La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
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Activités quotidiennes

Chacun des trois éléments des activités quotidiennes de la Chambre — la prière, les déclarations de députés et les questions orales — est traité séparément dans le Règlement. (L’hymne national s’y ajoute le mercredi.)

Prière

Avant d’ouvrir les portes au public au début de chaque séance de la Chambre, le Président prend place au fauteuil et lit la prière après s’être assuré de la présence d’un quorum de 20 députés, lui compris, avant que la Chambre n’entame ses travaux [3] . Pendant la lecture de la prière, le Président, les députés et les greffiers au Bureau se tiennent tous debout. Une fois la prière terminée, la Chambre observe un moment de silence pour permettre à chacun de se recueillir et de méditer en privé. À la fin de ce moment de silence, le Président ordonne l’ouverture des portes et la Chambre amorce ses travaux. C’est alors que la télédiffusion des travaux commence et que le public est admis dans les tribunes [4] .

Même si la lecture de la prière au début de chaque session n’est exigée par le Règlement que depuis 1927 [5] , cela fait partie des activités quotidiennes de la Chambre depuis 1877. La Chambre avait alors chargé un comité d’examiner l’opportunité d’utiliser une forme de prière à la Chambre [6] . Ce comité recommandait, dans son rapport, que les travaux de la Chambre commencent chaque jour par la lecture d’une prière et en proposait même la forme [7] . Au cours de la discussion qui a suivi l’adoption du rapport du comité, il a été décidé que la lecture de la prière aurait lieu avant l’ouverture des portes de la Chambre comme c’était déjà la pratique au Sénat du Canada et à la Chambre des communes britannique [8] .

Certains ont suggéré, beaucoup plus tard, de récrire ou de reformuler la prière dans un esprit œcuménique et d’en confier la lecture à un chapelain plutôt qu’au Président [9] . On a aussi recommandé de changer la façon dont la Chambre procède à la prière. Bon nombre de députés ont exprimé le vœu, au cours des ans, que le public soit admis avant la lecture de la prière [10] . La Chambre a adopté, en 1976, une motion recommandant de modifier le Règlement de manière à admettre le public aux tribunes avant la lecture de la prière. La motion prenait cependant la forme non pas d’un ordre mais d’une recommandation, et ne comportait aucune instruction de mise en œuvre du changement. C’est pourquoi le Président a décidé de maintenir la pratique qui consiste à lire la prière avant d’admettre le public tant que le Comité permanent de la procédure et de l’organisation n’aurait pas examiné la question et fait rapport à la Chambre; l’affaire n’a cependant pas eu de suites [11] . Il est toutefois arrivé, en de rares occasions, que le public entende la prière [12] .

La forme de la prière n’a subi aucun changement important jusqu’en 1994 [13], sauf pour les mentions du monarque et de la famille royale [14] . La Chambre a adopté, en 1994, un rapport recommandant une nouvelle formule de prière qui tient davantage compte des différents cultes pratiqués au Canada [15] . Cette prière a été lue pour la première fois lorsque la Chambre s’est réunie pour amorcer ses travaux le 21 février 1994 [16]  :

Dieu tout-puissant, nous te remercions des nombreuses grâces que tu as accordées au Canada et à ses citoyens, dont la liberté, les possibilités d’épanouissement et la paix. Nous te prions pour notre Souveraine, la Reine Elizabeth, et le Gouverneur général. Guide-nous dans nos délibérations à titre de députés et aide-nous à bien prendre conscience de nos devoirs et responsabilités. Accorde-nous la sagesse, les connaissances et la compréhension qui nous permettront de préserver les faveurs dont jouit notre pays afin que tous puissent en profiter, ainsi que de faire de bonnes lois et prendre de sages décisions. Amen.

La prière est suivie d’un moment de silence pour permettre à chacun de se recueillir et de méditer.

Rien n’a été explicité au sujet de l’usage du français et de l’anglais pour la prière. Lorsque la lecture de la prière a d’abord été approuvée en 1877, il a été convenu que la prière serait lue dans la langue dans laquelle le Président était le plus à l’aise [17] . Ce n’est que deux ans plus tard que le Président Blanchet, le premier Président bilingue des Communes, a lancé la pratique d’alterner entre le français et l’anglais pour la lecture de la prière [18] . Bon nombre de Présidents ont fait de même, s’ils étaient à l’aise dans les deux langues, jusque dans les années 1970. Depuis lors, plusieurs Présidents ont fait alterner les deux versions, alors que d’autres ont adopté une version bilingue.

