompréhensible ». C’est un résultat prévisible. Ce qui est « incompréhensible », c’est la façon dont, année après année, les gouvernements et les ministères peuvent faire preuve d’un tel mépris envers des enfants, des enfants canadiens.
    Je veux commencer par examiner la page 13 où vous parlez de l’importance de l’alphabétisation. En 2013-2014, pour la première fois si je me souviens bien, Affaires autochtones a rédigé un rapport sur le programme de « réussite scolaire », dans lequel ils ont présenté les taux d’alphabétisme et de numératie. Dans la région de l’Ontario, le taux d’alphabétisme s’élevait à 21 % chez les garçons, et les taux de numératie se chiffraient à 18 % chez les garçons et à 20 % chez les filles. Au sein du conseil public de Waterloo, les taux d’alphabétisme se chiffrent à 85 % et, malgré cela, le ministère a annoncé à ce moment-là, dans le même rapport, que ses employés allaient cesser de suivre l’évolution de ces taux parce qu’ils pensaient que l’argent pourrait être plus utile ailleurs.
    Compte tenu de vos préoccupations à propos de l’alphabétisation, je vous demande ce qu’un ministère responsable de l’éducation des enfants pourrait faire de mieux que de dépenser de l’argent en vue de déterminer si les enfants savent lire ou non.
    Monsieur Ferguson.
     Je le répète, selon moi, l’audit a assurément signalé le fait que les résultats scolaires des élèves des Premières Nations vivant dans des réserves ne s'étaient pas améliorés, et nous procédons à des audits dans ce domaine depuis près de 20 ans. Ce que je souhaite ajouter à vos propos, c’est que l’alphabétisation est l’un des résultats les plus importants. C’est l’alphabétisation qui doit être obtenue. L’argent est le catalyseur, mais ils doivent s’assurer que l’argent est dépensé de manière à obtenir des résultats. J’ai fait allusion au fait qu’au cours de quatre années, le gouvernement a investi 42 millions de dollars dans un programme préparatoire en vue d’aider les membres des Premières Nations vivant dans des réserves à se préparer à suivre des études postsecondaires, mais seulement 8 % d’entre eux ont terminé le programme préparatoire, sans parler de ceux parmi ces 8 % qui ont fini par faire des études.
    Ce ne peut pas être simplement une question du montant dépensé. Il faut aussi qu’il y ait un lien indiquant que l’argent est investi aux bons endroits et qu’il donne les résultats escomptés.
    L’un des principes fondamentaux de l’éducation consiste à s’assurer que vous disposez de données comparables. Notre système public produit l’une des meilleures éducations du monde et, en dépit de cela, le ministère des Affaires autochtones ne compare pas ses résultats avec ceux des enfants d’un système provincial, n’a aucune idée de la façon de gérer des programmes et ne tente pas de déterminer les lacunes qui existent en matière d’éducation. À la page 21, vous dites qu’ils ont faussé le taux d’obtention de diplômes qui, selon eux, s’élève à 46 % alors que le véritable taux est de 24 %. Je vous dirais que, selon les collectivités que j’ai visitées, où j’ai observé des jeunes qui quittaient l’école en 5e et 6e année parce qu’ils accusaient un tel retard, ces chiffres pourraient même être plus hauts. Comment pouvons-nous permettre à un système de fonctionner alors que ces gens ne prennent même pas la peine d’établir des comparaisons avec les autres élèves qui sont assujettis au même programme d’études mandaté par la province?
    Le principe sur lequel repose l’audit en entier, c’est que les gouvernements parlent souvent de la nécessité de combler l’écart socio-économique qui existe entre, en particulier, les membres des Premières Nations vivant dans des réserves et les autres Canadiens. La première chose que nous avons remarquée, c’est qu’ils ne mesurent pas l’écart socio-économique. L’information dont ils disposent est fondée sur des données du recensement qui n’ont pas été mises à jour pour tenir compte du recensement de 2016. Par conséquent, les chiffres les plus récents dont ils disposent relativement à ce qu’ils appellent leur indice du bien-être des collectivités datent de 2011. Ils ont besoin de trouver un meilleur moyen de discerner ce qu’est un écart socio-économique, la façon dont ils le mesurent et la manière dont ils déterminent ce qui lui arrive.
