La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
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4. La Chambre des communes et les députés

La Loi sur les élections fédérales contestées

Les résultats d’une élection peuvent être contestés si la marge des voix qui sépare le vainqueur de son plus proche adversaire est trop mince, en raison d’irrégularités dans le déroulement du scrutin ou le dénombrement des bulletins de vote ou pour cause de manœuvres frauduleuses ou illégales. Une requête en contestation d’élection [178]  peut être présentée par un candidat ou par un électeur qui allègue que l’élection a été entachée d’irrégularités ou de manœuvres frauduleuses susceptibles de rendre le vainqueur inhabile à siéger comme député à la Chambre des communes. La Loi sur les élections fédérales contestées régit l’instruction de ces requêtes [179] . Les requêtes sont instruites, sans jury, par deux juges d’une cour supérieure de la province dans laquelle s’est déroulée l’élection contestée. Le rapport des juges instructeurs est transmis au Président de la Chambr des communes et il peut en résulter qu’un autre candidat soit déclaré élu à la place de celui déclaré élu par le directeur du scrutin; il se peut aussi que l’élection soit annulée ou encore que le tribunal rejette la requête.

Avant la Confédération, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et la Province du Canada suivaient l’exemple du Parlement britannique pour régler les affaires électorales touchant à leurs propres assemblées législatives. Après la Confédération, entre 1867 et 1873, le Président de la Chambre des communes nommait régulièrement six députés au Comité général des élections afin qu’ils statuent sur les élections contestées [180] . Ce Comité trancha régulièrement des cas de manœuvres frauduleuses ou illégales et ses décisions étaient habituellement motivées par des considérations partisanes plutôt que par la preuve de l’existence de manœuvres frauduleuses. D’ailleurs, une seule élection fut annulée [181] . En 1873, la Chambre transféra aux tribunaux provinciaux la compétence exclusive pour juger de toute question touchant à l’élection des députés [182] . En vertu d’une loi adoptée l’année suivante, les cours suprêmes des provinces se virent attribuer la compétence en matière d’élections contestées [183] . L’instauration du scrutin secret, la tenue des élections simultanément dans tout le pays et la promulgation de nouvelles lois électorales firent diminuer graduellement le nombre d’élections contestées [184] . Depuis 1949, cinq élections seulement ont été annulées pour cause, dans tous les cas, de votes donnés illégalement [185] .

Requête en contestation d’élections

Tout candidat ou toute personne ayant qualité d’électeur peut contester les résultats d’une élection en déposant une requête en contestation d’élections auprès du greffier du tribunal provincial ou territorial compétent à instruire une telle requête en vertu de la Loi sur les élections fédérales contestées [186] . La requête en contestation d’élections énonce les raisons de la plainte, à savoir un rapport irrégulier, ou illégal, l’élection irrégulière d’un député [187] , l’absence de rapport [188], des rapports doubles [189], un rapport spécial [190] , ou des manœuvres frauduleuses ou illégales en vertu de la Loi électorale du Canada [191] . Le pétitionnaire doit signer la requête et fournir un cautionnement de 1000$ au tribunal au moment de la présentation de la requête [192] .

La Loi sur le Parlement du Canada stipule qu’un député qui a été déclaré élu ne peut démissionner tant que son élection est contestée [193] . Toutefois, si le député fait savoir au tribunal ou au juge instructeur qu’il n’a pas l’intention de s’opposer à la requête en contestation d’élections, il ne peut ni siéger ni voter à la Chambre des communes tant que les juges instructeurs n’ont pas remis le rapport au Président [194] .

Instruction de la requête en contestation d’élections

Toute requête en contestation d’élections est instruite par deux juges de la cour supérieure de la province et de la circonscription dont l’élection est contestée [195] . L’instruction de la requête a pour but de déterminer si un député a été dûment élu, si un autre candidat aurait dû l’être à sa place ou encore si l’élection doit être annulée. Dans le cadre de leur instruction, les juges vérifient les bulletins pour y déceler toute irrégularité et examinent toute allégation d’acte illégal ou de manœuvre électorale frauduleuse. Ils peuvent aussi assigner des témoins et les interroger.

Une fois terminée l’instruction d’une requête en contestation d’élections, les juges instructeurs rendent une décision, certifiée par écrit, au Président de la Chambre des communes dans les 12 jours [196] . Si une partie n’est pas satisfaite de la décision du tribunal, appel peut être interjeté à la Cour suprême du Canada dans les huit jours qui suivent la date où a été rendue la décision des juges instructeurs [197] .

Si les juges instructeurs concluent qu’il y a eu manœuvres frauduleuses ou actes illégaux, ils font parvenir au Président un rapport décrivant les actes illégaux commis et nommant les personnes mises en cause; ils peuvent en même temps présenter un rapport spécial sur toutes les questions qui devraient être soumises à la Chambre des communes [198] . Il appartient alors à la Chambre des communes de prendre les mesures qu’elle juge appropriées. Il n’est pas délivré de nouveau bref d’élection sauf par ordre de la Chambre des communes [199] .

Rôle du président

Lorsque le Président a reçu les certificats et les rapports des juges instructeurs, ou de la Cour suprême du Canada si un appel a été interjeté, il doit faire connaître la décision à la Chambre [200] . Le Président prend alors toutes les mesures requises pour la confirmation ou la modification du rapport ou pour l’émission d’un nouveau bref d’élection [201] .

Si les juges instructeurs concluent qu’il n’y a eu aucune irrégularité et que le député est dûment élu, le Président informe la Chambre de la décision et le certificat de la décision est publié dans les Journaux du jour [202] . Si le tribunal a déclaré élu un autre candidat, le Président doit prendre toutes les mesures requises pour modifier le rapport [203]  et l’autre candidat doit faire le nécessaire pour tenter de retrouver son siège. Si les juges instructeurs concluent que le candidat élu ou son agent se sont rendu coupables d’un acte illégal ou d’une manœuvre frauduleuse, ils déclarent l’élection nulle [204] . Le siège devient vacant quand le Président reçoit le certificat de décision des juges instructeurs ou la décision de la Cour suprême. Dans l’intervalle, la personne déclarée élue obtient d’office les prestations, services et indemnités auxquels a droit tout député. Le Président demande au directeur général des élections d’émettre un nouveau bref d’élection pour la circonscription en question [205] . En cas de vacance, le premier ministre doit annoncer la date de l’élection partielle dans les six mois de la date à laquelle le directeur général des élections reçoit l’ordre du Président [206] .


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