Lorsque la Chambre se réunit le premier jour d’une nouvelle législature ou tout autre jour où elle doit élire un Président, la prière n’est lue qu’après l’élection du Président [19] . Dans ces cas, premier point à l’ordre du jour, l’élection du Président a préséance sur toutes les autres affaires [20] . La Chambre n’est dûment constituée pour entreprendre ses travaux qu’après avoir élu un Président [21] . Lorsque la Chambre se réunit après l’élection du Président, la prière est lue avant que l’assemblée se rende au Sénat pour informer le gouverneur général de son choix [22] .

Hymne national

Sans que le Règlement l’exige, la pratique de chanter l’hymne national chaque mercredi à l’ouverture de la séance s’est établie à la Chambre des communes. Après la lecture de la prière, mais avant d’ouvrir les portes au public, le Président donne la parole à un député afin qu’il entonne l’hymne national [23] .

La pratique qui consiste à chanter l’Ô Canada au début de la séance chaque mercredi est née pendant la 35e législature (1994-1997). Les députés avaient discuté de la possibilité de chanter l’hymne national à la Chambre et la question a été soulevée devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Dans un rapport présenté à la Chambre le 10 novembre 1995, le Comité recommandait qu’un député entonne l’hymne national au début de la séance chaque mercredi; la Chambre a adopté le rapport du Comité au cours de la séance [24] .

Déclarations de députés

Les « Déclarations de députés » constituent le deuxième volet des activités quotidiennes. À 14h le lundi, le mardi, le mercredi et le jeudi et à 11h le vendredi, le Président passe aux « Déclarations de députés » [25] . Lorsque le Président leur donne la parole, les députés qui ne sont pas ministres peuvent parler pendant au plus une minute de pratiquement tout sujet d’intérêt international, national, provincial ou local [26] . Le Président applique rigoureusement la limite de temps.

Si les « Déclarations de députés » commencent à 14h précises (11h le vendredi) [27] , les 15 minutes prévues pour ces interventions sont utilisées intégralement; d’habitude, au moins 15 députés peuvent intervenir. En cas de retard, le temps est réduit d’autant et il se pourrait même que la période des déclarations soit éliminée totalement pour la séance. La période des questions commence à 14h15 précises (11h15 le vendredi), que les « Déclarations de députés » aient duré ou non les 15 minutes prévues. Si trop peu de députés demandaient la parole pour absorber tout le temps prévu, le Président passerait simplement aux « Questions orales », mais cela ne s’est pas encore produit [28] .

Historique

C’est l’adoption de changements provisoires au Règlement en 1982 qui a donné naissance aux procédures des « Déclarations de députés » [29] . La formule utilisée maintenant pour permettre aux députés de faire des déclarations sur des questions d’actualité découle cependant d’un autre article grâce auquel les députés pouvaient, pendant les 60 premières années de la Confédération, solliciter le consentement unanime de la Chambre pour présenter une motion sans préavis [30] . En 1925, un comité spécial faisait observer dans un rapport que « Le consentement unanime de la Chambre est d’ordinaire octroyé avec un tel empressement et si peu de débat, que plus d’une fois les motions passent sans que la Chambre ait eu le temps de s’y reconnaître » et recommandait de modifier l’article en cause afin d’obtenir une explication acceptable des raisons pour lesquelles la Chambre devrait renoncer au préavis [31] . La Chambre a finalement accepté, en 1927, la recommandation de modifier le Règlement de manière qu’on ne puisse plus solliciter son consentement unanime que dans les cas « d’urgence et moyennant des explications préalables de la part du proposeur [32]  ». Le recours à cet article n’a pris de l’ampleur qu’à partir de 1968 quand de plus en plus de députés ont alors commencé à l’invoquer chaque jour avant la période des questions, souvent à l’égard de questions qui ne semblaient présenter aucune « urgence ».