    Lorsque nous avons examiné les particularités de l’éducation — comme je l’ai dit plus tôt, c’est un aspect que nous avons examiné il y a près de 20 ans —, nous avons constaté qu’il n’y avait eu aucune amélioration de l’écart qui existe entre les résultats scolaires des élèves des Premières Nations vivant dans des réserves et ceux du reste des élèves canadiens.
(1710)
    Je vous remercie de vos observations.
    Ce qui me préoccupe, c’est que vous avez mentionné dans votre rapport qu’en 2000, le ministère des Affaires autochtones s’était engagé à commencer à obtenir des chiffres comparables à compter de 2004, je crois. La vérificatrice générale a demandé ces chiffres peut-être en 2011. Un suivi a été fait en 2016. Le directeur parlementaire du budget a demandé où se trouvaient ces chiffres comparables et a constaté que ce ministère n’avait même pas pris la peine de les obtenir. À mon avis, il ne s’agit pas d’un échec, mais plutôt d’une négligence systémique. Si cela se produisait au sein du système provincial, des têtes rouleraient, mais au ministère des Affaires autochtones, c’est une journée de travail comme une autre.
    Comment pouvons-nous examiner aujourd’hui un rapport qui indique qu’ils ne se sont pas donné la peine de réunir les renseignements qu’on leur avait demandé de réunir il y a 18 ans? Un enfant qui était en 8e année à l’époque a maintenant des enfants qui fréquentent le même système bancal. Je connais des enfants qui quittent l’école. Nous perdons génération après génération de jeunes gens en raison de cette négligence. Comment pouvez-vous les tenir responsables afin de pouvoir leur dire: « Si vous n’avez même pas l’intention de vous donner la peine de suivre l’évolution des chiffres que la vérificatrice générale vous a ordonné de suivre, vous ne devriez pas être autorisés à gérer de près ou de loin des programmes destinés aux enfants »?
    Monsieur le président, tout ce que je peux dire, c’est que dans le cadre de ces audits, nous avons décelé ces problèmes. Les ministères répondront à nos observations en disant qu’ils prendront des mesures. Ils approuvent toujours nos recommandations. Ils affirment qu’ils mettront en œuvre des initiatives, mais, trop souvent, lorsque nous revenons pour effectuer un audit de suivi, nous découvrons qu’ils n’ont pas pris les mesures en question.
    C’est la valeur de 18 années de vies d’enfant qu'ils n’ont pas pris la peine de suivre.
    Il m’est impossible d’expliquer cela. Le ministère devra fournir des explications.
    Nous sommes aussi déçus que qui que ce soit lorsque nous constatons que les questions que nous avons soulevées il y a de nombreuses années n’ont pas fait l’objet d’un suivi. Il ne s’agit pas seulement des questions que nous soulevons, mais aussi des questions qui sont abordées dans d’autres rapports, comme je l’ai mentionné en ce qui concerne ces autres types de secteurs. Les programmes gouvernementaux sont évalués de bon nombre de façons, et des recommandations sont formulées afin d’apporter des améliorations à ces programmes. Nous sommes extrêmement découragés de découvrir à notre retour qu’après s’être engagés à prendre des mesures, les ministères n’en font rien.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Angus. Excellentes questions.
    Nous allons maintenant passer à M. Arya, qui est le dernier intervenant de notre série d’interventions de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J’aimerais remercier le vérificateur général et son équipe de l’excellent rapport qu’ils ont produit au sujet de divers ministères.
    J’aimerais interroger le vérificateur général à propos de Phénix. À mon avis, nous pouvons retracer l’origine de tous les problèmes de gestion des projets liés à Phénix à une seule décision: c’est-à-dire celle consignée au paragraphe 1.32. Vous avez mentionné qu’au printemps de 2012, après l’étape de la planification de Phénix, IBM avait indiqué à Services publics et Approvisionnement Canada que l’élaboration et la mise en oeuvre de Phénix coûteraient 274 millions de dollars. Vous avez également indiqué que le Conseil du Trésor avait approuvé seulement une dépense de 155 millions de dollars en 2009. Le montant approuvé ne correspondait qu’à environ 55 % des coûts prévus pour l’élaboration et la mise en oeuvre de Phénix. Vous avez également mentionné que Services publics et Approvisionnement Canada n’avait pas envisagé de demander au Conseil du Trésor des fonds supplémentaires pour élaborer et mettre en oeuvre Phénix.
    Selon moi, tous les problèmes complexes associés à ce projet énorme et compliqué sont attribuables à cette seule décision.
    J’aimerais mettre l’accent sur cet aspect et vous poser la question suivante: qui sont les gens qui ont pris la décision de ne pas demander au Conseil du Trésor d’approuver le montant complet requis?
    Nous n’avons aucun moyen de le savoir. Tout ce que nous savons, c’est que le ministère n’a pas consulté de nouveau le Conseil du Trésor. À notre avis, ils auraient dû le faire afin de soit demander au Conseil du Trésor des fonds supplémentaires, soit lui dire que, contrairement à leurs affirmations initiales, il leur avait fallu réduire la fonctionnalité du système et qu’en conséquence, le système n’allait pas pouvoir produire les économies escomptées de 70 millions de dollars par année. D’une manière ou d’une autre, il leur incombait de consulter de nouveau le Conseil du Trésor.
    Vous avez mentionné à plusieurs reprises les trois cadres responsables de Phénix qui ont pris la décision ultérieure, mais, pour en revenir à la décision de ne pas consulter de nouveau le Conseil du Trésor, pensez-vous que cette décision relevait uniquement des trois cadres responsables de Phénix, où a-t-elle été prise par le sous-ministre? La somme requise différait grandement.
(1715)
    Je précise encore une fois qu’il est impossible de le dire. Bien entendu, c’est une décision qu’ils ont omis de prendre, et rien ne documente ce qu’ils ont décidé de ne pas faire. Toutes ces décisions ont été prises au cours de conversations, et nous n’avons aucun moyen de savoir pourquoi au juste ils ont décidé de ne pas consulter de nouveau le Conseil du Trésor.
    L’argument que nous faisons valoir, c’est que, même s’ils avaient décidé de ne pas demander des fonds supplémentaires, ils auraient dû parler de nouveau au Conseil du Trésor afin de lui faire savoir que le projet n’allait pas leur permettre de réaliser les économies qu’il était censé engendrer. Quelle que soit la personne ayant pris la décision, il incombait aux cadres de consulter de nouveau le Conseil du Trésor.
    Toutefois, selon moi, la décision de ne pas demander l’avis du Conseil du Trésor est cruciale, parce que nous parlons d’une différence de près de 120 millions de dollars. Ne pensez-vous pas qu’une décision de cette envergure n'aurait pu être prise simplement par les cadres responsables de Phénix? Cette décision ne relèverait même pas uniquement de l’échelon du sous-ministre, mais aussi de celui du ministre. Ne croyez-vous pas que la décision de consulter ou non le Conseil du Trésor, ou d’aller de l’avant avec ce budget très limité doit avoir été prise dans le secret du bureau du ministre?
    Je le répète, il nous est impossible de savoir qui a participé à la prise de la décision de ne pas consulter de nouveau le Conseil du Trésor pour demander davantage de fonds.
    Ne pensez-vous pas que c’est un aspect qui vaut la peine d’être étudié? Regardez les paragraphes 1.32, 1.33 ou 1.34. Toutes ces mesures ont été supprimées uniquement en raison du fait que le projet a été entrepris avec seulement 55 % du montant requis pour élaborer et mettre en oeuvre le système. Ne pensez-vous pas que ce facteur est très important, et que nous devrions l’étudier plus à fond afin de déterminer ce qui s’est produit et les personnes qui ont pris part à ces décisions?
    J’estime encore une fois que c’est une décision qui revient au comité, en fonction de ce qu’il souhaite faire. L’audit a ses limites. Nous avons procédé à une vérification du rendement portant sur les décisions qui ont été prises et sur la façon dont le projet a été géré. Tout ce que nous pouvons faire, c’est suivre la piste des décisions prises. Rien n’explique pourquoi ils ont décidé de ne pas consulter le Conseil du Trésor pour demander des fonds supplémentaires.