Cette tendance s’est maintenue jusqu’à l’imposition, en 1975, d’une nouvelle restriction limitant à une période restreinte, avant de passer aux « Questions orales », la présentation de ce genre de motions par les députés autres que les ministres [33] . Malgré la perte de temps occasionnée par cet usage abusif, c’est cependant devenu, tout au long des années 1970 et au début des années 1980, un aspect courant des travaux de la Chambre [34] . En 1982, un comité spécial sur la procédure est arrivé à la conclusion que « […] l’article 43 sert à des fins autres que celles auxquelles il a été prévu. Il suscite également des objections parce que le refus de la Chambre de consentir unanimement à débattre des motions qui s’inspirent des meilleurs sentiments peut souvent être interprété comme un rejet de ces motions ». La Chambre a entériné la recommandation du comité d’abolir cet article du Règlement et adopté sa proposition de le remplacer par un nouvel article qui « permettrait aux députés de faire des déclarations au sujet de questions d’actualité chaque jour pendant les 15 premières minutes de la séance » [35] . Alors que les députés pouvaient, à l’origine, prendre la parole pendant au plus 90 secondes, l’article a été modifié en 1986 de manière à réduire la durée des interventions à une minute maximum [36] .

Directives

Les Présidents se sont fondés, pour présider au déroulement de cette activité quotidienne, sur des interdictions claires. Lorsque la procédure des « Déclarations de députés » a été introduite, en 1983, le Président Sauvé a précisé que [37]  :

  • les questions soulevées doivent être importantes, mais pas nécessairement urgentes;
  • les attaques personnelles ne seront pas tolérées [38] ;
  • les messages de félicitations, les déclamations de poèmes et les plaisanteries sont inacceptables.

Ces directives demeurent en vigueur, mais les Présidents ferment souvent les yeux dans le dernier cas [39] .

Ces déclarations ont été frappées d’autres restrictions depuis 1983. Il est arrivé que le Président interrompe un député et le prie de se rasseoir pour avoir :

  • utilisé des propos offensants [40] ;
  • critiqué le comportement d’un sénateur [41] ;
  • critiqué les actions du Sénat [42] ;
  • dénoncé la décision d’un tribunal [43] ; et
  • porté atteinte à la réputation d’un juge [44] .

Le Président a aussi mis en garde les députés de ne pas profiter de l’occasion pour faire des observations diffamatoires au sujet de membres du public [45] , de ne pas citer les propos d’un simple citoyen comme point de départ d’une déclaration [46] , ni de faire des déclarations à caractère commercial [47] .

L’occasion d’intervenir pendant les « Déclarations de députés » est répartie entre les simples députés de tous les partis. Pour donner la parole aux députés, le Président se fonde sur les listes établies par les whips de chaque parti et tente de répartir le temps équitablement entre les députés du parti ministériel et ceux de l’opposition [48] . S’il n’est pas permis aux ministres de profiter de cette période pour s’adresser à la Chambre, les secrétaires parlementaires peuvent le faire [49] . Les chefs des partis de l’opposition en ont profité pour faire des interventions [50] . Il est aussi arrivé que des présidents de séance autres que le Président fassent, en leur qualité de députés, des déclarations [51] .

En temps normal, les rappels au Règlement découlant des « Déclarations de députés » sont reportés à la fin de la période des questions [52] , mais dans certains cas l’utilisation de propos non parlementaires est examinée sur-le-champ [53] .

L’acceptabilité de chaque déclaration est laissée à la discrétion du Président qui peut ordonner à tout député qui abuse de cet article du Règlement de se rasseoir [54] . Comme l’indiquait toutefois le Président Parent, dans une décision rendue en 1996, « la présidence est souvent coincée entre le respect de la liberté de parole et le débit rapide des déclarations de 60 secondes [55]  ». Il est souvent difficile pour la présidence de voir ce à quoi un député veut en venir et de déterminer si ses observations sont acceptables ou non avant que la déclaration ne soit terminée.

Questions orales

Les « Questions orales » constituent la troisième phase des activités quotidiennes. À chaque séance, la période des questions commence, après les « Déclarations de députés », au plus tard à 14h15 (11h15 le vendredi) [56] . Elle dure au plus 45 minutes. Les députés peuvent alors essayer d’obtenir de l’information des ministres en posant des questions sur des sujets relevant de la compétence du gouvernement fédéral. La période des questions est examinée de plus près au chapitre 11, « Les questions ».


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