    Monsieur le président, nous devrions noter la réponse du vérificateur général, à savoir qu’il incombe au comité d’examiner la question plus en profondeur. Lorsque l’on étudie le rapport en entier, tout se résume à une seule décision, à savoir le fait d'avoir entrepris d’élaborer et de mettre en oeuvre un projet de cette envergure avec un budget qui couvrait seulement 55 % des coûts estimés. Naturellement, il leur a fallu faire des compromis très importants, et les problèmes auxquels nous faisons face aujourd’hui sont imputables uniquement à ces compromis.
    Au paragraphe 31 de votre déclaration, vous avez indiqué ce qui suit:
Quand les cadres responsables de Phénix ont informé le sous-ministre de Services publics et Approvisionnement Canada que Phénix serait déployé, ils ont passé sous silence les problèmes graves dont ils avaient connaissance.
    Oui, c’est tout à fait clair, mais ne croyez-vous pas que le sous-ministre était au courant de toutes les étapes qui avaient été supprimées du plan initial? Par exemple, vous indiquez au paragraphe 1.33 qu’ils savaient qu’ils avaient retardé ou supprimé la capacité de calculer automatiquement certains types de rémunération, comme les augmentations de rémunération pour les nominations intérimaires. Croyez-vous que le sous-ministre n’était pas au courant que la mise en oeuvre de cette fonction avait été retardée ou supprimée du système?
    Merci, monsieur Arya.
    Monsieur Ferguson.
    Je pense qu'il importe de se rappeler qu'au cours de cette période, trois personnes se sont succédé au poste de sous-ministre de ce ministère. Dans mon exposé, je faisais référence à la séance d'information que les cadres ont donnée au sous-ministre en poste lorsqu'il a été décidé de lancer Phénix. Ce n'est pas la même personne qui occupait ces fonctions lorsque les décisions précédentes ont été prises.
    Merci beaucoup.
    Nous accorderons maintenant la parole à M. McCauley.
    Excellent. Merci, madame et messieurs.
    IBM a envoyé des lettres recommandées au sous-ministre et au sous-ministre adjoint dans les environs de décembre ou de janvier pour leur conseiller de ne pas procéder au lancement et, comme mon ami ici le dirait, pour se protéger.
    Avez-vous vu ces lettres? Les avez-vous examinées dans le cadre de votre étude?
(1720)
    Je ne peux traiter de tous les documents que nous avons examinés. Je le répète, le rapport fait une synthèse de tous les renseignements que nous avons recueillis. Je n'ai toutefois pas de détails sur les genres précis de documents ou de conversations. Le rapport est censé donner un aperçu de ce qui s'est passé et non fournir tous les détails.
    Pour prévenir de futurs « Phénix », IBM a envoyé ces lettres recommandées à deux reprises, une première fois, puis une seconde, afin d'insister sur le fait que le système n'était pas prêt et de recommander de ne pas le mettre en oeuvre. Devrions-nous prévoir des situations semblables dans les futurs contrats pour que les entrepreneurs aient presque l'obligation de faire preuve de diligence en rendant l'information publique? Il s'agirait presque d'une clause de lanceur d'alerte qui aiderait les entrepreneurs à divulguer l'information pour éviter que pareille situation ne se reproduise.
    Une fois de plus, ce n'est pas une question à laquelle je peux répondre. Dans ce projet, trois cadres avaient la responsabilité de prendre des décisions. Un entrepreneur externe n'avait pas le pouvoir de dire que le projet ne pouvait pas aller de l'avant. C'était les trois cadres responsables de Phénix qui en avaient le pouvoir.
    C'est intéressant, car les lettres sont allées au sous-ministre et au sous-ministre adjoint, en plus des cadres responsables de Phénix, afin de les avertir de la situation.
    Nous avons beaucoup parlé des cadres responsables de Phénix — qui sont presque des cadres voyous — dont il est question dans le rapport. Craignez-vous que ce soit un problème systématiquement présent dans d'autres projets gérés par le gouvernement? Devrions-nous nous préoccuper de l'intégrité des autres projets que gèrent SPAC et d'autres ministères?
    Nous n'effectuons aucun audit actuellement sur d'autres systèmes, mais dans mon message, j'ai clairement indiqué que je crains fort qu'il y ait d'autres « échecs incompréhensibles » dans l'avenir. Je ne pense pas que l'instauration de règles et de politiques supplémentaires suffira à empêcher de tels échecs dans l'avenir.
    J'ai un exemple en tête. Le directeur parlementaire du budget a présenté un rapport sur le coût des navires de combat construits à Halifax. En vertu de la Loi sur le Parlement du Canada, il a le droit de recevoir les renseignements qu'il réclame. Or, le MDN et SPAC ont refusé de lui communiquer la demande de propositions ainsi que l'énoncé des besoins de ce projet. Il s'agit d'un projet de 60 à 100 milliards de dollars, le plus important jamais entrepris de toute l'histoire du pays. Je crains simplement que nous ne nous engagions dans la même voie, avec les mêmes problèmes de secret et de travail compartimenté qui nuisent à la reddition de comptes et à la transparence.
    Est-ce une situation qui devrait nous préoccuper beaucoup? En vertu de la Loi sur le Parlement du Canada, le directeur parlementaire du budget a le droit de recevoir l'information, mais les bureaucrates refusent de lui transmettre les documents.
    Je ne peux parler de situations précises dont nos audits ne traitent pas. Nous avons des renseignements sur un certain nombre de questions, mais ce n'est pas un sujet que nous avons étudié.
    Ici encore, je reviendrais au message que j'ai évoqué. Il est très important, selon moi, d'examiner les raisons fondamentales derrière les échecs incompréhensibles pour s'assurer qu'il ne s'en produise plus dans le cadre d'autres projets.
    Est-ce que ce genre d'attitude ressemble à un de ces gestes incompréhensibles? Une entité du gouvernement refuse de respecter une loi du Parlement qui stipule qu'elle doit remettre l'information au directeur parlementaire du budget. En fait, ce dernier a dû se rendre aux États-Unis pour obtenir des renseignements comparables afin de tenter d'établir le coût de nos navires.
    Ici encore, je ne peux me prononcer sur la question, n'ayant pas d'information à ce sujet.
    D'accord.
    J'ai remarqué que dans votre rapport, vous avez indiqué que la décision de lancer Phénix était mauvaise.
    Qu'aurait-on pu décider d'autre à ce moment-là? Aurait-il fallu retarder légèrement le lancement jusqu'à ce que les problèmes soient résolus ou que le système soit, un peu, plus au point?
    Une fois de plus, comme je pense qu'on l'a dit précédemment, c'est la décision initiale de supprimer des fonctionnalités du système qui est la source véritable de bien des problèmes, et c'est à ce moment-là qu'il aurait fallu corriger le tir. Tout est parti de là.
    Si le projet avait été bien géré tout au long du processus, il y a lieu d'espérer que les problèmes auraient été détectés bien plus tôt au lieu de réaliser à la dernière minute qu'il aurait peut-être été préférable de ne pas lancer le système. Il aurait mieux valu trouver un moyen de continuer d'utiliser l'ancien système, mais même ainsi, cela aurait été une décision de dernière minute.
    Pour éviter cet échec, il aurait vraiment fallu prendre de meilleures décisions tout au long du processus.
(1725)
     [Inaudible] il n'y avait aucun risque à reporter le lancement.
    Quoi qu'il en soit, je comprends ce que vous dites.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous avons pu travailler avec Mme Mendès; je vais donc accorder la parole à M. Nuttall.
    Il présentera une motion qu'ils ont tous deux modifiée.
    Vous avez la parole, monsieur Nuttall.
    Merci, monsieur le président.
    Mme Mendès n'étant pas là, pourrions-nous prendre une pause de 30 secondes?
    D'accord.
    Monsieur McCauley, il vous reste encore quelques instants si vous voulez poser d'autres questions.
    Comme nous disposons de quelques minutes, je vous laisserai parler.
    Nous avons lu le rapport sur les Premières Nations, Phénix, le pont et le manque de surveillance. Quelles seraient maintenant les prochaines étapes, selon vous?
    Je pense au projet pharaonique de 60 à 100 milliards de dollars dans le secteur de la construction navale, à propos duquel nous ne pouvons obtenir de renseignements et M. Angus ne peut recevoir de réponses.
    En quoi devraient consister les prochaines étapes, à votre avis?
    Dans le cadre de notre audit, nous avons formulé un certain nombre de recommandations afin d'améliorer le processus. C'est une chose.
    Dans le message, nous indiquons que Phénix n'aurait pas dû être lancé. Pareil échec n'aurait jamais dû se produire, au regard des diverses mesures de contrôle qui existent au sein du gouvernement, mais il s'est bel et bien produit.
    Il faut donc se pencher sur les raisons culturelles qui expliquent comment pareille chose a pu survenir au gouvernement.
    Je vous remercie de ces réponses.
    Je vais céder la parole à M. Nuttall.
    Merci encore.
    Monsieur Nuttall.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais proposer la motion sur laquelle tous les partis se sont, il me semble, entendus.
    Je propose:
Que le Comité invite le greffier du Conseil privé à répondre au message du vérificateur général dans les rapports du printemps 2018.
    Je laisse le Comité débattre de la motion, monsieur le président.
    Je ne pense pas qu'elle nécessite d'autres explications, certainement pas de notre part. Je suis heureux que nous ayons tous pu mettre la partisanerie de côté pour aller de l'avant afin d'obtenir des réponses.
    Merci.
    Mme Mendès a demandé la parole quelques instants.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Même si j'appuie sans réserve la motion — comme je vous ai dit que je le ferais —, je voudrais avoir le temps d'en discuter avec mes collègues et, si possible, la mettre aux voix lors de la prochaine séance. Ce message va bien au-delà du mandat du présent greffier.
    Monsieur Nuttall.
    Merci, monsieur le président.
    Je ne suis pas certain de savoir de quoi nous ou vous et vos collègues devrions discuter. Nous voulons obtenir des réponses ou nous ne le voulons pas, je présume. S'il est une chose que j'admire au sujet de ce comité, c'est qu'il est non partisan. Si nous pouvions procéder au vote, ce serait...
    Monsieur Angus.
    Merci.
    Je suis un visiteur parmi vous. Étant de l'extérieur du Comité, je ferais remarquer qu'il a été convenu de continuer de poser des questions, à condition qu'une décision soit prise. M. Nuttall aurait pu poursuivre son intervention et empêcher le vérificateur général de parler.
    Par respect, je pense qu'il faudrait régler la question ce soir.
    Monsieur Arya.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais savoir si un avis a été déposé avant qu'une motion soit proposée aux fins de décision.
    J'ai posé la question à la greffière, qui a répondu que non. Aucun avis de motion n'a été déposé, parce que la motion concerne le rapport du vérificateur général. Il ne s'agit pas d'une motion de fond contre le rapport ou d'une motion portant sur un sujet qui ne concerne pas...
    Il arrive que des motions impromptues soient proposées ainsi. On m'a indiqué qu'elle est recevable.
    Si je m'oppose à la motion, c'est que le vérificateur est ici. Il s'agit de la personne importante à interroger. Je considère que c'est une perte de temps d'abréger les échanges pour discuter d'une motion comme celle-ci alors que d'importants témoins sont présents.
(1730)
    Merci, monsieur Arya.
    Le seul problème, c'est que nous avons convenu d'attendre jusqu'à ce qu'il ne reste plus que cinq minutes à la séance. C'est donc...
    M. Chandra Arya: Mais quand vous...
    Le président: Monsieur Arya, j'ai la parole.
    M. Chandra Arya: Je suis désolé.
    Le président: Nous avons donc continué d'interroger le vérificateur général, comme M. Angus l'a indiqué, et attendu les cinq dernières minutes de la séance.
    Je pense donc que je devrai quand même procéder au vote. Nous aviserons ensuite.
    Monsieur Arya.
    Monsieur le président, quand vous parlez d'entente, je crois comprendre que vous avez parlé à Alexandra Mendès, qui est vice-présidente, mais je considère que tous les membres du Comité sont aussi importants les uns que les autres.
    Un député: Mettez la motion aux voix.
    Nous allons procéder au vote.
    Qui est en faveur de la motion de M. Nuttall?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: La séance est levée.
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